vendredi 31 juillet 2015

Saint Ignace de Loyola - Les deux étendards



INTRODUCTION A LA MÉDITATION
DES DEUX ÉTENDARDS

Ou prélude aux considérations à faire sur l’état de vie auquel on peut être appelé.
(Trad. des Ex.)

Notre-Seigneur obéissant à Nazareth à ses parents se présente à nous comme le modèle de ce premier état de vie qui consiste à observer les commandements, et qu'on appelle vie commune.

Mais du moment que Jésus-Christ, âgé de douze ans, abandonnant son père nourricier et celle qui selon la nature était sa mère, se rend au temple et y demeure, afin d'y vaquer tout entier au service de son Père éternel, comme il doit le faire pendant les trois années de sa vie publique; il semble nous donner l'exemple et l'idée d'un second état qui est celui de la perfection évangélique.

Il est donc à propos ici, pendant que nous contemplons sa vie, d'examiner et de demander avec instance la grâce de connaître quel est le genre propre et l'état de vie où il plaira davantage à la majesté divine de nous faire servir à sa gloire.

Nous serons guidés dans cette recherche par l'Exercice suivant, qui met en parallèle et en opposition les pensées et les vues de Jésus-Christ avec celles de son ennemi mortel. Nous apprendrons là quelle doit être notre disposition pour que nous arrivions à la perfection de l'état, quel qu'il soit, que la divine bonté nous conseillera de choisir.

LES DEUX ÉTENDARDS.

NOTA. Cet Exercice est une sorte de parabole, dans laquelle saint Ignace nous représente Notre-Seigneur et Lucifer comme deux capitaines armés l'un contre l’autre, et appelant tous les hommes sous leur étendard. Il a pour but de nous remettre sous les yeux les droits de Jésus-Christ à nos services, et de nous fixer sans retour sous sa bannière.

Oraison préparatoire. — La même.

Premier Prélude. — Considérer d'un côté Notre-Seigneur ; de l'autre, Lucifer , qui tous deux invitent les hommes à suivre leur étendard.

Deuxième Prélude. — Construction de lieu. — Se représenter deux vastes plaines : dans l'une, auprès de Babylone, Lucifer rassemblant autour de lui tous les pécheurs ; dans l'autre, auprès de Jérusalem, Notre-Seigneur environné de tous les justes.

Troisième Prélude. —Demander la grâce de découvrir et d'éviter les pièges de Lucifer, de bien connaitre et d'imiter les vertus de Jésus-Christ.

PREMIER POINT.
L'étendard de Lucifer.

1° Représentez-vous le prince des réprouvés, dans les vastes plaines de Babylone, sur un trône de feu, environné d'une fumée épaisse, répandant l'effroi autour de lui par la difformité hideuse de ses traits et ses regards terribles. Méditez le sens caché de ces figures. Ces vastes plaines signifient la voie large où marchent les pécheurs... Babylone, ville de confusion, désigne le désordre d'une conscience coupable... ce trône de feu est le symbole de l'orgueil et des passions qui dévorent les âmes comme l'incendie... cette fumée épaisse est l'image de l'aveuglement du pécheur et de la vanité de ses plaisirs.. ces traits hideux et ce regard terrible de Lucifer expriment la difformité du péché et les opérations du mauvais esprit dans les âmes, c'est-à-dire le trouble, l'agitation, l'abattement et la tristesse.

2° Considérez autour de Lucifer la foule innombrable de ses sectateurs et de ses ministres....Là, se trouvent réunis tous les pécheurs de tous les siècles... là, les démons qui, les premiers, levèrent dans le ciel même l'étendard de la révolte contre Dieu, esprits dégradés dont le mal est devenu comme la nature... là, tous les hommes qui se sont faits esclaves des passions et du péché... les orgueilleux... les impudiques... les ravisseurs du bien d'autrui... les homicides... tous les scélérats qui épouvantèrent le monde de leurs crimes , etc... Dans cette immense assemblée, pas un seul homme qui ne soit méprisable par quelque endroit... Mais pour quel dessein Lucifer les convoque-t-il sous son étendard ?... pour le dessein le plus perfide et le plus barbare qui se puisse imaginer... Il s'agit de séduire le genre humain tout entier, et, après l'avoir séduit, de l'entraîner dans un malheur infini...

3° Écoutez en esprit Lucifer s'adressant à ses ministres, leur ordonnant de tendre de tous côtés des pièges aux hommes pour les perdre : Venite... insidiemur sanguini, abscondamus tendiculas contrà insontem frustrà : deglutiarnus eum sicut infernus viventem... omnem pretiosam substantiam reperiemus , implebimus domos nostras spoliis[i]. Remarquez ses artifices et les trois degrés ordinaires de ses tentations...comment d'abord il prend les âmes par l'amour des riches, puis comment il les jette dans l'ambition, et enfin de l'ambition dans l'orgueil, abime sans fond, d'où sortent tous les vices comme de leur source. Voyez avec quelle activité et quelle patience de zèle les ministres de Lucifer accomplissent l'apostolat qu'il leur impose... comme ils font tout servir à la perte des rimes... les défauts de l'esprit... les inclinations du cœur— le caractère... les habitudes... les passions... les chutes... les vertus même, et jusqu'aux grâces de Dieu... Enfin, contemplez le succès de l'enfer dans son entreprise... combien d'insensés se laissent prendre tous les jours à ces pièges!... combien qui s'y jettent en aveugles, et d'eux-mêmes... combien qui, peu contents de s'être laissé séduire, travaillent encore à séduire leurs frères!... Faites un retour sur vous-même... étonnez-vous d'avoir cédé si souvent et si facilement aux tentations de l'ennemi... pleurez votre folie et votre faiblesse passée, et prenez la résolution d'être plus sage et plus courageux à l'avenir.

SECOND POINT.
L'étendard de Jésus-Christ.

1° Représentez-vous une plaine riante auprès de Jérusalem, et là, non pas sur un trône, mais confondu au milieu de ses sujets, Notre-Seigneur, attirant tous les cœurs par la beauté et le charme irrésistible de ses regards. Méditez le sens caché de ces figures : cette plaine riante signifie la voie des justes, rude en apparence, mais douce et heureuse dans la réalité... Jérusalem, cité des Saints, vision de paix, est le symbole d'une conscience pure... Notre-Seigneur est représenté sans trône et confondu parmi ses sujets, pour exprimer son humilité et les anéantissements de sa vie mortelle... Il se montre comme le plus beau des enfants des hommes... Speciosus forma proe fliis hominum (Ps. 44. 3) et avec tous les traits sous lesquels l'ont annoncé les Prophètes... Non erit tristis neque turbulentus[ii] — Non enim habet amaritudinem conversatio illius, nec toedium convictus illius, sed loetitiam et gaudium[iii]. — Calamum quassatum non conteret, et linum fumigans non exstinguet[iv]. C'est l'image de la beauté, de la vertu et des opérations du bon esprit dans les âmes, c'est-à-dire, de la joie, du calme, des consolations, etc...

2° Considérez autour de Notre-Seigneur ses disciples et ses Apôtres... où trouver une plus auguste assemblée?.., là sont réunis les Justes et les Saints de tous les siècles.., là, les Patriarches... les Prophètes... le Apôtres... les Martyrs... les Pénitents... les Vierges... les Docteurs... les saints Pontifes... là, pas un seul des vices... une seule des faiblesses qui déshonorent l'humanité... là, au contraire, toutes les vertus et poussées jusqu'à l'héroïsme... Mais pour quel dessein Jésus-Christ convoque-t-il ses Disciples sous son étendard?... Pour le dessein le plus juste... le plus noble... le plus généreux qui puisse être... pour ramener tous les hommes à la vertu, et par la vertu au bonheur du temps et à celui de l'éternité.

