mercredi 28 août 2013

Le Mariage - Mgr de Ségur

 
BUT DE CET OPUSCULE 
 
C'est tout simplement un petit résumé de la doctrine catholique touchant le Mariage.
 
L'ignorance sur cette matière si grave et si délicate est à l'ordre du jour. Et c'est malheureusement tout simple : aux catéchismesr on ne peut entrer dans aucun détail sur le Mariage ; on ferait rire tous les enfants. En chaire, c'est presque aussi difficile ; et quantité de gens s'en choqueraient à tort ou à raison.
 
La plupart des gens arrivent donc à l'époque du mariage, sans notions précises sur un sujet qu'ils devraient cependant connaître à fond.
 
Tel est donc le but très simple de ce modeste travail.
 
Il m'a été demandé par plusieurs prêtres, plus particulièrement désolés de voir les trois-quarts des gens se présenter à eux pour contracter mariage sans avoir la plus légère notion de ce grand Sacrement. 
 
A ce titre, j'ose recommander ces quelques pages au zèle pastoral de MM. les curés, qui pourront les offrir très-utilement à leurs paroissiens lorsqu'on viendra s'adresser à eux à l'occasion de la publication des bans. 
 
Dût-il ne servir qu'à un petit nombre de fidèles, je me croirais encore amplement récompensé.
Je prie la Sainte-Vierge et saint Joseph, Protecteurs de la famille chrétienne, de le bénir et d'en bénir tous les lecteurs.
Sainte-Anne d'Auray, 8 septembre 1877.
En la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge.
 
LE MARIAGE 
I. Vraie notion du Mariage. 
Le Mariage est l'union légitime de l'homme et de la femme.  
Le Mariage est d'institution divine. Il remonte aux jours mêmes de la création de l'homme, à qui Dieu donna une compagne, d'abord pour multiplier par lui le genre humain, puis pour le rendre heureux par une société si intime, si douce et si pleine de charmes.
Dès l'origine, le Mariage fui un contrat sacré, essentiellement religieux, béni solennellement par le Seigneur Lui-même qui en était l'auteur. Dans tous les temps, partout et toujours, le Mariage a été considéré comme un grand acte religieux, très-solennel, et on l’a entouré de rites sacrés, de bénédictions et de fêtes.
Lorsque le Fils éternel de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, se manifesta aux hommes pour les sauver et les sanctifier, il éleva le Mariage à la dignité d'un sacrement, c’est-à-dire d'une source de grâces où les chrétiens qui embrasseraient ce genre de vie trouveraient des grâces, des secours très efficaces pour y vivre saintement et y accomplir plus facilement tons leurs devoirs.
Depuis lors, il n'y a plus pour nous, dans le Mariage, un contrat d'un côté, et de l'autre un sacrement : le contrat même est devenu le sacrement, il n'est pas anéanti : loin de là; il est surnaturalisé, il est élevé, par la toute-puissance de JÉSUS-CHRIST, à une dignité divine, à la dignité de sacrement. Dans le Mariage chrétien, le sacrement absorbe pour ainsi dire le contrat.
Il n'est plus qu'un sacrement sous la forme d'un contrat.
Il est de foi que, pour les chrétiens, le Mariage est un des sept Sacrements institués par Notre-Seigneur Jésus- Christ pour nous sanctifier; et que, pour eux, il n'y a d'autre Mariage véritable et légitime que le sacrement de Mariage. Ceci est défini par le saint Concile de Trente, comme faisant partie de la révélation et de la doctrine catholique.
 II
 
Ce qu'il faut entendre par le mariage civil. 
Quantité de gens peu ou point instruits s'imaginent que le mariage civil, conclu devant le maire, avec les formalités marquées dans le Code civil, est le vrai mariage; et qu'on ne se présente à l'église, en sortant de la mairie, que pour faire bénir son mariage déjà conclu.  
Presque tout le monde croit cela, surtout dans les villes. Sur cent couples, je gagerais qu'il y en a plus de quatre-vingts qui en sont fermement convaincus; et, sur cent maires, il y en a près de cent qui s'étonneront grandement de ce que je vais dire. 
Il est de FOI qu'en sortant de la mairie, quelles que puissent être la majesté et l'amabilité de M. le maire ou de M. l'adjoint, on n'est pas plus marié qu'en y entrant. J'ai connu un maire, grand homme de bien et homme d'esprit, qui, après avoir accompli toutes les formalités prescrites par le Code, disait gaiement aux époux et à la noce : « Et maintenant, mes amis, allez à l'église et mariez-vous. »
Dans un État bien organisé, rien de plus naturel sans doute que la prescription sérieuse de certaines formalités civiles et publiques, destinées à déterminer très nettement la condition de chacun des citoyens; par conséquent de constater vis-à-vis de tous leur mariage, avec sa date précise, le nom des témoins, la signature de tous, etc.
Mais, entre l'exécution de ces formalités civiles, qui constatent le mariage, et la formation réelle, légitime, irrévocable du lien conjugal, qui unit pour toujours, en conscience et devant DIEU, un homme et une femme, il y a un abime. Or, c'est de cet abîme que n'ont point tenu compte nos législateurs, parce que, dominés par l'esprit révolutionnaire, ils ont écarté systématiquement de nos lois toute pensée chrétienne, toute idée de foi, et ont prétendu soustraire le mariage, la famille et la société tout entière, à la loi souveraine de DIEU et aux enseignements de l'Église de DIEU.
Seulement, comme l'homme ne peut anéantir ce que DIEU a fait, institué et réglé, le Mariage demeure, pour les chrétiens de France comme pour tous les chrétiens du monde, ce qu'il est devant DIEU et ce que DIEU l’a fait en réalité, c'est-à-dire un sacrement. Par conséquent, en France comme à Rome, comme partout ailleurs, un chrétien, un baptisé qui ne reçoit pas le sacrement du Mariage, n'est point marié, quoi que puissent dire toutes les lois, tous les codes, tous les maires, et même tous les adjoints. 
Donc ce qu'on est convenu d'appeler chez nous le mariage civil n'est pas le moins du monde le Mariage. C'est tout simplement une formalité de mairie, un enregistrement à qui l'on donne une solennité fort étrange, et dont l’unique résultat est, lorsqu'on est véritablement marié, c'est-à-dire marié à l'église, d'assurer à ce mariage tous ses effets civils: légitimité des enfants qui en naîtront, droits de succession, etc.  
Je le sais, ces effets civils du mariage sont d'une importance majeure ; mais enfin, ils ne sont point le Mariage lui-même; et il demeure avéré que monsieur le Maire, avec son Code et son écharpe, ne peut pas davantage marier un citoyen et une citoyenne baptisés, qu'il ne peut, en place du curé, célébrer la Messe, ni consacrer le pain et le vin au Corps et au Sang du Seigneur.
 
