dimanche 26 avril 2015

Père Onésime Lacouture - 1-33 - La mortification


TRENTE-ET-UNIÈME INSTRUCTION LA MORTIFICATION.

«Je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé.» 1 Cor.  9-27.

Plan Notion.  (expier nos péchés Sa nécessité… (nous renoncer (nous sanctifier (l’imagination (la mémoire

Mortification intérieure… (l’intelligences (la volonté (les sens

Mortification extérieure… (la langue (la sensualité

NOTION Voici la deuxième subdivision de la Folie de Croix; la première: l’aumône, retranche l’affection aux biens extérieurs; celle-ci, la mortification retranche l’affection aux biens du corps et de l’âme dans ses facultés.  Ce sont toutes ces affections aux choses créées qui empêchent notre parfaite transformation en J-C., nécessaire pour participer à sa vie au ciel.  Tout chrétien doit coopérer avec la grâce pour se dépouiller de ces affections; il faut donc qu’il les connaisse avec la manière de s’en défaire.  Voilà pourquoi il est bon de diviser le travail comme nous faisons ici, afin de le mieux comprendre pour le mieux accomplir.  Notre seule manière pratiquement de déraciner nos tendances naturelles, c’est de leur soustraire leur objet en autant que nous le pouvons avec la grâce de Dieu.  Voilà la raison de ces dernières méditations sur la folie de la croix au point de vue pratique.  La mortification consiste à volontairement se priver d’une satisfaction qu’on pourrait prendre légitimement ou à s’imposer une douleur physique pour expier ses péchés ou obtenir une autre grâce.  Dans ce domaine il faut pratiquer ses mortifications sans s’occuper des autres; d’abord parce que très peu se mortifient aux yeux des autres.  Dieu dispose toutes choses pour qu’apparemment au moins, nous soyons les seuls à nous mortifier. 

C’est qu’il ne veut pas qu’on le fasse pour faire comme les autres; il ne veut pas de ce motif naturel.

Il faut se garder de juger les autres; car Dieu donne la grâce à l’un de se mortifier sur un point et à un autre de le faire sur d’autres points.  Certains disent qu’ils évitent de se mortifier devant les autres par peur de la gloriole.  Ce n’est pas un bon principe parce qu’ils n’ont qu’à le faire uniquement pour Dieu dans leur motif tout à fait surnaturel et ensuite peu importe qu’on les en estime.  Il faut édifier le prochain dans ces bonnes actions comme dans les autres.  Parce que c’est délicat de garder le juste milieu entre l’édification du prochain et la gloriole, ce n’est pas une raison d’omettre la mortification.  Qu’on soit assez humble pour pouvoir édifier le prochain et tout de même se mortifier.  Le scandale de n’être jamais vu à se mortifier est plus à craindre que la gloriole en le faisant; les deux sont à éviter par une intention bien surnaturelle et une mortification visible quand l’occasion se présente, comme de jeûner dans un hôtel un jour de jeûne, etc… sa nécessité… Expier nos péchés est le premier motif dans l’ordre pratique pour ainsi dire de se mortifier.  Parce que nous sommes pécheurs dès notre naissance à cause du péché originel et ensuite par nos propres péchés personnels, il nous faut payer cette dette à la justice divine avant de prétendre aux grâces d’union même ordinaire avec Dieu.  Même ceux qui passent pour de bons chrétiens parce qu’ils reçoivent assez souvent les sacrements doivent craindre pour la rémission de leurs péchés au moins quant à la peine qui reste après le pardon obtenu.  Nos gens formés par nos philosophes à une religion toute de tête peuvent s’attendre à avoir une grosse dette à payer à Dieu à cause de leur façon superficielle de recevoir les sacrements.  En plus il y a toutes les mauvaises tendances naturelles à refréner dans tout homme quelque bon qu’il soit.  Comme pour éteindre le feu il suffit de lui soustraire la matière qui l’alimente, ainsi il faut soustraire aux inclinations naturelles les plaisirs qui les alimentent, autrement elles nous entraînent au péché.  Tous les saints parce qu’ils voulaient être unis à Dieu sentaient un terrible obstacle dans la vie animale si portée à tous les excès.  Comme St-Paul, ils souhaitaient tous d’être délivrés de ce corps de mort.  Ils aidaient la grâce en retranchant au corps tous les plaisirs qu’ils pouvaient sacrifier avec la grâce de Dieu.  Nous savons les souffrances atroces de N.S.  pour expier nos péchés.  Eh bien!  nous devons savoir aussi qu’il nous reste à participer à son calice pour participer à sa joie au ciel.  Nous régnerons avec lui au ciel pourvu que nous souffrions avec lui sur terre.  Il nous faut souffrir dans notre corps ce qui manque aux souffrances de Jésus, non pas dans leur valeur infinie au point de vue mérite, mais d’extension.  C’est-à-dire, il faut que les membres de Jésus participent à sa passion pour participer à sa gloire.  En d’autres termes, les souffrances de Jésus ne nous dispensent pas de payer notre propre dette pour nos péchés, mais elles donnent du mérite devant Dieu à nos souffrances offertes pour nos péchés et en union avec le sacrifice de Jésus-Christ.  C’est une erreur bien commune de croire que le sacrifice de Jésus nous dispense de souffrir pour nos propres péchés.  Que de prédicateurs disent que Jésus a expié nos péchés sur la croix.  Il y a du vrai dans le sens qu’il a satisfait à la justice divine par ses mérites personnels infinis et qu’à cause de ses mérites, notre expiation pour nos propres péchés est agréée par Dieu pour l’amour de J-C.  Mais ce n’est pas vrai dans le sens des protestants: qu’il ne nous reste rien à payer pour nos péchés.

Il n’y a pas de doute que le sacrement de pénitence par l’absolution efface non seulement la coulpe, mais aussi la peine due aux péchés.  Mais qui sait exactement combien?  Cela dépend en grande partie des dispositions subjectives du pénitent qui laissent beaucoup à désirer avec la religion des philosophes si générale de nos jours.  Par conséquent chacun fait mieux de prendre sur lui de payer sa peine par des mortifications volontaires; autrement il peut s’attendre à rester fort longtemps dans le purgatoire.  En général nos prêtres philosophes plus que jamais parlent de la nécessité de se mortifier uniquement à cause des péchés et des mauvaises inclinations laissées par les péchés.  Jamais ils n’en demandent dans les choses permises ou très rarement, parfois peut-être aux religieux qui sont supposés faire profession de perfection, de la rechercher.  En tout cas on voit bien que c’est la doctrine donnée au monde parce que c’est la seule que les fidèles ont en général.  Ils n’ont aucunement l’idée de se mortifier dans les choses permises, et ils ne sont jamais dérangés par les prêtres dans cette idée; elle est donc générale dans le clergé.  Voici leur doctrine bien exposée par le P.  Ferd.  Cavallera, S.J., dans son introduction du livre du P.  Surin: Les fondements de la vie spirituelle.

«Réalité que nous trouvons ici en présence de deux spiritualités d’accord pour l’essentiel, mais divergentes sur la valeur de certaines méthodes et d’attitude à observer dans la recherche de la perfection.  Surin est de l’école du renoncement absolu, même en dehors du cas du péché et de la lutte nécessaire contre les passions et mauvaises inclinations.  On ne saurait selon lui acheter par trop de sacrifices l’intime amitié de Dieu et ses faveurs extraordinaires.  Les autres se refusent à partager ce qui peut paraître une déficience excessive envers l’oeuvre du Créateur et accordent plus de crédit aux données de la raison contrôlée par la foi.  Ils estiment par conséquent que la question du péché mise à part, l’homme peut trouver Dieu dans l’utilisation rationnelle des biens créés mis par lui à notre disposition et que le bon usage des créatures a sa place dans la vie spirituelle à côté des sacrifices quotidiennement imposés par la loi du devoir.

L’essentiel est d’aimer Dieu par-dessus toutes choses et de profiter de tout, selon l’enseignement de St Paul, en vue de la gloire de Dieu.  De même, ils ne nient pas en principe la réalité des faveurs surnaturelles, mais ils estiment que l’illusion y est facile et fréquente, et que plutôt que sur ces lumières exceptionnelles, il faut compter avant tout, pour la conduite des âmes et sa conduite personnelle, sur les données conjuguées de la raison naturelle et de la foi; ce sont là bienfaits divins contre lesquels il n’y a pas de motif de s’insurger et de manifester de la défiance incurable des mystiques.» Quel archi-philosophe!  Il cite St Paul qui veut que nous fassions tout pour la gloire de Dieu.  Mais ce n’est pas vrai que ce texte permet aux chrétiens de jouir de tout ce qui n’est pas défendu, comme le P.  l’insinue.  Pourquoi ne cite-t-il pas cet autre texte de St Paul qui fait faire la grimace à tous les philosophes: «Pour gagner J-C.  je me suis privé de toutes choses, les regardant comme du fumier afin de gagner J-C.»  Est-ce que St Paul regarde comme du fumier seulement le péché et les mauvaises inclinations?  Comme J-C.  il s’est privé des choses permises le plus possible.  Ceux-là n’ont pas suivi leur raison naturelle même conjuguée avec la foi, ils ont suivi leur amour pour dieu et cet amour pour Dieu demande qu’on regarde toutes les créatures comme du fumier pour gagner J-C.  C’est là qu’est Surin, en bonne compagnie.  Jésus dit qu’on ne peut pas aimer Dieu et le monde, qu’on aimera l’un et haïra l’autre.  Quand on hait, on en prend le moins possible; c’est du fumier!  Cavallera avec sa clique de philosophes païens préfèrent donner plus d’importance à la création et estimer les créatures.  D’après Jésus il faut mettre sa défiance dans la création ou le Créateur: aimer l’un et haïr l’autre!  Les philosophes veulent aimer les deux.  On voit là le résultat de leur théologie «in se».  Là les deux sont aimables mais ce n’est pas vrai «in nobis», en nous.  Alors les créatures, les permises comme les autres, fendues, deviennent du fumier pour celui qui aime Dieu.  Sa dernière phrase est tout simplement abominable d’orgueil.  Tous les mystiques ont une défiance incurable de la raison humaine!  Or tous les saints sont des mystiques… Allons-nous nous mettre du côté des Saints ou du côté de Cavallera et de sa clique de philosophes qui suivent le bon sens contrôlé par la foi…?  à leur manière… C’est la raison qui domine la plupart du temps, comme l’état de la religion qu’ils donnent au monde le montre bien…

Se renoncer est le deuxième motif de pratiquer la mortification.  Ici nous avons tous les philosophes contre nous, comme on a pu le voir par la citation du P.  Cavallera, philosophe d’un travers à l’autre… Tout ce que nous avons dit dans le premier motif serait vrai si nous étions sur le chemin des limbes.  Il suffirait de s’être débarrassé de la corruption du péché pour être un homme pur et digne d’aller au bonheur des hommes aux limbes.  Mais c’est autre chose avec notre destinée surnaturelle à la vision béatifique.  Non seulement il faut enlever la corruption du péché, mais il faut aussi diviniser tout l’homme et non seulement dans son être par la grâce sanctifiante, mais aussi dans son activité par la surnaturalisation de toute son activité libre.  Imaginons l’homme aussi pur qu’il puisse être, il ne mérite pas du tout encore la participation à la vie divine de la Trinité.  Il faut que tout son être soit divinisé, ce qui se fait par la grâce sanctifiante.  «En soi», cela suffit pour être sauvé, aller au ciel.  Les philosophes ne prêchent que cela; ils disent sur tous les tons que du moment qu’un homme est en état de grâce, il est sauvé.  Nous admettons que cela est vrai.  Mais nous ajoutons que pour mourir en état de grâce, il faut lutter constamment par la mortification contre toute l’orientation naturelle de notre activité libre, qui reste naturelle même quand nous sommes en état de grâce, à moins que nous luttions contre cette orientation par des motifs surnaturels d’une façon ou d’une autre, mais surnaturels.

