DIX-SEPTIÈME
INSTRUCTION
LA
PERFECTION EXIGÉE PAR JÉSUS.
«Soyez
parfaits comme votre Père céleste est parfait!» Mt. 5-48. Plan Nature de la
perfection. (Jésus. (Les apôtres.
Dans l’intention, la même pour tous selon: (Les Pères de l’Eglise. (Le Pape Pie XI. (Notre destinée au ciel. (Dans les moyens. Dans l’Exécution elle est différente: (Dans
l’acquisition. (Doctrine de
St-Thomas. Le cas du jeune homme riche.
NATURE
DE LA PERFECTION. Puisque Jésus est Dieu
et qu’il nous destine à devenir une seule chose avec lui, nous pouvons nous
attendre à ce qu’il exige une perfection divine en nous. Tout en étant vraiment homme il a agi
divinement selon sa nature divine. Or,
il vient précisément pour nous faire participants de la nature divine: nous
devons donc agir divinement avec le secours de sa grâce.
C’est
en fonction de cette perfection divine que nous devons étudier la vie de Jésus
et juger sa doctrine; autrement nous l’abaisserons toujours à notre niveau pour
ne voir en lui qu’une perfection humaine qui nous laisse indifférents, ou bien,
nous le regarderons comme nous dépassant complètement et nous laisserons à une
élite le soin de reproduire sa vie si parfaite.
Comme nous allons le voir, c’est la perfection même de Jésus en personne
que nous devons reproduire dans notre propre vie sous peine de perdre le
ciel. Comme cette question est très
importante les démons ont tout fait pour embrouiller les idées. Que de sophismes on rencontre non seulement
chez les fidèles, mais même dans le clergé pour éviter les conclusions
pratiques d’une vérité qui condamne toute apathie, tout naturel et toute
tiédeur dans la vie spirituelle. Dès
qu’on mentionne le nom même de perfection, que de chrétiens s’en désintéressent
comme si la perfection n’était que pour un petit nombre choisi.
Les
prêtres même la renvoient aux religieux où elle est guère mieux traitée! Que le St-Esprit nous ouvre à tous les yeux
de l’âme pour que nous arrivions à la bien comprendre afin de mieux la
vivre. Un être est d’autant plus parfait
qu’il s’approche plus de sa fin dernière.
Or, notre fin dernière est une participation à la vie intime de la
Sainte Trinité, sur la terre par la grâce et dans la foi, et au ciel dans la
gloire. La perfection d’un chrétien
consiste donc dans la reproduction dans sa propre vie de l’activité des Trois
Personnes divines. On attribue au Père,
la vie, au Fils, l’intelligence ou la sagesse, et au Saint-Esprit,
l’amour. Plus donc il participe à la Vie
du Père, à la Pensée du Verbe et à l’Amour du Saint-Esprit, plus il est
parfait. C’est très clair dans les idées,
mais la pratique exige tant de renoncement à l’activité humaine qu’il faut
compter absolument sur la grâce de Dieu.
C’est ici surtout que se vérifie cette parole de Jésus: «Sans moi, vous
ne pouvez rien!»
Voici
une distinction absolument nécessaire pour se faire des idées nettes sur la
perfection. De son ignorance viennent de
nombreuses erreurs qui font un tort immense dans la vie spirituelle. On peut considérer une chose dans l’ordre de
l’intention ou de la volonté, on peut la considérer aussi dans l’ordre de
l’exécution qui est celui des faits. Or,
une foule de prêtres confondent les conclusions d’un ordre avec celles de
l’autre et vice versa. Prenons d’abord:
l’ordre de l’intention Tous les fidèles sans aucune exception sont tenus de
vouloir devenir parfaits comme Dieu le veut et donc de tendre de toutes leurs
forces à la sainteté de Dieu. Personne
n’a le droit de dire, par exemple, qu’il ne veut que vingt-cinq pour cent de
cette sainteté; il pêcherait contre le premier commandement. Quand il s’agit de fin, il faut la vouloir
sans limite surtout quand il s’agit de la fin dernière; il ne peut y avoir de
degrés, ni de conseil là. Tous les
hommes y sont tenus à cause de leur fin dernière, et ce n’est pas parce qu’ils
sont prêtres ou religieux, comme on l’entend si souvent dire. Le fait d’être prêtre ou religieux urge
davantage une obligation stricte qui existait déjà comme chrétien. Les prêtres et les religieux devraient bien
cesser de laisser entendre ou même de dire ouvertement qu’ils ont le monopole
de la perfection. Ce n’est pas
vrai! Les chrétiens l’ont tous par leur
destinée surnaturelle. Quand on prêche
on doit toujours le faire selon l’ordre de l’intention; c’est aux volontés
libres qu’on s’adresse, pas du tout à l’exécution et aux faits. Dans son premier commandement, Dieu
évidemment s’adresse à la volonté puisqu’il ne met pas de limite; il veut que
nous l’aimions de toutes nos forces. De
même Jésus quand il dit que nous devons être parfaits comme son Père céleste
est parfait, il ne met pas de limite, ni de degrés, quoique dans l’ordre de
l’exécution ou des faits, il sait bien qu’il y en a.
Comme
nous ne sommes libres dans l’ordre de l’intention, c’est cette partie que Dieu
surveille en nous; là est sa gloire à lui, et notre mérite à nous. Dans cet ordre les prédicateurs peuvent donc
nous dire; aimez Dieu sans limite!
renoncez à tout ce que vous avez!
etc. sans faire aucune
exagération. Je puis dire aux fidèles:
vous devez avoir un motif surnaturel pour absolument tout ce que vous faites
sans faire aucune exagération. C’est
entendu que cela veut dire qu’ils doivent vouloir ces choses et ils doivent les
vouloir sans limite, même si dans l’exécution il y a nécessairement des degrés
et des limites. Mais combien de prêtres
blâmeraient ces expressions comme exagérées.
