mardi 25 juin 2013

Libéralisme Ch. 27 et 28

XXVII
 
Fin de l'opportune et décisive citation de la Civiltà Cattolica
 
« Nous avons, poursuit la Civiltà, défendu contre les libéraux notre façon spéciale d'écrire, en démontrant sa conformité parfaite avec la charité qu'ils nous recommandent sans cesse. Et parce que jusqu'à présent nous nous sommes adressés aux libéraux, personne n'aura été surpris du ton ironique que nous avons pris avec eux, convaincus comme nous l'étions, qu'il n'y avait pas excès de cruauté à opposer aux dires et aux actes du libéralisme ce petit nombre de figures de rhétorique. Toutefois, puisque nous touchons aujourd'hui à cette question, il ne sera peut-être pas oiseux, en changeant de style, et en répétant ce que nous avons écrit en d'autres occasions sur ce sujet, de terminer cet article par quelques mots adressés sérieusement et avec respect à ceux qui, n'étant libéraux en aucune façon, se montrent même les adversaires résolus de la doctrine libérale. Néanmoins ils peuvent croire qu'il n'est jamais permis, qu'on écrive contre qui que ce soit, de se départir de certaines formes de respect et de charité, dont à leur avis nos écrits n'auraient pas assez tenu compte, et ils ont peut-être blâmé l'insuffisante soumission de nos écrits à cette loi.
 
« Nous voulons répondre à cette censure tant par le respect dû à ces personnes, que par l'intérêt de notre propre défense. Or, nous ne pouvons le faire mieux qu'en résumant brièvement ici ce que le P. Mamachi , de l'ordre des Frères prêcheurs, dit de lui-même dans l'Introduction au Livre III de son très docte ouvrage intitulé : Du Libre droit qu'a Église d'acquérir et de posséder des biens temporels. « Quelques-uns, dit-il, veulent bien s'avouer vaincus par nos raisons, et nous déclarent toutefois amicalement qu'ils auraient désiré dans les réponses que nous avons faites à nos adversaires plus de modération. Nous n'avons pas combattu pour nous, mais pour la cause de Notre-Seigneur et de son Église, et, si nombreuses qu'aient été les attaques dirigées contre nous à l'aide de mensonges manifestes et d'atroces impostures, nous n'avons jamais voulu prendre en main la défense de notre personne. Si nous avons employé quelques expressions âpres ou vives en apparence, qu'on ne nous fasse pas l'injure de les attribuer à un mauvais cœur ou à de la rancune contre les écrivains que nous combattons ; nous n'avons reçu d'eux aucune injure ; nous n'avons aucun rapport avec eux ; nous ne les connaissons même pas. C'est le zèle que nous devons tous avoir pour la cause de Dieu, qui nous a mis dans la nécessité de crier et de faire retentir notre voix comme la voix de la trompette.
 
« Mais, le décorum de l'homme d'honneur ? Les lois de la charité ? Les maximes et les exemples des saints ? Les préceptes des apôtres ? L'esprit de Jésus-Christ ?
 
« Patience, peu à peu nous y arriverons. Est-il vrai que les hommes dévoyés, aveuglés par l'erreur, aient droit à quelque charité ? Oui, quand il y a espérance fondée de les ramener ainsi à la vérité. Non, si cet espoir n'est pas fondé et si l'expérience a démontré que, dans le cas où nous garderions le silence et ne découvririons pas au public le tempérament et l'humeur de celui qui sème l'erreur il s'ensuivrait un très grand dommage pour les peuples. Il y aurait alors cruauté à ne pas dénoncer très haut et très librement de tels propagandistes, à ne point leur jeter en face les épithètes qu'ils méritent si bien.
 
« Les saints Pères avaient sans aucun doute une connaissance très nette des lois de la charité chrétienne et c'est pour cela que le docteur angélique Saint Thomas d'Aquin, au commencement de son célèbre opuscule : Contre les adversaires de la Religion, représente Guillaume et ses sectateurs (qui n'étaient certainement pas encore condamnés par l'Église) comme des ennemis de Dieu, des ministres du diable, des membres de l'antéchrist, des ennemis du salut du genre humain, des diffamateurs, des semeurs de blasphèmes, des réprouvés, des pervers, des ignorants, des émules de pharaons pires que Jovinien et Vigilance. « Avons-nous donc jamais été aussi loin ?

 
« Saint Bonaventure, contemporain de saint Thomas, crut lui aussi devoir reprendre Gérald avec la plus grande dureté, en l'appelant insolent, calomniateur, fou, impie, triple sot, escroc, empoisonneur, ignorant, imposteur, malfaiteur, perfide et insensé. Nous est-il arrivé quelquefois de traiter ainsi nos adversaires ?

 
« C'est très justement, - continue le P. Mamachi - que saint Bernard a été surnommé le Mellifilue. Nous ne nous arrêterons pas à reproduire ici toutes les duretés qu'il s'est permises contre Abélard ; nous nous contenterons de citer ce qu'il a écrit contre Arnauld de Brescia, qui ayant déclaré la guerre au clergé et voulu le priver de ses biens fut un des précurseurs des politiques de notre temps. Eh bien ! le saint docteur le traite de « désordonné, de vagabond, d'imposteur, de vase d'ignominie, de scorpion vomi par Brescia, vu avec horreur à Rome et avec abomination en Allemagne ; il fut, dit-il, dédaigné du Souverain Pontife, glorifié par le diable, ouvrier d'iniquité, mangeur de peuple, bouche pleine de malédictions, semeur de discorde, fabricant de schismes, loup féroce ».
 
« Saint Grégoire le Grand, dans sa réprimande à Jean, évêque de Constantinople, lui jette à la face son profane et criminel orgueil, sa superbe de Lucifer, ses sottes paroles, sa vanité, son esprit borné.
 
« Ce n'est pas autrement que s'exprimèrent saint Fulgence, saint Prosper, saint Jérôme, le pape saint Sirice, saint Jean Chrysostome, saint Ambroise, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Hilaire, saint Athanase, saint Alexandre, évêque d'Alexandrie, les martyrs Corneille et Cyprien, Justin, Athenagore, Irénée, Polycarpe, Ignace d'Antioche, Clément, tous les Pères enfin, qui dans les plus beaux temps de l'Église, se distinguèrent par leur héroïque charité.
 
« Je passerai sous silence les caustiques appliqués par quelques-uns d'entre eux aux sophistes de leur époque, moins insensés toutefois que ceux de la nôtre, et agités de passions politiques beaucoup moins ardentes.

 
« Je citerai seulement quelques passages de saint Augustin. Ce Père a remarqué que dans la correction les hérétiques sont aussi insolents que peu endurants.

 
« Beaucoup d'entre eux, impatientés de la correction, lancent à ceux qui les reprennent les épithètes de tapageurs et de querelleurs. » Il ajoute ensuite « Que quelques égarés ont besoin d'être combattus avec une charitable âpreté. »
 
« Voyons à présent, comment il savait mettre en pratique les règles tracées par lui-même.
 
« Il appelle plusieurs de ces égarés séducteurs, méchants, aveugles, sots, hommes gonflés d'orgueil et calomniateurs, d'autres imposteurs de la bouche desquels il ne sort que de monstrueux mensonges, pervers, mauvaises langues, esprits en délire, bavards stupides, furieux, frénétiques, esprits de ténèbres, faces éhontées, langues impudentes.
 
« Il disait à julien : « Ou bien tu calomnies de propos délibéré, en inventant ces choses, ou bien tu ne sais pas ce que tu dis, parce que tu ajoutes foi à des imposteurs. « Ailleurs, il le traite de «trompeur, de menteur, d'esprit faux, de calomniateur et d'imbécile. »
 
« Que nos accusateurs répondent maintenant : avons-nous jamais rien dit de semblable ? Et même ne sommes-nous pas beaucoup au-dessous ?
 
« Ces extraits suffisent. Nous n'y avons rien inséré du nôtre, et, pour abréger, nous avons fait seulement quelques coupures dans le texte du Père Mamachi, omettant entre autres ses citations des Pères. Pour la même raison, nous avons omis la partie de sa charitable rudesse tirée de l'Évangile.
 
« Nos aimables censeurs voudront bien déduire de ces exemples que leur critique, quel qu'en soit le motif, qu'elle se base sur un principe de morale ou sur des règles de convenance sociale et littéraire, se trouve pleinement réfutée par l'exemple de tant de saints, dont quelques-uns furent d'excellents littérateurs, ou, pour le moins, très discréditée et réduite à n'avoir qu'une valeur tres incertaine.
 
« Et maintenant, si on veut joindre à l'autorité des exemples, celle des raisons, le cardinal Pallavicini les expose très clairement et très brièvement au chapitre II du livre I de son Histoire du Concile de Trente. Dans ce chapitre, avant de montrer ce que fut Sarpi, à savoir « pervers, d'une malice notoire, faussaire, félon au premier chef, contempteur de toute religion, impie et apostat », le savant cardinal dit, entre autres choses, que « refuser de faire grâce de la vie à un malfaiteur, afin de sauver un grand nombre d'innocents, est un acte de charité ; de même, c'est charité que de ne point faire grâce à la réputation d'un impie, afin de sauver l'honneur d'un grand nombre d'hommes de bien. Toute loi permet, pour défendre un client contre un faux témoin, de citer en justice et de prouver ce qui est de nature à le flétrir, de faire contre lui des révélations qui en d'autres circonstances seraient passibles des peines les plus graves. Pour ce motif, moi, qui défends ici devant le tribunal du monde, non un client particulier, mais toute l'Église catholique, je serais un vil prévaricateur si je n'imprimais pas sur le front des témoins imposteurs, preuves à l'appui, une tache d'infamie qui annule ou tout au moins affaiblisse leur témoignage.
 
« L'avocat, qui, pouvant montrer dans l'accusateur de son client un calomniateur, garderait le silence par charité, serait à bon droit tenu pour prévaricateur. Pourquoi donc ne pas convenir qu'on ne viole nullement la charité en dévoilant les hontes de ceux qui persécutent toute innocence ?
 
