mercredi 30 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-15 - La Sainte Trinité



QUATORZIÈME INSTRUCTION 
LA SAINTE TRINITÉ.

«Jésus, ayant été baptisé et priant, le ciel s’ouvrit et le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme sensible d’une colombe et on entendit une voix du ciel: «Vous êtes mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances». Luc, 3-21.

Nous allons l’étudier surtout en vue de la vivre davantage dans notre propre vie quotidienne. Puisque nous nous en allons au ciel pour participer à la vie, à la sagesse et au bonheur de la Trinité, nous devons commencer sur terre cette vie divine en union avec la Sainte Trinité, par sa grâce et dans la foi.

Peu de chrétiens s’occupent de la Trinité; ils parlent ordinairement de Dieu. C’est quelque chose évidemment, mais ce n’est pas suffisant. Puisque nous avons été baptisés au nom de la Trinité, nous devons continuer de la vivre dans toute notre vie. Dans le ciel, le bonheur va justement être dans la contemplation des processions divines des trois Personnes et dans notre participation à leur vie réciproque; donc il nous faut commencer tout de suite dans la foi, cette vie trinitaire.

Les prêtres sont bien responsables de cette ignorance des fidèles au sujet de la Trinité. Quand même c’est un mystère, il y a une foule de choses très pratiques pour notre vie spirituelle que nous connaissons déjà par révélation de J.-C., nous devons nous en servir pour nous sanctifier.

C’est un sujet difficile parce qu’il dépasse non seulement la raison, mais aussi sa façon ordinaire de comprendre. Ce que la raison trouve pénible, c’est d’être guidée par une lumière qui ne vient pas d’elle-même et dans un monde qu’elle ne peut pas se représenter dans l’imagination ou dans les sens. Elle se trouve comme perdue entre ciel et terre. Elle trouve dur de suivre une lumière qui ne l’éclaire pas selon son mode ordinaire de comprendre et qui pour elle est ténèbres. Il faut qu’elle accepte d’être conduite par un autre qu’elle n’a jamais vu ni connu par elle-même.

LA FOI EST NOTRE SEUL GUIDE

Son cas est exactement celui d’un aveugle qui se laisse conduire par un autre, un guide. S’il s’abandonne à son guide, tout en restant aveugle, il se trouve à voir pour ainsi dire par les yeux de son guide. Eh bien! Il en est ainsi pour la raison: si elle suit fidèlement la foi, qui voit clair dans les choses divines, la raison finira par voir comme la foi avec les yeux de la foi. Mais la difficulté reste quand même. Il faut beaucoup d’humilité et d’amour de Dieu pour se soumettre ainsi à la révélation et organiser sa vie selon les exigences de la foi.

Prenons un exemple dans l’Eucharistie. L’homme voit du pain, goûte du pain et touche du pain; c’est bien assez pour que la raison conclue que c’est bien du pain. Cependant elle doit se renoncer et juger selon la foi qui lui dit: Il n’y a pas de pain là du tout, mais seulement les apparences du pain et c’est l’Humanité sainte de Jésus avec sa divinité.

Combien de chrétiens acceptent dans la pratique de la vie cet enseignement de la foi? Qui vont voir Jésus en personne à l’église? Qui vont le recevoir souvent dans la sainte communion, qui s’entretiennent avec lui dans le Tabernacle? Quelle foi faible! Le mal vient de ce qu’ils ne prient pas assez pour avoir une foi vive et ardente. Elle ne vient pas seule; il faut la demander et l’augmenter encore par la prière.

Si c’est difficile de croire, ce l’est encore bien plus de vivre cette foi. Là évidemment on rencontre le «païen» partout avec son aveuglement, ses convoitises qui nous attirent aux choses sensibles et tous les attraits qu’offre un monde jouisseur secondé par les démons.

Enfin, ces vérités divines sont pleines de mystères pour nous, habitués aux choses de la terre et à notre manière de comprendre de la terre. Ces choses surnaturelles nous semblent donc difficiles à saisir par notre pauvre raison humaine.