C'est uniquement afin d'éviter les rixes entre l’autorité spirituelle et le pouvoir civil que l'Église, qui est bonne et pacifique lorsqu'elle peut l'être sans sacrifier le droit, défend à ses ministres, sauf des cas tout à fait extraordinaires, de procéder à la célébration d'un mariage avant que les deux parties contractantes n'aient rempli préalablement les formalités de la mairie.
Avant la Révolution, l’état-civil de chaque Français était réglé par les registres de la paroisse, sous la haute surveillance des Évêques. C'était bien plus simple et tout aussi régulier. II sera très facile au premier gouvernement sérieusement chrétien que le bon DIEU daignera donner à la France de tout arranger pour le mieux. Il suffira de changer quelques mots aux articles du Code, et de déclarer que l'inscription sur les registres de la municipalité n'aura son effet que si elle est suivie du mariage devant le ministre de la religion ; la déclaration du susdit mariage serait obligatoire dans les trois jours, sous peine d'une amende ou de quelque autre pénalité très-grave. — Quoi de plus simple? quoi de plus facile à réaliser?  
III
 
De ceux dont le mariage serait nul devant DIEU.
Ce sont:
1° Les fous, tout à fait fous; ils ne peuvent se marier validement.
 
 Les enfants, c'est-à-dire les jeunes gens et les jeunes filles qui n'ont pas atteint l'âge fixé par l'Église: quatorze ans révolus pour les garçons; douze ans révolus pour les filles. — En France, le Code civil parle de dix-huit ans et de quinze ans révolus; mais c'est là un règlement qui n'oblige point la conscience, parce que le pouvoir civil n'a pas reçu de DIEU la compétence nécessaire pour déterminer ce qui, chez les chrétiens, rend le mariage valide ou nul, permis ou défendu.
L'Eglise seule a reçu de DIEU ce pouvoir. Ceci est de foi catholique, défini par le Concile de Trente contre les protestants et par le Saint-Siège contre les jansénistes et les césariens. Cependant cette disposition du Code civil n'ayant eu elle-même rien de déraisonnable dans nos climats, nos Évoques et nos prêtres s'y conforment pour éviter des conflits dont les suites pourraient être extrêmement graves à tous les points de vue.
3° Ceux que certaines infirmités privent de la possibilité d'avoir des enfants.
4° Ceux qui, croyant se marier avec une personne, en auraient épousé une autre. Mais si, comme cela arrive trop souvent hélas ! on ne se trompe que sur les qualités, sur la fortune ou sur les vertus de la personne que l'on a épousée, le mariage est valide, et il n'y a là qu'un lamentable malheur et une croix de plus à porter.
5° Ceux qui n'auraient dit oui, devant le prêtre, que sous l'impression de la violence et d'une crainte telle qu'il n'y aurait pas eu de liberté dans le consentement.
Le consentement libre et véritable est en effet absolument nécessaire pour que l’on contracte validement.  
6° Celui qui, par violence, aurait enlevé, malgré elle, une fille ou une femme ; et cela, tant que dure cette violence ; et réciproquement.
7° Ceux qui sont déjà mariés et qui ne sont pas encore veufs.
8° Les sous-diacres, les diacres, les prêtres, les Évêques.  
9° Les Religieux et les Religieuses qui ont fait leur profession solennelle.  
10°  Les parents en ligne directe, à quelque degré que ce soit ; c'est-à-dire les pères et mères avec leurs enfants, petits-enfants, etc. En outre, les proches parents en ligne collatérale, jusqu'au quatrième degré ; c'est-à-dire les frères et sœurs, les oncles et tantes, les cousins germains et les cousines germaines.
11° Ceux qui ont contracté une parenté spirituelle à l'occasion du Baptême (ou de la Confirmation): c'est-à-dire les parrain et marraine d'une part et leur filleul on filleule de l'autre, et aussi les parrain et marraine d'une part et de l'autre les père et mère de leur filleul ou filleule. Ils ne peuvent se marier validement entre eux sans une dispense formelle de l'Église.  
12° Les parents en ligne directe de la femme ou du mari; par exemple un veuf ne peut contracter mariage avec sa belle-mère; une veuve, avec son beau-père. Eu ligne collatérale, on ne peut se marier sans une dispense, jusqu'au quatrième degré inclusivement. Ainsi, un beau-frère veuf ne peut épouser sa belle-sœur, sa nièce, sa petite-nièce, sa tante, ni sa grande tante; et réciproquement, pour une veuve.
13° Un veuf qui aurait tué, empoisonné sa femme, afin de pouvoir librement se marier ensuite avec une autre femme qui aurait été sa complice; et de même pour la veuve qui se serait rendu coupable du même crime.
14° Un catholique qui voudrait épouser une infidèle, une juive, une musulmane : et réciproquement.
15° Ceux qui ne se marieraient point on présence de leur curé (ou de leur Évêque. qui est le curé de tout le diocèse), ou bien sans nombre suffisant de témoins (deux ou trois). En effet, le premier prêtre venu ne peut pas recevoir les serments d'un époux et d'une épouse : il faut que ce soit le propre curé d'une des deux parties contractantes, ou bien son délégué.
Ces empêchements au mariage ne le rendent pas seulement illicite, c'est-à-dire défendu; ils le rendent de plus invalide, c'est-à-dire qu'ils empêchent absolument les deux parties de contracter d'une manière valide, et dès lors le contrat, c'est-à-dire l'union des deux volontés n'ayant point lieu, il n'y a point, il ne peut y avoir de sacrement de mariage : par conséquent pas de mariage du tout.
L'Église a reçu de DIEU le pouvoir de dispenser dans certains cas de ceux de ces empêchements qu'elle a elle-même établis dans le cours des siècles; mais pour ceux qui proviennent directement d'une institution divine, elle ne peut en dispenser.
Il y a une autre espèce d'empêchements au mariage, qui, si on passait outre, ne le rendraient point nul, mais illicite, et par conséquent coupable, gravement coupable.
C'est ce qu'on appelle « les empêchements prohibants. » On en compte cinq :
Le défaut de publication de bans. Le Concile de Trente, afin de donner aux mariages toute la publicité possible, a ordonné que, les trois dimanches qui précèdent la célébration d'un mariage, l'annonce publique en serait faite dans l'église paroissiale de chacun des futurs, à la Messe paroissiale, par le curé ou son vicaire. Pour des motifs sérieux, on peut obtenir de l'évêché la dispense de tout ou partie de ces bans ou publications ; mais il ne faut pas le demander à la légère, sans une vraie nécessité.  
Le défaut, de consentement des parents qui, d'après renseignement catholique, seul compétent en cette matière, ne pourrait invalider le mariage, mais le rendrait illicite et gravement coupable. Le Code civil, voulant surenchérir sur la moralité de l'Église de DIEU, déclare nul un mariage ainsi contracté sans le consentement des parents; mais cette loi est nulle de plein droit, au point de vue de la conscience et du droit véritable. Néanmoins, comme elle n'est point mauvaise en elle-même, les curés en tiennent compte, et, afin d'éviter des collisions inutiles, ils s'y conforment en pratique. 
 
