mercredi 30 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-15 - La Sainte Trinité



QUATORZIÈME INSTRUCTION 
LA SAINTE TRINITÉ.

«Jésus, ayant été baptisé et priant, le ciel s’ouvrit et le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme sensible d’une colombe et on entendit une voix du ciel: «Vous êtes mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances». Luc, 3-21.

Nous allons l’étudier surtout en vue de la vivre davantage dans notre propre vie quotidienne. Puisque nous nous en allons au ciel pour participer à la vie, à la sagesse et au bonheur de la Trinité, nous devons commencer sur terre cette vie divine en union avec la Sainte Trinité, par sa grâce et dans la foi.

Peu de chrétiens s’occupent de la Trinité; ils parlent ordinairement de Dieu. C’est quelque chose évidemment, mais ce n’est pas suffisant. Puisque nous avons été baptisés au nom de la Trinité, nous devons continuer de la vivre dans toute notre vie. Dans le ciel, le bonheur va justement être dans la contemplation des processions divines des trois Personnes et dans notre participation à leur vie réciproque; donc il nous faut commencer tout de suite dans la foi, cette vie trinitaire.

Les prêtres sont bien responsables de cette ignorance des fidèles au sujet de la Trinité. Quand même c’est un mystère, il y a une foule de choses très pratiques pour notre vie spirituelle que nous connaissons déjà par révélation de J.-C., nous devons nous en servir pour nous sanctifier.

C’est un sujet difficile parce qu’il dépasse non seulement la raison, mais aussi sa façon ordinaire de comprendre. Ce que la raison trouve pénible, c’est d’être guidée par une lumière qui ne vient pas d’elle-même et dans un monde qu’elle ne peut pas se représenter dans l’imagination ou dans les sens. Elle se trouve comme perdue entre ciel et terre. Elle trouve dur de suivre une lumière qui ne l’éclaire pas selon son mode ordinaire de comprendre et qui pour elle est ténèbres. Il faut qu’elle accepte d’être conduite par un autre qu’elle n’a jamais vu ni connu par elle-même.

LA FOI EST NOTRE SEUL GUIDE

Son cas est exactement celui d’un aveugle qui se laisse conduire par un autre, un guide. S’il s’abandonne à son guide, tout en restant aveugle, il se trouve à voir pour ainsi dire par les yeux de son guide. Eh bien! Il en est ainsi pour la raison: si elle suit fidèlement la foi, qui voit clair dans les choses divines, la raison finira par voir comme la foi avec les yeux de la foi. Mais la difficulté reste quand même. Il faut beaucoup d’humilité et d’amour de Dieu pour se soumettre ainsi à la révélation et organiser sa vie selon les exigences de la foi.

Prenons un exemple dans l’Eucharistie. L’homme voit du pain, goûte du pain et touche du pain; c’est bien assez pour que la raison conclue que c’est bien du pain. Cependant elle doit se renoncer et juger selon la foi qui lui dit: Il n’y a pas de pain là du tout, mais seulement les apparences du pain et c’est l’Humanité sainte de Jésus avec sa divinité.

Combien de chrétiens acceptent dans la pratique de la vie cet enseignement de la foi? Qui vont voir Jésus en personne à l’église? Qui vont le recevoir souvent dans la sainte communion, qui s’entretiennent avec lui dans le Tabernacle? Quelle foi faible! Le mal vient de ce qu’ils ne prient pas assez pour avoir une foi vive et ardente. Elle ne vient pas seule; il faut la demander et l’augmenter encore par la prière.

Si c’est difficile de croire, ce l’est encore bien plus de vivre cette foi. Là évidemment on rencontre le «païen» partout avec son aveuglement, ses convoitises qui nous attirent aux choses sensibles et tous les attraits qu’offre un monde jouisseur secondé par les démons.

Enfin, ces vérités divines sont pleines de mystères pour nous, habitués aux choses de la terre et à notre manière de comprendre de la terre. Ces choses surnaturelles nous semblent donc difficiles à saisir par notre pauvre raison humaine.

Mais Dieu vient à notre secours en nous éclairant lui-même par ses illuminations intérieures et les dons du Saint-Esprit, en proportion qu’il nous voit enclins à les recevoir et à nous disposer selon ses exigences que nous pouvons étudier dans les bons auteurs spirituels.

On sait que tout ce que Dieu a fait pour conduire les Juifs en Terre Promise était la figure de ce qu’il veut faire pour chacun de nous sur la route du ciel. Eh bien! Il n’a pas voulu laisser les Juifs se conduire eux-mêmes dans le désert, mais c’est lui-même qui les conduisait par une colonne de nuage le jour et une colonne illuminée le soir. Cette nuée est la figure de la foi; elle nous conduit sûrement à notre Terre Promise, au ciel, mais il nous faut sacrifier notre raison et suivre aveuglement cette nuée de la foi; elle nous conduira sûrement au ciel. Or combien ne veulent pas s’abandonner à la foi! Ils prennent seulement ce qui concorde avec leur petit bon sens humain, aussi ces gens risquent gravement leur salut éternel.

J.-C. a pris la peine de venir sur la terre pour nous porter son message divin qui nous conduira certainement au ciel si nous le suivons fidèlement. Dieu a donné à chaque être une lumière pour le conduire dans son monde particulier. Ainsi les animaux ont leur instinct pour les conduire dans les choses sensibles. L’homme a la raison pour le conduire dans les sciences et dans sa vie humaine et raisonnable. Or Dieu nous a élevés de la vie humaine dans la vie divine; il devait donc nous donner une lumière capable de nous conduire dans les choses divines; c’est la foi…

J’insiste donc que c’est la foi seule qui doit nous conduire dans les choses divines… et non pas la raison. Il faut expliquer cela, les gens sont tellement embrouillés sur ce point. L’Eglise a défini qu’il n’y a pas d’opposition entre la foi et la raison, mais accord parfait! Voici une conclusion erronée qu’on tire de là; on en conclut que du moment qu’on suit la raison, on se trouve à suivre la foi, puisqu’il y a accord parfait entre les deux!

