jeudi 17 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-9 - La vie de foi



HUITIÈME INSTRUCTION VIVRE DE FOI.

« Mon juste vit de foi ». Héb. 10-38.

Dans les méditations précédentes, nous avons médité les fondements de notre foi: la résurrection et les diverses apparitions de Jésus qui prouvent clairement sa mission divine et sa divinité. Cette conviction de tête ne suffit pas; il nous faut maintenant accorder notre vie à notre foi. Jésus veut que nous devenions une seule chose avec lui et donc que nous reproduisions toute sa vie dans la nôtre. Or, la nôtre est toute dans le plan naturel par nature, toute selon la raison purement humaine. La vie de Jésus n’est pas cela du tout. Sa vie est divine dans son être et son activité. C’est celle-là qu’il nous faut substituer à la nôtre par la grâce de Dieu.

Ce travail est assez compliqué parce qu’il dépasse la raison; il faut accorder notre vie avec celle de Jésus qui nous dépasse complètement. C’est en lui qu’il nous faut aller chercher tous nos motifs d’agir et toute notre doctrine surnaturelle. Comme il est tout divin dans l’orientation de son activité, nous aussi nous devons être tout divin dans nos intentions. Nous y reviendrons plus loin.

Cette vie de foi n’est pas seulement pour une élite, mais pour tous les chrétiens qui veulent suivre J.C. Saint Paul la prêchait aux ignorants du peuple et l’exigeait tout de suite du peuple, des chrétiens dès leur conversion. Il ne veut pas que les esclaves obéissent à leurs Maîtres pour des motifs naturels, mais uniquement pour l’amour de Dieu. Tous sont donc capables de la comprendre assez pour en vivre. C’est aux prêtres de s’en remplir l’esprit et surtout le cœur et l’exiger ensuite de tout le monde.

SA NATURE

Il s’agit pour nous de vivre tout de suite dans ce monde la vie surnaturelle qu’il faudra vivre au ciel dans la gloire. Evidemment, ce n’est qu’en germe, mais elle est de même nature que celle du ciel. Comme la récolte est de même nature que la semence que l’on jette en terre, comme le chêne est déjà dans le gland qui va le produire. Pour mieux comprendre cette vie de foi, nous allons examiner les deux éléments essentiels qui sont la grâce sanctifiante et la mentalité qu’elle doit développer dans le chrétien. Il y a tant d’erreurs à ce sujet que tous devraient prendre au sérieux ce que nous allons expliquer ici.

LA GRÂCE SANCTIFIANTE est ce qui nous élève dans l’ordre surnaturel. Elle est une communication créée de la vie divine, qui nous fait participants de la nature divine, enfants de Dieu et héritiers du ciel; elle nous est ordinairement donnée au baptême. Un peu comme un fer rougi au feu, prend la nature et l’activité du feu tout en restant fer. Ainsi un homme en état de grâce reste homme, mais il participe à la nature divine et à son activité.

Il n’y a pas de mérite dans cette grâce, pas plus qu’un enfant mérite devant ses parents d’être engendré par eux. Mais elle est la condition absolument nécessaire pour le mérite, comme un enfant mérite auprès de ses parents, parce qu’il est humain comme eux; mais son mérite n’est pas dans le fait d’être humain, mais quand il agira comme un être humain.

Ainsi, la grâce sanctifiante est un don extraordinaire de Dieu, mais l’homme n’y a aucune part; il n’a donc aucun mérite à la recevoir mais, une fois reçue, s’il agit selon sa nouvelle nature divine, alors, il fait plaisir à Dieu et il mérite devant lui. Un nouveau-né qui meurt tout de suite après son baptême ira au ciel mais sans aucun mérite de sa part et donc sans avoir donné de la gloire à Dieu. Qu’est-ce qu’un nouveau-né donne aux parents? Rien qui vienne de lui-même. Ils sont contents de voir leur nature en lui et c’est tout.