 
La différence de religion. Si un catholique veut épouser une protestante ou une schismatique?, et réciproquement, il doit, sous peine de péché grave, en obtenir la permission de l'Évêque, lequel la donne au nom du Souverain-Pontife s'il n'y voit pas trop de dangers.  
Dans tout mariage mixte, quel qu'il soit, il faut que les deux parties s'engagent préalablement, devant le curé, par écrit et sous la loi du serment, à faire baptiser et élever dans la religion catholique tous les enfants, garçons et filles, qui pourront naître de ce mariage. En outre, la partie hérétique ou schismatique s'engage également à respecter pleinement la foi de la partie catholique et à lui laisser, à elle et aux enfants, toute liberté de pratiquer la religion catholique.
Le mariage serait absolument nul si l'on s'imaginait pouvoir remplacer la présence du curé par celle d'un ministre protestant quelconque ou d'un pope.  
Les temps prohibés. On ne peut, sans une dispense de l'Évêque, se marier, du moins avec les solennités ordinaires, pendant l'Avent, ni pendant le Carême.
Le vœu simple de chasteté perpétuelle, le voeu de se faire religieux ou de se faire prêtre. Pour contracter licitement mariage, il faudrait préalablement être dispensé de son voeu ou par le Pape ou par l’Évêque.  
Si les personnes qui doivent se marier craignaient d'être sous le coup d'un des empêchements que nous venons d'énumérer, elles n'auraient qu'à en parler à leur curé, lorsqu'elles vont le trouver pour la publication de leurs bans. Celui-ci ayant l'habitude de ces difficultés spéciales, arrangerait tout pour le mieux. 
 
IV
Du choix d'un époux ou d'une épouse.
 
Rien n'est plus grave. II y va du bonheur ou du malheur de toute la vie. Et ce choix est presque aussi difficile qu'important. 
 
 
C'est facile à concevoir. Sauf des cas très-rares, on s'épouse presque sans se connaître.
Avant le mariage, tout est parfait : le futur est un charmant jeune homme, gai, aimable, moral, animé des meilleurs sentiments, doué de mille qualités précieuses : il assurera certainement le bonheur de cette jeune fille! Quant à elle, (s'est un ange : caractère plein de grâce, qualités de fond, habitude d'ordre, esprit distingué ; rien n'y manque. A-t-il de la chance, dit-on, de tomber sur une femme comme cela !  
Les renseignements sont toujours excellents; on ne pardonnerait pas à l'indiscret qui se hasarderait à en donner de louches.  
Pour la question d'argent, on y regarde d'un peu plus près; mais là encore que de légèreté, et par conséquent que de déceptions !  
Si, un an après le mariage, les feuilles de rose de la demoiselle ont fait place à d'amers coquelicots, et le bleu de ciel du jeune homme à de ternes et désagréables nuances, à qui la faille? Presque toujours il la faut attribuer à l'inconséquence vraiment extraordinaire avec laquelle on a contracté le mariage.
Combien de fois n’épouse-t-on pas une jolie figure, au lieu d'épouser un bon cœur? un sac d'écus, une grosse dot, un titre, un nom, au lieu de vertus chrétiennes et éprouvées, au lieu de l’ordre, et en général de ce qu'un homme sérieux doit ou plutôt devrait rechercher avant tout dans la future compagne de toute sa vie ?  
Et il en est de même des filles : elles épousent une moustache bien frisée, une tournure élégante, et elles passent avec une légèreté effrayante sur les principes, sur l'éducation et les habitudes religieuses, sur les bonnes mœurs, sur le caractère, en un mot sur la vraie vie de l'homme auquel elles vont confier leur bonheur, je dirais presque leur conscience et leur salut; car un mari sans religion perd souvent sa femme, et, par dessus le marché, ses pauvres enfants.
Et cela est vrai dans tous les rangs de la société, en haut, comme en bas, comme au milieu.  
Après cela, comment s'étonner que tant de mariages tournent mal?  
Donc, voulez-vous être heureux en ménage, qui que vous soyez ? Commencez par bien choisir votre femme, votre mari. Mettez-y tout le temps convenable ; allez au fond des choses. Avant tout, cherchez un mari chrétien, solidement chrétien et pratiquant; un chrétien de la veille et de l'avant-veille. Il y en a encore, Dieu merci ! et plus qu'on ne croit. Sur ce chapitre, pas de concessions. Qui ne pratiquait pas avant, ne pratiquera guère après. L'expérience qui est là l’a prouvé mille fois. Il vaut bien mieux ne pas se marier que de se mal marier.
 
