mardi 16 juillet 2013

Libéralisme Ch. 31 et 32


XXXI

Pentes par lesquelles un catholique glisse le plus ordinairement dans le libéralisme

Diverses sont les pentes par lesquelles le fidèle chrétien est entraîné dans l'erreur du libéralisme, et il importe grandement de les indiquer ici, tant pour comprendre par leur étude l'universalité de cette secte, que pour prémunir les imprudents contre ses pièges et ses dangers.

Très souvent la corruption du cœur est une suite des erreurs de l'intelligence ; mais, plus fréquemment encore, l'erreur de l'intelligence suit la corruption du cœur. L'histoire des hérésies démontre clairement ce fait. Leurs commencements présentent presque toujours le même caractère : c'est une blessure d'amour-propre ou un grief que l'on veut venger ; c'est une femme qui fait perdre à l'hérésiarque la cervelle et son âme, ou bien une bourse d'or pour laquelle il vend sa conscience. Presque toujours l'erreur tire son origine, non de profondes et laborieuses études, mais de ces trois têtes d'hydre que saint Jean signale et qu'il appelle : Concupiscentia carvis, concupiscentia oculorum, superbia vitae. C'est par là qu'on se précipite en toutes les erreurs, par là qu'on va au libéralisme ; étudions ces pentes dans leurs formes les plus ordinaires.

1° - L’homme devient libéral par suite d'un désir naturel d'indépendance et de vie facile.

Le libéralisme est nécessairement sympathique à la nature dépravée de l'homme, autant que le catholicisme lui est contraire dans son essence même.

Le libéralisme est émancipation, et le catholicisme est frein. Or, l'homme déchu aime par une certaine tendance très naturelle un système qui légitime et sanctifie l'orgueil de sa raison et les emportements de ses appétits, ce qui a fait dire à Tertullien : « L'âme, dans ses nobles aspirations, est naturellement chrétienne ». De même, on peut dire que : l'homme, par le vice de son origine, naît naturellement libéral. Il est donc logique que dès qu'il commence à comprendre que du libéralisme viendra toute protection pour ses caprices et ses débordements il se déclare libéral en bonne et due forme.

2°- Par l'envie de parvenir. Le libéralisme est aujourd'hui l'idée dominante ; il règne partout et principalement dans la sphère officielle. Il est donc une sûre recommandation pour faire son chemin.

A peine sorti du foyer paternel, le jeune homme jette un coup d'œil sur les diverses voies qui conduisent à la fortune, à la renommée, à la gloire et s'aperçoit qu'une condition essentielle pour parvenir, c'est d'être de son siècle, d'être libéral. Ne pas être libéral, c'est se créer à soi-même les plus infranchissables obstacles. Il lui faut donc de l'héroïsme pour résister au tentateur qui lui montre, comme à Jésus-Christ dans le désert, un splendide avenir en lui disant : haec omnia tibi dabo si cadens adoraveris me : « Tout cela je te le donnerai si, prosterné, tu m'adores. » Or, les héros sont rares, et il est naturel que la plupart des jeunes gens commencent leur carrière en s'affiliant au libéralisme. Ceci leur vaut des compliments dans les journaux, la recommanda¬tion de puissants protecteurs, la réputation d'hommes éclairés et de savants universels. Le pauvre ultramontain a besoin de cent fois plus de mérite pour se faire connaître et pour acquérir un nom ; or, la jeunesse est ordinairement peu scrupuleuse. Le libéralisme, d'ailleurs, est essentiellement favorable à la vie publique après laquelle cet âge soupire si ardemment. Il tient en perspective des députations, des commissions, des rédactions, etc., qui constituent l'organisme de la machine officielle. C'est donc une merveille de Dieu et de sa grâce qu'il se rencontre un seul jeune homme qui déteste un si perfide corrupteur.

3°- Par l'avarice. La spoliation de l'Église a été et continue à être une source principale de prosélytes pour le libéralisme. Cette inique spoliation fut décrété autant pour priver l'Église de ses moyens d'influence humaine, que pour procurer avec leur aide de fervents adeptes à la cause libérale. Les coryphées du libéralisme l'ont eux-mêmes confessé, lorsqu'ils ont été accusés d'avoir donné pour rien à leurs amis les riches possessions de l'Église. Et malheur à celui qui mange une fois le fruit de l'enclos d'autrui ! Un champ, un héritage de maisons qui ont appartenu au couvent ou à la paroisse et qui sont aujourd'hui aux mains de telle ou telle famille, l'enchaînent pour jamais au char du libéralisme. Dans la plupart des cas, il n'y a pas d'espérance probable que ni elle, ni même ses descendants renoncent à l'erreur libérale. Le démon révolutionnaire a su élever entre eux et la vérité cette infranchissable barrière. Nous avons vu de riches et influents cultivateurs, catholiques purs et fervents jusqu'en 1835 et depuis lors libéraux décidés et contumaces. En voulez-vous savoir la raison ? Regardez ces champs irrigués, ces terres à blé ou ces bois autrefois propriété du monastère. Par eux les cultivateurs dont nous parlons ont arrondi leur patrimoine, par eux ils ont vendu leur âme et leur famille à la révolution. La conversion de ces injustes possesseurs est moralement impossible. Tous les arguments de l'amitié, toutes les objurgations des missionnaires, tous les remords de la conscience viennent se briser contre la dureté de leur âme qui se retranche derrière ces acquisitions sacrilèges. C'est la désamortisation qui a fait et fait encore le libéralisme. Voilà la vérité.