Les prêtres philosophes s’extasient devant la grandeur de ce don de Dieu et avec raison. Jamais on ne pourra en dire assez sur cette participation à la nature divine. Le malheur est qu’ils en restent là. Ils devraient savoir que Dieu donne ce don merveilleux pour que l’homme puisse agir en Dieu, en être divin. La grâce sanctifiante est comme un instrument pour travailler pour Dieu, comme Dieu. Le plaisir vient de 1’usage de cet instrument. La nature humaine en soi est merveilleuse, mais dans un idiot elle ne vaut pas grand-chose. De même dans un chrétien qui n’agit pas selon sa nature divine, elle ne vaut pas grand-chose. Les philosophes disent que si on meurt en état de grâce, on va au ciel… et ces imbéciles concluent ou laissent entendre donc qu’elle suffit pour les chrétiens. C’est vrai s’ils meurent… et encore? Mais s’ils vivent, il leur faut agir selon elle pour la garder; ils doivent l’exercer et la nourrir par l’activité divine, comme pour garder la vie du corps, il faut le faire manger.

Quand les prêtres croient un homme en état de grâce, ils ne lui demandent plus rien; ils l’abandonnent à sa grâce sanctifiante. C’est aussi insensé que si des parents ne faisaient rien pour leurs enfants, puisqu’il leur suffit d’être humains! Parce qu’ils le sont les parents veulent qu’ils agissent comme tels! Voilà ce que les prêtres devraient s’informer de lui, s’il agit toujours et partout en enfant de Dieu! Comme s’il était déjà dans le ciel! Qui a jamais fait cela?

Que dirait-on de médecins que visitent un hôpital et surveillent si tous ces malades ont la nature humaine! Cela leur suffit pour qu’ils sortent de là, contents de leur visite aux malades. Ces malades sont paralysés, contaminés, souffrants, etc. mais ce sont des humains essentiellement parfaits! Eh bien! notre grâce sanctifiante est limitée en nous; elle peut être liée par des attaches et donc paralysée, elle peut être contaminée par des motifs naturels, par des péchés véniels, par la paresse spirituelle ou attaquée de la maladie du sommeil!… Et tout cela laisse les prêtres indifférents! C’est malheureux pour les prêtres et les fidèles!

Voit-on des parents ou des instituteurs toujours répéter aux enfants qu’ils sont humains et qu’ils doivent garder leur vie? Personne ne fait cette sottise; il faut aller dans le clergé pour la trouver! Que de sermons pour vanter la grâce sanctifiante! Pour exhorter les gens à la garder… et plus bête que tout le reste… d’insinuer qu’elle suffit à un chrétien!… Jamais on ne trouve d’aussi fous dans l’ordre naturel! Mais tous enseignent comment développer la vie naturelle et humaine et comment en tirer profit. Qu’on fasse donc de même dans l’ordre surnaturel, qu’on montre aux fidèles comment développer leur vie divine en agissant divinement. C’est pourquoi en plus de la grâce sanctifiante, il faut…

UNE MENTALITÉ CHRÉTIENNE qui consiste à diviniser notre activité intentionnelle libre en agissant pour des motifs surnaturels. Car la grâce sanctifiante ne divinise pas automatiquement nos intentions; je puis agir comme un vrai païen avec des motifs purement naturels tout en étant en état de grâce. Or, ces motifs naturels n’apportent pas de surnaturel à notre grâce sanctifiante pour l’alimenter. C’est comme si je me contentais de respirer de l’air au lieu de manger; je finirais par mourir de faim.

Jésus dit que notre victoire sur le monde viendra de la foi; il ne dit pas: de notre grâce sanctifiante. Dans tout le sermon sur la montagne il nous parle de l’esprit de foi et de notre activité libre des motifs. Il termine en disant que celui qui pratique cette doctrine ne péchera pas et les autres pécheront. Cette doctrine est donc aussi importante que la grâce sanctifiante en pratique. Agir en homme est aussi important que d’être homme. Que dit-on d’un idiot et qui est bien un homme, mais qui n’agit pas en homme, qu’il serait mieux mort.

Si Saint Jean dit que nous sommes les enfants de Dieu par la grâce sanctifiante, Saint Paul dit que ceux-là sont les enfants de Dieu qui sont conduits par l’esprit de Dieu. Rom. 8-14. On est conduit par l’Esprit de Dieu quand on agit selon cet Esprit et donc pour des motifs surnaturels. Pour l’amour du bon Dieu que les prêtres qui nous liront prennent donc ce texte de Saint Paul et se l’écrivent sur le front et sur le cœur! Qu’ils s’en remplissent donc la tête et le cœur pour le vivre et le prêcher aux autres. C’est dans ce sermon sur la montagne que Jésus donne le moyen de garder sa grâce sanctifiante en évitant le péché… et il ne parle pas d’elle du tout.

