dimanche 2 décembre 2018

Père Onésime Lacouture - 3-37 - La prière et fin



TRENTE-SIXIÈME INSTRUCTION
LA PRIÈRE.

«Qui de vous si son fils lui demande du pain lui donnera une pierre? Ou s’il lui demande du poisson, lui donnera un scorpion? Si donc, vous, tout méchant que vous êtes, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux, donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le prient!».

NÉCESSITÉ DE LA PRIÈRE.

Nous avons médité le plan divin dans la création, la rédemption et dans notre sanctification expliqué dans nos trois séries de retraite: il nous reste à vivre toute cette doctrine pour aller au ciel. Or, savoir notre devoir et le faire, il y a un abîme que seule la grâce peut combler. Or, pour l’avoir il faut la demander dans la prière. Jésus nous dit formellement: «Sans moi, vous ne pouvez rien!». Que personne ne se fie à son intelligence du plan divin ou à sa détermination de le vivre: il faut qu’il ajoute à cela la prière.

Voici une idée à faire frémir tout catholique. Dans sa prière sacerdotale, Jean 17-9, Jésus dit: «Je prie pour ceux que vous m’avez donnés, je ne prie pas pour le monde». Les théologiens ont beau dire que le salut est offert à tous les hommes sans exception, cette parole de Jésus est terrible! Ceux pour lesquels il refuse de prier, ne seront certainement pas sauvés. Jésus meurt pour tous les hommes, mais ici, il offre ses mérites et il prie seulement pour ceux que le Père lui a donnés. Il y en a donc que le Père ne lui a pas donnés! Quand Saint Pierre dit: «Rendez votre élection certaine par vos bonnes œuvres, il admet donc que Dieu nous choisit parmi d’autres qu’il ne choisit pas! On parle des élus pour le ciel, ce sont donc des choisis parmi d’autres qui ne le sont pas!

Les prêtres qui n’admettent que deux endroits dans l’éternité pour les adultes, à savoir, le ciel et l’enfer sont donc obligés de dire que Dieu a créé tous les hommes pour le ciel. Car qui pourrait admettre l’idée que Dieu en a créés pour l’enfer? C’est impossible! Mais, quand on laisse les limbes comme bonheur naturel et normal pour tous les hommes dans l’ordre naturel, c’est moins difficile d’admettre que Dieu peut choisir des élus parmi les hommes pour le ciel, sans faire d’injustice à ceux qu’il laisse pour leur bonheur naturel des limbes. Alors, tous les textes cités plus haut se comprennent bien. Il est certain que les mérites de Jésus sont infinis et suffisants donc pour tous les hommes sans exception. Mais, quel texte pourrait-on apporter pour prouver que de ce fait ces mérites sont appliqués à tous les hommes? Or, dans sa prière sacerdotale, Jésus demande positivement le ciel pour ceux que le Père lui a donnés. Il ne les lui a donc pas tous donnés. «Je veux que là où je suis ceux que vous m’avez donnés soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire que vous m’avez donnée avant que le monde fût!». Je parle de la sorte parce que c’est encore une question libre dans l’Eglise. Si jamais elle se prononce, je me soumets d’avance à sa décision.

Ne nous excitons pas au sujet de notre prédestination, nous ne saurons jamais sur terre si le Père nous a donnés à J.-C. Mais d’après son enseignement, le plus sûr moyen d’être parmi les élus, c’est de le demander constamment et de faire tout ce que nous pouvons pour nous sanctifier. Car il n’y a pas de doute que de toute éternité, Dieu voit nos efforts pour être avec lui parmi les élus où notre insouciance. Or, le ciel est la plus belle perle possible: il ne la donnera pas à ceux qui sont heureux avec les échantillons. Or, l’ensorcellement des créatures est si fort que seule la prière peut nous obtenir la grâce de les mépriser pour préférer le ciel.