C’est parce qu’ils ne pensent qu’à l’ordre de l’exécution. Or, c’est insensé de prêcher selon cet
ordre. Est-ce qu’on dirait à une femme
qui n’a que dix degrés de santé: madame ne veuillez que ces dix degrés de santé
ou à des pauvres, ne veuillez que les quelques dollars que vous avez! Eh bien dans l’ordre de l’intention, tout
chrétien est tenu de vouloir et donc de tendre de toutes ses forces à acquérir
la sainteté de Dieu, simplement parce qu’il est chrétien, et donc comme les
prêtres et comme les religieux! Leur
état ne fait que doubler cette obligation qui existait déjà en eux. Donc au point de vue de cette tendance de la
volonté à la sainteté de Dieu il n’y a aucune différence entre les laïques et
les prêtres et religieux. Voici que Jean
doit mille dollars à Pierre; il a sûrement une obligation stricte à payer cette
dette. Supposons qu’il fait un voeu de
payer sa dette, est-ce que son obligation de la payer ne commence que le jour
de son voeu? Pas du tout. Son voeu s’ajoute simplement à l’obligation
qui existait déjà. Donc dans l’ordre de
l’intention qui est le seul qui nous regarde les laïques sont tenus par une
obligation stricte de tendre de toutes leurs forces à la sainteté de Dieu,
comme les prêtres et les religieux. Ce
n’est pas vrai encore une fois que la perfection soit seulement pour les
religieux et pour les prêtres.
Montrons-le par la doctrine. De
Jésus. En Jean 17 il veut que nous
soyons tous sans exception, donc pas seulement les prêtres et les religieux,
une seule chose avec lui comme il l’est avec son Père. Or, c’est cette union avec le Père par Jésus
qui constitue notre sainteté. Jésus
prêchait le premier commandement à tous les fidèles et pour tout le monde. En Luc 10-27 qui cite Deutéronome 6-5 qui ne
s’adressait certainement pas aux religieux; ils n’existaient pas encore. Les béatitudes s’adressent sûrement à tout le
monde; or elles contiennent la plus haute perfection possible au monde. Chacune renferme la plus parfaite perfection
de vie et toutes sont pour les laïques autant que pour les religieux. Enfin, il dit à tous: Soyez parfaits comme
votre Père céleste est parfait!
C’est
donc le même but qu’il assigne à tous les laïques comme aux religieux et aux
prêtres. Quand il dit: «Si quelqu’un ne
renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple,» c’est le
détachement absolu qu’il requiert des laïques comme des autres.
Les
Apôtres, comme Jésus, recommandent la plus haute sainteté possible à tous les
laïques sans exception; dans l’ordre de l’intention, les religieux ne peuvent
pas aller plus loin. Leur principal
argument se résume à quelque chose comme ceci: Vous êtes de la race de Dieu, eh
bien, agissez comme tels, comme des enfants de Dieu et donc comme Dieu. Les épîtres sont remplies de ces exhortations
à la plus haute sainteté. Il suffira
d’en citer au hasard. S. Paul, Eph.
1: «De même qu’en lui, (Jésus) il nous a choisis avant la création du
monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence par la
charité.» Ce serait trop long de citer ces exhortations, ardentes pour la
pratique des plus parfaites vertus. Il
veut que tous soient les imitateurs de Jésus, qu’ils vivent dans la foi comme
dans la gloire en autant que la condition terrestre le permet. On ne pourrait trouver de plus parfait dans
la vie religieuse au point de vue de la tendance que ce qu’il demande à tout le
monde sans exception. S. Pierre 1, 1-13: «Comme Celui qui vous a
appelés est saint, vous aussi, soyez saints, dans toute la conduite de votre
vie.» S. Jean 1, 3-3: «Et quiconque a
cette espérance en lui se sanctifie comme lui-même est saint.» L’idée que nous
sommes appelés à participer à l’activité trinitaire en Jésus et par Jésus
domine dans l’esprit des Apôtres. Or,
les laïques sont appelés là comme les religieux: donc tous sans aucune
exception doivent par la volonté de Dieu et par leur vocation à la vision
béatifique tendre à la sainteté de Dieu.
Les Pères de l’Eglise reviennent souvent sur cette même idée: que
puisque nous sommes les enfants de Dieu, nous devons tous tendre à sa
perfection divine dans toute l’étendue de notre activité libre. Ils ne disent pas que seuls les religieux ou
les prêtres sont tenus d’être saints, mais ils le prêchent à tout le monde dans
cette distinction insensée introduite par l’ignorance du plan divin. Voici un texte qui s’élève même avec force
contre cette distinction qui commençait déjà à se faire. S.
Jean Chrysostome, Apologie pour la vie Monastique L. 3 - n.
14: «Vous vous trompez et vous vous abusez étrangement, si vous pensez
qu’autres sont les obligations des séculiers, autres celles des moines. Toute la différence est dans le mariage et
dans le célibat, pour tout le reste, ils rendront un compte égal. Celui qui se fâche sans raison contre son
frère, qu’il soit séculier ou moine, offense également Dieu; et celui qui jette
les yeux sur une femme pour la convoiter, en quelqu’état qu’il vive, sera
également puni pour cet adultère… Quand Jésus dit:
Bienheureux
les pauvres d’esprit, les affligés, les doux, etc. il ne nomme ni le séculier ni le
religieux. Cette distinction a été
inventée par l’imagination des hommes»!