Mais Dieu vient à notre secours en nous éclairant lui-même par ses illuminations intérieures et les dons du Saint-Esprit, en proportion qu’il nous voit enclins à les recevoir et à nous disposer selon ses exigences que nous pouvons étudier dans les bons auteurs spirituels.

On sait que tout ce que Dieu a fait pour conduire les Juifs en Terre Promise était la figure de ce qu’il veut faire pour chacun de nous sur la route du ciel. Eh bien! Il n’a pas voulu laisser les Juifs se conduire eux-mêmes dans le désert, mais c’est lui-même qui les conduisait par une colonne de nuage le jour et une colonne illuminée le soir. Cette nuée est la figure de la foi; elle nous conduit sûrement à notre Terre Promise, au ciel, mais il nous faut sacrifier notre raison et suivre aveuglement cette nuée de la foi; elle nous conduira sûrement au ciel. Or combien ne veulent pas s’abandonner à la foi! Ils prennent seulement ce qui concorde avec leur petit bon sens humain, aussi ces gens risquent gravement leur salut éternel.

J.-C. a pris la peine de venir sur la terre pour nous porter son message divin qui nous conduira certainement au ciel si nous le suivons fidèlement. Dieu a donné à chaque être une lumière pour le conduire dans son monde particulier. Ainsi les animaux ont leur instinct pour les conduire dans les choses sensibles. L’homme a la raison pour le conduire dans les sciences et dans sa vie humaine et raisonnable. Or Dieu nous a élevés de la vie humaine dans la vie divine; il devait donc nous donner une lumière capable de nous conduire dans les choses divines; c’est la foi…

J’insiste donc que c’est la foi seule qui doit nous conduire dans les choses divines… et non pas la raison. Il faut expliquer cela, les gens sont tellement embrouillés sur ce point. L’Eglise a défini qu’il n’y a pas d’opposition entre la foi et la raison, mais accord parfait! Voici une conclusion erronée qu’on tire de là; on en conclut que du moment qu’on suit la raison, on se trouve à suivre la foi, puisqu’il y a accord parfait entre les deux!

Il y a accord entre les deux au point de vue de la vérité historique, ontologique ou des faits. S’il est vrai que Napoléon a existé, c’est vrai aussi dans l’ordre surnaturel où la foi l’admet aussi. S’il y a de fait trois Personnes en Dieu, dans la Trinité, la raison ne peut pas le nier. Si l’essence de l’homme pour la raison est d’être un animal raisonnable, c’est aussi vrai dans la foi.

La grande erreur d’une foule de prêtres et de fidèles est d’affirmer que la raison et la foi s’accordent toujours en tout. Eh bien! Non. Au point de vue de l’orientation de notre activité, les deux s’opposent habituellement! Agir selon la raison contredit agir selon la foi et vice versa. L’Evangile est rempli de ces directives données par la foi et qui sont directement contraires à celles que donnerait la raison. Par exemple:

«N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui».

La raison dit tout le contraire: Aimez le monde et tout ce qui est dans le monde… et c’est justement ce que font les fidèles et la plupart des prêtres et des religieux.

«Aimez vos ennemis et faites-leur du bien et priez pour eux».

La raison dit tout le contraire et la preuve: combien peu de chrétiens sont capables d’aimer leurs ennemis!

Ce soir, il y a une heure sainte à l’église et tout à côté on donne des vues dans un cinéma; combien vont suivre la foi et aller à l’église plutôt que de suivre la raison et aller au cinéma?

Un mari encore jeune se voit abandonné par sa femme qui s’en va vivre avec un autre; combien vont suivre la foi et rester parfaitement chaste de toutes les façons? La plupart diraient: «Ça n’a pas de bon sens et je vais faire comme elle!».

C’est que la foi veut nous faire mener une vie toute céleste, tandis que la raison nous fait mener une vie terrestre, si différente de l’autre! Puisque nous sommes maintenant des enfants de Dieu, nous devons vivre comme Dieu, dans l’ordre surnaturel et donc cesser de vivre comme des païens malgré les cris de la nature.