« In se », la vie est plus importante que la nourriture, mais « in nobis » la nourriture est aussi nécessaire que la vie, puisque sans elle on meurt. Eh bien! quand même que la grâce sanctifiante est plus importante «in se» que les motifs surnaturels, en nous ces motifs surnaturels sont la nourriture de notre vie divine: en pratique, ils sont donc aussi importants.

Aussi les Apôtres insistaient beaucoup sur la nécessité d’agir uniquement pour des motifs surnaturels et jamais pour des motifs naturels. Par exemple…:

Saint Paul aux Col. 3-23: « Tout ce que vous faites, faites-le de bon cœur comme le faisant pour le Seigneur et non pour les hommes ». On trouve cette idée souvent dans leurs écrits. Ils font écho à la doctrine du sermon sur la montagne où Jésus ne veut que des motifs surnaturels pour nous tous.

Comme un idiot a la nature humaine, mais agit comme un animal seulement, ainsi le chrétien qui a la nature divine et qui n’agit que comme un païen, est un idiot devant Dieu. Il nous a donné la grâce sanctifiante précisément pour que nous agissions comme ses enfants, en êtres divins. On ne peut le faire librement que dans nos facultés spirituelles en orientant notre activité vers Dieu, ce qui se fait par les motifs surnaturels.

C’est là que nous devons exercer l’esprit de foi; c’est organiser notre vie selon ce que Dieu veut! Ceux qui organisent leur vie selon la raison seule sont des païens! Dans le ciel, nous agirons sûrement uniquement selon la lumière divine que Dieu nous communiquera dans la gloire. Eh bien! C’est ce que nous devons faire tout de suite dans la foi et selon la foi… et la raison n’a qu’à exécuter ce que la foi lui montre.

La conclusion est que les prêtres devraient cesser de parler de la grâce sanctifiante et expliquer aux fidèles la psychologie nécessaire ou les moyens subjectifs pour la garder. Qu’on vante une viande tant qu’on voudra en soi, c’est uniquement ce que mon estomac en digère qui est bon pour moi. Ainsi c’est l’usage que je fais de ma grâce sanctifiante qui m’aide à la garder et à l’augmenter. Voilà la vie de foi: agir comme un être divin.

Les prêtres philosophes n’arrivent pas à cette mentalité chrétienne parce qu’ils sont enfargés dans leurs «in se» abstraits et ne se rendent pas aux «en nous, in nobis», ou à la vie en nous, qui sont les seuls pratiques pour nous sanctifier. Car c’est le travail subjectif et psychologique en nous que Dieu surveille et récompense. Là seul s’exerce notre liberté, essentielle au mérite.

Supposons qu’un roi adopte un fermier pour vivre en sa cour; ce fermier est élevé au rang «royal», mais s’il n’agit jamais en fils de roi, s’il reste là figé comme un glaçon ou comme une colonne de marbre, le roi le jettera dehors bien vite! Eh bien! Le chrétien qui vit dans le surnaturel de la grâce sanctifiante et qui n’agit pas comme tel est une nuisance pour Dieu comme le fermier pour le roi.

Qu’on nous laisse la paix avec la grâce sanctifiante! Mais qu’on s’occupe activement d’agir dans le surnaturel selon sa nature divine! Surveillons ce qui nourrit cette vie divine. Or, ce sont les intentions ou les motifs surnaturels qui le font. Le souci des parents est de nourrir leurs enfants très bien, sachant que c’est ainsi qu’ils ont plus de chance de vivre. Que les prêtres montrent donc le même sens surnaturel pour la vie divine de la grâce! Qu’ils s’occupent de sa nourriture: les motifs surnaturels et alors les chrétiens auront toutes les chances de garder leur grâce sanctifiante.