Il y a accord entre les deux au point de vue de la vérité historique, ontologique ou des faits. S’il est vrai que Napoléon a existé, c’est vrai aussi dans l’ordre surnaturel où la foi l’admet aussi. S’il y a de fait trois Personnes en Dieu, dans la Trinité, la raison ne peut pas le nier. Si l’essence de l’homme pour la raison est d’être un animal raisonnable, c’est aussi vrai dans la foi.

La grande erreur d’une foule de prêtres et de fidèles est d’affirmer que la raison et la foi s’accordent toujours en tout. Eh bien! Non. Au point de vue de l’orientation de notre activité, les deux s’opposent habituellement! Agir selon la raison contredit agir selon la foi et vice versa. L’Evangile est rempli de ces directives données par la foi et qui sont directement contraires à celles que donnerait la raison. Par exemple:

«N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui».

La raison dit tout le contraire: Aimez le monde et tout ce qui est dans le monde… et c’est justement ce que font les fidèles et la plupart des prêtres et des religieux.

«Aimez vos ennemis et faites-leur du bien et priez pour eux».

La raison dit tout le contraire et la preuve: combien peu de chrétiens sont capables d’aimer leurs ennemis!

Ce soir, il y a une heure sainte à l’église et tout à côté on donne des vues dans un cinéma; combien vont suivre la foi et aller à l’église plutôt que de suivre la raison et aller au cinéma?

Un mari encore jeune se voit abandonné par sa femme qui s’en va vivre avec un autre; combien vont suivre la foi et rester parfaitement chaste de toutes les façons? La plupart diraient: «Ça n’a pas de bon sens et je vais faire comme elle!».

C’est que la foi veut nous faire mener une vie toute céleste, tandis que la raison nous fait mener une vie terrestre, si différente de l’autre! Puisque nous sommes maintenant des enfants de Dieu, nous devons vivre comme Dieu, dans l’ordre surnaturel et donc cesser de vivre comme des païens malgré les cris de la nature.

L’Ecriture dit que notre élévation à l’ordre surnaturel est une nouvelle création, une vie nouvelle et donc surtout dans la partie libre de notre activité et donc dans les motifs qui doivent tous être absolument surnaturels comme notre fin dernière l’est. Comme l’Apôtre dit: notre conversation doit être dans le ciel, ce qui veut dire notre manière de vivre doit être toute celle du ciel. Nous devons donc vivre uniquement dans le surnaturel et donc suivre notre lumière surnaturelle qui est la foi et non pas la raison. Un païen fait œ qu’il veut, il se dirige selon sa raison, mais un chrétien doit faire ce que Dieu veut à tout instant, du jour ou de la nuit. Il doit consulter son Maître en tout ce qu’il fait et suivre ses directives. Un païen prend en lui-même la direction de son activité; un chrétien la prend en dehors de lui-même, en Dieu et en sa foi qui lui indique la volonté de Dieu.

LA TRINITÉ EST…

LA VIE DIVINE du Père. 
Jamais la raison n’aurait même pu soupçonner ce que la foi enseigne au sujet de l’existence de la Sainte Trinité et encore bien moins de l’habitation de la Sainte Trinité en nous. Nous n’avons donc qu’à prendre ce que la foi nous enseigne et avec la raison essayer de tirer les conclusions pratiques pour notre propre conduite spirituelle. Du fond de l’éternité, Dieu décida de créer des êtres capables de le connaître et de l’aimer, afin de leur communiquer son propre bonheur! Il est amour et l’amour aime à se répandre. Comme il est infini, il devait faire cela d’une façon digne de son infinité. Il lui faudrait recevoir le maximum de l’amour de la création. Il pouvait faire cela en qualité et en quantité.

D’abord en qualité. Par l’Incarnation de son Verbe, il lui donna la plus parfaite âme humaine qu’il était capable de créer par sa puissance absolue, pour qu’elle soit digne du Verbe, infini en tout comme son Père. Ce n’est que par ce moyen qu’il pourrait avoir un être créé, en dehors de lui-même, et qui pourrait l’aimer de la plus parfaite manière possible en dehors de l’infini. C’est la sainte Humanité de J.-C. Si elle n’avait pas toutes les perfections possibles pour aimer Dieu le plus parfaitement possible, Dieu n’aurait pas pu dire qu’il trouvait toutes ses complaisances en elle. Ce que le Père dit du haut du ciel sur le Thabor, s’adresse évidemment à Jésus en tant qu’homme aussi bien qu’en tant que Dieu tel qu’il était en personne sur la montagne sainte.

A cette âme si parfaite, Dieu communique la plus parfaite grâce sanctifiante qu’il pouvait créer aussi par sa puissance absolue. L’Humanité de Jésus a donc reçu la plus grande et la plus parfaite communication de la vie divine que Dieu pouvait donner à un être créé. En voilà donc une capable d’aimer Dieu du maximum d’amour en dehors de Dieu même. Comme elle est unie dans la Personne du Verbe. Voilà une création digne de Dieu!

Mais ce Fils n’est que le premier-né évidemment de toute une autre lignée de fils qu’il aura moins parfaits que Jésus, mais semblables à lui par adoption: les hommes. Il nous crée des animaux raisonnables et nous élève au rang divin en nous donnant la grâce sanctifiante qui est une participation créée de sa vie divine. Nous devenons donc ses véritables enfants, dignes de participer à sa vie trinitaire et à aller plus tard jouir de son bonheur éternel dans la vision béatifique.

C’est une adoption autrement parfaite que l’adoption simplement humaine. Dans cette dernière, l’enfant n’est accepté que pour participer aux biens communs de sa famille d’adoption. Mais cela ne le fait pas vraiment enfant de la famille. Tandis que dans l’adoption divine, nous devenons participants non seulement des biens de Dieu, mais de sa vie même. Nous devenons vraiment ses enfants dans toute la force du mot, puisqu’il nous donne sa vie propre par la grâce sanctifiante.

Si nous croyons à cette vie et que nous aimons Dieu, il dit que la Trinité viendra en nous et fera là sa demeure! Elle ne nous fait pas égaux à Dieu, mais de même race ou des êtres vraiment divins, ou comme on dit: déiformes ou semblables à Dieu. Il se trouve à être vraiment notre Père et nous ses enfants réels avec tous les droits que ce privilège comporte.

