samedi 31 octobre 2015

Toussaint - Saint Curé d'Ars


Premier sermon

Sur la Sainteté

Sancti estote, quia ego Sanctus sum.
Soyez saints, parce que je suis saint.
(Lévit. XIX, 2.)

Soyez saints, parce que je suis saint, nous dit le Seigneur. Pourquoi, M.F., Dieu nous fait-il un commandement semblable ? C'est que nous sommes ses enfants, et, si le Père est saint, les enfants le doivent être aussi. Il n'y a que les saints qui peuvent espérer le bonheur d'aller jouir de la présence de Dieu qui est la sainteté même. En effet, être chrétien, et vivre dans le péché, c'est une contradiction monstrueuse. Un chrétien doit être un saint. Oui, M.F., voilà la vérité que l'Élise ne cesse de nous répéter, et, afin de la graver dans nos cœurs, elle nous représente un Dieu infiniment saint, sanctifiant une multitude infinie de saints qui semblent nous dire : « Souvenez-vous, chrétiens, que vous êtes destinés à voir Dieu et à le posséder ; mais vous n'aurez ce bonheur qu'autant que vous aurez retracé en vous, pendant votre vie mortelle, son image, ses perfections, et particulièrement sa sainteté, sans laquelle nul ne le verra. » Mais, M.F., si la sainteté de Dieu parait au-dessus de nos forces, considérons ces âmes bienheureuses, cette multitude de créatures de tout âge, de tout sexe et de toute condition, qui ont été assujetties aux mêmes misères que nous, exposées aux mêmes dangers, sujettes aux mêmes péchés, attaquées par les mêmes ennemis, environnées des mêmes obstacles. Ce qu'elles ont pu faire, nous le pouvons aussi, nous n'avons aucune excuse pour nous dispenser de travailler à notre salut, c'est-à-dire à devenir saints. Je n'ai donc pas autre chose à vous prouver, que l'indispensable obligation où nous sommes de devenir des saints ; et pour cela, je vais vous montrer :

1° en quoi consiste la sainteté ;
2° que nous pouvons l'acquérir aussi bien que les saints, ayant comme eux les mêmes difficultés et les mêmes secours.


I. – Les mondains, pour se dispenser de travailler à acquérir la sainteté, ce qui, sans doute, les gênerait trop dans leur manière de vivre, veulent vous faire croire que, pour être des saints, il faut faire des actions éclatantes, s'appliquer à des pratiques de dévotion extraordinaires, embrasser de grandes austérités, faire beaucoup de jeûnes, quitter le monde pour s'enfoncer dans les déserts, afin d'y passer les jours et les nuits en prières. Sans doute cela est très bon, c'est bien la route que beaucoup de saints ont suivie ; mais ce n'est pas ce que Dieu demande de tous. Non, M.F., ce n'est pas ce qu'exige de nous notre sainte religion ; au contraire, elle nous dit : « Levez les yeux au Ciel, et voyez si tous ceux qui en remplissent les premières places ont fait des choses merveilleuses. Où sont les miracles de la sainte Vierge, de saint Jean-Baptiste, de saint Joseph ? » Écoulez, M.F. : Jésus-Christ lui-même dit [1] que plusieurs, au jour du jugement, s'écrieront : « Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ; n'avons-nous pas chassé les démons et fait des miracles ? » « Retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquité, leur répondra le juste Juge ; quoi ! vous avez commandé à la mer, et vous n'avez pas su commander à vos passions ? Vous avez délivré les possédés du démon, et vous en avez été les esclaves ? Vous avez fait des miracles, et vous n'avez pas observé mes commandements ?... Allez, misérables, au feu éternel ; vous avez fait de grandes choses, et vous n'avez rien fait pour vous sauver et mériter mon amour. » Vous voyez donc, M.F., que la sainteté ne consiste pas à faire de grandes choses, mais à garder fidèlement les commandements de Dieu, et à remplir ses devoirs dans l'état où le bon Dieu nous a placés.

Nous voyons souvent une personne du monde, qui remplit fidèlement les petits devoirs de son état, être plus agréable à Dieu que les solitaires dans leurs déserts. Voici un exemple qui vous en convaincra : Il y avait dans le désert deux solitaires... [2]

Voilà, M.F., ce que c'est que la sainteté, et ce qu'est un saint, aux yeux de la religion. Dites-moi, est-ce bien difficile de se sanctifier dans l'état où le bon Dieu vous a placés ? Pères et mères, imitez ces deux saints ; voilà vos modèles : suivez-les et vous deviendrez aussi saints. Faites comme eux ; en tout, tâchez de plaire à Dieu, de faire tout pour son amour, et vous serez des prédestinés. Voulez-vous encore savoir ce qu'est un saint aux yeux de la religion ? C'est un homme qui craint Dieu, qui l'aime sincèrement et qui le sert avec fidélité ; c'est un homme qui ne se laisse point enfler par l'orgueil, ni dominer par l'amour-propre, qui est vraiment humble et petit à ses propres yeux ; qui, étant dépourvu des biens de ce monde, ne les désire pas, ou qui, les possédant, n'y attache pas son cœur ; c'est un homme qui est ennemi de toute acquisition injuste ; c'est un homme qui, possédant son âme dans la patience et la justice, ne s'offense pas d'une injure qu'on lui fait. Il aime son ennemi, il ne cherche pas à se venger. II rend tous les services qu'il peut à son prochain, il partage volontiers son bien avec les pauvres ; il ne cherche que Dieu seul, méprise les biens et les honneurs de ce monde. N'aspirant qu'aux biens du ciel, il se dégoûte des plaisirs de la vie et ne trouve son bonheur que dans le service de Dieu. C'est un homme qui est assidu aux offices divins, qui fréquente les sacrements, et qui s'occupe sérieusement de son salut ; c'est un homme qui, ayant horreur de toute impureté, fuit les mauvaises compagnies autant qu'il peut, pour conserver purs son corps et son âme. C'est un homme qui se soumet en tout à la volonté de Dieu, dans toutes les croix et les traverses qui lui arrivent ; qui n'accuse ni l'un ni l'autre, mais qui reconnaît que la justice divine s'appesantit sur lui à cause de ses péchés. C'est un bon père qui ne cherche que le salut de ses enfants, en leur donnant l'exemple lui-même, et ne faisant jamais rien qui puisse les scandaliser. C'est un maître charitable, qui aime ses domestiques comme ses frères et ses sœurs. C'est un fils qui respecte son père et sa mère, et qui les considère comme tenant la place de Dieu même. C'est un domestique qui voit, dans la personne de ses maîtres, Jésus-Christ lui-même, qui lui commande par leur bouche. Voilà, M.F., ce que vous appelez simplement un honnête homme. Mais voilà ce que Dieu appelle l'homme de miracle, le saint, le grand saint. «  Quel est celui-là ? nous dit le Sage, nous le comblerons de louanges, non parce qu'il a fait des choses merveilleuses dans sa vie, mais parce qu'il a été éprouvé par les tribulations, et qu'il a été trouvé parfait ; sa gloire sera éternelle [3]. »

Que doit-on entendre par une sainte fille ? Une sainte fille, c'est celle qui fuit les plaisirs et la vanité ; qui fait son bonheur de plaire à Dieu et à ses parents ; qui aime à fréquenter les offices et les sacrements ; une fille qui aime la prière ; c'est, en un mot, celle qui préfère Dieu à tout. J'oserai en citer un exemple surprenant, mais véritable, tiré de l'histoire ecclésiastique, et sur lequel toutes pourront prendre modèle. Du temps de la persécution qui sévit sur la ville de Ptolémaïde, les filles chrétiennes brillèrent par leur vertu. Il y en avait un très grand nombre d'une naissance distinguée ; elles étaient si pures, qu'elles aimaient mieux souffrir la mort que de perdre leur chasteté ; elles se coupèrent elles-mêmes les lèvres et une partie du visage, pour paraître plus hideuses à ceux qui s'approchaient d'elles. Elles furent déchirées avec des ongles de fer et par les dents des lions. Ces filles incomparables aimèrent mieux endurer tous ces tourments, que d'exposer leur corps à la passion des libertins. Oh ! que cet exemple condamnera un jour de ces filles volages, qui ne pensent qu'à paraître, à s'attirer les regards du monde, au point d'en devenir méprisables !... Ne leur citerais-je pas encore l'exemple de sainte Colette [4], cette vierge si pure et si réservée, qui craignait autant de se faire voir, que les filles de ce siècle ont de souci de se montrer. Elle entendit un jour dans une compagnie, des louanges qu'on donnait à sa beauté ; elle en rougit, et alla tout de suite se prosterner devant son crucifix. « Ah ! mon Dieu, s'écria-t-elle en pleurant, cette beauté que vous m'avez donnée, sera-t-elle cause de la perte de mon âme et de celle d'autres personnes ? » Dès ce moment, elle quitta le monde et alla se renfermer dans un monastère, où elle livra son corps à toutes sortes de macérations. En mourant, elle donna des marques visibles qu'elle avait conservé son âme pure, non seulement aux yeux du monde, mais encore aux yeux de Dieu. Je reconnais bien que ces deux exemples sont un peu extraordinaires, et qu'il y en a peu qui puissent les imiter ; mais voilà celui qui vous convient parfaitement. Écoutez bien, jeunes gens et vous verrez que, si vous voulez suivre l'attrait de la grâce, vous serez bientôt désabusés des plaisirs et des vanités de ce monde qui vous éloignent de Dieu.