Les Ecritures ne connaissent rien de semblable, elles veulent que tous
mènent la même vie, solitaires ou hommes mariés. Ecoutez en effet ce que dit S. Paul, et citer S. Paul, c’est encore citer Jésus-Christ. Ecrivant à des hommes mariés et pères de
famille, il réclame d’eux une régularité qui conviendrait à des moines. Il leur interdit toute recherche et dans les
vêtements et dans la nourriture en ces termes: «Les femmes seront vêtues comme
l’honnêteté le demande; elles seront parées avec pudeur et modestie, et non
avec des cheveux frisés ou de l’or ou des perles ou des habits somptueux. (I Tim.
2-3) Et plus loin: «Celle qui vit dans les délices est morte toute
vivante». (I Tim. 5-6) Et encore: «Dès lors que nous avons de
quoi nous nourrir et de quoi nous vêtir, soyons contents.» (I Tim. 6-8)
Cette
perfection, il l’exige de tous les chrétiens; cependant quoi de plus
élevé? Quand il ordonne de se mettre
au-dessus de la colère, de l’emportement, des cris, de l’amour des richesses,
des plaisirs de la table et du luxe, au-dessus de la vaine gloire et de toutes
les choses de la terre, quand il ordonne de n’avoir rien de commun avec la
terre et de mourir à son corps, il est évident qu’il nous demande la même
perfection que Jésus-Christ demande à ses disciples. Quelquefois, non content de nous pousser à
l’imitation des disciples de Jésus-Christ, il nous exhorte à celle du Maître
lui-même. En effet, c’est en
Jésus-Christ qu’il va puiser ses exemples, quand il nous recommande la charité,
l’oubli des injures, la modestie.
Puisque donc qu’il ordonne d’imiter, non pas les moines, non pas les
disciples, mais Jésus-Christ même, et qu’il menace des plus grands châtiments
ceux qui ne l’imiteront pas, comment pourriez-vous dire que c’est la une
perfection trop haute? C’est une hauteur
à laquelle il faut que tous les hommes s’élèvent, et ce qui a bouleversé toute
la terre, c’est que nous nous sommes imaginés que le moine seul est tenu à la
perfection de la règle évangélique, mais que les autres peuvent vivre dans le
relâchement. Il n’en est point ainsi,
certes non, il n’en est point ainsi: nous sommes tous obligés à la même
perfection, c’est l’Apôtre qui le déclare: «Je vous l’affirme sans hésiter, ou
plutôt, je ne fais que répéter l’affirmation de Celui qui doit: nous juger….»
Quel dommage que ce texte ne soit pas multiplié par millions et répandu dans
l’univers pour faire cesser cette idée sotte que les religieux ont le monopole
de la perfection et que les gens du monde peuvent jouir des créatures tant
qu’ils veulent. Ce serait aux prêtres et
aux religieux à expliquer les choses clairement devant le peuple et faire
cesser cette distinction dans la tendance à la sainteté. Mais, combien, au contraire, alimentent cette
distinction pour favoriser leur orgueil insensé, et souvent aussi, par paresse,
pour se dispenser de travailler ardemment à acquérir la sainteté, comme s’ils
l’avaient déjà dans leur état du sacerdoce ou de la vie religieuse. Dieu ne jugera pas l’état de vie, mais la
ferveur et les actes qu’on aura posés dans cet état de vie. Le Concile d’Aix-La-Chapelle en 816 dit:
Multa quidem et innumera legalla, prophetica, et evangelica atque apostolica
poterant proferri documenta, quibus infatigabiliter atque incessabiliter
devotis famulari debet Christiana; sed propter eas quas supra memoravimus, heac
pauca breviter adnumerare studisimus, qui insipienter asserunt solos monachos artam
sectari debere viam cum utique Dominus artam et angustam viam dicat esse, quae
ducit ad vitam et nomo nisi per eam in vitam ingredi possit aeternam. Non solum igitur monachis et clericis, verum
ebiam omnibus, qui christians censentur vocabulo, per hanc artam et angustam
intrandum est viam… Instanter et vigilanter, at omnibus certandum est, quanquam
diversorum donorum modis curratur, qualiter una ad sanctam et supernam
Hierusalem matrem nostram tendamus quo sine fine cum domino vivere mereamur. Illud quoque sciendum, quia quanto quisque se
in presenti sacculo per Christi amorem abjectiorem fecerit, tanto magis in
futuro feliciorem remunerationem percipict.» «On pourrait produire beaucoup et
d’innombrables documents légaux, prophétiques, évangéliques et apostoliques,
qui insistent sans répit et constamment sur la nécessité de cultiver la piété
chrétienne; mais à cause de ceux qu’on a cités plus haut, nous avons fait ces
quelques remarques contre ceux qui affirment sottement que seuls les moines
sont tenus de suivre la voie étroite, puisque Notre Seigneur dit que la voie
qui conduit au salut est petite et étroite, et que personne ne peut entrer dans
la vie sans passer par elle. Ce n’est
donc pas seulement les moines et les prêtres qui doivent s’efforcer d’entrer
par cette voie étroite, mais tous les chrétiens. Il faut que chacun lutte ardemment et
soigneusement, quoique par des dons différents pour tendre ensemble vers notre
mère la sainte Jérusalem céleste où nous mériterons de vivre sans fin avec le
Seigneur. On doit savoir aussi que plus
on s’abaisse dans ce monde pour l’amour du Christ et plus on sera heureux dans
l’autre vie.»
Il est
évident que ce concile représente
bien l’enseignement
de l’Eglise à cette époque sur cette question.
Le Pape Pie XI sur le 3e centenaire de St-François de Sales, Act. S.