Que dirait-on d’un homme qui passe son temps à se demander s’il vit… ou s’il meurt et qui ne fait rien pour alimenter sa vie? On ne rencontre jamais pareil imbécile dans les choses humaines; mais dans les choses surnaturelles, on en rencontre par milliers dans le clergé! Où sont les prêtres qui surveillent si les chrétiens vivent bien en enfants de Dieu, s’ils agissent uniquement avec des motifs surnaturels comme Jésus, les Apôtres et les saints le veulent? Qui massacrent tous les motifs naturels même bons en soi, comme Saint Ignace fait dans tous ses Exercices spirituels et Saint Jean de la Croix et bien d’autres. Où sont ces prêtres-là? Y en a-t-il un sur mille? J’en doute! Mais dès que les prêtres voient qu’un chrétien ne commet pas de gros péchés mortels, ils le laissent parfaitement tranquille. Qui a jamais entendu un prêtre lui demander s’il n’agit que pour des motifs surnaturels en tout et qui lui défend d’agir pour de bons motifs naturels en lui disant qu’il agit comme un païen?

Où sont les prêtres qui défendent aux fidèles d’avoir des affections naturelles pour les choses de la terre même bonnes en soi? Or, tous les Saints avec Jésus condamnent absolument tout amour donné à une créature pour elle-même. Pas un philosophe ne le fait. Pas un prêtre ne devrait tolérer aucune activité naturelle libre dans les chrétiens et presque tous le font. C’est leur doctrine des «in se» qui les tient sur la grâce sanctifiante au lieu d’aller travailler sur l’orientation intentionnelle des motifs. Ne les suivons donc pas là!

Saint Paul aux Gal. 5-11, écrit: « Conduisez-vous selon l’esprit et vous n’accomplirez point les désirs de la chair ». C’est encore l’usage qu’on fait de la grâce sanctifiante que l’Apôtre loue.

Aux Eph. 3-16: « Afin que selon les richesses de sa gloire, il vous fortifie dans l’homme intérieur par son esprit. Que J.-C. habite par la foi dans vos cœurs et qu’étant enracinés et fondés sur la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de ce mystère et connaître l’amour de J.-C. que surpasse toute science, afin que vous en soyez remplis selon toute la plénitude de Dieu ». Il ne parle pas de la grâce sanctifiante, mais de ce qu’on doit faire quand on l’a.

SA DIFFICULTÉ

C’est facile d’expliquer ce qu’il faut faire pour vivre de foi, mais c’est autre chose de le faire. Examinons les difficultés en les divisant, afin de mieux savoir comment les vaincre. Il y a des difficultés qui viennent de l’intérieur ou de la nature de la foi et d’autres de l’extérieur ou de l’influence des créatures contre la vie de foi. Voyons-les séparément.

DIFFICULTÉ INTRINSÈQUE. On sait que l’homme est un animal raisonnable. Eh bien! Pour vivre de foi, il faut aller contre nos deux éléments constitutifs: l’animal et la raison.

D’abord contre l’animal: vivre de foi, c’est vivre comme si nous étions de purs esprits: en effet, c’est aller prendre dans la révélation toute la doctrine divine que nous devons pratiquer surnaturellement et donc selon la foi. Il n’y a rien là pour notre animal ou notre corps charnel. La foi veut que nous vivions comme des anges ou de purs esprits. C’est donc au-dessus et donc contraire à la vie animale en nous.

Toutes les créatures continuent de s’offrir à nous comme si nous n’étions que des païens ou des animaux. Il faut donc les rejeter constamment au grand déplaisir de l’animal… et l’animal, c’est nous! Quand on se satisfait au jour le jour, on ne trouve aucune difficulté évidemment, mais quand on veut rejeter tous ces plaisirs terrestres, on remarque plus leur interminable série… et y résister est extrêmement pénible à la nature humaine.

Même quand nous sommes obligés de prendre certains plaisirs, nous n’avons pas le droit de nous y affectionner; c’est absolument contraire à la vie spirituelle et très dangereux même pour le salut. Saint François de Sales le dit dans le vingt-troisième chapitre du premier livre de son Introduction à la vie dévote: « Ce n’est pas mal de prendre un repas modéré, mais c’est mal de s’y affectionner!

Saint Paul défend de s’attacher même aux choses nécessaires. « Que ceux qui ont des femmes soient comme n’en ayant pas, que ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas. Enfin que ceux qui usent de ce monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe». 1 Cor. 7-29. Rien donc en ce monde ne vaut la peine qu’on lui donne la moindre affection. Dieu seul doit être aimé selon le premier commandement.