J-C.  fait dépendre le mérite de nos bonnes œuvres (Mt.  6) de nos motifs et il suppose même que nous sommes en état de grâce.  La grâce sanctifiante est la condition du mérite, mais elle ne le règle pas; ce sont les motifs tels que Jésus l’enseigne là.  Toutes les exhortations de J-C., des Apôtres et des Saints à tout faire pour Dieu montrent bien que la grâce sanctifiante ne suffit pas pour cette orientation surnaturelle, d’où dépend le mérite de nos actions.  Les philosophes n’exigent pas cette orientation libre des motifs pour leur mérite; qu’ils gardent leur idée; ils n’ont pas le droit de nous condamner parce que de solides théologiens sont pour nous et tous les Saints et les «pauvres» mystiques, qui n’aiment pas la raison humaine!  Le bon Dieu a demandé la mortification aux anges avant leur péché comme à nos premiers parents.  C’est donc évident qu’il va nous la demander indépendamment du péché.  Les philosophes supposent qu’avec la grâce sanctifiante tout un homme est divinisé.  C’est vrai physiquement dans ce qui a l’être, mais ce n’est pas vrai dans l’orientation de notre activité que tout chrétien garde et peut garder toute sa vie, bien naturelle, s’il le veut.  Tout en étant en état de grâce, je puis manger une pomme pour un motif naturel.  Je suis porté à tout faire exactement comme un vrai païen dans la partie libre de mon activité à moins que je lutte contre ce paganisme qui reste dans l’esprit même avec la grâce sanctifiante.

Voilà ce renoncement à soi-même que Jésus veut de tout chrétien baptisé.  Que de mortification il faut pour mourir à soi pour arriver à dire comme St Paul: Ce n’est plus moi qui vis, c’est J-C.  qui vit en moi.  Ce n’est pas vrai que cela se fait par le fait de concevoir la grâce sanctifiante.  Tous les Saints ont constamment combattu contre leur amour naturel pour les bonnes choses créées autant que pour les défendues.  Les philosophes ne font pas cette lutte ni ne l’enseignent aux autres!  J-C.  s’est-il privé seulement des biens défendus?  Les Apôtres n’ont-ils pas sacrifié leurs biens permis comme les autres?  Les Saints n’ont-ils pas suivi ces exemples?  Que les philosophes fassent valoir surtout l’œuvre du Créateur en s’amusant avec les bonnes créatures; j’aime mieux faire valoir le Créateur comme je le ferai au ciel sans les créatures terrestres.

Nous sanctifier est le troisième motif de pratiquer la mortification.  Tout être doit orienter son activité vers sa fin dernière.  Or le chrétien est destiné à participer à la vie divine de Dieu au sein de la Trinité.  Or Dieu exige que l’homme commence tout de suite dans la foi sa vie au ciel.  Or au ciel il ne cherchera sûrement pas son bonheur dans les créatures terrestres, quelque bonnes qu’elles soient; il mettra tout son bonheur en Dieu.  Or pour jouir divinement, il faut agir divinement.  Alors dès qu’un chrétien entrevoit tant soit peu le bonheur ineffable que Dieu réserve à ses amis au ciel, il s’efforce d’en mériter le plus possible en agissant divinement le plus possible.  Or un acte est d’autant plus divin qu’il procède de la grâce sanctifiante et des motifs surnaturels plus parfaits.  Or pour agir pour des motifs surnaturels, il faut les perfectionner par une intention plus fervente, plus actuelle et plus divine.  Pour faire cela il faut lutter contre les tendances naturelles même bonnes en soi; il faut rejeter tous les motifs naturels pour être sûr que ces motifs sont bien surnaturels.  Tout cela est de la mortification!  Les philosophes ne l’exigent pas; leur Dieu se contente facilement!  Du moment qu’il n’y a pas de péché, il est satisfait de ses philosophes; le reste, c’est du luxe qu’ils ne tiennent pas du tout à lui donner.  Imaginez l’inconvénient d’en trop donner à Dieu!  C’est la raison qui mène chez eux… conjuguée avec… un peu de foi!  Cela leur suffit!  Ils ne veulent pas être dans le camp des mystiques… des exagérés!  Quant à moi, je veux l’attitude des mystiques jusqu’à leur défiance incurable de la raison humaine.

La position à prendre n’est pas celle d’un «gentleman philosophe», qui veut rester correct avec Dieu, ce qu’il fait quand il suit la raison, mais éclairée par la foi.  Car elle permet même avec la foi de jouir de tous les plaisirs permis… et la raison l’approuve naturellement.  C’est une toute autre attitude mentale quand on en fait une question d’amour, comme on doit le faire.  Est-ce que je vais donner mon affection ou mon cœur aux créatures ou au Créateur?  Le premier commandement règle cette question bien vite, il prend tout notre amour pour Dieu.  Or on sait que l’amour est une fin que l’on veut toujours le plus possible.  Si donc j’aime Dieu de tout mon cœur selon le premier commandement, il ne me reste plus aucun amour pour les créatures même bonnes en soi.  Donc je les rejette le plus possible comme du fumier, à l’exemple de St Paul, afin de gagner le plus possible J-C.  Ma sainteté est le degré de divin que j’ai en moi.  Or ce divin s’achète aux dépens des créatures bonnes comme défendues.

On comprend pourquoi cette méfiance des mystiques pour la raison humaine, naturelle, même unie à la foi.  Comme ils vivent d’amour, ils suivent leur cœur ou leur amour, tandis que les philosophes suivent toujours leur esprit ou leur science, qui mesure ce qu’elle donne, qui craint les exagérations de l’amour.  Les philosophes ont justement la mentalité que nous aurions pu avoir sur le chemin des limbes, tandis que les mystiques ont la seule attitude qui convient à Dieu, qui est amour!  C’est un caractère de l’amour de se donner sans mesure.  Heureux ceux qui vivent d’amour de Dieu; tout le reste leur devient du fumier, ils en prennent le moins possible, tout en suivant la raison conjuguée avec la foi!  Car si la foi me dit que toutes les créatures sont du fumier, mon bon sens me dit tout de suite d’en prendre le moins possible!  Les mystiques ne sont pas si bêtes après, tout, n’est-ce pas, M.  Philosophe Cavallera!…

Donc plus je veux devenir saint et plus je dois me priver des plaisirs de toutes sortes même permis et même modérés et même légitimes!  Jésus, les Apôtres et les Saints ont rejeté même les plaisirs permis; nous sommes donc en bonne compagnie!… Comme cette poursuite de la sainteté ne se trouve pas dans leur sainteté «essentielle», que les philosophes mettent uniquement dans la grâce sanctifiante, ils ne s’en soucient pas du tout.  C’est là qu’ils font erreur.  Pour eux ils mettent la fin dans ce qui n’est que le commencement de la vie spirituelle.  C’est aussi insensé que si des parents pensaient avoir fini leur devoir quand ils ont mis un enfant au monde en lui donnant la nature humaine.  Bien loin d’être la fin, ce n’est que le commencement de leurs devoirs pour conduire leurs enfants à la taille d’hommes parfaits physiquement et moralement et intellectuellement.  Ils ne s’occuperont plus du fait que leurs enfants ont la nature humaine, mais ils vont la développer constamment de toutes façons possibles.  Eh bien!  quand les prêtres donnent la grâce sanctifiante aux hommes ils doivent les développer comme enfants de Dieu de toutes les façons possibles.  Or on sait que pour augmenter le divin, il faut diminuer l’humain; il faut que le vieil homme dépérisse pour que le nouvel homme grandisse dans le surnaturel.  Donc encore un point important où les philosophes sont de travers avec les Saints.

sa division Nous divisons la mortification ici en deux: l’intérieure et l’extérieure, simplement pour mieux les comprendre, car dans le concret, elles doivent toujours aller ensemble.  C’est une mauvaise tactique que de pousser une contre l’autre.  Le démon seul y gagne!  Que de prédicateurs vantent l’importance de la pénitence intérieure comme toute différente de l’autre.  Les gens en concluent que la mortification extérieure est bien secondaire et ils n’en font pas.  J-C.  n’a jamais séparé ces deux choses.  C’est son crucifiement extérieur qui a fait son agonie intérieure.  L’Église nous transmet le Christ attaché à la croix.  C’est tout l’homme qui a péché, c’est donc tout l’homme qui doit expier.  Ce n’est pas le corps seul qui a péché, ni l’âme seule; ce sont les deux ensemble et ce sont les deux qui doivent expier.  Nous les divisons donc uniquement pour mieux les connaître, mais dans le concret toutes deux vont ensemble.

Mortification intérieure

L’imagination tient comme le milieu entre le monde matériel et le monde intellectuel; c’est elle qui peut amplifier, embellir, grandir les sensations et les choses représentées dans les sensations.  On voit qu’elle peut être un fameux instrument dans les mains des démons pour nous garder nos attaches aux choses créées et en augmenter notre amour.  On sait comme elle peut exciter les passions par ses représentations souvent exagérées des plaisirs qu’elle invente pour les sens.  Le mieux alors est de détourner l’imagination de ces plaisirs.  Ce sont les passions affamées qui agissent sur l’imagination pour lui faire représenter leur genre de plaisirs qu’elles veulent.  C’est quand on jeûne, par exemple, qu’on se représente toutes sortes de bons mets délicieux qu’on mangerait avec le plus grand plaisir.  Mais quand on a bien mangé, l’imagination ne nous prépare pas de banquet, comme lorsqu’on a faim.
De même c’est quand on veut rester chaste que l’imagination représente ces sortes de satisfactions.  Le bon Dieu le permet pour nous donner une chance de le préférer à ces plaisirs et le démon essaie de nous attirer à y consentir pour nous perdre.  Pour réussir à restreindre l’imagination dans les grandes tentations il faut prendre l’habitude de le faire dans les petites.  Prendre l’habitude de préférer Dieu à n’importe quel échantillon présenté; c’est le moyen de mériter et d’apprendre à contrôler l’imagination.  La mémoire garde le souvenir de tout ce qui passe dans les sens et les facultés de l’homme.  Quand les créatures sont disparues autour de nous, la mémoire en garde le souvenir comme si elles étaient présentes.  On comprend que nous devons sacrifier ces souvenirs comme les créatures elles-mêmes et souvent avec autant de mérite.  Par exemple, un matin dans un hôtel je jeûne à côté d’un protestant qui mange un bon steak; j’ai du mérite à m’en priver un jour de jeûne.  Une heure après mon travail, la faim me remet ce bon steak devant l’esprit; j’ai encore sûrement du mérite à repousser ce souvenir comme j’ai repoussé cette bonne viande au déjeuner.  Alors répétons dans la mémoire ce que nous devons faire avec le plaisir réel en lui-même.  Mortifions donc le souvenir des plaisirs que la mémoire nous remet devant l’esprit.

L’intelligence doit être mortifiée pour accepter dans tous les détails de la vie les manières de faire du monde surnaturel de la foi si contraires à notre raison naturelle très souvent.  Dès que l’on sait que la foi enseigne telle chose, qu’on l’accepte tout de suite et qu’on fasse taire n’importe quelle protestation de notre esprit humain si borné dans les choses de Dieu.

