mardi 24 novembre 2015

Saint Jean de la Croix - Père Gabriel de Ste M.-Madeleine



Principes de la vie d'amour.

Tout comme la magnanime Thérèse de Jésus, St Jean de la Croix nous propose une doctrine de totalité. Cette doctrine se présente même sous une forme tellement absolue, qu'elle effraie plus d'un lecteur. Il n'y a pourtant pas de quoi s'épouvanter. Le Saint n'est, en aucun sens, un homme sec et dur comme certains l'ont parfois qualifié. Jugement totalement erroné ! Certes, le Saint se montre exigeant ; mais les exigences de sa doctrine sont toutes des exigences de l'amour ; s'il demande beaucoup, c'est pour nous conduire plus vite aux cimes de l'amour.

Il faut ajouter que ce caractère absolu donne à sa doctrine une clarté manifeste. L'enseignement de Saint Jean est très élevé, mais vraiment très clair, parce qu'il est déduit avec une logique parfaite de quelques principes. Par ailleurs, le regard du grand contemplatif ne demeure pas toujours fixé sur les cimes les plus élevées — nous le verrons sous peu — il sait aussi descendre avec un art éducatif incomparable, jusqu’aux détails de la vie quotidienne, pour réformer l'âme, en ses plus petits mouvements affectifs, afin de la diriger d'une main sûre, à travers tous les dangers de la vie spirituelle.

Nécessité du dépouillement total.

Le grand ennemi de l'amour de Dieu est notre amour-propre. Nous aimons tant jouir ! Toutes nos puissances sont comme autant de tentacules qui s'allongent prêtes à nous enlacer de toutes parts, pour alimenter notre appétit, de bien-être. Cet appétit est si grand qu'il fait naître en l'âme, non seulement l'attache à l'action imparfaite mais aussi au péché, même au péché mortel ! Pauvre âme enserrée de tant de chaînes qui arrêtent en elle le développement de la vie d'amour. « Deux contraires », répète le Saint, « ne peuvent coexister en un même sujet » ; or l'amour de Dieu et l'amour de la créature, sont deux contraires, en sorte que, dans une même volonté, l'affection à la créature et l'amour de Dieu ne peuvent coexister... Comme dans l'ordre naturel des choses, une forme nouvelle ne peut .s'introduire dans un sujet, si elle n'en a pas auparavant chassé la forme contraire qui la précède... de même, tant que l'âme est assujettie à l'esprit sensible, l'esprit purement spirituel ne peut entrer en elle[i]. Si nous voulons que l'amour divin domine: tout notre amour, il n'y a qu'un moyen : le dépouiller de toute attache à la créature: Il faut acquérir la « nudité de l'esprit »[ii].

L'amour assujettit l'aimée à l'amant ; il fait aimer par l'aimée tout ce que veut l'amant, il transforme la volonté de l'aimée en celle de l'amant ; il fait en sorte qu'il n'y ait plus deux volontés, mais une seule : celle de l'amant à laquelle l'aimée se conforme complètement.[iii] Ces lois générales de l'amour se vérifient pleinement dans l'amour de Dieu. Pour aimer Dieu en perfection, il faut que l'âme perde sa volonté propre en celle de Dieu, qu'elle n'aime plus rien que ce qui est aimé de Dieu autrement il ne peut être question d'une vraie transformation affective. » L'état de l'union divine, dit le Saint « consiste à avoir la volonté totalement transformée dans la volonté de Dieu, au point qu'il n'y ait plus rien en elle d'opposé à la volonté de Dieu, mais qu'en tout et pour tout, elle soit mue uniquement par la volonté de Dieu.

C'est pourquoi nous disons qu'en cet état il n'y a plus qu'une seule volonté, celle de Dieu étant vraiment celle de l'âme. Or, .si l'âme aime quelqu'imperfection que Dieu n'aime pas, l'union de volonté n'existe plus, parce que l'âme voudrait ce que Dieu ne veut pas. Il est donc clair que pour arriver à s'unir parfaitement à. Dieu par amour de volonté, l'âme doit se libérer d'abord de tout appétit volontaire, pour petit qu'il soit »[iv]. Logique inflexible : qui veut être tout à Dieu, doit tout laisser pour Lui. Toto-Nada, Nada, rien, absolument rien. Puissamment expressive est la comparaison typique du Saint : -« L'oiseau demeure attaché avec un fil tenu comme avec un gros fil. Le fil qui le retient a beau être léger, l'oiseau y reste attaché comme à un fil épais, tant que le fil n'est pas détruit ; sans doute le fil tenu se rompt-il plus facilement, mais il doit se rompre, sans quoi l'oiseau ne pourra voler »[v]

Il est donc évident, que pour atteindre l'union, nous devons avoir du courage, être généreux ; c'est une entreprise héroïque ! La cime du Carmel avec son « éternel banquet »[vi] goûté par 1'Epouse qui repose dans les bras du Bien-Aimé, est certes très attrayante, mais pour l'atteindre, il faut gravir les échelons du « rien ». En suivant les sinuosités des chemins plus faciles, nous n'arriverons jamais à temps ; il faut affronter le sentier escarpé. L'espoir d'arriver nous en donnera la force. Mettons-nous donc en route.


P. Gabriel de Ste M.-Madeleine, O.C.D. - Saint Jean de la Croix


[i] Montée I, c. 6, n.1 et 2
[ii] Montée, prologue.
[iii] IIIme Sent., Dist. 27, q. I, a. 1.
[iv] Montée I. c. 11. N. 2 et 3
[v] Montée I. c. 11. N. 4 (n. 3).
[vi] Cfr. le dessin au frontispice de la Montée.

mercredi 11 novembre 2015

Saint Curé d'Ars - Sur l'Impureté

Sur l'Impureté

Ligatis manibus et pedibus ejus, mittite eum in tenebras exteriores : ibi erit fletus et stridor dentium.
Liez-lui pieds et mains, et jetez-le dans les ténèbres extérieures, et là il y aura des pleurs et des grincements de dents.
(S. Matthieu, XXII, 13.)

Si tout péché mortel, M.F., doit nous traîner, nous précipiter, nous foudroyer dans les enfers, comme Jésus-Christ nous le dit dans l'Évangile, quel sera donc le sort de celui qui aura le malheur de se livrer au péché le plus infâme, le péché d'impureté ? O mon Dieu ! peut-on bien oser prononcer le nom d'un vice si horrible, non seulement aux yeux des chrétiens, mais encore à ceux de créatures raisonnables ? Pourrais-je le dire, M.F., et vous, pourrez-vous l'entendre sans frémir ? Ah ! si j'avais le bonheur, en vous montrant toute la noirceur et toute l'horribilité de ce péché, de vous le faire fuir pour jamais ! O mon Dieu ! un chrétien peut-il bien s'abandonner à une passion qui le dégrade jusqu'à le mettre au-dessous de la bête la plus vile, la plus brute, la plus immonde ! Un chrétien peut-il bien se livrer à un crime qui fait tant de ravages dans une pauvre âme ! Un chrétien, dis-je, qui est le temple de l'Esprit-Saint, un membre de Jésus-Christ, peut-il bien se plonger et se rouler, se noyer, pour ainsi dire, dans le limon d'un vice aussi infâme, qui, en abrégeant ses jours, lui faisant perdre sa réputation, lui prépare tant de maux et de malheurs pour l'éternité ! Oui, M.F., pour vous donner une idée de la grandeur de ce péché, je vais :

1° vous montrer, autant qu'il me sera possible, toute l'horribilité de ce crime ;
2°  en combien de manières nous pouvons nous en rendre coupables ; 
3° quelles sont les causes qui peuvent nous y conduire ; 4 enfin, ce que nous devons faire pour nous en préserver.

I. – Pour vous faire comprendre la grandeur de ce maudit péché qui perd tant d'âmes, il faudrait ici étaler à vos yeux tout ce que l'enfer a de plus affreux, de plus désespérant, et, en même temps, tout ce que la puissance de Dieu exerce sur une victime coupable d'un tel crime. Mais, vous comprenez comme moi, que jamais il ne sera donné de saisir la grandeur de ce péché et la rigueur de la justice de Dieu envers les impudiques. Je vous dirai seulement que celui qui commet le péché d'impureté se rend coupable d'une espèce de sacrilège, puisque notre cœur étant le temple du Saint-Esprit, notre corps étant un membre de Jésus-Christ, nous profanons véritablement ce temple par les impuretés auxquelles nous nous abandonnons ; et de notre corps, qui est un membre de Jésus-Christ, nous faisons véritablement le membre d'une prostituée [1]. Examinez maintenant, si vous pourrez jamais vous former une idée qui approche de la grandeur de l'outrage que ce péché fait à Dieu et de la punition qu'il mérite. Ah ! M.F., il faudrait pouvoir traîner ici, à ma place, cette infâme reine Jézabel, qui a perdu tant d'âmes par ses impudicités ; il faudrait qu'elle vous fit elle-même la peinture désespérante des tourments qu'elle endure, et qu'elle endurera toute l’éternité, dans ce lieu d'horreur où elle s'est précipitée par ses turpitudes. Ah ! vous l'entendriez crier du milieu de ces flammes qui la dévorent : « Hélas ! que je souffre ! Adieu, beau ciel, je ne te verrai jamais, tout est fini pour moi. Ah ! maudit péché d'impureté, les flammes de la justice de Dieu me font payer bien cher les plaisirs que j'ai goûtés ! Si j'avais encore le bonheur d'être sur la terre, comme cette vertu de pureté me serait bien plus précieuse qu'elle ne m'a été ! »

Allons encore plus loin, M.F., peut-être que vous sentirez un peu mieux l'horreur de ce maudit péché. Je ne parle pas d'un païen, qui n'a pas le bonheur de connaître le bon Dieu ; mais d'un chrétien qui connaît combien ce vice est opposé à la sainteté de sa condition d'enfant de Dieu, d'un chrétien qui a été tout arrosé du sang adorable, qui tant de fois lui a servi de demeure et de tabernacle. Comment ce chrétien peut-il bien s'abandonner à un tel péché ! O mon Dieu ! peut-on y penser et ne pas mourir d'horreur ! Écoutez ce que dit le Saint-Esprit : Celui qui est assez malheureux pour s'abandonner à ce maudit péché, mérite d'être foulé sous les pieds du démon comme le fumier sous les pieds des hommes [2]. Jésus-Christ dit un jour à sainte Brigitte, qu'il se voyait forcé de préparer des tourments affreux pour punir les impudiques, et que presque tous les hommes étaient atteints de ce vice infâme.