Il est rapporté qu'une jeune demoiselle de Franche-Comté, nommée Angélique, avait beaucoup d'esprit, mais était fort mondaine. Ayant entendu un prédicateur prêcher contre le luxe et la vanité dans les habits, elle vint se confesser à ce prédicateur. Celui-ci lui fit si bien comprendre combien elle était coupable et pouvait perdre d'âmes, que, dès le lendemain, elle quitta toutes ses vanités, et se vêtit d'une manière très simple et chrétienne. Sa mère qui était comme la plupart de ces pauvres aveugles, qui semblent n'avoir des enfants que pour les jeter dans les enfers en les remplissant de vanité, la reprit de ce qu'elle ne s'habillait plus comme autrefois. « Ma mère, lui répondit-elle, le prédicateur à qui j'ai été me confesser me l'a défendu. » Sa pauvre mère, aveuglée par la colère, va trouver le confesseur, et lui demande s'il était vrai qu'il eût défendu à sa fille de s'habiller selon la belle mode. « Je ne sais point, lui dit le confesseur, ce que j'ai dit à votre fille ; mais, il vous suffit de savoir que Dieu défend de s'habiller selon la mode, lorsque cette mode n'est pas selon Dieu, lorsqu'elle est criminelle et dangereuse pour les âmes. » – « Mon Père, qu'appelez-vous donc mode criminelle et dangereuse ? » -- « C'est, par exemple, de porter des habits trop ouverts, ou qui font trop sentir la forme du corps ; de porter des vêtements trop riches et plus coûteux que nos moyens ne nous le permettent. » Il lui montra ensuite tous les dangers de ces modes, et tous les mauvais exemples qu'elles donnaient. – « Mon Père, lui dit cette femme, si mon confesseur m'en avait dit autant que vous, jamais je n'aurais donné la permission à ma fille de porter toutes ces vanités, et moi-même j'aurais été plus sage ; cependant mon confesseur est un homme bien savant ; or, que m'importe qu'il soit savant, s'il me laisse vivre à ma liberté, et en danger de me perdre pour l'éternité. » Lorsqu'elle fut de retour, elle dit à sa fille : « Bénissez le bon Dieu d'avoir trouvé un tel confesseur, et suivez ses avis. » Cette jeune demoiselle eut dans la suite de terribles combats à soutenir de la part de ses autres compagnes, qui la raillaient et la tournaient en ridicule. Mais le plus rude assaut qu'elle eut à soutenir, lui vint de la part de certaines personnes qui entreprirent de la faire changer de sentiment. « Pourquoi, lui dirent-elles, ne vous habillez-vous pas comme les autres ? » – « Je ne suis pas obligée de faire comme les autres, répondit Angélique, je m'habille comme celles qui font bien, et non comme celles qui font mal. » – « Eh quoi ! faisons-nous mal de nous habiller comme vous voyez ? » – « Oui, sans doute, vous faites mal, parce que vous scandalisez ceux qui vous regardent. » – « Pour moi, dit l'une d'entre elles, je n'ai point de mauvaise intention ; je m'habille à ma façon, tant pis pour ceux qui s'en scandalisent. » – « Tant pis pour vous aussi, reprit Angélique, puisque vous en êtes l'occasion ; si nous devons craindre de pécher nous-mêmes, nous devons aussi craindre de faire pécher les autres. » – «Quoi qu'il en soit de vos bonnes raisons, répondit une autre, si vous ne vous habillez plus comme nous, vos amies vous quitteront, et vous n'oserez plus paraître dans les belles compagnies et dans les bals. » – « J'aime mieux, leur répondit Angélique, la compagnie de ma chère mère, de mes sœurs et de quelques filles sages, que toutes ces belles compagnies et ces bals. Je ne m'habille pas pour paraître agréable, mais pour me couvrir ; les vrais agréments d'une fille ne doivent pas consister dans les habits, mais dans la vertu. Au reste, Mesdames, si vous pensez de la sorte, vous ne pensez pas en chrétiennes, et il est honteux que, dans une religion aussi sainte qu'est la nôtre, l'on s'y permette de tels abus contre la modestie. » Après tous ces discours, une personne de la compagnie dit: « En vérité, il est honteux qu'une jeune fille de dix-huit ans nous fasse la leçon : son exemple sera un jour notre condamnation. Que nous sommes aveugles de tant faire de choses pour plaire au monde, qui, dans la suite, se moque de nous ! » Angélique persévéra toujours dans ses bons sentiments, malgré tout ce qu'on pût lui dire. Eh bien, M.F., qui vous empêcherait de faire ce que faisait cette jeune comtesse ? Elle s'est sanctifiée en vivant dans le monde, mais en ne vivant pas pour le monde. Oh ! que cet exemple sera un sujet de condamnation pour un grand nombre de chrétiens au jour du jugement !

On peut devenir saint, même dans l'état du mariage. L'Esprit-Saint, dans l'Écriture, se plait à faire le portrait de la sainte femme ; et conformément à la description qu'il en donne [5], je vous dirai qu'une femme sainte, est celle qui aime et respecte son mari, qui veille avec soin sur ses enfants et ses domestiques, qui est attentive à les faire instruire et à les faire approcher des sacrements, qui s'occupe de son ménage, et non de la conduite de ses voisins ; elle est réservée dans ses discours, charitable dans ses œuvres, ennemie des plaisirs du monde ; une femme de ce caractère, dis-je, est une âme juste, le Seigneur la loue, là canonise ; en un mot, c'est une sainte. Vous voyez donc, M.F., que pour être un saint, il n'est pas nécessaire de tout quitter ; mais de bien remplir les devoirs de l'état où Dieu nous a placés, et faire tout ce que nous faisons, dans la pensée de lui plaire. L'Esprit-Saint nous dit que pour être saint, il ne faut que nous éloigner du mal et faire le bien [6]. Voilà, M.F., la sainteté qu'ont eue tous les saints et que nous devons avoir. Ce qu'ils ont fait, nous le pouvons aussi, avec la grâce de Dieu ; puisque nous avons comme eux les mêmes obstacles à notre salut, et les mêmes secours pour les surmonter.


II. – Je dis :

1° que les saints ont eu les mêmes obstacles que nous pour parvenir à la sainteté : obstacles au dehors, obstacles au dedans. Obstacles du côté du monde : le monde était alors ce qu'il est aujourd'hui, aussi dangereux dans ses exemples, aussi corrompu dans ses maximes, aussi séduisant dans ses plaisirs, toujours ennemi de la piété et toujours prêt à la tourner en ridicule. La preuve en est que la plupart des saints ont méprisé et fui le monde avec soin ; ils ont préféré la retraite aux assemblées mondaines, et même, plusieurs, craignant de s'y perdre, l'ont abandonné entièrement ; les uns, pour aller passer le reste de leurs jours dans des monastères, et les autres, au fond des déserts, tels qu'un saint Paul, ermite, un saint Antoine [7], une sainte Marie Égyptienne [8] et tant d'autres.

Obstacles du côté de leur état : plusieurs étaient, comme vous, engagés dans les affaires du siècle, accablés des embarras d'un ménage, du soin des enfants, obligés, pour le plus grand nombre, à gagner leur vie à la sueur de leur front ; or, bien loin de penser, comme nous, qu'ils se sauveraient plus facilement dans un autre état, ils étaient persuadés qu'ils avaient plus de grâces dans celui où la Providence les avait placés. Ne voyons-nous pas que dans le tumulte du monde et au milieu des embarras d'une famille et d'un ménage, se sont sauvés le plus grand nombre de saints, tels que Abraham, Isaac, Jacob, Tobie, Zacharie, la chaste Suzanne, le saint homme Job, sainte Élisabeth : tous ces grands saints de l'Ancien Testament, n'étaient-ils pas engagés dans le monde ? Sous la nouvelle Loi, pouvez-vous compter le nombre de ceux qui se sont sanctifiés dans la vie ordinaire ? Aussi, saint Paul nous dit que les saints jugeront les nations [9]. N'est-ce donc pas dire, qu'il n'y aura pas un homme sur la terre, qui ne trouve quelque saint dans son état, pour être la condamnation de sa lâcheté, en lui montrant qu'il aurait pu, aussi bien que lui, faire ce qui lui a mérité le ciel ?

Si maintenant, des obstacles extérieurs nous passons à ceux du dedans, nous verrons que les saints ont eu autant de tentations et de combats que nous pouvons en avoir, et peut-être encore plus. D'abord, du côté des habitudes ; ne croyez pas, M.F., que les saints aient toujours été des saints. Combien en est-il qui ont mal commencé, et qui ont vécu longtemps dans le péché ? Voyez le saint roi David, voyez saint Augustin, sainte Madeleine. Prenons donc courage, M.F., quoique bien pécheurs, nous pouvons cependant devenir des saints. Si ce n'est pas par l'innocence, ce sera du moins par la pénitence ; car le plus grand nombre des saints s'est sanctifié de cette manière.