3° Écoutez en esprit Notre-Seigneur s'adressant à ses Apôtres et leur commandant de se répandre dans le monde entier pour sauver tous les hommes... Venit Filius hominis quœrere et salvum facere quod perierat.[v] — Ego veni ut vitam habeant et abundantiùs habeant.[vi] — Ignem veni mittere in terram , et quid volo nisi ut accendatur[vii]? — Ite in mundum universum, proedicate Evangelium omni creaturoe[viii]. —Docentes eos servare omnia quœcum que mandavi vobis[ix]. Remarquez par quels degrés opposés aux tentations de Lucifer Jésus-Christ conduit les âmes à la perfection... Il veut que ses Apôtres leur inspirent d'abord le détachement des richesses, et ensuite le désir de l'abjection d'où naît comme de sa source l'humilité, et avec elle toute vertu. Voyez avec quelle ardeur... avec quelle constance, les Apôtres accomplissent la mission que leur confie le Fils de Dieu. Représentez-vous tout ce que leur ministère leur coûte de travaux et de sacrifices... In omnibus exhibeamus nosmetipsos sicut Dei ministros , in multâ patientid, in tribulationibus , in necessitatibus , in angustiis , in plagis , in carceribus , in seditionibus, in laboribus, in vigiliis, in jejuniis , in castitate , in scientiâ, in longanimitate, in suavitate , in Spiritu sancto , in charitate non fictâ, in verbo veritatis, in virtute Dei , per arma justitiœ à dextris et à sinistris[x]. Enfin contemplez le succès de cette entreprise... combien de pécheurs arrachés heureusement à l'enfer... combien de disciples conquis à la pauvreté et à l'humilité évangélique... combien d'ap6'tres formés pour le salut des âmes et la gloire de Dieu... Retour sur vous-même et réflexions pratiques.

TROISIÈME POINT.
Élection entre les deux étendards.

Considérez que nous sommes tous placés entre Jésus-Christ et Lucifer, et qu'il est également impossible ou de les servir tous les deux à la fois, Nemo potest duobus dominis servire[xi], ou de rester neutre sans servir ni l'un ni l'autre ; car, dit encore Jésus-Christ : Qui non est mecum , contra me est[xii]. Il faut donc nécessairement faire un choix. Or, pour vous décider avec sagesse, examinez attentivement :

1° Les qualités des deux chefs. Dans Jésus-Christ tout ce qui peut captiver votre cœur... dans Lucifer, tout ce qui peut mériter votre aversion et votre haine.

2° Ce qu'ils ont fait pour vous. Jésus-Christ a été pour vous le plus généreux des bienfaiteurs... Lucifer, le plus cruel des ennemis.

3° Leur dessein. Celui de Jésus-Christ, c'est de vous associer à ses travaux et ensuite à sa gloire... celui de Lucifer, c'est de faire de vous d'abord le complice de ses crimes, puis le compagnon de son supplice.

4° Leurs promesses. Jésus-Christ vous promet des biens honorables... infaillibles... infinis... éternels... Interrogez tous les élus... tous rendent hommage à la vérité de ses promesses... tous confessent qu'il ne les a trompés qu'en les rendant heureux au delà même de leurs espérances... Lucifer vous promet des biens indignes de vous... incertains... qui laisseront le vide dans votre cœur— qui ne feront qu'ajouter à vos dégoûts et à vos agitations... qui passeront bientôt et se termineront à un supplice sans fin.

Leurs droits. Jésus-Christ a sur votre cœur les droits les plus sacrés et les plus incontestables... rappelez-vous ce que vous lui devez comme homme et comme chrétien... ce que vous lui avez promis tant de fois et si librement et si solennellement... Lucifer n'a de titres qu'à votre mépris. Vous l'avez renoncé, à la face du ciel et de la terre... sur les fonts du baptême... à la sainte table... vous ne sauriez-vous donner à lui sans parjure.

Colloques. -- 1° Avec la très-sainte Vierge... demandez-lui qu'elle vous obtienne de son Fils la grâce d'être reçu et de marcher constamment sous son étendard, d'abord dans l'amour, ou même, s'il vous y daigne appeler, dans la pratique de la pauvreté... ensuite dans l'amour de l'abjection et de l'humilité... Ave, Maria.

2° Avec Notre-Seigneur...lui demander la même grâce... Anima Christi.

3° Avec le Père éternel... item... Pater noster.

EXERCICES DES TROIS CLASSES.

Oraison préparatoire. —La même.

Premier Prélude. —Se représenter trois hommes atteints d'une maladie grave, qui tous désirent la santé, mais dont l'un ne veut d'aucun remède; l'autre, que de certains remèdes ; le troisième accepte tous les remèdes nécessaires à sa guérison.

Deuxième Prélude. —Figurez-vous que vous êtes en la présence de Dieu et des saints, et offrez au Seigneur un sincère et ardent désir de lui plaire.

Troisième Prélude. —Demandez la grâce d'une bonne élection, c'est-à-dire, la grâce de choisir ce qui est le plus agréable à la divine Majesté, et le plus utile à votre salut.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

Dans la méditation des deux Étendards, nous avons résolu de nous attacher à Jésus-Christ ; il s'agit d'examiner maintenant si 'cette résolution est sérieuse et vraiment solide. Il y a trois manières de se donner à Jésus- Christ ; et ainsi ceux qui se disent ses disciples se peuvent par4er en trois classes, lesquelles correspondent aux trois sortes de malades que nous présente le premier prélude. Tous en apparence veulent suivre Jésus-Christ, mais les uns ne veulent lui donner que des désirs; les au¬tres, que certaines œuvres ; les troisièmes se donnent tout entiers à lui et sans réserve. A laquelle de ces trois classes prétendons-nous appartenir ?

PREMIER POINT.

La première classe est de ceux qui ne veulent donner à Jésus-Christ que des désirs... A cette classe appartiennent tous ces chrétiens qui sont convaincus de la vérité de la Religion... des droits et du domaine de Dieu sur l'homme... de la malice du péché mortel... du malheur d'une âme surprise par la mort dans l'état du péché... de la nécessité du salut, etc... ils veulent, disent-ils, se sauver, se convertir... se sanctifier... mais ils s'arrêtent là, et ils laissent de côté tous les moyens nécessaires à la sainteté... à la conversion... au salut. Ces chrétiens peuvent se comparer à un malade qui veut guérir, mais qui ne veut se soumettre à aucun remède : évidemment ce malade ne veut pas sa guérison d'une volonté sérieuse, et tous ses désirs de santé ne sont que des illusions.

Examinez devant Dieu si cette disposition n'est pas la vôtre... Vous voulez vous convertir, vous sauver, vous sanctifier... mais la conversion, le salut, la sainteté... exigent des démarches, par exemple , la prière... la fréquentation régulière des sacrements... la fuite des occasions... la réforme des passions et des habitudes mauvaises... voulez-vous tout cela?

Si cette disposition était la vôtre, considérez combien elle est criminelle... Elle suppose l'abus des grâces et des inspirations de l'Esprit-Saint... Dans cet état on tonnait l'obligation d'être à Dieu... on sent au fond du cœur le désir de se donner à lui... on trouve autour de soi tous les moyens de conversion ou de sanctification ; et cependant on s'arrête à une volonté stérile et inefficace... c'est-à-dire que l'on ressemble à ces Juifs rebelles à la voix de Notre-Seigneur, dont il a dit : Si non venissem , et locutus fuissem eis , peccatum non haberent : nunc autem excusationem non habent de peccato suo[xiii] ; ou bien à cette terre maudite dont parle saint Paul : Terra enim sœpè venientem super se bibens imbrem...proferens autem spinas ac tribulos , reproba est et maledicto proxima : cujus consummatio in combustionem[xiv].