Ailleurs il dit: « Si vous êtes ressuscités avec J.-C., recherchez les choses d’en haut; n’ayez de goût que pour les choses du ciel et non pour celles de la terre». C’est une véritable mort au monde. On dit qu’un homme est mort quand les choses de ce monde n’ont plus aucune influence sur lui. Eh bien! Quand on vit de foi, les choses du monde n’ont plus d’influence sur le cœur; on s’en sert par utilité ou nécessité, jamais par amour. Ceux qui se laissent guider par la raison, ne peuvent jamais arriver à cette mort aux choses du monde. Il n’y a que la foi pour nous aider à produire ce résultat.

Si on monte à la partie intellectuelle de l’homme, vivre de foi est encore plus difficile; car s’il est difficile de renoncer aux choses extérieures, c’est autrement difficile de se renoncer soi-même. Comme il est pénible aux hommes d’agir contre la raison! Or la foi demande une foule de choses contraires à la raison humaine et païenne. Par exemple, aimer et récompenser ses ennemis, mépriser les biens de la terre, organiser sa vie non pas selon la raison, mais selon la foi: comme ils sont rares les chrétiens qui sont capables de le faire! Ils trouvent donc cela bien trop difficile pour eux.

La foi nous enseigne à nous défaire de notre personnalité morale, de notre moi païen et de mourir à nous-mêmes et de se faire comme les esclaves de Jésus, nous seul Maître. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même! C’est dur; eh bien! qu’il porte sa croix tous les jours». Les Apôtres et Jésus ne prêchaient pas cette doctrine à des Carmélites, mais aux plus ignorants imaginables des gens du monde. « Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu par J.-C. ». Où sont même les prêtres et les religieux qui essaient même de pratiquer cette doctrine si claire? En proportion qu’on la pratique, qu’on est mort à soi on ne critique plus, on ne s’impatiente plus, on ne se met plus en colère, on ne fait jamais d’excès ni dans les joies ni dans les peines, on s’approche de l’attitude du mort dans sa tombe par rapport aux choses créées. Où sont ces chrétiens? Où sont ceux qui restent calmes dans les contrariétés? Dans les souffrances? En proportion qu’on se fâche contre les personnes et les choses, c’est signe qu’on ne vit pas de foi, mais de bon sens païen.

« Mais voici l’épreuve des épreuves! Au début de la vie de foi, Dieu nous attire vers lui par des consolations intérieures, comme la conviction que nous faisons plaisir à Dieu et que nous progressons dans le chemin de la vertu. Mais avec le temps, il nous supprime tout ce miel; il semble se retirer de nous; le ciel est d’airain; il n’entend plus nos prières… tout semble mort là-haut! C’est l’époque la plus difficile de la perfection, non pas en soi, mais pour nous qui sommes encore faibles dans la foi. Nous n’avons plus les jouissances des créatures que nous avons rejetées, nous perdons même les jouissances spirituelles dans la conviction de faire bien et maintenant nous perdons le sentiment de la présence de Dieu; il ne reste plus rien pour nous!

Eh bien! C’est la perfection de la foi; il ne nous reste plus que la confiance en sa parole, sans aucun appui humain nulle part. Nous ne voulons plus de la terre et le ciel semble ne pas vouloir de nous. Nous sommes comme suspendus entre le ciel et la terre. Ce vide immense que Dieu laisse dans l’âme de celui qui le recherche sincèrement est extrêmement pénible surtout au début.

Cette foi pure est la meilleure préparation à la vertu d’espérance qui consiste à mettre sa confiance dans des biens que nous ne possédons pas encore. Quand on ne voit plus rien autour de soi, il est plus facile d’exercer son espérance dans les biens à venir du ciel.

Ceux qui n’ont pas encore eu ces difficultés n’ont évidemment pas commencé à vivre de foi; ils sont dans la foi, mais ne vivent pas selon la foi.

DIFFICULTÉS EXTRINSÈQUES. Celui qui vit de foi, va nécessairement contre le monde et contre le démon; il les aura tous deux contre lui pour lui faire la guerre.