 
Ne consultez pas les premiers venus. Consoliez les gens sérieux, chrétiens, expérimentés; adressez-vous au curé de la personne qu'on vous présente, et priez-le de vous dire bien franchement, sous le sceau du secret, ce qu’il sait sur son compte, sur celui de ses parents, de sa fortune, etc. C'est le cas, ou jamais, de mettre en pratique la parole de la sainte Écriture : « Avant d'agir, allez demander conseil à un homme prudent; après, vous n'aurez point lieu de vous repentir. »  
Surtout dans les rangs de la classe ouvrière, cette légèreté dans le choix d'un époux ou d'une épouse atteint parfois des proportions inconcevables. J'ai connu un brave ouvrier fort honnête et fort bon, qui vint un jour m’annoncer qu'il allait se marier. Après les premières félicitations d'usage, je lui demandai s'il connaissait bien la jeune fille qui allait devenir sa femme. « Pas beaucoup, me répondit-il tranquillement; mais un de mes amis m'a dit que je ferais bien de l'épouser. — Est-elle agréable de visage? ajoutai-je. — Oh ! non, répondit-il; pour dire qu'elle est belle, elle n'est pas belle. — Elle est donc bien bonne, puisque vous la prenez malgré cela? — Je ne sais pas trop. J'espère que oui. — Comment! Êtes-vous sur du moins qu'elle a un bon caractère, qu'elle vous rendra heureux? — Ah! ma foi, je n'en sais trop rien. Elle ne m'a pas l'air commode. — Est-elle bien chrétienne? A-t-elle de bons parents? — Oh ! ça, je crois que non. Je n'en sais rien; mais je crois qu'elle n'est point dévote. — Et vous allez l'épouser comme cela, au hasard? — Mon DIEU, oui; mon camarade ma dit que je ferais bien. » Et, là-dessus, il s'est marié le surlendemain ! N'est-ce pas effrayant? 
V
 
Comment il faut se préparer chrétiennement au Mariage.
 
Le mariage étant avant tout un sacrement, la première préoccupation d'un chrétien doit être de s'y préparer dignement.  
Pour cela, il faut prier plus que d'habitude, demander au bon DIEU la grâce de bien recevoir un sacrement si important, d'où dépend toute la vie. Il faut demander à la Sainte-Vierge et à saint Joseph, Patrons de la famille chrétienne de bénir l'union qu'on va contracter. Il faut, sans remettre aux derniers jours, se confesser de tout son cœur, et faire une bonne communion la veille ou l’avant-veille du grand jour. D'ordinaire, les fiancés quelque peu chrétiens tâchent de communier ensemble, à côté l'un de l'autre, accompagnés, s'il se peut, de leurs proches parents et de quelques autres intimes.
D'après les règles et les anciens usages de l'Église, cette communion des deux époux devrait se faire à la messe même où leur est donnée la bénédiction nuptiale ; cela est indiqué expressément dans le Rituel. Néanmoins, les messes de mariage se célébrant ordinairement fort tard, à onze heures et même à midi, à cause de la mairie, ce bel usage est tombé en désuétude. On s'en rapproche le plus possible, par la communion de la veille dont nous venons de parler.  
Cependant il ne faut rien exagérer : tout excellente qu'est cette pratique de communier la veille ou l'avant-veille du mariage, elle n'est point de rigueur. Il ne faut pas la confondre avec la confession qui est obligatoire. Un curé à qui les deux parties contractantes ne présenteraient point le billet de confession attestant qu'elles se sont confessées toutes deux, ne pourrait pas passer outre sans manquer gravement à son devoir.  
Il y a des gens peu instruits et peu chrétiens qui s'imaginent qu'il suffit, pour être en règle avec le bon DIEU, d'aller dire quelques généralités à un prêtre, sans se préoccuper de se bien confesser, d'examiner sa conscience, de tout dire, de bien se repentir, et enfin de recevoir dignement l'absolution ; pourvu qu'ils tiennent leur billet de confession, ils pensent que tout est dit. Ils se trompent du tout au tout; et si, le lendemain, ils osent se présenter à l'autel dans cet état de péché mortel, au lieu de recevoir la grâce et les divines bénédictions du sacrement de Mariage, c'est la malédiction de DIEU qui descend sur leur tête, et ils se rendent coupables d'un véritable sacrilège.
Il faut donc de toute nécessité, pour recevoir chrétiennement le sacrement de Mariage, se confesser tout de bon, avec la préparation suffisante, recevoir la sainte absolution, et prendre la résolution bien sérieuse de vivre en bon chrétien, fidèle à la loi de DIEU et aux commandements de l’Église.
Les fêtes, les dîners qui accompagnent ordinairement les mariages et commencent même quelques jours auparavant sont parfaitement légitimes ; mais il y faut éviter tout excès, et ne pas perdre de vue le coté si grave, si religieux du Mariage, lequel est de beaucoup le principal.   
VI
 