Une autre source de mortification se trouve dans les jugements si différents des personnes avec lesquelles il faut vivre.  Dieu nous a tous fait des antipodes les uns des autres et son commandement d’amour nous oblige à faire plaisir aux autres comme à nous-mêmes.  Eh bien!  quelle source de mortification du jugement que de sacrifier le nôtre à celui des autres, quand il n’y a pas de sérieux inconvénients à leur laisser leur jugement.  Tous les inférieurs ont une belle chance de mortifier leur jugement dans l’obéissance.

La volonté.  C’est le même raisonnement que pour la mortification de l’intelligence, que la volonté suit ordinairement.  Laissons aux autres le droit de faire leur volonté quand nous sommes les seuls concernés.  Par exemple, on trouve qu’il fait trop chaud et l’on ouvre la fenêtre; un autre gèle!  Eh bien!  qu’il mette son paletot et laisse la fenêtre ouverte pour l’amour de celui qui a chaud, ou vice versa.  Que d’occasions de mortifier sa volonté dans les familles et les communautés!

Mortification extérieure

Les sens nous découvrent les plaisirs que nous pouvons trouver dans les choses créées et naturellement l’homme veut ces satisfactions pour sa nature.  Or la foi nous enseigne à retirer notre amour des choses créées pour le donner tout à Dieu.  Pour lutter contre cet amour naturel, le meilleur moyen est de lui soustraire la matière qui l’alimente: les sensations.  Il faut détourner les sens de leur objet propre pour diminuer cet amour que nous avons pour les créatures.  Plus les sens sont parfaits et plus ils alimentent cet amour naturel; ce sont donc ceux-là surtout que nous devons mortifier.  Par exemple, la vue est une source abondante de péchés.  David tomba dans l’adultère et les deux vieillards qui observaient Suzanne voulurent commettre ce péché avec elle.  Parce qu’elle refusa ils la dénoncèrent et demandèrent sa mort et finalement Dieu la délivra de leurs mains et ils furent punis de mort.  Quelle rage de nos jours, plus que jamais, avec les inventions modernes pour satisfaire les sens!  On veut tout voir, tout entendre et jouir de tout dans les cinémas, les amusements de toutes sortes, les théâtres, la radio, etc… Jusqu’aux prêtres et aux religieux qui les courent comme de vrais païens!

Le goût mérite une mention spéciale, car il conduit vite à la gourmandise qui est une source abondante de péchés.

  Tout chrétien devrait faire une lutte à mort à l’ivrognerie qui cause tant de ravages dans le monde.  Le seul moyen efficace en général est de s’abstenir complètement de toute liqueur enivrante.  Ce n’est pas facile de tenir la modération là, parce que ces liqueurs causent une véritable passion qui entraîne les hommes aux excès.  Les prêtres et les religieux surtout devraient donner l’exemple d’une abstention totale quand même ils seraient capables de se contrôler.  Pour sauver le peuple et lui mériter des grâces spéciales il faut que quelqu’un fasse pénitence pour lui et qui mieux que les prêtres et les religieux peuvent le faire et doivent le faire?

La mortification du goût par le jeûne est une pénitence extrêmement précieuse devant Dieu.  De nos jours, même les prêtres ne parlent plus que de la prière, eh bien! elle ne vaut pas grand’chose sans la mortification.  L’Écriture joint d’ordinaire le jeûne ou l’aumône à la prière pour la rendre efficace.  Il faut les deux, dit Jésus, pour chasser le démon d’impureté.  Or l’impureté est très répandue précisément parce que les prêtres ne prêchent plus le jeûne; c’est à qui en ferait le moins.  Aussi l’impureté se répand de plus en plus.  Qu’on revienne au jeûne et surtout chez les jeunes si portés à l’impureté!

Au pied du Sinaï les Juifs se mirent à fêter en mangeant et en buvant, puis ils dansèrent et enfin tombèrent dans le péché d’idolâtrie.  La gourmandise conduit à tous les péchés!  Tandis que le jeûne mène à toutes les vertus!…

Moïse jeûna 40 jours et 40 nuits et Dieu lui parla familièrement et lui donna la loi des 10 commandements.  La gourmandise éloigne donc de Dieu et le jeûne nous rapproche de lui.  Élie jeûna 40 jours et Dieu lui fit de magnifiques révélations sur le Messie et il mérita de passer à un meilleur monde sans mourir.  J-C.  jeûna 40 jours aussi et sur le Thabor ceux qui avaient jeûné également 40 jours, Moïse et Élie, leur apparurent, l’un représentant la Loi, l’autre les prophètes: trois grandes institutions divines inaugurées par un jeûne de 40 jours.  Quand les Apôtres et les premiers chrétiens voulaient obtenir une grâce de Dieu, ils jeûnaient et ils l’obtenaient.  De nos jours quand les Évêques et les prêtres se réunissent pour délibérer sur quelque question religieuse, c’est entre des banquets qu’on décide!  Aussi, jamais rien de bon ne sort de là. 

On rédige quelques résolutions et tout finit là!  St Grégoire dit que St Pierre jeûnait continuellement, que St Mathieu ne mangeait que des herbes, comme aussi St Jacques.  St Ignace, M.  dit que les fidèles d’Alexandrie jeûnaient les mercredis et les vendredis en plus du Carême et des Quatre-Temps.  St Jérôme écrit à Népotien: «À quoi sert s’abstenir d’huile et ensuite aller à la recherche de mille aliments, tels que des figues sèches, des noix, du poivre, des dattes, du miel et de la meilleure farine de froment et des amandes?» Inutile de citer des textes sans nombre qui montrent l’efficacité du jeûne pour désarmer la colère de Dieu: l’Écriture en est remplie: Judith, Esther, Jonas à Ninive, etc… Continuons le texte de St Jérôme: «On empile toutes les ressources de l’horticulture parce qu’on ne veut pas se contenter de la nourriture ordinaire; mais en courant après les délices, on s’éloigne du royaume des cieux. 

J’apprends en outre qu’il y en a quelques-uns, qui, contrairement à l’usage établi ne boivent point d’eau, ne mangent pas de pain, mais se nourrissent de légumes hachés et de boissons délicates.  Le jeûne le plus rigoureux est celui qu’on observe en se contentant de pain et d’eau… Exemple: À Joliette en la paroisse du Christ-Roi, le Curé, P.  Laurenzo Gauthier, qui avait fait la retraite, demande une neuvaine d’actions de grâces pour ce que Dieu voulait en permettant deux maisons louches dans la paroisse et le dernier jour il demanda un jeûne au pain et à l’eau, et assurant bien les fidèles que les Pères feraient ce jeûne aussi.  Le lendemain, comme ils sortaient de la messe, une des maisons flambait.  L’autre famille qui savait qu’on avait fait ces jeûnes contre eux aussi, alla s’installer ailleurs.  Un jour, je rencontre ce curé mécontent contre le Père Gauthier qu’il tenait responsable.  Je lui dis: M.  le Curé, est-ce que vous n’avez pas du pain et de l’eau chez vous?  Jeûnez!

Je racontais ce fait en retraite sacerdotale.  M.  Trépanier, vicaire à St Grégoire de Montmorency, demanda à son Curé de faire un triduum de prières avec un jeûne à la fin au pain et à l’eau, pour se débarrasser de deux maisons semblables à celles de Joliette.  Après le triduum, un des propriétaires tomba mort sur son perron et l’autre famille eut peur et s’en alla ailleurs où le Curé me dit qu’ils se conduisaient très bien!…

Au lac Édouard une épidémie de chenilles s’abat sur la région.  M.  Dumont, l’aumônier, qui avait suivi nos retraites, demande aux tuberculeux du Sana de jeûner en paroles, puisqu’ils ne pourraient pas le faire au pain et à l’eau.  Il leur demanda de ne pas manger de bonbon ce jour-là et de garder le silence et de prier le plus possible.  Le lendemain toutes les chenilles s’en allaient directement au lac où elles se noyaient et les autres moururent.  Un religieux prêtre est chassé de sa communauté; il lui faut une lettre de recommandation de son supérieur pour être accepté par un Évêque.  Son Supérieur refuse deux fois.  Entre temps ce religieux fait la retraite et apprend ce moyen efficace pour obtenir des faveurs de Dieu.  Il commence son jeûne le matin, mais à midi le supérieur où il se trouve lui défend de continuer.  Quand même, quelques jours après, il reçoit dans la même enveloppe deux lettres de son Supérieur: l’une disant qu’il n’aura jamais de lui une lettre de recommandation et l’autre était une vraie bonne recommandation!  J’ai vu les deux lettres!  Quel dommage que les prêtres ne recourent plus à ces moyens si apostoliques et si efficaces pour toucher le coeur de Dieu!  On voit que les Apôtres jeûnaient et priaient, puis le St Esprit les éclairait!  Quelle pitié de voir tant de réunions de prêtres et de religieux pour promouvoir les intérêts de la religion, comme les cercles d’étude catholiques, de congrès de catéchisme, etc.  Et l’on délibère sur les choses de Dieu à travers des nuages de fumée et en buvant de la liqueur et en mangeant toutes sortes de choses délicates!  Quelle farce!  Quelle ignorance des voies de Dieu!  Est-ce surprenant que rien ne sort de ces assemblées à la païenne!…?  Au lieu de discuter combien peu on peut se priver tout en jeûnant «strictement parlant», pourquoi les prêtres ne prêchent-ils pas le vrai jeûne des temps apostoliques?… Le moins possible et surtout au pain et à l’eau!  Au lieu de se tâter le pouls, qu’on tâte la dette épouvantable que chacun doit à la justice divine pour ses nombreux péchés jamais encore expiés, même s’ils sont pardonnés.  Les flammes du purgatoire ou de l’enfer ne sont pas bonnes pour la santé!… et les petits inconvénients du jeûne les éteindraient pour vous… La mentalité n’est pas du tout au jeûne.  Même en communauté combien pourraient jeûner qui ne le font pas?  Quelle sorte de perfection cherchent-ils ces prêtres et ces religieux qui ont exclu le jeûne de cette recherche?  Il y a quelque chose de foncièrement croche quelque part quand on exclut le jeûne de sa vie.

La langue mérite une attention spéciale à cause de son efficacité merveilleuse pour le mal comme pour le bien.  Elle distribue à droite et à gauche l’éloge et le blâme, la peine ou la joie, la paix ou la guerre.  Il faut citer St Jacques, 3: «Si quelqu’un ne pèche pas en paroles, c’est un homme parfait capable de tenir ainsi tout le corps en bride.  Voyez encore les vaisseaux, tout grands qu’ils sont et quoique poussés par des vents impétueux, ils sont conduits par un petit gouvernail au gré du pilote qui les dirige.  Ainsi la langue est un tout petit membre, mais de quelles grandes choses elle peut se vanter!  Voyez une étincelle peut embraser une forêt.  La langue aussi est un feu, un monde d’iniquité.  N’étant qu’un de nos membres, la langue est capable d’infecter tout le corps; elle enflamme le cours de notre vie, enflammée qu’elle est elle même du feu de l’enfer… Les animaux sont domptés, mais la langue, aucun homme ne peut la dompter; c’est un fléau qu’on ne peut arrêter; elle est remplie d’un venin mortel.