D’abord les hommes seront contre lui. Lui ne suit pas le bon sens humain, mais la foi, tandis que la plupart des hommes suivent la raison humaine et donc se permettent tout ce qui n’est pas péché, cultivent les attaches aux plaisirs permis sans aucun scrupule. Or, la foi condamne toute attache, pas nécessairement comme péché, mais comme contraire à l’amour de Dieu et donc très dommageable à la vie de perfection que tous doivent essayer de pratiquer.

Dès qu’on ne suit plus le monde dans ses affections pour les plaisirs de la terre, on se fait critiquer et ridiculiser par son entourage. Combien de chrétiens cultivent toutes sortes d’attaches pour faire comme les autres et donc pour éviter de se faire critiquer! Sont dans ce cas une foule de fumeurs, d’amateurs de sport, de filles qui suivent la mode, etc. Si nous continuons de vivre de foi, les gens du monde nous abandonnent et nous vivons isolés des autres, ce que peu de chrétiens peuvent supporter.

Les pires ennemis de la vie de la foi évidemment sont les démons qui prévoient bien que les hommes qui vivent de foi leur échappent sûrement. Ils font tout pour les persécuter, afin de les ramener au «bon sens»! Ils se servent d’abord des pécheurs et des mondains pour leur vanter les plaisirs qu’ils ne prennent pas, pour les exposer à la tentation et les y faire tomber.

Puis ils se serviront des amis, des bonnes personnes qui nous entourent et même des prêtres ou des religieux. Ces gens feront tout pour nous ramener «au juste milieu», à la modération, au bon sens de tout le monde. Surtout on fera valoir la charité pour les autres, pour les mettre à l’aise, pour les gagner au bien et nous les attirer en faisant comme eux!

Les démons profitent de ces attaques qu’ils ont suscitées pour nous tenter. Ils se serviront de nos meilleurs amis et même des prêtres pour nous dire: Est-ce que tu ne vas pas trop loin dans ta singularité? N’est-ce pas de l’orgueil que de vouloir passer pour meilleur que les autres? Combien jouissent des créatures et pourtant ils sont aussi bons que toi! Que de prêtres fument, vont aux joutes de toutes sortes et pourtant ils sont respectés et font bien leur ministère. Le Saint-Esprit te donnerait-il à toi seul la lumière pour te conduire contrairement à tout le monde et même aux prêtres et aux religieux? C’est dur!

Cependant pour ceux qui persévèrent dans cette vie de foi, ils goûtent un immense bonheur. Comme le cultivateur est heureux de jeter son grain en terre par l’espérance de la récolte, ainsi le chrétien qui sème ses plaisirs ou ses deux amours naturels est heureux dans l’espérance de la récolte céleste qu’il aura à sa mort. De plus, le bon Dieu est plus actif pour le soutenir que le démon pour le renverser. La vie d’union avec Dieu que cette foi suppose est une source incomparable de bonheur solide pour l’âme qui jouit incomparablement plus avec Dieu qu’avec ses échantillons.

SON MODÈLE: L’HUMANITÉ DE JÉSUS

Elle avait une intelligence et une volonté, mais comme elle n’était pas une personne, c’est le Verbe qui la conduisait et l’éclairait en tout. Jésus dit que ses pensées, ses paroles et ses actions viennent toutes du Père qui les fait en lui. Peu importe pour le moment que Jésus ait eu une foi comme nous ou non, il est certain que son humanité se laissait guider absolument par la lumière divine qui était en lui. C’est là que nous le montrons comme notre modèle. Nous aussi, nous avons une lumière divine dans le don de la foi, eh bien! il s’agit pour nous de lui obéir aussi fidèlement que la sainte humanité obéissait à la lumière divine qui la guidait.

D’ordinaire, nous manquons de logique et de conviction: par exemple, la foi nous dit carrément que J.-C., en corps, en âme et en divinité est réellement présent dans l’Eucharistie. Alors, marchons d’après cette lumière! Croyons-là absolument! Et agissons en conséquence… sans attendre cinquante ans pour la pratiquer!