Si nous prenons la peine de parcourir l'Écriture sainte, nous voyons que, depuis le commencement du monde, le bon Dieu a poursuivi les impudiques de la manière la plus sévère. Voyez tous les hommes avant le déluge qui s'abandonnent à ce vice infâme ; le Seigneur ne peut plus les souffrir ; il se repent de les avoir créés ; il se voit forcé de les punir de la manière la plus effroyable, puisqu'il ouvre sur eux les cataractes du ciel et les fait tous périr par un déluge universel [3]. Il fallait que cette terre souillée par tant de crimes, et si horrible aux yeux de Dieu fût purifiée par le déluge ; c'est-à-dire par les eaux de la colère du Seigneur. Si vous allez plus loin : Voyez les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ainsi que les autres villes voisines, leurs habitants se livraient à des crimes si épouvantables d'impureté, que le Seigneur, dans sa juste colère, fit tomber sur ces lieux maudits une pluie de feu et de soufre qui les brûla avec leurs habitants ; les hommes, les bêtes, les arbres, les terres et les pierres furent comme anéantis ; ce lieu a été si maudit de Dieu, qu'il n'est plus maintenant qu'une mer maudite [4]. On l'appelle Mer-morte, parce qu'elle ne nourrit aucun poisson et que, sur ses rivages, on trouve certains fruits qui ont une belle apparence, mais ne renferment qu'une poignée de cendres. Dans un autre endroit, nous voyons que le Seigneur ordonna à Moïse de mettre à mort vingt-quatre mille hommes, parce qu'ils s'étaient abandonnés à l'impureté [5].

Oui, M.F., nous pouvons dire que ce maudit péché d'impureté a été, depuis le commencement du monde, jusqu'à la venue du Messie, la cause de presque tous les malheurs des Juifs. Voyez David, voyez Salomon et tant d'autres. Qui a attiré tant de châtiments sur leurs personnes et sur leurs sujets, sinon ce maudit péché ? O mon Dieu ! que ce péché vous ravit d'âmes, oh ! qu'il en traîne aux enfers !

Si nous passons de l'Ancien Testament au Nouveau, les châtiments ne sont pas moindres. Saint Jean nous dit que Jésus-Christ lui fit voir, dans une révélation, le péché d'impureté sous la figure d'une femme assise sur une bête qui avait, sept têtes et dix cornes [6], pour nous montrer que ce péché attaque les dix commandements de Dieu et renferme les sept péchés capitaux [7]. Si vous voulez vous en convaincre, vous n'avez qu'à examiner la conduite d'un impudique ; vous verrez qu'il n'y a pas un commandement qu'il ne transgresse, et un des péchés capitaux dont il ne se rende coupable, en contentant les désirs de son corps. Je ne veux pas entrer dans tous ces détails, voyez-le vous-mêmes, et vous direz que cela est vrai. Mais j'ajouterai qu'il n'y a point de péché dans le monde qui fasse faire tant de sacrilèges : les uns ne connaissent pas la moitié des péchés qu'ils commettent de cette manière, par conséquent ils ne les disent pas ; les autres ne veulent pas les dire, quoiqu'ils les connaissent ; de sorte que nous verrons au jour du jugement qu'il n'y a point de péché qui ait jeté tant d'âmes en enfer. Oui, M.F., ce péché est si affreux que non seulement nous nous cachons pour le commettre ; mais nous voudrions encore nous le cacher à nous-mêmes, tant il est infâme, même aux yeux de ceux qui s'en rendent coupables !


II. – Mais, pour mieux vous faire comprendre combien ce péché, quoique si affreux, est commun parmi les chrétiens, et comme il est facile de le commettre, je vous dirai en combien de manières l'on pèche contre le sixième commandement de Dieu. L'on pèche en six manières : par pensées, par désirs, par regards, par paroles, par actions et par occasions.

Je dis :

1°, par pensées : il y en a plusieurs qui ne savent pas distinguer une pensée d'avec un désir ; ce qui peut faire faire des confessions sacrilèges. Écoutez-moi bien et vous allez le voir : une mauvaise pensée, c'est lorsque notre esprit s'arrête volontairement à penser à une chose impure, soit par rapport à nous, soit par rapport à d'autres, sans désirer accomplir ce que l'on pense ; on laisse seulement croupir son esprit sur ces choses sales et déshonnêtes. Vous vous accusez de cela ; il faut dire combien de temps vous y avez laissé reposer votre pensée, sans vous en détourner, ou encore si vous avez pensé à des choses qui pouvaient vous y conduire par le souvenir de quelque conversation que vous avez eue, ou de quelque familiarité que vous avez permise, ou de quelque objet que vous avez vu. Le démon ne vous remet cela devant les yeux que dans l'espérance qu'il vous conduira au péché, au moins par la pensée.

2° Nous péchons par désirs. Voilà, M.F., la différence qu'il y a entre la pensée et le désir ; le désir, c'est vouloir accomplir ce à quoi nous pensons ; mais pour vous parler plus clairement, c'est vouloir commettre le péché d'impureté, après y avoir pensé pendant quelque temps, lorsque nous en trouverons l'occasion ou lorsque nous la chercherons. Il faut bien dire si ce désir est resté dans notre cœur, si nous avons fait quelque démarche pour accomplir ce que nous avons désiré, si nous avons sollicité quelques personnes à faire mal avec nous ensuite quelles sont les personnes que nous avons voulu porter au mal, si c'est un frère, une sœur, un enfant ; une mère, une belle-sœur, un beau-frère, un cousin. Il faut bien dire tout cela, autrement votre confession ne vaudrait rien. Cependant, il ne faut nommer les personnes qu'autant qu'il est nécessaire pour faire connaître son péché. Il est bien certain que si vous aviez fait mal avec un frère ou une sœur, et que vous vous contentiez de dire que vous avez fait un péché contre la sainte vertu de pureté, cela ne suffirait pas.

3° L'on pèche par regards, lorsqu'on porte ses yeux sur des objets impurs, ou quelque chose qui peut nous y conduire. Il n'y a point de porte par laquelle le péché entre si facilement et si souvent que par les yeux ; aussi le saint homme Job disait : « Qu'il avait fait un pacte avec ses yeux pour ne jamais regarder une personne en face [8]. »

4° Nous péchons par paroles. Nous parlons, M.F., pour manifester à l'extérieur ce que nous pensons au dedans de nous-mêmes, c'est-à-dire ce qui se passe dans notre cœur. Vous devez vous accuser de toutes les paroles impures que vous avez dites, combien de temps votre conversation a duré ; quel motif vous a engagé à les dire, à quelles personnes et à combien de personnes vous avez pu les dire. Hélas ! M.F., il y a de pauvres enfants, pour lesquels il vaudrait bien mieux trouver sur leur chemin un tigre ou un lion, que certains impudiques. Si, comme l'on dit, la bouche parle de l'abondance du cœur, jugez quelle doit être la corruption du cœur de ces infâmes qui se roulent, se traînent et se noient pour ainsi dire dans la fange de leur impureté. O mon Dieu ! si vous nous dites que l'on connaît l'arbre à son fruit, quel abîme de corruption peut être semblable !

5° Nous péchons par actions. Telles sont les libertés coupables sur soi-même ou sur d'autres, les baisers impurs, sans oser vous dire le reste ; vous comprenez bien ce que je dis. Mon Dieu ! où sont ceux qui, dans leurs confessions, s'accusent de tout cela ? Mais aussi que  de sacrilèges ce maudit péché d'impureté fait faire ! Nous  ne connaîtrons cela qu'au grand jour des vengeances.  Combien de jeunes filles resteront deux ou trois heures  avec des libertins, et il n'y aura sorte d'impureté que  leur bouche infernale ne vomisse continuellement.  Hélas ! mon Dieu, comment ne pas brûler au milieu d'un brasier si ardent ?

6° L'on pèche par occasion, soit en la donnant, soit en la prenant. Je dis, en la donnant, comme une personne du sexe qui est mise d'une manière indécente, laissant son mouchoir trop écarté, ayant le cou et les épaules découverts, portant des vêtements qui dessinent trop les formes du corps ; ou ne portant point de mouchoir en été, ou bien s'habillant d'une manière trop affectée. Non, ces malheureuses-là ne sauront qu'au tribunal de Dieu le nombre de crimes qu'elles auront fait commettre. Combien de gens mariés qui ont moins de réserves que des païens ! Une fille est encore coupable de quantité de péchés impurs, qui sont presque tous des péchés mortels, toutes les fois qu'elle est trop facile et trop familière avec les jeunes gens. L'on est encore coupable, lorsqu'on va avec des personnes que l'on sait n'avoir que des mauvaises paroles à la bouche. Vous pouvez ne pas y avoir pris plaisir, mais vous avez eu le tort de vous y exposer.
Souvent, on se fait illusion, l'on croit ne point faire de mal, tandis que l'on pèche affreusement. Ainsi les personnes qui se voient sous prétexte de mariage, croient qu'il n'y a point de mal de passer un temps considérable seuls, le jour et la nuit. N'oubliez pas, M.F., que tous ces embrassements qui se font dans ces moments sont presque tous des péchés mortels, parce qu'ordinairement ce n'est qu'une amitié charnelle qui les fait faire. Com¬bien de jeunes fiancés n'ont aucune réserve ; ils se chargent des crimes les plus épouvantables, et semblent forcer la justice de Dieu de les maudire au moment où ils entrent dans l'état du mariage. Vous devez être aussi réservés pendant ce temps que vous l'êtes avec vos sœurs ; tout ce que l'on fait de plus est un péché. Hélas ! mon Dieu, où sont ceux qui s'en accusent ? presque personne. Mais aussi, où sont ceux qui entrent dans l'état du mariage saintement ? Hélas ! presque point. De là résultent tant de maux dans le mariage et pour l'âme et pour le corps. Eh ! mon Dieu ! des parents qui le savent peuvent dormir ! Hélas ! que d'âmes qui se traînent dans les enfers !