Défions-nous de cette tendance des prêtres philosophes à nous rendre le ciel si facile. Il ne faut pas oublier qu’ils vivent habituellement dans le naturel et que par une suite de sophismes à moitié vrais, à moitié faux, ils raisonnent au sujet du ciel exactement comme on le ferait si nous étions sur le chemin des limbes. Du moment qu’on évite les péchés mortels défendus par la loi naturelle, ces prêtres donnent le ciel. Ils le donnent à cette activité naturelle des motifs et des affections pour les bonnes créatures, comme si nous étions dans l’ordre naturel. Ce n’est pas vrai! L’Apôtre dit: «N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde: si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est point en lui». Or, tout ce qu’il y a dans le monde n’est pas mauvais. Le riche qui s’est damné après J.-C. n’a rien fait de mal, n’a commis aucun péché isolé quelconque…et pourtant, il est damné!

C’est cette attitude des prêtres philosophes qui tue l’esprit de prière. Dans l’ordre naturel, nous n’aurions pas eu d’autre besoin de la prière que pour éviter les gros péchés mortels; le reste serait venu automatiquement. Est-ce que des enfants ont à prier leurs parents pour avoir la nourriture de chaque jour? Cela entre dans leur vie ordinaire. Mais, s’ils voulaient un diamant d’un grand prix, il faudrait qu’ils le demandent à leurs parents.

Ainsi quand on rabaisse le ciel au niveau des limbes comme une fin naturelle, c’est évident qu’il ne faut pas prier beaucoup pour l’avoir: il suffit de n’être pas un démon de méchanceté pour y arriver. Or, les prêtres qui disent que des bons motifs naturels méritent au ciel évidemment, mais à leur insu, dans leur ignorance, mettent le ciel comme fin naturelle, puisqu’ils disent que des moyens naturels comme des motifs naturels y conduisent. C’est un principe de bonne philosophie que la fin spécifie les moyens. Puisqu’ils acceptent des moyens naturels comme des motifs naturels, c’est donc naturel dans leur façon d’agir. Mais dans leur façon d’agir, ils font comme si le ciel était naturel. Car dans ce cas, l’homme est capable de mériter le ciel par ces bons motifs naturels, où il n’a pas tant besoin de la grâce. Ainsi, ils mettent le bon Dieu de côté pour laisser les hommes croire que du moment qu’ils suivent leur raison, ils ont toutes les chances d’être sauvés; ce qui est absolument faux! Ce n’est pas la raison qui donne le ciel, mais la foi seule. Or, la foi dépasse entièrement la raison; elle est un don de Dieu que personne ne peut mériter en justice. Dieu la donne à qui il veut exactement comme le salut! Alors, la théologie absolument surnaturelle requiert un désir ardent de l’avoir, un amour de préférence sur l’amour de toutes les choses créées. C’est un don ineffable.

Il faut absolument tuer cette sécurité qu’ont tant de chrétiens au sujet de leur salut, et qui prient si peu pour l’avoir. Evidemment, ils comptent donc sur leur bonté naturelle comme les philosophes le leur enseignent par leurs paroles et par leurs exemples d’une vie de vrai païen dans leur mentalité. Ils sont tout aux choses du monde comme leurs conversations l’indiquent trop bien, ils laissent leurs fidèles tout aux choses du monde comme eux-mêmes… et tous ces bons païens ne sont pas du tout inquiets pour leur salut! La preuve est qu’ils ne prient pas ou très peu. Quand est-ce qu’on voit ces prêtres aller à l’église, quand exhortent ils les fidèles à y venir prier? Ceux qui ne prient pas ou peu sont donc sûrs de leur ciel… et c’est donc qu’ils rabaissent le ciel au niveau des limbes, de fait dans leur esprit.
Tout cela est une fausse sécurité qui vient d’une mentalité absolument païenne qui suppose que le ciel nous est dû du moment que nous ne sommes pas des monstres d’iniquité. C’est une attitude mentale qui fait un tort immense aux fidèles et qui en perd sûrement un grand nombre.

