jeudi 2 mai 2013

Libéralisme Ch. 3 et 4

III
Le libéralisme est-il un péché, et quel péché ?
Le libéralisme est un péché, qu'on le considère dans l'ordre des doctrines ou dans celui des faits. Dans l'ordre des doctrines, c'est un péché grave contre la foi, parce que ses doctrines sont une hérésie.
 
Dans l'ordre des faits, c'est un péché contre les divers commandements de Dieu et de l'Église, parce qu'il les transgresse tous. Plus clairement : dans l'ordre des doctrines, le libéralisme est l'hérésie radicale et universelle, parce qu'il comprend toutes les hérésies. Dans l'ordre des faits, il est l'infraction universelle et radicale de la loi de Dieu parce qu'il en autorise et sanctionne toutes les infractions.
 
Procédons par parties dans notre démonstration.
 
Dans l'ordre des doctrines, le libéralisme est une hérésie.
 
Hérésie est toute doctrine qui nie formellement et d'une façon opiniâtre un dogme du christianisme. Or, le libéralisme doctrinal commence par nier tous les dogmes du christianisme en général, et ensuite il nie chacun d'eux en particulier.
 
Il les nie tous en général quand il affirme ou suppose l'indépendance absolue de la raison individuelle dans l'individu et de la raison sociale ou critère public dans la société.
 
Nous disons affirme ou suppose, parce qu'il arrive parfois que le principe libéral ne soit pas affirmé dans les conséquences secondaires ; mais dans ce cas il est supposé et admis.
 
Il nie la juridiction absolue de Jésus-Christ Dieu sur les individus et les sociétés et, par conséquent, il nie aussi la juridiction déléguée que le chef visible de l'Église a reçue de Dieu sur tous et chacun des fidèles, quels que soient leur condition et leur rang.
 
Il nie la nécessité de la révélation divine et l'obligation pour tout homme de l'admettre s'il veut parvenir à sa fin dernière.
 
Il nie le motif formel de la foi, c'est-à-dire l'autorité de Dieu qui révèle, admettant seulement de la doctrine révélée les quelques vérités que son esprit borné peut comprendre.
 
Il nie le magistère infaillible de l'Église et du pape et, par conséquent aussi toutes les doctrines définies et enseignées par cette divine autorité.
 
Après cette négation générale, cette négation en bloc, le libéralisme nie chaque dogme en tout ou en partie, selon que les circonstances le lui montrent en opposition avec son jugement rationaliste. Ainsi, par exemple, il nie la foi au baptême quand il admet ou suppose l'égalité des cultes ; il nie la sainteté du mariage quand il établit la doctrine du soi-disant mariage civil ; il nie l'infaillibilité du pontife romain quand il refuse de recevoir comme des lois ses ordres et ses enseignements officiels, et les assujettit à son exequatur , non pour s'assurer de leur authenticité, comme cela se pratiquait autrefois, mais pour en juger le contenu.
 
Dans l'ordre des faits, le libéralisme est l'immoralité radicale.
 
Il l'est parce qu'il détruit le principe, ou règle fondamentale de toute moralité, qui est la raison éternelle de Dieu s'imposant à la raison humaine parce qu'il consacre le principe absurde de la morale indépendante, qui est au fond la morale sans loi, la morale libre, ou, ce qui revient au même, la morale qui n'est pas morale, puisque l'idée de morale implique non seulement l'idée de direction, mais contient encore essentiellement celle de frein et de limite. De plus, le libéralisme est toute immoralité parce que dans son développement historique, il s'est permis ou a sanctionné comme licite l'infraction de tous les commandements. Nous disons de tous, car c'est depuis le premier qui ordonne le culte d'un seul Dieu, jusqu'à celui qui prescrit le paiement des droits temporels de l'Église et qui est le dernier des cinq que l'Église a promulgués (1).
 
Il convient donc de dire que le libéralisme dans l'ordre des idées est l'erreur absolue et dans l'ordre des faits l'absolu désordre. Par suite, dans les deux cas, il est péché grave de sa nature ex genere suo, péché extrêmement grave, péché mortel.
 