Chaque coup de langue fait trois blessures: à la personne contre qui on parle, à celle qui écoute avec complaisance le mal qu’on dit et enfin à celle qui le dit.  St Clément dit que St Pierre enseignait qu’on peut commettre trois sortes de meurtres et que les trois ont la même peine: tuer le prochain, le haïr et ruiner sa réputation.  St Paul dit, Rom.  1-30, que les détracteurs sont odieux aux yeux de Dieu.  Marie, la sœur de Moïse, est couverte de lèpre pendant une semaine parce qu’elle a murmuré contre son frère, et des milliers de Juifs qui avaient murmuré contre Moïse sont tués par les serpents.  Ps.  34-13 dit: Quel est l’homme qui aime la vie, qui désire de longs jours pour jouir du bonheur?  Préserve ta langue du mal et tes lèvres de paroles trompeuses.  Prov.  21-24: «Celui qui garde sa langue et sa bouche préserve son âme des angoisses» Plût à Dieu que les prêtres et les religieux fussent des modèles dans la garde de la langue!  Comme on fait circuler vite n’importe quelle calomnie ou médisance contre les confrères!  Combien parlent les uns contre les autres, même devant les laïques à leur grand scandale!  … cessons!…


La sensualité se compose des trois concupiscences: celle des yeux, de la chair et l’orgueil de la vie… dont la résultante est l’impureté.  C’est inutile pour les confesseurs de disputer les impudiques s’ils ne leur indiquent pas les remèdes.  D’après le sermon sur la montagne Jésus enseigne que la maison qui est bâtie sur le sable tombe.  Eh bien!  le sable est la mentalité païenne des motifs naturels en toutes choses.  Celui qui s’accuse d’impureté montre qu’il vit de motifs naturels depuis des années.  Le seul remède efficace est d’enlever les motifs naturels dans sa vie.  Qu’on lui conseille de cesser de fumer ou de boire de la liqueur ou d’aller aux amusements de toutes sortes où il a mis son cœur et qui lui fournissent des motifs naturels.  Il ne faut pas manquer de les pousser à quelques jeûnes à différents repas pour que ça ne paraisse pas aux yeux des autres.  Il faut sauter un repas, par-ci par-là, ou ne prendre qu’un demi-repas, etc.  Qu’il aille de moins en moins aux vues, etc… Ce n’est que par la mortification des appétits, des bons comme des mauvais qu’on aura la grâce de résister aux tentations si fortes et si dangereuses de l’impureté à tout âge et dans tous les rangs de la société.  Quand on sacrifie un plaisir permis, on gagne une grâce pour en faire un autre et ainsi de suite.  Voilà ce qui donnera la force de résister aux grandes tentations impures.  Luttons de toutes nos forces contre toutes ces concupiscences et nos attraits pour les plaisirs même permis.  En proportion qu’on vide son cœur de l’amour des créatures, Dieu prend la place, il le purifie et le remplit de divin. 

jeudi 23 avril 2015

Du modérantisme ou de la fausse modération – conférence

 
 

Voici une conférence faite par les Amis du Christ-Roi de France, nous vous invitons tous à l'écouter avec crayons à la main.

Pour nous, canadiens-français, nous ne pouvons qu'être fiers qu'on n'oublie pas l'abbé Pelletier.

Si Dieu le veut, un livre se fera sur ce dernier avec ses œuvres d'ici quelques mois, sur la question des classiques et un deuxième sur le libéralisme.

Nous remercions de grand cœur les ACRF ainsi que Notre Dame des Anges de faire connaître ce grand antilibéral.
 

mardi 21 avril 2015

R.P. Henri Hello - Pour la vérité : Combats et Triomphes

I.
LE PRIX DE LA VÉRITÉ
IL FAUT LA RECHERCHER.
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Ego sumvia, veritas et vita. Je suis la voie, la vérité et la vie. 
(Saint Jean, XIV, 6).

Nous considérons trois choses :

I. Ce qu'est la Vérité.
II. Le prix de la Vérité.
III. Il faut rechercher la Vérité.

I
CE QU’EST LA VÉRITÉ

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Qu'est-ce que la Vérité ? Quid est Veritas ? Question de Pilate à Jésus. (Saint Jean, XVII, 38). Il n'attendit pas la réponse. Il n'avait guère souci de connaître la vérité.

Justin le philosophe eut faim et soif de connaître la vérité. Il la rechercha très, avidement. II consulta successivement les principaux représentants des écoles de philosophie de l'antiquité païenne ; il fut déçu. Son cœur demeurait inquiet ; il n'avait pas trouvé ce qui procure la paix. Un jour, sur le bord de ta mer, il rencontra un vénérable vieillard ; il s'entretint avec lui ; celui-ci comprit ses tourments, lui parla du vrai Dieu, des prophètes, du Messie, de la doctrine de Jésus-Christ. Justin avait enfin trouvé ce qu'il voulait: II se fit chrétien. À l'école de Jésus il devint disciple de la Vérité. Plus tard il en fut l'apologiste et le martyr.

- Qu'est-ce que la Vérité ?

1° Saint Denys répond : « Est Deus. C'est Dieu ».

Saint Augustin dit à son tour : « la Vérité, c'est Dieu lui-même, lui, la première Vie et la première essence, comme il est la première Sagesse ».

Par nature, Dieu est pur Esprit, Souveraine Intelligence, il est Lumière, Deus lux est. Il connaît parfaitement, infailliblement :

La vie divine, la sienne, dans toutes ses profondeurs. Omnia scrutatur, etiam profunda Dei. (I. Cor. II, 10).

Toutes les créatures. Il est la cause première de toutes, il les a tirées du néant. Son œil clairvoyant et pénétrant voit toutes les profondeurs des espaces, celles des abîmes de l'Océan, celles du cœur de l'homme. Rien ne lui est caché.

Il connaît la plénitude de sa souveraineté, tous les droits qui en découlent, les devoirs qu'ont envers lui les êtres doués par lui d'intelligence. C'est lui-même qui leur a dicté sa loi. Il sait quels hommages lui doivent les hommes non seulement individuellement, mais collectivement, les familles, les cités, les nations.

« Je suis le Seigneur, et il n'y en a point d'autre ». Ego Dominus, et non est alter. (Isaïe, XLV, 6). Ce qu'il est, il le sera toujours. « Je suis le Seigneur, et je ne change pas ». Ego Dominus, et non mutor. (Mal. III, 6). Telle est la vérité immuable. Les hommes passent, elle demeure. Les droits de Dieu sont les mêmes, toujours. Heureux celui qui le croit !

- Qu'est-ce que la Vérité ?

C'est Jésus-Christ, car il est le Fils de Dieu, consubstantiel au Père, Lumière de Lumière. Je suis, dit-il, la voie, la Vérité et la vie. (Saint Jean, XIV, 6). Il est la voie pour aller sûrement à Dieu, à la Béatitude, parce qu'il est la Vérité. C'est aussi pourquoi il est la Vie parfaite, la vie éternelle.

- Qu'est-ce que la Vérité ?

3° La Vérité, c'est la parole de Dieu. C'est la parole de Jésus, c'est son enseignement dont il a dit : Ma doctrine n'est pas de moi, c'est-à-dire, n'a pas une origine humaine, mais c'est la doctrine de celui qui m'a envoyé. (Saint Jean, VII, 16).

Aux Juifs qui s'obstinent dans l'incrédulité il adresse , ce reproche : Si je vous dis la Vérité pourquoi ne me croyez vous pas ? (Saint Jean, VIII, 46). Refuser de croire à sa parole, c'est mépriser la Vérité.

II
LE PRIX DE LA VÉRITÉ

*****

- Qu'est-ce que la vérité? Saint Basile répond : C'est le bien le plus excellent. Est praestantissimum bonum.

Oui, assurément, puisque la vérité, c'est Dieu, c'est Jésus-Christ, c'est la parole de Dieu. Elle est donc pour l'homme d'un prix inestimable. Les considérations suivantes le feront mieux saisir :

1° Apporter la vérité du ciel sur la terre est l'objet premier de la mission du Fils de Dieu. A Pilate, qui l'interroge, il; répond : Je suis né et je suis venu, au monde pour rendre témoignage à la vérité. (Saint Jean, XVIII, 37):

Or la vérité que le Verbe fait chair est venu annoncer consiste principalement : a) dans la connaissance du vrai Dieu ; b) dans celle de sa mission pour le salut du monde ; c) dans la connaissance de la véritable béatitude, que l'homme ne trouve pas dans les honneurs, ni dans les richesses, ni dans les voluptés, ni dans les sciences humaines, mais dans le royaume des cieux; qui commence ici-bas, au sein de l'Église, par la foi, par la grâce, par l'espérance et la charité unissant l'homme à Dieu, et qui se consomme dans la vision béatifique.

Jésus est condamné à mort à cause du témoignage qu'il a rendu à la vérité.

Saint Jean, dans son Évangile, décrit admirablement les diverses phases de la lutte des ténèbres contre la vérité, c'est-à-dire de l'opposition toujours croissante des princes des prêtres, des docteurs de la loi, des pharisiens, à la doctrine de Jésus. Il est manifeste que son témoignage à la vérité est la principale cause de l'irritation de ses adversaires. Vous cherchez, leur dit-il, à me faire mourir, parce que ma parole n'entre point en vous. (Saint Jean, VIII, 37).

Saint Mathieu raconte (XXVII, 57-65) la scène de la condamnation officielle par le sanhédrin. Jésus est solennellement interrogé par le Grand Prêtre : Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. Jésus répond par cette affirmation qui déchaîne toutes les fureurs de la synagogue : Tu l'as dit, je le suis. Après cet éclatant témoignage rendu à la vérité, Jésus est décidément condamné à la mort.

« Quand Jésus, dit, Saint Augustin, rend témoignage à la vérité, c'est à Lui-même qu'il rend témoignage, car c'est Lui-même qui est la vérité. »

Tout le procès qui se déroule devant le gouverneur romain a pour objet et pour effet de lui arracher la ratification officielle de la sentence portée par le sanhédrin. Il faut que Jésus meure, qu'il soit crucifié, à cause du témoignage rendu par Lui à la vérité, afin que, par la vérité, le monde soit sauvé !

C'est la Vérité, en effet, qui délivre et qui sauve.

C'est elle qui donne à l'homme la véritable liberté dont il use pour glorifier son Créateur, son Sauveur, et parvenir au bonheur céleste. Sans elle, il demeure plongé dans les ténèbres de l'erreur et du vice, esclave du péché. Car celui qui fait le péché est esclave du péché. (Saint Jean, VIII, 34). Mais la vérité délivre : « la vérité, dit le Seigneur, vous rendra libres ». (Ibid. 32).

La vérité est donc infiniment précieuse, puisque, la vérité, c'est Dieu, c'est Jésus-Christ, c'est sa parole ; puisque, pour nous en faire part, le Fils de Dieu est descendu du ciel ; puisqu'il est mort pour lui avoir rendu témoignage, et pour nous procurer, par elle, le salut éternel.

Rien n'est plus nécessaire que la vérité. Que sert à l'homme de gagner l'univers, s'il ne possède pas la vérité, et s'il vient à perdre son âme ?

La vérité, c'est la perle précieuse de l'Evangile. Pour l'acquérir, il est sage de renoncer à tout le reste, à l'exemple du marchand de perles cité par le divin Maître : il a trouvé une perle très précieuse : il vend tout ce qu'il a pour l'acheter : sa fortune est faite.

Heureux celui qui possède la vérité ! Qu'il ne cesse d'en rendre grâces au Seigneur ! Saint Vincent de Paul aimait à remercier Dieu avec effusion de la lui avoir fait connaître et de l'avoir préservé des erreurs alors répandues dans le monde, spécialement du poison janséniste.

Quand viendra la séduction universelle, avec de grands prodiges et des choses extraordinaires, jusqu'à séduire, s'il se pouvait, les élus eux-mêmes (Saint Math. XXIV, 24),

C'est l'amour de la vérité qui sauvera le petit nombre des élus (IL Thess. II. le), alors que périra la multitude de ceux qui « n'auront pas ouvert leur cœur à l'amour, de la vérité pour être sauvés ». (Ibid).