SECOND POINT.

La seconde classe est de ceux qui ne veulent donner à Jésus-Christ que certaines œuvres. A cette classe appartiennent tous ces chrétiens qui veulent se sauver, se convertir, se sanctifier   mais qui ne veulent prendre ni les moyens les plus sûrs, ni tous les moyens de salut, de conversion, de sanctification. Ils ressemblent au malade qui veut guérir, mais qui veut ne prendre que certains remèdes et rejeter les autres, les seuls cependant qui soient efficaces.

Faites un retour sur vous-même… N'y a-t-il pas certains sacrifices que Dieu demande parce qu'ils sont, vous le savez bien, la condition nécessaire de votre sainteté ou de votre salut, et que ce pendant vous lui disputez ? N'y a-t-il pas dans votre cœur une passion dominante, le principe de toutes les autres, l'occasion de toutes vos chutes, et à laquelle cependant vous voulez faire grâce?   
  
N'y a-t-il pas certains exercices de prière certaines règles de mortification chrétienne que demande votre retour ou votre avancement dans les voies de la vertu, et que vous n'osez pas embrasser?
Considérez bien que rester dans cette disposition, c'est :

1° Perdre le fruit principal de cette retraite ; car c'est renoncer au degré de vertu auquel Dieu vous appelait, et par conséquent à toutes les grâces qui en devaient être la suite, et au degré de gloire qui les eût couronnées dans le ciel.

2° C'est vous exposer à de très-graves périls du salut éternel; car Dieu a coutume de punir ceux qui résistent à sa voix, en leur retirant les grâces surabondantes dont il récompense les sacrifices d'une âme généreuse, et qui se donne à lui sans partage.

3° C'est accroître la difficulté en voulant l'éviter; car Dieu a coutume do répandre plus d'amertumes sur les passions que l'ou ménage, en sorte qu'il en coûte plus de les épargner qu'il n'en eût coûté de les immoler.

TROISIÈME POINT.

La troisième classe est de ceux qui se donnent à Dieu tout entiers et sans réserve. A cette classe appartiennent exclusivement les âmes qui veulent le salut, la conversion, la sainteté, et qui la veulent à quelque prix que ce soit, et quoi qu'il eu coûte, et par les moyens les plus efficaces. Ces âmes ressemblent à un malade qui veut la santé à tout prix, et s'abandonne sans restriction entre les mains et au traitement du médecin.

Méditez les motifs qui vous pressent de vous fixer dans cette dernière classe.

1° L'exemple des mondains. Ils se sacrifient sans réserve pour le monde, et pour quel monde encore!... Ne ferez-vous pas pour Dieu ce qu'ils font pour les hommes? Et illi quidem ut corruptibilem coronam accipiant ; nos autem incorruptam[xv].

2° L'exemple du démon. Est-il un seul moyen qu'il néglige?... une difficulté devant laquelle il recule lorsqu'il s'agit de perdre une seule âme ? Aurons-nous moins de courage pour notre salut qu'il en a pour notre perte ?

3°. L'exemple de Notre-Seigneur. S'est-il donné à nous à demi et avec réserve? Interrogeons la crèche..... la croix et le tabernacle.... Serons-nous avares de nous-mêmes avec un Dieu si prodigue?

4° Les bénédictions attachées d cette disposition de cœur, qui sont : la surabondance des grâces... la paix du cœur et l'onction de l'Esprit-Saint qui adoucira tous les sacrifices l'assurance morale du salut de grands mérites dans le temps et un poids immense de gloire pour l'éternité.

Prenons donc la résolution de suivre Jésus-Christ dans cette troisième classe, et disons avec l'Apôtre: Ego autem libentissimè impendam et superimpendar[xvi]. —Nihil horum vereor, neque facio animam meam pretiosiorem quàm me, dummodô consummem cursum meum[xvii].

Colloques. — 1° Avec la très-sainte Vierge ; —2° avec Notre-Seigneur ; —3° avec le Père éternel, comme dans l'Exercice des deux Étendards.

Observons ici que, lorsqu'on se sent au fond du cœur de l'éloignement pour la pauvreté parfaite, qui consiste non-seulement à être détaché en esprit, mais à se dépouiller réellement de ses richesses, lorsqu'on se sent incliné au contraire vers la possession des biens de ce monde , il est très-utile, pour détruire l'effet de ce penchant, de demander à Dieu , malgré toutes les répugnances de la nature, qu'il daigne nous appeler à ce détachement complet et effectif; et c'est là ce qu'il faut non-seulement demander, mais s'efforcer de désirer et solliciter avec instance, dans le seul intérêt du service et de la gloire de Dieu.


Manrèse ou les exercices spirituels de Saint Ignace mis à la portée de tous les fidèles



[i] «Venez avec nous; dressons tous ensemble des embûches pour répandre le sang ; tendons en secret des pièges à l'innocent qui ne nous a fait aucun mal : dévorons-le tout vivant comme l'enfer dévore les hommes... nous trouverons dans sa ruine toute sorts de biens et de choses précieuses1 nous remplirons nos maisons de dépouilles. » ( Prov. I. 41. 12. 13. )
[ii] « Il ne sera point triste dans son abord ni précipité dans sa conduite. » (Is. 42. 4.)
[iii] « Sa conversation n'a rien de désagréable, ni sa compagnie rien d'ennuyeux ; mais on n'y trouve que de la satisfaction et de la joie. » (Sag. 8. 16.)
[iv] « Il ne brisera point le roseau déjà cassé, et il n'éteindra point la mèche qui fume encore. » (Is. 42. 3.)
[v] « Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui avait péri. » (Luc, 19.10. )
[vi] « Je suis venu afin qu'ils aient la vie, et qu'ils l'aient abondamment. » (Jean, 10. 10.)
[vii] « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que veux-je, si ce n'est qu'il s'embrase » ( Luc. 12. 49)
[viii] « Allez par tout l'univers, annoncez l'Evangile à toute créature. » (Marc. 10. 15. )
[ix] « Leur apprenant à observer toutes les choses quo je vous ai prescrites. » (Matth. 28. 20.)
[x]  « Agissant en toutes choses comme des ministres de Dieu, rendons-nous recommandables par une grande patience dans les maux , dans les nécessités pressantes et dans les extrêmes afflictions ; dans les plaies, dans les privations, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes ; par la pureté, par la science, par une douceur persévérante, par la bonté, par lies fruits du Saint-Esprit, par nue charité ardente , par la parole de vérité, par la force de Dieu , par les armes de la justice, pour combattre à droite et à gauche. » (2. Cor. 6. 4, t, 6, T.)
[xi] « Nul ne peut servir deux matira. » (Matth. 6. 24.)
[xii] « Celui qui n'est point avec moi est contre moi. » (Luc, 11.23.)
[xiii] « Si je ne fusse point venu et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient pas de péché à se reprocher ; mais maintenant ils sont inexcusables. » (Jean. 15. 22.)
[xiv] « Une terre souvent abreuvée des eaux de la pluie qui l’arrose, si elle ne produit que des ronces et des épines, est en aversion à son maître, menacée de sa malédiction, et à la fin il y met le feu. » (Hébr. 8.7, 8.)
[xv] « Voilà ce qu'ils font pour gagner une couronne corruptible, au lieu que nous en attendue* une immortelle » (1. Cor. 9. 25. )
[xvi] « Pour ce qui est de moi, je donnerais volontiers tout ce que j'ai ; et je me donnerais encore moi-même. » (2. Cor. 12. 15.)
[xvii] « Je ne crains rien de toutes ces choses, et ma vie ne neuf pas plus précieuse que moi-même. » (Act. 20. 21.)

mardi 21 juillet 2015

Père Onésime Lacouture - 2-6 - La préparation à l'Incarnation


CINQUIÈME INSTRUCTION
LA PRÉPARATION À L’INCARNATION.

