dimanche 5 août 2018

Père Onésime Lacouture - 3-24 - La charité



VINGT-TROISIÈME INSTRUCTION
LA CHARITÉ.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit. » Luc. 10-27.

Dans notre première série, nous avons médité sur l’amour de Dieu surtout en fonction de ses échantillons. C’était un amour initial ou comme la genèse de l’amour. Un peu comme si je montrais à un ami le portrait d’une jolie personne que je voudrais lui présenter dans le but de la marier un jour. Cet amour est bien imparfait comparé à celui qu’il concevrait quand il verrait de ses yeux cette personne très parfaite. Eh bien! Dans la première série, nous avons montré seulement comme le portrait de Dieu peint dans les créatures; ici, nous voulons nous affectionner à Dieu lui-même pour ses propres perfections infinies. Cet amour devrait être autrement parfait que le premier puisé dans le miroir des perfections divines, la création.

Là Dieu s’offrait pour ainsi dire à notre amour: ici, c’est nous qui nous portons vers lui de toutes nos forces. C’est notre coopération à ses avances par ses échantillons. Ils nous ont parlé assez de Dieu pour qu’à notre tour nous nous élancions de ce tremplin jusqu’à vouloir l’aimer comme il mérite en lui-même. Si son oeuvre est si belle, que doit être la beauté du Créateur? Nous allons donc beaucoup plus loin ici: nous montons jusqu’à l’essence divine pour nous y attacher de toutes les puissances de notre âme. Ce n’est plus le portrait ou le miroir que nous voulons: c’est la Personne reflétée dans les créatures: Dieu.

SENS DU PREMIER COMMANDEMENT

Dieu ne se contente pas de nous donner les facultés pour découvrir son amour au moyen des créatures, mais il nous fait un commandement formel de l’aimer. S’il nous laisse plus ou moins libre d’user du «miroir» dans chaque cas concret, ici il nous en fait un précepte catégorique qui ne laisse pas d’échappatoire pour personne. Nous sommes tous tenus de lui obéir sous peine de damnation. Celui qui n’observe pas ce premier commandement ne peut être sauvé. Pour montrer son importance, Jésus dit qu’il contient la Loi et les Prophètes.

Malgré ce que Jésus en dit, c’est étonnant comme il est peu exploité par les prêtres et même les manuels de théologie. Comme ils passent vite aux péchés qui lui sont contraires! La partie positive est très restreinte: nos philosophes ne voient pas grand-chose de pratique dans sa partie positive. Pourtant à lui seul il suffit à gagner le ciel! Au Scribe qui cite ce commandement seul comme pour tenter Jésus, notre Seigneur dit: «Fais cela et tu vivras!».

Comparons cette réponse de Jésus à celle qu’il fit au jeune homme riche, patron et modèle de nos philosophes du clergé, quand il dit qu’il a observé les autres commandements, car le premier n’est pas cité à ce jeune homme, Jésus lui dit en Saint Luc et en Saint Marc: «Il te manque encore une chose», évidemment pour la vie éternelle: c’était sa question. Donc d’après Jésus le premier commandement suffit pour être sauvé… et les autres ne suffisent pas pour être sauvé! Philosophes religieux et prêtres, choisissez-vous un autre patron et un autre modèle!… Si vous voulez être sauvés!

La différence entre ce premier commandement et les autres est dans ce fait qu’il mobilise absolument toute notre capacité d’aimer, pour Dieu seul: il veut tout le coeur. Les autres commandent un point particulier de cet amour ou défendent les actes qui sont contraires à cet amour. C est un peu la même différence entre l’amour d’un mari qui est amouraché de sa femme et l’amour détaillé de ne pas la blesser, ne pas lui mentir, ne pas la voler, etc. S’il se contentait de cet amour négatif, personne ne dirait qu’il aime sa femme d’après la façon ordinaire de parler. À un mari qui m’étalerait son amour négatif pour sa femme, je lui dirais comme Jésus au jeune homme riche: il te manque encore une chose: c’est d’aimer ta femme positivement.