« Ce serait là méconnaître ce que saint François de Sales enseigne dans sa Philothée à la fin du chapitre XX de la IIe partie. « J'excepte de ceci dit-il, les ennemis déclarés de Dieu et de son Église, lesquels doivent être diffamés autant que possible (bien entendu, sans blesser la vérité) : c'est une œuvre de grande charité que de crier « au loup » quand il est au milieu du troupeau ou en tout autre endroit qu'on l'aperçoive ».
 
Voilà comment s'exprime la Civiltà Cattolica (vol. I, série V, page 27). Cet article a toute l'autorité que lui donne son origine si élevée et si digne de respect, toute la force des raisons irréfutables qu'il fait valoir et celle enfin des glorieux témoignages qu'il cite.
 
En voilà, ce nous semble, plus qu'il n'en faut pour convaincre quiconque n'est pas libéral, ou misérablement entaché de libéralisme.
 
XXVIII
 
Y a-t-il ou peut-il y avoir dans l'Église des ministres de Dieu attaqués de l'horrible contagion du libéralisme ?
 
Malheureusement il n'est point rare que des ecclésiastiques subissent la contagion du libéralisme, et l'erreur libérale tire un grand profit de ce fait. La singulière théologie de certaines gens convertit en argument de grand poids l'opinion ou les actes de tel ou tel ecclésiastique ; nous en avons fait de tout temps la triste expérience dans la catholique Espagne. Il convient donc de traiter aussi ce sujet avec tous les égards qu'il réclame et de poser avec sincérité la question suivante : peut-il y avoir des ministres de l'Église entachés de libéralisme ? Oui, ami lecteur, hélas oui ! Il peut malheureusement se rencontrer des ministres de l'Église qui soient libéraux exaltés, libéraux modérés ou entachés de libéralisme, exactement comme des séculiers. Le ministre de Dieu n'est pas exempté du misérable tribut à payer aux humaines faiblesses, et, par conséquent, il l'a payé souvent à l'erreur contre la foi.

 
Que voit-on là d'extraordinaire, puisque c'est à peine si dans l'Église de Dieu une seule hérésie s'est élevée et propagée sans le secours d'un ecclésiastique ?
 
Bien plus, il est historiquement certain qu'en aucun siècle les hérésies n'ont pu, ni faire quelque bruit ni se développer, si dès le début elles n'ont point eu de prêtres à leur service.
 
Le prêtre apostat est le premier facteur que recherche le diable pour réaliser son œuvre de rébellion. Il a besoin de la présenter aux regards des gens avec quelque apparence d'autorité ; or, rien ne le sert autant sous ce rapport que le contreseing d'un ministre de l'Église. Et comme malheureusement il se trouve toujours, dans cette sainte Église, des ecclésiastiques corrompus dans leur mœurs, corruption par où l'hérésie chemine le plus communément, ou bien aveuglés par l'orgueil, cause très fréquente aussi d'erreur, il en résulte qu l'Esprit mauvais, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, a eu de tout temps à sa disposition des apôtres et des fauteurs parmi le clergé.
 
Judas, qui commença, pendant son apostolat, par murmurer et semer de soupçons contre son divin Maître et qui finit par le vendre à ses ennemis, est le premier type du prêtre apostat semeur de zizanie parmi ses frères. Or, remarquez le bien, Judas fut un des douze premiers prêtres ordonnés par le Sauveur lui-même.
 
La secte des Nicolaïtes tira son origine de Nicolas, un des sept premiers diacres ordonnés par les Apôtres, pour le service de l'Église, compagnon de saint Etienne et proto-martyr.
 
Paul de Samosate, fameux hérésiarque du troisième siècle, était évêque d'Antioche.
 
Novatien, prêtre de Rome, fut le père et le fondateur du schisme des novatiens qui troubla si profondément l'Église universelle.
 
Mélèce, évêque de la Thébaïde, fut auteur et chef des méléciens.
 
Tertullien, prêtre et éloquent apologiste, tomba dans l'hérésie des montanistes et y mourut.
 
Parmi les Pricillianistes espagnols, qui causèrent tant de scandale dans notre patrie au quatrième siècle, figurent les noms d'Itace et de Salvien, deux évêques que Hygin démasqua et combattit. Ils furent condamnés dans un concile tenu à Saragosse.
 
De tous les hérésiarques qui ont paru dans l'Église, Arius est peut-être le principal. L'arianisme parvint à entraîner dans sa voie autant de royaumes que le luthéranisme en a entraînés de nos jours ; Arius était un prêtre d'Alexandrie, dépité de n'avoir pu atteindre à la dignité épiscopale. Cette secte eut un clergé si nombreux que pendant longtemps, dans une grande partie du monde, il n'y eut pas d'autres prêtres et d'autres évêques que des prêtres et des évêques ariens.
 
Nestorius, un autre fameux hérétique des premiers siècles de l'Église, fut moine, prêtre, évêque de Constantinople et grand prédicateur. De lui procède le nestorianisme.
 
Eutichès, auteur de l'eutichianisme, était prêtre et abbé d'un monastère de Constantinople.
 
Vigilance, l'hérétique cabaretier, si finement tourné en ridicule par saint Jérôme, avait été ordonné prêtre à Barcelone.
 
Pélage, père du pélagianisme, objet de presque toutes les polémiques de saint Augustin, était un moine, endoctriné dans ses erreurs sur la grâce par Théodore, évêque de Mopsuete.
 
Le schisme des donatistes compta dans ses rangs un grand nombre de prêtres et d'évêques.
 
A leur sujet, un historien moderne (Amat, Hist. de l'Eglise de J-C.) s'exprime ainsi : « Tous imitèrent bientôt l'arrogance de leur chef Donat. Possédés d'une espèce de fanatisme d'amour-propre, il n'y eut ni évidence, ni prévenance, ni menace capables de les faire renoncer à leur manière de voir. Les évêques se croyaient infaillibles et impeccables ; les fidèles qui partageaient ces idées s'imaginaient suivre une voie sûre en marchant sur les traces de leurs évêques, même contre toute évidence ».

 
Sergius, patriarche de Constantinople, fut le père et le docteur des monothélites.
 
Félix, évêque d'Urgel, le fut des adoptiens.
 
Constantin, évêque de Natolie, Thomas, évêque de Claudiopolis, et d'autres prélats que combattit saint Germain, patriarche de Constantinople, tombèrent dans la secte des Iconoclastes.

 
Inutile de nommer les auteurs du grand Schisme d'Orient : ce furent, on le sait, Photius, patriarche de Constantinople, et ses évêques suffragants.
 
Béranger, le pervers détracteur de la Sainte Eucharistie, fut archidiacre de la cathédrale d'Angers.
 
Wicleff, un des précurseurs de Luther, était curé en Angleterre.
 
Jean Huss, son compagnon d'hérésie, était curé en Bohême. Tous deux furent condamnés et exécutés comme chef des wiclefistes et des hussites. De Luther, il suffit de rappeler qu'il fut moine augustin de Wittemberg. De Zwingle, qu'il était curé de Zurich.
 
De Jansénius, évêque d'Ypres, qu'il fut l'auteur du maudit jansénisme.
 
Le schisme anglican, auquel la luxure de Henri VIII donna le jour, fut principalement soutenu par son favori, l'archevêque Crammer.

 
Lors de la Révolution française, les plus graves scandales dans l'Église de Dieu furent donnés par des prêtres et des évêques révolutionnaires. Les apostasies qui affligèrent les hommes de bien à cette triste époque excitent à la fois l'horreur et l'épouvante, et la Convention française fut témoin de scènes que le lecteur peut lire dans Henrion ou tout autre historien.
 
Les mêmes faits se produisirent en Italie. On ne connaît que trop les apostasies publiques de Gioberti, du Frère Pantaléon, de Passaglia et du cardinal Andréa.
 
En Espagne, il y eut des prêtres dans les clubs de la première époque constitutionnelle, des prêtres dans le nombre des incendiaires des couvents, des prêtres impies aux Cortès, des prêtres aux barricades, des prêtres parmi les premiers introducteurs du protestantisme après 1869.

 
Sous le règne de Charles III, il y eut beaucoup d'évêques jansénistes (voir I tome III, de los Hétérodoxos, par Ménendez-Pelayo). Plusieurs d'entre eux demandèrent en leurs pastorales l'inique expulsion de la Compagnie de Jésus, et beaucoup y applaudirent. Aujourd'hui même, dans plusieurs diocèses, il existe de notoriété publique, quelques prêtres apostats et mariés après leur apostasie comme c'est logique et naturel.
 
Il est donc avéré que, depuis Judas jusqu'à l'ex Père Hyacinthe, la race de ministres de l'Eglise traîtres à leur chef et vendus à l'hérésie se continue sans interruption, qu'à côté et en face de la tradition de la vérité, il y a, dans la société chrétienne, la tradition de l'erreur, qu'en opposition avec la succession apostolique des bons et fidèles ministres, l'enfer possède une succession diabolique de ministres pervertis, ce qui ne doit scandaliser personne. Qu'on se rappelle à ce propos la parole de l'Apôtre qui n'a pas oublié de nous avertir qu'il faut qu’il y ait des hérésies afin qu’apparaissent parmi vous ceux qui sont à l'épreuve.
 

dimanche 23 juin 2013

Joyeuse fête à tous les Canadiens-français!


En cette journée de la Nativité de Saint Jean Baptiste nous désirons souhaiter une excellente fête à nos compatriotes canadiens-français!

Nous espérons une renaissance de l’esprit chrétien à notre grand peuple. La porte étant ouverte nous allons encore frapper sur le nouveau peuple Québécois. Saint Pie X nous a donné, à la race canadienne-française, Saint Jean Baptiste comme patron national. Tous ces Québécois qui iront fêter aux plaines d’Abraham (dans la ville de Québec) et ailleurs dans la province se font croire que ces leurs fêtes, mais pantoute!(1) Ces Québécois, ce peuple de révolté, qui lutte contre l’Église  et qui a une haine viscérale de l’Anglais, mais ce qu’il y a de plus ironique dans cette haine-là est que le mot québécois a été inventé par les Anglais eux-mêmes (avec le « Province of Quebec »). Le vrai Canadien-français n’a aucun problème avec le monde anglophone, mais seulement et uniquement la détestation de l’erreur des sectes dites chrétiennes, du protestantisme, anglicanisme, etc.