L’Ecriture dit que notre élévation à l’ordre surnaturel est une nouvelle création, une vie nouvelle et donc surtout dans la partie libre de notre activité et donc dans les motifs qui doivent tous être absolument surnaturels comme notre fin dernière l’est. Comme l’Apôtre dit: notre conversation doit être dans le ciel, ce qui veut dire notre manière de vivre doit être toute celle du ciel. Nous devons donc vivre uniquement dans le surnaturel et donc suivre notre lumière surnaturelle qui est la foi et non pas la raison. Un païen fait œ qu’il veut, il se dirige selon sa raison, mais un chrétien doit faire ce que Dieu veut à tout instant, du jour ou de la nuit. Il doit consulter son Maître en tout ce qu’il fait et suivre ses directives. Un païen prend en lui-même la direction de son activité; un chrétien la prend en dehors de lui-même, en Dieu et en sa foi qui lui indique la volonté de Dieu.

LA TRINITÉ EST…

LA VIE DIVINE du Père. 
Jamais la raison n’aurait même pu soupçonner ce que la foi enseigne au sujet de l’existence de la Sainte Trinité et encore bien moins de l’habitation de la Sainte Trinité en nous. Nous n’avons donc qu’à prendre ce que la foi nous enseigne et avec la raison essayer de tirer les conclusions pratiques pour notre propre conduite spirituelle. Du fond de l’éternité, Dieu décida de créer des êtres capables de le connaître et de l’aimer, afin de leur communiquer son propre bonheur! Il est amour et l’amour aime à se répandre. Comme il est infini, il devait faire cela d’une façon digne de son infinité. Il lui faudrait recevoir le maximum de l’amour de la création. Il pouvait faire cela en qualité et en quantité.

D’abord en qualité. Par l’Incarnation de son Verbe, il lui donna la plus parfaite âme humaine qu’il était capable de créer par sa puissance absolue, pour qu’elle soit digne du Verbe, infini en tout comme son Père. Ce n’est que par ce moyen qu’il pourrait avoir un être créé, en dehors de lui-même, et qui pourrait l’aimer de la plus parfaite manière possible en dehors de l’infini. C’est la sainte Humanité de J.-C. Si elle n’avait pas toutes les perfections possibles pour aimer Dieu le plus parfaitement possible, Dieu n’aurait pas pu dire qu’il trouvait toutes ses complaisances en elle. Ce que le Père dit du haut du ciel sur le Thabor, s’adresse évidemment à Jésus en tant qu’homme aussi bien qu’en tant que Dieu tel qu’il était en personne sur la montagne sainte.

A cette âme si parfaite, Dieu communique la plus parfaite grâce sanctifiante qu’il pouvait créer aussi par sa puissance absolue. L’Humanité de Jésus a donc reçu la plus grande et la plus parfaite communication de la vie divine que Dieu pouvait donner à un être créé. En voilà donc une capable d’aimer Dieu du maximum d’amour en dehors de Dieu même. Comme elle est unie dans la Personne du Verbe. Voilà une création digne de Dieu!

Mais ce Fils n’est que le premier-né évidemment de toute une autre lignée de fils qu’il aura moins parfaits que Jésus, mais semblables à lui par adoption: les hommes. Il nous crée des animaux raisonnables et nous élève au rang divin en nous donnant la grâce sanctifiante qui est une participation créée de sa vie divine. Nous devenons donc ses véritables enfants, dignes de participer à sa vie trinitaire et à aller plus tard jouir de son bonheur éternel dans la vision béatifique.

C’est une adoption autrement parfaite que l’adoption simplement humaine. Dans cette dernière, l’enfant n’est accepté que pour participer aux biens communs de sa famille d’adoption. Mais cela ne le fait pas vraiment enfant de la famille. Tandis que dans l’adoption divine, nous devenons participants non seulement des biens de Dieu, mais de sa vie même. Nous devenons vraiment ses enfants dans toute la force du mot, puisqu’il nous donne sa vie propre par la grâce sanctifiante.

Si nous croyons à cette vie et que nous aimons Dieu, il dit que la Trinité viendra en nous et fera là sa demeure! Elle ne nous fait pas égaux à Dieu, mais de même race ou des êtres vraiment divins, ou comme on dit: déiformes ou semblables à Dieu. Il se trouve à être vraiment notre Père et nous ses enfants réels avec tous les droits que ce privilège comporte.