Telles sont les causes ordinaires de perversion libérale, toutes les autres en découlent. Quiconque ne possède qu'une expérience moyenne du monde et du cœur humain pourrait à peine en signaler d'autres.

XXXII

Causes permanentes du libéralisme dans la société actuelle

Outre ces pentes par lesquelles on va au libéralisme, il y a ce que nous pourrions appeler ses causes permanentes dans la société actuelle et c'est dans ces causes que nous devons chercher les raisons pour lesquelles son extirpation offre tant de difficultés.

En premier lieu, les causes permanentes du libéralisme sont celles-là même que nous avons signalées comme pentes et déclivités qui nous y amènent. La philosophie nous apprend que communément « les choses se conservent et s'augmentent par les mêmes causes qui les ont produites. Per quae res gignitur per eamdem et servatur et augetur ». Nous pouvons toutefois, en dehors de ces causes, en signaler quelques autres d'un caractère spécial :

1° - la corruption des mœurs. La franc-maçonnerie l'a décrétée et son programme infernal s'accomplit à la lettre ; spectacles, livres, tableaux, mœurs publiques et privées, on s'efforce de tout saturer d'obscénité et d'impureté. Le résultat est infaillible : d'une génération corrompue sortira nécessairement une génération révolutionnaire. Ainsi s'explique le soin avec lequel le libéralisme lâche la bride à tous les excès d'immoralité. Il sait bien à quoi lui sert la corruption ; c'est son apôtre et son propagandiste naturel.

2° - le journalisme. L'influence exercée sans relâche par les si nombreuses publications périodiques que le libéralisme répand de toute part est incalculable. Si invraisemblable que cela paraisse, elles obligent aujourd'hui, bon gré, mal gré, le citoyen à vivre dans une atmosphère libérale. Le commerce, les arts, la littérature, la science, la politique, les nouvelles nationales et étrangères, tout arrive en quelque façon par le canal du libéralisme et tout, par conséquent, revêt une teinte libérale. De telle sorte que, sans y prendre garde on pense, on parle et on agit en libéral. Telle est la malsaine influence de l'air empoisonné que l'on respire ! Le pauvre peuple, à cause de sa bonne foi naturelle l'absorbe plus facilement que personne, il l'absorbe en vers, en prose, en gravure, sous forme sérieuse ou plaisante, sur la place publique, dans l'atelier, la campagne, partout. L'enseignement libéral s'est emparé de lui, et ne l'abandonne pas un instant. Son action est rendue encore plus pernicieuse par la condition particulière du disciple, comme nous allons le dire.

3° - l'ignorance presque générale en matière de religion. En environnant de toutes parts le peuple de maîtres trompeurs, le libéralisme s'est très habilement appliqué à rompre toutes ses communications avec celui qui seul pouvait lui découvrir l'imposture, c'est-à-dire avec l'Église. Il y a cent ans que tous les efforts du libéralisme tendent à paralyser l'Église, à la rendre muette, à ne lui laisser tout au plus qu'un caractère officiel, à lui interdire tout contact avec le peuple. Tel a été, les libéraux eux-mêmes l'ont avoué, le but qu'on s'est proposé dans la destruction des couvents et des monastères, dans les entraves mises à l'enseignement catholique, dans l'acharnement avec lequel on travaille à ridiculiser le clergé et à lui ôter son prestige. L'Église se voit ceinte de liens artificieusement disposés de façon à lui rendre impossible toute opposition à la marche envahissante du libéralisme. Les concordats, tels qu'ils s'observent aujourd'hui chez presque tous les peuples, sont autant de carcans qui lui serrent la gorge et paralysent ses mouvements. Entre le peuple et le clergé, on a creusé et on creuse encore tous les jours davantage un abîme de haines, de préjugés et de calomnies. C'est au point qu'une partie de notre nation, chrétienne par le baptême, ne connaît pas plus sa religion que celle de Mahomet ou de Confucius. On s'efforce en outre de lui éviter toute relation obligatoire avec la paroisse, par l'institution du registre civil du mariage civil, de la sépulture civile ; le but évident de ces mesures est de l'amener à la rupture de tout lien entre l'Église et lui. C'est un programme séparatiste complet. Dans son unité de principe, de moyens et de fin, il est facile de reconnaître la main de Satan.

Il y aurait encore d'autres causes à noter. Mais les limites de cet ouvrage ne le permettent pas, et toutes, d'ailleurs, ne pourraient se dire ici.

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