Des droits exigés par l'Église à l'occasion du Mariage.
Un mot sur les dépenses occasionnées par le Mariage. Je ne parle pas de celles qu'entraîneront toujours plus ou moins la toilette, les repas, les cadeaux, la vanité, le plaisir : quoiqu'elles soient trop souvent exorbitantes, personne ne songe à s'en plaindre. Je parle des dépenses qui se font à l'église, et contre lesquelles on murmure parfois.  
Constatons d'abord que jamais ou n'est obligé de payer un sou pour recevoir le sacrement de Mariage. A ce point de vue, le Mariage est, comme le Baptême, essentiellement gratuit; et les plus pauvres ont ici le même droit que les plus riches. Ce que l’on paye, et à très juste titre, d'après des tarifs réglés par l'autorité diocésaine, d'après des tarifs dont Messieurs les Curés n'ont pas le droit de s'écarter, c'est ce que l’on pourrait appeler les pompes de la cérémonie nuptiale, lesquelles, je le répète, n'ajoutent rien au Mariage considéré en lui-même. 
Ainsi, pour plus de solennité et de grandeur, vous demandez « un mariage de première classe, » c'est-à-dire un mariage où l'église sera tendue de riches tapisseries, où le pavé sera couvert de beaux tapis, où l'autel resplendira de lumières, où l’on chantera, où l'on jouera de l'orgue, où l'on sonnera les cloches, où plusieurs prêtres assisteront le célébrant, etc., n'est-il pas tout simple que vous payiez tout cet apparat? Du moment que vous le pouvez, vous avez mille fois raison d'entourer de solennité et de pompe un des actes les plus importants de votre vie ; mais, enfin, vous êtes libre de le faire ou de ne le faire pas; cela n'est pas essentiel au grand sacrement que vous recevez, et les pauvres gens qui se marient sans tout cela sont aussi parfaitement mariés que vous.  
La seconde classe, paye moins que la première; la troisième, moins que la seconde, et ainsi de suite ; cela est tout naturel. A vous de choisir, suivant votre goût ou suivant les moyens de votre bourse.  
C'est entre les mains du prêtre que vous versez la somme réglée par le tarif; mais gardez-vous de croire que cet argent soit pour lui : il le touche au nom de la fabrique, c'est-à-dire au nom du conseil laïc qui administre les revenus de l'église. Ce qui lui en revient à lui- même est fort peu de chose et devient un des éléments de son casuel, espèce de traitement supplémentaire, souvent bien insignifiant, et sans lequel le prêtre ne pourrait pas suffire à son existence, quelque modeste qu'on la suppose.  
Et puis, n'oubliez pas que, dans les mariages quelque peu solennels, les règlements exigent la présence des vicaires de la paroisse, ainsi que celle d'un certain nombre d'employés. Or, n'est-il point naturel que tout ceci se paye et doive se payer? Sans compter l'entretien, plus coûteux qu'on ne pense, des tapis, des tentures, des meubles, etc., qui s'usent et qui, lorsqu'il faut les renouveler, entraînent des dépenses toujours considérables.
En comparaison des dépenses que l'on fait toujours si volontiers pour le repas de noces, la rétribution exigée pour la fabrique, pour le clergé et les employés de l'église est si peu de chose, qu'il faut être bien déraisonnable pour y trouver à redire. 
VII
 
De la célébration du Mariage. 
Le grand jour est arrivé. La mariée se fait aussi belle qu'elle peut; le marié se frise, se pare du peu de charmes qu'a toujours un homme. Tout le monde brille, éclate.  
Si l'on n'y a déjà été, on se rend à la mairie et de là à l'église, où le pauvre prêtre, à jeun, attend une bonne demi-heure. J'en ai vu qui n'étaient pas encore à l'autel à midi et demi, une heure moins un quart; ce qui est un véritable abus.  
Au pied de l'autel, avant la Messe, le curé, ou le prêtre délégué par lui, se tourne vers les deux parties contractantes, qui, agenouillées l'une auprès de l'autre, vont recevoir le grand sacrement. L'époux, la main droite dégantée, prend la main droite de l'épouse, qui a également enlevé son gant. Le prêtre leur demande successivement s'ils veulent se prendre mutuellement pour époux, pour épouse; et si tous deux répondent « Oui » (ce qu'il faut faire d'une voix claire et intelligible), ils sont mariés, unis pour toujours, et devant DIEU et devant les hommes.  
C'est à ce moment précis qu'ils reçoivent tous deux la grâce sacramentelle du Mariage, laquelle est répandue en leurs âmes par le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, afin de légitimer d'abord, puis de sanctifier leur union.  
Le prêtre qui reçoit ce double serment est ainsi constitué, par l'Église, le témoin officiel et nécessaire du Mariage ; mais il n'en est pas le ministre proprement dit. Les bénédictions solennelles et les prières qu'il ajoute, n'empêchent pas les deux époux, et eux seuls, de se conférer mutuellement, si on peut parler ainsi, le sacrement et sa grâce. Au fond, cela revient au même, puisque le consentement mutuel n'est valide que si le curé est là présent pour le recevoir au nom de DIEU et de l'Église.
Immédiatement après le Mariage, le prêtre bénit un anneau d'or (ou d'argent) qu'il remet à l'époux ; et celui-ci le passe au doigt annulaire (le quatrième) de la main gauche de sa nouvelle compagne. Cet anneau représente l'autorité du mari, a qui la femme devra désormais obéir, et qui la tient enchaînée pour toujours au joug, souvent bien lourd, du Mariage. L'époux ne reçoit point d'anneau de l'épouse, parce que, malgré son union irrévocable avec elle, il ne lui est point soumis et ne lui doit point obéissance.  
La Messe commence ensuite, pendant laquelle il est malheureusement d'usage de se tenir fort mal. On cause, on se dissipe, comme si l'on n'était pas devant DIEU. Quand nous assistons à un mariage, nous devrions bien, nous autres chrétiens véritables, réformer cet abus, sinon par la parole, du moins par la protestation de l'exemple.
Après la, Messe, on se rend à la sacristie pour signer l'acte, avec le, prêtre et les témoins, et la cérémonie du Mariage est terminée.  
Après une si grande action, il faut bien veiller sur son cœur, et ne pas se dissiper follement, comme le font ceux qui n'ont point de foi. La gravité, la paix, la sérénité, doivent faire le fond des fêtes chrétiennes ; et les joies qui les accompagnent tout naturellement doivent se ressentir de la présence de DIEU dans les cœurs.
C'est un véritable abus que de faire, le jour des noces, comme on dit vulgairement, « de la nuit le jour ». Il est impossible que des désordres plus un moins graves ne soient point la conséquence d'un pareil excès, surtout si on s'y livre à certains jeux, plus ou moins inconvenants, que se permettent ordinairement les gens mal élevés.  
Il y avait jadis, et cette sainte coutume tend heureusement à renaître, un usage bien touchant, auquel l'Église invitait les familles chrétiennes et auquel elle présidait elle-même, en la personne du curé. Dans un moment quelconque de l'après-midi ou bien dans la soirée, le prêtre, revêtu du surplis et de l'étole blanche, était conduit par les deux nouveaux époux, leurs pères et mères et leurs proches parents dans la chambre nuptiale. Là, tous s'agenouillaient, et le ministre de DIEU: bénissait solennellement le lit nuptial, priant Notre-Seigneur JÉSUS-GIIRIST de féconder l'union des deux époux et de bénir en leur personne les enfants qui viendraient à naître de leur saint mariage. 
VIII
 