« Cieux, répandez votre rosée, et que les nuées fassent pleuvoir le Juste; que la terre s’ouvre, et enfante son sauveur »! 
Isaïe XLV, 8.

Si le Verbe vient en ce monde s’incarner pour notre salut, son plan exige qu’il vienne aussi mystiquement dans chacun de nous par sa grâce.  Or, comme Dieu est infiniment simple il fait les choses de la même manière en petit qu’en grand.  Une goutte de rosée reflète le soleil comme l’océan; la plus petite plante sort d’un germe comme le chêne.  Eh bien, Dieu exigera les mêmes conditions pour me préparer à recevoir Jésus dans mon âme qu’il a demandé au monde pour se préparer à recevoir le Messie, tout sera en petit pour moi à cause de la brièveté de ma vie, mais ce sera dans le même genre.  Or, nous sommes trop bornés pour comprendre les voies de Dieu dans notre courte existence: les données nous échappent pour tirer les conclusions pratiques pour l’avenir.  Mais, dans le recul de l’histoire du peuple de Dieu telle qu’écrite dans la Bible on peut voir clairement les conditions pour la préparation de la venue du Messie.  Nous n’avons qu’à les étudier pour les connaître et ensuite les appliquer à notre propre vie pour comprendre les voies de Dieu en chacun de nous.  Voyons d’abord: les caractères de cette préparation 1) Elle est longue.  Dieu fait attendre le monde quatre mille ans!  Pourquoi retarde-t-il si longtemps la Venue du Messie dont le monde avait tant besoin?  Comme nous serions tentés de crier l’exagération si ce n’était pas Dieu qui en fut la cause!  Le fait est là; Dieu infiniment sage et bon doit avoir de bonnes raisons pour agir de la sorte.  Essayons donc d’en connaître quelques-unes indiquées par les Pères de l’Eglise.  Elles nous aideront à comprendre pourquoi Dieu retarde aussi de se donner à nous quand nous le voulons!

1) Dieu voulait montrer aux hommes ce qu’il pense du péché en les soumettant à des siècles de misères et de souffrances de toutes sortes, et en les laissant s’engouffrer de plus en plus dans une déchéance de mœurs épouvantable pour leur apprendre ce qui les attend quand ils s’éloignent de Dieu.  Du fond de l’abîme où ils se sont précipités par leur faute, ils sentiront mieux le besoin d’un Sauveur.  2) La dignité du Verbe exigeait une longue attente afin de se faire désirer davantage et mieux apprécier quand il viendrait.  Plus les faveurs sont grandes et plus on les fait attendre.  3) Dieu voulait exécuter tout un plan d’interventions divines, par des figures, des prophéties, des miracles de toutes sortes afin que les hommes eussent là de bonnes preuves de la divinité du Messie et de sa mission divine.

4) Il n’y avait pas d’injustice pour Dieu de priver les générations du Messie d’abord parce qu’il n’était pas tenu de l’envoyer et ensuite parce qu’elles pouvaient être sauvées par l’espérance en ce même Messie.  Pour nous la venue de Jésus par sa grâce sera aussi très longue: pour ces mêmes raisons.  Dieu retarde de donner ses faveurs et tous les chrétiens devraient être inities à cette façon de faire de Dieu.  Il faut prier longtemps, montrer qu’on le veut à tout prix et continuer d’insister.  C’est alors que Dieu voit combien nous apprécions ces dons.  Mais que voit-on d’ordinaire?  Les gens prient un peu et souvent très mal et ils s’impatientent si Dieu ne les exauce pas tout de suite.  Souvent c’est parce qu’ils demandent des choses temporelles dont ils veulent jouir tout de suite.  Comme Dieu ne les exauce pas, ils se découragent et abandonnent la prière.  Ces gens regardent Dieu comme un serviteur qui doit être à leur service pour leur donner ce qu’ils veulent.  Ce sont ses dons qu’ils veulent et non pas lui.  La preuve est qu’ils se choquent s’il ne leur donne pas ce qu’ils demandent.  Dieu est aussi Dieu et aussi aimable quand il nous refuse quelque chose que quand il le donne.  Quand c’est Dieu qu’on aime pour lui-même, on lui demande des choses qui vont nous conduire à lui et nous le faire posséder davantage.  Alors quand il refuse on sait qu’il a de bonnes raisons et l’on aime mieux son jugement que le sien propre et l’on est content qu’il ait refusé.  Donc ceux qui s’énervent de n’être pas exaucés montrent qu’ils s’aiment plus que Dieu; c’est leur propre satisfaction qu’ils cherchent; ce n’est pas le bon plaisir de Dieu. 

Tandis que ceux qui aiment sincèrement Dieu préfèrent sa volonté à la leur; qu’ils soient exaucés ou non, c’est la même chose pour eux; ce qu’ils veulent avant tout, c’est le bon plaisir de Dieu et ils l’ont dans les deux cas: ils sont donc aussi heureux dans un refus que dans l’octroi de la faveur ou de la grâce: ils savent que jamais leur prière est perdue; si Dieu ne leur donne pas ce qu’ils ont demandé, il leur donnera quelque chose d’aussi bon ou même de meilleur.  Que les commençants sachent que tous les biens surnaturels qu’ils demandent à Dieu leur seront accordés dans le cours des années comme à leur insu.  Après un certain temps, ils s’apercevront qu’ils ont ce qu’ils ont tant demandé.  Que cela encourage les jeunes à demander beaucoup et les plus grandes faveurs possibles; comme une haute sainteté, les dons du Saint-Esprit, la grâce de faire un immense bien dans le monde et un bien jusqu’à la fin des temps… et de donner une immense gloire à Dieu, etc!  Voilà ce qu’il faut demander, quand on est jeune… et encore plus quand on vieillit… et qu’on ne l’a pas fait plus tôt; mieux vaut tard que jamais!  Le temps n’est rien pour Dieu; ce qu’il compte est l’amour!  Pourquoi alors mettre des bornes à Dieu?  Pourquoi fixer un terme à Dieu?  Cela se fait dans le naturel; ceux qui veulent être exaucés sur le champ montrent qu’ils sont aux choses de la terre.  Demandons des choses divines comme les anciens demandaient le Messie avec le salut de leur âme.  Dans les choses divines le temps n’entre pas en ligne de compte, mais l’amour et la prière.  Défions-nous aussi de nous impatienter dans les épreuves; elles nous apportent le divin sûrement, cela doit suffire à n’importe qui.