Sed. Vol. 4-50, écrit: «Le Christ a constitue l’Eglise
sainte et source de sainteté, et tous ceux qui la prennent pour guide et
maîtresse, doivent, par la volonté divine, tendre à la sainteté de vie.» «C’est
la volonté de Dieu, dit St-Paul, que vous vous sanctifiez.» Quel genre de
sainteté faut-il? Le Seigneur le déclare
lui-même ainsi: «Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait.» Que
personne n’estime que cette invitation s’adresse à un petit nombre très
(restreint) choisi, et qu’il est permis à tous les autres de rester dans un
degré inférieur de vertu. Cette loi
oblige comme il est clair absolument tout le monde sans aucune exception!» Notre
destinée au ciel. Nous avons tous une
seule et la même destinée à la vision béatifique en tant qu’hommes et en tant
que chrétiens pas en tant que prêtres et religieux. Or, c’est justement cette fin dernière qui
exige que nous soyons saints de la sainteté de Dieu pour participer au bonheur
de Dieu. Donc tous les laïques sont
tenus de tendre à la sainteté de toutes leurs forces en vue de la vision
béatifique. Ce n’est ni le sacerdoce ni
la vie religieuse qui donnent cette vocation à certains hommes; c’est le fait
d’être homme et chrétien! C’est pour
cela que Jésus et les apôtres n’ont absolument rien donné comme doctrine
spéciale aux prêtres et aux religieux.
Seuls ils ont indiqués quelques moyens plus parfaits pour arriver au
ciel comme nous allons le voir plus loin.
dans
l’exécution elle est différente La Perfection est différente
dans les moyens. Dieu a établi
différentes sortes de moyens pour arriver à la fin dernière: c’est là qu’on
trouve de la différence entre les religieux et les laïques. Les voeux rendent la pratique de la vertu
plus parfaite; les conseils évangéliques sont plus parfaits. Mais, parce que ces moyens sont plus parfaits
en eux-mêmes que d’autres moyens, tout dépend de la façon de s’en servir. Si on se contente d’avoir fait le voeu de
pauvreté, par exemple, et que l’esprit soit aux choses du monde et qu’on pense
toujours à améliorer sa condition en accaparant le plus possible de choses pour
son confort, pour se satisfaire, on se fait illusion sur le mérite de son voeu;
il ne vaut rien ou peu. Combien de
religieux vivent comme le riche qui festoyait tous les jours et qui était
habillé de fin lin! Leur voeu ne les
sauvera pas des conséquences de leur vie de païens. En tout Dieu ne regarde jamais les «in se» ou
des états de perfections; il regarde l’esprit ou le coeur; il surveille notre
amour. Les religieux comme les laïques
et les laïques comme les religieux doivent mépriser les biens de ce monde pour
n’aimer que Dieu de tout leur coeur!
Voilà ce que Dieu surveille en nous, et non pas l’état dans lequel nous
vivons, ou les moyens que nous avons choisis, c’est l’usage qu’on en fait. Or, on a tellement vanté l’état religieux que
les religieux pensent avoir en eux-mêmes tout ce qu’on dit de l’état! Ce n’est pas vrai! quoique ce devrait être ainsi. Cessons donc de parler des états de
perfection et parlons de la pratique de la perfection dans tous les états. Peu importe l’état; c’est le coeur dans
l’état que Dieu veut. Supposons que tous
les chrétiens soient tenus d’aller à Rome; L’intention de tous doit être la même:
aller à Rome. Les uns pourraient y aller
en bateau, en train ou en avion. On ne
pourrait pas les classifier selon leur tendance vers Rome; elle est la même
pour tous. La seule différence serait
dans les moyens employés pour s’y rendre.
Ainsi, nous devons jamais diviser les chrétiens entre ceux qui tendent à
la perfection et ceux qui ne le font pas; c’est absurde et faux. Mais parmi ceux qui doivent tendre à la
perfection, les uns y vont avec les conseils évangéliques et les autres sans
ces conseils. Ne laissons plus les
démons nous aiguiller à mettre la différence dans la tendance à la
perfection. Elle est absolument la même
pour tout: homme en ce monde; ce n’est que dans les moyens qu’elle
diffère. Dans l’acquisition de fait, il
est évident que tous les hommes de fait atteignent des degrés différents de
perfection. St-Paul les compare aux
étoiles de différente splendeur; ainsi les élus seront différents dans les
degrés acquis de la perfection. Nous
avons un bon exemple dans les mondains; ils sont insatiables de jouissance et
de richesse, mais en attendant ils prennent ce qu’ils peuvent au jour le jour,
mais en veulent toujours plus. C’est
ainsi qu’on agit quand on a mis son coeur en quelque chose… et les chrétiens
doivent mettre leur coeur en Dieu seul, d’après le premier commandement.
Par
conséquent tout ce qu’on dit des différents degrés de sainteté, d’humilité et
des vertus en général ne doit jamais être pris comme objet de la volonté. Elle doit tendre au plus parfait degré de
toutes ces choses selon l’ordre de l’intention.
Si quelqu’un ne voulait que des degrés inférieurs, il pécherait contre
le premier commandement. De même pour
les trois degrés d’humilité de S.
Ignace: C’est une division des degrés qu’on trouve de fait dans la vie
de tout homme, mais personne ne doit se contenter de vouloir le premier ou le
second seulement. Il faut par sa
destinée vouloir le plus parfait dans l’ordre de l’intention! N’allons donc jamais prendre ce qui se fait
dans l’ordre de l’exécution comme objet de la volonté. Les prédicateurs ne devraient jamais prêcher
selon ce qui se fait dans l’ordre des faits.