Mais, me direz-vous, il en coûte trop ! – Il en coûte trop, M.F. ? Croyez-vous qu'il n'en ait rien coûté aux saints ? Voyez David, qui trempe son pain de ses larmes, qui arrose son lit de ses pleurs [10] . Croyez-vous qu'il n'en coûtât rien à un roi comme lui ! Croyez-vous qu'il lui fut indifférent de se donner en spectacle à tout son royaume, et de servir à tous de risée ? Voyez sainte Madeleine : au milieu d'une nombreuse assemblée, elle se jette aux pieds du Sauveur, accuse publiquement ses crimes dans l'abondance de ses larmes [11] ; elle suit Jésus-Christ jusqu'au pied de la croix [12], et répare par de longues années de pénitence, quelques années de faiblesse ; pensez-vous, M.F., que de pareils sacrifices ne lui aient coûté aucun effort ? Je ne doute pas que vous n'appeliez heureux les saints qui ont fait une pareille pénitence, et versé tant de larmes. Hélas  ! si comme ces saints, nous pouvions comprendre la grandeur de nos péchés, la bonté du Dieu que nous avons outragé ; si, comme eux, nous pensions à l'enfer que nous avons mérité, à notre âme que nous avons perdue, au sang de Jésus-Christ que nous avons profané ! Ah ! si nous avions toutes ces pensées dans nos cœurs, que de larmes nous verserions, que de pénitences nous ferions pour tâcher d'apaiser la justice de Dieu que nous avons irrité  !

Croyez-vous que les saints soient parvenus sans travail à cette simplicité, à cette douceur, qui les portaient au renoncement de leur propre volonté, toutes les fois que l'occasion s'en présentait ? Oh  ! non, M.F. ! Écoutez saint Paul: « Hélas, je fais le mal que je ne voudrais pas, et je ne fais pas le bien que je voudrais ; je sens dans mes membres une loi qui se révolte contre la loi de mon Dieu. Ah ! que je suis malheureux  ! qui me délivrera de ce corps de péché [13] ? » Quels combats n'eurent pas à souffrir les premiers chrétiens, en quittant une religion qui ne tendait qu'à flatter leurs passions, pour en embrasser une qui ne tendait qu'à crucifier leur chair ? Croyez-vous que saint François de Sales n'a point eu de violences à se faire, pour devenir aussi doux qu'il était ? Que de sacrifices il lui fallut faire  !... Les saints n'ont été saints qu'après bien des sacrifices et beaucoup de violences.

En 2° lieu, je dis que nous avons les mêmes grâces qu'eux. Et d'abord, le Baptême n'a-t-il pas la même vertu de nous purifier, la Confirmation de nous fortifier, la Pénitence de remettre nos péchés, l'Eucharistie d'affaiblir en nous la concupiscence et d'augmenter la grâce en nos âmes ? Quant à la parole de Jésus-Christ, n'est-elle pas toujours la même ? N'entendons-nous pas à chaque instant ce conseil : « Quittez tout et suivez-moi. » C'est ce qui convertit saint Antoine, saint Arsène, saint François d'Assise. Ne lisons-nous pas dans l'Évangile cet oracle : « Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il vient à perdre son âme [14] ? » N'est-ce pas ces paroles qui convertirent saint François Xavier, et qui, d'un ambitieux, en firent un apôtre ? N'entendons-nous pas tous les jours : « Veillez et priez sans cesse. » « Aimez votre prochain comme vous-même. » N'est-ce pas cette doctrine qui a formé tous les saints ? Enfin, M.F., quant aux bons exemples, quelque déréglé que soit le monde, n'en avons-nous pas encore quelques-uns devant les yeux, et bien plus que nous n'en pourrions suivre ? Enfin, la grâce nous manque-t-elle plus qu'aux saints ? Ne comptons-nous donc pour rien ces bonnes pensées, ces salutaires inspirations de renoncer à tel péché, de quitter telle mauvaise habitude, de pratiquer telle vertu, de faire telle bonne œuvre ? N'est-ce pas une grâce que ces remords de conscience, ces troubles, ces inquiétudes que nous éprouvons lorsque nous avons péché ? Hélas ! M.F., combien de saints, aujourd'hui dans le ciel, ont reçu moins de grâces que nous ! Combien de païens, de chrétiens sont en enfer, qui, s'ils avaient reçu autant de grâces que nous, seraient devenus de grands saints !...

Oui, M.F., nous pouvons être des saints, et nous devons tous travailler à le devenir. Les saints ont été mortels comme nous, faibles et sujets aux passions comme nous ; nous avons les mêmes secours, les mêmes grâces, les mêmes sacrements ; mais il faut faire comme eux, renoncer aux plaisirs du monde, fuir le monde autant que nous le pourrons, être fidèles à la grâce : les prendre pour nos modèles ; car nous ne devons jamais perdre de vue qu'il nous faut être ou saints ou réprouvés, vivre ou pour le ciel ou pour l'enfer : il n'y a point de milieu. Concluons, M.F., en disant que si nous le voulons, nous pouvons être saints, car jamais le bon Dieu ne nous refusera sa grâce pour nous aider à le devenir. Il est notre Père, notre Sauveur et notre ami. Il soupire avec ardeur de nous voir délivrés des maux de la vie. Il veut nous combler de toutes sortes de biens, après nous avoir donné, déjà dans ce monde, d'immenses consolations, avant-goût de celles du ciel, que je vous souhaite.

DEUXIÈME SERMON

Sur le culte des Saints et des saintes Images

Mirabilis Deus in sanctis suis.
Dieu est admirable dans ses saints.
(PS. LXVII, 36)

Quand le saint roi David contemplait le ciel, la terre et tout ce qu'ils renferment, il s'écriait avec des transports d'admiration : « Oh ! que Dieu est admirable dans ses œuvres ! [15] » Mais quand il considérait ce que Dieu a fait pour l'homme, le chef-d’œuvre de sa puissance, de sa sagesse et de sa miséricorde, il s'écriait : « Oh  ! qu'il est bon le Dieu d'Israël [16] ! » Oui, M.F., Dieu est si bon pour les hommes, qu'il a donné son Fils pour nous sauver, et il a retracé dans les saints, toutes les vertus que Jésus-Christ a pratiquées pendant sa vie. Les saints sont comme autant de petits miroirs dans lesquels Jésus-Christ se contemple. Dans ses apôtres, il contemple son zèle et son amour pour le salut des âmes ; dans les martyrs, il contemple sa patience, ses souffrances et sa mort douloureuse ; dans les solitaires, il voit sa vie obscure et cachée ; dans les vierges, il admire sa pureté sans tache, et dans tous les saints sa charité sans borne ; de sorte, M.F., qu'en admirant les vertus des saints, nous ne faisons qu'admirer les vertus de Jésus-Christ, vertus dont il nous a donné lui-même l'exemple pendant sa vie mortelle. Quel bonheur pour nous, M.F., d'avoir devant les yeux des modèles, et des protecteurs en la personne des saints du ciel  ! Ils sont toujours prêts à venir à notre secours quand nous les invoquons ; mais pour mériter ce bonheur, nous devons :

1° avoir une grande confiance en leur protection ;

2° respecter ce qui leur appartient, bien convaincus que l'honneur que nous leur rendons se rapporte tout à Dieu.


I. – Le culte que nous rendons à Dieu est bien différent de celui que nous rendons aux saints ; c'est un culte d'adoration, de dépendance ; nous honorons le bon Dieu par la foi (détail...), par l'espérance (détail) et par la charité (histoires édifiantes, p.170) [17]. Nous honorons Dieu par un profond abaissement de notre âme devant sa majesté suprême, comme étant notre créateur et notre fin dernière ; mais le culte que nous rendons aux saints, est un sentiment de respect et de vénération pour les grâces que le bon Dieu leur a faites, pour les vertus qu'ils ont pratiquées, et pour la gloire dont Dieu les a couronnés dans le ciel. Nous nous recommandons à leurs prières, parce que Dieu leur a donné un grand pouvoir auprès de lui. Lorsque nous honorons les saints, nous ne faisons qu'adorer Jésus-Christ, c'est-à-dire que nous remercions le bon Dieu des grâces qu'il leur a faites pendant leur vie, et qu'il leur fait pendant toute l'éternité ; nous les reconnaissons pour les amis de Dieu et pour nos protecteurs. Nous pouvons dire que c'est pour les saints que Dieu a fait tout ce qu'il a fait. C'est pour eux que Dieu a créé le monde, qu'il le gouverne et le conserve, c'est pour eux qu'il a sacrifié sa vie en mourant sur la croix, c'est pour eux qu'il a opéré tant de miracles, c'est pour eux qu'il a établi cette belle religion, par laquelle il nous prodigue tant de grâces. Mais pour mieux comprendre l'amour que le bon Dieu a pour eux, voyons le degré de gloire et d'honneur qu'il leur a donné dans le ciel. Jésus-Christ les associe à la compagnie des anges, il les choisit pour ses enfants, ses frères et ses amis, il les établit les cohéritiers de son royaume éternel, il les affranchit de l'esclavage du démon, il les purifie de toutes leurs souillures dans son Sang adorable, il les enrichit de sa grâce et les orne de sa gloire. Voilà bien, M.F., de quoi nous ravir d'admiration, en voyant le degré de gloire où Jésus-Christ les élève. Consolons-nous cependant, nous sommes destinés au même bonheur, si nous voulons imiter ce qu'ils ont fait sur la terre. Le bon Dieu veut nous sauver aussi, il nous aime autant que ses saints. Ils ont souffert quelque temps, il est vrai, mais maintenant tout est fini pour eux ; ils ont été calomniés, humiliés, mis en prison, ils se sont privés des plaisirs, ils ont renoncé à leur propre volonté, ils sont morts à eux-mêmes ; les uns ont passé leur vie dans les déserts, d'autres dans les monastères ; mais, encore une fois, qu'est-ce que tout cela en comparaison du bonheur et de la gloire dont ils jouissent dans le ciel ?...