2) Pénible.  Il faut nous rappeler que le péché est entré dans le monde et qu’il continue ses ravages.  La race humaine est pécheresse: elle doit satisfaire la justice divine: il y a quelque chose-là qui dépasse toute la compréhension humaine.  Nous connaissons si peu Dieu qu’une offense faite à sa divine majesté ne nous dit pas grand-chose.  Nous devrions voir par tous les maux qui fondent sur les hommes à cause des péchés, ce que Dieu pense du péché.  L’histoire du monde est l’histoire se répétant toujours de toutes sortes d’affreuses calamités, de souffrances atroces et de luttes fratricides dans tous les peuples et dans tous les âges.  Les hommes eux-mêmes sont leurs propres bourreaux les uns aux autres.  St-Paul résume la perversion des hommes dans son premier chapitre aux Romains: «Remplis de toutes sortes d’iniquités, de malice, de fornication, d’avarice, de méchanceté; pleins d’envie, de meurtre, de l’esprit de contention, de fraude, de malignité, semant de faux rapports, détracteurs, haïs de Dieu, insolents, superbes, hautains, inventeurs de crimes, désobéissants à leurs pères et à leurs mères, insensés, dissolus, sans fidélité, sans miséricorde, etc.» C’est pour tous ces péchés que Dieu frappe les hommes de toutes sortes de maux épouvantables.  Que de guerres ont ravagé l’humanité depuis son commencement!  Que de misères ces guerres ont apporté au genre humain!  A part cela, toutes sortes de fléaux sur les individus, des infirmités, des mauvais traitements les uns des autres, des injustices de toutes sortes.  A travers cela quelle ignorance de Dieu et des voies de Dieu!  Personne ne peut améliorer le sort des peuples; un véritable échantillon de l’enfer sur la terre.  Eh bien, chacun de nous est coupable de toute une série de péchés plus ou moins graves et qui méritent tous les tourments de la terre!  Alors, en proportion que Dieu veut nous donner Jésus et une belle demeure dans la maison de son Père, Il nous fera expier ou essaiera de nous faire expier tous ces péchés.  Je dis; il essaiera, parce que combien vont offenser Dieu encore par d’autres péchés plutôt que de se soumettre aux épreuves que Dieu envoie pour nous faire expier nos péchés.  Très peu vont accepter les tribulations de la vie en expiation de leurs péchés; les autres vont se révolter contre Dieu et ses lois et les violer encore pour ne pas souffrir.  Même ceux qui ne pèchent pas, comme ils sont souvent impatients dans les épreuves!  Comme ils se plaignent devant Dieu d’être si dur pour des créatures «innocentes» comme eux.  On entend souvent: Qu’ai-je fait à Dieu pour qu’Il soit si dur envers moi?… et que de péchés de jeunesse que de péchés de l’âge mûr on a commis… et on n’y pense plus.  Parce qu’on les a confessés, on pense que tout est fini.  Eh bien les châtiments que Dieu envoie devraient nous ouvrir les yeux que tout n’est pas fini: qu’il reste une forte peine temporelle à expier même si tous les péchés sont pardonnés.  Avec la façon cavalière de se confesser de nos jours, et formés à la philosophie comme nos chrétiens le sont, combien s’accusent et disent leur pénitence tout de tête seulement: leur coeur n’y a pratiquement pas de part comme on le voit par leur manque de changement dans leur vie.

Pour ces raisons, ce n’est pas surprenant que la vie de chacun de nous soit traversée par tant de contrariétés et de souffrances et de douleurs et de peines de toutes sortes.  Dieu exige cette satisfaction avant de nous donner les lumières et les grâces qui nous apporteront Jésus au fond du coeur pour le salut de notre âme.  Qu’on ne soit pas étonné des croix qui viennent dans la vie: elles sont toutes bien méritées.

3) Obscure quand on juge chaque événement séparément ou chaque épreuve seule.  C’est seulement dans l’ensemble qu’on peut voir la façon d’agir de Dieu; voilà pourquoi il est bon pour nous de voir l’ensemble de l’histoire du peuple de Dieu qu’il s’est choisi précisément pour le préparer a recevoir le Messie.  Les juifs du temps ne voyaient rien à ce que Dieu voulait; les plus saints pouvaient avoir des lumières spéciales pour mieux comprendre, mais les autres ne comprenaient pas.  Combien de nos jours parmi les chrétiens ont même une idée vague du plan divin.  Ceux qui ne se plaignent pas comprennent le plan divin.  Or, sont-ils nombreux ceux qui acceptent avec résignation, en union avec Dieu, les croix qui leur arrivent?  C’est parce que nos gens ne sont pas assez instruits par les prêtres sur les voies de Dieu si bien enseignées dans l’Ancien Testament, du moment qu’on prend la clef, à savoir que Dieu nous préparera pour recevoir Jésus dans la grâce comme il a préparé son peuple pour recevoir Jésus dans le monde.  Or, est-ce que la plupart des chrétiens ne regardent pas comme ennemi justement ce que Dieu fait pour leur donner le divin?  Nous savons maintenant qu’il faut enlever de l’humain pour mettre du divin, alors pourquoi se plaindre quand Dieu envoie des croix qui crucifient l’humain?  C’est que toutes cette sagesse de la folie de la croix n’est pas goûtée par la masse des prêtres.  Ils savent bien le nom mais ils semblent ignorer la chose.  En tout cas, ils n’en veulent pas ni dans leur vie ni dans leur prédication, ce n’est pas surprenant que les fidèles l’ignorent.  Dieu révèle sa sagesse à ceux qui la cherchent.  Que les prêtres et les fidèles lisent les livres ascétiques et mystiques, qu’ils étudient à fond les Evangiles et les Epîtres et ils finiront par trouver comment Dieu agit pour nous sauver et pour nous sanctifier à travers et avec toutes les tribulations qu’il nous envoie pendant la vie.  Il faudrait aussi invoquer souvent, plusieurs fois par jour même, le Saint-Esprit.  C’est lui qui ouvre l’intelligence aux choses divines à ceux qui le lui demandent constamment.  Ne manquons pas d’invoquer aussi l’aide de la Sainte Vierge qui a donné la Sagesse Incarnée au monde: elle peut encore nous donner à chacun la Sagesse mystique par la grâce de Jésus-Christ, son divin Fils.

SON HISTOIRE 1) Dans les Personnes.  C’est en examinant l’histoire des principaux personnages dans le peuple Juif et ensuite l’histoire du peuple même que l’on découvre les exigences de Dieu pour se donner aux hommes.  Commençons par quelques personnes d’abord.  Nous remarquons que c’est absolument par un libre choix de Dieu qu’ils deviennent les amis de Dieu.  Dieu les choisit à l’improviste sans qu’un seul ait mérité cette faveur de Dieu.  Prenons les grands prophètes.  Dès leur jeunesse ils sont envoyés prisonniers en pays étrangers; ils sont constamment persécutés par le peuple et par les rois qui ne goûtaient pas les terribles châtiments dont ils les menaçaient à cause de leur idolâtrie.  Tous souffrent horriblement.  Jérémie veut se mettre en grève contre Dieu; il boude et ne veut plus prophétiser; il veut mourir tant il souffre.  Dieu les éprouve en proportion des lumières prophétiques qu’il leur donne et de la sainteté qu’il leur destine.  Tobie est aussi envoyé en exil et là c’est une série continuelle de tous les maux et à travers ces misères Dieu l’inonde de lumières divines pour comprendre les voies de Dieu.  Il saisit bien l’évangile de la folie de la croix longtemps avant qu’il soit donné par Jésus.  Après avoir été conduit à Ninive sous Salmanasar il est dépouillé de tous ses biens par Sennachérib qui l’exila encore.  Puis il l’affligea de cécité.  Dans cet état il fut l’objet des risées et des moqueries de ses propres amis.  Il resta fidèle à Dieu quand même et finalement reçut la visite de l’archange Raphaël comme récompense de sa foi.  Judith est préparée par Dieu pour toutes sortes de privations.  Devenue veuve, elle se donne toute à Dieu; elle jeûne tous les jours excepté les jours de fête et elle passe son temps en prière dans son oratoire qu’elle s’est construit sur le toit de sa maison.  En plus elle se mortifiait en portant le cilice et en fuyant les divertissements de son temps.  Elle aurait pu jouir de tous les plaisirs étant très riche mais son coeur n’était pas du tout dans sa fortune, mais en Dieu seul.  Aussi Dieu la choisit pour sauver son peuple des mains d’Holopherne qu’elle décapita et sauva ainsi son peuple de ses ennemis.  Quelle sagesse divine elle reçut de Dieu?  Elle aussi comprend la folie de la croix bien avant qu’elle fut donnée par Jésus.  Son discours peut résumer tout ce que nous pourrions dire des personnes choisies par Dieu.  «Maintenant, mes frères, puisque vous êtes les anciens du peuple de Dieu, et que leur vie dépend de vous, relevez leurs coeurs par vos paroles pour qu’ils se souviennent que nos pères ont été éprouvés afin qu’on connût s’ils servaient véritablement leur Dieu.  Ils doivent se rappeler comment Abraham notre père a été tenté, et comment, éprouvé par beaucoup de tribulations, il est devenu l’ami de Dieu.  De même Jacob, de même Isaac, de même Moïse, et tous ceux qui ont plu à Dieu ont passé par beaucoup de tribulations en demeurant fidèles… et les autres qui ont murmuré, ont été tués par les serpents.» Ainsi, on voit que l’exil, les persécutions, les jeûnes, l’isolement ont préparé les amis de Dieu dans l’ancien testament à recevoir les lumières divines. 