Combien voyant la tiédeur des fidèles, prêchent une spiritualité rabaissée
à leur niveau; c’est les ancrer davantage dans leur paresse spirituelle. Il faut demander tout ce qu’il y a de parfait
comme objet de la volonté, mais en même temps leur montrer la différence entre
cet ordre et celui de l’exécution, car ils pourraient se décourager. Le démon va toujours profiter de la confusion
de ces ceux ordres si on ne les tire pas au clair. Même des prêtres se mélangent là. Un jour l’un d’eux était choqué contre moi;
il me dit: «Vous demandez la sainteté de Dieu, l’avez-vous vous-même?» Je lui
répondis que cela n’était pas de ses affaires ni des miennes Mais que je devais
vouloir cette sainteté comme tout le monde.
Il finit par comprendre le différent point de vue; de vouloir une chose
et l’autre point de vue de le réaliser dans le concret. Doctrine de S. Thomas, 2a-2æ, q. 184: Je cite simplement la note 30e de la
petite édition française. «La perfection
de la charité avec tous ses degrés et avec tous ses modes, le mode terrestre et
le mode céleste, est donc de précepte pour tout le monde. La charité ne nous est pas commandée jusqu’à
un certain point seulement, le surplus n’étant que de conseil. Entendez, ce qui est capital, la charité
elle-même, la charité intérieure qui est un amour. Non seulement elle est la fin des autres
préceptes et des conseils, mais elle est notre fin à nous-mêmes, étant ce par
quoi nous sommes unis à Dieu, notre perfection objective suprême. Or, quand il s’agit de fin, il ne saurait y
avoir de mesure à garder. Et ici moins
que jamais, ou il s’agit de fin suprême, et qui participe en quelque manière à
l’unité de Dieu. «Mais, c’est comme sa
fin que la perfection de la charité tombe sous le précepte. Ce n’est pas comme sa matière. «Or, la matière du précepte de la charité,
c’est la charité tout court, la charité quant à son essence ou à sa perfection
essentielle, qui consiste à n’aimer rien contre Dieu, plus que Dieu ou autant
que Dieu. Celui qui possède cette
perfection essentielle de la charité doit être tenu comme satisfaisant au
précepte qui impose à tous la perfection totale de la charité comme fin à
atteindre. C’est précisément parce que
tous les degrés et les modes de la charité tombent: sous le précepte comme fin
que nul d’entre eux, à l’exception du moindre, n’est prescrit en particulier et
dans ce moment-ci. L’étendu du précepte
fait sa souplesse.»
Appendice
II. Pour ne pas transgresser un
précepte, il n’est pas nécessaire de l’observer avec toute la perfection
possible. D’où, par application à
présente matière, ce lieu là ne transgresse pas le précepte de la charité
parfaite, qui possède d’une manière quelconque, fut-ce à son moindre degré, la
perfection de la charité, qui consiste à aimer Dieu par dessus toutes
choses. C’est cette perfection
essentielle de la charité qui constitue la matière du précepte, tandis que la
perfection totale de la charité en est la fin.
Celui-là transgresserait le précepte de la charité, qui satisfait de
posséder la perfection essentielle de la charité, mépriserait ses degrés
supérieurs et sa perfection totale. Ce
n’est pas assez de ne pas mépriser, «Double est la perfection de la charité. Il y a la perfection externe de la charité,
qui consiste en des actes extérieurs, signes des dispositions intérieures, par
exemple, la virginité, la pauvreté volontaire.
A cette perfection-là, qui est la matière propre des conseils, tout le
monde n’est pas obligé. Mais il y a la
perfection interne de la charité, qui consiste dans l’amour intérieur de Dieu
et du prochain… Or cette perfection-là, si tout le monde n’est pas obligé de la
posséder en acte, tout le monde est obligé d’y tendre. En effet, si quelqu’un ne voulait pas aimer
Dieu davantage il ne satisferait pas au précepte de la charité! Est-on tenu au bien meilleur? Il faut distinguer. Le bien meilleur peut s’envisager comme
matière d’action, ou comme objet d’amour.
L’on n’est pas tenu au bien meilleur sur le plan de l’action, mais on y
est tenu sur le plan de l’amour. La
raison en est que toute règle d’action veut une matière déterminée et
précise. Or, si on était obligé
d’accomplir le bien meilleur, on serait obligé à l’indéterminé. Par contre, sur le plan de l’amour, on est
obligé au bien meilleur dans toute l’étendue de ce bien. Comme beaucoup de prêtres sont embrouillés
sur cette question si claire dans St-Thomas.
Evidemment les démons sont là pour embrouiller les idées des prêtres. Ainsi quand St-Thomas, parle du degré infini
de la charité il parle dans l’ordre de l’exécution ou des faits. Alors c’est évident que les degrés supérieurs
dans l’ordre de l’exécution ne sont plus absolument nécessaires et peuvent être
regardés comme de conseils ou libres d’une certaine façon. Mais, personne n’a le droit de prêcher ce
degré infini de charité comme une fin dernière ou comme l’unique objet de la
volonté, ou encore de le transposer dans l’ordre de l’intention. C’est là l’erreur d’une foule de prêtres et
de religieux. Ce sont ces ignorants qui
sont les peureux dans la prédication!
Ils ont toujours peur de demander trop au peuple; ils prêchent une
perfection médiocre, base même, et dès qu’ils entendent un autre prédicateur
qui connaît sa matière, ils le taxent d’exagération. Mais, ce n’est pas vrai! Il prêche la perfection dans l’ordre de
l’intention comme il doit le faire et donc sans limite ni degrés, ni conseil. Mais, il est dénoncé quand même par une foule
d’ignorants sur cette question… et souvent le nombre l’emporte sur la
doctrine…!
Quand
est-ce que les prêtres vont se mettre à étudier cette question si importante de
la perfection? Le nombre des ignorants
dans cette matière est effarant!