Ce qui est pour nous une grâce bien précieuse, c'est que Dieu a voulu qu'ils fussent nos protecteurs et nos amis. Saint Bernard nous dit que le culte que nous leur rendons, est moins glorieux pour eux qu'il n'est avantageux pour nous, et que nous pouvons les invoquer avec une grande confiance, parce qu'ils savent combien nous sommes exposés à nous perdre sur la terre, se rappelant les dangers qu'ils ont courus eux-mêmes pendant leur vie. Pour avoir le bonheur de mériter leur protection, il faut bien remercier le bon Dieu des grâces qu'il leur a faites pendant leur vie, et s'efforcer de pratiquer leurs vertus. Nous devons honorer les patriarches et les prophètes, dans leur simplicité et leur ardent amour pour Dieu ; les apôtres, en imitant leur zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes ; nous devons honorer les martyrs en imitant leur patience dans les souffrances ; nous devons honorer les vierges en imitant leur pureté si agréable à Dieu ; nous devons faire tout ce que nous pouvons pour mériter leur amitié et leur protection.

Nous voyons qu'un grand nombre de pécheurs se sont convertis par la liaison qu'ils ont eue avec les saints ; voyez ce jeune homme que saint Jean confia à l'évêque... sans lui il était perdu selon toute apparence [18]. Voyez le changement qui se fit en saint Augustin, par la liaison qu'il eut avec saint Ambroise [19] ! Voyez encore combien sainte Marie, nièce de saint Abraham, fut heureuse d'avoir pour ami un si saint oncle [20] !... Que nous sommes heureux d'avoir pour amis des saints qui nous aiment ; qui, espérant sauver nos âmes, se font un devoir de nous faire connaître nos fautes pour avoir le bonheur de nous en corriger ; en voici un exemple admirable. Une jeune fille, nommée Apolline, fréquentait un jeune homme, sans penser au danger auquel elle s'exposait. Une pieuse compagne, qui voulait la ramener à Dieu, vint un jour l'avertir charitablement du mal qu'elle faisait par ses manières trop libres avec ce jeune homme : « Croyez-moi, ma chère amie, dit-elle, étant plus âgée que vous, je connais mieux votre fragilité. Dans les entretiens et les libertés familières avec des personnes d'un autre sexe, le démon gagne toujours plus qu'on ne peut le connaître ; l'on ne sort jamais de ces sortes de compagnie, sans qu'il ne laisse dans notre âme certaines impressions pernicieuses ; la pudeur peu à peu s'affaiblit, et dès que cette vertu s'est affaiblie dans une fille, elle perd bientôt la crainte de Dieu. Le goût de la vertu ne se fait plus sentir, tout ce que la religion avait de doux et de consolant pour nous, devient gênant et pénible. Les sacrements n'ont plus d'attraits, et, si nous les recevons. c'est sans fruit, quelquefois même avec sacrilège. » Apolline se montra d'abord insensible à ce discours, mais touchée par la grâce de Dieu, elle prit le parti d'aller consulter son confesseur. Celui-ci découvrit à la jeune fille tout le mal qu'elle avait fait, et le danger qu'elle avait couru. « Vous avez fait plus de mal que vous ne pensez, dit le confesseur. L'amitié de ce jeune homme pour vous, et celle que vous avez eue pour lui, vous a été plus funeste que si l'on vous avait plongé un poignard dans le cœur ; au moins on ne vous aurait fait perdre que la vie du corps, tandis que cette amitié vous a fait perdre la vie de votre âme, qui a tant coûté de souffrances à Jésus-Christ ! Il est bien temps de vous retirer de cet abîme où vous vous êtes précipitée. Apolline, touchée du regret d'avoir offensé Dieu, fondit en larmes, remercia son amie des avis charitables qu'elle lui avait donnés, et lui demanda pardon de ses scandales. Elle passa tout le reste de sa vie dans les regrets et la pénitence. Vous voyez, M.F., que si cette jeune fille n'avait pas eu le bonheur d'avoir pour amie une sainte compagne, peut-être n'eût-elle jamais ouvert les yeux sur son état, tant elle s'était aveuglée. Mais si les saints qui sont sur la terre sont déjà si charitables, quelle charité n'ont-ils pas dans le ciel où cette vertu est parfaite ?

Je dis que nous devons invoquer les saints avec une grande confiance ; ces invocations sont une suite de la communion qui unit les fidèles de la terre et les saints qui règnent dans le ciel. Le saint concile de Trente nous dit que, par la prière, nous faisons un saint commerce avec le ciel. Pour nous, qui sommes sur la terre, nous devons invoquer les saints d'une manière suppliante ; afin qu'ils emploient leur pouvoir auprès de Dieu, et qu'ils obtiennent toutes les grâces qui nous sont nécessaires pour vivre saintement sur la terre. Les saints, dans le ciel, règnent avec Jésus-Christ, et lui offrent nos prières quand nous avons recours à eux. Vous voyez donc ; M.F., que nous avons le bonheur de faire un saint commerce avec le ciel, quoique nous soyons encore sur la terre. Oui ! aimons les saints et nous mériterons leur protection. Ils nous aiment encore plus que nous ne pouvons les aimer ; la charité des saints est bien plus parfaite dans le ciel, que celle que nous pouvons avoir sur la terre. Saint Cyprien nous dit que les saints trouvent leur bonheur à prier pour nous et à nous aider à nous sauver, parce qu'étant assurés de leur gloire, ils se rappellent combien ils ont couru de dangers pendant leur vie. Ils ont reçu de Jésus-Christ un plein pouvoir ; aussi, demandons-leur tout ce que nous voudrons. Soyons-en bien sûrs, M.F., les saints que nous invoquons ont sans cesse les yeux sur nous : nous en avons un bel exemple dans la vie de saint Louis de Gonzague.

Un jeune homme, nommé Wolfgang, devenu aveugle, avait recouvré la vue par l'intercession de saint Louis de Gonzague. Il voulut aller à Rome pour visiter son sépulcre, et, passant dans un lieu désert, il fut attaqué par des hommes qui le dépouillèrent de tout ce qu'il avait, et qui allaient lui ôter la vie. Le pèlerin, avant d'entrer dans ce chemin tout couvert de bois, avait imploré le secours de saint Louis de Gonzague, son saint de prédilection ; il entendit une voix qui lui dit : « Soyez tranquille, ne craignez rien. » Voyant ensuite qu'on allait le maltraiter, il eut recours à son protecteur. Tout aussitôt, il entendit une voix qui lui dit de ne point craindre, et qu'il ne lui serait fait aucun mal. Au même moment apparut un jeune homme, vêtu en ecclésiastique ; qui lui dit « Mon ami, avez-vous besoin de quelque chose ?... Où allez-vous ? » – « Je vais à Rome, répond Wolfgang, je vais vénérer les précieux restes de saint Louis de Gonzague, qui m'a fait recouvrer la vue. » – « Et moi aussi, je vais à Rome, dit l'inconnu. » Puis, se tournant vers les malfaiteurs, d'une seule parole, il les mit en fuite. Wolfgang ne douta plus que cet inconnu ne fût un envoyé du ciel, et n'osa pas lui demander s'il était un ange, ou même saint Louis de Gonzague. Ils se mirent en marche. Arrivés à Florence, Wolfgang vit entrer dans l'appartement où il reposait, un personnage d'une figure extrêmement belle, et qui se mit à chanter. Notre pèlerin fut si ravi, qu'il aurait volontiers passé la nuit sans dormir. La vision disparut bientôt après, mais en lui laissant un cœur brûlant d'amour de Dieu. A Rome, l'envoyé céleste conduisit Wolfgang au tombeau même de saint Louis de Gonzague, puis se sépara de lui, en lui promettant d'autres services pour l'avenir. De retour dans son pays, il raconta les grâces qu'il avait reçues par la protection de saint Louis, afin d'inspirer une tendre dévotion envers ce bon saint [21]. Voyez-vous, M.F., combien les saints sont attentifs à nous secourir, quand nous avons le bonheur d'avoir recours à eux avec une grande confiance ?