Daniel était dans la solitude sur le bord du Tigris et il jeûna trois semaines avant de recevoir sa fameuse vision de la venue du Messie.  Ezéchiel était à se promener seul sur les bords du fleuve Chobar en exil en Babylonie quand Dieu le choisit pour être son prophète.  Après avoir vu quelques individus traités tous de la même façon pour devenir les dépositaires des lumières divines sur le Messie, voyons l’histoire d’Abraham et de tout le peuple Juif où Dieu agit encore plus en grand et donc où ses voies apparaissent encore plus clairement.

2) Dans le peuple Juif.  Le monde allait si mal en se dépravant de plus en plus qu’il perdait toute notion de Dieu et du futur Messie.  Alors, Dieu résolut de se choisir un peuple spécial qu’il cultiverait d’une façon spéciale et avec lequel il resterait en continuel contact.  Nous allons voir Dieu se préparer ce peuple à son goût pour recevoir le Messie.  Il va donc mettre là justement sa sagesse qu’il veut voir en tous ceux qui veulent recevoir le divin.  Nous avons donc une belle chance de découvrir la manière d’agir de Dieu pour donner Jésus et donc sa manière ordinaire pour donner à n’importe qui ce même Jésus par la grâce.  Il choisit Abraham comme chef qui avait déjà 75 ans!  C’est une leçon pour tous ces jeunes apôtres qui croient remuer le monde dès le début de leur apostolat!… et qui se découragent aux premiers échecs.  Dieu regarde les dispositions intérieures et l’esprit de foi.  Ceux qui s’impatientent montrent qu’ils ne comptent pas sur Dieu… et Dieu ne coopère pas avec eux.  Dès qu’il choisit Abraham, il l’envoie en exil afin qu’il laisse une foule d’attaches au pays natal.  Il amène son neveu avec lui… et il se chicane avec lui de sorte qu’il est obligé de s’en séparer.  Dieu veut des cœurs libres de toute attache à son service!  Puis, il l’éprouve deux fois dans la perte de sa femme.  «Va-t-en de ton pays, de ta famille et de ta maison… et après cela je te bénirai et ferai de toi une grande nation»!  L’isolement des créatures est une première condition pour recevoir le divin!  Quand même, Dieu n’envoie pas tous les chrétiens en exil, il sait faire l’exil autour d’eux.  Le monde est tellement païen que dès qu’on se donne tout aux choses de Dieu, on paraît excentrique, bizarre et même fou.  Les gens deviennent hostiles et s’éloignent de celui qui ne vit plus comme eux.  Bien plus, ils le persécuteront de toutes façons pour l’obliger à abandonner son genre de vie étrange pour eux.  Cette épreuve est la première et elle est très dure et dangereuse parce qu’on n’est pas encore fort dans la vertu.

Même pour le clergé un prêtre qui cherche la perfection est un être étrange que les autres surveillent pour voir s’il ne devrait pas être interné.  Plusieurs essaieront de le sauver de sa «mélancolie» par des conseils de païens: ils lui diront de se distraire plus dans les amusements: d’aller aux vues, ou au théâtre, aux joutes de toutes sortes pour se distraire, autrement il va perdre la tête.  Surtout la folie religieuse est la plus durable!  Ils l’accusent d’orgueil, de vouloir attirer l’attention du monde sur lui.  Ils lui conseillent une sainteté qui n’attire pas les regards des gens, une sainteté comme tout le monde!  Après l’éloignement des amis et du monde connu, Dieu envoie des épreuves intérieures.  Ainsi, Abraham avait 99 ans quand Dieu lui annonce qu’il sera le père d’un enfant en qui Dieu continuera les promesses qu’il a faites à Abraham.  C’était lui annoncer une impossibilité physique pour son âge.  Abraham crut en la parole de Dieu.  Dieu voulait nous montrer que ses voies ne sont pas les nôtres et qu’il peut faire ce que les hommes ne peuvent pas faire afin qu’on lui attribue toute la gloire.  Quelle leçon pour les excités et les affairés qui comptent toujours sur le temps au lieu de compter sur Dieu.  Que ceux qui ont perdu leur temps dans leur jeunesse rachètent leur vie par la ferveur dans l’amour de Dieu.

Mais voici le grand sacrifice d’Abraham.  Dieu lui avait promis que par Isaac il serait l’ancêtre du Messie et du peuple de Dieu.  Or, voici que Dieu un jour lui ordonne d’immoler Isaac.  C’était insensé au jugement d’Abraham et c’était cruel pour son cœur de père, car Dieu lui disait d’immoler Isaac lui-même son propre père!  Dieu brisait du coup et le jugement et le cœur d’Abraham; donc toute sa personnalité morale.  C’était bien le renoncement à soi-même que Jésus demandera plus tard.  Les voies de Dieu exigent donc le sacrifice de notre jugement et de tout notre amour humain, pour prendre la sagesse divine et l’amour divin.  Nous devons préférer Dieu à notre propre vie comme le dit Jésus.  Abraham aurait préféré mourir que d’immoler Isaac.  S.  Paul dit qu’Abraham est notre père dans la foi.  C’est dire que Dieu fera pour ses enfants ce qu’il a fait à Abraham dans la proportion qu’il veut leur donner Jésus.  Il nous demandera le sacrifice de notre petit jugement plusieurs fois en petit pour nous habituer à le faire en grand un jour dans une terrible épreuve qui montrera dans quel sens penche notre coeur: vers les créatures ou vers le Créateur.  Il nous laissera aimer une chose comme notre Isaac et un jour Il nous demandera le sacrifice de cette affection particulière très grande pour nous.  C’est alors que nous verrons si nous aimons Dieu plus que nous-mêmes comme il l’exige pour aller au ciel.  Qu’on s’y prépare par tous les petits sacrifices que Dieu demande au jour le jour.  Ce sera d’autant plus dur que Dieu se cachera derrière un supérieur ou des supérieurs, hommes comme nous et que nous trouverons très imparfaits à ce moment-là.  Mais la foi enseigne qu’il nous faut obéir en tout même ce qui nous déplaît du moment que c’est dans l’ordre de notre obéissance.  Parce qu’Abraham a obéi dans cette chose si difficile, Dieu alors lui renouvelle toutes ses promesses et le confirme dans sa grâce et le comble de ses bénédictions… et sa postérité aura la Terre Promise un jour et le Messie sortira de sa race.