Notre peuple avait une mission, celle de propager le catholicisme en Amérique du Nord. Chez les peuples sauvages et chez nos amis le peuple anglo-saxon. Le meilleur exemple est Monseigneur Bourget, évêque de Montréal, qui a envoyé plusieurs missionnaires aux États-Unis et au Canada anglais. Cet évêque a travaillé d’arrache-pied pour permettre à nos frères anglais de pouvoir gouter à la vérité du Bon Dieu.

En Canada, nous n’avons pas connu la révolution de 1789 et toute son horreur, nous l’avons plutôt connu dans les années 60 dans la révolution dite tranquille qui fut loin d’être tranquille. Il y a eu un chambardement, un changement de direction, le Québécois naissant s’est fait accroire qu’il était maître de sa destinée. Il s’est fait sa propre histoire, sa conception de la liberté a été prise du monde protestant. Vous pouvez constater l’ironie dans cette vision du monde québécois.

Le Canadien a voulu convertir le monde anglo-saxon, le Québécois lui s’est fait convertir par le monde judéoprotestant. Comment ne pas avoir honte si nous regardons nos ancêtres venus de la Bretagne, de la Normandie qui pour certain on même donné leur sang tel un Dollard des Ormeaux pour sauver la patrie naissante, la honte de voir qu’ils vont fêter en dansant autour d’un feu comme d’une idole et en se saoulant comme le pire peuple païen.

Ils vont brandir le drapeau  fleur de lysée en se faisant croire qu’il n’y a rien de catholique dans celui-ci. Qu’est-ce que nous apercevons dans ce drapeau fleur de lysée? Les lis symbole de la France royaliste, la croix blanche symbole de notre foi. Vous voyez dans le lys la Sainte Trinité, vous pouvez aussi voir les trois vertus théologales que peu de gens connaissent. Ces vertus sont la foi, l’espérance et la charité. Alors nous allons voir beaucoup de fleurs de lysées brandi avec fierté par les bandits de Québécois.

Comment ne pas avoir le cœur déchiré de voir notre emblème repris par ces païens sans histoire?

Le canadien-français doit défendre sa foi et ses traditions si nobles, qui ont fait la force de son peuple, et en ont assuré la survivance. Il est armé pour combattre le matérialisme et gagner la victoire du spiritualisme. Il peut compter sur l’aide de Dieu, s’il demeure fidèle à sa mission.

Voici un passage tiré d’un livre envoyer par un ami « Lambert Closse, La Réponse de la race: Catéchisme national. »

251. Comment appelez-vous la disposition d'âme habituelle d'un catholique devant son devoir national ?

Cet état d'âme, c'est la piété patriotique, c'est une vertu.

252. La piété patriotique est-elle obligatoire ?

Oui, c'est une vertu dont la pratique est obligatoire, elle est un ordre de Dieu. (Gonzague de Reynold).

253. Si la piété patriotique est un ordre de Dieu, nous ne sommes pas libres d'être et d'agir à notre guise ?

Non. « Nous ne sommes pas libres d'agir sans piété à l'égard de notre patrie pas plus qu'à l'égard de nos parents, pas plus que nous sommes libres d'être et d'agir sans religion à l'égard de Dieu. » (Gonzague de Reynold).

254. Comment appelez-vous celui qui agit avec piété à l'égard de sa patrie ?

Un homme de devoir, un patriote.

255. Quelles formes doit revêtir l'accomplissement de notre devoir de patriotisme ?

Il faut tenir compte du passé, du présent et de l'avenir.

256. Comment la patrie peut-elle exister dans le passé ?

La patrie, ce sont nos ancêtres et nous-mêmes.


CHAPITRE SEPTIÈME

PSYCHOLOGIE DE LA PIÉTÉ NATIONALE



257. Comment doit-on considérer un enfant qui n'aime pas sa mère ?

C'est un monstre.

258. Et celui qui n'aime pas sa patrie ?

C'est un monstre national.

259. Qu'est-ce que la patrie pour un Canadien-français ?

C'est une mère.

260. Que faut-il pour aimer quelqu'un ?

Pour aimer quelqu'un, il faut d'abord le connaître.

261. Pour aimer notre patrie, que faut-il ?

Il faut la connaître et pour la connaître, il faut l'étudier.

262. Quelles études s'imposent pour connaître notre patrie ?

L'étude de la géographie du Canada, l'étude de notre histoire, l'étude de l'Eglise au Canada, l'étude de nos devoirs nationaux.

263. Quelle sera la conclusion de ces études ?

La conclusion sera que le Canada est le plus beau pays du monde, que notre histoire est digne de l'histoire de France jusqu'à Louis XV et que l'existence de la race française en Amérique est un miracle de l'Eglise catholique.

264. Quelle est la place de notre étude nationale ?

Immédiatement après celle de notre religion.

265. N'est-ce pas trop de prétention ?

Nullement, parce que celui qui ne connaît pas et n'aime pas sa patrie, quoique savant par ailleurs, n'est qu'un monstre national.

266. Pour arriver à vivre notre patriotisme, que faut-il faire ?

Il nous faut un entraînement pratique et quotidien.

267. Comment s'entraîner à aimer sa patrie ?

Un Canadien français ne devrait pas laisser passer une journée sans apprendre quelque chose de son pays et de ses ancêtres et sans prier pour sa patrie.

268. Doit-il se contenter d'apprendre ?

Non, il faut aussi faire quelque chose pour les siens, agir nationalement.

269. Comment pouvons-nous agir nationalement ?

Nous agissons nationalement quand nous nous acquittons d'une façon parfaite de nos devoirs individuels et religieux d'homme privé et d'homme public.

270. Est-ce que nous pouvons séparer d'une façon concrète le catholique du Canadien français qui est en nous ?

Non, nous ne le pouvons pas, ils seront unis jusqu'à la mort.

271. Ainsi pouvons-nous ne pas agir en catholique quand nous agissons en patriotes ?

Non, nous avons toujours et partout l'obligation de servir Dieu.

272. Qui doit avoir la priorité, Dieu ou la patrie ?

La patrie doit toujours être au service de Dieu et de son Eglise, c'est là l'Action catholique.

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« …car ton bras sait porter l’épée, il sait porter la Croix...et ta valeur, de foi trempée, protégera nos foyers et nos droits. » Hymne des canadiens-français qui a été mal repris pour essayer d’en faire l’hymne du Canada entier.

Prions principalement Saint Jean Baptiste protecteur de la race canadienne-française qu’il nous vienne en aide pour la préservation de notre patrie et tout particulièrement la foi catholique puisse renaître parmi les décombres. Les petits restants ceux qui ont voulu rester Canadien-français, c’est-à-dire catholique, et qui résistent à l’envahisseur judéomaçonnique.

Saint Jean Baptiste, venez-nous en aide!
 
Jacques Cartier plantant la croix à Gaspé avec comme inscription « Vive le Roy de France »

(1) pour nos amis d’ailleurs cela signifie « pas du tout »!

jeudi 13 juin 2013

Léon XIII - Apostolica Curae


18 septembre 1896

Lettre Apostolique du pape Léon XIII
sur les ordinations anglicanes


LÉON, ÉVÊQUE Serviteur des Serviteurs de Dieu

AD PERPETUAM REI MEMORIAM

La sollicitude et l’affection apostoliques avec lesquelles Nous Nous efforçons, sous l’inspiration de la grâce, d’imiter et de faire revivre, conformément à Notre charge, le Pasteur Suprême du troupeau, Notre-Seigneur Jésus-Christ, se portent en grande partie sur la très noble nation anglaise.

Cette bienveillance à son égard, Nous l’avons surtout témoignée dans une lettre spéciale adressée, l’année dernière, aux Anglais qui cherchent le règne du Christ dans l’unité de la foi. Nous avons rappelé l’antique union de ce peuple avec l’Église sa Mère, et Nous Nous sommes efforcé de hâter son heureux retour, en réveillant dans les âmes le zèle de la prière. Récemment encore, lorsque, dans une lettre adressée à tout l’univers, Nous avons voulu traiter d’une façon plus complète de l’unité de l’Église, une de Nos premières pensées a été pour l’Angleterre, dans la douce confiance que Nos lettres pourraient à la fois fortifier les catholiques et apporter une lumière salutaire aux dissidents. Il est une chose que Nous Nous plaisons à reconnaître, elle fait honneur au bon sens de cette nation et montre la préoccupation d’un grand nombre de ses membres pour leur salut éternel : c’est l’accueil bienveillant fait par les Anglais à Nos instances et à la liberté de Notre parole que n’inspirait aucun motif humain.

Aujourd’hui, dans le même but et avec les mêmes dispositions, Nous voulons étudier une question non moins importante, connexe à la première et qui Nous tient également à cœur. Les Anglais, en effet, peu de temps après s’être retirés du centre de l’unité chrétienne, introduisirent publiquement, sous le règne d’Edouard VI, dans la collation des Ordres sacrés, un rite absolument nouveau ; ils perdirent, par suite, le vrai sacrement de l’Ordre tel que le Christ l’a institué et en même temps, la succession hiérarchique : telle était déjà l’opinion commune, confirmée plus d’une fois par les actes et la constante discipline de l’Église.

Cependant, dans des temps plus rapprochés et surtout dans ces dernières années, on vit se ranimer la controverse sur les ordinations conférées dans le rite du roi Edouard. Possèdent-elles la nature et l’effet du sacrement ? Non seulement plusieurs écrivains anglais, mais encore quelques catholiques non anglais pour la plupart, exprimaient à leur sujet une opinion favorable, soit d’une façon catégorique, soit sous forme dubitative.