III.
IL FAUT RECHERCHER LA VÉRITÉ

*****

Puisque la vérité est si précieuse, il faut être avide de l'acquérir et de la posséder. «Quiconque est de la vérité, dit le Seigneur, écoute ma voix». (Saint Jean XVIII. 37). Être de la vérité, c'est avoir un extrême désir de la connaître, de la rechercher, de l'embrasser, de s'y attacher par dessus tout, pour toujours, dans le temps et dans l'éternité.

1° Il faut appliquer son esprit à la connaître, avec ardeur et constance. Pour cela, il est nécessaire de lire

a) les Saintes Écritures, de les méditer, de s'en nourrir, de s'en assimiler la doctrine.

Elle est la lumière qui éclaire l'intelligence, le sel qui sauve de la corruption, le lait très pur et l'aliment très substantiel des enfants de Dieu, le banquet de l'âme conviée au royaume des cieux ; elle fournit aux soldats de Jésus-Christ leur puissante armure.

Voici en quels termes S. S. Benoît XV invite les évêques à recommander à tous les fidèles l'étude de la Sainte Écriture, surtout du Nouveau Testament :

« Pour nous, Vénérables frères, à l'exemple de Saint Jérôme, nous ne cesserons jamais d'exhorter tous les chrétiens à faire leur lecture quotidienne principalement des très Saints Évangiles de Notre Seigneur, ainsi que des Actes des apôtres, et des Épîtres, de façon à se les assimiler complètement ».

Il faut encore lire b) les principales lettres apostoliques des Pontifes romains, de Pie VI à Pie XI, contre les erreurs de notre temps.(1) Elle constituent un merveilleux arsenal pour la défense de la Vérité contre les doctrines pestilentielles de la Révolution qui propagent de toutes parts les ténèbres dans les esprits, la corruption dans les cœurs et dans les mœurs.

Selon l'utilité de chacun, il faut lire c) les auteurs anciens - ou modernes qui sont connus pour n'être en opposition avec la doctrine catholique dans aucune des branches des connaissances humaines. Sans doute, celui qui a la charge d'instruire les autres, de réfuter les mensonges, d'éclairer l'opinion publique, est souvent obligé de lire des publications entachées d'erreurs, mais ; il faut que lui-même soit d'abord nourri de la saine doctrine et fortement muni de l'armure de la Vérité.

2° Il faut vouloir parvenir à la possession de la Vérité, le vouloir avec un grand cœur et une volonté fermement résolue, corde magno et animo voienti, avec une ardeur persévérante qui ne se laisse décourager par aucun obstacle, à l'exemple de tous les vrais serviteurs de Dieu.

3° Il faut prier aussi, prier sans cesse, car, sans la grâce divine, nous ne pourrons pas être les disciples de la vérité. Mais le Seigneur a dit : Demandez, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira. Le Seigneur est fidèle à ses promesses.

En terminant, disons avec Saint Augustin : Seigneur, notre cœur demeure dans l'agitation tant qu'il n'a pas trouvé en vous son repos !

En effet, c'est seulement dans la vérité que notre cœur peut se reposer. Mais c'est vous, ô mon Dieu, qui êtes la Vérité !

Déjà, ici-bas, vous donnez la paix à notre cœur par la foi vive, par la ferme espérance, par la charité parfaite et la vie d'oraison, en attendant qu'il repose avec plénitude dans votre contemplation, ô éternelle vérité !

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II.

L'HOMMAGE A LA VÉRITÉ

IL FAUT LA METTRE EN PRATIQUE

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Beati qui audiunt verbum Dei et custodiunt illud, (Saint- Lue, XI, 28).

Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu (la vérité), et qui la gardent !

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Connaître la vérité, être persuadé de sa valeur, l'admirer, la désirer, c'est bien, mais elle a droit à d'autres hommages. L'homme se doit à elle tout entier, et elle fera son bonheur. Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu, c'est-à-dire la vérité apportée sur la terre par le Fils de Dieu, et qui la mettent en pratique ! Celui qui est la Vérité porte plainte contre ceux qui admirent la loi divine et l'enseignent aux autres, mais la contredisent par leur vie. Ils disent, et ne font pas. Dicunt, et non faciunt.

Pour rendre à la vérité les hommages qui lui sont dûs, il faut :

I. Être un.
II. Être humble.
III. Veiller et prier.

I

IL FAUT ÊTRE UN

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La participation, par une même foi, à la même vérité enseignée par l'Église de Jésus.Christ qui est une, c'est le premier principe de l'unité des enfants de Dieu.

Cette même foi doit être le premier principe de l'unité de chaque chrétien dans toute sa vie.

Il doit être un.

Mais, observe Joseph de Maistre, être un, et n'être qu'un, c'est ce qu'il a de plus difficile. Comment donc réaliser cette unité ?

a) N'être qu'un, c'est d'abord adhérer de tout son esprit et de tout son cœur à la vérité intégrale et pure, sans diminution, sans altération. La vérité répugne à tout alliage de mensonge. Elle est intransigeante par sa nature même. Sine dolo lac concupiscite, dit Saint Pierre Convoitez le lait pur de la vérité évangélique, exempt de toute erreur.

Dans son Encyclique sur l'éducation de la jeunesse, Pie XI déplore une absence si complète, à notre époque, de principes clairs et sains, même sur les problèmes les plus fondamentaux. C'est pourquoi il veut rappeler « les premiers principes ».

Or la vérité la plus fondamentale est celle-ci : Dieu est un pur Esprit, éternel, infiniment parfait, Créateur du ciel et de la terre, et Souverain Seigneur de toutes choses.

S'il y a une vérité primordiale, claire et saine, c'est bien celle de la Souveraineté de Dieu. C'est d'elle que découlent toutes les obligations de l'homme, tous ses devoirs. C'est la foi à cette vérité qui doit donner à toute la vie du chrétien son harmonieuse unité.

Malheureusement cette vérité essentielle est, diminuée, déformée, chez un grand nombre de ceux qui ont reçu le saint baptême. Ils veulent, de nos jours, concilier avec la souveraineté de l'homme proclamée par la Révolution la souveraineté de Dieu. Dès lors l'incohérence des idées engendre la confusion dans les esprits. Sacrifiée aux opinions en vogue, à l'orgueil du siècle, à l'idole de l'Humanité, que devient la vérité ?

Avec un soin jaloux de la gloire de Dieu, qui est la Vérité et qui ne change pas, le chrétien doit s'appliquer constamment à conquérir, à conserver, à faire triompher en lui ce que Saint Hilaire appelle la chaste virginité de la vérité, - castam veritatis virginitatem.

b) N'être qu'un, c'est, de plus, mettre un accord parfait entre la pratique de sa propre vie et la loi de Jésus-Christ. Autrement l'unité est rompue. Il y a dualisme, contradiction.

Le chrétien est un, quand le corps, les sens, sont soumis à l'esprit, et que l'esprit est soumis au Verbe de Dieu.

Il est un quand il conforme à la loi angélique seulement sa vie privée et domestique, mais encore sa vie civile et sociale

Alors, par ses exemples, il est lumière dans le Seigneur. Vos estis lux in Domino. (Epl. V.8). Il est la bonne odeur du Christ (IL Cor. i5): Il attire à la vérité, il gagne à Jésus-Christ les âmes de bonne volonté.

« Le Dieu de Cécile est le vrai Dieu, disaient les soldats qui la gardaient, puisqu'il a une telle servante ».

Et ils se convertirent.

Hélas ! combien de chrétiens n'ont pas cette unité! « Ceux qui vivent mal et portent le nom de chrétiens, dit Saint Augustin, font injure au Christ» Mais ceux qui s'appliquent à n'être qu'un en observant sa loi, lui font honneur : ils rendent hommage à la vérité !

c) Il faut encore n'être qu'un par la droiture et la pureté d'intention, qui, en toutes choses, cherche Dieu seul, oriente et ordonne tout vers sa gloire. Là est l'unité parfaite, sans déviation, sans dualité.

Il y a déviation, dualité, quand on se recherche soi-même dans-la pratique des vertus, des bonnes œuvres : alors l'amour-propre replie sur lui-même l'homme, le chrétien. Si c'est pour être vu et admiré qu'il opère le bien, l'acte est sans valeur au regard du Dieu de vérité qui sonde les cœurs. Si le motif est louable, mais si l'amour-propre glisse, dans I' exercice du bien, des préoccupations de vaine gloire d'acte est vicié plus ou moins.

L'unité fait défaut. La droiture d'intention donne à l'œuvre sa complète unité. C'est la charité parfaite. C'est la simplicité, excluant toute duplicité, tout levain pharisaïque. Creusons davantage cette idée.

II.
IL FAUT ÊTRE HUMBLE

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Dieu se détourne des orgueilleux. « Il donne sa grâce aux humbles. Humiliez-vous donc sous la main puissante de Dieu ! (I. Pet. V. 5. 6). »

Dieu a l'orgueil en abomination.

Il l’a châtié dans l'ange rebelle.

Jésus a dit de Lucifer : Le diable n'est pas demeuré dans la vérité. In veritate non stetit.

Il a oublié son néant. Il s'est cru, par lui-même, quelque chose de grand ; épris de sa propre beauté, il a refusé l'hommage dû à son Créateur. Séduit par lui-même, il a séduit un tiers des anges. Dieu, les a précipités dans l'enfer.

Dieu a châtié l'orgueil dans l'homme. « Vous serez comme des Dieux », a dit le serpent. Ève séduite a séduit à son tour le premier homme. La malédiction du Seigneur les a frappés.

« Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme…, et dont le cœur se retire du Seigneur : il est comme une bruyère dans une lande, il ne verra point venir le bonheur, il occupera les lieux brûlés du désert une terre salée et sans habitants ». Ainsi parle le Seigneur par la bouche de Jérémie. (XVII, 5. 8).

L'histoire du monde est pleine de chutes retentissantes qui ont suivi les grandes révoltes des hommes contre la vérité, oubliant qu'ils sont poussière et qu'ils retourneront en poussière.

Dans les temps modernes l'homme a dit son non serviam. - Je ne servirai pas !

Faisant de la révolte une doctrine et un code officiel par la proclamation de ses prétendus droits, il a osé substituer sa propre Souveraineté à celle du Seigneur son Dieu !

Il n'est pas demeuré dans la Vérité !

La Révolution est avant tout une doctrine; celle de la révolte.

Albert de Mun, en ses beaux jours, eut le courage de le dire à la tribune de la Chambre des Députés.
C'est pourquoi la Révolution, comme l'a dit Joseph de Maistre, est essentiellement satanique.

Aussi le chrétien doit-il absolument se refuser à pactiser avec elle, et toujours s'humilier sous la main puissante de Dieu.

Le Cardinal Mercier, dans sa superbe Pastorale «La Leçon des Événements » ne parle pas autrement.
Voici ce qu'il écrit

«Le Roi-Prophète avait prédit la révolte des nations contre Dieu et contre son Christ. Il les avait entendues s'écrier : Rompons leurs entraves, secouons leur joug. Mais Celui qui habite dans les cieux, se rit d'elles... » (Ps. 2).

«-L'histoire moderne a traduit en réalités la prophétie de David et l'annonce de l'Apocalypse. ;
En 1517, il y a, date pour date, quatre siècles, le moine Luther s'insurgea contre l'Église du Christ et détacha d'elle un gros tiers des nations européennes. Privée de la direction et de la sauvegarde du magistère infaillible, la raison humaine tomba du protestantisme, dans le rationalisme, à telle enseigne qu'il n'y a peut¬-être plus un seul dogme de foi sur lequel les chefs religieux des Églises protestantes demeurent d'accord, et que plus une seule Faculté de Théologie des Universités allemandes ne professe la divinité de Jésus-Christ.