Nous devrions tous savoir que du côté de l’homme, il n’y a absolument rien qui fonde le salut. Même s’il était l’homme le plus parfait au monde, il serait fou de compter sur cette perfection pour son ciel. C’est l’enseignement formel de l’Eglise que personne ne peut mériter la persévérance finale. Or, cela est le ciel! Que tous les prêtres disent donc aux fidèles que la grâce sanctifiante ne peut pas se mériter, que la foi ne peut pas se mériter, que la persévérance finale ne peut pas se mériter, et donc que le salut ne peut pas se mériter. C’est un pur don de Dieu! Donc personne, quelque bon qu’il soit, ne peut être sûr de l’avoir. Nous ne devrions jamais mettre aucune sécurité dans notre bonne vie quoi qu’en pensent et disent les philosophes!

Ils ont un principe en harmonie avec leur théorie qu’il n’y a que le ciel et l’enfer pour les hommes faits. Dans ce cas, il est évident que celui qui fait son possible devrait avoir la grâce du salut. Devrait? Mais qui peut le prouver? Cela supposerait que le salut est dû aux bonnes œuvres d’une certaine façon, si je puis m’appuyer sur mes œuvres pour le ciel. C’est faux! Le ciel ne serait pas un pur don de Dieu alors! Quand on dit un pur don, cela veut dire que Dieu le donne à qui il veut, indépendamment de la vie ou des œuvres. Voilà ce qui est de la solide doctrine d’après l’Evangile! Il faut la suivre à tout prix. Et, dans ce cas, il faut la prière: elle est le moyen le plus sûr.

Qu’est-ce que nous gagnons à suivre la doctrine mielleuse et douce, facile qui sauve le monde sans effort du moment qu’ils évitent les gros péchés mortels… tout le monde est sauvé! Mais est-ce que Dieu va choisir un homme parce qu’un prêtre lui a dit qu’il était très facile d’arriver au ciel, qu’il pouvait jouir des créatures tant qu’il voudrait du moment qu’il ne ferait pas d’excès, il n’y a pas de doute qu’il serait sauvé! On dit cet homme est sincère, il ne connaissait pas mieux. C’est vrai, mais la sincérité n’est pas la foi. Comme il y en a qui se trompent sur ce point.

Être sincère, c’est agir selon sa conscience ou ses idées. C’est donc agir en bon païen. Depuis quand la raison donne-t-elle le ciel? La foi, c’est agir selon la vérité révélée ou selon la lumière divine. Elle seule donne le ciel. Qu’on laisse donc la paix avec la sincérité! Tant qu’elle suit la raison, elle ne vaut rien pour le ciel.

Il ne faut pas compter sur sa bonté ou sa perfection à cause des fortes tentations qui peuvent venir n’importe quand et faire chavirer les plus solides. Dieu peut exiger que nous le préférions à toutes les créatures du monde et c’est ce qu’il fait habituellement en envoyant de fortes tentations où il faudra être prêt à tout sacrifier pour sauver son âme. Or, combien alors tombent misérablement comme de vrais païens? Où sont ceux qui ne pèchent jamais? Les autres tombent quand Dieu les tente. Ce n’est pas pratique de s’appuyer sur ses bonnes œuvres passées pour croire que l’on sera fidèle à Dieu jusqu’à la fin.

Il reste donc que le meilleur moyen à la disposition de tout homme, c’est la prière. Non pas une prière quelconque comme ces gens qui sont sûrs de leur salut et qui prient pour passer le temps!… Qui pensent qu’ils font de l’extra… du surérogatoire! Mais une prière du fond du cœur, d’un homme qui se voit encore immensément loin du but à atteindre, qui n’est jamais sûr! Un homme qui ne sait pas encore si ses péchés sont suffisamment expiés, un homme dont le cœur est encore si plein de l’amour des créatures qu’il ignore s’il aime assez Dieu pour le satisfaire. Un homme qui ne saura jamais sur terre si le Père éternel l’a donné à J.C. pour être sauvé. Grand Dieu, que de raisons de craindre pour son salut!… Et au-dessus de toutes ces craintes, de ces doutes, il reste cette épouvantable idée qui devrait toujours planer dans l’esprit de tout chrétien: Dieu m’a-t-il choisi pour lui? Suis-je un élu du Père éternel? Aurai-je la grâce de la persévérance finale?…

Quelle attitude mentale terrible mais combien favorable à la prière! Alors, on se jette dans la miséricorde divine comme un naufragé sur l’océan, vise la terre au loin. La prière est notre plus sûre planche de salut. Prions de tout cœur, prions constamment et crions notre détresse et notre crainte vers Dieu.