II. – Nous disons que non seulement nous devons avoir une grande dévotion aux saints, parce qu'ils ont le bonheur d'être les amis de Dieu, et de jouir à jamais de sa sainte présence, mais encore, nous devons avoir un grand respect pour tout ce qui leur a appartenu. L'Église a toujours beaucoup honoré les reliques des saints, parce qu'ils sont les membres vivants de Jésus-Christ, les temples du Saint-Esprit, les instruments de toutes les bonnes oeuvres que Dieu a opérées par eux pendant leur vie et après leur mort : ce qui nous console grandement, et ranime notre foi touchant la résurrection et la récompense de l'autre vie. Oui, M.F., il est une autre vie plus heureuse que celle-ci, et qui nous est réservée, si nous sommes assez heureux pour imiter les saints qui ont vécu avant nous. Que de miracles le bon Dieu n'a-t-il pas faits par les reliques des saints ? Que de morts ressuscités, que de malades guéris. Voyez les apôtres, leur ombre seule guérissait les malades [22]. Les vêtements qui avaient touché le corps de saint Paul, guérissaient les boiteux, rendaient la vue aux aveugles et la santé aux malades [23]. Voyez la croix de Jésus-Christ, la plus précieuse des reliques ; lorsqu'on la fit toucher à un mort , celui-ci se leva comme s'il n'avait fait que dormir. Il est rapporté dans l'histoire que le bon Dieu révéla à un saint religieux, l'endroit où était la tête de saint Jean-Baptiste. Le religieux la trouva, en effet, et, passant dans un lieu où venait de se livrer une bataille, les morts se levaient, comme s'ils n'avaient fait que dormir. Nous devons donc nous trouver très heureux de posséder des choses qui ont appartenu aux saints. Oh  ! M.F., nous qui avons tant de reliques, que de grâces nous recevrions des saints, si nous avions le bonheur de les prier, de demander ce qui nous est nécessaire pour nous sauver ! Quelle foi, quel amour ne sentirions-nous pas en nous !

Nous devons encore avoir un grand respect pour tout ce qui les représente. Le saint concile de Trente veut que nous ayons une grande vénération pour toutes les images qui nous rappellent les saints [24] ; en voici la raison. Ces images nous instruisent, elles nous rappellent les mystères de notre sainte religion ; il ne faut quelquefois que la vue d'une image pour nous toucher  et nous convertir ; à la preuve de, ceci, je vous raconterai un trait frappant. Un jeune homme, nommé Dosithée, fut de bonne heure confié à un grand seigneur, pour être élevé parmi les pages de sa cour. Ayant entendu parler des saints lieux, il se rendit à Jérusalem, espérant obtenir quelques grâces. Comme il passait à Gethsémani, il aperçut un tableau où était représenté l'enfer, avec les tourments que les démons faisaient endurer aux damnés. Saisi de frayeur, il s'arrêta. Comme il cherchait le sens de ce qu'il avait sous les yeux, il demanda à une vénérable dame, qui apparemment était la sainte Vierge, quels étaient ces malheureux que l'ont faisait tant souffrir. Elle lui répondit que c'était les réprouvés, que le bon Dieu punissait, pour n'avoir pas voulu observer ses commandements et pour avoir négligé de se sauver. Le jeune homme, tout effrayé, demanda ce qu'il fallait faire pour se sauver et n'être pas du nombre de ces malheureux. « Mortifiez-vous, lui dit-elle, priez et jeûnez. », et dans l'instant même, elle disparaît. Le jeune Dosithée, dès ce moment, embrassa la pénitence, il passa dorénavant une grande partie du temps à prier. Un jeune seigneur qui l'avait accompagné dans son voyage, surpris de ce changement, lui dit qu'une vie de prières et de mortifications ne convenait qu'à un bon solitaire, et non à un jeune homme de qualité comme lui. Dosithée pensant que c'était un piège du démon, et ne voulant pas résister au mouvement de la grâce, demanda secrètement où il y avait des solitaires et comment ils vivaient ; on le conduisit au fameux monastère de Saint Séride, où l'abbé chargea saint Dorothée de l'examiner. Après un long entretien, Dorothée croyant voir en lui une véritable vocation : « Allez, mon ami, lui dit-il en l'embrassant tendrement, le bon Dieu qui vous a donné de si bonnes pensées, vous bénira. » Il fut reçu, et passa le reste de sa vie dans les pénitences et dans les larmes. Il mourut en saint [25]. Eh bien ! M.F., vous voyez que la seule vue de ce tableau le toucha, le convertit, le fit vivre et mourir en saint. Sans ce tableau, peut-être serait-il en enfer ?...

Les images nous instruisent des saints mystères de notre religion et frappent notre imagination. Nous lisons dans la vie de sainte Thérèse, qu'ayant vu un tableau de l’agonie de Jésus-Christ, elle en fut si touchée, qu'elle tomba presque morte. Elle y pensa pendant toute sa vie ; il lui semblait voir continuellement Jésus-Christ dans son agonie au jardin des Olives, prêt à expirer. D'ailleurs, le bon Dieu, pour nous montrer combien le respect que nous portons aux images des saints lui est agréable, s'est servi précisément d'elles pour faire quantité de miracles. Il est rapporté que dans la ville de Rome la peste fit une année des ravages si effroyables, qu'elle semblait ne laisser personne, malgré toutes les pénitences et toutes les bonnes œuvres que l'on faisait. Voyant que rien ne pouvait arrêter ces ravages, le pape saint Grégoire eut la pensée de faire porter en procession une image de la sainte Vierge, qui avait été peinte, dit-on, par saint Luc. Partout où cette image passa, la peste cessa ; et Dieu, pour montrer combien cet honneur que l'on rendait à l'image de sa Mère lui était agréable, envoya un ange qui fit entendre ces mots : « Regina cœli, lætare ; alleluia. » En même temps la peste cessa partout [26]. Le respect que nous rendons aux images se rapporte donc aux saints qu'elles représentent, et l'honneur que les saints reçoivent se rapporte à Dieu seul.

Il est encore raconté que l'empereur Léon l'lsaurien avait une telle aversion pour les saintes images, qu'il ordonna de les faire toutes brûler. Saint Jean Damascène, alors patriarche d'Alexandrie, etc... [27]. Ce miracle vous prouve combien la sainte Vierge prend plaisir à l'honneur qu'on rend à ses saintes images ; et cet exemple vous enseigne le respect que nous devons avoir pour les images des saints ; aussi ne devez-vous jamais laisser vos maisons sans en avoir quelques-unes, pour attirer sur vous la protection des saints. Les images semblent quelquefois nous montrer les choses dans leur réalité, et souvent elles nous frappent presque aussi fortement que les choses mêmes qu'elles représentent. Voyez ce qui arriva à Bogoris, roi des Bulgares…. [28]. Voyez encore ce qui arriva à sainte Marie Égyptienne, elle reçut la grâce de sa conversion en allant se présenter devant une image de la sainte Vierge.

Il est bien certain que nous ne devons pas mettre notre confiance dans les images, comme faisaient les païens, de leurs idoles ; mais nous devons savoir que l'honneur que nous leur rendons se rapporte au Seigneur, de sorte qu'en honorant les images, nous ne faisons qu'adorer Jésus-Christ et honorer les saints que les images représentent. En effet, M.F., il ne faut souvent qu'un regard sur un tableau pour nous toucher et nous rappeler les vertus qu'ils ont pratiquées pendant leur vie. Tenez, M.F., jetez vos regards sur l'image de Jésus-Christ dans son agonie au jardin des Olives ; on nous le représente pleurant nos péchés avec des larmes de sang ; pouvons-nous trouver quelque chose de plus touchant pour nous faire pleurer notre indifférence ? Combien de pécheurs se sont convertis en considérant le tableau de la flagellation de Jésus-Christ ? Quelle fut la cause des larmes de Madeleine dans son désert, sinon une croix que l'ange Gabriel plaça devant sa cellule ? Qu'est-ce qui fit tant pleurer sainte Catherine de Sienne, n'est-ce pas parce qu'elle vit Notre-Seigneur se présenter à elle comme au moment de sa flagellation ? Parcourez tous les tableaux de cette église, et vous verrez que la moindre réflexion vous touchera, et vous donnera l'heureuse pensée de mieux faire et de vous convertir ; vous verrez en même temps ce que vous avez coûté à Jésus-Christ, ce qu'il a fait pour votre salut, et combien vous êtes malheureux de ne pas l'aimer. Si vous regardez le tableau de saint Jean-Baptiste, tout aussitôt votre esprit se transporte dans son désert, où vous le voyez nourri et servi parles anges, livré à toutes sortes de pénitences. Ne vous semble-t-il pas le voir, lorsqu'on lui tranche la tête ? Ne vous semble-t-il pas voir le bourreau devant Hérode, prêt à remettre cette tête à la fille impudique ? Si vous voyez saint Laurent, ne pensez-vous pas de suite à tous ses tourments ? Ne croyez-vous pas l'entendre dire au bourreau : « Tournez-moi de l'autre côté, je suis assez brûlé de celui-ci. » Voyez saint Sixte, notre bon patron [29] que vous dit son tableau ?...