On pèche encore contre la sainte vertu de pureté quand on se lève la nuit sans être habillé pour sortir, pour aller servir un malade, ou pour aller ouvrir la porte. Une mère doit faire attention de ne jamais avoir de regards déshonnêtes, ni d'attouchements sans nécessité sur ses enfants. Les pères et mères et les maîtres sont coupables de toutes les familiarités qu'ils permettent entre leurs enfants et leurs domestiques, pouvant les empêcher. L'on se rend encore coupable, en lisant et prêtant de mauvais livres ou des chansons licencieuses ; en s'écrivant des lettres entre personnes de différent sexe. L'on participe au péché en favorisant des rendez-vous de jeunes gens, sous prétexte même de mariage.

Vous êtes obligés, M.F., de déclarer toutes les circonstances aggravantes, si vous voulez que vos confessions soient bonnes. Écoutez-moi, vous allez encore mieux le comprendre. Péchez-vous avec une personne déjà abandonnée au vice, qui en fait profession, vous vous rendez volontairement l'esclave de Satan, et encourez la damnation éternelle. Mais, apprendre le mal à une jeune personne, la porter au mal pour la première fois, lui ravir l'innocence, lui enlever la fleur de sa virginité, ouvrir la porte de son cœur au démon, fermer le ciel à cette âme qui était l'objet de l'amour des trois personnes de la Sainte-Trinité, la rendre digne de l'exécration du ciel et de la terre : ce péché est encore infiniment plus grand que le premier, et vous êtes obligés de vous en accuser. Pécher avec une personne libre, ni mariée, ni parente, est, selon saint Paul, un crime qui nous ferme le ciel et nous ouvre les abîmes ; mais pécher avec une personne engagée dans les liens du mariage, c'est un crime qui en renferme un grand nombre d'autres ; c'est une horrible infidélité, qui anéantit et qui profane toutes les grâces du sacrement de mariage ; c'est encore un exécrable parjure qui foule aux pieds une foi jurée au pied des autels, en présence non seulement des anges, mais de Jésus-Christ lui-même ; crime qui est capable d'attirer toutes sortes de malédictions, non seulement sur une maison, mais encore sur une paroisse. Pécher avec une personne qui n'est ni parente, ni alliée, c'est un gros péché, puisqu'il nous perd pour jamais ; mais, pécher avec une parente ou une alliée, c'est-à-dire, un père avec sa fille, une mère avec son fils, un frère avec sa sœur, un beau-frère avec sa belle-sœur, un cousin avec sa cousine, c'est le plus grand de tous les crimes que l'on puisse imaginer ; c'est se jouer des règles les plus inviolables de la pudeur ; c'est fouler aux pieds les droits les plus sacrés de la religion et de la nature. Enfin, pécher avec une personne consacrée à Dieu, c'est le comble de tous les malheurs, puisque c'est un sacrilège épouvantable. O mon Dieu ! peut-il y avoir des chrétiens qui se livrent à toutes ces turpitudes ! Hélas ! si au moins, après de telles horreurs, l'on avait recours au bon Dieu pour lui demander de nous tirer de cet abîme ! Mais, non, l'on vit tranquille, et la plupart n'ouvrent les yeux qu'en tombant en enfer. Vous êtes-vous, M.F., formé une idée de la grandeur de ce péché ? Non, sans doute, parce que vous en auriez bien plus d'horreur, et vous auriez pris plus de précautions pour ne pas y tomber.


III. - Si vous me demandez maintenant ce qui peut nous conduire à un tel crime. Mon ami, je n'ai qu'à ouvrir mon catéchisme et à le demander à un enfant, en lui disant : Qu'est-ce qui nous conduit ordinairement à ce vice honteux ? Il me répondra simplement : Monsieur le Curé, ce sont les danses, les bals, les fréquentations trop familières avec des personnes de différent sexe ; les chansons, les paroles libres, les immodesties dans les habits, les excès dans le boire et le manger.

Je dis : les excès dans le boire et le manger. Si vous me demandez pourquoi cela, le voici, M.F. : C'est que notre corps ne tend qu'à la perte de notre âme ; il faut nécessairement le faire souffrir en quelque manière, sans quoi tôt ou tard, il jettera notre âme en enfer. Une personne qui a bien à cœur le salut de son âme ne passera jamais un jour sans se mortifier en quelque chose dans le boire, le manger, le sommeil. Pour l'excès du vin, saint Augustin nous dit clairement qu'un ivrogne est impudique, ce qui est bien facile à prouver. Entrez dans un cabaret, ou soyez en la compagnie d'un ivrogne, il n'aura pas autre chose à la bouche que les paroles les plus sales ; vous le verrez faire les actions les plus honteuses ; et certainement il ne les ferait pas s'il n'était pas dans le vin. Vous voyez donc par là, M.F., que, si nous voulons conserver la pureté dans notre âme, il faut nécessairement refuser quelque chose à notre corps, sans quoi il nous perdra.

Je dis que les bals et les danses nous conduisent à ce vice infâme. C'est le moyen dont le démon se sert pour enlever l'innocence au moins aux trois quarts des jeunes gens. Je n'ai pas besoin de vous le prouver, vous ne le savez que trop malheureusement par votre propre expérience. Hélas ! combien de mauvaises pensées, de mauvais désirs et d'actions honteuses causées par les danses ! Il me suffirait de vous dire que huit conciles tenus en France défendaient la danse, même dans les noces, sous peine d'excommunication. – Mais, me direz-vous, pourquoi donc y a-t-il des prêtres qui donnent l'absolution à ces personnes sans les éprouver ? – Pour cela, je ne vous en dis rien, chacun rendra compte de ce qu'il aura fait. Hélas ! M.F., d'où est venue la perte des jeunes gens ? Pourquoi n'ont-ils plus fréquenté les sacrements ? Pourquoi ont-ils même laissé leurs prières ? N'en cherchez pas d'autre cause que la danse. D'où peut venir ce grand malheur que plusieurs ne font plus de pâques, ou les font mal ? Hélas ! de la danse. Combien de jeunes filles, à la suite de la danse, ont perdu leur réputation, leur pauvre âme, le ciel, leur Dieu ! Saint Augustin nous dit qu'il n'y aurait pas autant de mal à travailler toute la journée le dimanche, qu'à danser. Oui, M.F., nous verrons au grand jour du jugement, que ces filles mondaines ont fait commettre plus de péchés qu'elles n'ont de cheveux sur la tête. Hélas ! que de mauvais regards, que de mauvais désirs, que d'attouchements déshonnêtes, que de paroles impures, que d'embrassements mauvais, que de jalousies, que de disputes, que de querelles ne voit-on pas commettre dans la danse ou à la suite des danses ! Pour mieux vous en convaincre, M.F., écoutez ce que nous dit le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe : « Les mondains dansent au son des flûtes et des tambours, et un moment après ils descendent dans les enfers [9]. » L'Esprit-Saint nous dit par la bouche du prophète Ezéchiel : « Va dire aux enfants d'amour, que parce qu'ils se sont livrés à la danse, je vais les punir rigoureusement ; afin que tout Israël soit saisi de frayeur. » Saint Jean Chrysostome nous dit que les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ne voulurent jamais permettre que l'on dansât à leur mariage, dans la crainte d'attirer les malédictions du ciel sur eux. Mais, je n'ai pas besoin d'aller chercher d'autres preuves que vous-mêmes. Parlez-moi sincèrement, n'est-ce pas que vous ne voudriez pas mourir en venant d'une danse ? Non, sans doute, parce que vous ne seriez guère prêts à aller paraître devant le tribunal de Dieu. Dites-moi pourquoi vous ne voudriez pas mourir dans cet état, et pourquoi vous ne manquez pas de vous en confesser ? C'est donc bien prouvé, vous sentez vous-mêmes que vous faites mal ; autrement vous n'auriez pas besoin de vous en accuser et ne craindriez pas de paraître devant Jésus-Christ. Écoutez ce que nous dit saint Charles Borromée parlant de la danse : de son temps, l'on condamnait à trois ans de pénitence publique une personne qui allait à la danse, et, si elle continuait, on la menaçait d'excommunication. N'allons pas plus loin, M.F., la mort vous prouvera ce que nous disons aujourd'hui, mais trop tard pour un grand nombre. Il faut vraiment être aveugle pour croire qu'il n'y a pas grand mal dans la danse, lorsque nous voyons que toutes les personnes désireuses de s'assurer le ciel, l'ont quittée et ont pleuré le malheur d'y être allées, dans le temps de leurs folies. Mais, tirons le rideau jusqu'au grand jour des vengeances où nous verrons tout cela plus clairement, où la corruption du cœur ne pourra plus trouver d'excuse.

Je dis que les immodesties dans les habits nous conduisent à ce vice honteux. Oui, M.F., une personne qui ne s'habille pas décemment est la cause de beaucoup de  péchés : de mauvais regards, de mauvaises pensées, de paroles déshonnêtes. Voulez-vous savoir, du moins en partie, le mal dont vous êtes la cause ? Mettez-vous un instant aux pieds de votre crucifix, comme si vous alliez être jugé. L'on peut dire que les personnes mises d'une manière mondaine sont une source d'impureté, et un poison qui donne la mort à tous ceux qui n'ont pas la force de les fuir. Voyez en elles cet air efféminé ou enjoué, ces regards perçants, ces gestes honteux, qui, comme autant de traits trempés dans le poison de leur impudicité, blessent presque tous les yeux assez malheureux pour les regarder. Hélas ! que de péchés fait commettre un cœur une fois imbibé de ce limon impur ! Hélas ! il y a de ces pauvres cœurs qui sont aussi brûlés de ce vice impur, qu'une poignée de paille dans un feu, Je ne sais pas si vous avez commencé à vous former une idée de la grandeur de ce péché et en combien de manières l'on peut s'en rendre coupable, priez le bon, Dieu, M.F., qu'il vous le fasse bien connaître et en concevoir une telle horreur que vous ne le commettiez jamais plus.