LA SAGESSE DIVINE est attribuée à la deuxième Personne de la Sainte Trinité. Le Fils est comme la Pensée du Père, il est son Verbe et sa Sagesse, car Dieu est infiniment sage et c’est cette Sagesse qui constitue la deuxième Personne de la Trinité, ça par quoi il se comprend lui-même. Comme elle vient du Père, on dit qu’elle est son Fils.

Notre intelligence n’est qu’un échantillon de la sienne et comme nous l’apprécions! Sûrement autant que notre vie! Est-ce qu’on ne dit pas devant un idiot: Il serait aussi bien mort! On estime les hommes au poids de leur intelligence. C’est elle qui manifeste la vie, qui l’exploite en lui faisant donner son rendement. Comme nous apprécions notre intelligence! Un compliment sur nos talents réjouit le cœur pour des années! comme un blâme sur ce point attriste profondément!

L’Ecriture dit que le Verbe ou la Sagesse divine est comme le reflet de la substance divine et de sa splendeur ou le miroir de la divinité. C’est elle qui manifeste ce qu’il y a en Dieu. Elle est infinie comme Dieu.

Nous sommes appelés à aller participer à cette sagesse divine au ciel qui fera notre bonheur éternel. Mais pour cela, il nous faut commencer sur terre dans la foi ce que nous voulons faire dans la gloire céleste. Toute la vie du chrétien devrait se passer à chercher cette sagesse divine pour y conformer ses pensées et ses jugements. Nous devons prendre tout de suite la mentalité de J.-C., suivre son esprit et juger comme lui en tout.

Où trouver cette divine sagesse sinon dans les Ecritures? Dieu a mis là tout ce qui concerne notre sanctification, afin que nous ne soyons pas seulement ses enfants, mais que nous agissions comme tels et soyons parfaits selon sa sainte volonté. C’est là que nous apprendrons à penser comme Jésus, à parler comme lui, à agir comme lui en tout. De cette sorte, nous ferons une seule chose avec lui et donc avec son Père avec lequel il est intimement uni.

En proportion que nous vivrons de cette sagesse divine, nous approuverons tout ce qu’elle fait dans le monde ou qu’elle permet. Nous ne devons donc pas murmurer jamais contre quoi que ce soit en dehors du péché, car tout est dirigé par la sagesse divine pour notre plus grand bien spirituel; c’est à nous de faire accorder nos jugements avec ceux de Dieu, peu importe ce que notre petit bon sens humain en pense. Ceux qui s’impatientent, qui murmurent et qui se fâchent contre les personnes ou les événements insultent cette sagesse divine qui veut les choses ainsi pour notre sanctification.

Tandis que ceux qui approuvent tout ce que Dieu fait dans le monde lui font grand plaisir et l’honorent en le glorifiant. Dans la même mesure, ils jouiront de lui au ciel.

Le plus grand obstacle à cette sagesse divine en nous est notre propre sagesse humaine que nous tenons tant à garder. Mais si nous ne voulons pas la sacrifier pour suivre celle de Dieu, elle ne viendra pas en nous. Il nous a donné la nôtre pour que nous puissions la semer, afin de récolter la sienne: c’est le prix de sa sagesse! «Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde, afin de confondre les sages!». Ceux qui mettent leur confiance en leur raison humaine se rendent indignes de recevoir la sagesse divine. Dieu veut toute la gloire du bien que nous faisons: il faut donc le faire selon et avec sa sagesse divine.

L’AMOUR DIVIN est l’attraction mutuelle entre le Père et le Fils. On l’appelle le Saint-Esprit parce que les deux premières Personnes l’ont comme exhalé dans leur soupir réciproque d’amour. L’activité divine part donc du Père, passe par le Fils et revient au Père par le Saint-Esprit. Le cycle est donc complet et fermé; il ne peut pas y avoir d’autre relation entre ces trois Personnes divines. Toute l’activité trinitaire se trouve donc dans la vie, la Sagesse et l’Amour divin.

Comme le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ainsi, notre amour de Dieu en nous procédera de la quantité ou du degré de notre vie divine et de notre sagesse divine. Sans la grâce sanctifiante, il est impossible d’aimer Dieu sincèrement. De même celui qui ne vit pas selon la sagesse divine de la foi ne peut pas aimer Dieu assez pour être sauvé. Ceux qui ne jugent pas selon Dieu les événements et les personnes, n’arriveront jamais à l’amour divin. Est-ce qu’on peut aimer une personne que l’on trouve sotte? Eh bien! Si on dispute contre ce que Dieu a fait dans le monde, comment peut-on l’aimer? Les trois personnes sont solidaires l’une de l’autre. Pour augmenter dans l’activité de l’une, il faut augmenter dans l’activité des deux autres. Par conséquent, si on n’aime pas la manière de Dieu de gouverner le monde par sa sagesse infinie, c’est Dieu même qu’on n’aime pas dans la même mesure.

Dieu est amour et pour demeurer en Dieu, il faut demeurer en l’amour. Or, l’amour est une fin; on la veut sans limite; on y pense constamment, on en parle à tout le monde et l’on fait tout en vue de son amour. Eh bien! Sont-ils nombreux les chrétiens qui aiment Dieu vraiment? Où sont ceux qui aiment à en parler? A en entendre parler? Comme ils sont rares! Rares donc sont ceux qui aiment Dieu! Quand on aime, on cherche à mieux connaître. Quand on aime, on cherche à se trouver souvent avec l’objet de son amour. Ceux qui aiment Dieu recherchent donc les choses de Dieu le plus possible; ils veulent s’instruire de tout ce que concerne Dieu et le fréquentent le plus possible là où il est: dans le Tabernacle et la sainte communion.