Je n’aime pas cette prédication qui veut toujours calmer les esprits sur la question du salut, qui insiste que tout le monde à peu près est sauvé, qu’il n’y a pas à s’inquiéter, etc… C’est tout le contraire de ce que l’Ecriture dit: qu’il faut faire son salut avec tremblement. Son plus grand tort est justement d’empêcher les gens de prier pour leur salut. Eh bien! Un système ou une idée qui nuit à l’esprit de prière ne vient certainement pas de Dieu mais du diable. Pourquoi donner du chloroforme aux fidèles sur la question du salut! Que gagne-t-on à les endormir sur ce point? Est-ce que le calme va les sauver? Est-ce que c’est la confiance basée sur leur bonté naturelle qui va les aider à arriver au ciel? C’est absurde. Alors, pourquoi tant insister à leur donner cette sécurité qui ne vaut rien pour le choix du Père éternel.

Mieux vaut cent fois montrer la vérité théologique dans toute sa force et tant mieux si les gens ont une peur bleue de n’être pas sauvés! Qu’ils prient plus et mieux et plus souvent! «Demandez et vous recevrez», dit Jésus. L’expérience prouve que ceux qui ne tombent pas dans le péché, c’est parce qu’ils ont beaucoup prié pour cette grâce. Il en est de même pour la grâce finale; ce sont ceux qui la demandent constamment et avec ardeur qui l’obtiendront. C’est le moyen le plus sûr de l’obtenir. Les ignorants comme les savants, les faibles comme les forts et les malades comme ceux qui sont en santé peuvent s’en servir! Prions! Prions! Prions!

LES ÉLÉMENTS D’UNE BONNE PRIÈRE

1) LE DÉTACHEMENT DES CHOSES CRÉÉES. 

Le ciel dépasse tellement la terre que celui qui le demande à Dieu ne doit pas garder d’amour pour les créatures. S’il est assez fou pour donner de son amour à une ombre qui passe, la Sagesse infinie ne se donnera pas à lui. L’Eglise a approuvé la doctrine de Saint Jean de la Croix. Or, il dit que celui qui garde la moindre attache pour une créature n’aura pas l’intelligence des choses de Dieu. Dans ce cas, comment un homme pourrait-il vouloir de tout son cœur le ciel? Le plaisir qu’il trouve dans son attache est autant de pris sur son amour pour les choses divines. Surtout, c’est que le Saint-Esprit ne lui donnera pas sa lumière divine pour désirer les choses de Dieu. Le même saint Docteur dit qu’une attache met un mur infranchissable entre l’âme et Dieu. Donc, elle ne recevra pas d’autre grâce que pour se défaire de cette attache.

Voilà pourquoi si peu de chrétiens prient bien: il y en a tant qui ont des attaches comme les fumeurs, les passionnés pour la radio, la télévision, les vues, les sports, etc. Ces gens ne peuvent être sérieux quand ils demandent à Dieu les biens du ciel. Ils sont trop heureux avec ces échantillons pour désirer ardemment les biens surnaturels. La preuve est de voir si peu de prêtres et de fidèles dans les églises pour prier. Jésus dit qu’on ne peut pas aimer Dieu et le monde. Donc ceux qui donnent leur amour au monde ne peuvent pas bien prier pour les choses de Dieu. Il faut commencer par mépriser les choses du monde pour vouloir sérieusement celles du ciel. Eh bien! Que chacun commence par couper ses attaches s’il veut que son âme vogue vers les choses divines.

Tous ceux qui ont des distractions dans leurs prières devraient savoir qu’ils ont trop d’amour pour les créatures. On pense à ce que l’on aime! Et l’on aime ce à quoi l’on pense! Qu’ils cessent en dehors de la prière de jouir des créatures, de tant parler et de s’intéresser à tous ces plaisirs… et les distractions diminueront! L’amour est une fin qui oriente toute notre activité libre des intentions. Dès qu’on donne de l’amour aux créatures, elles vont se présenter facilement et souvent dans le temps de la prière. Si on ne veut pas de distractions, qu’on élimine tout amour étranger à Dieu durant la journée et on aura la paix pendant les prières.