IV. – Mais, voyons maintenant ce qu'il faut faire pour se garantir de ce péché, qui est si horrible aux yeux de Dieu, et qui traîne tant de pauvres âmes en enfer. Pour vous le montrer d'une manière claire et simple, je n'ai  qu'à ouvrir encore une fois mon catéchisme. Si je demandais à un enfant, quels sont les moyens que nous devons employer pour ne pas tomber dans ce maudit péché, il me répondrait avec sa simplicité ordinaire : Il y en a plusieurs, mais les principaux sont : la retraite, la prière, la fréquentation des sacrements, une grande dévotion envers la sainte Vierge, la fuite des occasions, et enfin rejeter promptement toutes les mauvaises pensées que le démon nous présente.

Je dis qu'il faut aimer la retraite, je ne veux pas dire qu'il faille se cacher dans un bois, ni même dans un monastère, ce qui serait cependant un grand bonheur pour vous ; mais je veux dire, qu'il faut fuir seulement les compagnies des personnes qui ne parlent que de choses capables de vous salir l'imagination, ou bien qui ne s'occupent que d'affaires terrestres et nullement du bon Dieu. Voilà, M.F., ce que je veux dire. Le dimanche surtout, au lieu d'aller voir vos voisins ou voisines, prenez un livre, comme l'Imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou bien la Vie des saints ; vous y verrez comment ils ont combattu les tentations que le démon a tâché de faire naître dans leur esprit ; vous verrez combien ils ont fait de sacrifices pour plaire à Dieu et sauver leurs âmes : cela vous encouragera. Vous ferez comme saint Ignace, qui, étant blessé, se mit à lire la vie des saints ; voyant les luttes qu'ils avaient éprouvées et le courage avec lequel ils combattaient pour le bon Dieu, il se dit à lui-même : « Et pourquoi ne ferais-je pas ce que ces saints ont fait ? N'ai-je pas le même Dieu qui m'aidera à combattre, le même ciel à espérer et le même enfer à craindre [10] ?... » Vous ferez de même. Oui, M.F., il est nécessaire de fuir la compagnie des personnes qui n'aiment pas le bon Dieu. Ne soyons avec le monde que par nécessité, quand notre devoir nous y appelle.

Nous disons qu'il faut aimer la prière, si nous voulons conserver la pureté de notre âme. Si vous me demandez pourquoi il faut prier, je vous en donnerai la raison : c'est que cette belle vertu de pureté vient du ciel, c'est donc par la prière que nous devons la demander et la conserver. Il est certain qu'une personne qui n'a pas recours à la prière ne conservera jamais son âme pure aux yeux de Dieu. Par la prière, nous conversons avec le bon Dieu, les anges et les saints, et par cet entretien céleste nous devenons nécessairement spirituels ; notre esprit et notre cœur se détachent peu à peu des choses créées pour ne considérer et n'aimer que les biens du ciel. Cependant il ne faut pas croire que, toutes les fois que l'on est tenté, l'on offense le bon Dieu ; le péché ne se trouve que dans le consentement et dans le plaisir que l'on y prend. Quand nous serions tentés huit ou quinze jours, si cela nous fait horreur, nous faisons comme les enfants dans la fournaise de Babylone, qui n'en sortirent que plus beaux [11]. IL nous faut vite avoir recours au bon Dieu en lui disant : « Mon Dieu, venez à mon aide ; vous savez que sans vous, je ne peux que me perdre ; mais, aidé de votre grâce, je suis sûr de sortir victorieux du combat. Ah ! Vierge sainte, devons-nous dire, ne permettez pas que le démon ravisse mon âme qui a coûté tant de souffrances à votre divin Fils. »

Pour conserver la pureté, il faut avoir recours aux sacrements, et les recevoir avec de bonnes dispositions. Oui, M.F., une personne qui a le bonheur de fréquenter les sacrements souvent et saintement, peut très facilement conserver cette belle vertu. Nous avons une preuve que les sacrements nous sont d'un grand secours, dans les efforts du démon pour nous en éloigner ou nous les faire profaner. Voyez, quand nous voulons nous en approcher, combien le démon suscite en nous de craintes, de troubles, de dégoûts. Tantôt il nous dit que nous agissons presque toujours mal, tantôt, que le prêtre ne nous connaît pas, ou bien que nous ne nous faisons pas assez connaître, que sais-je ? Mais, pour nous moquer de lui, il faut redoubler de soins, nous en approcher encore plus souvent, et ensuite nous ensevelir dans le sein de la miséricorde de Dieu, en lui disant : « Vous savez, mon Dieu, que je ne cherche que vous et le salut de ma pauvre âme. » Non, M.F., il n'y a rien qui nous rende si redoutables au démon que la fréquentation des sacrements ; en voici la preuve. Voyez sainte Thérèse. Le démon avoua, par la bouche d'un possédé, que cette sainte lui était devenue si redoutable par la sainteté puisée dans la sainte communion, qu'il ne pouvait pas même respirer l'air où elle avait passé. Si vous en cherchez la raison, elle est très facile à comprendre : le sacrement adorable de l'Eucharistie, n'est-il pas ce vin qui produit la virginité [12] ? Comment n'être pas vierge en recevant le roi de la pureté ? Voulez-vous conserver ou acquérir cette belle vertu qui rend semblable aux anges ? Fréquentez souvent et saintement les sacrements, vous êtes sûrs que, malgré tous les efforts du démon, vous aurez le grand bonheur de conserver la pureté de votre âme.

Si nous voulons conserver pur ce temple du Saint-Esprit, il faut avoir une grande dévotion à la très sainte Vierge, puisqu'elle est la Reine des vierges. C'est elle qui, la première, a levé l'étendard de cette incomparable vertu. Voyez combien le bon Dieu en fait d'estime : il n'a pas dédaigné de naître d'une mère pauvre, inconnue dans le monde, d'avoir pour père nourricier un père pauvre ; mais il lui fallait une mère pure et sans tâche, un père d'une pureté telle que la sainte Vierge seule pouvait le surpasser en pureté. Saint Jean Damascène nous encourage grandement à avoir une tendre dévotion envers la pureté de la sainte Vierge ; il nous dit que tout ce que l'on demande au bon Dieu en l'honneur de la pureté de la sainte Vierge on l'obtient toujours. Il nous dit que cette vertu est si agréable aux anges qu'ils chantent sans cesse dans le ciel : « O Vierge des vierges, nous vous louons ; nous vous bénissons, ô Mère du bel amour. » Saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, nous dit qu'il a converti plus d'âmes par l'Ave Maria, que par tous ses sermons. Êtes-vous tentés ? nous dit-il, appelez Marie à votre secours, et vous êtes sûrs de ne pas succomber à la tentation [13]. Lorsque nous récitons l'Ave Maria, nous dit-il, tout le ciel se réjouit et tressaille de joie, et tout l'enfer frémit en se rappelant, que Marié a été l'instrument dont Dieu s'est servi pour l'enchaîner. C'est pour cela que ce grand saint nous recommande tant la dévotion : à la Mère de Dieu, afin que Marie nous regarde comme ses enfants. Si vous êtes bien aimés de Marie, vous êtes sûrs d'être bien aimés de son Fils. Plusieurs saints Pères nous recommandent d'avoir une grande dévotion envers Marie, et de faire de temps en temps quelques communions en son honneur, et surtout en l'honneur de sa sainte Pureté ; ce qui, lui est si agréable qu'elle ne manquera pas de nous faire sentir son intercession auprès de son divin Fils.

Pour conserver cette vertu angélique nous devons combattre les tentations et fuir les occasions, comme ont fait les saints, qui ont mieux aimé mourir que de perdre cette belle vertu. Voyez ce que fit le patriarche Joseph, lorsque la femme de Putiphar voulut le solliciter au péché, il lui laissa la moitié de son manteau entre les mains [14]. Voyez la chaste Suzanne, qui aima mieux perdre sa réputation, celle de sa famille et sa vie même, que de perdre cette vertu qui est si agréable à Dieu [15]. Voyez encore ce qui arriva à saint Martinien, qui s'était retiré dans un bois, pour ne penser qu'à plaire à Dieu. Une femme de mauvaise vie vint le trouver, feignant de s'être égarée dans les forêts et le priant de vouloir bien avoir pitié d'elle. Le saint la reçut dans sa solitude et la laissa seule. Le lendemain étant revenu voir ce qu'elle était devenue, il la trouva bien parée. Alors elle lui dit que le bon Dieu l'avait envoyée pour faire alliance avec lui ; qu'elle avait de grands biens dans la ville, qu'il pourrait faire beaucoup d'aumônes. Le saint voulut savoir si cela venait de Dieu ou du démon ; il lui dit d'attendre, parce que tous les jours il venait des gens pour se recommander à ses prières et qu'il ne fallait pas leur laisser faire un voyage inutile ; il allait sur la montagne pour voir s'il en arrivait quelques-uns. Lorsqu’il fut sur la montagne, il entendit une voix qui lui dit : « Martinien, Martinien, que fais-tu ? tu écoutes la voix de Satan. » Il en fut si effrayé qu'il retourna dans sa solitude, fit un grand feu et se mit dedans ; la douleur du péché qu'il était exposé à commettre et la douleur du feu lui firent pousser de grands cris. Cette malheureuse étant venue à ce bruit, lui demanda ce qui l'avait mis dans un tel état. « Ah ! lui répondit le saint, je ne puis pas supporter le feu de ce monde, comment pourrais-je endurer celui de l'enfer, si j'ai le malheur de pécher comme vous le désirez ? » Ce qui frappa tellement cette femme qu'elle resta dans la cellule du saint, fit pénitence toute sa vie, et Martinien alla plus loin pour continuer ses austérités [16].