Des obligations et devoirs mutuels des époux.
 
 
I. Le devoir conjugal. — Le premier devoir qui incombe aux époux après leur mariage est ce qu'on appelle spécialement le devoir conjugal sur lequel il serait peu convenable de s'étendre ici, et qui a pour but direct la multiplication du genre humain, et par conséquent de l'Église, sur la terre d'abord, puis dans le Ciel. C'est au confesseur qu'il appartient de résoudre les cas de conscience qui pourraient embarrasser sur ce point les nouveaux époux.
II. La fidélité conjugale. — Le second devoir, conséquence du premier, est la fidélité conjugale la plus entière. Le péché qui viole cette fidélité est un crime puni même par les lois humaines, et qui introduit le désordre le plus affreux jusqu'au sein de la famille. L'adultère est un sacrilège; car il viole le sacrement de Mariage et l'union qui en découle; c'est en outre un crime contre la justice; car la femme mariée appartient tout entière à son époux, et réciproquement.  
III. La concorde et l’amour mutuel. — Le troisième devoir, c'est l'union, la concorde et l’amour mutuel. Cet amour conjugal doit être un amour tendre, chaste et pur. Il est comme l'âme du mariage. Sans lui, la vie commune est une espèce d'enfer. Aussi, dans l'intérêt de leur propre bonheur, non moins que dans l'intérêt de leur conscience, les maris et les femmes doivent-ils veiller de très près à ne pas perdre ce trésor. Hélas! il est fragile; et bien souvent, semblable à un beau vase de cristal ; quand il est brisé, on ne peut plus le réparer.
En pratique, c'est le mauvais caractère qui est l'ennemi le plus dangereux de l’amour conjugal, et par conséquent du bonheur domestique. Il y a des hommes fort religieux d'ailleurs, qui n'y font pas assez attention : dans leur intérieur, ils se laissent aller aux impatiences, aux brusqueries; ils s'abandonnent d'une manière désolante aux caprices de leur humeur; ils sont grognons, sans délicatesse et sans égards pour leur compagne, qui n'en peut mais; qui, lorsqu'elle est seule, pleure plus souvent qu'elle ne rit ; et cependant ils ont fait le serment de la rendre heureuse.
Il y a incroyablement peu de maris aimables ; comme il faut bien le reconnaître, il y a extrêmement peu de femmes sensées et raisonnables. Néanmoins, dix-sept fois sur vingt (ce n'est pas trop dire), la perte du bonheur domestique, vient des procédés et des manques d'égards du mari.  
Au contraire, la bonté, l'amabilité du mari est presque toujours récompensée par les joies les plus pures du bonheur domestique. Une dame qui avait eu le malheur de perdre son mari après douze années de la plus tendre union, disait un jour, dans l’épanchement de l'intimité, à l'un de ses fils, alors sur le point de se marier, et qui me le répétait lui-même : « Mon enfant, si tu veux être heureux dans ton intérieur, sois toujours, toujours plein de bontés et de délicatesses pour ta femme. Quand j'étais jeune, on s'étonnait parfois de me voir préférer invariablement mon chez moi et la compagnie de ton pauvre père aux sociétés les plus charmantes. Hélas! je n'y avais pas grand mérite : nulle part je ne trouvais un homme qui fut aussi aimable que ton père; nulle part je n'en trouvais qui m'entourât de plus de soins. »  
Les devoirs de la femme ne sont pas de moindre importance pour le bonheur commun.  
Les femmes doivent être soumises à leurs époux; soumises, non comme des esclaves, mais comme des compagnes, des compagnes aimantes et aimées. La femme est naturellement assez patiente, et la femme pieuse l'est grandement. Or, c'est avec son mari tout d'abord qu'elle doit être patiente, patiente et douce, indulgente, affectueuse, adroite, pour tourner les difficultés, pour prévenir ou apaiser les orages. Il est indispensable quelle se fasse respecter, estimer de lui par la solidité de ses vertus domestiques, par la pratique de toutes les belles et bonnes vertus chrétiennes qui constituent la véritable piété. Qu'elle n'oublie jamais ce que dit l'Apôtre saint Paul : « La piété est utile à tout; elle a les promesses de la vie présente, non moins que celles de la vie à venir. » 