Entrons dans l’Eglise comme dans le ciel! Que toute notre âme et toute notre attention soient uniquement concentrées sur J.-C. présent là et occupons-nous de lui! Pour le louer, le remercier, lui parler et l’écouter au fond du cœur. Cessons de tourner la tête de tous côtés, cherchant quelqu’un de plus intéressant que J.-C. Ne passons jamais devant une église sans entrer pour saluer Jésus et nous entretenir avec lui selon le temps dont nous disposons. Au moins saluons-le en enlevant notre chapeau ou en faisant le signe de la croix pour montrer que nous respectons sa présence. Quelle ardeur on devrait mettre à le recevoir corporellement dans notre cœur! Car il est là avec son corps, son âme et sa divinité.

Si un homme devait être adopté par un roi pour aller vivre en son palais, disons l’an prochain, est-ce qu’il n’y penserait pas toujours? Qu’il en parlerait constamment et qu’il se préparerait pour sa nouvelle fonction royale? Eh bien! A plus forte raison, un chrétien qui s’attend d’aller bientôt vivre en la cour céleste dans la Sainte Trinité doit aller là chercher toutes ses pensées, ses paroles et ses actions. C’est ce que faisait l’humanité de Jésus: imitons-la donc dans sa vie toute divine dans l’union intime avec le Verbe.

Jésus dit que ses voies et ses pensées sont aussi différentes des nôtres que le ciel est élevé au-dessus de la terre. Celui donc qui vit de foi nécessairement, doit se « singulariser » parmi les autres qui sont tout aux choses de la terre. Son amour est en Dieu et dans les choses de Dieu, tandis que l’amour des autres est tout dans les choses de la terre; il diffère donc complètement des autres à mentalité païenne plus ou moins.

Comme la vie de Jésus condamnait le monde qui ne vit que pour les choses de la terre et que le monde l’a haï et persécuté et tué, ainsi, de nos jours, encore, ceux qui vivent de foi se trouvent à condamner ceux qui vivent selon le monde et ils s’attirent la même haine du monde et la même persécution.

Souvent on entend dire quand on est tout aux choses de Dieu: ne soyez pas trop tranchant! Mettez des nuances dans votre doctrine pour ne pas aliéner les gens du monde. On peut leur répondre que Jésus devait avoir assez de jugement pour savoir mettre les nuances voulues et pourtant il n’a pas réussi à gagner ceux qui suivent l’esprit du monde: ils ont été ses ennemis.

N’oublions pas que c’est une lutte entre deux amours opposés: celui de Dieu et celui de Satan. Comment amadouer Lucifer? Par conséquent, c’est inutile de vouloir éviter la persécution quand on veut vivre de foi. On a le monde, soi-même et les démons contre soi. Il n’y a que Dieu seul pour nous donner la victoire de si puissants ennemis. Voilà pourquoi il faut être un homme de profonde prière et bien uni à Dieu pour remporter la victoire sur eux. Mais cette victoire surnaturelle s’achète aux dépens de beaucoup de sacrifices comme Jésus a fait durant sa vie.

Jésus nous avertit: « Votre victoire sur le monde viendra de votre foi! ». Tout chrétien doit donc s’efforcer de vivre de divin exactement comme Jésus pour vaincre ses ennemis. Jamais vivre de raison produira le même résultat. C’est le divin de la foi qui nous obtiendra toutes les grâces nécessaires pour rester fidèles à Dieu à travers toutes les embûches du démon contre nous.

Ce n’est donc pas une doctrine pour une élite, mais absolument pour tous les chrétiens. Que tous surveillent leurs motifs pour qu’ils soient absolument surnaturels, exactement comme les motifs de Jésus. Nous sommes corps et âme dans l’ordre surnaturel; vivons donc là! et de là! Prenons notre vie uniquement en Dieu; prenons là seulement nos motifs et donc qu’ils soient tous surnaturels!

SON MÉRITE…

lui vient de ce qu’on fait grand plaisir à Dieu en nous renonçant dans la partie la plus noble: le jugement et la volonté, pour agir exactement comme Jésus. Non seulement nous sommes les enfants de Dieu, mais par la foi nous en montrons notre appréciation en agissant selon notre nature divine que nous avons par la grâce sanctifiante. Nous honorons Dieu en allant chercher en lui notre lumière pour agir. Comme les parents sont contents quand les enfants vont les consulter pour faire juste ce qu’ils aiment et comme ils aiment que leurs enfants agissent.