Il est rapporté dans la vie de saint Thomas d'Aquin [17] qu'on lui envoya une femme de mauvaise vie pour le porter au péché. On la fit entrer dans sa chambre pendant qu'il était absent. Lorsqu'il aperçut cette créature, il prit un tison ardent et la chassa honteusement. Voyez encore saint Benoît, qui, pour se délivrer de ses mauvaises pensées, se roulait dans les ronces où il se mettait tout en sang. D'autres fois, il se plongeait dans l'eau glacée jusqu'au cou pour éteindre ce feu impur [18]. Mais je ne trouve rien dans la vie des saints qui soit comparable au récit de saint Jérôme. Du fond de son désert, il écrit à un de ses amis, et lui fait la peinture des combats qu'il éprouve et des pénitences qu'il exerce sur son corps ; on ne peut le lire sans pleurer de compassion : « Dans cette vaste solitude que les ardeurs du soleil rendent insupportable, dit-il, ne me nourrissant que d'un peu de pain noir et d'herbes crues, couchant sur la terre nue, ne buvant que de l'eau, même dans mes maladies, je ne cesse de pleurer aux pieds de mon crucifix. Lorsque mes larmes manquent, je prends une pierre, je m'en frappe la poitrine jusqu'à ce que le sang me sorte par la bouche, et malgré cela, le démon ne me laisse point de repos ; il faut toujours avoir les armes à la main [19]. »

Que conclure, M.F., de tout ce que nous venons de dire ? IL n'y a point de vertu qui nous rende si agréables au bon Dieu, que la vertu de pureté, et point de vice qui plaise tant au démon que le péché d'impureté. Cet ennemi ne peut souffrir qu'une personne qui est à Dieu possède cette vertu ; et c'est ce qui doit vous engager à ne rien négliger pour la conserver. Pour cela, veillez avec soin sur vos regards, vos pensées et tous les mouvements de votre cœur ; ayez fréquemment recours à la prière ; fuyez les mauvaises compagnies, les danses, les jeux ; pratiquez la mortification ; recourez à la très sainte Vierge ; fréquentez souvent les sacrements. Quel bonheur ! si nous sommes assez heureux pour ne pas laisser souiller notre cœur par ce maudit péché, puisque Jésus-Christ nous dit qu'il n'y aura que à ceux qui ont le cœur pur qui verront Dieu [20] ! » Demandons, M.F., chaque matin au bon Dieu de purifier nos yeux, nos mains et généralement tous nos sens ; afin que nous puissions paraître avec confiance devant Jésus-Christ, qui est le partage des âmes pures ; c'est tout le bonheur que je vous souhaite.

19ème DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE
(QUATORZIÈME SERMON)


[1] I COR . VI, 15, 19.
[2] Omnis mulier, quæ est fornicaria, quasi stercus in via conculcabitur. PROV. IX, 10.
[3] GEN. VI.
[4] Ibid. XIX.
[5] NUM. XXV, 9.
[6] APOC. XVII, 3.
[7] Le Saint a sans doute emprunté du P. Lejeune, t. II, Sermon LIV, De la luxure, cette application de la figure de l’Apocalypse au vice de l’impureté.
[8] Pepigi fœdus cum oculis meis, ut ne cogitarem quidem de virgine. JOB. XXXI, 1.
[9] Tenent tympanum et citharum, et gaudent ad sonitum organi. Ducunt in bonis dies suos, et in puncto ad inferna descundunt. JOB. XXI, 12, 13. Ce texte est de Job et non du prophète Isaïe. Nous ferons remarquer que ce n’est pas la seule fois que le Saint attribue à un auteur des textes qui appartiennent à un autre.
[10] RIBADENERIA, au 31 juillet.
[11] DAN. III, 94.
[12]Quid enim bonum ejus est, et quid pulchrum ejus, nisi frumentum electorum, et vinum germinans virgines ? ZACH. IX, 17.
[13] Hom. 2e super Missus est, 17.
[14] GEN. XXXIX, 12.
[15] DAN. XIII.
[16] RIBADENERIA, au 13 février.
[17] Ibid, au 7 mars.
[18] Ibid, au 21 mars.
[19] Lettre 22e, à Eustochie, citée dans la Vie des Pères du désert, t. V, p. 263.
[20] MATTH. V, 8.

Père Onésime Lacoutre - 2-9 - La Nativité de Jésus


HUITIÈME INSTRUCTION

LA NATIVITÉ.

«L’ange dit aux bergers: «Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera une grande joie pour le peuple: il vous est né aujourd’hui dans la ville de David un sauveur qui est le Christ Seigneur.  Et voici ce qui vous servira de signe: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche.» L.  2-10.

Plan Remarque.  (Edit de César Auguste (Refusés à l’Hôtellerie (L’étable Voyage à Bethléem: (Naturelle: faiblesse, folie, mépris Naissance de Jésus: (Miraculeuse: puissance, sagesse, amour (Anges (Pasteurs Adoration des… (Bergers: (Pauvres (Eveillés (Chrétiens

REMARQUE.  Enfin nous voici arrivés à la nativité de Jésus.  Ceux qui trouvent qu’on prend beaucoup de temps pour y arriver doivent se rappeler les idées qu’on a développées dans la méditation sur la préparation à l’Incarnation.  Dieu veut se faire désirer avant de se donner et nous devons préparer notre âme à recevoir le surnaturel.  S’il s’agissait seulement de connaître Jésus, tout ce qui précède ne serait guère utile, mais s’il s’agit de recevoir une connaissance infuse de Jésus, une connaissance qui vient surtout de Dieu, qui éclaire l’âme de sa lumière surnaturelle.  Or celle-là doit se préparer dans la méditation et la prière et pour avoir le courage de s’y livrer il faut aller en la foi ou en la révélation pour en connaître les exigences et les principaux caractères.  C’est ce que nous avons essayé de faire dans les méditations précédentes.

Nous avons dit qu’il faut approcher les mystères de Jésus surtout avec le cœur ou avec l’amour.  Or l’amour, du moment qu’il a l’objet aimé devant lui, n’est jamais impatient; le moindre détail suffit à l’intéresser.  Avis à ceux qui cherchent du nouveau et qui veulent courir d’une idée à l’autre!  Qu’ils changent de faculté!  Qu’ils passent de la tête au cœur et cela de plus en plus à mesure que nous avançons dans la vie de Jésus.

Il est dit de Marie qu’elle ne comprenait pas ce qu’on disait de Jésus, mais qu’elle gardait dans son cœur ce qu’elle entendait de lui.  Voilà notre modèle!  Le St-Esprit nous indique clairement donc que ce ne sont pas les idées sur Jésus qui sont utiles, mais les garder dans le cœur.  Ce n’est pas de la spéculation comme on fait dans les sciences profanes qui compte ici, mais l’affection qu’on met à contempler Jésus.  N’oublions pas que Jésus n’est pas seulement un personnage dont on parle; il est une vie à vivre!  Il vient nous montrer comment l’imiter, comment reproduire ses actes, ses pensées, ses paroles, sa mentalité; en un mot, toute sa vie.  Or il n’y a que l’amour pour pouvoir ainsi vivre la vie d’un autre.  C’est notre propre vie que nous devons étudier en Jésus, donc dans le but de devenir une seule chose avec lui, comme il le veut pour chacun de nous.

VOYAGE À BETHLÉEM

Marie et Joseph vivaient à Nazareth et les prophéties annonçaient la naissance du Messie à Bethléem.  La Providence disposa les événements pour les conduire à Bethléem.  Dieu se servit de… L’édit de César-Auguste, qui était le maître du monde et un orgueilleux païen qui voulait savoir le nombre de ses sujets.  Pour cette fin il ordonna à tous les habitants de la terre d’avoir à se rapporter au lieu de leur naissance pour en faire le recensement.  Comme Joseph était de la ville de David, il fut obligé d’aller avec Marie se faire inscrire là.  C’est pendant qu’ils étaient là que Jésus vint au monde.  J’insiste encore une fois sur la nécessité non pas de connaître la vie de Jésus, mais de la reproduire!  L’esprit n’a jamais assez de science, mais quand il s’agit de vivre tout ce qui se passe dans la vie de Jésus, comme le cœur trouve qu’il en a bien assez et il est moins pressé de découvrir du nouveau!  Arrêtons-nous un peu à la façon de faire de Dieu envers Jésus et la Ste-Vierge.  Il bouleverse notre sagesse naturelle.  Juste quand Marie aurait dû rester à la maison, il la jette dehors et dispose tout pour qu’elle ne trouve pas même un coin dans une maison habitable et cela pour son Fils en qui il a mis toutes ses complaisances.  Pour le premier homme, Dieu avait créé un splendide paradis terrestre et pour son propre Fils, il ne fait absolument rien pour le recevoir convenablement… pas même comme du monde… mais comme un animal, dans une étable!  Pas un homme au monde traiterait ses enfants de la sorte!

Que s’est-il donc passé entre eux deux?  Le péché… Jésus a pris sur lui de payer la dette du premier homme qui n’a pas voulu obéir à Dieu, qui a perdu sa participation à la nature divine et qui est descendu au rang des animaux.  Le psalmiste dit que l’homme quand il était en honneur n’a pas connu sa noblesse et il est descendu au rang des animaux.  Alors Jésus va aller le chercher dans les bas-fonds de sa déchéance; il va se faire semblable à lui en tout excepté le péché.  Il est homme et donc l’objet de la colère de Dieu.  Il va satisfaire la justice de Dieu parfaitement et il commence tout de suite en arrivant au monde.  Dieu se sert d’un païen pour mettre tout l’univers en branle seulement pour que Marie soit à Bethléem juste pour la naissance de Jésus.  Les personnes ne sont donc que des instruments aveugles dans les mains de Dieu.  Il s’en sert aussi indépendamment de leur vertu.  C’est bien ce que St.  Ignace enseigne quand il dit que ce n’est pas pour sa sagesse ou sa vertu qu’on doit obéir au supérieur, mais uniquement parce qu’il tient la place de Dieu pour l’inférieur.  Qu’on nous parle donc jamais de la sagesse ou de la vertu des supérieurs; ce n’est pas pour cela qu’on doit leur obéir.  Mais que de fois on donne justement ces motifs païens pour exhorter les inférieurs à obéir aux supérieurs.  On ne devrait jamais mettre en avant ces motifs de pur paganisme… et c’est à peu près général dans les Communautés et les séminaires.  Combien en appellent aux bienfaits qu’ils ont rendus à leurs inférieurs pour se faire obéir!  Combien disent qu’ils aiment leurs inférieurs pour les faire obéir!  Tout cela est du pur paganisme!  Que l’on donne donc les seuls motifs acceptables devant Dieu pour des chrétiens: des motifs purement surnaturels!  Jamais on ne devrait discuter cette question, à savoir si les supérieurs sont sages ou bons, cela n’a absolument rien à faire avec une bonne obéissance chrétienne.  Dans les familles aussi, que de fois les parents font de même, en appellent à de semblables motifs naturels pour se faire obéir!  Que ce soit fini pour la vie!  On doit obéir pour Dieu seul… La preuve que les inférieurs n’obéissent que pour des motifs naturels est dans ce fait que la plupart disputent tout de suite et cessent d’obéir quand ils trouvent leurs supérieurs insensés ou méchants sur quelques points.  Comme ils sont scandalisés quand un supérieur n’est pas à son affaire ou qu’il manque de quelque vertu!  Tous ces gens s’attendent donc à la sagesse et à la bonté des supérieurs pour leur obéir; c’est du paganisme tout pur!  Si tous les inférieurs ne voyaient que le représentant de Dieu dans un supérieur, ils ne discuteraient jamais de sa vertu ou de sa sagesse dans leur obéissance.  Que les supérieurs soient les premiers à dire aux inférieurs que dans l’obéissance d’un chrétien le supérieur n’entre pas du tout en ligne de compte; il n’est qu’un messager qui nous apporte la volonté de Dieu.  Quand le postillon me donne une lettre de mon supérieur m’ordonnant de me rendre à tel poste, est-ce que je m’occupe des vertus du postillon?  Jamais!  Eh bien, tous les supérieurs ne sont que des postillons du bon Dieu; prenons le message de Dieu et oublions qui le présente.  Qu’on prenne bien cette idée et qu’on se la mette dans le cœur en se disant: Jésus veut que je l’imite dans son obéissance à César et dans sa mère.  Ce doit être fini pour chacun de nous la question de la vertu ou de la sagesse des supérieurs!  Nous n’en parlons plus!  Refusés à l’hôtellerie.