Les premiers, préoccupés de la dignité du sacerdoce chrétien, désiraient que leurs prêtres jouissent du double pouvoir sacerdotal sur le corps du Christ ; les seconds pensaient faciliter par là leur retour à l’unité : tous étaient persuadés que, par suite des progrès réalisés en ces derniers temps dans ce genre d’études et de la découverte de nouveaux documents ensevelis jusque-là dans l’oubli, Notre autorité pouvait opportunément soumettre de nouveau cette cause à l’examen. Pour Nous, ne négligeant en rien ces desseins et ces vœux, prêtant surtout l’oreille à la voix de Notre charité apostolique, Nous avons décidé de tenter tout ce qui pourrait, en quelque manière, éloigner des âmes tout préjudice ou procurer leur bien.

C’est donc avec bienveillance que Nous avons consenti à un nouvel examen de la question, afin d’écarter à l’avenir, par l’autorité indiscutable de ce nouveau débat, tout prétexte au moindre doute. Quelques hommes, d’une science et d’une érudition éminentes, dont on connaissait les divergences d’idées en cette matière, ont, sur Notre ordre, mis par écrit les motifs de leur opinion ; les ayant ensuite mandés auprès de Nous, Nous leur avons ordonné de se communiquer leurs écrits, ainsi que de rechercher et de peser avec soin tous les autres éléments d’information utiles à la question. Nous avons pourvu à ce qu’ils pussent en toute liberté revoir, dans les archives vaticanes, les pièces nécessaires déjà connues et mettre à jour les documents encore ignorés. Nous avons voulu de même qu’ils eussent à leur disposition tous les actes de ce genre conservés dans le Conseil sacré appelé Suprema, et également tout ce que les hommes les plus compétents ont publié jusqu’ici dans les deux sens.

Après leur avoir ménagé ces facilités, Nous avons voulu qu’ils se réunissent en Commission spéciale ; douze séances ont eu lieu sous la présidence d’un cardinal de la Sainte Église romaine désigné par Nous, avec la faculté pour chacun de soutenir librement son avis. Enfin, Nous avons ordonné que les décisions de ces réunions, jointes aux autres documents, fussent soumises à Nos Vénérables Frères les Cardinaux, et que ceux-ci, après un sérieux examen, discutant la question en Notre présence, Nous disent chacun leur manière de voir.

Cette procédure une fois instituée, il était juste de ne pas aborder l’étude approfondie de cette affaire avant d’avoir soigneusement établi l’état antérieur de la question par suite des décisions du Siège Apostolique et des traditions adoptées, traditions dont il était essentiel d’apprécier l’origine et la valeur. C’est pourquoi Notre attention s’est portée en premier lieu sur les documents par lesquels Nos prédécesseurs, à la demande de la reine Marie, apportèrent leurs soins dévoués à la réconciliation de l’Église d’Angleterre. Jules III envoya à cet effet le cardinal anglais Reginald Polo, homme remarquable et digne de tout éloge, en qualité de légat a latere « comme son ange de paix et de dilection » et lui donna des pouvoirs extraordinaires et des instructions que, dans la suite, Paul IV renouvela et confirma.

Pour bien saisir la valeur intrinsèque des documents mentionnés plus haut, il faut se baser sur ce fait que le sujet qu’ils traitent, loin d’être étranger à la question, la concerne particulièrement et en est inséparable. En effet, puisque les pouvoirs accordés au légat apostolique par les Souverains Pontifes avaient trait uniquement à l’Angleterre et à l’état de la religion dans ce pays, de même, les instructions données par les mêmes Pontifes à ce même légat qui les demandait ne pouvaient nullement se rapporter aux conditions essentielles requises pour la validité de toute ordination, mais elles devaient viser spécialement les dispositions à prendre en vue des ordinations dans ce royaume, suivant les exigences des temps et des circonstances.

Outre l’évidence qui ressort de la nature et de la forme de ces documents, il est clair également qu’il eût été absolument étrange de vouloir apprendre ce qui est indispensable pour la confection du sacrement de l’Ordre à un légat et à un homme dont la science avait brillé jusque dans le Concile de Trente.

En tenant bien compte de cette observation, on comprendra facilement pourquoi Jules III, dans sa lettre du 8 mars 1554 au légat apostolique, distingue formellement ceux qui, promus régulièrement et selon le rite, devaient être maintenus dans leurs Ordres et ceux qui, non promus aux Ordres sacrés, pouvaient y être promus s’ils étaient dignes et aptes. On y voit clairement et expressément indiquées, comme elles existaient en réalité, deux catégories : d’un côté, ceux qui avaient vraiment reçu les Ordres sacrés, soit avant le schisme d’Henri, soit postérieurement par des ministres attachés à l’erreur ou au schisme, mais selon le rite catholique accoutumé ; de l’autre, ceux qui, ordonnés selon le rite d’Edouard, pouvaient, en conséquence, être promus, puisqu’ils avaient reçu une ordination invalide.

Que ce fût bien la pensée du Pontife, c’est ce que prouve clairement la lettre de ce même légat, en date du 29 janvier 1555, transmettant ses pouvoirs à l’évêque de Norwich.

En outre, il faut surtout considérer ce que la lettre même de Jules III dit des pouvoirs pontificaux qui doivent être exercés librement, même en faveur de ceux dont l’ordination a été moins régulière et dénuée de la forme ordinaire de l’Église : ces mots désignaient évidemment ceux qui avaient été ordonnés selon le rite d’Edouard, car ce dernier était, avec le rite catholique, le seul alors employé en Angleterre.

Cette vérité deviendra encore plus manifeste si l’on se rappelle l’ambassade envoyée à Rome au mois de février 1555 par le roi Philippe et la reine Marie, sur le conseil du cardinal Polo. Les trois délégués royaux, hommes éminents et très vertueux, parmi lesquels Thomas Thixlby, évêque d’Elis, avaient la mission d’instruire en détail le Souverain Pontife de la situation religieuse en Angleterre ; ils devaient en premier lieu lui demander la ratification et la confirmation de ce qu’avait fait le légat pour la réconciliation de ce royaume avec l’Église. À cette fin, on apporta au Souverain Pontife tous les documents écrits nécessaires et les passages du nouvel Ordinal concernant surtout cette question. Paul IV reçut la délégation avec magnificence ; les témoignages invoqués furent discutés avec soin par quelques cardinaux et soumis à une mûre délibération : le 20 juin de la même année, Paul IV publiait sous le sceau pontifical la lettre Praeclara carissimi. Dans cette lettre, après une pleine approbation et ratification des actes de Polo, on lit les prescriptions suivantes au sujet des ordinations : « Ceux qui n’ont pas été promus aux Ordres sacrés (...) par un évêque ordonné régulièrement et selon le rite, sont tenus de recevoir à nouveau les mêmes Ordres. » Quels étaient ces évêques non ordonnés régulièrement et suivant le rite, c’est ce qu’avaient déjà suffisamment indiqué les documents ci-dessus et les pouvoirs exercés par le Légat dans cette matière : c’étaient ceux qui avaient été promus à l’épiscopat, comme cela était arrivé pour d’autres dans la réception des Ordres, sans observer la forme habituelle de l’Église, ou la forme et l’intention de l’Église, ainsi que l’écrivait le légat lui-même à l’évêque de Norwich. Or, ceux-là ne pouvaient être assurément que les évêques consacrés suivant la nouvelle forme rituelle que les cardinaux désignés avaient examinée attentivement.

Il ne faut pas non plus passer sous silence un passage de la même lettre pontificale qui se rapporte parfaitement à ce sujet : le Pape y signale parmi ceux qui ont besoin d’une dispense ceux qui ont obtenu d’une façon nulle, quoique de fait, tant les Ordres que les bénéfices ecclésiastiques. Recevoir les Ordres d’une façon nulle, c’est les recevoir par un acte vain et sans effet, c’est-à-dire invalidement, comme nous en avertissent et l’étymologie du mot et son acception dans le langage usuel, étant donné surtout que la même affirmation vise avec les Ordres les bénéfices ecclésiastiques qui, d’après les formelles dispositions des Saints Canons, étaient manifestement nuls, ayant été conférés avec un vice de forme qui les annulait.

Ajoutez à cela que, en réponse aux hésitations de plusieurs se demandant quels évêques pouvaient être regardés comme ordonnés régulièrement et selon le rite dans l’intention du Pontife, celui-ci, peu après, le 30 octobre, publia une seconde Lettre en forme de Bref, où il disait : « Pour mettre un terme à ces hésitations et rassurer la conscience de ceux qui ont été promus aux Ordres durant le schisme, en exposant plus nettement la pensée et l’intention de Notre première Lettre, Nous déclarons que, seuls, les évêques et archevêques non ordonnés et consacrés suivant la forme de l’Église ne peuvent être regardés comme ordonnés régulièrement et selon le rite. » Si cette déclaration n’avait pas dû s’appliquer proprement à la situation de l’Angleterre à cette époque, c’est-à-dire à l’Ordinal d’Edouard, le Souverain Pontife n’aurait pas eu à publier une nouvelle lettre pour mettre un terme aux hésitations et rassurer les consciences. Le légat, d’ailleurs, ne comprit pas autrement les lettres et instructions du Siège Apostolique et s’y soumit avec une religieuse ponctualité : telle fut également la conduite de la reine Marie et de ceux qui, avec elle, travaillèrent à rétablir la religion et les institutions catholiques dans leur première splendeur.

L’autorité de Jules III et de Paul IV, que Nous avons invoquée, fait clairement ressortir l’origine de cette discipline observée sans interruption déjà depuis plus de trois siècles, qui tient pour invalides et nulles les ordinations célébrées dans le rite d’Edouard ; cette discipline se trouve explicitement corroborée par le fait des nombreuses ordinations qui, à Rome même, ont été renouvelées absolument et selon le rite catholique.
L’observation de cette discipline est un argument en faveur de Notre thèse. S’il reste encore un doute sur le sens à donner à ces documents pontificaux, on peut appliquer l’adage : la coutume est la meilleure interprète des lois.