Que tous les prêtres reviennent souvent sur l’obligation imposée par ce premier commandement qui accapare absolument toute notre capacité d’aimer. II n’en reste donc pas pour les créatures. Pour elles, il reste l’utile ou le nécessaire, mais pas d’amour! «Que ceux qui sont mariés, soient comme s’ils ne l’étaient pas, que ceux qui possèdent comme s’ils ne possédaient pas: enfin ceux qui usent des choses de ce monde comme n’en usant pas: car la figure de ce monde passe!». Evidemment l’Apôtre ne veut pas qu’on mette son coeur dans les choses du monde, comme Saint Jean l’enseigne: «N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde!». C’est là une doctrine selon le premier commandement. «L’amour total de Dieu exige le mépris des créatures». «Vous ne pouvez pas aimer Dieu et le monde: vous en aimerez l’un et vous haïrez l’autre!».

On voit pourquoi nos prêtres philosophes n’aiment pas à insister sur le premier commandement: il leur faudrait insister aussi sur le mépris des créatures pour donner tout son amour à Dieu… et c’est contraire à leur amour qu’ils permettent pour les créatures. In se selon eux, ces deux amours ne sont pas contraires, mais en nous comme Jésus le dit carrément, ils sont absolument opposés: «Vous en aimerez l’un et vous haïrez l’autre!». Nos ignorants philosophes jugent ces amours en nous comme ils le font in se. C’est là leur erreur universelle dans toute leur théologie et qui tient le monde païen d’un travers à l’autre en général. C’est cette application des conclusions de leurs «in se» abstraits qui les tient loin de l’amour concret et réel de Dieu, mais à leur insu à cause de leur ignorance de la théologie pratique.

Le sens de ce commandement est clair: comme Dieu est le souverain Bien et Infini en toutes ses perfections, il veut que nous l’aimions sans restrictions et sans conditions, mais de toutes les puissances de notre âme. L’énumération que Dieu en fait, ne fait que montrer comme il y tient. Quand il a dit de toute notre âme, il est évident que tout le reste est compris. Mais, il énumère en plus le coeur, l’esprit et toutes nos forces, pour indiquer que tout l’homme doit être au service de l’amour de Dieu.

Or, par nature, tout l’homme est aux choses de la terre: tous ses sens, toute son imagination, sa volonté et son intelligence sont à la poursuite de son bonheur purement humain et terrestre. Mais voilà que Dieu se présente à l’homme, à sa raison comme le Créateur de tout l’univers, et donc comme possédant éminemment toutes les perfections qu’il a mises dans les créatures et que par conséquent il mérite incomparablement plus d’amour que toute la création ensemble, puisqu’il aurait pu créer encore bien des mondes comme le nôtre. Par nature donc, l’homme doit donner tout son amour à Dieu.

Maintenant par grâce, nous avons toutes les révélations de la foi sur le monde divin lui-même qui est infiniment mieux connu par cette lumière divine que par la raison. Cependant il se révèle à nous en proportion de nos efforts pour mieux le connaître et mieux l’aimer. Puisqu’il dépend de notre application à le rechercher, par son premier commandement, Dieu veut indiquer que le chrétien doit déployer absolument toute la capacité de comprendre et d’aimer dont il est doué et par sa raison et par sa foi.

Toute son application pour jouir de ce monde, le chrétien doit l’aiguiller maintenant pour jouir du monde surnaturel ou de Dieu lui-même. Comme sa foi lui dit que les créatures ne sont que des échantillons de Dieu, qu’il tourne vers Dieu toutes les forces de son âme vers les biens célestes.

Par exemple, toute sa curiosité pour voir de nouveaux échantillons devrait être orientée à l’avenir à découvrir les beautés du monde surnaturel pour les mieux connaître et les plus aimer. Mais au lieu des sens qui n’ont rien à voir dans ce monde, il faudra se servir de son intelligence éclairée par la foi.

Mais il y a une grande différence dans cette vue intellectuelle des vérités révélées comparée à la vue des sens. Cette dernière activité est naturelle, facile et directe. Tandis que l’activité de la raison dans les choses de la foi est double: l’application de la raison et l’action de la grâce. La première dépend de nous et l’autre entièrement de Dieu et là est notre difficulté. Pour exercer ma vue humaine, il faut que j’ouvre l’oeil: c’est la première condition. Mais, ensuite il faut que Dieu ait mis un objet quelconque devant mon oeil pour que je le voie. Eh bien! Dans le monde surnaturel, j’ai beau ouvrir ma raison comme mon oeil aux vérités révélées, il faut que le Saint-Esprit non seulement mette l’objet devant la raison, mais qu’il agisse en plus dans ma raison pour produire une connaissance surnaturelle de cet objet surnaturel. Or, le Saint-Esprit exige une grande préparation et purification de notre part avant d’agir dans notre âme surnaturellement. C’est la que la plupart des chrétiens manquent: ils ne connaissent pas et n’essaient pas de connaître les exigences du Saint-Esprit pour agir en eux.