De Nazareth à Bethléem il doit y avoir trois ou quatre jours de marche.  Actuellement il y a un beau chemin moderne en asphalte, mais on peut voir par les vieux chemins qui existent encore dans la Palestine que la marche devait être très pénible.  Le chemin serpente à travers un pays de collines de sable et de pierres de toutes les grosseurs, qui roulent en bas dans le chemin; on marche sur toutes sortes de cailloux.  Suivons la sainte Famille cheminant sur ces cailloux!  Les auteurs aiment à dire que Marie voyageait à dos d’âne et que Joseph marchait à côté, nous l’espérons bien.  Mais ce n’est pas la coutume actuelle: ce sont les hommes qui vont à dos d’âne et les femmes qui courent à côté, même chargées d’un enfant et de toutes sortes de paquets.  Il nous prend envie de descendre ces animaux à coups de bâtons et de faire monter les femmes à leur place!  Cette barbare coutume existait-elle au temps de Jésus?  C’est tout à fait probable, car les coutumes de ces pays ne changent pas.  Dieu pouvait bien demander ce sacrifice à Marie comme il va lui demander celui de se retirer dans une étable!  Elle aussi fait sa part dans notre rédemption!

Essayons d’écouter leur conversation.  Peut-on imaginer qu’ils parlent contre le prochain?  qu’ils disputent contre la Providence?  ou qu’ils parlent des amusements, des danses et des festins que le peuple va se donner dans ces grandes réunions publiques?  Jamais de la vie!  Rien de tout cela ne les intéresse.  D’abord, ils parlent très peu, c’est sûr.  Quand le cœur est plein de Dieu et qu’on est tout à Dieu, on aime à s’entretenir avec son amour dans l’intime de l’âme et l’on ne veut pas être dérangé par qui que ce soit.  Quand les saints se sentaient pris d’amour de Dieu, ils fuyaient la compagnie des hommes pour jouir de leur entretien avec Dieu; ils s’en allaient dans les églises ou dans les solitudes pour être tout à Dieu.  Immédiatement après une communion, si on a un grain d’amour de Dieu, est-ce qu’on va bavarder avec d’autres?  Jamais on devrait le faire.  Ceux qui aiment Dieu évitent la compagnie des autres pour converser et prier avec Jésus dans leur cœur, et ils ne trouvent pas ce temps long ni ennuyeux, ils ont leur trésor avec eux et cela leur suffit amplement.

Or, Joseph et Marie sont les plus saints personnages du monde; ils cheminent donc tout absorbés en Jésus que porte Marie.  Ils ont leur trésor avec eux; ils n’aiment autre chose au monde, et cependant comme il n’est pas encore né ils ne peuvent pas en dire grand-chose.  Ils s’unissent donc à lui comme nous devons faire dans la foi.  Or pour le suivre dans la foi il faut oublier le monde visible.  Combien de chrétiens savent s’isoler des créatures pour mieux goûter leur créateur?  En voit-on un grand nombre affectionner les solitudes pour mieux méditer sur les choses de Dieu?  ou aller passer des heures devant le T.S.  Sacrement pour apprendre à aimer Jésus?  C’est tout le contraire, presque tous cherchent les foules et les distractions pour passer le temps.  Tous ces gens ignorent donc le monde de la foi et leur Dieu qui ne se montre que dans la foi.  Apprenons tous à fuir le bavardage et à tenir compagnie à Jésus dans notre cœur.  Apprenons à converser avec lui si nous voulons passer l’éternité avec lui.  Si sa compagnie nous ennuie sur terre, elle nous ennuiera dans l’éternité; et ce sera bien loin de lui.  Avant de chercher d’autres idées sur Jésus, commençons par pratiquer celles-là; elle a de quoi nous occuper.  Enfin, ils arrivent à Bethléem où ils vont à l’Hôtellerie pour demander à loger là, mais on leur répond qu’il n’y a pas de place pour eux.  Comme il y a beaucoup d’étrangers, ils ne trouvent pas plus de place dans les maisons privées.  Ils vont à l’aventure cherchant un endroit pour passer la nuit qui s’en vient.  Ils trouvent un abri creusé dans le flanc d’une colline de pierre schisteuse où les animaux se retiraient la nuit; une espèce d’étable ouverte à tous les vents et abandonnée évidemment.

Arrêtons-nous à cette épreuve.  Peu importe les motifs immédiats des gens qui leur refusent l’entrée dans l’hôtellerie, il est certain que Dieu l’a fait exprès.  Il faut que Jésus commence à accomplir les prophéties: «Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reçu.» Quand même cela est dit du peuple qui n’acceptera pas sa divinité, on sait que les paroles de l’Ecriture ont plusieurs sens et plusieurs applications.  Ici, déjà les Juifs commencent à le rejeter sans le savoir dans ce cas-ci.  C’est surtout dur pour Joseph et la Ste Vierge.  Eh bien, il faut que l’expiation de Jésus tombe aussi sur ses amis.  Chacun doit compléter ce qui manque aux souffrances de Jésus et d’autant plus qu’il est un membre important du corps mystique de Jésus.  Ce que Dieu fait à notre Chef, il le fera à ses membres en proportion qu’ils lui sont unis ou qu’ils doivent le devenir.  Donc tout chrétien doit s’attendre à se faire refuser une entrée chez les siens, chez des amis.  On le mettra un jour à la porte sans cérémonie: que chacun s’y attende!  On évitera de vous parler, de vous saluer même; on invitera votre famille, mais pas vous en personne!  gens que vous aurez soignés, dorlotés, comblés de vos faits, vous tourneront le dos un jour, ne voudront pas de vous dans leurs fêtes!  Ces insultes doivent se faire parmi des parents et des amis, car si un étranger faisait cela, on ne serait pas surpris ni blessé, mais quand cela vient de ceux qui devraient avoir des égards pour nous et qui nous offensent de la sorte, c’est extrêmement dur.  C’est justement pour cela que Dieu envoie ces épreuves.  Jésus y a passé, nous tous devrons aussi y passer.  Au lieu de se fâcher contre ces gens, ne voyons que Dieu qui veut nous donner un point de ressemblance avec Jésus.  Ces choses sont normales dans toute vie chrétienne.

Dans le clergé et dans les communautés, ce sera un curé, qui refusera tel vicaire, un évêque qui ne voudra pas de tel prêtre, les paroissiens qui refuseront tel curé, etc.  Un religieux sera promené de maison en maison; c’est à qui ne voudra pas de lui!  C’est normal!  Tout chrétien doit être traité comme son Maître; au lieu de se plaindre comme un païen, qu’il remercie Dieu de le juger digne de ressembler à son Dieu.  Comme on est porté à garder de la rancune contre ceux qui nous ont éconduits et méprisés!  En vieillissant surtout qu’on s’attende à être rejeté par les jeunes.  Après s’être usé pour eux, c’est dur de se voir rejeté partout; C’est normal: Jésus a été rejeté par les siens au début de sa vie, pendant sa vie et à sa mort.  C’est donc normal pour un de ses membres d’être traité comme Jésus.  Dieu le veut pour nous détacher de toutes les affections humaines afin que nous lui donnions notre cœur au moins à la fin de la vie.  «Quand vous aurez fait votre devoir, on vous dira que vous êtes des serviteurs inutiles.» Il faut que cette parole du Maître s’accomplisse!

Il arrive aussi que Dieu punit par l’ingratitude des jeunes ce que des parents à mentalité païenne ont fait pour eux.  Ils ont tout fait pour des motifs naturels, par simple affection humaine; eh bien, Dieu se dit: Vous n’avez rien fait pour l’amour de moi, courez après votre récompense!  Mais Dieu aussi agit de la sorte pour les plus saints qui ont tout fait pour Dieu seul.  Dieu espère, dans ce cas, qu’ils vont prendre l’ingratitude des hommes comme une confirmation qu’ils ont bien fait de ne travailler que pour Dieu.  Dieu seul les récompensera au ciel. 