Personne même quand il connaît bien la question, n’ose le prêcher dans
toute sa vérité et dans toute son extension; il a une peur bleue d’être
dénoncé, et de fait, il le serait très vite… et il y a assez de supérieurs
embrouillés aussi ici pour le condamner.
Tous les prêtres et les religieux devraient connaître à fond cette
perfection exigée par Jésus pour nous donner la vision béatifique. C’est la sainteté de Dieu dans toute la force
du mot; c’est la perfection de Dieu en personne! Peut-on exagérer quand nous la prêchons au
peuple? Peut-on leur demander trop avec
une telle fin dernière? Comme il faut
être aveugle ou ignorant pour se contenter d’une bonté humaine, d’une vertu
naturelle, selon notre bon sens et notre volonté! Que de prêtres et de religieux n’ont pas un
idéal de perfection plus élevée que celle d’un païen! Du moment qu’un chrétien garde la loi
naturelle avec ses préceptes négatifs, les prêtres ne voient plus rien à lui
demander et de fait ne demandent rien de plus.
Ils le comparent avec les pécheurs autour de lui et le trouvent fort
supérieur aux impudiques, aux ivrognes et aux assassins: cela suffit! Quel aveuglement! Ils devraient le comparer non pas avec les
démons ou avec les pécheurs, mais avec Dieu sa fin dernière! Avec la Trinité! Avec Jésus en personne! Comme ils seraient alors plus exigeants! Comme ils seraient plus zélés! Comme ils travailleraient plus pour monter
les âmes à ce haut degré de vertu: la sainteté de Dieu! Quand est-ce que les prêtres et séculiers et
réguliers vont-ils exiger la perfection des laïques? Actuellement dès qu’on prêche l’amour concret
de Dieu avec ses conséquences inévitables du mépris des plaisirs du monde et le
renoncement à soi-même, on entend les fidèles regimber en disant: Ce prédicateur
nous prend-il pour des religieux? Il nous
prêche comme à des Soeurs! Il est
fou…. Encore une fois c’est aux prêtres
à faire cesser cet état d’esprit chez les fidèles. C’est évident que nous devons tous prêcher
comme à des religieuses et à des religieux.
C’est exactement ce qu’a fait Notre-Seigneur. A part du célibat et de la pauvreté
volontaire, il n’y a absolument rien dans la prédication de Jésus qui ne
s’adresse qu’aux religieux. Eh bien, les
prêtres doivent donner la doctrine de Jésus au peuple et donc sans faire aucune
distinction entre la perfection requise pour les laïques et celle des religieux
et des prêtres. Parfois un prêtre se
risque à demander une grande perfection mais il le fait avec hésitation et
comme en demandant pardon de son audace, confirmant ainsi les fidèles dans leur
idée fausse que la perfection n’est que pour une élite ou pour des
religieux. Où sont les prêtres qui ont
jamais exigé la perfection que St-Paul exigeait de ses fidèles? Les prêtres laissent toute cette doctrine
dormir dans les épîtres de St-Paul! Quelle
pitié que leur formation les éloigne de tout ce qu’il y a de plus solide et de
plus efficace dans l’écriture sainte!
Dieu est amour et notre fin dernière est Dieu, donc c’est l’amour qui
est notre fin dernière. Eh bien, si on
veut une preuve de tout ce qu’on a dit ici, qu’on essaie de parler de l’amour
de Dieu à des prêtres ou à des religieux; cela ne les intéresse pas du
tout! Ils deviennent muets comme des
carpes! Ils vous fuient comme la
peste! Si on veut se débarrasser d’un
prêtre qu’on lui parle de l’amour de Dieu ou de spiritualité et tout de suite
il se découvre une affaire urgente qui le presse et il s’en va tout de
suite! A ceux qui seront scandalisés de
ces remarques sévères pour les prêtres et pour les religieux comme pour bien
des fidèles naturellement, qu’ils songent au tort que cette attitude mentale
fait aux intérêts de Jésus et au salut des âmes. Ils font un tort immense dans l’Eglise à
cause de leur ignorance crasse de toute spiritualité et de leur insouciance
conséquente pour les choses de Dieu.
Celui qui a un peu de coeur pour Jésus est plus sensible à ce tort qu’à
leur petite réputation de païen qu’ils voudraient sauver.
La
perfection de Dieu est la fin dernière de tout chrétien absolument et même de
tout homme au monde…! C’est elle qui
doit actionner absolument toute l’activité humaine de tous les hommes sans
exception! C’est elle qui doit faire
germer, alimenter et développer toutes les idées de l’homme et donc le conduire
dans toute sa vie pratique et concrète… et tout le monde en a peur! La masse l’ignore absolument! Les prêtres n’y sont pas intéressés! Les religieux guère plus et les fidèles
encore moins évidemment! Grand
Dieu! Quel aveuglement partout! Comme les démons ont réussi à semer leur
ivraie dans toute la formation religieuse des prêtres et des religieux pour
aboutir à un si triste résultat! Tout
homme doit être tout aux choses de Dieu comme il le sera au ciel… et il est
tout aux choses de la terre comme un païen authentique! Il n’a pas même l’idée d’acquérir ou de
tendre au moins vers la perfection de Dieu qui devrait orienter toute sa
vie. Mais où sont donc les successeurs
des apôtres qui criaient à tout le monde sans exception qu’ils devaient être
saints comme Dieu est saint et qui l’exigeaient dans toute leur prédication
jusque dans les plus petits détails de la vie?