L’Église ayant toujours admis comme un principe constant et inviolable qu’il est absolument interdit de réitérer le sacrement de l’Ordre, il était impossible que le Siège Apostolique souffrît et tolérât en silence une coutume de ce genre. Or, non content de la tolérer, il l’a même approuvée et sanctionnée toutes les fois qu’il s’est agi de juger sur ce point quelque cas particulier. Nous ne citerons que deux faits de ce genre entre beaucoup d’autres déférés dans la suite à la Suprema : l’un, de 1684, concerne un calviniste français ; l’autre, de 1704, est celui de Jean-Clément Gordon ; tous deux avaient reçu les Ordres selon le rite d’Edouard. Dans le premier cas, après une minutieuse enquête, la majorité des consulteurs mirent par écrit leurs vœux (c’est le nom qu’on donne à leurs réponses) ; les autres, s’unissant à eux, se prononcèrent pour l’invalidité de l’ordination ; toutefois, eu égard à certains motifs d’opportunité, les cardinaux crurent devoir répondre : différé. Dans le second cas, les mêmes faits furent examinés à nouveau ; on demanda en outre de nouveaux vœux aux consulteurs, on interrogea d’éminents docteurs de la Sorbonne et de Douai ; on ne négligea, pour connaître l’affaire à fond, aucun des moyens que suggérait une prudence clairvoyante.
Une remarque s’impose : Gordon lui-même, il est vrai, alors en cause, et quelques consulteurs, invoquèrent entre autres motifs de nullité l’ordination de Parker avec le caractère qu’on lui attribuait à cette époque ; mais quand il s’agit de prononcer la sentence, on écarta absolument cette raison, comme le prouvent des documents dignes de toute confiance, et l’on ne retint comme motif qu’un défaut de forme et d’intention. Pour porter sur cette forme un jugement plus complet et plus sûr, on avait eu la précaution d’avoir en main un exemplaire de l’Ordinal anglican, que l’on compara aux formes d’ordination usitées dans les divers rites orientaux et occidentaux. Alors, Clément XI, après avis conforme des cardinaux dont l’affaire ressortissait, porta lui-même, le jeudi 17 avril 1704, le décret suivant : « Que Jean-Clément Gordon reçoive ex integro et absolute tous les Ordres, même les Ordres sacrés et surtout le sacerdoce, et s’il n’a pas été confirmé, qu’il reçoive d’abord le sacrement de Confirmation ». Cette décision, remarquons-le bien, n’a tenu aucun compte du défaut de tradition des instruments, auquel cas l’usage prescrivait de renouveler l’ordination sous condition. Il importe encore davantage d’observer que cette même sentence du Pape concerne d’une façon générale les ordinations anglicanes.

Bien qu’elle se rapportât, en effet, à un cas spécial, elle ne s’appuyait pas néanmoins sur un motif particulier, mais sur un vice de forme dont sont affectées toutes ces ordinations, tellement que, dans la suite, toutes les fois qu’il fallut décider d’un cas analogue, on répondit par ce même décret de Clément XI.
Cela étant, il est clair pour tous que la question soulevée à nouveau de nos jours avait été bien auparavant tranchée par un jugement du Siège Apostolique ; la connaissance insuffisante de ces documents explique peut-être comment certains écrivains catholiques n’ont pas hésité à discuter librement sur ce point. Mais, Nous l’avons dit au début, depuis très longtemps Nous n’avons rien plus à cœur que d’entourer le plus possible d’indulgence et d’affection les hommes animés d’intentions droites. Aussi, avons-Nous prescrit d’examiner encore très attentivement l’Ordinal anglican, point de départ de tout le débat.

Dans le rite qui concerne la confection et l’administration de tout sacrement, on distingue avec raison entre la partie cérémoniale et la partie essentielle, qu’on appelle la matière et la forme. Chacun sait que les sacrements de la nouvelle loi, signes sensibles et efficaces d’une grâce invisible, doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. Cette signification doit se trouver, il est vrai, dans tout le rite essentiel, c’est-à-dire dans la matière et la forme ; mais elle appartient particulièrement à la forme, car la matière est une partie indéterminée par elle-même, et c’est la forme qui la détermine. Cette distinction devient plus évidente encore dans la collation du sacrement de l’Ordre, ou la matière, telle du moins que Nous la considérons ici, est l’imposition des mains ; celle-ci, assurément, n’a par elle- même aucune signification précise, et on l’emploie aussi bien pour certains Ordres que pour la Confirmation.

Or, jusqu’à nos jours, la plupart des anglicans ont regardé comme forme propre de l’ordination sacerdotale la formule : « Reçois le Saint-Esprit » ; mais ces paroles sont loin de signifier, d’une façon précise, le sacerdoce en temps qu’Ordre, la grâce qu’il confère on son pouvoir, qui est surtout le pouvoir de consacrer et d’offrir le vrai corps et le vrai sang du Seigneur, dans le sacrifice, qui n’est pas la simple commémoration du sacrifice accompli sur la Croix. Sans doute, on a ajouté plus tard à cette forme les mots « Pour l’office et la charge de prêtre » ; mais c’est là une preuve de plus que les anglicans eux-mêmes considéraient cette forme comme défectueuse et impropre. Cette même addition, supposé qu’elle eût pu donner à la forme la signification requise, a été introduite trop tard ; car, un siècle s’était déjà écoulé depuis l’adoption de l’Ordinal d’Edouard et, par suite, la hiérarchie étant éteinte, le pouvoir d’ordonner n’existait plus.

C’est en vain que, pour les besoins de la cause, de nouvelles additions furent faites récemment aux prières de ce même Ordinal. Nous ne citerons qu’un seul des nombreux arguments qui montrent combien ces formules du rite anglican sont insuffisantes pour le but à atteindre : il tiendra lieu de tous les autres. Dans ces formules, on a retranché de propos délibéré tout ce qui, dans le rite catholique, fait nettement ressortir la dignité et les devoirs du sacerdoce, elle ne peut donc être la forme convenable et suffisante d’un sacrement, celle qui passe sous silence ce qui devrait y être spécifié expressément.

Il en est de même de la consécration épiscopale. En effet, non seulement les mots « Pour l’office et la charge de l’évêque » ont été ajoutés trop tard à la formule « Reçois le Saint-Esprit », mais encore, comme Nous le dirons bientôt, ces paroles doivent être interprétées autrement que dans le rite catholique. Il ne sert de rien d’invoquer sur ce point la prière qui sert de préambule : « Dieu tout-puissant », puisqu’on y a également retranché les mots qui désignent le sacerdoce suprême. En vérité, il serait étranger à la question d’examiner ici si l’épiscopat est le complément du sacerdoce ou un Ordre distinct ; rechercher si l’épiscopat conféré per saltum, c’est-à-dire à un homme qui n’est pas prêtre, produit ou non son effet, serait également inutile. Il est hors de doute et il ressort de l’institution même du Christ que l’épiscopat fait véritablement partie du sacrement de l’Ordre et qu’il est un sacerdoce d’un degré supérieur ; c’est d’ailleurs ce qu’insinue le langage habituel des saints Pères et les termes usités dans notre rituel où il est appelé le sacerdoce suprême, le sommet du ministère sacré. D’où il résulte que le sacrement de l’Ordre et le vrai sacerdoce du Christ ayant été entièrement bannis du rite anglican, et la consécration épiscopale du même rite ne conférant aucunement le sacerdoce, l’épiscopat ne peut non plus être vraiment et légitimement conféré, d’autant plus que, parmi les principales fonctions de l’épiscopat, se trouve celle d’ordonner les ministres pour la Sainte Eucharistie et le Saint Sacrifice.

Pour apprécier d’une façon exacte et complète l’Ordinal anglican, en dehors des points mis en lumière par certains passages, rien assurément ne vaut l’examen scrupuleux des circonstances dans lesquelles il a été composé et publié. Les passer toutes en revue serait long et inutile ; l’histoire de cette époque montre assez éloquemment quel esprit animait les auteurs de l’Ordinal à l’égard de l’Église catholique, quels appuis ils ont demandés aux sectes hétérodoxes, et quel but ils poursuivaient. Ne sachant que trop la relation nécessaire qui existe entre la foi et le culte, entre la loi de croyance et la loi de prière, ils ont grandement défiguré l’ensemble de la liturgie conformément aux doctrines erronées des novateurs, sous prétexte de la ramener à sa forme primitive. Aussi, dans tout l’Ordinal, non seulement il n’est fait aucune mention expresse du sacrifice, de la consécration, du sacerdoce, du pouvoir de consacrer et d’offrir le sacrifice, mais encore les moindres traces de ces institutions, qui subsistaient encore dans les prières du rite catholique en partie conservées, ont été supprimées et effacées avec le soin signalé plus haut.

Ainsi apparaissent d’eux-mêmes le caractère et l’esprit original de l’Ordinal. Si, vicié dès le début, celui-ci ne pouvait être suivi pour les ordinations, il ne pouvait de même être employé validement dans la suite des temps, puisqu’il demeurait tel quel. C’est donc en vain que, dès l’époque de Charles Ier, plusieurs s’efforcèrent d’admettre quelque chose du sacrifice et du sacerdoce, aucune addition n’ayant été faite depuis à l’Ordinal ; c’est en vain également qu’un petit nombre d’anglicans récemment réunis pensent pouvoir donner à cet Ordinal une interprétation satisfaisante et régulière.

Ces efforts, disons-Nous, ont été et sont stériles, et cela pour cet autre motif que si l’Ordinal anglican actuel présente quelques expressions ambiguës, elles ne peuvent revêtir le même sens que dans le rite catholique. En effet, l’adoption d’un nouveau rite qui nie ou dénature le sacrement de l’Ordre et qui répudie toute notion de consécration et de sacrifice enlève à la formule « Reçois le Saint-Esprit » toute sa valeur ; car cet Esprit ne pénètre dans l’âme qu’avec la grâce du sacrement. Perdent aussi leur valeur les paroles « Pour l’office et la charge de prêtre ou d’évêque et autres semblables » ; ce ne sont plus alors que de vains mots, sans la réalité de la chose instituée par le Christ.