Ce que Dieu avait fait pour Abraham, il le fait pour sa postérité, le peuple juif.  Par Joseph il envoya tout ce peuple en Egypte où après la mort de Joseph, il les fit opprimer par les Pharaons pendant 400 ans.  «Les Egyptiens firent travailler les enfants d’Israël, par force; ils leur rendaient la vie amère par de rudes travaux, mortier, briques et toutes sortes de travaux des champs, tout le travail qu’ils leur imposaient avec dureté.» Ex.  I.  Pendant ce dur esclavage Dieu les bénissait et ils augmentaient au grand déplaisir des Egyptiens.  Ils priaient Dieu et en parlaient constamment.  Nous verrons plus tard qu’au désert où ils n’avaient plus rien à faire et que Dieu pourvoyait à tous leurs besoins, ils murmuraient toujours!  Quand Dieu décida de les faire sortir d’Egypte, il choisit Moïse élevé en exil et qui avait déjà 80 ans!  On sait avec quels grands miracles il les fit sortir d’Egypte, mais les juifs n’ont pas plus confiance en Dieu; à chaque épreuve ils murmurent comme si Dieu n’avait jamais rien fait pour eux.  Qu’il est difficile à l’homme de s’élever au-dessus des sens!  Il faut une grâce bien spéciale.  Après avoir affligé les corps en Egypte par ces corvées Dieu va maintenant éprouver leur foi en leur demandant de renoncer à leur propre personnalité morale.  Il leur demande ce que Jésus nous demande de renoncer à soimême; à son jugement et à sa volonté, à sa vie humaine pour faire une vie toute divine.  Il va donc leur demander une foule de choses qui sont sottes pour l’intelligence humaine et cruelles pour le coeur humain.  C’est justement pour cela qu’il les fait passer 40 ans dans le désert où c’est impossible de trouver de quoi vivre.  Or, s’ils vivent, la gloire en sera sûrement à Dieu seul!  Il veut leur faire pratiquer la doctrine qu’il donnera plus tard sur la montagne des béatitudes: «Cessez d’agir comme des hommes pour agir uniquement comme des enfants divinisés»!  Il va donc attaquer leur jugement et leur volonté constamment par toutes sortes de sottises pour eux et de choses difficiles.

Il les mène à la mer et les fait poursuivre par les Egyptiens!  Ils sont pris entre deux morts certaines!  Les voilà qui murmurent.  Dieu dit à Moïse de frapper les eaux avec son bâton et les eaux s’entrouvrent et leur laissent un bon passage où ils peuvent s’échapper.  Leurs ennemis arrivent par le même passage, mais Moïse touche les eaux et elles se referment sur les Egyptiens qui se noient.  Leurs provisions épuisées, les voilà sans nourriture dans ce désert.  Tous les miracles sont oubliés et les voilà encore qui murmurent contre Dieu: «Va-t-il nous mettre la table dans ce désert?» Eh bien, Dieu fait mieux que cela: il leur fait tomber du ciel toutes les nuits la manne pour les nourrir pendant leur séjour au désert.  Il fait jaillir l’eau des rochers!  Il les dirige constamment par une colonne de feu la nuit et un nuage le jour.  Toutes ces interventions miraculeuses et beaucoup d’autres ne leur ouvrent pas du tout les yeux sur Dieu.  De plus il punit de toutes sortes de façons les plaignards, mais rien n’y fait; les juifs n’apprennent pas leur leçon de confiance en Dieu seul.  Le surnaturel n’entre pas du tout dans leur tête.  Aussi il n’y a que deux hommes, Josué et Caleb, qui entreront dans la Terre Promise après être sortis d’Egypte.  Même Moïse, à cause de son doute, expire en face de la Terre Promise.

L’intention de Dieu en faisant passer ce peuple à travers le désert pendant 40 ans était de lui faire pratiquer le «Qu’il se renonce lui-même!» Pour être divinisé il faut sacrifier sa personnalité morale et donc renoncer à son jugement et à sa volonté, ou à sa sagesse humaine et à son amour de soi-même.  Il veut la mort du païen, ou du vieil homme, afin que le nouvel homme surnaturel soit le seul à vivre en nous.

Eh bien, dans l’ordre mystique ou de la grâce, c’est exactement ce que Dieu veut faire de chacun de nous.  C’est pourquoi, en proportion qu’on en vaut la peine et qu’il veut nous sanctifier, il nous fera passer par ces mêmes épreuves d’une façon ou d’une autre.  Il nous demandera toutes sortes de sottises et de choses pénibles à la nature afin de nous faire perdre notre confiance en nous-mêmes pour ne la mettre qu’en Dieu comme des êtres divinisés doivent faire.  Chaque chrétien rencontrera sur sa route quelque «Pharaon» qui lui imposera des corvées dures et qui l’embêtera de toutes façons.  Il aura beau gémir, disputer, son esclavage durera longtemps… tant qu’il murmurera!  Plus tard, Dieu s’acharnera à détruire sa mentalité païenne ou son amour-propre en lui demandant des choses absurdes et impossibles… et il ne pourra pas les éviter sans péché.  Combien vont se jeter dans les bras de Dieu comme les juifs à la mer pour ne pas offenser Dieu?  Combien vont avoir confiance en Dieu même après la rédemption et après tous les miracles que Dieu a faits pour nous prouver son amour et le soin qu’il prend de chacun de nous?  Nous avons tous deux amours naturels qui empêchent absolument l’amour de Dieu.  C’est l’amour des créatures en dehors de nous, et l’amour de soi au-dedans de nous.  Pour détruire le premier Dieu afflige le corps par tout ce qui peut le faire souffrir afin qu’il n’ait pas le temps ni la capacité de s’amuser aux choses extérieures: pauvreté, rudes travaux, infirmités, persécutions, mauvais traitements, maladies, etc.  Il obtient toutes ces choses merveilleusement par les guerres que Dieu Lui-même suscite pour punir les hommes précisément pour cet amour des créatures ou de leur idolâtrie.  Ensuite il fait souffrir l’âme par toutes sortes d’épreuves pour le jugement et pour la volonté ou l’amour-propre ou de soi-même.  Il le fait par toutes sortes de sottises et d’injustices ou de cruautés, au point de vue humain. 

Par exemple, il met dans la tête d’un homme un idéal quelconque, une espèce de terre promise pour lui dans laquelle il met tout son bonheur d’avance et vers lequel il fait converger tous ses efforts.  L’un voudra devenir un grand médecin, un autre un célèbre avocat, un musicien, un missionnaire, un grand prédicateur, un financier, un millionnaire, etc.  S’il n’a qu’un but humain Dieu le laissera peut-être parvenir à son idéal par des moyens humains.  Mais pour ceux qui ont un but surnaturel dans leur idéal, Dieu alors exigera uniquement des moyens surnaturels ou des moyens naturels sur lesquels on ne compte pas comme causes, mais simplement comme conditions; dans ce dernier cas ils ne sont pas contre la gloire de Dieu, alors il ne les opposera pas.  Mais, d’ordinaire, combien comptent de fait sur des moyens humains comme causes même à leur insu.  Que de motifs naturels dans l’activité humaine même des meilleurs!  C’est pour détruire tout ce paganisme mental que Dieu va leur envoyer toutes sortes d’épreuves contre leur jugement et contre leur volonté, pour les obliger à ne compter que sur Dieu.