Comme le Saint-Esprit agit en nous surtout par ses dons, nous devons les lui demander souvent et nous disposer à les recevoir. Nous savons maintenant ce que cela veut dire: nous défaire de toute attache qui empêche l’exercice des dons en nous. Car comment Dieu peut-il nous donner la perfection de son amour quand on trouve qu’il ne nous suffit pas et que nous cherchons de l’amour dans les créatures? C’est une insulte à lui faire et nous la payons en étant privés de ces touches divines qu’il ne donne qu’à ceux qui mettent tout leur amour en lui seul.

Une autre façon de le montrer est qu’il s’agit ici de l’amour surnaturel de Dieu, le seul qui nous donne le ciel. Car nous pouvons avoir un certain amour, que j’appelle naturel et qui aurait suffi pour aller aux limbes. C’est une espèce d’admiration intellectuelle pour l’être suprême et créateur que la raison toute seule peut découvrir. Combien de prêtres philosophes n’ont actuellement que cet amour de tête seulement!

Or, l’amour surnaturel s’achète aux dépens de l’amour des créatures. Par conséquent, dès que je conçois ce qu’est Dieu pour moi dans l’ordre surnaturel et dans ma destinée surnaturelle, je dois retirer mon amour de toutes les créatures pour le concentrer totalement sur Dieu seul comme il le veut dans son premier commandement où il veut accaparer absolument toute notre capacité d’aimer. La mesure d’aimer Dieu est de l’aimer sans mesure!

SON HABITATION EN NOUS
LE PÈRE NOUS DONNE SA VIE.

Quand la Trinité vient en nous, il est évident qu’elle continue en elle-même son activité divine, comme dans le ciel. Mais plus que cela puisqu’elle vient en nous, c’est pour faire en nous ce qu’elle fait en elle-même. Chacune des Personnes veut nous communiquer son activité propre, afin de nous rendre semblables à elle-même. Le bienfait est tellement grand qu’il vaut la peine d’être considéré en particulier.

Voyons d’abord le rôle du Père en notre faveur. Il veut nous donner sa vie divine par la grâce sanctifiante, donc créer et par suite toujours limiter et donc susceptible d’augmentation. Ce que Jésus disait un jour: «Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance», il ne faisait que répéter ce qu’il avait entendu dire à son Père. Donc quand le Père vient en nous, il vient pour augmenter notre vie divine dans la grâce sanctifiante.

Mais nous savons qu’il ne s’impose pas: il exige notre coopération libre. Il produira donc cette vie en proportion que d’abord nous enlevons les obstacles et ensuite que nous montrions notre désir intense et notre amour [notre haine] pour les créatures. C’est parfaitement inutile de demander plus de grâce sanctifiante, si on ne diminue pas son amour pour les créatures en les sacrifiant pour l’amour de Dieu.
De même si on espère l’augmenter, il faut le montrer en l’exerçant de plus en plus dans la pratique de la vie. Par exemple, en nous occupant de plus en plus de choses spirituelles et en coupant dans les choses du monde. Car Dieu regarde les œuvres et pas seulement les désirs.

Quel bienfait inouï que de savoir que la Sainte Trinité peut et veut nous communiquer toutes ses processions comme en elle-même pour nous rendre semblables à elle dans la foi pour nous faire goûter son bonheur dans la gloire du ciel! Ce qu’elle a fait dans la sainte Humanité de Jésus, elle veut le faire en nous. Nos deux amours naturels sont les pires obstacles à l’action trinitaire Or, l’on sait comment les prêtres philosophes ne les attaquent jamais et même les protègent par toutes sortes de sophismes comme on a montré ailleurs. Ils empêchent donc Dieu de reproduire devant Dieu. Que Dieu ait pitié d’eux et leur ouvre les yeux dans leur erreur de tactique, dans leurs «in se» purement spéculatifs.

Ceux qui veulent favoriser l’action du Père pour nous donner sa vie divine seront ardents à prendre tous les moyens que Dieu nous a déjà donnés pour nourrir cette vie divine, comme la communion surtout, la lecture et la méditation des Ecritures, car Jésus a dit que l’homme ne se nourrit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, donc des Ecritures. Enfin, qu’il pratique toutes les vertus; elles nous apportent le divin dans la mesure que nous les pratiquons. Il ne faut pas oublier la prière absolument nécessaire, même avec les autres moyens. Dieu exige que nous lui demandions ses dons, afin de nous les faire apprécier et d’avoir sa gloire quand il nous les donne.

LE FILS NOUS DONNE SA SAGESSE.

A la dernière Cène, Jésus dit: «Je ne vous appellerai plus mes serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que son maître fait, je vous appelle mes amis parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai entendu de mon Père». Comme son rôle dans la Trinité est de manifester le Père, une fois incarné ce rôle demeure en J.-C.: c’est encore lui qui par sa vie et par sa doctrine nous enseigne la véritable sagesse divine qui nous mène à Dieu. Avant de mourir Jésus dit: «Je vous ai fait connaître au monde, je vous ai glorifié, j’ai accompli l’œuvre que vous m’aviez confiée». Or connaître Jésus et Celui qui l’a envoyé, c est la vie éternelle. C’est donc connaître la Trinité et les trésors immenses de sagesse divine qu’elle renferme.

Quelle immense faveur que de pouvoir pénétrer avec la grâce de Dieu dans le plan divin insondable à l’esprit humain! C’est Jésus qui nous a apporté la connaissance des secrets de Dieu cachés en son éternelle sagesse. Mais il reste à chacun de nous de les comprendre dans notre propre esprit, aidé de la foi divine. Le chrétien peut passer toute sa vie à s’appliquer à lui personnellement les trésors de sagesse renfermés dans les paroles de Jésus, telles que rapportées dans les évangiles et les épîtres.

Pour participer à la sagesse de J.-C., qu’il veut bien nous donner, il nous fait renoncer à notre propre jugement. Par exemple, quand on l’entend dire qu’il faut mépriser le monde et tout ce qu’il y a dans le monde, il faut cesser d’estimer les choses du monde malgré les répugnances de la nature, changer son jugement à ce sujet et prendre celui de J.-C. Il faut agir de la sorte pour tout ce qui contredit notre jugement pour juger de tout selon la sagesse de Jésus.