Eh bien! Une des premières conditions est que nous sacrifiions notre amour pour les choses créées, que positivement nous retranchions des plaisirs que nous aimons. Car l’amour du Saint-Esprit est le contraire de notre amour pour les créatures… et sur ce point, il n’y a pas à faire de distinction entre défendu et licite, in se. Ce n’est pas la chose qui est opposée au Saint-Esprit, mais notre amour pour elle qu’elle soit défendue ou licite. C’est pourquoi tous ceux qui cultivent une seule attache ou amour habituel pour une chose créée n’auront pas les dons du Saint-Esprit et donc ne pourront pas aller bien loin dans l’amour surnaturel de Dieu qu’il faut pour le salut.

Or, les prêtres philosophes permettent ces attaches aux choses permises: voilà pourquoi ni eux ni les fidèles qui les suivent ont un amour surnaturel de Dieu. Ils n’ont qu’un amour naturel qui permet d’aimer Dieu et les créatures, ce qui serait permis sur le chemin des limbes, mais pas du tout sur le chemin du ciel.

Dieu veut donc que toute l’ardeur que nous avons mise pour jouir des créatures soit mise maintenant uniquement pour les choses de Dieu. Que mes yeux ne cherchent que le divin à travers les beautés de la nature, des personnes et des choses. Comme une femme chercherait son mari perdu dans une immense foule, elle voit des milliers d’hommes, mais aucun ne l’intéresse; son coeur cherche celui qu’elle aime et les autres lui sont tous indifférents. Eh bien! À travers le monde, Dieu veut que je fasse quelque chose de semblable: que toutes les puissances de mon être soient affectées à la recherche de mon Dieu d’une façon ou d’une autre. Je fuirai donc comme la peste tous les endroits qui sont hostiles à mon amour pour Dieu comme les lieux d’amusements, de sports, les théâtres, les courses, les cinémas, etc. Dieu n’aime pas les foules et le bruit: je les fuirai donc le plus possible. Comme en proportion que je m’éloigne des choses créées, je m’approche du Créateur, j’aimerai les solitudes et le calme, des bois, des campagnes et surtout des églises et des chapelles où je puis prier avec recueillement.

J’aiguillerai mes lecteurs sur les livres qui me parlent des choses de Dieu, surtout la Bible. Je rechercherai la compagnie des hommes surnaturels qui sont tout aux choses de Dieu. Il faut que mon regard intérieur perce le voile des choses créées pour fixer les vérités de la foi si obscures pour la raison, que ce regard domine les foules et les bruits de la terre pour ne chercher que son amour divin qui est dans ce monde, mais pas de ce monde. Il faut que ma bouche parle des choses du ciel et déverse le trop plein de son coeur sur les personnes qu’il rencontre en autant qu’elle le pourra avec la grâce de Dieu. Bref: ce premier commandement veut dire que Dieu est ma vie et mon bonheur! C’est la seule chose au monde qui m’intéresse! Voilà un peu le sens de ce commandement.

Dans mon plan, j’ai séparé l’Objet, mais je me trouve à l’avoir suffisamment indiqué dans les explications que je viens de donner pour le sens du commandement. Les deux sont inséparables dans la pratique. Ce Dieu est évidemment la Sainte Trinité que nous devons aimer pour elle-même et ses perfections infinies. Elle s’est assez manifestée sur la terre pour que notre foi soit absolument solide et notre amour ardent pour cette essence divine infinie et éternelle soeur de tous les biens naturels et surnaturels et qui fera notre bonheur au ciel.

SORTE D’AMOUR

MÊME GENRE QUE LA FOI ET L’ESPÉRANCE. Nous avons exclu souvent l’amour naturel de Dieu comme moyen pour arriver au ciel. Notre destinée surnaturelle à la vision béatifique requiert des moyens proportionnés et donc surnaturels. Or, la charité de Dieu surnaturelle découle des deux autres vertus théologales: la foi et l’espérance. Or, c’est le Saint-Esprit qui doit les produire dans l’âme comme Jésus l’a dit à Pierre quand il fit sa profession de foi en la divinité de J.-C. Celui-ci lui dit: «Ce n’est pas la chair ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans le ciel».