Qu’on lise les Epîtres avant de mourir, au moins une fois… je le dis
pour les prêtres et les religieux surtout!
le cas du jeune homme riche. Ce
jeune honte riche, à son insu, a fait un tort immense dans l’Eglise; depuis des
siècles qu’il sert de modèle aux religieux et de fondement à cette erreur que
les religieux seuls sont appelés à la perfection. C’est dans cette histoire que le démon a semé
son ivraie pour faire dévier sa masse des prêtres et des religieux de la vraie
doctrine de la sainteté chrétienne. Il
est grand temps de tirer cette histoire au clair et de montrer l’erreur qui
s’est glissée là. D’abord où est le
conseil dans ce texte? St-Thomas le dit;
Il est seulement dans le: Va et vends tes biens! Pour s’en détacher il n’était pas obligé
strictement de les vendre, mais c’était le moyen le plus pratique pour s’en
détacher et Jésus est pratique! Eh bien,
la plupart dans le clergé ont vu le conseil dans les premiers mots: Si tu veux
être parfait! C’est une erreur. Ce «si» n’est pas du tout conditionnel, mais
consécutif, comme lorsqu’il dit: Si tu veux entrer dans la vie, ou, si
quelqu’un veut être mon disciple; qui dira que ce n’est qu’un conseil de
vouloir entrer dans la vie ou de suivre Jésus?
Cela veut dire: puisque tu veux être parfait… Or dans le sermon sur la
montagne Jésus a déjà dit à tous sans exception, comme le dit le Pape Pie XI:
«Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait!» C’est une obligation
pour tout le monde; Jésus ne pouvait pas offrir cette perfection au jeune homme
comme un conseil ou une chose libre.
On
dit, ce jeune homme est sauvé puisqu’il observait les commandements. D’abord quels sont ces commandements? C’était un bon païen comme la plupart des
Juifs, tout aux choses de ce monde et il se contentait d’observer les
commandements de la loi naturelle. Le
premier commandement n est pas cité du tout.
C’est comme les prêtres de nos jours qui ont laissé tomber dans l’oubli
pratique ce commandement. Or dans le
sermon sur la montagne Jésus dit: Si votre justice n’est pas plus grande que
celle des scribes et des pharisiens vous n’entrerez point dans le royaume des
cieux. Eh bien les pharisiens
observaient en général tous les commandements de la loi naturelle et selon
l’esprit de la seule loi naturelle.
Est-ce que de nos jours dans le christianisme même les prêtres en
général ne se contentent pas des préceptes négatifs de la loi chrétienne? Comme ils sont rares ceux qui exigent l’amour
de Dieu dans le concret avec son correspondant: mépris des choses créées. Il ne faut pas être surpris que les prêtres
de l’ancienne loi soient tombés dans cette erreur… Voici la plus grande
objection à mon interprétation. C’est que St-Paul aux Gal. 5-14 dit: Toute la loi est renfermée dans ce
seul précepte: tu aimeras ton prochain comme toi-même. Or Jésus cite ce commandement au jeune homme
qui affirme l’avoir observé. D’abord je
réponds avec le P. Prat et Fillion que
dans ce texte il ne s’agit que de la loi de Moïse et donc interprétée selon
l’esprit du temps qui était du naturel pur.
L’amour du prochain était naturel, ce n était pas l’amour surnaturel,
exigé par Jésus qui va jusqu’à aimer ses ennemis pour l’amour de Dieu. St-Jérôme dit qu’il mentait quand il disait
aimer son prochain car il n’a pas voulu lui donner son bien ni même de son
bien. St-Basile lui demande comment
est-il devenu si riche s’il aimait les autres comme luimême? En tout cas il est bien certain qu il a
préféré ses richesses à Dieu puisqu’il n’a pas voulu s’en départir quand Jésus
le lui demanda. Son amour du prochain
donc ne pouvait pas être surnaturel, donc n’était pas pour Dieu et donc il ne
pouvait pas être sauvé dans ces dispositions actuelles. La preuve qu il n’aimait pas son prochain
comme lui-même est qu’il n’a pas voulu distribuer ses biens aux pauvres quand
Jésus le lui demande. Il lui manquait
donc l’amour surnaturel de Dieu et du prochain pour entrer au ciel. C est ce que l’on trouve dans St-Marc, 10 et
St. Luc, 18, qui racontent tous les deux
le même épisode du jeune homme riche. Au
lieu du «si tu veux être parfait» de St.
Mt., les deux autres ont: «il te manque encore une chose». Après qu’il eut dit qu’il avait observé les
commandements tels que cités par Jésus et qui étaient seuls ceux que le jeune
homme devait observer, Jésus lui dit: «Il te manque encore une chose» et cela
pour entrer dans la vie, car le jeune homme avait demandé que faut-il que je
fasse pour entrer dans la vie éternelle.
Or justement ce que Jésus lui dit de faire lui donnerait l’amour et de
Dieu et du prochain. Il était évidemment
attaché à ces biens, donc il n’aimait pas Dieu, car il préféra garder ses
biens, ni le prochain puisqu’il ne voulait rien lui donner.
Les
paroles de Jésus quand le jeune homme s’en va triste confirment cette
interprétation, puisqu’il dit à ses Apôtres: Qu’il est difficile aux riches
d’être sauvés, et un évangéliste dit: Qu’il est difficile pour ceux qui mettent
leur confiance dans les richesses d’être sauvés. C’était évidemment le cas du jeune homme en
question. S’il ne s’agissait pour lui
que de la vie plus parfaite des religieux comme ceux-ci aiment à le croire, les
paroles de Jésus n’ont plus de sens.
Jésus répète deux fois son: Qu’il est difficile aux riches d’être
sauvés. On pourrait lui répondre tout de
suite: mais votre jeune homme est déjà sauvé d’après les religieux. Si l’interprétation des religieux est vraie,
Jésus aurait dû dire: Qu’il est difficile aux riches de se faire
religieux! et les Apôtres auraient dû
ajouter: Qui peut donc devenir religieux?