La force de cet argument apparaît à la plupart des anglicans eux-mêmes qui interprètent rigoureusement l’Ordinal ; ils l’opposent franchement à ceux qui, à l’aide d’une interprétation nouvelle et poussés par un vain espoir, attribuent aux Ordres ainsi conférés une valeur et une vertu qu’ils n’ont pas. Cet argument détruit à lui seul l’opinion qui regarde comme forme légitime suffisante du sacrement de l’Ordre la prière Omnipotens Deus, bonorum omnium largitor, qui se trouve au commencement de l’ordination ; et cela même si cette prière pouvait être regardée comme suffisante dans quelque rite catholique que l’Église aurait approuvé.

À ce vice de forme intrinsèque, se lie le défaut d’intention : or, la forme et l’intention sont également nécessaires à l’existence du sacrement. La pensée ou l’intention, en tant qu’elle est une chose intérieure, ne tombe pas sous le jugement de l’Église ; mais celle-ci doit en juger la manifestation extérieure. Ainsi, quelqu’un qui, dans la confection et la collation d’un sacrement, emploie sérieusement et suivant le rite la matière et la forme requises, est censé, par le fait même, avoir eu l’intention de faire ce que fait l’Église.

C’est sur ce principe que s’appuie la doctrine d’après laquelle est valide tout sacrement conféré par un hérétique ou un homme non baptisé, pourvu qu’il soit conféré selon le rite catholique. Au contraire, si le rite est modifié dans le dessein manifeste d’en introduire un autre non admis par l’Église et de rejeter celui dont elle se sert et qui, par l’institution du Christ, est attaché à la nature même du sacrement, alors, évidemment, non seulement l’intention nécessaire au sacrement fait défaut, mais il y a là une intention contraire et opposée au sacrement.

Tout ce qui précède, Nous l’avons longtemps et mûrement médité Nous-même d’abord, puis avec Nos Vénérables Frères juges de la Suprema. Nous avons même spécialement convoqué cette assemblée en Notre présence, le jeudi 16 juillet dernier, en la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel. Ils furent unanimes à reconnaître que la cause proposée avait été déjà depuis longtemps pleinement instruite et jugée par le Siège Apostolique ; que l’enquête nouvelle ouverte à ce sujet n’avait fait que démontrer d’une façon plus lumineuse avec quelle justice et quelle sagesse la question avait été tranchée. Toutefois, Nous avons jugé bon de surseoir à Notre sentence, afin de mieux apprécier l’opportunité et l’utilité qu’il pouvait y avoir à prononcer de nouveau la même décision par Notre autorité et afin d’appeler sur Nous, du ciel, par Nos supplications, une plus grande abondance de lumière.

Considérant alors que ce même point de discipline, quoique déjà canoniquement défini, est remis en discussion par quelques-uns — quel que soit le motif de la controverse —, et qu’il en pourrait résulter une erreur funeste pour un grand nombre qui pensent trouver le sacrement de l’Ordre et ses fruits là où ils ne sont nullement, il Nous a paru bon, dans le Seigneur, de publier Notre sentence.

C’est pourquoi, Nous conformant à tous les décrets de Nos prédécesseurs relatifs à la même cause, les confirmant pleinement et les renouvelant par Notre autorité, de Notre propre mouvement et de science certaine, Nous prononçons et déclarons que les ordinations conférées selon le rite anglican ont été et sont absolument vaines et entièrement nulles.

Puisque c’est en qualité et avec les sentiments de Pasteur suprême que Nous avons entrepris de montrer la très certaine vérité d’une affaire aussi grave, il Nous reste à exhorter dans le même esprit ceux qui souhaitent et recherchent sincèrement le bienfait des Ordres et de la hiérarchie. Jusqu’à ce jour peut-être, excitant leur ardeur pour la vertu, relisant avec plus de piété les Saintes Écritures, redoublant leurs ferventes prières, ils ne répondaient néanmoins qu’avec incertitude et anxiété à la voix du Christ qui les pressait déjà d’appels intérieurs. Ils voient aujourd’hui clairement où ce bon Pasteur les appelle et les veut. Qu’ils rentrent au bercail, ils obtiendront alors les bienfaits désirés et les secours qui en résultent pour le salut, secours dont lui-même a confié l’administration à l’Église, gardienne perpétuelle de sa Rédemption et chargée d’en distribuer les fruits aux nations. Alors ils puiseront avec joie l’eau des fontaines du Sauveur qui sont ses sacrements merveilleux, lesquels rendent l’amitié de Dieu aux fidèles vraiment purifiés de leurs péchés, les nourrissent et les fortifient du pain céleste et leur donnent en abondance de précieux secours pour conquérir la vie éternelle.

S’ils ont véritablement soif de ces biens, que le Dieu de paix, le Dieu de toute consolation, dans sa bonté infinie, les en fasse jouir sans limite.

Nous voulons que Notre exhortation et Nos vœux s’adressent plus spécialement à ceux qui sont considérés par leurs communautés comme des ministres de la religion. Que ces hommes placés au-dessus des autres par leurs fonctions, leur science et leur autorité, qui ont certainement à cœur la gloire de Dieu et le salut des âmes, s’empressent de répondre et d’obéir au Dieu qui les appelle ; ils donneront ainsi un noble exemple. C’est avec une joie singulière que leur Mère l’Église les recevra, les entourera de sa bonté et de ses attentions, comme cela convient pour des hommes qu’une vertu plus généreuse aura fait rentrer dans son sein à travers des difficultés plus particulièrement ardues. On peut à peine dire quel enthousiasme suscitera cette courageuse résolution dans les assemblées de leurs frères, à travers le monde catholique, quel espoir et quelle confiance elle leur permettra un jour, devant le Christ leur juge, et quelle récompense ce Christ leur réserve dans le royaume des cieux. Pour Nous, autant que Nous l’avons pu, Nous ne cessons de favoriser leur réconciliation avec l’Église, dans laquelle, soit isolément, soit en masse — ce que Nous souhaitons très vivement —, ils peuvent choisir beaucoup d’exemples à imiter.

En attendant, prions tous et demandons, par les entrailles de la miséricorde divine, qu’ils s’efforcent de seconder fidèlement l’action évidente de la vérité et de la grâce divine.

Nous décrétons que cette Lettre et tout ce qu’elle renferme ne pourra jamais être taxé ou accusé d’addition, de suppression, de défaut d’intention de Notre part ou de tout autre défaut ; mais qu’elle est et sera toujours valide et dans toute sa force, qu’elle devra être inviolablement observée par tous, de quelque grade ou prééminence qu’on soit revêtu, soit en jugement soit hors jugement ; déclarant vain et nul tout ce qui pourrait y être ajouté de différent par n’importe qui, quelle que soit son autorité et sous n’importe quel prétexte, sciemment ou par ignorance, et rien de contraire ne devra y faire obstacle.

Nous voulons, eu outre, que les exemplaires de cette Lettre même imprimés, portant toutefois le visa d’un notaire et munis du sceau par un homme constitué en dignité ecclésiastique, fassent foi comme le ferait la signification de Notre volonté si on la lisait dans la présente Lettre.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, l’an de l’Incarnation du Seigneur mil huit cent quatre-vingt-seize, aux ides de septembre, en l’année de Notre Pontificat la dix-neuvième,

C. card. DE RUGGIERO.
A. card. BIANCHI,
Pro-Datarius.
VISA
DE CURIA I. DE AQUILA E VICECOMITIBUS.
Loco + Plumbi
Reg. in Secret. Brevium.
I. CUGNONI.

mercredi 12 juin 2013

Libéralisme Ch. 25 et 26

XXV

Confirmation de ce qui vient d'être dit par un article très consciencieux de la Civiltà Cattolica
Nous doutons fort qu'il soit possible d'échapper à l'argument qui suit, parce que, en vérité, il ne laisse aucune porte de sortie. Toutefois, comme la question est de la plus haute importance et que, en ces derniers temps, elle a été l'objet d'une ardente controverse, notre autorité personnelle est trop minime pour trancher cette question par un jugement définitif et nous demandons à nos lecteurs la permission de reproduire, en faveur de notre doctrine, un suffrage de plus grand poids, pour ne pas dire d'une compétence aussi incontestable qu'incontestée : celui de la Civiltà Cattolica, le premier journal religieux du monde, non qu'il soit officiel dans sa rédaction, mais parce qu'il l'est dans son origine. Il fut, en effet, fondé par un bref spécial de Pie IX et confié par lui aux pères de la Compagnie de Jésus. Ce journal dont les articles, sous une forme tantôt sérieuse, tantôt satirique, ne laissent pas un instant de repos au libéralisme italien, s'est vu maintes fois reprocher son manque de charité par les libéraux. En réponse à ces pharisaïques homélies sur la mesure et la charité, la Civiltà Cattolica publia un article magnifique, aussi plein d'humour que de profonde philosophie. Nous allons le reproduire pour la consolation de nos libéraux et la désillusion de tant de pauvres catholiques entachés de libéralisme, qui, faisant chorus avec eux, se scandalisent à toute heure de notre soi-disant manque de modération et l'anathématisent à tout propos. Cet article a pour titre : «Un peu de charité ! » Le voici :
« De Maistre dit que l'Église et les papes n'ont jamais demandé pour leur cause rien de plus que la vérité et la justice. Tout au contraire, les libéraux, par le fait sans doute de la respectueuse horreur qu'ils professent tout naturellement pour la vérité et surtout pour la justice, nous demandent à toute heure : la charité.