Du fait qu’on est rejeté, on ne peut donc pas conclure qu’on a mal agi envers les autres ou pour des motifs naturels.  C’est à chacun à voir sa propre conduite en examinant avec quels motifs il s’est dévoué pour les autres.  Que de fois nous faisons comme les Bethléémites quand Jésus se présente à nous sous forme d’inspiration à faire plus pour lui, comme de faire une retraite fermée, d’aller le visiter au tabernacle, ou dans ses malades, à lui faire l’aumône de son temps par quelque dévouement; on lui répond qu’on n’a pas de temps, qu’on n’a pas de place pour lui dans notre cœur; il est déjà plein de toutes sortes de choses!  La vie est déjà remplie par tant de soucis et de plaisirs qu’on n’a pas le temps de s’occuper de lui.  Pas de place pour lui!  Pas de temps pour lui!  Pas d’amour pour lui!  Plus tard!  Plus tard!  et Jésus s’en va ailleurs… Reviendra-t-il à cette hôtellerie qui lui a déjà fermé ses portes?  Voit-on des affairés se libérer pour donner du temps à leur âme?  Voit-on des «sports» quitter les amusements pour se livrer à la méditation des choses éternelles?  Voit-on des passionnés pour le monde se tourner définitivement aux choses de Dieu?  Quelle leçon pour nous tous!  L’étable.  Vous tous qui aimez à rationaliser le Christianisme, c’est le temps, venez à l’étable voir votre Sauveur couché dans une crèche sur de la paille et comment allez-vous juger tout cela avec votre bon sens humain?  Y a-t-il un barbare au monde qui choisirait une étable pour la naissance de son fils quand il pourrait lui avoir un palais?  Y a-t-il un père au monde qui enverrait son épouse à l’étranger pour un dur voyage à pied au moment où elle doit avoir son enfant?  Dieu n’a pas remué le petit doigt pour l’arrivée de son Fils au monde!  Où est le bon sens humain en tout cela?  On dira ensuite que la foi ne contredit pas ce bon sens humain.  Dans son orientation elle contredit habituellement la raison ou la façon d’agir de la raison; on en a un exemple ici et on en verra dans toute la vie de Jésus.  C’est tellement contraire au bon sens que la très grande majorité des chrétiens ne veulent pas de sa façon d’agir, malgré le commandement formel de Dieu de faire comme lui.  C’est donc leur petit bon sens qui se révolte contre les voies divines enseignées par la foi.  Il y a donc souvent contradiction entre les deux à ce point de vue-là.

La conséquence est qu’il ne faut pas méditer la vie de Jésus selon notre bon sens humain, mais uniquement selon la foi.  Dieu n’a pas suivi la sagesse humaine dans la rédemption, mais uniquement sa propre sagesse divine; c’est donc selon cette sagesse divine qui nous est donnée dans la foi que nous devons juger la vie de Jésus.  Car Dieu a choisi ce que est insensé selon le monde et ce qui n’est rien selon le monde pour confondre la sagesse humaine.

Voilà pourquoi tant d’auteurs qui ont fait des méditations sur Jésus sont plats à dormir debout.  Ils veulent satisfaire la raison humaine, ils veulent nous donner des consolations humaines, ils veulent nous montrer le bon sens dans la vie de Jésus… quand S.  Paul dit qu’il n’y en a pas selon le sens expliqué: que Dieu n’a pas agi selon le bon sens humain, mais diamétralement opposé, afin que les hommes soient obligés de dire que c’est Dieu seul qui a racheté l’homme.  Voilà aussi pourquoi tant de prédicateurs qui parlent de Jésus sont plats.  Ils veulent eux aussi nous faire admirer la vie de Jésus au point de vue du bon sens humain.  Ils ont quelques points dont ils peuvent parler à ce point de vue.  Par exemple, Jésus était bon pour les pauvres, Jésus était miséricordieux pour les pécheurs, il a passé en faisant le bien… et là s’arrête leur éloquence Ils n’iront jamais parler de son mépris pour les créatures, pour les honneurs et les richesses, pour les plaisirs, pour les attaches, pour la Folie de la croix: c’est tout un monde de la vie de Jésus qu’ils ne veulent pas considérer de peur d’avoir à le pratiquer et d’être obligés de sortir de leur vie de païens cultivés.  Dieu agit en vue de son amour: les hommes agissent en vue de leur amour.  Or l’amour de Dieu est dans les choses divines, l’amour des hommes est dans les échantillons; ces deux amours sont contraires l’un à l’autre, donc les moyens qui y conduisent sont aussi contraires.  Or les hommes ne suivent que leur bon sens humain pour poursuivre les échantillons.  Il faut donc que Dieu fasse le contraire pour les amener à son amour.  Ceux qui répugnent à admettre cette vérité n’ont qu’à venir à l’étable de Jésus.  L’Etable!  L’Etable!  L’Etable!  Elle confond toute la sagesse humaine et tous les philosophes de la théologie avec tous leurs «in se».  In se il n’y a pas de mal à avoir une maison pour naître!  Evidemment ce ne sont pas les «in se» qui ont influencé Dieu!  Tous ceux qui ont le cœur aux créatures sont incapables de goûter la vie de Jésus qui les contredit en toutes choses.  «L’homme animal ne peut pas goûter les choses de Dieu», dit St-Paul.  Or, l’Homme animal selon St.  Jean de la Croix, Docteur de l’Eglise, est celui qui recherche les satisfactions des sens pour elles-mêmes, comme tous ceux qui ont des attaches quelconques: sports, automobile, liqueurs, tabac, amitiés particulières, ambitions, orgueil, etc.  L’étable représente bien l’âme d’une foule de chrétiens: on y trouve la paille des pensées frivoles tournant à tous les Vents; la froideur d’un cœur sans amour de Dieu, ce feu divin qu’il est venu apporter sur la terre; la mauvaise odeur des appétits sensuels et des péchés non expiés, pas même encore pardonnés.  Combien obligent Jésus à descendre dans ces étables infectes par la communion!  ou viennent à l’église le cœur pourri par le péché.  Balayons vite toutes ces saletés de notre âme si nous voulons avoir part au bonheur de Jésus au ciel.  La mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve dans notre âme.  Nous pouvons mourir aujourd’hui même.  Vite faisons le ménage dans notre âme afin que Jésus soit à l’aise avec nous.  Il faudra se faire violence plus tard comme aujourd’hui; Jésus est aussi contraire à la nature humaine dans la vieillesse que dans la jeunesse.  Ce n’est pas plus facile de se mortifier quand on est vieux que lorsqu’on est jeune.  Commençons donc tout de suite…

LA NAISSANCE DE JÉSUS.

«Pendant qu’un silence profond enveloppait tout le pays et que la nuit était arrivée au milieu de sa course», le Verbe de Dieu, devenu homme naquit dans cet étable où se trouvait Marie.  Elle l’enveloppa de langes et le coucha sur la paille de la crèche qui se trouvait là.  Dieu n’a pas voulu nous laisser d’autres détails sur la naissance de Jésus.  C’est la croyance universelle dans l’Eglise que la virginité de sa Mère fut respectée comme dans sa conception.  Il n’est pas question de douleur ni de maladie.  Il me semble plus probable que St Joseph devait être là pour servir de témoin que l’enfant venait bien de Marie.  Il est évidemment convaincu que Jésus est l’enfant de Marie; il a donc vu assez pour s’en rendre compte.  Comme Jésus a deux natures: la nature divine et la nature humaine, on peut s’attendre à voir les manifestations de ces deux natures.  On voit dans sa vie une certaine alternance de naturel et de surnaturel: je veux dire au point de vue physique, pas des motifs.  Il est conçu miraculeusement, mais sa Mère le porte neuf mois comme les autres mères; elle le met au monde comme tout autre homme vient au monde, mais il ne lèse sa Mère en rien et la laisse vierge.  S’il fait pitié dans sa crèche, des anges annoncent sa naissance et le ciel chante sa gloire.  Il faudra surveiller ce mélange d’humain et de divin dans sa vie… afin de faire comme lui par la grâce de Dieu.  Jésus montre sa nature divine assez souvent pour nous préserver du scandale quand il montre sa nature humaine.  Voyons donc ce mystère tout de suite selon ces deux points de vue différents: Selon la nature on ne voit que faiblesse, folie et mépris.  Il ne peut pas se remuer tout seul, lié dans ses langes.  C’est absurde pour des parents de n’avoir qu’une étable pour la naissance de leur enfant.  Peut-on imaginer une plus grande pauvreté au monde?  Personne ne voudrait les imiter tant que tout cela répugne à la nature humaine.  Combien de chrétiens dans le monde et même chez les prêtres et chez les religieux aiment à méditer sur les abaissements dans l’étable?  Ce que nous devrions conclure est que si un Dieu peut s’humilier tant ce ne devrait pas être difficile pour un simple homme.  Si lui, de riche qu’il était se fait pauvre, insensé, méprisé, combien plus les vrais pécheurs devraient s’abaisser devant Dieu.  C’est justement ce qui nous choque en lui au point de vue humain que nous devons essayer d’imiter.  C’est justement là qu’il contrarie notre nature propre comme nous devrions faire pour mener une vie divine.  Pour nous encourager à le faire, considérons-le maintenant: 

Selon la foi ou le surnaturel Jésus vient expier les excès des hommes dans leur amour pour les créatures et d’eux-mêmes.  Alors tout en expiant pour nous, il nous enseigne comment faire à l’avenir pour ne plus pécher et pour mener une vie toute divine.  Il vient combattre toutes les causes subjectives du péché dans l’homme et guérir les trois concupiscences: Voilà pourquoi il se fait faible, pauvre, méprisé et insensé aux yeux des hommes.  La foi nous montre Dieu enchaînant sa toute-puissance pour se faire petit enfant.  Depuis plus de 40 siècles il a préparé sa venue par toutes sortes de prodiges et de prophéties comme de figures.  Il vient de mettre tout le monde sur pied pour que ce petit enfant naisse à Bethléem selon les prophéties.  Selon la foi ce petit enfant est notre Rédempteur, notre Dieu et notre sanctificateur; c’est lui qui contrôle absolument tout dans le monde et qui nous jugera à la mort et fera notre bonheur au ciel.  Selon la foi il vient nous indiquer comment vivre pour arriver au ciel; il nous apporte la divine sagesse pour nous montrer où mettre notre bonheur afin de ne plus pécher.  Il se fait l’un de nous pour se faire aimer plus facilement.  Enfin nous verrons dans la suite des méditations toute la sagesse divine et tout l’amour divin qu’il vient nous apporter par sa vie contraire à nos idées naturelles.

ADORATION DES ANGES.