LA SAGESSE DIVINE est attribuée à la deuxième Personne de la Sainte Trinité. Le Fils est comme la Pensée du Père, il est son Verbe et sa Sagesse, car Dieu est infiniment sage et c’est cette Sagesse qui constitue la deuxième Personne de la Trinité, ça par quoi il se comprend lui-même. Comme elle vient du Père, on dit qu’elle est son Fils.

Notre intelligence n’est qu’un échantillon de la sienne et comme nous l’apprécions! Sûrement autant que notre vie! Est-ce qu’on ne dit pas devant un idiot: Il serait aussi bien mort! On estime les hommes au poids de leur intelligence. C’est elle qui manifeste la vie, qui l’exploite en lui faisant donner son rendement. Comme nous apprécions notre intelligence! Un compliment sur nos talents réjouit le cœur pour des années! comme un blâme sur ce point attriste profondément!

L’Ecriture dit que le Verbe ou la Sagesse divine est comme le reflet de la substance divine et de sa splendeur ou le miroir de la divinité. C’est elle qui manifeste ce qu’il y a en Dieu. Elle est infinie comme Dieu.

Nous sommes appelés à aller participer à cette sagesse divine au ciel qui fera notre bonheur éternel. Mais pour cela, il nous faut commencer sur terre dans la foi ce que nous voulons faire dans la gloire céleste. Toute la vie du chrétien devrait se passer à chercher cette sagesse divine pour y conformer ses pensées et ses jugements. Nous devons prendre tout de suite la mentalité de J.-C., suivre son esprit et juger comme lui en tout.

Où trouver cette divine sagesse sinon dans les Ecritures? Dieu a mis là tout ce qui concerne notre sanctification, afin que nous ne soyons pas seulement ses enfants, mais que nous agissions comme tels et soyons parfaits selon sa sainte volonté. C’est là que nous apprendrons à penser comme Jésus, à parler comme lui, à agir comme lui en tout. De cette sorte, nous ferons une seule chose avec lui et donc avec son Père avec lequel il est intimement uni.

En proportion que nous vivrons de cette sagesse divine, nous approuverons tout ce qu’elle fait dans le monde ou qu’elle permet. Nous ne devons donc pas murmurer jamais contre quoi que ce soit en dehors du péché, car tout est dirigé par la sagesse divine pour notre plus grand bien spirituel; c’est à nous de faire accorder nos jugements avec ceux de Dieu, peu importe ce que notre petit bon sens humain en pense. Ceux qui s’impatientent, qui murmurent et qui se fâchent contre les personnes ou les événements insultent cette sagesse divine qui veut les choses ainsi pour notre sanctification.

Tandis que ceux qui approuvent tout ce que Dieu fait dans le monde lui font grand plaisir et l’honorent en le glorifiant. Dans la même mesure, ils jouiront de lui au ciel.

Le plus grand obstacle à cette sagesse divine en nous est notre propre sagesse humaine que nous tenons tant à garder. Mais si nous ne voulons pas la sacrifier pour suivre celle de Dieu, elle ne viendra pas en nous. Il nous a donné la nôtre pour que nous puissions la semer, afin de récolter la sienne: c’est le prix de sa sagesse! «Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde, afin de confondre les sages!». Ceux qui mettent leur confiance en leur raison humaine se rendent indignes de recevoir la sagesse divine. Dieu veut toute la gloire du bien que nous faisons: il faut donc le faire selon et avec sa sagesse divine.

L’AMOUR DIVIN est l’attraction mutuelle entre le Père et le Fils. On l’appelle le Saint-Esprit parce que les deux premières Personnes l’ont comme exhalé dans leur soupir réciproque d’amour. L’activité divine part donc du Père, passe par le Fils et revient au Père par le Saint-Esprit. Le cycle est donc complet et fermé; il ne peut pas y avoir d’autre relation entre ces trois Personnes divines. Toute l’activité trinitaire se trouve donc dans la vie, la Sagesse et l’Amour divin.