L’amour d’un cultivateur va vers sa récolte en proportion qu’il sème son grain et donc qu’il s’en détache. C’est le même principe pour le chrétien: son amour passera en Dieu dans la mesure qu’il sème les plaisirs de la terre. Dans la même proportion, il demandera les choses du ciel, et son esprit de prière augmentera.

2) LE RENONCEMENT À SOI-MÊME  est encore plus important et plus difficile que de renoncer aux créatures. Mais le moi est un grand obstacle à la prière. Car celui qui est plein de lui-même, ne peut pas recevoir J.-C. qui vient habiter en nous dans la mesure que nous nous dépouillons de notre amour-propre ou de notre moi païen. Jésus nous avertit qu’il faut se renoncer pour le suivre. Car les obstacles à la venue de Jésus en nous sont autant d’obstacles à la prière pour les choses divines. Comment les vouloir si on ferme la porte à l’Auteur même de tous ces biens célestes? Or, d’après Saint Paul, ce moi doit mourir pour que Jésus vive en nous. «Ce n’est plus moi qui vis, c’est J.-C. qui vit en moi!».

Cet amour est tellement fort qu’il nous empêche d’aimer Dieu de tout notre cœur. Cet amour couvre tout l’homme et oriente son activité vers lui-même. Il veut pour lui le service qui est dû à Dieu seul. Cet homme se croit quelque chose, il jouit de ses propres perfections, comment peut-il être bien ardent pour être transformé en Divin? L’orgueilleux n’est guère capable de prier, ou il prie mal. Il s’estime trop pour estimer les choses célestes. Ceux qui ont de la difficulté à prier, feraient bien de s’examiner sur ce point: le renoncement à eux-mêmes.

La contre-partie est l’humilité si agréable à Dieu parce qu’elle lui laisse toute sa gloire en reconnaissant son souverain domaine sur toutes les créatures. Plus on est convaincu de son néant et de son indignité et plus Dieu se penche sur l’humble, et plus on sent le besoin de prier.

Après nous être débarrassés de nos deux amours naturels, nous pourrons prier beaucoup mieux et avec plus de fruit. Il reste ensuite à y mettre du positif comme les suivants, par exemple…

3) LE POSITIF DANS LA PRIÈRE…

L’ADORATION. Il est toujours profitable de se concilier un bienfaiteur en lui faisant plaisir. Or, nos actes d’adoration sont extrêmement agréables à Dieu, parce qu’ils lui donnent une grande gloire. L’homme s’abaisse profondément devant Dieu dans un acte d’humilité en le révérant comme son souverain Seigneur. Adorer Dieu, c’est se prosterner devant sa majesté en le reconnaissant comme Maître souverain. Par là, la créature se met à sa place devant Dieu; elle reconnaît son néant et sa pauvreté native d’un côté et de l’autre la majesté infinie de Dieu. Dans le ciel, les anges et les élus adorent la Trinité: nous devons commencer à le faire sur la terre pour aller la continuer dans l’éternité bienheureuse.

Ceux qui ont des apparitions divines se prosternent la face contre terre comme incapables d’en soutenir l’éclat. Moïse le fit devant le buisson ardent d’où Dieu lui parlait. Les Apôtres, témoins de la transfiguration de J.-C., se prosternèrent la face contre terre. Eh bien! Quand on vient en présence de Dieu pour le prier, plus la foi est vive et plus on sera porté à s’humilier profondément en l’adorant. Qu’on ne manque pas de le faire avant chacune de nos prières.

DE LOUANGE. Après s’être humilié dans l’adoration, il faut louer la majesté divine pour ses perfections infinies: d’être éternel, infini en tout, de nous avoir créés et appelés à la vie surnaturelle pour aller au ciel, participer à son bonheur céleste.