Si nous agissons comme si nous étions dans le ciel avant de l’être, quelle gloire pour Dieu! C’est donc que nous avons une grande confiance en sa bonté, que nous croyons à sa parole et donc que nous l’aimons. Voilà le fond de notre mérite quand nous agissons selon la foi et donc que nous vivons de foi.

Dans le onzième ch. aux Héb., Saint Paul montre l’excellence et l’efficacité de la foi et comme elle est agréable à Dieu et donc méritoire pour nous. Il donne plusieurs exemples de ceux qui ont obtenu de grandes faveurs de Dieu, à cause de leur grande foi. Il est bon d’en repasser quelques-uns pour nous encourager à croire davantage à ce que Dieu dit.

Il commence par dire que «la foi est la substance des choses qu’on doit espérer, une pieuse conviction de celles qu’on ne voit pas». Il veut dire que par la foi les choses divines prennent corps en nous, une espèce d’existence mystique qui se continuera dans la gloire céleste. Puisque Dieu est fidèle, elles nous deviennent présentes grâce à notre espérance en Dieu. C’est comme un chèque qui n’est pas encore de l’argent, mais qui nous donne droit à l’argent que ce chèque représente.

Aussi c’est par la foi que les anciens pères ont reçu de Dieu un témoignage si avantageux. Dieu a montré sa satisfaction en leur accordant ce qu’ils ont cru. Ainsi il agréa les sacrifices d’Abel parce qu’il mettait plus de foi que Caïn. C’est par la foi qu’Hénoch fut enlevé, afin qu’il ne vît pas la mort et on ne le trouva plus parce que Dieu l’avait transporté. Car l’Ecriture lui rend ce témoignage qu’avant d’avoir été ainsi enlevé, il plaisait à Dieu. Or sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu, car pour s’approcher de Dieu, il faut croire qu’il est et qu’il récompense ceux qui le cherchent.

C’est par la foi qu’Abraham quitta son pays sans savoir où il allait, qu’il séjourna dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, car il attendait cette cité qui a un ferme fondement, dont Dieu même est le fondateur et l’architecte… tous ceux-là sont morts dans la foi, n’ayant pas reçu les biens promis, mais les regardant et les saluant de loin, et confessant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre, c’est-à-dire, la patrie céleste… C’est par la foi qu’Abraham, lorsque Dieu voulut le tenter, offrit Isaac, et c’était son fils unique qu’il offrait, lui qui avait reçu les promesses et à qui il avait été dit: c’est d’Isaac que naîtra la postérité qui portera votre nom, etc… ».

Ces exemples donnent une bonne idée de ce que doit être la vie de foi. C’est vivre dans ce monde physiquement, mais par l’amour c’est vivre uniquement dans le ciel par l’espérance et donc en proportion qu’on y croit. Ceux-là alors ne sont pas intéressés aux choses de la terre. Ils pratiquent à la lettre ce que Saint Paul nous recommande: « Si vous êtes ressuscités avec J.-C., recherchez les choses d’en-haut où J.-C. est assis à la droite de son Père; n’ayez de goût que pour les choses du ciel et non pour celles de la terre ».

Comme nos catholiques qui vivent de foi sont rares! Ils sont dans la foi, mais ne vivent pas de foi. Ils sont tout aux choses de la terre, ne parlent que des choses humaines; donc leur amour est sur la terre, pas dans le ciel! Ils sont heureux dans le monde; ils ont une peur bleue de mourir et s’ils pouvaient vivre éternellement sur la terre, ils ne voudraient pas du ciel.

Sont-ils nombreux les prêtres et les religieux qui vivent de foi?

Qui parlent volontiers des choses du ciel? Non, ils ne sont pas nombreux! Si on en veut une preuve, qu’on essaye de leur parler des choses surnaturelles! On peut les intéresser à tout excepté aux choses de Dieu: donc ils ne vivent pas de ce que la foi nous montre! Appliquons le critère donné par Jésus même: que la bouche parle de l’abondance du cœur. Eh bien! Leur abondance est toute des choses de la terre comme leurs conversations le montrent bien.

Essayons donc de changer de vie! Sortons de l’animal, de l’esprit pour entrer de plain-pied uniquement dans le monde surnaturel, et restons-y pour l’éternité avec la grâce de Dieu!

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