•791 Comment se fait-il qu’il faille tant de temps pour sacrifier notre pauvre petit jugement si étroit pour prendre celui de J.-C., notre Dieu? Jésus nous fait dire par son Apôtre: «N’ayez de goût que pour les choses de Dieu et non pour celles de la terre!», et nous continuons de préférer celles de la terre à celles du ciel! Quel abîme d’aveuglement quand l’homme est laissé à lui! Pourtant Dieu l’éclaire, mais il ne veut pas voir! Il ferme les peux pour rester dans les ténèbres!

LE SAINT-ESPRIT NOUS DONNE SON AMOUR… dans la proportion que nous vivons l’activité des deux premières Personnes. C’est pourquoi il faut insister surtout sur les deux premières, afin de s’assurer l’activité du Saint-Esprit. Suivons l’ordre établi par Dieu dans la Trinité, si nous voulons aboutir à l’amour de Dieu. Surtout sacrifions l’échantillon d’amour que Dieu nous a donné pour nous-mêmes et pour le monde. Pour récolter l’amour de Dieu, il nous faut semer nos deux amours naturels. Autrement c’est aussi impossible que pour un cultivateur de récolter sans avoir semé. Jésus dit qu’il en est ainsi! Allons-nous prendre cinquante ans pour croire qu’il est plus sage que nous? Qu’il sait ce qu’il dit?

Quand je dis que le Saint-Esprit nous donne son amour, cela veut dire qu’il se donne lui-même à nous. C’est lui qui vient habiter dans notre âme et en faire son temple et son sanctuaire. De même pour le Fils et le Père: ce sont eux qui se donnent pour être notre vie et notre sagesse divines.

C’est en nous laissant envahir par ces trois Personnes divines ou par leurs activités réciproques que nous sommes transformés en êtres divins de plus en plus parfaitement avec la grâce de Dieu.

Comme la Trinité s’est communiquée aussi parfaitement que possible à l’Humanité de Jésus, ainsi elle veut se donner à nous pour continuer en nous son activité trinitaire comme en elle-même. Dans la mesure que nous enlevons les obstacles à son action et que nous nous disposons à la recevoir, le Père nous donnera de plus en plus de sa vie divine que l’on reçoit dans la grâce sanctifiante, le Fils nous donnera sa sagesse et le Saint-Esprit son amour divin.

Le travail de la perfection consiste donc pour nous à faire de la place pour cette activité trinitaire en nous. Comment le faire? En faisant mourir en nous la vie humaine dans notre mentalité, ou nos affections naturelles et nos motifs naturels qui sont des obstacles positifs à la vie divine. Dieu n’a rien de ces affections ou de ces motifs naturels; donc un chrétien ne doit plus en avoir. On a beau dire qu’ils sont bons en soi, est-ce que Dieu a tout ce qui est bon en soi? Un chien est bon en soi, est-ce que le chien existe en Dieu? Donc qu’on nous laisse la paix avec ces motifs bons en soi. Ils sont humains, donc Dieu n’en veut pas! Il ne veut que du pur divin en lui. Et comme nous devons être transformés en êtres divins, il n’en veut pas plus en nous qu’en lui.

De même ceux qui veulent suivre leur sagesse humaine n’agissent pas comme des êtres divins, car Dieu ne suit pas la sagesse humaine, mais sa sagesse divine. Si donc nous voulons devenir une seule chose avec lui, nous devons abandonner de suite notre bon sens humain pour ne suivre que la sagesse divine qui nous est manifestée par la foi.

Enfin, si nous voulons vivre d’amour divin, il faut cesser de suivre l’amour humain, quelque bon qu’il soit en lui-même. Dieu n’a que du divin, nous devons donc n’avoir nous aussi que du divin dans notre activité libre et volontaire. Eh bien! Tout amour naturel est un obstacle positif à l’amour du Saint-Esprit. Son amour est tout divin; si je veux son amour, je dois diviniser tout le mien et donc rejeter absolument toute affection naturelle quelque bonne qu’elle soit.

La Vie, la Sagesse et l’Amour sont les trois foyers d’activité intentionnelle libre, qui sont païens par nature en nous, et donc que nous devons rejeter absolument pour ne prendre que les trois foyers divins correspondants en la Trinité. C’est le travail de toute une vie! Commençons tout de suite!
NOS DEVOIRS ENVERS LA TRINITÉ

L’ADORATION.

Dès que nous croyons fermement que la Trinité habite en nous, le premier mouvement de l’âme doit être l’adoration, car elle est le temple du Saint-Esprit, elle est un sanctuaire où Dieu habite. Elle reconnaît sa majesté infinie et sa propre bassesse; elle s’incline dans une révérence profonde devant la grandeur de Dieu: c’est là un acte d’adoration dû à Dieu seul. Aussitôt que la Sainte Vierge comprit que le Verbe s’incarnait en elle, elle adora Dieu et chanta sa reconnaissance dans son célèbre Magnificat, que l’Eglise continue de redire constamment pour la gloire de Dieu. Que ce soient nos sentiments habituels puisque la Trinité habite en nous réellement, si nous sommes en état de grâce. Disons comme Marie: «Mon âme magnifie le Seigneur, parce qu’il a fait en moi de grandes choses! Et son nom est saint!». Prenons tout de suite l’attitude que nous aurons au ciel devant la Sainte Trinité: c’est celle de l’adoration profonde.

L’AMOUR.

D’abord Dieu l’exige par un commandement bien formel. Mais ceux qui ont tant soit peu de cœur devraient lui donner leur amour en considération de tous les bienfaits qu’ils doivent à chacune des trois Personnes divines: au Père la création, au Fils la rédemption et au Saint-Esprit la sanctification avec toutes les conséquences pratiques que ces ineffables faveurs comportent. Dieu nous demande de l’aimer: Mon fils, donne-moi ton cœur! Comment lui refuser l’amour après tout ce qu’il a fait pour nous? Que de péchés il nous a pardonnés! Que de bienfaits il a ajoutés à ses pardons! Surtout puisque la Trinité vit en nous pour inspirer, influencer, conduire, protéger et bénir toute notre activité libre, afin de la rendre semblable à la sienne: toute divine! Il veut nous garder de tout mal et de tout péché, il veut nous diviniser dans toutes les fibres de notre être, afin de nous faire participants de son bonheur au ciel. N’est-ce pas assez pour l’aimer de toute la capacité de notre être?