« La Révolution française propagea le rationalisme dans le monde et l'inocula aux pouvoirs publics.
La parole de Léon XIII n'est pas moins formelle :

« Cette audace d'hommes perfides, qui menace chaque jour de ruines plus graves la société civile, et qui excite dans tous les esprits l'inquiétude et le trouble, tire sa cause et son origine de ces doctrines empoisonnées qui, répandues en ces derniers temps parmi les peuples comme des semences de vices, ont donné, en leur temps, des fruits si pernicieux. En effet, vous savez très bien Vénérables Frères, que la guerre cruelle qui, depuis le seizième siècle, a été déclarée contre la foi catholique par des novateurs, visait à ce but, d'écarter toute révélation et de renverser tout l'ordre surnaturel, afin que l'accès fût ouvert aux inventions ou plutôt aux délires de la seule raison.

« Tirant hypocritement son nom de la raison, cette erreur, qui flatte et excite la passion de grandir, naturelle au cœur de l'homme, et qui lâche les rênes à tous les genres de passions, a spontanément étendu ses ravages, non pas seulement dans les esprits d'un grand nombre d'hommes, mais dans la société civile elle-même. « Alors, par une impiété toute nouvelle et que les païens eux-mêmes n'ont pas connue, on a vu se constituer des gouvernements, sans qu’on tînt nul compte de Dieu et de l'ordre établi par Lui ; on a proclamé que l'autorité publique ne prenait pas de Dieu le principe, la majesté, la force de commander, mais de la multitude du peuple, laquelle, se croyant dégagée de toute sanction divine, n'a plus, souffert d'être soumise à d'autres lois que celles qu'elle aurait portées elle-même conformément à son caprice.

Puis, après qu'on eut combattu et rejeté comme contraires à la raison les vérités surnaturelles de la foi, l'Auteur même de la Rédemption du genre humain est contraint, par degrés et peu à peu, de s'exiler des études, dans les universités, les lycées et les collèges, ainsi que de toutes les habitudes publiques de la vie humaine. Enfin, après avoir livré à l'oubli les récompenses et les peines éternelles de la vie future; le désir ardent du bonheur a été renfermé dans l'espace du temps présent. Avec la diffusion au loin et au large de ces doctrines, avec la grande licence de penser et d'agir qui a été ainsi enfantée de toutes parts, faut-il s'étonner que les hommes de condition inférieure, ceux qui habitent une pauvre demeure ou un pauvre atelier, soient envieux de s'élever jusqu'aux palais et à la fortune de ceux qui sont plus riches ? Faut-il s'étonner qu'il n'y ait plus nulle tranquillité pour la vie publique ou privée et que le genre humain soit presque arrivé à sa perte ? »

(Léon XIII, Quod Apostolici)

L'humilité nous fait trouver grâce devant le Seigneur, et demeurer dans la vérité.

Elle est le fondement de la vie chrétienne et la mère de toutes les vertus.

« Ne cherche pas, dit Saint Augustin, une autre voie pour trouver et posséder la Vérité que celle qui a été préparée pour nous par Celui qui, étant Dieu, connaît la faiblesse de nos pas. C'est d'abord l'humilité, c'est ensuite l'humilité, c'est en troisième lieu l'humilité ; c'est ma réponse à toutes vos questions. D'autres choses sont prescrites, mais si l'humilité ne précède, n'accompagne, ne suit tout ce que nous faisons de bien, c'est-à-dire le bien que nous nous proposons, l'acte que nous accomplissons, l'œuvre une fois accomplie, l'orgueil nous arrache des mains le bien que nous avons fait et qui nous réjouit ».

Saint Léon le Grand n'est pas moins formel : « Tout l'enseignement de la sagesse, chrétienne, dit-il, consiste non dans l'abondance des paroles ni dans l'artifice de la discussion, ni dans la convoitise de la louange et de la gloire, mais dans l'humilité vraie et volontaire que Jésus¬-Christ a choisie et enseignée du sein de sa Mère jusqu'au supplice de la Croix ».

Puisque la voie de l'humilité est la seule qui puisse conduire à l'acquisition et à la possession de la vérité, soyons fermement résolus à la suivre. Aimons à dire avec Saint Augustin : « Seigneur, faites que je vous connaisse et que je me connaisse ; que je vous connaisse pour vous aimer, et que je me connaisse pour me haïr !

III
IL VAUT VEILLER ET PRIER

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«Veillez et priez ... car l'esprit est prompt, mais la chair est faible ».

La chair, c'est ici l'homme tout entier, avec sa fragilité de créature, accrue par la chute originelle.

Il est faible contre les séductions des sens et de l'esprit, surtout à cette époque où triomphe un orgueil qui a bien osé proclamer la raison souveraine ! Oh ! que l'homme est facilement charmé par cet opium intellectuel !

Il faut veiller toujours !

Il faut prier toujours !

C'est la vérité que nous ne pouvons nous sauver sans la prière ; que Dieu est l'auteur de tous les biens ; que, fidèle à ses promesses, il donne sa grâce' à ceux qui l'invoquent et que la prière humble et confiante obtient tout et transporte les montagnes.

Le Seigneur est ma lumière. Dominus illuminatio mea !

Le Seigneur est ma force. Dominus fortitudo mea !

Rendons à la vérité cet hommage que nous reconnaissons n'être rien de nous-mêmes, donc n'être capable de rien, mais que nous espérons tout de la miséricordieuse bonté du Seigneur et de ses magnifiques promesses !

Veillez et priez sans cesse, dit le Seigneur en Saint Luc (XXI, 36), afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous ces maux qui doivent arriver, et de paraître debout devant le Fils de l'homme ! - debout, comme il convient à ceux qui, puisant leur force dans la vérité, ont soutenu, pour elle, jusqu'à la fin, le bon combat et se présentent pour être couronnés !

III
LE COMBAT POUR LA. VÉRITÉ
IL FAUT LA DÉFENDRE, LA PROPAGER

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Pugnate cum antiquo serpente, et accipietis regnum œternum. - Combattez contre l'antique serpent, et vous recevrez un royaume éternel. (Brev. rom. Office des apôtres).

Par sa doctrine et sa liturgie, par toute son histoire et par les exemples de ses Saints, l'Église nous enseigne la nécessite de la lutte, nous dresse au combat.

I
L'ENNEMI DE LA VÉRITÉ

Dans l'Encyclique Humanum genus, Léon XIII nous découvre le champ de bataille où l'humanité, partagée en deux camps, ne cesse de combattre ; l'un « pour la vérité et la vertu », l'autre « pour tout ce qui est contraire à la vérité et à la vertu ». Le premier est le royaume de Dieu sur la terre ; le second est le royaume de Satan.

Le principe constitutif de chacun a été défini par Saint Augustin : « Deux amours ont donné naissance à deux cités : la cité terrestre procède de l'amour de soi porté jusqu'au mépris de Dieu ;la cité céleste procède de l'amour de Dieu porté jusqu'au mépris de soi ».

« Dans la suite des siècles, ces deux cités n'ont cessé d'être en lutte, avec des tactiques variées et des armes diverses, avec plus ou moins d'impétuosité.

« A notre époque, les fauteurs du mal se sont coalisés puissamment sous l'impulsion d'une société répandue dans le monde entier et fortement organisée, la secte des francs-maçons. Ils rivalisent d'audace, contre l'auguste Majesté de Dieu »,

Léon XIII cite le psaume 82e : Seigneur, voici que vos ennemis s'agitent bruyamment, et que ceux qui vous haïssent ont levé la tête ; ils ont ourdi contre votre peuple des complots pleins de malice ! La haine qu'ils ont contre Dieu voudrait l'anéantir. Mais Dieu ne meurt pas, disait Garcia Moreno en tombant sous le poignard d'un homme de la secte. Si Dieu ne meurt pas, ils veulent le faire mourir dans son Église, le tuer dans les âmes !

On distingue deux formes principales de lutte contre l'Église. Elles ne s'excluent pas, mais l'une a la prédominance, selon les circonstances, suivant les lois que s'est données la sagesse diabolique : ce sont la violence et la séduction.

La violence a prévalu de Néron à Dioclétien, la séduction, sous Julien l'Apostat. En ces derniers temps, au Mexique, la violence a été préférée. La séduction prévaut dans l'Europe Occidentale. Dans la Russie Soviétique, la violence et la séduction opèrent simultanément avec la rage et l'astuce portées à leur paroxysme. La séduction a la préférence des habiles de la secte, des dirigeants effectifs qui sont les hommes du Pouvoir occulte ; c'est l'art infernal de ruiner la foi, fondement de l'Église et premier principe de la vie chrétienne. Au lieu de faire des martyrs par la violence, on fait, par la séduction lente et progressive, des apostats. Le poison du naturalisme est infusé à tous ; il a pour effet de réduire à néant la notion même de Dieu.

C'est ce que condamne encore le Cardinal Mercier, dans « La Leçon des Événements».

« Les crimes publics seront tôt ou tard punis...

« La violation du jour du Seigneur, les abus du mariage offensent Dieu assurément, mes Frères, et n justifient son courroux. Mais il n'en faut point douter, le principal crime que le monde expie en ce moment c'est l'apostasie officielle des États et de l'opinion publique.

« Au nom de l'Évangile, à la lumière des encycliques des quatre derniers Papes : Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, Pie X, je n'hésite pas à déclarer que cette indifférence religieuse qui met sur le même pied la religion d'origine divine et les religions d'invention humaine, pour les envelopper toutes dans le même scepticisme, est le blasphème qui, plus encore que les fautes des individus et des familles, appelle sur la société le châtiment de Dieu. Qui pourrait résister à la logique rigoureuse de l'Éminent Prince de l'Église. Avec tous les Papes des temps modernes, il réprouve et fustige le naturalisme, d'ordre privé et d'ordre public.

Or, le naturalisme prend sa forme la plus flatteuse dans la doctrine des droits de l'homme qui est celle de la Révolution.

C'est bien au nom de la Souveraineté du peuple que s’accomplit, de nos jours, l'œuvre de séduction, sous le couvert du triangle maçonnique, image du Dieu-nature, et avec la devise : Liberté, égalité, fraternité.

Pour exercer cette séduction, la secte se sert de moyens nombreux et variés. Parmi les principaux, il en est deux dont nous devons parler, ici l'enseignement d'Etat laïque et la mauvaise presse. L'enseignement laïque apprend à l'enfant à se passer de Dieu, à le mépriser, à violer ses commandements sans remords.

Saint Jean, dans son Apocalypse, a la, vision d'une femme mystérieuse dont la beauté est céleste : elle va mettre au monde un enfant mâle : un dragon roux se tient prêt à le dévorer. Cet enfant représente la société chrétienne que l'Église doit enfanter.

L'application est facile. Quand un enfant vient au monde, quand il devient, par le baptême, enfant de l'Église, le dragon est là, concrétisé dans la secte maîtresse de l'État sans Dieu : il l'attend pour le saisir et perdre son âme. Tous doivent subir le régime du poison par l'enseignement laïque obligatoire, afin que soit anéantie la civilisation chrétienne, et que le dragon triomphe sur ses ruines
Saint Vincent de Paul vit un mendiant en train de déformer les membres d'un petit enfant pour le rendre apte à des exercices de saltimbanque. « Misérable s'écria-t-il avec indignation, je vous avais pris pour un homme ! » Il arracha des bras de son bourreau le pauvre petit et le porta à l'œuvre des Enfants trouvés.