A ce point de vue spécial, je conseillerais à tout mari, à toute femme, qui tient à conserver l'amour mutuel et le bonheur du foyer domestique, de faire ensemble leurs prières du matin et du soir, tous les jours, de sanctifier tout de bon leur dimanche ensemble, par l'assiduité aux Offices do leur paroisse, et de ne jamais demeurer longtemps sans recourir aux sacrements, lesquels sont la source la plus puissante et la plus excellente de la bonne et solide piété.  
Je me suis étendu à dessein sur ce troisième devoir des gens mariés, à cause de son importance exceptionnelle. Après dix ans de mariage, au premier couple venu demandez ce qu'il en pense, et si j'ai raison.  
IV. La cohabitation, et la vie commune. — La quatrième et dernière obligation mutuelle des époux, c'est la cohabitation ou demeure commune.  
En se mariant, l'époux et l'épouse contractent l'obligation de vivre ensemble, afin de se soutenir mutuellement dans le chemin de la vie de se soulager dans leurs épreuves, de se consoler dans leurs peines. 
Cette loi est d'institution divine, «  L'homme, dit le Seigneur lui-même, en unissant et en bénissant Adam et Ève et en instituant le Mariage, l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, » Une fois consommé, le mariage des chrétiens ne peut être dissous que par la mort. Ceci est de foi, de foi révélée et définie. 
Ici encore le Gode civil français foulait aux pieds les droits de DIEU et les lois de son Église lorsqu'il tentait de ressusciter l'institution païenne du divorce, et il usurpe encore aujourd'hui une juridiction qui ne lui appartient pas, lorsqu'il prétend déterminer, en dehors de l'Église et par son autorité propre, les causes qui légitiment la séparation des époux.  
Il a été cependant défini par le Concile de Trente, contre les novateurs protestants, qu'il y a plusieurs causes de séparation légitime entre les époux. Les voici :  
1° La première et principale cause qui légitime la séparation de deux époux, c'est le crime d'adultère.
2° C'est ensuite les mauvais traitements, sévices et injures graves de l'une des parties. Mais il est bien entendu, de même que pour le cas précédent, que la partie innocente seule a le droit de prendre l'initiative de la séparation.  
3° Le cas où le mari, faisant profession d'hérésie ouverte ou d'impiété active, ou de grave immoralité, s'efforcerait d'altérer la foi ou les mœurs de son épouse.
4° La quatrième cause est la crainte fondée pour une malheureuse femme d'être impliquée dans les crimes, quels qu'ils soient, d'un mari coupable.
5° La. violence d'un des conjoints, lorsqu'elle est poussée à un tel point qu'il y a pour l'autre des dangers sérieux à courir.
6° Enfin, un motif aussi honorable que rare, qui peut légitimer la séparation de deux époux chrétiens, c'est le désir d'un état de vie plus parfait, qui les pousse tous deux d'un commun accord à quitter le monde pour embrasser la vie religieuse, ou entrer dans le sacerdoce. Mais alors il faut, ou que l'un et l'autre fassent profession solennelle dans un Ordre monastique; ou bien, si l'époux se contente de se faire prêtre, il faut que l'épouse soit dans un âge ou dans des conditions telles, qu'elle puisse, sans le moindre danger, faire voeu de continence perpétuelle, en vivant dans le monde. 
En dehors de ces six causes, il est interdit aux époux, sous peine de forfaire à leur devoir, de secouer le joug de la vie commune et de se séparer l'un de l'autre. C'est quelquefois bien dur; mais avec le secours de DIEU, que l'on peut toujours aller puiser dans la prière, dans les sacrements et dans la piété, tout devient possible.  
IX
 