Rien, M.F., n'est plus capable de nous toucher et même de nous convertir, que la vue d'un tableau, si nous voulons bien méditer les vertus du saint qu'il représente. Aussi devons-nous grandement respecter tout ce qui est capable de nous rappeler et les saints et leurs vertus, mais il faut honorer encore bien plus leurs reliques, quand nous avons le bonheur de les avoir. Nous sommes sûrs que les saints dans le ciel nous aiment, et qu'ils désirent ardemment que nous allions les rejoindre. Ils veulent que nous ayons recours à leur protection ; ils ne nous abandonneront pas pendant notre vie. Ils sont nos amis, nos frères : ayons donc pour eux une grande dévotion ; afin que leurs prières et les petits efforts que nous ferons sur la terre, nous procurent un jour le bonheur d'aller nous unir à eux pendant toute l'éternité. C'est ce que je vous souhaite.

[1] MATTH. VII
[2] Ce trait est raconté dans les mêmes termes au Sermon pour le XVIIe  dimanche après la Pentecôte, tome III.
[3] ECCLI., XXXI, 9-10. Le Saint adapte à son sujet le texte de l’Ecclésiastique ainsi modifié.
[4] RIBADEBERIA, au 6 mars.
[5] I TIM. V ; EPH. V.
[6] Ps. XXXIII.  13-15.
[7] Vie des Pères du désert, t. Ier
[8] Ibid. t.V, p.379.
[9] I COR. VI, 2.
[10] Ps. CI, 10 ; VI, 7.
[11] LUC. VII.
[12] JOAN. XIX, 25.
[13] ROM. VII, 15-24.
[14] MATTH. XVI. 26.

[15] Ps. VIII, 1.
[16] Ps. LXX, 1.
[17] Les trois notes entre parenthèses sont du Saint.
[18] RIBADENARIA, au 27 décembre.
[19] S. AUG. Conf. Lib. VI.
[20] Vie des Pères du désert, t. VIII, p.165.
[21] ACTA SS. t.V, jun. P.941.
[22] ACT. V, 15.
[23] Ibid. XIX, 12.
[24] Sess. XXV.
[25] Vie des Pères du désert, t.VI, p.271.
[26] RIBADENERIA, au 12 mars.
[27] Trait raconté dans le sermon pour la fête de la Nativité.
[28] Trait rapporté dans le sermon Sur le jugement dernier, t. I.

[29] Saint Sixte est le patron de la paroisse d’Ars.

mercredi 21 octobre 2015

Le rosaire dans la famille - Pie XII



Venus à Rome pour demander la bénédiction du Père commun des fidèles sur vos nouveaux foyers, il faudrait, bien-aimés fils et filles, que vous en remportiez également une dévotion accrue envers le rosaire de la Vierge Marie, à laquelle est consacré ce mois d'octobre : tant de souvenirs rattachent cette dévotion à la piété des Romains et elle s'harmonise si bien avec toutes les circonstances de la vie domestique, avec tous les besoins et les dispositions particulières de chacun des membres de la famille !

Au cours de vos visites aux sanctuaires de cette Ville éternelle, il vous est arrivé dans quelqu'une de ces antiques basiliques ou près de la tombe glorieuse d'un saint, de vous sentir plus vivement émus, et, non contents d'un passage rapide, vous vous êtes arrêtés pour une fervente prière à vos intentions communes : la prière qui montait alors spontanément à vos lèvres, n'était-ce pas souvent la récitation de quelque dizaine de votre rosaire ?

Rosaire des jeunes époux, que vous récitez côte à côte à l'aurore de votre nouvelle famille, en face de la vie qui s'ouvre avec ses joyeux présages, mais aussi avec ses mystères et ses responsabilités. Il est si doux, dans la joie de ces premiers jours de pleine intimité, de mettre ainsi ses espérances et ses projets d'avenir sous la protection de la Vierge toute pure et toute-puissante, de la Mère d'amour et de miséricorde, dont les joies, les douleurs et les gloires repassent devant les yeux de votre âme au rythme des dizaines d'Ave Maria, évocation des exemples de la plus sainte des familles.

Rosaire des enfants. Rosaire des petits qui tiennent les grains du chapelet entre leurs doigts mignons encore malhabiles et qui lentement répètent, avec application et effort, mais déjà avec amour, les Pater et Ave que la patience de leur mère leur a enseignés ; ils se trompent, il est vrai, et parfois ils hésitent, ils confondent ; mais il y a dans le regard qu'ils attachent sur l'image de Marie, de Celle en qui ils savent déjà reconnaître leur Mère du ciel, une candeur si pleine de confiance ! Ce sera ensuite le chapelet de la première communion, qui aura sa place bien à lui dans les souvenirs de ce grand jour ; beau souvenir, à condition cependant de rester ce qu'il doit être, non pas un vain objet de luxe, mais un instrument qui aide à prier et qui évoque la pensée de Marie.

Rosaire de la jeune fille déjà grande, joyeuse et sereine, mais sérieuse en même temps et soucieuse de l'avenir. Elle confie à Marie, la Vierge Immaculée prudente et douce, les aspirations de dévouement qu'elle éprouve en son cœur ; elle prie pour celui qu'elle ne connaît pas encore, mais que Dieu connaît et que la Providence lui destine et qu'elle voudrait savoir pareil à elle-même, chrétien fervent et généreux. Ce chapelet qu'elle aime tant à réciter le dimanche avec ses compagnes, elle devra peut-être la semaine le dire durant les travaux du ménage, aux côtés de sa mère, ou entre les heures de travail au bureau où à la campagne, lorsqu'elle aura le loisir de se rendre à la chapelle voisine.

Rosaire du jeune homme, apprenti, étudiant ou agriculteur, qui se prépare par un travail courageux à gagner un jour son pain et celui des siens ; chapelet qu'il garde précieusement sur soi, comme une protection de cette pureté qu'il veut porter intacte à l'autel de ses noces ; chapelet qu'il récite sans respect humain dans les loisirs favorables au recueillement et à la prière ; rosaire qui l'accompagne sous l'uniforme du soldat, au milieu des fatigues et des périls de la guerre ; rosaire qu'il serrera une dernière fois le jour où peut-être la patrie lui demandera le suprême sacrifice, et que ses compagnons d'armes découvriront avec émotion entre ses doigts glacés et couverts de sang.

Rosaire de la mère de famille. Chapelet de l'ouvrière ou de la paysanne, simple et solide, usé par les ans, qu'elle ne pourra prendre en main que le soir peut-être, alors que, bien fatiguée de sa journée, elle trouvera encore dans sa foi et son amour la force de le réciter en luttant contre le sommeil, pour tous les siens, pour ceux surtout qui sont le plus exposés aux dangers de l'âme ou du corps, peut-être tentés ou affligés, ou qu'avec tristesse elle voit s'éloigner de Dieu. Rosaire de la grande dame, plus riche peut-être, mais souvent accablée de préoccupations et d'angoisses plus lourdes encore.

Rosaire du père de famille, de l'homme de travail et d'énergie qui ne manque jamais d'emporter son chapelet avec son stylo et son calepin ; qui, grand professeur, ingénieur renommé, clinicien célèbre, avocat éloquent, artiste de génie, agronome expert, ne rougit point de réciter son chapelet avec une dévote simplicité durant les brefs instants qu'il arrache à la tyrannie du travail professionnel pour aller retremper son âme de chrétien dans la paix d'une église, au pied du tabernacle.

Rosaire des vieux. Vieille grand-mère qui égrène, infatigable, son chapelet dans ses doigts engourdis, au fond de l'église, aussi longtemps qu'elle s'y peut traîner sur ses jambes raidies, ou durant les longues heures d'immobilité forcée dans le fauteuil, au coin du feu. Vieille tante qui a consacré toutes ses forces au bien de la famille et qui, maintenant qu'approche le terme d'une vie toute dépensée en bonnes œuvres, fait alterner, inépuisable de dévouement, les petits services qu'elle trouve encore le moyen de rendre, avec des dizaines et des dizaines d'Ave qu'elle dit sans relâche sur son chapelet.

Rosaire du mourant, serré aux heures suprêmes comme un dernier appui entre ses mains tremblantes, alors qu'autour de lui les siens le récitent à voix basse ; chapelet qui restera sur sa poitrine avec le crucifix, témoin de sa confiance en la miséricorde de Dieu et en l'intercession de la Vierge, de cette confiance dont était rempli ce cœur qui a fini de battre.

Rosaire, enfin, de la famille tout entière. Rosaire que tous récitent en commun, petits et grands ; qui réunit le soir aux pieds de Marie ceux que le travail de la journée avait séparés et dispersés ; qui les unit, ravivant les souvenirs dans une fervente prière, aux absents et aux disparus ; qui consacre ainsi le lien qui les rassemble tous sous l'égide maternelle de la Vierge Immaculée, Reine du Saint Rosaire.