Comme le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ainsi, notre amour de Dieu en nous procédera de la quantité ou du degré de notre vie divine et de notre sagesse divine. Sans la grâce sanctifiante, il est impossible d’aimer Dieu sincèrement. De même celui qui ne vit pas selon la sagesse divine de la foi ne peut pas aimer Dieu assez pour être sauvé. Ceux qui ne jugent pas selon Dieu les événements et les personnes, n’arriveront jamais à l’amour divin. Est-ce qu’on peut aimer une personne que l’on trouve sotte? Eh bien! Si on dispute contre ce que Dieu a fait dans le monde, comment peut-on l’aimer? Les trois personnes sont solidaires l’une de l’autre. Pour augmenter dans l’activité de l’une, il faut augmenter dans l’activité des deux autres. Par conséquent, si on n’aime pas la manière de Dieu de gouverner le monde par sa sagesse infinie, c’est Dieu même qu’on n’aime pas dans la même mesure.

Dieu est amour et pour demeurer en Dieu, il faut demeurer en l’amour. Or, l’amour est une fin; on la veut sans limite; on y pense constamment, on en parle à tout le monde et l’on fait tout en vue de son amour. Eh bien! Sont-ils nombreux les chrétiens qui aiment Dieu vraiment? Où sont ceux qui aiment à en parler? A en entendre parler? Comme ils sont rares! Rares donc sont ceux qui aiment Dieu! Quand on aime, on cherche à mieux connaître. Quand on aime, on cherche à se trouver souvent avec l’objet de son amour. Ceux qui aiment Dieu recherchent donc les choses de Dieu le plus possible; ils veulent s’instruire de tout ce que concerne Dieu et le fréquentent le plus possible là où il est: dans le Tabernacle et la sainte communion.

Comme le Saint-Esprit agit en nous surtout par ses dons, nous devons les lui demander souvent et nous disposer à les recevoir. Nous savons maintenant ce que cela veut dire: nous défaire de toute attache qui empêche l’exercice des dons en nous. Car comment Dieu peut-il nous donner la perfection de son amour quand on trouve qu’il ne nous suffit pas et que nous cherchons de l’amour dans les créatures? C’est une insulte à lui faire et nous la payons en étant privés de ces touches divines qu’il ne donne qu’à ceux qui mettent tout leur amour en lui seul.

Une autre façon de le montrer est qu’il s’agit ici de l’amour surnaturel de Dieu, le seul qui nous donne le ciel. Car nous pouvons avoir un certain amour, que j’appelle naturel et qui aurait suffi pour aller aux limbes. C’est une espèce d’admiration intellectuelle pour l’être suprême et créateur que la raison toute seule peut découvrir. Combien de prêtres philosophes n’ont actuellement que cet amour de tête seulement!

Or, l’amour surnaturel s’achète aux dépens de l’amour des créatures. Par conséquent, dès que je conçois ce qu’est Dieu pour moi dans l’ordre surnaturel et dans ma destinée surnaturelle, je dois retirer mon amour de toutes les créatures pour le concentrer totalement sur Dieu seul comme il le veut dans son premier commandement où il veut accaparer absolument toute notre capacité d’aimer. La mesure d’aimer Dieu est de l’aimer sans mesure!

SON HABITATION EN NOUS
LE PÈRE NOUS DONNE SA VIE.

Quand la Trinité vient en nous, il est évident qu’elle continue en elle-même son activité divine, comme dans le ciel. Mais plus que cela puisqu’elle vient en nous, c’est pour faire en nous ce qu’elle fait en elle-même. Chacune des Personnes veut nous communiquer son activité propre, afin de nous rendre semblables à elle-même. Le bienfait est tellement grand qu’il vaut la peine d’être considéré en particulier.

Voyons d’abord le rôle du Père en notre faveur. Il veut nous donner sa vie divine par la grâce sanctifiante, donc créer et par suite toujours limiter et donc susceptible d’augmentation. Ce que Jésus disait un jour: «Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance», il ne faisait que répéter ce qu’il avait entendu dire à son Père. Donc quand le Père vient en nous, il vient pour augmenter notre vie divine dans la grâce sanctifiante.