Mais d’ordinaire, les chrétiens sont vite à court de louanges pour Dieu, mais comme ils en ont pour les pauvres échantillons de Dieu! Ils se pâment devant de simples lambeaux des perfections divines, et ils restent muets devant les perfections mêmes. Cela prouve leur peu de foi. Ils ne s’exercent pas à réfléchir selon cette lumière divine; ils sont tellement pris par la vie des sens que la foi ne leur dit rien.

C’est le Saint-Esprit qui produit la foi, et pour obtenir qu’il le fasse, il faut mortifier la vie des sens. Qu’un fumeur diminue son plaisir, qu’il abandonne même, qu’un amateur de sport cesse de s’intéresser aux parties, etc., et le Saint-Esprit les éclairera plus sur les choses divines. Il ne suffit pas de supprimer le péché, il faut supprimer aussi l’amour naturel pour les choses créées. Dans la même mesure, le Saint-Esprit augmentera notre foi. Quel tort font les philosophes en permettant les attaches aux bonnes choses! Ils empêchent le Saint-Esprit d’agir dans les cœurs.

Unissons nos louanges à celles de la Sainte Vierge dans son beau cantique du Magnificat où elle loue Dieu de ce qu’il a fait en elle et dans le monde. Louons-le aussi pour ce qu’il est en lui-même et qu’il nous manifeste au ciel dans la vision béatifique. Saint Jean dans l’Apocalypse dit que les élus chantent des cantiques de louange à la Trinité et qu’une immense clameur monte vers le trône de Dieu pour le louer. Donnons donc à Dieu les louanges qui lui sont dues et il nous donnera ce que nous voulons.

LA RECONNAISSANCE montre notre appréciation des bienfaits divins. C’est comme une façon de payer Dieu pour ce qu’il fait en notre faveur. Mais les hommes ont si peu de foi pour apprécier les bienfaits divins qu’ils ne sont pas portés à la reconnaissance. Que tous demandent une augmentation de foi pour mieux voir les choses divines et mieux les apprécier.

Les Apôtres, qui ont écrit, commencent souvent par donner des louanges et de la reconnaissance à Dieu, comme Saint Pierre, Saint Paul et Saint Jean. Voici comment Saint Paul commence son Epître aux Ephésiens:

«Béni soit Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a bénis dans le Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans les cieux. C’est en lui qu’il nous a choisis dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui, nous ayant dans son amour, prédestinés à être ses fils adoptifs, par J.-C., selon la libre volonté, en faisant ainsi éclater la gloire de sa grâce, par laquelle il nous a rendus agréables à ses yeux en son Fils bien-aimé».
Il repasse les bienfaits de Dieu pour nous exciter à l’admiration de sa bonté et à la reconnaissance pour ces grands bienfaits.

LE NOTRE PÈRE

Quand les disciples demandèrent à Jésus de leur enseigner comment prier, il leur enseigna le Notre Père qu’il composa lui-même: il y met donc l’ordre qu’il veut. Eh bien! Il commence par nous faire demander ce qui concerne les intérêts de Dieu et ensuite les nôtres. Faisons donc de même dans nos prières.

QUE VOTRE NOM SOIT SANCTIFIÉ! Il veut que son nom soit en bénédiction dans la bouche de tous les hommes. Quoi de plus juste? Il est l’auteur de tous les biens et notre Créateur. Quelle pitié que Jésus soit obligé de nous enseigner à le bénir! Nous devrions le faire spontanément dès que nous savons ce qu’il est.

Mais les hommes sont tellement pleins des créatures qu’ils ne s’occupent pas ou peu de Dieu. Pour le bénir en tout, il faut savoir que tout vient de lui, excepté le péché. Les contrariétés. Les épreuves et les souffrances viennent de Dieu comme les bénédictions. Il veut nous faire expier nos péchés, nous dépaganiser et nous diviniser, afin de nous rendre aptes à jouir de Lui dans le ciel. Par conséquent, il faut tout accepter comme de sa main. Qu’on ne se plaigne donc jamais, par exemple, de la température. Prenons le froid comme la chaleur, la pluie comme le beau temps, etc., de Dieu directement.