Si le Saint vivait de nos jours, témoin de la guerre d'extermination des âmes de millions de petits français par l'école athée, quels frémissements d'horreur ne ressentirait-il pas !

Tout a été dit sur la mauvaise presse, puissant organisme de perversion et de séduction universelles. Mais tous l'ont-ils compris ? La presse qui corrompt les esprits et les cœurs est toujours pernicieuse, mais combien son action est plus désastreuse, quand elle est inspirée et dirigée par une secte organisée avec une habileté infernale en vue de propager partout le poison qui tue les âmes !

II.

Le COMBAT pour la VÉRITÉ est NÉCESSAIRE

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Témoins de l'œuvre satanique accomplie par la Contre-Église, les serviteurs de Dieu, soldats de Jésus-Christ, que doivent-ils penser ? que doivent-ils faire

1°  Ils doivent être intimement persuadés de la nécessité d'une croisade pour la vérité, opposée à la campagne de mensonge entreprise pour la ruiner.

Jamais peut-être, sauf au temps des anciennes croisades contre l'infidèle, l'appel des Pontifes romains n'a retenti avec autant de force et d'insistance. Qu'on relise les principales Lettres Apostoliques citées précédemment. Ce ne sont pas seulement les pasteurs des âmes, ce sont aussi les laïques, comme auxiliaires du clergé, qui sont provoqués à l'Action Catholique, à la défense et à la propagande de la vérité, à la guerre sainte. Il faut redire le cri des anciens croisés : Dieu le veut!

Il faut être convaincu aussi de la vérité de cette parole de Jésus : Celui qui n'est pas avec moi est contre moi. (Saint Mathieu, XII, 30). Un chrétien ne peut pas se tenir en dehors des deux camps, dans la neutralité.

2° Il faut vouloir, d'une volonté ferme, efficace, celle qui prend les bons moyens.

Que veut-on dans le camp de Satan ? Ruiner la vérité.

Que doit-on vouloir dans le camp de Dieu ? Défendre la vérité, la propager, et ainsi étendre le royaume de Dieu.

Le terrain propre du combat est donc celui de la vraie doctrine, d'abord.

Les moyens à prendre sont multiples, mais il faut en signaler deux très spécialement : l'enseignement, la presse.

A. - A l'enseignement sans Dieu et contre Dieu il faut opposer la vérité sur Dieu et sur ses Droits.

Les personnes vouées à l'enseignement de la jeunesse s'efforceront constamment d'inculquer à fond le principe primordial de la Souveraineté de Dieu. Maîtres et maîtresses feront découler de ce principe toute la loi de Dieu, chacun de ses commandements. Là est la source de toutes les obligations qui lient la conscience de l'homme ; là est la lumière qui lui montre le pourquoi de tous ses devoirs.

C'est le moyen d'extirper dans sa racine la monstrueuse doctrine de la Souveraineté de l'homme avec ses conséquences subversives.

« Il faut, par tous les moyens, a dit Pie X dans l'Encyclique E supremi apostolatus, et au prix de tous les efforts, déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité, propre au temps où nous vivons, par laquelle l'homme se substitue à Dieu, rétablir dans leur ancienne dignité les lois très saintes et les conseils de l'Évangile, proclamer hautement les vérités enseignées par l'Église… »

C’est l'œuvre fondamentale de la Vérité qui aujourd'hui s'impose à toute âme droite et loyale ; c'est l'œuvre qui, seule, peut accomplir la contre-révolution. Sans elle, le monde est voué à l'anarchie et à la tyrannie effroyable des Soviets. Alors le règne de l'Antéchrist est commencé, en; attendant son apparition triomphale.

On conçoit l'importance d'une saine éducation de la jeunesse ; c'est l'œuvre des œuvres.

« La plus belle œuvre que l'on puisse faire dans le siècle où nous vivons, disait le Curé 'd'Ars, c'est l'éducation chrétienne de la jeunesse. »

Dom Bosco, dans ses sermons, à Paris et partout, disait de même :

« La plus importante des bonnes œuvres, c'est l'éducation chrétienne de la jeunesse. »

Mais la base indispensable de l'éducation chrétienne, c'est la vérité.

B. - A la presse qui insulte Dieu et calomnie l'Église il faut opposer la presse qui dit la vérité sur Dieu, souverain Maître; sur l'Église - de Jésus-Christ; sur l'homme, sur le monde, la presse qui dit la vérité et ne la contredit jamais ; qui, tout en gardant les règles de la prudence chrétienne, soutient. courageusement le bon combat pour la cause de Dieu, de Jésus-Christ, de l'Église ; celle qui ne cherche pas d'abord à plaire au monde…

Sous des formes très diverses, la mauvaise presse empoisonne la société.

La presse chrétienne sera industrieuse pour propager, par tous les moyens convenables, la vérité, et pour combattre le mensonge.

3° Dans la pratique de la vie quotidienne, chacun doit tenir compte de sa condition, de ses devoirs d'état, des circonstances providentielles ; chacun doit passer partout¬ en faisant le bien, comme il est dit du Seigneur, selon son possible partout donner le bon exemple ; chacun doit contribuer ainsi à la diffusion de la vérité, dans toute sa vie privée, domestique, sociale.

Il n'est personne qui n'ait souvent l'occasion d'exercer de diverses manières, les unes ou les autres des œuvres de la miséricorde. Saint Thomas en énumère quatorze : sept œuvres corporelles, sept spirituelles.

Les œuvres corporelles de la miséricorde sont les suivantes :

Vêtir celui qui est nu, donner l'hospitalité, visiter les malades, consoler et racheter les captifs, ensevelir les morts.

Les aumônes spirituelles sont celle-ci

Instruire un ignorant, prier pour le prochain, consoler un affligé, reprendre un pécheur; supporter celui qui est à charge, conseiller son prochain dans le doute.

Il y a là ample matière à réflexions.

Quelle âme chrétienne ne peut, en bien des cas, donner un bon conseil, consoler un affligé, instruire un ignorant? Tous peuvent prier. A une œuvre de miséricorde corporelle, combien de fois on pourra unir la bonne parole, la vérité salutaire !

Il faut être bien convaincu de trois choses :

1°- La meilleure aumône que l'on puisse faire est celle de la vérité; elle est la perle précieuse. Nous l'avons vu dans le premier entretien.

Donner la vérité an prochain, c'est donner Jésus-¬Christ à Jésus-Christ. C'est Lui que l'on donne, car il est lui-même la Vérité. C'est à Lui que l'on fait l'aumône : « En vérité, je vous le dis, toutes, les fois que vous avez fait cela à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait ».

L'aumône d'un verre d'eau ne sera pas sans récompense. L'aumône de la vérité, à l'occasion du verre d'eau, doublera la récompense.

2° Le fidèle propagateur de la vérité occupera une place élevée dans la gloire, selon cette promesse de la Sainte Ecriture : « Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui en auront conduit beaucoup à la justice seront comme les étoiles pendant l'éternité. » (Dan. XII, 3). Ce texte s'entend de ceux qui ont la science de Dieu et vivent fidèles à sa loi, comme ses bons serviteurs, qui sont ceux de la vérité. Ces promesses conviennent éminemment aux docteurs, aux apôtres, aux hommes apostoliques tels que Saint François d'Assise, Saint Vincent Ferrier, Saint François Xavier et tant d'autres. Mais elles s'appliquent aussi, secondairement, à tous les chrétiens zélés qui auront coopéré, par leurs paroles et par leurs exemples, à la propagation de la vérité. Ils brilleront, dans la gloire du paradis, comme des astres splendides.

3° Tout labeur a son fruit, disait Jean-Léon Le Prévost, fondateur d'un Institut voué à l'apostolat en faveur des classes ouvrières. Tout combat pour la vérité, toute œuvre pour sa diffusion procure la gloire de Dieu, la sanctification de celui qui l'accomplit, même s'il n'en voit pas les résultats. Celui qui sème n'est pas toujours appelé à faire la récolte. Qu'importe ! Ce que Dieu demande, c'est l'effort.

Quiconque, dans le bon combat pour la vérité, aura été courageux et persévérant jusqu'à la fin, recevra du Seigneur une magnifique récompense.

« Combattez contre l'antique serpent et vous recevrez un royaume éternel ! »

IV.
LES TRIOMPHES DE LA VÉRITÉ
LES SECRETS DE LA VICTOIRE

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I.
LES TRIOMPHES DE LA MÉRITE

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 I. Dieu, la Vérité première, triomphe toujours. Il est tout-puissant. En vain ses ennemis s'agitent, conspirent contre Lui. Il les domine tous du haut de son trône, il se rit de leurs efforts pour l'anéantir. Deus autem irridebit eos (ps. t y. 4). Il les voit tous s'effondrer et disparaître les uns après les autres. Il demeure, éternel, immuable, avec tous les droits de son inaliénable Souveraineté. En. Lui triomphe la Vérité.

2. Jésus-Christ qui est la Vérité, est un perpétuel triomphateur.

Dans tous les mystères de son Incarnation, de sa vie cachée, de sa vie publique, de sa Passion et de sa mort sur la Croix, il prépare, il commence, il mérite les grandes victoires sur les puissances des ténèbres, les triomphes de la vérité sur le démon, père du mensonge et sur son royaume de perdition.

Quand Jésus rend témoignage à la vérité devant le Sanhédrin en affirmant qu'il est le Fils de Dieu ; quand il attire sur lui, par sa déclaration solennelle, les malédictions de la synagogue et la condamnation à mort, c'est la vérité qui triomphe en Lui !

Quand, sur la Croix où il expire, il semble décidément vaincu ; quand, de son Cœur ouvert par la lance, jaillissent du sang et de l'eau, figures des sacrements, spécialement du Baptême et de l'Eucharistie, Jésus enfante son Église à la vie de la grâce, à la vérité : c'est le peuple saint, celui qui gardera la vérité, en qui elle triomphera ! Gens sancta, Gustodiens veritatem. (Isaïe XXVI - 2).

Quand Jésus sort du tombeau, glorieux ; quand il monte au ciel où il va préparer des places à ses élus quand il siège à la droite de Dieu le Père, plein de force et de majesté, ses victoires sont celles de la vérité !

Quand, conjointement avec le Père, il envoie le Saint-Esprit à ses apôtres réunis dans le cénacle, c'est avant tout pour prêcher la vérité, selon la mission qu'ils ont reçue de lui : Allez, enseignez toutes les nations, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai annoncé, et voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. Cette promesse signifie d'abord qu'il les assistera par son Esprit-Saint dans leur enseignement, de telle sorte qu'ils auront le privilège de l'infaillibilité, et que l'Église le possédera jusqu'à la fin des siècles. Quel continuel triomphe pour la Vérité !

Depuis l'heure de son Ascension jusqu'au dernier jour du monde, Jésus exerce son pouvoir de Souverain Juge, selon la parole dite par son Père : Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de vos ennemis l'escabeau de vos pieds (ps. 189 - v. i). Chacun de ses adversaires, au cours des siècles, vient tour à tour se briser contre Lui, Pierre Angulaire, et se trouve foulé sous ses pieds vainqueurs. Aux assises formidables du dernier juge¬ment, tous les impies seront à la fois l'escabeau de ses pieds, broyés sous son sceptre de fer. Quel triomphe pour la Vérité !

3. La Vérité remporte une victoire en chaque chrétien qui la garde fidèlement.

C'est la parole de Jésus-Christ. Elle a sa vertu propre, elle, est invincible.