Mais pour arriver là, il nous faut retirer notre amour des échantillons où il se perd inutilement pour le ciel, et nuisiblement même pour notre salut. Car tout brin d’amour que nous donnons aux échantillons est une insulte à Dieu et nous fait perdre sa grâce et donc nuit à notre salut.

L’IMITATION.

Si nous admettons tout ce qui précède, il nous reste à vouloir reproduire dans la pratique de la vie tout ce que la Trinité fait en elle-même en autant que nous le pouvons avec la grâce de Dieu. Comme Fils adoptifs de Dieu, nous avons l’obligation stricte de vivre en enfants de Dieu pour nous rendre dignes de la société des trois Personnes divines au ciel en commençant dans la foi et par la grâce de Dieu.

Les Apôtres se sont servis souvent des conséquences que nous pouvons tirer de ce que nous sommes les enfants de Dieu. «Ne savez vous pas que vous êtes les temples de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu’un souille le temple de Dieu, Dieu le détruira: car le temple de Dieu est saint, et ce temple c’est vous». 1 Cor. 3-16.

C’est cette idée que nous devons reproduire, la Trinité en nous, que les Apôtres et les Pères de l’Eglise ont souvent exploitée pour exhorter les fidèles à la sainteté. C’est autrement efficace que de leur parler des péchés à éviter. C’est cette prédication positive de la nécessité de revivre la vie divine en nous qui fait le plus de bien aux âmes et que le Saint-Esprit bénit davantage.

Cultivons surtout notre vie divine; étudions-là, pratiquons-la le plus possible en augmentant notre grâce sanctifiante par tous les moyens à notre disposition, comme la messe, la communion et les sacrifices.

Soyons sûrs de toujours juger toutes les choses comme Jésus le fait et que nous le savons par l’Ecriture. Par exemple, quand il dit de nous aimer les uns les autres, faisons-le! Aimons toutes les personnes par le même motif que nous aimons Dieu.

Enfin, surveillons notre amour qu’il soit tout aux choses de Dieu et uniquement là. C’est pour nous communiquer toute sa vie trinitaire que la Trinité vient en nous; vivons donc comme elle en tout et partout! Insistons souvent dans nos prières pour obtenir ces grâces.

lundi 28 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-14 - Les dons du Saint-Esprit partie 2



TREIZIÈME INSTRUCTION LES DONS DU SAINT-ESPRIT.
(DEUXIÈME PARTIE)

Nous allons voir maintenant les dons en particulier.

LA CRAINTE

 Il ne s’agit pas de la crainte des châtiments de Dieu à cause de nos péchés, ni de la crainte de l’enfer; mais de la crainte filiale de déplaire à Dieu qu’on aime tendrement. On peut y trouver trois éléments.

Une vue très claire de la sainteté infinie de Dieu jointe à sa majesté, ce qui fait qu’on a une extrême peur de faire de la peine à un être si parfait. Par exemple, plus une robe est riche, belle et précieuse et plus on craint de la tacher le moindrement. Eh bien! En proportion qu’on a une grande idée de la sainteté de Dieu, on a peur de la souiller par la moindre faute.

Une vue claire correspondante de notre propre indignité. Plus on voit Dieu grand et plus on se voit petit; c’est normal! Alors il est facile de pratiquer la première béatitude: «Bienheureux les pauvres d’esprit». On comprend son néant, sa faiblesse native, sa pauvreté à tous points de vue. On ne voit plus rien en soi, ni dans l’intelligence, ni dans la mémoire, ni dans le cœur. Cette conviction de notre néant nous fait craindre encore plus de déplaire à l’infinie majesté de Dieu. Une vive contrition d’avoir déjà offensé la sainteté de Dieu et le désir de réparer nos fautes. On voudrait tout endurer pourvu que Dieu nous pardonne le passé. Enfin on veut enlever tout ce qui peut gêner notre amour de Dieu ou de Dieu pour nous. L’élément positif est l’amour de Dieu, tandis que la crainte est l’élément négatif. Mais c’est l’amour qui détermine la crainte et son degré. De plus, cette crainte nous fait fuir les attaches aux choses créées, qui déplaisent tant à Dieu, et tous les motifs naturels qui l’insultent de voir qu’on veut lui offrir quelque chose de naturel quand il est la vie surnaturelle. Ceux qui vivent de ce don ne comparent jamais les péchés entre eux pour se permettre les moindres. Ils les craignent tous également à cause de leur amour pour Dieu. Quand on aime vraiment sa mère, est-ce qu’on ferait une distinction entre lui donner un coup de poing ou un coup de revolver? On ne voudrait pas plus l’un que l’autre, quoique en soi il y ait une grande différence, mais mon amour n’en fait pas! Un philosophe disait à Blanche de Castille, navrée d’avoir commis une faute légère: «Ce n’est qu’un péché véniel». «Je le sais, dit-elle, mais elle est mortelle dans mon cœur!». Voilà comment agissent ceux qui vivent de ce don!

LA FORCE

Ce don donne à la volonté une impulsion qui lui permet d’agir énergiquement et de souffrir allégrement de grandes épreuves malgré tous les obstacles. Souvent la grandeur des épreuves est surtout dans leur continuité monotone de la vie journalière où il nous faut un certain héroïsme pour persévérer.

Nos vertus morales et nos vertus théologales ordinairement sont trop faibles pour nous permettre de résister à nos ennemis si forts et si nombreux: notre amour-propre, nos tendances animales, le monde et les démons. Il nous faut encore d’autres secours que Dieu a mis dans les dons et en particulier dans le don de force.