« Il y a plus de douze ans que, pour notre part, nous assistons à ce curieux spectacle donné par les libéraux italiens. Ils ne cessent pas un moment de mendier avec des larmes notre charité. Ils en deviennent insupportables, ils en perdent toute pudeur, les bras en croix, en prose, en vers, dans leurs brochures, dans leurs journaux, dans leurs lettres publiques et privées, anonymes et pseudonymes, directement ou indirectement, ils nous supplient d'exercer envers eux la charité pour l'amour de Dieu. Ils nous conjurent de ne plus nous permettre de faire rire le prochain à leurs dépens, et de ne pas nous livrer à un examen aussi détaillé, aussi minutieux de leurs sublimes écrits, de ne point nous opiniâtrer à mettre en lumière leurs glorieux exploits, de fermer nos yeux et nos oreilles à leurs bévues, à leurs solécismes, à leurs mensonges, à leurs calomnies, à leurs mystifications, en un mot de les laisser vivre en paix.

« En définitive, la charité est la charité ! Que les libéraux n'en aient point, c'est si naturel qu'on peut très bien se l'expliquer, mais que les écrivains comme ceux de la Civiltà Cattolica n'en fassent point usage, voilà certes bien une autre affaire. De tous temps les libéraux ont abhorré la mendicité publique jusqu'au point de l'interdire en beaucoup de pays sous peine de prison ; aussi est-ce par un juste châtiment de Dieu, qu'ils se voient réduits à devenir mendiants publics, demandant au nom du ciel, tout comme ces coquins de réactionnaires... un peu de charité !...

« Les libéraux ont imité, par cette édifiante conversion à l'amour de la mendicité, une autre conversion non moins célèbre et non moins édifiante, celle d'un riche avare à la vertu de l'aumône. Le dit avare assistant une fois au sermon entendit une exhortation très chaleureuse à la pratique de l'aumône et en fut tellement ému qu'il se tint pour véritablement converti. En vérité il était si extraordinairement touché du sermon qu'il disait au sortir de l'église : Il est impossible que ces bons chrétiens qui l'ont entendu ne me donnent pas désormais de temps en temps quelque chose par charité. Il en est ainsi de nos stupéfiants libérâtres. Après avoir démontré (chacun dans la mesure de ses moyens) par leurs actes et leurs écrits, qu'ils ont pour la charité un amour égal à celui que le diable professe pour l'eau bénite, quand ils entendent parler d'elle, ils se souviennent tout à coup qu'il existe de par le monde une chose qui s'appelle la vertu de charité et pourrait bien en certaines occasions leur être profitable. Aussitôt ils se montrent éperdument épris d'amour pour elle et vont, la demandant à grands cris au pape, aux évêques, au clergé, aux religieux, aux journalistes, à tous... même aux rédacteurs de la Civiltà ! Il est curieux de suivre toutes les bonnes raisons qu'ils font valoir en leur faveur !
« A les en croire, ils ne tiennent pas du tout ce langage dans leur intérêt propre. Grand Dieu, non! S'ils parlent ainsi, c'est dans l'intérêt de notre très sainte religion, qu'ils portent dans le plus intime de leur cœur et qui a tant à souffrir de notre manière si peu charitable de la défendre ! Ils parlent dans l'intérêt des réactionnaires eux-mêmes et spécialement (qui le croirait ?) dans notre intérêt propre, dans l'intérêt des rédacteurs de la Civiltà Cattolica !

« Quelle nécessité vous pousse à entrer dans ces querelles ? nous disent-ils d'un ton confidentiel. N'avez-vous pas assez d'hostilités à supporter ? Soyez tolérants et vos adversaires le seront avec vous. Que gagnez-vous à faire ce triste métier de chien passant sa vie à aboyer au voleur ? Si à la fin vous êtes battus, roués de coups, à qui vous en prendre, sinon à vous-mêmes et à cet indomptable acharnement que vous avez à chercher les horions ?

« Manière de raisonner sage et désintéressée, dont le seul défaut est de ressembler singulièrement à celle que le commissaire de police recommande à Renzo Tramaglino dans le roman des Fiancés, lorsqu'il essaie de le conduire en prison par la persuasion, craignant, s'il use de la force, que le jeune homme ne fasse résistance. Croyez-moi, disait-il à Renzo, j'ai l'habitude de ces sortes d'affaires ; marchez tout doucement et tout droit, sans vous retourner d'un côté ni de l'autre et sans qu'on vous remarque. Ainsi, personne ne fera attention à nous, personne ne se doutera de rien et vous conserverez votre honneur intact. Mais ici Manzoni fait observer que Renzo n'ajoutait foi à aucune de ces belles raisons. Il ne pouvait croire ni au grand intérêt que le commissaire prenait de son honneur et de sa réputation, ni à la sincérité des intentions qu'il avait de le servir et dont il faisait montre. Le seul résultat de ces exhortations fut donc de le confirmer dans le dessein de tenir une conduite tout opposée à celle qu'on lui conseillait.

« Ce dessein, pour parler d'or, nous sommes fort tentés de le former aussi ; car en vérité, nous ne parvenons pas à nous persuader que le mal, petit ou grand, que nous pouvons causer à la religion, importe peu ou prou aux libéraux, ni qu'ils se donnent tant de peine dans notre intérêt. Nous sommes persuadés au contraire que si les libéraux croyaient véritablement notre manière d'agir préjudiciable à la religion ou à nous-mêmes, ils se garderaient non seulement de nous en avertir, mais encore nous y encourageraient par leurs applaudissements. Nous nous figurons même que le zèle dont ils font parade à notre égard, et les prières réitérées de modifier notre style qu'ils nous adressent, sont le signe le plus clair que la religion n'a rien à souffrir ici de nos procédés, et de plus que nos écrits ont quelques lecteurs, ce qui ne laisse pas d'être toujours pour l'écrivain une petite consolation. Quant à notre intérêt et au principe utilitaire, quoique les libéraux aient toujours passé avec juste raison pour maîtres en ce dernier et qu'ils aient la réputation méritée de l'avoir appliqué en toute occasion bien plus à leur profit qu'au nôtre, il faut qu'ils nous permettent de croire, ainsi que nous l'avons cru jusqu'à ce jour, qu'en toute controverse sur notre manière d'écrire contre eux, nous ne sommes pas les plus à plaindre, ni la religion non plus.

« Par conséquent, étant donné, d'une part, que nous avons manifesté notre humble opinion, de l'autre, que les raisons que nous pourrions appeler intrinsèques et indépendantes du principe utilitaire, alléguées par les libéraux en leur faveur et contre notre manière d'écrire, ont été maintes fois réfutées dans les séries antérieures de la Civiltà Cattolica, que nous reste-t-il à faire ici ? Rien autre, que congédier poliment ces mendiants de nouvelle espèce, en leur conseillant de faire à l'avenir leur métier d'avocat dans leur propre cause plus habilement que ne le faisaient les sbires du dix-septième siècle avec Renzo.

« Mais parce que plusieurs d'entre eux continuent à mendier, et qu'ils ont récemment publié à Pérouse un opuscule intitulé : Qu'est-ce que le parti dit catholique ? qu'ils l'ont consacré tout entier à demander à la Civiltà Cattolica un peu de charité, il ne sera pas inutile, en commençant cette cinquième série, d'opposer une fois de plus aux antiques objections les antiques réponses. Ce sera là, par le fait, une grande charité, non assurément celle que les libéraux implorent de nous, mais une autre fort méritoire : la charité de les écouter avec patience pour la centième fois.

« Du reste, le ton humble et plaintif avec lequel, depuis un certain temps, ils nous prient de leur faire l'aumône d'un peu de charité, ne mérite pas moins ».

XXVI
Continuation de la belle et écrasante citation de la Civiltà Cattolica
Le fameux article de la Civiltà Cattolica et notre très opportune citation continuent en ces termes:
« Si les libéraux nous demandent la véritable charité qui leur convienne, la seule que nous puissions et devions leur accorder comme rédacteurs de la Civiltà Cattolica, nous sommes si loin de vouloir la leur refuser, que nous croyons même la leur avoir abondamment prodiguée jusqu'à cette heure, sinon dans la mesure de leur indigence, du moins dans celle de nos ressources.

« Les libéraux commettent un intolérable abus de parole en disant que nous n'usons pas de charité envers eux. La charité, une dans son principe, est multiple et variée dans ses œuvres. Bien souvent, le père qui frappe rudement son enfant, use envers lui d'autant de charité que celui qui le couvre de baisers. Il se peut même le plus souvent que la charité du père qui baise son fils, soit inférieure à celle du père qui le châtie. Nous frappons les libéraux, ce n'est pas niable, et nous les frappons très souvent (de simples paroles, cela va sans dire), mais qui pourra conclure de ce fait que nous ne les aimons point, que nous n'avons pour eux aucune charité ? Ce reproche s'adresserait plus justement à ceux qui, malgré les prescriptions de la charité, interprètent mal les intentions du prochain. En ce qui nous concerne, tout ce que les libéraux pourront dire, c'est que notre charité envers eux n'est pas la charité qu'ils désirent, mais ce n'en est pas moins de la charité, et même une grande charité. Par ailleurs ce sont eux qui nous demandent la charité ; c'est nous qui la leur donnons gratis, ils feraient donc très sagement de se rappeler ce vieux proverbe : « A cheval donné, ne regarde pas si la bride est dorée ».

« La charité qu'ils voudraient de nous, ce serait de les louer, de les admirer, de les appuyer, ou tout au moins de les laisser agir à leur guise. Nous, au contraire, nous ne voulons leur faire que la charité de les interpeller, de les reprendre, de les exciter par mille moyens à sortir de leur mauvaise voie. Quand ils disent un mensonge, sèment une calomnie ou pillent les biens d'autrui, les libéraux voudraient nous voir cacher ces petits péchés véniels et bien d'autres avec, sous le manteau de la charité. Nous autre, au contraire, nous les apostrophons en face de voleurs, d'imposteurs, de calomniateurs, exerçant ainsi envers eux la plus exquise de toutes les charités, celle qui consiste à ne point flatter et à ne point tromper les personnes auxquelles on veut du bien. Quand il leur échappe quelque distraction grammaticale, orthographique, syntaxique, ou simplement logique, ils nous prient de fermer les yeux sur elles ; ils pleurent, ils geignent et, si nous les en avertissons en public, ils se plaignent de notre manque de charité. Nous au contraire, nous accomplissons à leur intention une bonne œuvre, en les obligeant à palper de leurs propres mains une chose qu'ils ne devraient pas ignorer, à savoir : que non seulement ils ne sont pas des maîtres, comme ils se le figurent, mais encore qu'ils sont à peine de médiocres écoliers. Par ce moyen nous contribuons, dans la mesure de nos forces, à la culture des beaux-arts en Italie, et à l'exercice de l'humilité chrétienne dans le cœur des libéraux qui en ont, comme on sait, le plus grand besoin.