Si on est scandalisé de voir comment Dieu traite Jésus et Marie dans l’étable, il faut en revenir devant cette intervention miraculeuse du ciel pour les glorifier tous les deux.  Si la justice doit être satisfaite, la miséricorde n’est pas loin en arrière.  Une multitude d’anges apparaissent dans une ouverture éblouissante du ciel et chantent la gloire de Dieu et sa bienveillance envers les hommes de bonne volonté.  C’est parce que Jésus s’humilie que le ciel exalte la gloire de Dieu que Jésus procure ainsi.  Cette partie du mystère nous va très bien!  Comme on aime à voir cette scène incomparable en imagination!  Et l’on se prend à désirer d’entendre ainsi une multitude d’anges chanter sous la voûte céleste au milieu de la nuit étoilée!  Mais cette consolation divine vient après les humiliations et les souffrances.  Dieu l’a donnée visiblement afin de nous montrer que le ciel se réjouit toujours quand nous nous mortifions ou que nous nous humilions pour imiter Jésus.  La foi nous enseigne cette vérité: il faut la prendre là sur le vif comme une preuve évidente.  Mais Dieu ne le fera plus visiblement, il faudra nous contenter de le croire.  Ce n’est pas la partie du mystère qui doit nous occuper trop longtemps; ce n’est pas celle-là qu’il nous faut reproduire dans notre vie.  Mais c’est ce qui nous répugne que nous devons considérer et prendre d’une façon concrète dans notre propre vie.  Au lieu de chercher les anges dans le ciel, regardons la crèche, frémissons de froid, sentons l’odeur de l’étable et frottons-nous le nez sur la paille de la crèche: voilà ce que Dieu nous demandera un jour d’imiter.  Au lieu d’anges, dans nos humiliations et nos fiascos, Dieu enverra des amis rire de nous, nous disputer,.  se moquer de nous et tous nous abandonneront.  Voilà ce que c’est que d’imiter les humiliations de Jésus!  Quand les riches deviendront pauvres, qu’ils acceptent de descendre de leur rang social… ils s’en vont dans la direction de Jésus!  Quand il manquera quelque chose à nos aises, sachons que c’est Dieu qui veut nous faire imiter Jésus sur ce petit point.  J’ai déjà vu un prêtre faire une colère à la ménagère parce qu’il lui manquait une cuillère spéciale pour manger une chose et il en avait encore quatre autour de son assiette!  Celui-là n’a pas médité souvent sur la crèche de Jésus!  Que d’impatiences chez une foule de chrétiens parce qu’ils manquent d’une chose!  Jésus, lui, manquait de tout!  Pour le suivre au ciel, il nous faudra manquer d’une foule de choses que les hommes exigent ordinairement.

Des Bergers sont invités après les anges à venir adorer Jésus.  Dieu leur envoie un ange les avertir.  C’est symbolique de ce que Dieu doit faire constamment; il faut qu’il envoie sa grâce pour les réveiller de leur apathie pour les choses de Dieu.  Ils sont perdus dans la nuit du naturel comme les bergers dans la nuit de Noël.  L’ange leur donne tout ce qu’il faut pour trouver l’Enfant.  Ils n’ont qu’à aller dans la ville de David et là ils trouveront un nouveau-né, enveloppé de langes couché dans une crèche.  Les bergers partent tout de suite pour faire ce que l’ange leur a dit et ils trouvent l’Enfant Jésus dans l’étable avec sa Mère et St-Joseph.  Remarquons les signes donnés par l’ange pour reconnaître le Sauveur du monde: un nouveau-né, enveloppé de langes et couché dans une crèche.  Voilà les signes de celui qui est éternel, qui vient briser la plus forte tyrannie du monde, celle de Satan, et qui règne dans les cieux!  Y at-il quelque chose pour le bon sens humain en cela?  C’est donc bien vrai que Dieu fait tout le contraire du bon sens humain et le contraire des apparences.  C’est la folie de la croix déjà en pratique.  Dieu appelle des bergers, pauvres ignorants… et où sont donc les Docteurs en Israël?  les savants pharisiens, les philosophes de l’Ancien Testament?  Ces orgueilleux ne comprendraient rien aux humiliations du Sauveur et ils ourdiraient des complots pour le tuer tout de suite.  Il faut qu’il fasse son oeuvre avant de tomber dans leurs mains pour être crucifié par eux.  Voit-on plus de nos savants «docteurs» ou de nos «philosophes» de la théologie venir adorer Jésus au tabernacle par amour pour lui?  Si on en voit un jour, qu’on m’envoie donc un télégramme pour m’annoncer cette nouvelle extraordinaire!  Dieu choisit les bergers parce qu’ils sont pasteurs, pauvres et éveillés.

Pasteurs.  Dieu veut indiquer aux Evêques et aux prêtres qu’ils doivent être les premiers à donner l’exemple du service divin, à visiter Jésus partout où il se trouve: avec son Humanité dans l’Eucharistie.  Ils devraient attirer les foules à adorer Jésus par leur exemple.  Qu’on les voit là souvent allant chercher conseil et grâce pour remplir leurs fonctions avec plus de fruits spirituels, à visiter Jésus dans les pauvres, dans les malades et dans les fidèles en général.  Dieu a créé les troupeaux de moutons pour représenter les paroissiens.  Jésus revient constamment sur cette comparaison et il veut que les pasteurs aient les mêmes soins pour les fidèles que les bergers ont pour leurs troupeaux… Ils surveillent leurs moutons nuit et jour, les protègent contre les loups, les empêchent de s’égarer, prennent un soin spécial pour ceux ou celles qui sont malades ou blessés. 

Un berger est tout à son troupeau.  Eh bien, Jésus veut que les prêtres soient tout à leurs paroissiens, qu’ils doivent nourrir de la doctrine de Jésus et de toute la doctrine: de la folie de la croix comme du mépris des créatures, ce qui est la force de Dieu, la sagesse de Dieu, dit St.  Paul.  Mais combien cherchent à exploiter la paroisse le plus possible sans nourrir suffisamment les fidèles de la doctrine céleste.  Combien leur donnent la doctrine du sermon sur la montagne qui les empêcherait de tomber dans le péché?  et combien courent après leurs pécheurs?  Dieu demandera un compte sévère aux prêtres qui font négligemment leur ministère.

Pauvres et détachés des biens de la terre.  Le divin ne se donne pas à ceux dont le cœur est aux rivales de Dieu.  Quand Jésus se présente aux pauvres, il a plus de chance d’être bien reçu, tandis que les riches ont leur maison de campagne à aller voir, leurs paires de boeufs à essayer et leurs plaisirs à prendre avant de s’occuper des choses de Dieu!  Pour comprendre cette affection de Dieu pour les pauvres qu’on se rappelle que l’affection aux choses créées est rivale de notre affection pour Dieu.  Quand on est riche, on a ordinairement des affections aux rivales de Dieu, alors il est mal reçu quand il se présente.  Voilà pourquoi il affectionne surtout les pauvres.  Eveillés: souvent Jésus donne ce conseil: Veillez et priez: Lui-même a souvent passé des nuits à veiller et à prier.  Dans la nuit on est moins dérangé par le bruit et par les personnes et l’âme peut plus facilement s’élever vers Dieu loin du tracas des affaires.  Les pasteurs sont éveillés quand ils peinent après leurs journées de travail, qu’ils surveillent tout ce qui pourrait nuire à la sainteté des fidèles: les mauvais livres, compagnons, les semeurs de discorde, de mauvaises doctrines, de l’esprit du monde, etc.


Des chrétiens.  Elle ne s’est pas faite durant la nuit de Noël, c’est celle qui nous reste à faire puisque Jésus est au milieu de nous comme il était dans la crèche.  Quelle pitié de voir l’insouciance des prêtres et des fidèles pour Jésus dans l’Eucharistie, où il est en personne et en chair et en os, quoique d’une manière invisible pour nous.  C’est le même Jésus qu’au ciel, et, comme j’ai dit souvent, la mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve dans l’âme.  Si on est si indifférent pour Jésus sur la terre, comment peut-on espérer aller au ciel où les élus se pâment d’admiration et d’amour devant Jésus?  Quand on le reçoit dans la sainte communion, les prêtres et les fidèles devraient s’entretenir avec lui, l’adorer, le louer et le prier pendant qu’il est corporellement avec eux, environ une demieheure.  Mais que de prêtres et de fidèles ne font pas d’action de grâce ou très peu!  Ils n’ont donc pas d’amour pour JésusChrist sur la terre, quand en auront-ils pour lui?  Les excuses qu’ils ont aujourd’hui pour ne pas s’occuper de lui quand il est dans leur cœur, ils les auront bien demain et après demain et ainsi de suite toute leur vie.  Voit-on souvent du changement pour le mieux sur ce point?  Chacun pense plus à son déjeuner, à sa cigarette, au journal pour voir la feuille des sports, pour badiner avec d’autres ou pour aller tout de suite aux affaires.  Tout ce monde devrait être tout aux choses de Jésus et il n’a pas le temps pour causer avec lui quelques minutes, quand il est réellement présent en corps et en âme et en divinité dans leur âme!  Voilà comment méditer la vie de Jésus pour se défaire de son «païen» et devenir surnaturel dans toute son activité, surtout dans son activité libre des facultés et donc dans sa mentalité.  Nous devons nous améliorer en imitant la vie du Jésus surtout dans tout ce qu’elle a de contraire à nos inclinations naturelles.  Nous devons tuer notre vieil homme pour que Jésus prenne la place; il faut donc se défaire de ses manières de penser, de parler et d’agir pour prendre la manière de Jésus en tout cela.  Nous devons être configurés au Christ… dans sa vie à tous les points de vue.  Dès sa naissance, donc, il nous faut reproduire les leçons contre nature qu’il nous donne dans l’étable: il y a du travail pour des années, seulement là!  Que Dieu nous donne les dons du St-Esprit pour comprendre la sagesse des voies divines et avoir la grâce de les vivre dans le concret.  Que la Ste-Vierge nous obtienne toutes les grâces pour devenir aussi semblables que son divin Fils.  Que St Joseph aussi prie pour nous enseigner à vivre avec Jésus et Marie comme il a eu le bonheur de le faire pendant plusieurs années.