A Lourdes comme à Pompéi, Marie a voulu montrer par d'innombrables faveurs à quel point cette prière lui est chère. Elle y invitait sa confidente Bernadette, elle accompagnait les Ave de l'enfant, elle égrenait avec elle lentement son chapelet, brillant comme les roses d'or qui éclataient à ses pieds. Répondez, chers jeunes époux, répondez à ces invites de votre Mère du ciel : assurez à son rosaire une place d'honneur dans les prières de vos nouvelles familles. Familles que Nous sommes heureux de bénir paternellement, et avec elles tous nos autres bien aimés fils et filles ici présents, au nom du Seigneur.

8 octobre 1941

mercredi 14 octobre 2015

Message aux canadiens pour le 19 octobre 2015 - Jour de vote



« Si l'on vole, on est voleur. On aura beau faire tous les discours pour s'excuser, expliquer son acte, on est un voleur.

De même, si on vote, on est un démo(n)crate. On aura beau faire tous les discours pour dire qu'on est contre la démocratie, on est démo(n)crate. »

La société chrétienne avait le souci du salut du plus grand nombre. La société moderne fondée sur la démo(n)cratie cherche à damner le plus grand nombre. [...] La Révolution a fait croire -et fait toujours croire - aux gouvernés qu'ils sont devenus gouvernant. C'est la pseudopolitique si bien vue par le Vénérable Holzhauser. les gouvernés n'ont jamais eu aucun pouvoir, hors celui permis par les loges, mais on les oblige à s'exciter à longueur d'années sur une prise de pouvoir future ou sur une participation à la vie politique. Le seul acte qui leur est imposé, car il n'y en a pas d'autre, est celui de voter. Voter, non pas comme sous la chrétienneté pour tel candidat très précis, mais aujourd'hui pour le candidat choisi par un parti, souvent inconnu de l'électeur. Car les gouvernés ont été divisés en parties et les vrais gouvernants, qui sont inconnus et occultes, créent et tiennent chaque partie par des partis. Et les élus sont tenus. Ils obéissent, non pas à leurs électeurs, mais aux chefs de leur parti. S'ils désobéissent, ils n'ont plus l'investiture nécessaire lors de l'élection suivante. Les partis sont, bien sûr, dirigés par les financiers. Ce qui fait que depuis deux cents ans le vote ne sert à rien. Tout est MENSONGE. Le seul vrai pouvoir est celui des financiers. LE VOTE N'EST QU'UNE COMMUNION AU SYSTÈME DÉMO(N)CRATIQUE. 

Louis-Hubert Remy - Maurras tournons la page

vendredi 9 octobre 2015

Saint François de Sales démolit la position de la FSSPX



La position de la FSSPX est de dire que les « pasteurs » de l’église conciliaire ont juridiction ordinaire tandis que les membres de la FSSPX auraient une juridiction extraordinaire. Cela revient à dire qu’il y aurait deux Eglises catholique, ce qui est une négation du Credo. C’est croire non plus en l’Eglise UNE, sainte, catholique et apostolique mais en deux Eglises, l’une hérétique (ou dans l’erreur) mais possédant tout de même juridiction ordinaire (non-sens) et l’autre qui serait la véritable Eglise mais qui ne posséderait que juridiction extraordinaire. Cette position est réfutée par Saint François de Sales dans sa Lettre ouverte aux protestants.

Saint François de Sales, Docteur de l’Eglise, Lettre ouverte aux protestants : « Je dis, secondement, que jamais aucune mission extraordinaire ne doit être reçue, étant désavouée de l’autorité ordinaire qui est en l’Eglise de Notre Seigneur. Car,

1.- nous sommes obligés d’obéir à nos pasteurs ordinaires sous peine d’être publicains et païens (Matthieu, 18 :17). Comment donc pourrions-nous ranger nous sous autre discipline que la leur ? Les extraordinaires seront tenus pour néant, puisque nous serions obligés de ne pas les entendre, dans le cas où, comme j’ai dit, elles seraient désavouées des pasteurs ordinaires.

2. Dieu n’est point auteur de divisions, mais d’union et de concorde (I Corinthiens, 14 : 33), principalement entre ses disciples et ministres ecclésiastiques, comme Notre Seigneur montre clairement en la sainte prière qu’il fit à son Père dans les derniers jours de sa vie mortelle (Jean, 17 : 11 et 21). Comment donc autoriserait-il deux sortes de pasteurs, l’un extraordinaire, l’autre ordinaire ? Quant à l’ordinaire qu’elle soit autorisée cela est certain ; quant à l’extraordinaire, nous le présupposons : ce seraient donc deux Eglises différentes, qui est contre la plus pure parole de Notre Seigneur, qui n’a qu’une seule épouse, qu’une seule colombe, qu’une seule parfaite (Cantiques, 6 : 8.). Et comment pourrait être le troupeau uni, conduit par deux pasteurs inconnus l’un de l’autre, à divers repaires, à divers huchements (appels) et redans (retranchements), et dont l’un et l’autre voudraient tout avoir ? Ainsi serait l’Eglise, sous diversité de pasteurs ordinaires et extraordinaires, tirassëe (tiraillée) ça et là en diverses sectes. Et quoi ? Notre Seigneur est-il divisé (1 Corinthiens, 1 : 13) , ou en lui-même ou en son corps qui est l’Eglise ? Non, pour vrai, mais, au contraire, il ni a qu’un Seigneur (Ephésiens, 4 : 5), lequel a bâti son corps mystique avec une belle variété de membres très bien agencés, assemblés et serrés comtement, par toutes les jointures de la sousministration mutuelle; de façon que de vouloir mettre en l’Eglise cette division de troupes ordinaires et extraordinaires, c’est la ruiner et perdre. Il faut donc revenir à ce que nous disions, que jamais la vocation extraordinaire n’est légitime quand elle est désavouée de l’ordinaire. »



jeudi 8 octobre 2015

Père Barbara - Démasquer d'autorité l'église apparente

« On voudrait se redire avec tant de douceur et de justesse les paroles de vérité, les simples paroles de la doctrine surnaturelle apprises au catéchisme, que l’on n’ajoute pas encore au mal mais plutôt que l’on se laisse profondément persuader par l’enseignement de la révélation, que Rome, un jour, sera guérie; que l’église apparente bientôt sera démasquée d’autorité. Aussitôt elle tombera en poussière, car sa principale force vient de ce que son mensonge intrinsèque passe pour la vérité, n’étant jamais effectivement désavouée d’en haut. »[i]

Voilà l’espérance que le R.P. Calmel avait au cœur : un jour l’église apparente démasquée d’autorité tombera en poussière et Rome alors sera guérie.

Mais l’église apparente ne tombera pas en poussière comme par enchantement. Pour le Révérend Père, cette intruse, qui occupe et occulte l’Église réelle, tombera en poussière le jour où elle aura été « démasquée d’autorité ». Aussi longtemps qu’on s’y refusera, aussi longtemps qu’on laissera « son mensonge intrinsèque passer pour la vérité », l’église apparente continuera à prospérer et à occulter l’Église réelle « car sa principale force vient de ce que son mensonge intrinsèque passe pour la vérité, n’étant jamais effectivement désavoué d’en haut ».

L’ «église apparente » ! C’est celle qui apparaît, celle qui se présente comme étant l’Église catholique et que le monde tient pour telle. C’est l’ «église conciliaire », l’organisme installé à Rome aux lieux et place de l’Église véritable. Le Père Calmel l’appelle « église apparente », surtout pour rappeler qu’elle n’est pas l’Église et que, n’étant pas l’Église du Christ, on ne devait pas les confondre. C’est en cela que consiste son mensonge intrinsèque.

Un mensonge, tout le monde le sait, c’est une affirmation contraire à la vérité. Le mensonge intrinsèque de l’église apparente, c’est qu’elle se dit l’Eglise de Jésus-Christ alors qu’intrinsèquement, dans son être même, dans sa réalité profonde, aux yeux de Dieu et au regard de la foi, elle ne l’est pas.

Convaincu que la principale force de l’église apparente lui vient du fait que ce mensonge intrinsèque passe pour la vérité, le Révérend Père espère que bientôt elle sera « démasquée d’autorité ».

L’autorité est une participation au domaine de Dieu sur ses créatures. Lui seul peut l’accorder. Voilà pourquoi l’Apôtre est si formel : « Il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu « (Rom, XIII, 1). Qui ne comprend dès lors que Dieu ne peut en aucune façon avoir délégué ses droits, son pouvoir, son domaine à cet organisme qui ne possède de l’Eglise de son Fils que des apparences trompeuses.

L’autorité de la nouvelle église est une autorité factice, une autorité d’emprunt, « un masque d’autorité ».

La démasquer d’autorité, c’est lui enlever ce masque sous lequel elle se cache; c’est la montrer telle qu’elle est dans la réalité, devant Dieu, un néant.