De même, l’espérance surnaturelle est produite par le Saint-Esprit dans l’âme de celui qui croit surnaturellement. Eh bien! Notre amour de Dieu suit ces deux vertus théologales et il doit être produit par Dieu directement dans l’âme. Or, comme toutes les choses surnaturelles, il ne tombe pas sous les sens, on ne le sent pas dans le coeur et on ne le connaît pas directement.

Pourquoi Dieu nous laisse-t-il ignorer l’existence et le degré de notre amour surnaturel de lui? Evidemment pour que nous nous disposions le mieux possible à le recevoir et que nous travaillions de toutes nos forces à nous en rendre de plus en plus dignes et que nous le priions constamment pour ce don ineffable de l’amour divin.

Mais pour être sûr de ne pas nous fier à notre amour naturel de Dieu qui nous vient de la raison, voici une idée qui lui donne son coup de mort. La foi nous introduit au monde divin infiniment au-dessus de notre monde: elle veut toute notre activité uniquement pour ce monde divin. Le chrétien doit mourir au monde naturel pour ne plus vivre que dans le surnaturel. Saint Paul nous l’enseigne de plusieurs façons. Pour lui, c’est tellement une mort réelle qu’il parle de résurrection dans le monde surnaturel. «Si vous êtes ressuscités avec J. -C., recherchez les choses d’en haut et non celles qui sont sur la terre. N’ayez de goût que pour les choses de Dieu… car vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu par J.C.». Co. 3. La foi balaye donc de notre vie toute l’activité païenne libre au sujet des créatures, puisqu’elles cessent d’exister quant à elles.

Par l’espérance, le chrétien ajoute à sa foi un acte de volonté surnaturel très ferme avec un désir intense pour ces biens célestes montrés par la foi. C’est toute l’âme qui doit se porter de ce côté puisque les choses terrestres ne l’intéressent plus dans sa vie nouvelle avec le Christ. Ces deux vertus nous soulèvent donc complètement au-dessus du naturel intentionnel pour nous jeter totalement dans le monde surnaturel de la foi et donc de Dieu.

En proportion que nous correspondons aux avances divines par sa grâce, nous nous affectionnerons à ces sublimes beautés surnaturelles, mais pas comme nous affectionnons les choses de la terre. Il n’y aura rien dans les sentiments, mais uniquement dans la volonté au moins ordinairement. Nous voudrons Dieu de tout le poids de notre volonté avec la grâce de Dieu, mais sans rien ressentir dans les sentiments naturels. Il est bon de remarquer la différence entre ces deux amours, afin de ne pas chercher inutilement à se faire un amour sensible de Dieu qui ne vaut pas grand-chose quand même on l’aurait.

Quand on comprend cet amour surnaturel tout dans la volonté on est heureux seulement de le vouloir. Du matin au soir, on le veut: en s’éveillant on le veut, on le veut dans sa méditation, dans ses prières, à la sainte messe, durant ses travaux, dans ses promenades et dans ses voyages, au fond de l’âme on à un désir intense d’être avec Dieu d’une façon toujours de plus en plus parfaite. Mais on ne s’arrête à ce désir, on ne se complaît pas dans ce désir: c’est Dieu que l’on veut et rien autre chose, ni en soi ni en nous. Quand même que par sa grâce, Dieu est en son âme, ce n’est pas ce séjour de Dieu que je veux, c’est Dieu en lui-même, ou qu’il soit, dans l’âme ou dans le ciel, c’est Dieu tel qu’il est en lui-même, dans son essence divine et infinie, dans son éternité. Car puisque ma foi et mon espérance me portent vers Dieu en lui-même, c’est ce Dieu que je cherche et que je veux partout et toujours… et rien autre chose.

Quelle paix cette façon d’aimer laisse dans l’âme. Il n’est plus question de sécheresse ou de consolation, de dégoût ou de joie, comme lorsqu’on s’arrête à ce que l’on ressent dans l’âme. Peu importe ce qui se passe dans l’âme, je veux Dieu quand il fait nuit dans mon âme comme quand il fait jour. Est-ce que la joie peut me le ramener? Est-ce que Dieu est à la merci des nuages et des tempêtes de mon âme? Comme ma foi et mon espérance me présentent Dieu au-delà de tout le monde naturel, il faut que mon amour de Dieu ne soit aucunement influencé par quoi que ce soit de naturel en dehors ou au dedans de moi. Quelle paix alors dans l’âme ou plutôt dans mon amour de Dieu!