Comme il est surnaturel, Dieu exige une bonne dose d’humilité pour le donner, afin d’avoir sa gloire. Ceux qui comptent sur leur propre volonté et sur leurs forces naturelles, ne l’auront pas parce qu’ils attribueraient leur succès à eux-mêmes. Par exemple, ceux qui se fâchent contre eux-mêmes quand ils tombent dans le péché, montrent qu’ils se croient capables de résister, puisqu’ils se disputent quand ils tombent en péché. Jésus nous avertit que notre victoire viendra uniquement de notre foi; comptons donc sur elle seule. Si nous tombons dans le péché, humilions-nous et demandons plus de grâce à Dieu; voilà ce que nous devons faire.

Saint Paul avait ce don quand il dit qu’il se glorifie dans ses misères afin que la vertu de J.-C. soit plus manifeste. Est-ce que Jésus ne nous dit pas que sans lui nous ne pouvons rien? Inutile donc de compter sur nos propres forces! «Dieu a choisi ce qui est faible pour confondre les forts, pour réduire à néant ce qui est, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence».

N’oublions pas que les dons sont produits directement par Dieu, en nous, sans coopération de notre part que l’acquiescement à l’action divine. Dans les vertus, l’homme doit agir avec Dieu, mais dans les dons tout vient de Dieu seul. Ce don de force donne la décision énergique, l’assurance, l’espoir certain du succès avec la joie.

Il fait entreprendre des œuvres ardues avec grand aplomb et sûreté d’exécution, comme Saint Jean Cottolengo dans la fondation de son hospice merveilleux, ou l’évangélisation des peuples barbares, et rester dans des missions difficiles et isolées, comme le P. Lafortune sur son île éloignée de la côte et avec son petit groupe d’Esquimaux pendant des années.

Il soutient dans les persécutions et les calomnies dont les amis de Jésus sont souvent l’objet… et qui durent si longtemps parfois! Mais le martyre est l’acte par excellence du don de force.

Evidemment, il faut cultiver les conditions pour le recevoir un jour. Par exemple, il faut s’habituer à endurer les petites épreuves de chaque jour dans la vie ordinaire et dans l’accomplissement du devoir d’état. Ceux qui se plaignent des petites contrariétés que Dieu leur envoie, n’auront jamais le don de force.

De même ceux qui cultivent des attaches aux créatures quand le bon Dieu le défend si clairement dans l’Evangile, ne peuvent pas s’attendre à recevoir ce don. Que chacun fasse d’abord ce qu’il peut pour vaincre les tendances de sa nature et ensuite il pourra compter sur Dieu pour les plus grandes difficultés. Aide-toi et le ciel t’aidera, s’applique ici comme partout ailleurs.

Comme ce don est un effet de l’amour divin, il faut montrer de l’amour pour Dieu et pour tout ce qu’il fait pour nous et avoir confiance en sa bonté divine. Ce n’est que l’amour qui attire l’amour divin! Ceux qui gaspillent leur amour sur les choses créées par leurs attaches, n’auront jamais ce don ni les autres. Purifions notre cœur de tout amour étranger et alors Dieu nous donnera le sien par ses dons.

La gloire de Dieu exige qu’il nous tente au-dessus de nos forces naturelles, afin que nous soyons obligés de compter uniquement sur le secours divin pour vaincre la tentation. Quand l’Ecriture dit que Dieu ne tente personne au-dessus de ses forces, cela veut dire: avec la grâce de Dieu, nous pouvons toujours résister.

C’est donc une raison de plus pour demander souvent ce don de force, puisque la vie est un combat continuel contre nos ennemis. Un bon moyen d’augmenter ce don, c’est de croître dans nos trois vertus théologales, puisque les dons en dépendent. Plus on progresse dans la vie surnaturelle, et plus on a de chance d’avoir les dons en activité.

C’est pour signifier ce don de force que l’Evêque donne un petit soufflet à celui qu’il confirme. Mais combien peu réfléchissent sur ce symbolisme et qui se préparent à supporter leurs croix tous les jours comme Jésus nous avertit de faire. Tous les énervés, les plaignards et les impatients ne vivent pas ce don de force.

LA PIÉTÉ

Elle est la cause du don de crainte; c’est parce qu’on a un amour filial qu’on craint d’offenser Dieu ou simplement de lui déplaire. La crainte est surtout négative tandis que la piété est positive. La première regarde ce qu’il faut éviter et l’autre ce qu’il faut faire. La piété est un amour de la personne de Dieu et non de ses dons. Elle fait rechercher Dieu pour lui-même en qui elle met toutes ses complaisances. Avec ce don, on est heureux avec Dieu comme un enfant avec son père aimé, indépendamment des beaux meubles et de la richesse qui l’entourent. On traite avec Dieu comme avec son père avec une certaine familiarité respectueuse tout de même. On lui expose tout simplement ce qu’on a dans le cœur: projets, peines, difficultés. Jésus voulait insinuer cette intimité quand il nous fait dire: «Notre Père, qui êtes aux cieux…». Saint Paul dit que c’est le Saint-Esprit qui nous fait dire: «Abba, Père…» Et encore: «A moins que vous ne deveniez de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux». Il veut donc que nous ayons ces relations d’enfants avec notre Père céleste.

Par exemple, on vient de commettre une faute quelconque: on serait porté à se disputer, à se décourager et à se cacher de Dieu en s’éloignant de ses dévotions. Il vaut mieux aller à Dieu avec simplicité et confiance, comme un enfant qui vient de se blesser va trouver ses parents et leur montre sa plaie pour qu’ils la pansent.

Avouons devant Dieu notre faiblesse et demandons-lui plus de grâce pour la prochaine tentation… et soyons de bonne humeur comme avant. C’est normal pour des enfants de se blesser et les parents le savent et sont pleins d’indulgence pour eux. Combien plus Dieu!

La seule conséquence est que cette faute nous pousse à faire plus pour Dieu, afin de la lui faire oublier. Il sait de quelle triste pâte nous sommes pétris et combien grande est notre faiblesse dans le chemin de la vertu. Aussi il est toute miséricorde surtout pour ceux qui viennent à lui en toute confiance et sincérité, comme des enfants à leur père.