Mais nous savons qu’il ne s’impose pas: il exige notre coopération libre. Il produira donc cette vie en proportion que d’abord nous enlevons les obstacles et ensuite que nous montrions notre désir intense et notre amour [notre haine] pour les créatures. C’est parfaitement inutile de demander plus de grâce sanctifiante, si on ne diminue pas son amour pour les créatures en les sacrifiant pour l’amour de Dieu.
De même si on espère l’augmenter, il faut le montrer en l’exerçant de plus en plus dans la pratique de la vie. Par exemple, en nous occupant de plus en plus de choses spirituelles et en coupant dans les choses du monde. Car Dieu regarde les œuvres et pas seulement les désirs.

Quel bienfait inouï que de savoir que la Sainte Trinité peut et veut nous communiquer toutes ses processions comme en elle-même pour nous rendre semblables à elle dans la foi pour nous faire goûter son bonheur dans la gloire du ciel! Ce qu’elle a fait dans la sainte Humanité de Jésus, elle veut le faire en nous. Nos deux amours naturels sont les pires obstacles à l’action trinitaire Or, l’on sait comment les prêtres philosophes ne les attaquent jamais et même les protègent par toutes sortes de sophismes comme on a montré ailleurs. Ils empêchent donc Dieu de reproduire devant Dieu. Que Dieu ait pitié d’eux et leur ouvre les yeux dans leur erreur de tactique, dans leurs «in se» purement spéculatifs.

Ceux qui veulent favoriser l’action du Père pour nous donner sa vie divine seront ardents à prendre tous les moyens que Dieu nous a déjà donnés pour nourrir cette vie divine, comme la communion surtout, la lecture et la méditation des Ecritures, car Jésus a dit que l’homme ne se nourrit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, donc des Ecritures. Enfin, qu’il pratique toutes les vertus; elles nous apportent le divin dans la mesure que nous les pratiquons. Il ne faut pas oublier la prière absolument nécessaire, même avec les autres moyens. Dieu exige que nous lui demandions ses dons, afin de nous les faire apprécier et d’avoir sa gloire quand il nous les donne.

LE FILS NOUS DONNE SA SAGESSE.

A la dernière Cène, Jésus dit: «Je ne vous appellerai plus mes serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que son maître fait, je vous appelle mes amis parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai entendu de mon Père». Comme son rôle dans la Trinité est de manifester le Père, une fois incarné ce rôle demeure en J.-C.: c’est encore lui qui par sa vie et par sa doctrine nous enseigne la véritable sagesse divine qui nous mène à Dieu. Avant de mourir Jésus dit: «Je vous ai fait connaître au monde, je vous ai glorifié, j’ai accompli l’œuvre que vous m’aviez confiée». Or connaître Jésus et Celui qui l’a envoyé, c est la vie éternelle. C’est donc connaître la Trinité et les trésors immenses de sagesse divine qu’elle renferme.

Quelle immense faveur que de pouvoir pénétrer avec la grâce de Dieu dans le plan divin insondable à l’esprit humain! C’est Jésus qui nous a apporté la connaissance des secrets de Dieu cachés en son éternelle sagesse. Mais il reste à chacun de nous de les comprendre dans notre propre esprit, aidé de la foi divine. Le chrétien peut passer toute sa vie à s’appliquer à lui personnellement les trésors de sagesse renfermés dans les paroles de Jésus, telles que rapportées dans les évangiles et les épîtres.

Pour participer à la sagesse de J.-C., qu’il veut bien nous donner, il nous fait renoncer à notre propre jugement. Par exemple, quand on l’entend dire qu’il faut mépriser le monde et tout ce qu’il y a dans le monde, il faut cesser d’estimer les choses du monde malgré les répugnances de la nature, changer son jugement à ce sujet et prendre celui de J.-C. Il faut agir de la sorte pour tout ce qui contredit notre jugement pour juger de tout selon la sagesse de Jésus.

•791 Comment se fait-il qu’il faille tant de temps pour sacrifier notre pauvre petit jugement si étroit pour prendre celui de J.-C., notre Dieu? Jésus nous fait dire par son Apôtre: «N’ayez de goût que pour les choses de Dieu et non pour celles de la terre!», et nous continuons de préférer celles de la terre à celles du ciel! Quel abîme d’aveuglement quand l’homme est laissé à lui! Pourtant Dieu l’éclaire, mais il ne veut pas voir! Il ferme les peux pour rester dans les ténèbres!