Obligations des pères et mères. 
Sans vouloir faire un traité sur cette très importante matière, rappelons simplement aux personnes qui vont se marier que si DIEU, dans sa Providence daigne les choisir pour leur donner des enfants, pour donner de nouveaux chrétiens à son Église, de nouveaux citoyens à la patrie, ils doivent l'en remercier avec amour comme d'un honneur de premier ordre, au lieu de murmurer, de faire de honteux calculs, comme il arrive trop souvent dans des ménages, trop peu chrétiens, indignes de l'honneur de la paternité et de la maternité.  
Dans les pays de foi, les familles sont ordinairement nombreuses, et l'on y est notablement plus heureux. La diminution effrayante des nombreuses familles est une des plaies de notre société déchristianisée, démoralisée par la débauche et par un matérialisme égoïste et maudit de DIEU. Il y a tel et tel département où, depuis quatorze ou quinze ans, le chiffre de la population baisse d'environ trois mille habitants chaque année ! Et, notez le bien, ces terres infécondes sont toujours celles où la Religion a perdu davantage sa noble et bienheureuse influence.
 
Ceci étant bien établi, voici l'ensemble des obligations des père et mère à 1’égard de leurs obligations.
1. En se mariant, un époux et une épouse doivent rejeter loin d'eux les pensées méprisables, auxquelles nous venons de faire allusion, et prier DIEU de féconder leur union. Les enfants sont et seront toujours la joie et la couronne des parents.
2. Dans la plupart des diocèses, il est commandé, sous peine de péché grave, de faire baptiser les enfants nouveau-nés dans l'espace de trois jours après leur naissance. Dans certains pays très chrétiens, le Baptême suit presque immédiatement la naissance, à moins d'empêchement grave; et l'on a soin de donner à ces enfants des noms de Saints, et non pas de ces absurdes noms de fantaisie, qui ne sont propres qu'à témoigner du peu de bon sens des parents.  
3. Ce n'est pas une obligation proprement dite pour une mère de nourrir elle-même ses enfants; mais, si elle le peut, elle ne saurait faire rien de mieux, de plus utile pour elle et pour le vrai bien physique et moral de sa famille.  
Si elle est obligée de faire nourrir son enfant par une autre femme, qu'elle la choisisse avec un soin extrême, non seulement au point de vue de la santé, mais encore au point de vue des mœurs. Les nourrices sans conscience, comme il y en tant, sont plus souvent qu'on ne pense la cause, volontaire ou non, des maladies et de la mort d'une quantité de pauvres petits enfants. Une statistique effrayante a été faite à cet égard, par la faculté de Médecine, et l’on a constaté, les chiffres en main, que dans plusieurs départements, entre autres dans tous ceux qui se rapprochent de Paris, le nombre des enfants en nourrice qui meurent avant un an, s'élève à cinquante, soixante, et en certains endroits à plus de quatre-vingts pour cent! Il y a donc là un devoir de conscience de premier ordre pour la mère et le père.  
Ils veilleront également, et par eux-mêmes, à ce que les nourrices n'allaitent point leur enfant étant couchées. Cela est défendu par l'Église sous peine de péché grave. Maintes fois on a trouvé le pauvre enfant étouffé sous le poids de sa nourrice endormie.  
4. Les père et mère doivent former, dès le bas âge, le cœur de leurs enfants à la connaissance et à l'amour du bon DIEU. Avant que ces bons petits ne soient capables de comprendre sérieusement les choses de la Religion, leurs parents doivent leur en donner les charmantes petites habitudes. C'est le père, et plus encore la mère, qui est le premier prêtre, le premier directeur de ses enfants, leur apprenant à faire le signe de la croix, à envoyer de petits baisers au crucifix, à l’Enfant-Jésus, à la Très-Sainte Vierge; à faire leurs petites prières matin et soir, et, un peu plus tard, a ne pas aller jouer avec de mauvais enfants, capables d'altérer la pureté de leur innocence. 
 
 
5. Des parents chrétiens et craignant DIEU, se tiendront en garde contre une tendance de plus en plus générale en notre siècle, qui est de « gâter » leurs enfants. La galerie n'est point de la tendresse, c'est de la faiblesse. C'est une maladie maternelle, quelquefois même paternelle, qui commence souvent de bien bonne heure. Les pauvres « enfants gâtés » eu sont les premières victimes; et un jour viendra où ils maudiront cette faiblesse déplorable. Il faut aimer ses enfants pour eux-mêmes, et non pas pour soi. La conscience chrétienne est le principal remède de la gâterie, laquelle consiste au fond à laisser faire à l'enfant ce qui lui plaît, sans s'inquiéter si c'est bien ou mal, si c'est conforme ou contraire à la sainte volonté de DIEU.
Je signalerai ici la mauvaise habitude, si peu respectueuse et si générale, de se laisser tutoyer par ses enfants. Des parents consciencieux seront inflexibles sur ce point et sauront, pour l'amour de leur enfant, le réprimer, et même le punir quand il le faudra. « Celui qui aime bien, châtie bien, » dit l'Écriture sainte.
6. Le père et la mère doivent préparer de loin leurs enfants à suivre le catéchisme, à respecter les choses saintes, en particulier les églises et les prêtres; et ils doivent aider de tout leur pouvoir les efforts du catéchiste, du confesseur, du curé, pour former à la vie chrétienne l'esprit et le cœur de l'enfant que DIEU leur a donné.
 
 
7. Ils sont tenus en conscience à n'envoyer leurs enfants, autant que cela dépend d'eux, que dans des écoles ou des pensionnats sérieusement chrétiens. La Religion est souvent dans le prospectus, et ne va pas plus loin. Que les pères et mères n'oublient pas que c'est ici l'un de leurs plus difficiles devoirs. Ils pécheraient gravement et seraient indignes de l'absolution, s'ils mettaient à la légère leur enfant dans ces soi-disant maisons d'éducation laïques (comme il y en a tant), où il serait exposé à perdre peu à peu sa foi et ses mœurs. Les parents ont charge d'âmes aussi réellement que les curés, et ils répondront devant DIEU de la perte de leurs enfants, s’ils ont le malheur d'y concourir, soit positivement, soit même négativement. Ils sont tenus à en faire de bons et vrais catholiques dans la mesure où cela leur est possible.
8. Ils devront donner à leurs enfants la double prédication de la parole et de l'exemple. La parole est bien peu, quand l'exemple fait défaut. Surtout au point de vue des habitudes religieuses, de la prière, de la sanctification du dimanche, de l'observation des lois de l'Église, de la fréquentation des sacrements, ce point est essentiel.
 
9. Ils écarteront de leur maison les amis, les connaissances qui pourraient nuire moralement à leurs fils, à leurs filles; ils veilleront à ne pas laisser entrer chez eux des journaux ni des livres dangereux ; et n'y toléreront pas plus des serviteurs ou servantes, des maîtres ou maîtresses d'une foi ou d'une moralité suspecte.
10. Enfin, les pères et mères vraiment dignes de leur sainte mission, s'efforceront toute leur vie de faire du bien, surtout du bien religieux, à ceux qui leur doivent le jour. Ils vivront de manière à se faire respecter et aimer d'eux, à maintenir de leur mieux l'union de la famille, et à pouvoir espérer légitimement d'être un jour réunis avec eux dans la patrie bienheureuse.
Il y aurait encore bien des choses utiles à dire sur ce grave sujet du mariage chrétien. Le peu que nous venons de résumer ici suffira pour attirer l'attention des gens de bonne volonté, et les aidera, nous en avons l'espoir, d'abord à entrer plus chrétiennement dans un genre de vie hérissé de tant de difficultés, à s'y comporter toujours dignement, et à y trouver les douces bénédictions que le bon DIEU y a semées, comme de belles roses au milieu des épines.

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