 
(1) Allusion au Ve Commandement de l’Église dans le catéchisme espagnol :
Pagar diesma y primicia a la Iglesia de Dios. (Payer dîme et prémices à l’Église.)
 
IV
De la gravité spéciale du péché de libéralisme
La théologie catholique enseigne que tous les péchés graves ne sont pas également graves, même dans la condition essentielle qui les distingue des péchés véniels.
 
Il y a des degrés dans le péché, même dans la catégorie du péché mortel, comme il y en a dans l'œuvre bonne elle-même, dans la catégorie de l'œuvre bonne et conforme à la loi de Dieu. Le blasphème, par exemple, qui s'attaque directement à Dieu est un péché mortel plus grave en soi que le péché qui s'attaque directement à l'homme, comme le vol. Ceci posé, à l'exception de la haine formelle contre Dieu, qui constitue le plus grand des péchés et dont la créature se rend très rarement coupable, si ce n'est en enfer, les péchés les plus graves parmi tous les péchés sont ceux contre la foi. La raison en est évidente. La foi est le fondement de tout l'ordre surnaturel, et le péché est péché en tant qu'il attaque sur tel ou tel point cet ordre surnaturel ; par suite, le plus grand péché est celui qui s'attaque au fondement premier de cet ordre. Un exemple rendra cette vérité plus facile à saisir. Un arbre est blessé par l'amputation de n'importe laquelle de ses branches, et l'importance de sa blessure est en rapport avec l'importance de la branche coupée ; si donc la hache tranche le tronc ou la racine, la blessure sera très grave ou mortelle. Saint Augustin, cité par saint Thomas, donne du péché contre la foi cette indiscutable formule : « Hoc est peccatum quo tenentur cuncta peccata ». « C'est là un péché qui contient tous les péchés. »
 
L'Ange de l'École s'exprime sur ce sujet avec son habituelle clarté : « Un péché est d'autant plus grave que par lui l'homme se sépare davantage de Dieu ; or, par le péché contre la foi, l'homme se sépare de Dieu autant qu'il est en son pouvoir, puisqu'il se prive de sa véritable connaissance ; d'où il ressort, conclut le saint docteur, que le péché contre la foi est le plus grand que l'on connaisse ». Cependant, lorsque le péché contre la foi est simplement une privation coupable de cette vertu et de cette connaissance de Dieu, il est moins grave que lorsqu'il est la négation et l'attaque formelle des dogmes expressément définis par la révélation divine. En ce dernier cas, le péché contre la foi, si grave en lui-même, acquiert une gravité plus grande qui constitue ce qu'on appelle l'hérésie. Il contient toute la malice de l'infidélité, plus une protestation expresse contre un enseignement qui est comme faux et erroné, condamné par la foi elle-même. Il ajoute, au péché très grave contre la foi, l'endurcissement, l'opiniâtreté et une orgueilleuse préférence de la raison propre à la raison de Dieu.
 
Par conséquent les doctrines hérétiques et les œuvres inspirées par elles constituent le plus grand de tous les péchés, à l'exception de la haine formelle de Dieu, haine dont les démons et les damnés sont, comme nous l'avons dit, à peu près les seuls capables.
 
Par conséquent le libéralisme, qui est une hérésie, et les œuvres libérales, qui sont œuvres hérétiques, sont les plus grands péchés que connaisse le code de la foi chrétienne.
 
Par conséquent, sauf le cas de bonne foi, d'ignorance et d'irréflexion, le fait d'être libéral constitue un péché plus grand que celui du blasphème, du vol, de l'adultère, de l'homicide ou de toute autre chose défendue par la loi de Dieu et châtiée par sa justice infinie.
 
Le moderne naturalisme ne l'entend pas ainsi, c'est vrai. Mais les lois des États chrétiens l'ont toujours entendu de la sorte jusqu'à l'avènement de l'ère libérale actuelle. La loi de l'Église le proclame aujourd'hui comme autrefois, et, pour ce qui est du tribunal de Dieu, ses jugements demeurent les mêmes, ainsi que ses condamnations. L'hérésie et les œuvres qu'elle inspire sont donc bien les pires péchés et, par suite, le libéralisme et les actes qu'il inspire sont naturellement, ex generesuo, le mal au-dessus de tout mal.

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