LE SAINT-ESPRIT NOUS DONNE SON AMOUR… dans la proportion que nous vivons l’activité des deux premières Personnes. C’est pourquoi il faut insister surtout sur les deux premières, afin de s’assurer l’activité du Saint-Esprit. Suivons l’ordre établi par Dieu dans la Trinité, si nous voulons aboutir à l’amour de Dieu. Surtout sacrifions l’échantillon d’amour que Dieu nous a donné pour nous-mêmes et pour le monde. Pour récolter l’amour de Dieu, il nous faut semer nos deux amours naturels. Autrement c’est aussi impossible que pour un cultivateur de récolter sans avoir semé. Jésus dit qu’il en est ainsi! Allons-nous prendre cinquante ans pour croire qu’il est plus sage que nous? Qu’il sait ce qu’il dit?

Quand je dis que le Saint-Esprit nous donne son amour, cela veut dire qu’il se donne lui-même à nous. C’est lui qui vient habiter dans notre âme et en faire son temple et son sanctuaire. De même pour le Fils et le Père: ce sont eux qui se donnent pour être notre vie et notre sagesse divines.

C’est en nous laissant envahir par ces trois Personnes divines ou par leurs activités réciproques que nous sommes transformés en êtres divins de plus en plus parfaitement avec la grâce de Dieu.

Comme la Trinité s’est communiquée aussi parfaitement que possible à l’Humanité de Jésus, ainsi elle veut se donner à nous pour continuer en nous son activité trinitaire comme en elle-même. Dans la mesure que nous enlevons les obstacles à son action et que nous nous disposons à la recevoir, le Père nous donnera de plus en plus de sa vie divine que l’on reçoit dans la grâce sanctifiante, le Fils nous donnera sa sagesse et le Saint-Esprit son amour divin.

Le travail de la perfection consiste donc pour nous à faire de la place pour cette activité trinitaire en nous. Comment le faire? En faisant mourir en nous la vie humaine dans notre mentalité, ou nos affections naturelles et nos motifs naturels qui sont des obstacles positifs à la vie divine. Dieu n’a rien de ces affections ou de ces motifs naturels; donc un chrétien ne doit plus en avoir. On a beau dire qu’ils sont bons en soi, est-ce que Dieu a tout ce qui est bon en soi? Un chien est bon en soi, est-ce que le chien existe en Dieu? Donc qu’on nous laisse la paix avec ces motifs bons en soi. Ils sont humains, donc Dieu n’en veut pas! Il ne veut que du pur divin en lui. Et comme nous devons être transformés en êtres divins, il n’en veut pas plus en nous qu’en lui.

De même ceux qui veulent suivre leur sagesse humaine n’agissent pas comme des êtres divins, car Dieu ne suit pas la sagesse humaine, mais sa sagesse divine. Si donc nous voulons devenir une seule chose avec lui, nous devons abandonner de suite notre bon sens humain pour ne suivre que la sagesse divine qui nous est manifestée par la foi.

Enfin, si nous voulons vivre d’amour divin, il faut cesser de suivre l’amour humain, quelque bon qu’il soit en lui-même. Dieu n’a que du divin, nous devons donc n’avoir nous aussi que du divin dans notre activité libre et volontaire. Eh bien! Tout amour naturel est un obstacle positif à l’amour du Saint-Esprit. Son amour est tout divin; si je veux son amour, je dois diviniser tout le mien et donc rejeter absolument toute affection naturelle quelque bonne qu’elle soit.

La Vie, la Sagesse et l’Amour sont les trois foyers d’activité intentionnelle libre, qui sont païens par nature en nous, et donc que nous devons rejeter absolument pour ne prendre que les trois foyers divins correspondants en la Trinité. C’est le travail de toute une vie! Commençons tout de suite!
NOS DEVOIRS ENVERS LA TRINITÉ

L’ADORATION.