« Toute chair est comme l'herbe, et tonte sa grâce, comme la fleur des champs. L'herbe se dessèche, la fleur se flétrit, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Verbum Domini manet in œternum (Isaïe XL 6. 8., et 1ère ep. de Saint Pierre, I., 24, 25) ».

Oui, tout homme, par lui-même, est fragile ; mais voyez ce martyr au milieu des supplices : aux yeux d'un monde aveugle et stupide, c'est un vaincu. Devant Dieu et ses millions d'anges, devant l'Église militante et triomphante, c'est un vainqueur dont les lauriers sont immortels. Il rend à la Vérité le plus éclatant des témoignages ; il le signe de son sang. En lui la Vérité triomphe. C'est de sa force qu'il est revêtu.

Tous les chrétiens ne sont pas appelés à l'honneur du martyre. Mais écoutons Saint Paul : Omnes qui pie volunt vivere in Christo Jesu, persecutionem patientur. (2e ép. à Tim. III. 12). Tous ceux qui, par une vie franchement chrétienne vivent dans le Christ-Jésus, souffriront persécution. Ne le voyons-nous pas tous les jours ? Les vrais chrétiens, soldats de Jésus-Christ, militants contre l'esprit d'erreur, étrangers aux mœurs relâchées du monde, ne sont-ils pas partout en butte aux critiques, aux reproches, aux tracasseries de ceux qui aiment à composer avec le siècle, et qui, sans rompre avec la religion, sont toujours prêts à faire aux enfants de ténèbres, de périlleuses concessions ?

Pour être le témoin fidèle de la vérité et demeurer tel au milieu d'une société esclave du mensonge, il faut du courage, il en faut beaucoup. Heureux celui qui persévère jusqu'à la fin sans rendre les armes, sans rougir de l'Évangile ! En lui aussi la Vérité est victorieuse !

II.
LES SECRETS DE LA VICTOIRE

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1° La foi. - Hœc est victoria quœ vincit mundum, fides nostra (1ère ep. de Saint Jean v. 4). La foi est le premier secret des victoires apostoliques, des triomphes de l'Église sur les ténèbres sorties des portes de l'enfer ; c'est en elle d'abord que tous les fidèles disciples de Jésus-Christ ont puisé leur force invincible.

C'est la foi, mais revêtue des qualités que voici :

A. - La foi pure et intégrale dans la vérité révélée de Dieu, enseignée par son Église, sans diminution, sans altération.

Altérée ou diminuée, la vérité perd sa force, elle ne soutient plus le chrétien ; il chancelle, il est hors de combat. Dans une allocution à l'occasion de la Béatification de Jeanne d'Arc; Pie X s'exprimait ainsi : « De nos jours plus que jamais, la force principale des mauvais, c'est la lâcheté et la faiblesse des bons, et tout le nerf du règne de Satan réside dans la mollesse des chrétiens ».
D'où vient cette faiblesse ?

«Il y aura du courage, ajoute le Saint Père, quand la foi sera vive dans les cœurs... Le courage n'a de raison d'être que s'il a pour basé une conviction ».

Ce qui manque le plus, c'est en effet cette conviction qui est fondée sur la parole de Dieu, sur la Vérité.

« Si la génération actuelle a toutes les incertitudes et toutes les hésitations de l'homme qui marche à tâtons, c'est le signe évident qu'elle ne tient plus compte de la parole de Dieu, flambeau qui guide nos pas et lumière qui éclaire nos sentiers : lucerna pedibus meis verbum tuum et lumen semitis meis (ps. 118) ». Aujourd'hui, les erreurs libérales, si répandues, font perdre au chrétien la vraie notion de la Souveraineté de Dieu, elles obscurcissent son esprit, énervent sa volonté : elles ne sont aptes qu'à dissoudre ses forces morales.

B. La foi qui opère par la charité. Fides quœ per caritatem operatur. Les œuvres de la charité sont celles que prescrit ou conseille la loi de Jésus-Christ, dont la charité est la plénitude.

Sans la charité, les œuvres de la bienfaisance elles-mêmes n'ont aucune valeur pour la gloire de Dieu, aucun prix pour l'éternité. « Quand j'aurais une foi à transporter les montagnes, quand je donnerais tous mes biens aux pauvres, quand je livrerais mon corps au feu, si je n'ai la charité, tout cela ne me sert de rien. » (1ère Ép, aux Cor. XIII 4).

C. - La foi militante contre le mensonge. Quand l'ennemi prétend s'introduire partout et imposer à tous sa dictature, il est nécessaire de résister, il faut combattre. Or la Révolution, qui, avant tout, est une doctrine de mensonge, aspire à cette domination. Elle s'applique à faire pénétrer dans tous les esprits ses Droits de l'Homme, et elle y établit son règne à la faveur des ténèbres. La foi vigilante ne dépose pas les armes de la lumière, c'est-à-dire de la vérité, dont elle a été pourvue ; elle ne saurait oublier que les chrétiens sont nés pour le combat. (Léon XIII).

D. - La foi qui transporte les montagnes, parce qu'elle obtient tout du Dieu tout-puissant. C'est elle qui nous fait crier sans cesse vers Lui comme ses mendiants : mendici - Dei sumus ; dit Saint Augustin - mendiants qui sont nés enfants d'un Père infiniment bon, toujours disposé à les entendre favorablement ; foi qui a reçu de Jésus-Christ les plus magnifiques promesses !

Par cette foi doit être combattu et chassé des esprits le démon de la Révolution. C'est une œuvre plus salutaire, donc plus nécessaire encore que la délivrance du corps des possédés. A ce démon convient très bien ce que dit Saint Bède le Vénérable commentant la parole de Jésus relative à la foi qui transporte les montagnes et les jette dans la mer (S. Math. XXI. 21) : « Par ce nom de montagne on entend quelquefois le diable, à cause de son orgueil qui l'a mis en révolte contre Dieu. »

E. - Enfin la foi qui triomphe du monde est celle qui est le principe de toute la vie du chrétien, et dont on peut dire : Ex fade vivit : il vit de sa foi.

En toutes ses pensées, en tout son langage, en toute sa conduite, sa foi lui donne cette belle unité, si rare, mais si heureuse et si féconde, parce que c'est la Vérité qui la produit. A sa lumière, le chrétien ordonne toute sa vie privée, toute sa vie domestique, toute sa vie publique.

C'est la foi revêtue de ces divers caractères qui est louée si magnifiquement dans le XIe chapitre de l'épître aux Hébreux. On ne saurait trop le relire et le méditer.

C'est cette foi qui donne aux soldats de Dieu leur belle assurance : tel David marchant contre Goliath ; tels Ananie, Azarie, Misaël, devant les fureurs du roi Nabuchodonosor ; tels, les apôtres ; tels, les martyrs.

C'est elle qui est le fondement de toutes les saintes espérances, et dont il est écrit : les saints qui espèrent dans le Seigneur seront pleins de courage ; ils élèveront leur vol comme les aigles et n'auront jamais de défaillance, (Isaïe XL, 31 et Office des martyrs).

2° La patience est un autre secret de la victoire. Elle-même a son fondement dans la foi. La patience vous est nécessaire, dit Saint Paul (Ép. aux Héb. X. 36).

Le Seigneur en fait la huitième des béatitudes, qui est le complément et le couronnement de toutes les autres.

Quel exemple lui-même en a donné dans toute sa vie cachée, dans toute sa vie publique, dans toute sa passion !

Gloire à votre patience, Seigneur! (Liturgie de l'Église grecque pour la Semaine Sainte). Les apôtres, les Saints, ne cessent d'enseigner la patience par leurs exemples, par leurs paroles, par leurs écrits.

« Parce que tu as gardé ma parole sur la patience, dit le Seigneur dans l'Apocalypse, je te garderai de l'épreuve qui va venir sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre, voici que je viens bientôt. Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne te ravisse ta couronne ! » Au chapitre XIIIe de l'Apocalypse, Saint Jean montre la séduction exerçant une telle puissance de fascination que la multitude des habitants de la terre en subit les charmes. Saint Jean ajoute : c'est ici que doivent, se manifester la patience et la foi des saints.

3e Un des grands secrets de la victoire, essentiel aussi dans son ordre, c'est une dévotion vraie à la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée.

Dans le plan de la Rédemption, la Sainte Vierge, après le Sauveur et avec Lui, occupe la première place ; elle est sa Mère, elle est Mère de Dieu !

Par la vertu de son Fils et avec Lui, elle a toujours triomphé de l'antique ennemi; père du mensonge, séducteur de la première Ève, par elle, du premier Adam ; par celui-ci, du genre humain.

Toujours victorieuse de l'erreur et du péché, elle donne la victoire aux enfants de Dieu devenus les siens, soldats de la milice du Christ Jésus. Par elles leur viennent toutes les grâces, donc celle de la foi, celle de l'amour de la vérité, celle de la charité parfaite, celle de la patience, et, s'il faut mourir, celle du martyre.

Elle est la Vierge puissante, la Tour de David, où sont suspendus mille boucliers, armure des forts d'Israël. Elle est la Reine du Très Saint Rosaire, la Triomphatrice immortelle, celle qui a vaincu seule toutes les hérésies, et qui donnera seule à l'Église la victoire sur la Révolution !

Gaude, Maria Virgo, cunctas hœreses sola interemisti in universo mundo !
Dignare me laudare te, Virgo sacrata, da mihi virtutem contra hostes tuos !

Méditez ces leçons, et persuadez-vous bien :

1° que c'est une grande chose et une grâce inestimable de connaître et de posséder la vérité.

2° que c’est, en conséquence, une seconde chose très importante, une faveur inappréciable, d'être appelé à la communiquer au prochain, ne fût-ce qu'à une âme, pour son bonheur et pour la gloire de Dieu !

3° que, conséquemment, c'est encore une troisième chose très grande et une grâce de choix d'être appelé à souffrir pour la vérité, à l'exemple de Jésus-Christ.

Le disciple n'est pas plus grand que, le Maître. (Saint Mathieu, X, 24). Mais la conformité avec le divin modèle lui donne une incomparable grandeur.

Le bon soldat de la vérité est traité par le monde moderne comme la balayure du monde. (I. Cor. IV, 13).

Mais au tribunal du juge suprême, qui est celui de la vérité, quelle revanche lui est préparée par la divine Sagesse ! Quelle récompense, s'il est fidèle, lui est assurée ! Aux jours obscurs de l'épreuve, sous les mépris, sous les reproches, sous les huées, il avait l'apparence d'un vaincu.

Mais déjà la vérité triomphait en lui.

Maintenant la vérité le couronne.

Avant de mourir avec sérénité dans la paix des élus, il a pu dire avec Saint Paul :

J'ai combattu le bon combat, j'ai consommé ma course, j'ai gardé la foi ! (2.Tim. IV, 7).

Au paradis, quelle réception, quelles acclamations, quel triomphe !


C'est le triomphe éternel de la vérité ! Alleluia !

(1) Notamment les Encycliques suivantes: Mirari vos, de Grégoire XVI; Quanta Cura de Pie IX, avec le Syllabus qui y est annexé; celles de Léon XIII sur l'origine du pouvoir civil, Diutarnum; sur la constitution chrétienne des États, Immortale dei; sur la Liberté humaine, Libertes; sur la consécration du genre humain au Sacré-Coeur, Annum Sacrum; sur la condition des ouvriers, Rerum Novarum; sur l'action populaire chrétienne Graves de communi; La lettre de Pie X sur le Sillon; son Motu Proprio sur l'action populaire chrétienne; l'encyclique Pascendi de Pie X sur le modernisme; les encycliques de Pie XI sur l'action catholique et sur l'éducation de la jeunesse.