Quand on entend quelqu’un se plaindre, n’ayons donc pas peur de prendre la part de Dieu et montrons sa bonté et sa sagesse dans les épreuves qu’il nous envoie pour notre plus grand bien. Nous contribuerons ainsi à faire aimer le bon Dieu.

QUE VOTRE RÈGNE ARRIVE! 

Puisque Dieu est le souverain Maître de toutes choses, il veut que les hommes le reconnaissent en pratique. Plusieurs le font dans les grands événements mais ont beaucoup de peine de l’admettre dans les détails de la vie ordinaire, surtout dans ce qui vient des personnes. Tous ceux qui s’énervent, s’impatientent et disputent, évidemment ne voient pas Dieu comme cause de ces petites épreuves. C’est un manque de foi. Dieu gouverne absolument toute sa création, pas seulement les grandes choses, mais aussi les petites. Jésus dit que pas un cheveu ne tombe sans Dieu.Personne n’a donc le droit d’arranger sa vie comme s’il était son propre maître. Ils font du commerce sans s’occuper des lois de la justice; d’autres ne font aucun cas des lois de la charité fraternelle; d’autres exploitent les ouvriers comme s’ils n’avaient pas d’âme: ils sont leurs frères et ils doivent être traités comme tels, dit Jésus. De même, les ouvriers doivent être justes envers leurs patrons: ils doivent travailler pour le salaire qu’ils reçoivent. Quand ils font la paresse, ils volent leurs patrons.

QUE VOTRE VOLONTÉ SOIT FAITE sur la terre comme au ciel. Nous sommes en ce monde pour faire l’apprentissage de notre vie divine au ciel. Eh bien! Il nous faut commencer tout de suite à obéir à Dieu avec la même perfection qu’au ciel, ce qui est possible avec la grâce de Dieu que nous devons lui demander. Là-haut, personne ne rechignera! Il n’a pas plus le droit de le faire sur la terre. C’est le même bon Dieu qui nous gouverne.

Pour Jésus, faire la volonté de son Père était sa nourriture, sa vie et son bonheur: ce doit être la même chose pour tout chrétien qui vit de foi. Mais, c’est inutile d’insister plus après toute la doctrine vue dans nos retraites. Quand il passait des nuits en prière, pense-t-on que Jésus demandait à son Père une bonne santé, la guérison de telle infirmité, une meilleure position ou d’être débarrassé de quelque malcommode autour de lui? Jamais! Il demandait justement ces trois premières demandes du Notre Père et tout ce qui s’y rapporte. Comme il était tout aux choses de Dieu, il demandait les choses de Dieu pour les hommes. Il suppliait son Père de disposer les hommes pour recevoir les effets de ses mérites infinis et qu’ils soient sauvés. Il était venu pour nous arracher aux démons en nous divinisant; c’est dans cette ligne qu’étaient ses prières.

Ces trois demandes sont la mort de notre égoïsme païen: nous les voulons justement pour nous-mêmes comme des petits dieux païens que nous sommes par nature. Nous voulons être en honneur devant le monde, nous voulons dominer les autres et nous tenons à faire notre volonté et que les autres aussi la fassent. Eh bien, le Notre Père nous fait demander juste le contraire: il veut que Dieu prenne sa place de Maître souverain en nous. On voit tout de suite comme il est important de renoncer à soi-même pour bien prier. Nous prierons en proportion que nous délogerons notre moi païen pour mettre Dieu à la place. Il se préfère au divin qu’il ne veut pas! Il est donc le pire ennemi de Dieu en nous. Faisons-lui donc une guerre à mort.

J’abandonne ces trois séries de retraites à la Sainte Vierge pour qu’elle les garde pour le salut du monde et la gloire de Dieu! Que le Saint-Esprit les fasse servir pour le salut du monde, la gloire de Dieu et qu’elles aident à diriger les idées des prêtres et des fidèles jusqu’à la fin des temps! Que Dieu soit béni de tout ce qu’il m’a donné!

ONÉSIME LACOUTURE, S. J.

Saint-Régis, ce 21 octobre 1950.

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