Dès que nous croyons fermement que la Trinité habite en nous, le premier mouvement de l’âme doit être l’adoration, car elle est le temple du Saint-Esprit, elle est un sanctuaire où Dieu habite. Elle reconnaît sa majesté infinie et sa propre bassesse; elle s’incline dans une révérence profonde devant la grandeur de Dieu: c’est là un acte d’adoration dû à Dieu seul. Aussitôt que la Sainte Vierge comprit que le Verbe s’incarnait en elle, elle adora Dieu et chanta sa reconnaissance dans son célèbre Magnificat, que l’Eglise continue de redire constamment pour la gloire de Dieu. Que ce soient nos sentiments habituels puisque la Trinité habite en nous réellement, si nous sommes en état de grâce. Disons comme Marie: «Mon âme magnifie le Seigneur, parce qu’il a fait en moi de grandes choses! Et son nom est saint!». Prenons tout de suite l’attitude que nous aurons au ciel devant la Sainte Trinité: c’est celle de l’adoration profonde.

L’AMOUR.

D’abord Dieu l’exige par un commandement bien formel. Mais ceux qui ont tant soit peu de cœur devraient lui donner leur amour en considération de tous les bienfaits qu’ils doivent à chacune des trois Personnes divines: au Père la création, au Fils la rédemption et au Saint-Esprit la sanctification avec toutes les conséquences pratiques que ces ineffables faveurs comportent. Dieu nous demande de l’aimer: Mon fils, donne-moi ton cœur! Comment lui refuser l’amour après tout ce qu’il a fait pour nous? Que de péchés il nous a pardonnés! Que de bienfaits il a ajoutés à ses pardons! Surtout puisque la Trinité vit en nous pour inspirer, influencer, conduire, protéger et bénir toute notre activité libre, afin de la rendre semblable à la sienne: toute divine! Il veut nous garder de tout mal et de tout péché, il veut nous diviniser dans toutes les fibres de notre être, afin de nous faire participants de son bonheur au ciel. N’est-ce pas assez pour l’aimer de toute la capacité de notre être?

Mais pour arriver là, il nous faut retirer notre amour des échantillons où il se perd inutilement pour le ciel, et nuisiblement même pour notre salut. Car tout brin d’amour que nous donnons aux échantillons est une insulte à Dieu et nous fait perdre sa grâce et donc nuit à notre salut.

L’IMITATION.

Si nous admettons tout ce qui précède, il nous reste à vouloir reproduire dans la pratique de la vie tout ce que la Trinité fait en elle-même en autant que nous le pouvons avec la grâce de Dieu. Comme Fils adoptifs de Dieu, nous avons l’obligation stricte de vivre en enfants de Dieu pour nous rendre dignes de la société des trois Personnes divines au ciel en commençant dans la foi et par la grâce de Dieu.

Les Apôtres se sont servis souvent des conséquences que nous pouvons tirer de ce que nous sommes les enfants de Dieu. «Ne savez vous pas que vous êtes les temples de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu’un souille le temple de Dieu, Dieu le détruira: car le temple de Dieu est saint, et ce temple c’est vous». 1 Cor. 3-16.

C’est cette idée que nous devons reproduire, la Trinité en nous, que les Apôtres et les Pères de l’Eglise ont souvent exploitée pour exhorter les fidèles à la sainteté. C’est autrement efficace que de leur parler des péchés à éviter. C’est cette prédication positive de la nécessité de revivre la vie divine en nous qui fait le plus de bien aux âmes et que le Saint-Esprit bénit davantage.

Cultivons surtout notre vie divine; étudions-là, pratiquons-la le plus possible en augmentant notre grâce sanctifiante par tous les moyens à notre disposition, comme la messe, la communion et les sacrifices.

Soyons sûrs de toujours juger toutes les choses comme Jésus le fait et que nous le savons par l’Ecriture. Par exemple, quand il dit de nous aimer les uns les autres, faisons-le! Aimons toutes les personnes par le même motif que nous aimons Dieu.

Enfin, surveillons notre amour qu’il soit tout aux choses de Dieu et uniquement là. C’est pour nous communiquer toute sa vie trinitaire que la Trinité vient en nous; vivons donc comme elle en tout et partout! Insistons souvent dans nos prières pour obtenir ces grâces.

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