On voit des gens passer leur vie à se débattre pour arriver à un but qu’ils atteignent seulement à la fin de leur vie et ils meurent!  Ce n’est pas atteindre son idéal que Dieu regarde, mais c’est l’exercice quotidien de renoncement à soi-même, à ses motifs naturels, pour se diviniser de plus en plus chaque jour.  Car notre mérite est dans cette lutte continuelle contre nous-mêmes et là aussi se trouve la gloire de Dieu.  Voilà pourquoi Dieu fait durer la lutte si longtemps.  La jouissance d’un idéal n’est pas le mérite tandis que pour faire la lutte il nous faut nous dépouiller de nous-mêmes et revêtir Dieu; c’est donc dans les épreuves que nous montrons notre mentalité et notre amour.  C’est là que nous repoussons l’humain et appelons le divin.  C’est là que nous renonçons à notre personnalité morale ou à notre amour-propre pour mettre Dieu à la place de notre «païen».  Que de fois Dieu nous met dans des impasses absurdes et pourtant il faut marcher contrairement à notre bon sens et notre volonté.  Nous ne voyons pas comment avancer, mais si nous mettons notre confiance en Dieu, un jour nous avons franchi la difficulté évidemment par Dieu seul.  Nous avons la tête aussi dure que les Juifs l’avaient.  A chaque épreuve nous sommes tentés de nous décourager, de murmurer contre Dieu, si dur pour nous… de pauvres innocents!!  et comme c’est toujours à recommencer!  Ceux qui dirigent les bonnes âmes savent combien souvent elles se plaignent de leurs épreuves… pourtant si normales dans toute vie chrétienne!  Que les prêtres insistent donc sur nos quarante ans dans le désert avant d’entrer dans la Terre Promise du ciel!  et qu’ils descendent dans tous les détails de cette marche pénible à travers le désert, c’est l’image de notre pèlerinage sur terre pour arriver au ciel.

3) Dans S.  Jean-Baptiste.  A mesure qu’on approche de la venue du Messie l’action divine nous concrétise pour ainsi dire les conditions pour recevoir Jésus-Christ.  Ainsi, Jean-Baptiste va incarner ces conditions dans sa propre vie.  Dieu a rassemblé en lui toute la préparation qu’il veut des humains pour recevoir le divin.  N’oublions pas les deux principales choses que Dieu veut de tout homme qui veut arriver au ciel: le mépris des créatures et ensuite le renoncement à soi-même, à son amour-propre et à sa personnalité morale.  Voilà pourquoi le Saint-Esprit conduit de bonne heure Jean dans le désert loin des plaisirs du monde.  Ce n’est pas facile de trouver une solitude plus austère et plus pénible que celle que l’on voit autour de Jéricho sur les bords du Jourdain.  On voit des collines de pierres blanches comme de la chaux à peine recouvertes d’arbrisseaux tordus et brûlés au soleil avec des rochers escarpés aux arrêtes brisées et dénudées où il plane une atmosphère de désolation terrible qui fait frémir seulement à voir ces régions désertes.  On brûle au soleil ardent et l’on gèle à l’ombre.  De là on voit la Mer Morte du rivage maudit dans Sodome et Gomorrhe et qui n’ont pas été reconstruits.  Endroit idéal pour faire pénitence.  C’est là que Jésus ira plus tard jeûner pendant quarante jours.  Là, le coeur libre de toute attache aux créatures, Jean se donne tout à Dieu.  Il résume toute la longue série des prophètes et sans doute il passe son temps à prier pour tout ce qu’ils ont demandé eux-mêmes: que le peuple se prépare à recevoir le Messie dans l’isolement, la pénitence et la prière.  Quelle pénible existence il a dû mener dans cet horrible désert pendant une trentaine d’années, mangeant seulement des sauterelles et du miel sauvage!  et couchant dans quelque caverne dans les rochers.

Dans sa solitude il vit de divin et d’éternité; voilà pourquoi il n’y a rien pour l’ébranler.  Jésus lui-même fait sa louange publiquement: «Qu’êtes-vous allés voir dans le désert?  Un roseau agité par les vents…» L’Ecclésiastique 5-11, dit: «Ne nous laissons pas aller à tout vent; mais soyons fermes dans la voie du Seigneur et dans la vérité de nos sentiments.» Il vit de foi et participe aux qualités de cette lumière éternelle: il n’y a rien pour le faire broncher dans son devoir.  L’Archange Gabriel avait dit à Zacharie son père: «Il sera grand devant le Seigneur; il ne boira ni vin ni rien qui enivre; car il sera rempli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère.  Il convertira beaucoup d’enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu, et lui-même marchera devant lui dans l’esprit et la puissance d’Elie, pour ramener les coeurs des pères vers les enfants et les indociles à la sagesse des justes afin de préparer au Seigneur un peuple parfait.» Voilà le modèle de tous ceux qui veulent donner Jésus au monde!  Qu’ils aient son humilité, sachant qu’ils ne sont que des voix qui crient dans le désert: préparez les voies du Seigneur!  Qu’ils soient mortifiés, qu’ils méprisent les choses du monde, qu’ils renoncent à leur propre personnalité morale en se renonçant parfaitement.  Alors le divin viendra en eux pour bénir leurs travaux et pour les sanctifier eux-mêmes dans la sainteté divine de Dieu même.  Sa venue mystique Elle exige les mêmes dispositions que Dieu a exigées pour la venue du Messie dans le monde.  C’est tellement important qu’elles valent la peine d’être résumées encore une fois pour être mieux gardées.  Dieu exige…

1) L’Isolement.  D’une façon ou d’une autre, il sépare ses instruments ou ses élus de l’ensorcellement des créatures en les envoyant dans quelque solitude ou désert, librement ou de force, ou en faisant la solitude autour d’eux en éloignant les personnes d’eux: elles seront hostiles à sa façon de vivre ou de penser; elles le fuiront et l’éloigneront de leurs assemblées.  En pleine ville il se trouvera comme exilé.  Il sentira un ennui profond.  S’il est instruit des voies de Dieu, il remerciera Dieu de faire ce désert autour de lui et il se livrera aux exercices spirituels en se tournant vers les choses de Dieu.  Cette épreuve est très grande parce que c’est ordinairement la première et on n’est pas encore fort dans la vie surnaturelle.  Plusieurs prennent peur et retournent aux amusements d’Egypte ou de la vie païenne.

Dieu isole ses amis par la pauvreté, la maladie ou les calomnies.  Comme les amis, qui affluaient au temps de la prospérité, disparaissent vite devant ces privations des plaisirs terrestres!  Comme ces âmes souffrent longtemps avant de comprendre que Dieu leur fait une grande faveur en les isolant du monde!  Que les prêtres enseignent donc a tout le monde ces voies de Dieu!

2) Les Epreuves après l’isolement seront de nature à tuer en nous le païen ou la personnalité morale: c’est le «Qu’il se renonce lui-même».  Dieu enverra toutes sortes de sottises, d’injustices et de cruautés comme il a fait pour les Juifs au désert.  Ce sera pour nous arracher à la vie naturelle et humaine selon notre jugement et notre volonté; pour nous obliger à vivre uniquement du divin en nous abandonnant totalement à Dieu.  Que chacun surveille comment Dieu va lui envoyer ces choses d’abord à petites doses puis plus fortement à mesure qu’il doit avancer en perfection.

3) La Prière jaillit spontanément du coeur libre des créatures et de son amour-propre.  Il se tourne facilement vers Dieu pour ne chercher que les choses divines que la foi lui montre, que l’espérance lui assure et que la charité lui fait aimer de tout son coeur.  Voilà ce que Dieu veut de nous tous.  Un bon moyen est d’essayer de reproduire dans notre vie les notes caractéristiques des prophètes et des saints personnages que Dieu a créés pour préparer la venue du Messie.  Soyons comme Abraham pour vivre de Foi jusqu’au sacrifice de tout ce que nous aimons le plus au monde; comme David pour pleurer nos péchés et avoir confiance en Dieu malgré tout; comme Daniel pour désirer ardemment la venue de Jésus en nos coeurs; comme Isaïe pour contempler la passion de notre Sauveur et pleurer nos péchés; comme Jérémie pour pleurer nos péchés et ceux des autres; surtout comme S.  Jean-Baptiste pour vivre loin du monde dans la pénitence volontaire et dans la prière continuelle afin d’indiquer Jésus aux foules qui ne le connaissent pas faute de prêtres mortifiés et unis à Dieu.