La démasquer d’autorité, c’est aussi expliquer, faire comprendre et proclamer à temps et à contre-temps, que cette église n’ayant aucune autorité, les doctrines qu’elle enseigne, les décisions qu’elle prend, les changements qu’elle fait, les nouveautés qu’elle promulgue, les sanctions qu’elle porte, tout est nul et sans valeur.

La démasquer d’autorité, c’est enfin « rappeler à temps et à contretemps, mais toujours en instruisant » (II Tim. IV, 2), en quoi elle n’est pas l’Eglise et ne possède de l’Epouse du Christ que les apparences qu’elle se donne. L’Eglise du Christ, c’est « la maison de Dieu. C’est la colonne et le fondement de la vérité » (Eph. II, 19. I Tim. III, 15). La nouvelle église n’est rien de tout cela.

C’est parce qu’elle n’est rien de tout cela que l’autorité dont elle se prévaut n’est qu’un maque derrière lequel elle dissimule sa nullité. Voilà pourquoi le Révérend Père Calmel assure que « démasquée d’autorité, cette église apparente tombera aussitôt en poussière, car sa principale force vient de ce que son mensonge intrinsèque passe pour la vérité. »

Vous avez bien lu, sa force principale, je dirais sa force tout court, ce qui lui permet de se maintenir, de durer, de continuer à occuper abusivement et d’occulter totalement la véritable Eglise, c’est que « son mensonge intrinsèque passe pour la vérité.»

Le mensonge intrinsèque de l’église apparente, je l’ai expliqué plus haut. Il me suffit d’ajouter qu’il constitue une véritable imposture, une mystification sans précédent. Voilà plus de vingt ans qu’il dure; voilà plus de vingt ans que l’église apparente occulte l’Eglise réelle et trompe le monde entier. Voilà plus de vingt ans que cette effrontée, sans se gêner, trafique ouvertement la doctrine. Il n’est pas d’hérétique qu’elle n’ait excusé, pas de dogme dont elle ne laisse remettre en question la vérité définitive. Et, comble de scélératesse, voilà plus de vingt ans que cette impudente a si complètement médusé les meilleurs fils de l’Eglise, qu’elle est arrivée à faire commettre tous ses sacrilèges par des âmes consacrées! Comment expliquer ce mystère d’iniquité?

Le Père Calmel nous l’a dit. Le mensonge intrinsèque perdure parce que jamais il n’a été « effectivement désavoué d’en haut ». Le jour où il le sera, l’église apparente s’écroulera, elle tombera en poussière.

Mais, demanderont certains, n’a-t-il pas déjà été désavoué? Ne l’avez-vous pas dénoncé, vous, Père Barbara, dans vos sermons du dimanche, dans vos conférences, dans votre revue et jusqu’à la radio? Et Mgr Lefebvre, avec les prêtres de sa Fraternité et tous ceux qui les soutiennent dans leur combat ne l’ont-ils pas dénoncé aussi? L’église apparente n’en est pas tombée en poussière pour cela; elle occupe encore la véritable Église, se fait toujours passer pour l’Epouse et, plus que jamais, se pare de son autorité.

Oui, ayant compris l’imposture de l’église apparente, Dieu m’a fait la grâce de la dénoncer jusqu’à Rome[ii]. Mais, simple prêtre, ma dénonciation n’était pas un « désaveu d’en haut ». Seuls, les successeurs des Apôtres, les évêques, détiennent cette autorité. Seuls, ils peuvent « désavouer d’en haut » le mensonge intrinsèque de l’église apparente. Malheureusement, ni Mgr Lefebvre, ni Mgr de Castro Mayer, ni aucun prélat catholique ne l’a encore fait.

Sans doute, Mgr. Lefebvre et ceux qui le soutiennent ont vivement attaqué l’église apparente et lui ont résisté publiqueemnt. Mais jamais ils n’ont accepté de la « démasquer d’autorité ». Que dis-je! Non seulement, ils ne l’ont pas démasquée d’autorité mais, sur ce point précis, Mgr Lefebvre lui a apporté le concours le plus inespéré que cette intruse pouvait attendre de ses meilleurs auxiliaires, il a reconnu son autorité et a pris publiquement son parti. Bien mieux, il a fait savoir qu’il se séparait de ceux qui niaient toute validité à la synaxe de l’église apparente, ou qui refusaient de célébrer la messe catholique « una cum », en union avec Jean-Paul II.

Oui, Mgr Lefebvre a fait cela. Il l’a fait dans une déclaration officielle qu’il a diffusée autant qu’il a pu[iii].

Lorsque le R.P. Calmel voulait « que l’on se laisse profondément persuader par l’enseignement de la révélation, que Rome, un jour sera guérie; que l’église apparente  tombera en poussière », il ne pensait, ni ne disait que cela arriverait à condition de résister et d’oser braver publiquement les autorités installées. Mieux que nous il savait que jamais la révélation n’avait enseigné pareil scandale. Lui qui l’avait bien étudiée, savait que « toute autorité vient de Dieu et que résister aux autorités, c’est résister à Dieu qui les a établies, et c’est attirer sur soi la condamnation » (Rom. XIII, 1-2). Mais il savait aussi que les loups excellent à se couvrir de vêtement de brebis. Voilà pourquoi il avait affirmé que Rome serait guérit le jour où l’église apparente serait démasqué d’autorité, le jour où l’on aurait arraché au loup la peau de brebis, le jour où le mensonge intrinsèque de l’église apparente aurait été désavoué d’en haut. Ce jour-là, oui, l’intruse tombera en poussière. Mais ce jour-là n’est pas encore arrivé.

Quelle que soit la vénération qu’on peut avoir pour Mgr Lefebvre, elle ne change pas la réalité et la réalité est que cet évêque, à qui Dieu a fait la grâce de comprendre l’imposture de l’église apparente, ne l’a pas encore démasquée d’autorité, pas plus du reste qu’il n’a démasqué son chef, Jean-Paul II.

A ce jour, Mgr Lefebvre a préféré nier l’évidence et s’installer dans l’incohérence la plus complète et la plus opposée à l’enseignement de la révélation. Il a choisi de dire n’importe quoi[iv] plutôt que de démasquer d'autorité l’église apparente et son chef.

Car, ne nous y trompons pas, démasquer d’autorité l’église apparente c’est surtout démasquer d’autorité son chef; c’est lui enlever le vêtement de brebis dont il se couvre. C’est expliquer et proclamer que son autorité est une autorité factice, une autorité usurpée. En fait, devant Dieu, il n’a pas d’autorité. Et il n’en a pas parce qu’il n’est pas Vicaire du Christ, lui qui enseigne officiellement des erreurs condamnées par l’Eglise. A lui aussi, la force principale vient de ce que son mensonge intrinsèque passe pour la vérité. Son mensonge intrinsèque, c’est qu’il se présente comme Vicaire du Christ alors qu’il ne l’est pas. Le démasquer d’autorité, c’est donc faire comprendre qu’il n’a du pape que l’apparence que lui donnent son élection et son installation sur le Siège de Pierre. Ce n’est que dans la mesure où un vrai successeur des Apôtres fera comprendre aux fidèles que le « pape » de l’église apparente n’est pas le Vicaire du Christ, que le Christ ne l’a pas revêtu de son autorité, qu’on l’aura démasqué d’autorité. Alors, mais alors seulement, on verra se réaliser la prédiction du Père Calmel. Démasqués d’autorité, désavoués d’en haut, l’église apparente et son chef tomberont en poussière et la Rome éternelle sera guérie.

Forts dans la Foi, 1er trimestre 1990, 9/10



[i] R.P. R.-Th Calmel, o.p. Itinéraires n°173, mai 1973, p.79-80.
[ii] Le 19 novembre 1976, j’avais tenu à Rome une conférence de presse internationale au cours de laquelle j’avais dénoncé l’hérésie, le schisme et l’apostasie de Paul VI. Le lendemain, plus de dix-neuf quotidiens italiens en avaient rendu compte, certains, en première page et sur plusieurs colonnes.
[iii] Position de Mgr Lefebvre sur la nouvelle messe et le pape. « Mgr Lefebvre nous demande de faire connaître la synthèse de sa position sur ce qu’il a écrit et dit au sujet de deux problèmes qui agitent les conscience des catholiques fidèles à la Tradition, la validité du n.o.m. et l’existence actuelle d’un pape… En conséquence, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X des pères, des frères, des sœurs, des oblates ne peut pas tolérer dans son sein de membres qui refusent de prier pour le pape et qui affirment que toutes les messes du nouvel ordo missae sont invalides. » Fideliter n°13, février 1980, d’après Cor unum, novembre 1979. Cette déclaration, reproduite par tous les bulletins de la Fraternité et des chapelles qui sont dans sa mouvance, a été éditée en tract et distribuée à plus de dix mille exemplaires rien qu’à Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
[iv] Monseigneur est allé jusqu’à faire croire que le Christ avait doté l’Eglise d’un chef visible « à mi-temps », tantôt «Vicaire du Christ », tantôt « antichrist ».