Que de pauvres âmes se troublent par exemple quand elles sentent que Dieu les repousse! Quel inconvénient peut-il y avoir devant la foi? Est-il moins Dieu quand il repousse que quand il attire? Quelle perfection a-t-il perdue quand il repousse? Quelle folie de s’arrêter aux effets que Dieu produit dans l’âme! C’est soi-même alors qu’on aime plus que Dieu, puisqu’on met plus d’importance dans ses sentiments que dans Dieu lui-même. C’est aussi insensé que de vouloir juger le soleil d’après ce qu’on voit dans les nuages: ce sont eux qui varient, pas le soleil. Eh bien! Sortons donc des nuages spirituels pour ne nous occuper que de Dieu en lui-même! Que notre amour aille droit à Dieu en lui-même et non plus à ses effets. On l’aimera autant alors quand il punit que quand il récompense, quand il se cache que quand il se fait sentir à l’âme d’une façon ou d’une autre. Que le Saint-Esprit donne cette divine lumière à tous les fidèles!

COMME DIEU S’AIME LUI-MÊME. 

D’ordinaire on commence à aimer Dieu pour les avantages qu’on peut en tirer pour soi-même. Comme on sait qu’il donne en proportion qu’on l’aime, on s’efforce d’augmenter en amour pour recevoir une plus grande récompense. C’est là de l’amour intéressé et mélangé de beaucoup d’humain. Cependant il n’est pas à dédaigner puisque Jésus lui-même dans les béatitudes nous promet des récompenses pour les vertus pratiquées sur terre.

Mais, comme nous allons au ciel pour participer à la vie divine de la Sainte Trinité, nous devons commencer tout de suite à aimer Dieu comme nous le ferons au ciel. Or, là nous l’aimerons comme il s’aime lui-même, pour ses propres perfections divines. Notre amour ne dépendra plus du tout des variations des choses humaines comme sur la terre. Essayons d’avoir cet amour tout de suite dans la foi par la grâce de Dieu.

Il s’agit de se renoncer le plus possible, même dans les choses surnaturelles pour ne pas s’y attacher pour elles-mêmes. Ce qu’elles ont de bon vient de Dieu et il est plus parfait de s’attacher au divin seul qu’elles recèlent. On s’habitue mieux ainsi à ne chercher que Dieu seul partout et toujours. Est-ce que dans l’ordre naturel les hommes ne sont pas portés à aimer les belles choses pour elles-mêmes? Eh bien! Quand ils découvrent par la foi du divin dans n’importe quelle créature, qu’ils s’attachent donc à ce divin pour lui-même et non plus aux espèces sensibles qui le manifestent.

C’est là imiter Dieu. Pourquoi aime-t-il les créatures? Uniquement pour ce qu’elles représentent des perfections divines, et il les aime en proportion qu’elles contiennent du divin. C’est donc le divin qu’il aime en elles. Eh bien! Faisons de même et jamais nous n’aurons aucune attache pour une créature en particulier, puisque le divin est le même en toutes les créatures, de même genre sinon de même quantité.

Que trouve-t-on de beau dans la lune? N’est-ce pas sa belle lumière? Or, nous savons que sa lumière est celle du soleil qui se réfléchit sur la lune. De fait, c’est donc le soleil que nous louons en louant la lune. Faisons de même pour la beauté des créatures. Aimons-les en Dieu et Dieu en elles. Avec l’habitude de cette pratique sanctifiante, nous arriverons à aimer Dieu pour lui-même en ses propres perfections et c’est ainsi qu’il s’aime lui-même.

COMME IL NOUS AIME. C’est une conséquence de ce qu’on vient de voir au sujet des créatures en général. Dieu va nous aimer en proportion qu’il a mis du divin en nous, c’est évident.

Or, l’amour de Dieu pour nous s’est manifesté en actes et en bienfaits de toutes sortes. Donc si nous voulons aimer Dieu comme il nous a aimés, nous devons lui faire des dons qui lui soient agréables. N’est-ce pas pour cela qu’il nous a donné tout le monde naturel, en nous et en dehors de nous, pour nous donner de la matière pour nos dons. Comme il commence par donner des grains de semence au cultivateur pour ensuite lui donner une récolte s’il sème ces grains, ainsi il nous donne une foule de biens naturels, afin de nous donner une chance de les lui offrir en sacrifice pour qu’il nous donne des biens surnaturels à la place. Quand nous lui donnons de nos biens, nous imitons donc son amour pour nous. C’est donc par notre générosité envers Dieu que nous pouvons déduire la perfection de notre amour pour Dieu, comme ceux qui jouissent le plus possible des plaisirs de la terre peuvent conclure à la pauvreté de leur amour pour Dieu.