« Messieurs les libéraux voudraient surtout être toujours pris très au sérieux, estimés, révérés, courtisés et traités comme des personnages importants. Ils se résigneraient bien à ce qu'on les réfute, mais à condition que ce soit chapeau bas, échine courbée, la tête humblement et respectueusement inclinée. De là viennent leurs plaintes, lorsque parfois on les chansonne, c'est-à-dire quand on se moque d'eux. D'eux ! les pères de la patrie, les vrais Italiens, l'Italie même ! comme ils ont coutume de s'appeler en abrégé ! A qui la faute, si ces prétentions sont tellement ridicules qu'elles feraient rire aux éclats Héraclite lui-même ?

« Eh bien ! franchement, faut-il pour leur plaire que nous passions notre vie à étouffer la plus naturelle envie de rire ? Nous laisser rire, quand il nous est impossible de faire autrement, est aussi une œuvre de miséricorde, que les libéraux devraient nous octroyer de plein gré, d'autant qu'il ne leur en coûte rien. Le premier venu comprendra sans peine que faire rire honnêtement aux dépens du vice et de l'homme vicieux est une chose fort bonne en soi, du moins si l'on en croit le dicton Castigat ridendo mores ou encore Ridendo dicere verum, quid vetat ? De même faire rire quelquefois nos lecteurs aux dépens des libéraux, est, envers les dits lecteurs, une véritable œuvre de miséricorde et de charité. Ils ne peuvent pas être toujours sérieux et avoir l'esprit tendu en lisant leur journal. Enfin tout bien compté, les libéraux eux-mêmes gagnent beaucoup à être pour les autres un objet de risée : de cette manière le public finit par savoir que tous leurs actes ne sont pas aussi horribles et aussi épouvantables qu'ils peuvent le paraître, attendu que le rire n'est ordinairement provoqué que par les difformités inoffensives.

« Ne nous sauront-ils jamais gré de l'air innocent sous lequel nous nous efforçons de présenter quelques-unes de leurs friponneries ? Comment ne s'aperçoivent-ils pas qu'aucun moyen de les en corriger ne vaudrait ce rire et ce joyeux badinage ? Grâce à leur concours tous ceux auxquels nous présentons les susdites sottises ou fourberies, sous leur véritable jour, s'empressent de les saluer par leur nom propre. Comment ne comprennent-ils pas qu'ils n'ont en ce cas aucun droit à nous reprocher de manquer envers eux, si peu que ce soit, aux préceptes de la charité ?

« S'ils avaient lu la vie de leur grand Victor Alfieri , écrite par lui-même, ils sauraient que, pendant son enfance, sa mère désireuse de le bien élever, avait coutume, lorsqu'elle le prenait en faute, de l'envoyer à la messe avec son bonnet de nuit. Ce châtiment, qui se bornait à le rendre quelque peu ridicule, l'affligea tellement une fois, que pendant trois mois il se conduisit de la façon la plus irréprochable.

« Après cette correction, dit-il, au premier symptôme de caprice, à la première sottise, ma mère me menaçait de l'abhorré bonnet de nuit, et immédiatement je rentrais en tremblant dans la ligne du devoir. Plus tard, étant tombé un jour dans une petite faute, pour l'excuser, je dis à ma mère un énorme mensonge, et je fus de nouveau condamné à porter en public le bonnet de nuit. L'heure arriva ; ma tête fut coiffée dudit bonnet, je pleurai, je criai en vain. Mon précepteur me prit par le bras, un domestique me poussa par derrière, et il me fallut sortir. » Il eut beau crier, pleurer, implorer la charité de sa mère : sa mère qui, voulait son bien, resta inexorable. Quel en fut le résultat ? « Il fut-continue Alfieri, que pendant bien longtemps je n'osais faire le moindre mensonge, et qui sait, si ce n'est pas à ce bienheureux bonnet de nuit que je dois d'être devenu un des hommes les plus ennemis de ce vice ? » Dans ces dernières paroles perce le pharisien, qui se croit toujours meilleur que les autres hommes. Mais nous, qui devons supposer que tous les libéraux tiennent en haute estime les nobles sentiments de leur grand Alfieri, pourquoi n'espérerions-nous pas les corriger du vice honteux de dire des mensonges, ou du moins les empêcher d'en imprimer en les envoyant avec le bonnet de nuit malgré leurs cris, leurs trépignements et leurs appels à la charité... non à la messe, ce qui est impossible, mais faire un tour à travers l'Italie. Et cela, non chaque fois qu'il leur échappe un mensonge, ce serait trop fréquent, mais au moins, lorsqu'ils en impriment un millier d'un seul coup ?

Que les libéraux cessent donc de se plaindre de notre manque de charité ! Qu'ils disent plutôt, s'ils y tiennent, que la charité dont nous les gratifions, ne trouve pas auprès d'eux un bon accueil. Nous le savions déjà, mais ceci prouverait simplement que, vu leur goût dépravé, ils ont besoin d'être traités avec la sage charité dont usent les chirurgiens envers leurs malades, et les médecins d'aliénés envers leurs clients, ou bien encore de celle des bonnes mères envers leurs enfants menteurs.

« Mais quand même il serait vrai que nous ne traitons pas les libéraux avec charité et qu'ils n'ont sous ce rapport à nous savoir gré de rien, ils n'auraient, pour cela, aucun droit de se plaindre de nous.

« On ne peut pas faire la charité à tout le monde ! Nos ressources sont très bornées ; nous faisons la charité selon nos moyens, préférant, comme c'est notre devoir, l'exercer envers ceux à qui la loi de charité bien ordonnée nous commande d'accorder la préférence.

« Nous disons, nous (qu'on le comprenne bien), que nous faisons aux libéraux toute la charité qui nous est possible et nous croyons l'avoir démontré. Mais, en fut-il autrement, nous le répétons avec insistance, les libéraux n'auraient pas à nous fatiguer de leurs plaintes.

« Voici une comparaison qui s'applique exactement à notre cas. Un assassin saisit un pauvre innocent, et va lui enfoncer le poignard dont il est armé dans la gorge. Par hasard passe un quidam qui tient à la main un solide bâton ; il en administre sur la tête de l'assassin un rude coup, l'étourdit, le garrotte, le livre à la justice, arrache ainsi, grâce à sa bonne étoile, un homme innocent à la mort et délivre la société d'un malfaiteur.
« Ce troisième individu a-t-il en rien failli à la charité ? Oui, affirmera l'assassin, qui se ressent encore du coup reçu. Il dira peut-être que contrairement à ce qui s'appelle norma inculpatae tutelae le coup a dépassé, par sa violence, les règles d'une légitime défense, que, moins fort, il aurait bien suffi. Mais, à l'exception de l'assassin, tout le monde louera le passant, et dira qu'il a fait non seulement un acte de courage mais aussi de charité. Non point en faveur de l'assassin, bien entendu, mais de sa victime. Si pour sauver celle-ci, le passant a ouvert le crâne de celui-là, sans prendre le temps de mesurer scrupuleusement la force du coup, ce n'a pas été certainement par défaut de charité ; le cas était si pressant qu'il était impossible d'user de charité envers l'un sans donner à l'autre une bonne volée. Avait-il le temps de s'arrêter à des subtilités sur le plus ou le moins d'inculpatae tutelae ?

« Appliquons la parabole. On publie, par exemple, une brochure calomniatrice, outrageante, scandaleuse, contre l'Église, contre le Pape, contre le clergé, contre une chose bonne, n'importe laquelle. Beaucoup se persuadent que cette brochure contient la pure vérité, attendu que son auteur, quel qu'il soit du reste, est un écrivain ‘’célèbre, distingué, honorable’’. S'il se lève alors quelqu'un pour défendre les calomniés et soustraire les lecteurs naïfs à l'erreur, distribuant quelques volées de bois vert à l'auteur éhonté : aura-t-il, pour ce fait, manqué à la charité ?

« Et maintenant les libéraux ne pourront pas le nier, ils jouent bien plus souvent le rôle de brigand, que celui de victime. Rien de merveilleux dès lors à ce qu'ils attrapent quelques horions, et rien d'étrange à ce qu'ils se plaignent qu'on manque de charité à leur égard. Toutefois qu'ils tâchent d'être moins bruyants, moins bravaches et moins matamores, qu'ils s'accoutument à respecter l'honneur et les biens d'autrui, qu'ils ne répandent pas autant de mensonges, qu'ils ne vomissent pas autant de calomnies et qu'ils réfléchissent un peu avant de donner leur avis sur certains sujets. Qu'ils fassent plus de cas des lois de la logique et de la grammaire, surtout qu'ils soient honnêtes comme le leur conseillait dernièrement le baron Ricasoli, sans grand espoir de succès, en dépit de son autorité et de ses exemples. Alors, ils pourront se plaindre avec quelque raison si on ne les traite pas avec le respect, dont, comme de celui de la liberté, ils prétendent avoir le monopole.

« Mais, puisqu'ils agissent aussi mal qu'ils écrivent, puisqu'ils plongent sans cesse leur poignard dans la gorge de la vérité et de l'innocence, assassins de l'une et de l'autre par leurs doctrines et par leurs livres, qu'ils prennent leur mal en patience. Il nous est impossible, en effet, de leur prodiguer dans nos journaux d'autre charité que celle un peu dure, qui nous paraît être, malgré leur avis, la plus propre à les servir et à profiter à la cause des gens de bien ».