Mais ils disent: qui peut donc être sauvé? On apporte une objection enfantine: on dit:
Jésus le regarda et l’aima! donc il
était sauvé… Ce n’est pas vrai nécessairement.
St. Jean dit: que Dieu nous aima de toute
éternité. Est-ce que tous sont
sauvés? Pas du tout. Jésus aime les pécheurs, les païens et tous
les hommes sur la terre même longtemps avant qu’il les appelle à la foi. Il aima donc ce jeune homme quand il lui
indique le moyen d’arriver au ciel: se détacher de ses biens pour aimer Dieu et
son prochain. On peut comparer un autre
texte en St. Luc, 10-25, quand un scribe
pose la même question à Jésus: «Maître, que ferai- je pour posséder la vie
éternelle?» Ici, c’est Jésus qui lui demande ce qui est écrit dans la loi. Or le scribe cite seulement le premier
commandement tel que donné dans le Deutéronome, 6: «Tu aimeras le Seigneur ton
Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton
esprit et ton prochain comme toi-même».
Alors Jésus lui lit: «Fais cela et tu vivras.» Il ne lui manque aucune
autre condition. Or cet amour de Dieu
exige le mépris des créatures et l’amour du prochain exige qu’on se dépouille
en sa faveur. On voit tout de suite que
le jeune homme n’avait pas l’amour de Dieu ni du prochain qui donne la vie
éternelle. Le jeune homme ne pratiquait
que les préceptes négatifs et l’amour du prochain on pourrait dire aussi
négatif dans le sens qu’il ne lui faisait pas de tort, mais il n’allait pas à
l’amour du prochain demandé dans la nouvelle loi par Jésus. Tandis que le Scribe cite les deux
commandements de l’amour de Dieu et du prochain qui contiennent tous les
préceptes négatifs, mais pas vice versa.
Donc ce jeune homme était un bon «païen» de mentalité qui avait mis son
coeur dans les richesses et qui l’a gardé au moins dans sa façon d’agir avec
Jésus. En Luc, 11-33, Jésus dit: «Si
quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon
disciple.» Encore un «si» consécutif pas du tout conditionnel; le renoncement
n’est pas une affaire de conseil, mais absolument nécessaire au salut. Or il est évident que le jeune homme riche
était attaché à ses biens puisqu’il n’a pas voulu s’en départir quand Jésus le
lui demandait. Donc, il n’était pas sauvé
dans les dispositions qu’il avait à ce momentlà. Eh bien!
qu’on nous laisse la paix avec ce fameux jeune «païen», modèle des
religieux depuis des siècles: Deux évangélistes disent après qu’il a avoué
avoir pratiqué les commandements cités par Jésus: il te manque encore une chose
pour entrer dans la vie; c’est ce qu’il avait demandé. Mais pourquoi Jésus ne lui a-t-il pas cité le
premier commandement? C’est qu’il le
prend tel qu’il était dans sa vertu naturelle, qui était bonne de fait, mais
insuffisante comme Jésus le lui insinue assez clairement en lui disant: Il te
manque encore une chose. On a un
principe bien admis par tout le monde en exégèse, qu’on ne peut jamais faire
contredire les évangélistes. Eh bien,
les deux: Il te manque encore une chose, de St-Luc et St-Marc, ne peuvent pas
contredire le «Si tu veux être parfait» de St.
Mt., mais il signifie la même idée.
Or il est clair que ce jeune homme n’était pas sauvé avec cette parole
de Jésus: il te manque encore une chose.
Et donc il n’était pas plus sauvé avec l’autre: Si tu veux être
parfait. Cette perfection dont il s’agit
ne peut donc pas être la pratique des conseils évangéliques comme les religieux
le prétendent, mais il s’agissait de la perfection divine qui consiste dans la
charité de Dieu et du prochain, que ce jeune homme n’avait pas encore au degré
voulu pour entrer dans le ciel.
Donc
ce n’est pas vrai que le «Si tu veux être parfait» était une offre de la
perfection religieuse de conseil.
Surveillons les sermons de prise d’habit et de voeux. C’est là qu’on est exposé à parler selon
cette idée fausse que la perfection est libre ou de conseil. Qu’on n’oppose jamais la perfection des
conseils à la vie des gens du monde.
Qu’on soit bien clair, que l’avantage de la religieuse n’est que dans le
moyen plus parfait qu’elle prend. Qu’on
fasse bien attention de dire sans spécifier que Dieu l’a choisie pour la
perfection tandis que ses soeurs et ses parents dans le monde ne seraient pas
appelés à la perfection. Ce ne serait
pas vrai! Qu’on ne fasse plus la bêtise
de citer le «Si tu veux être parfait» comme s’il constituait un conseil de
perfection: encore là ce n’est pas vrai!
Là n’est pas du tout le conseil ou un conseil; c’est une obligation
absolument aussi stricte que possible pour tout homme sans aucune exception Le
prédicateur peut dire que Dieu a choisi cette jeune fille pour être religieuse
de préférence à bien d’autres qu’il laisse dans le monde, très bien; mais qu’il
n’aille pas dire que Dieu l’a choisie pour la perfection de préférence aux
autres. C’est absolument faux! Que le St-Esprit enfin ouvre les yeux
spirituels des prêtres et surtout des religieux sur la vérité de cette question
de perfection. Je termine en répétant
les paroles de St-Jean Chrysostome: «Ce qui a bouleversé le monde, c’est qu’on
s’est imaginé que le moine seul est tenu à la perfection de la règle
évangélique, mais que les autres peuvent vivre dans le relâchement. Il n’en est point ainsi, certes non, il n’en
est point ainsi. «Nous sommes tous
obligés à la même perfection…!»