On peut voir maintenant pourquoi les prêtres philosophes ont si peu de choses à dire sur l’amour de Dieu. Comme ils ne considèrent jamais les créatures en rapport avec Dieu, mais toujours «in se», elles ne leur aident pas à produire l’amour de Dieu en eux: ils ne découvrent pas le divin en elles. Voilà pourquoi ils s’y attachent si facilement et permettent aux fidèles de s’y attacher comme eux. Ils ne prêchent jamais cette perfection aux fidèles qui manquent là une belle chance d’apprendre à aimer Dieu au moyen des créatures. Aussi ils suivent leurs prêtres tout aux choses de la terre comme leurs conversations le montrent bien pour les deux groupes.

Comment voir si on aime une créature uniquement pour le divin en elle? C’est quand on la perd et qu’on reste bien calme. Mais, si on est bouleversé, froissé et impatient, c’est qu’on l’aimait pour soi et non pour le divin, ni pour l’amour de Dieu.

C’est justement pour nous punir d’aimer une créature pour elle-même que Dieu nous l’enlève. Ceux qui s’aiment naturellement et pour des motifs naturels se chicaneront vite parce que Dieu n’aime pas qu’on s’aime de cette façon. Il permet au diable de troubler cette amitié qui n’est pas divine.

SES SIGNES

L’importance de cet amour très parfait vaut la peine qu’on en connaisse quelques signes pour savoir si on l’a. En voici quelques-uns.

ETRE TOUT AUX CHOSES DE DIEU.

C’est l’amour qui dirige l’activité des hommes: chacun cherche ce qu’il aime. Eh bien! Celui qui aime Dieu comme nous venons de l’expliquer ne recherche que les choses de Dieu: il y pense jour et nuit, il en rêve constamment, il voudrait en parler à tout le monde et donc il en fait son bonheur. Ce que les mondains font pour les choses du monde, il le fait pour les choses de Dieu. Les mondains ont toujours du temps pour s’amuser; eh bien, lui trouve toujours du temps pour s’occuper des choses surnaturelles. Il sacrifie une foule de vanités et il s’arrange pour s’occuper constamment des choses de Dieu. Puisque Jésus est réellement présent dans nos Tabernacles, il fait graviter toute sa vie autour de Jésus Hostie, sachant que c’est le même Dieu qu’au ciel. Il ne trouve pas trop de faire son heure d’adoration tous les jours en plus de ses autres exercices spirituels. Quand on veut être avec Jésus éternellement, on ne doit pas trouver que c’est perdre son temps que d’en passer le plus possible avec lui sur la terre. S’il ennuie ici-bas, on sera bien loin de lui dans l’éternité. Il a pris la peine de venir demeurer avec nous sur terre pour nous faciliter son amour; si on reste indifférent à lui ici-bas, comment prétendre aller au ciel l’aimer éternellement. La mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve en nous. Le degré de notre amour pour Jésus sera 1e même dans l’autre monde… et le ciel n’est pas le séjour de l’indifférence pour Dieu!

LE MÉPRIS DES CHOSES TERRESTRES est la contrepartie de l’amour total de Dieu. Si on a encore du goût pour les plaisirs de la terre, si on entretient quelques attaches pour des plaisirs même permis, qu’on sache bien que c’est autant d’enlevé sur notre amour pour Dieu. C’est même plus que cela. Car Dieu est jaloux; dès qu’il voit qu’on donne de l’amour aux créatures, il en est froissé et retire son amour dans une mesure incomparablement plus grande que l’amour que nous donnons aux créatures. Une seule attache met un mur infranchissable entre Dieu et l’âme.

ESPRIT DE PRIÈRE.

Quand on aime uniquement Dieu et qu’on sait que tous ses dons surnaturels sont purement gratuits, que nous ne pouvons jamais les mériter, il ne nous reste plus qu’une chose à faire: c’est de prier! C’est notre seul moyen sur d’arriver à Dieu; c’est le plus efficace puisque sans Dieu nous ne pouvons rien. Il nous faut poser toutes les autres conditions au salut… et ensuite attendre tout de la prière comme si nous n’avions rien fait. Jésus a tant insisté par ses exemples et par ses paroles qu’il est inutile d’en dire plus long.

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