Les prêtres philosophes avec leur spiritualité du minimum «strictement parlant» n’arrivent jamais à ce don surnaturel. Car leur amour de Dieu n’est que celui que nous aurions eu sur le chemin des limbes: une espèce d’admiration intellectuelle pour l’Etre suprême connu par la seule raison, dont on s’occupe bien peu dans le cours ordinaire de la vie. Comme ces prêtres ne sont pas intéressés à Dieu ni aux choses de Dieu! Ils n’en parlent pas et ne veulent pas en parler. Ils ne l’ont donc pas dans le cœur. Or, les dons sont un effet d’un grand amour surnaturel de Dieu acquis par le sacrifice des plaisirs terrestres, permis ou défendus; ce que les philosophes ne font pas ni ne prêchent.

Ce don surnaturel de piété s’étend aussi à tout ce que Dieu aime et en proportion qu’il les aime. Par exemple, la sainte Humanité de Jésus que Dieu a ordonnée pour recevoir son Verbe dans l’Incarnation. Comme il lui a donné la plus parfaite grâce que la Trinité pouvait créer de sa puissance absolue, nous devons reporter sur elle notre amour filial que nous avons pour Dieu. Car pas une créature au monde ou dans le ciel n’a reçu autant de divin qu’elle. Dans la même proportion, nous devons l’aimer comme Dieu l’aime.

Ensuite comme la Sainte Vierge est la plus parfaite parmi les créatures, nous reporterons sur elle notre amour que nous avons pour Dieu dans la mesure qu’elle reflète Dieu. Si Dieu est notre Père, elle est notre Mère dans toute la force du mot dans l’ordre surnaturel.

Cette affection tendre s’adressera aussi à la Sainte Ecriture qui est la Parole de Dieu manifestée en ce monde.

Enfin, l’Eglise qui est comme l’Epouse du Saint-Esprit devra être aimée tendrement d’un amour sérieux et filial.

Ce don est bien nécessaire pour nous faciliter nos devoirs envers Dieu. On les accomplit avec plus d’entrain, de joie et de perfection quand on aime réellement Dieu. Autrement comme tout est sec et dur! La prière ennuie, les épreuves aigrissent et impatientent; on obéit en mercenaire et la pratique de la religion fatigue. Tandis que ceux qui ont ce don font ces choses avec joie, calme et entrain. Ils y trouvent un vrai bonheur et tout est facile pour eux à cause de leur amour filial de Dieu et de tout ce qui concerne Dieu.

Les religieux et les prêtres qui regardent les devoirs de leur état comme une espèce de corvée, dont ils se débarrassent le plus vite possible pour vaquer aux choses du monde, n’ont sûrement pas ce don surnaturel de piété. De même ceux qui traitent froidement leurs inférieurs ou leurs paroissiens et qui ne s’intéressent pas à leurs misères et afflictions, n’ont pas cet amour de Dieu puisqu’ils ne l’ont pas pour le prochain que l’on doit aimer comme Dieu.

La piété ne viendra pas sans des efforts de notre part pour plaire à Dieu en tout. Il faut le vouloir, l’étudier, en connaître les conditions pour son développement. Est-ce qu’un cultivateur n’étudie pas son terrain pour voir si la semence qu’il veut y mettre va bien là? Il prépare son terrain pour le rendre propice au grain qu’il veut semer. A plus forte raison nous devons faire cela dans notre âme pour recevoir ce don surnaturel de Dieu qui va tant améliorer notre vie surnaturelle. Insistons dans nos prières pour l’avoir et faisons des sacrifices de l’amour des choses créées pour mériter plus d’amour de Dieu et donc recevoir plus de dons.

DON DE CONSEIL

Ce don, comme les trois suivants, perfectionne l’intelligence, en l’éclairant d’une lumière divine spéciale. Celui-ci perfectionne la vertu de prudence souvent perdue dans les situations compliquées que l’homme trouve pour faire son salut. Ce don nous aide à juger promptement et sûrement, par une sorte d’intuition surnaturelle, ce qu’il convient de faire surtout dans les cas difficiles. Par la vertu de prudence, nous nous servons de notre expérience et des connaissances acquises pour prendre une sage décision. Par ce don, le Saint-Esprit nous fait comprendre en un instant au fond du cœur ce que nous devons faire… Jésus a promis ce don à ceux qui seraient pris de force pour être jugés par les païens, comme les premiers chrétiens l’étaient pour être conduits au martyre. «Ne vous mettez pas en peine de ce que vous direz ou comment vous répondrez; le Saint-Esprit vous dira en temps et lieux ce que vous devrez dire».

Ce don de conseil nous indique la bonne direction à prendre dans les cas particuliers de la vie et quand on dirige les autres dans les voies spirituelles.

Mon expérience personnelle dans un petit fait de ma vie! Quand j’étais en Alaska dans notre mission de Sainte-Croix, un jour, mon supérieur m’ordonne de fumer! Il m’en avait parlé souvent, mais je prenais ses paroles comme de simples conseils. Ce jour-là il avait insisté plus que de coutume. Alors je lui demande: «Etes-vous sérieux?». «Si je suis sérieux. Je vous l’ordonne en vertu de la sainte obéissance». Je n’en croyais pas mes oreilles. Je me voyais obligé d’obéir, puisque ce n’était rien de péché qu’il me commandait. Cependant je ne voulais pas du tout prendre cette attache. Alors je jette un cri de supplication au Saint-Esprit de m’inspirer quoi faire. Il me vint à la pensée de lui demander de mettre cet ordre par écrit. Il me dit: «Oui, je vais vous l’écrire…». Et j’ajoute sans trop réfléchir: «Je vais l’envoyer au Père Général, à Rome, et je ferai ce qu’il me dira!». Justement il avait envoyé une lettre très sévère contre l’usage du tabac. Alors mon supérieur dit: «Ça ne vaut pas la peine de gaspiller un timbre!». Le vieux renard était pris! Ca ne valait pas la peine non plus d’un ordre en vertu de la sainte obéissance… Et chose curieuse, il ne fumait pas lui-même! En tout cas, le Saint-Esprit m’avait donné là un bon conseil! pour lequel je le remercierai éternellement. Car si j’avais fumé là je n’aurais jamais compris le plan divin comme je le comprends et je n’aurais jamais donné mes retraites sacerdotales avec le succès que Dieu m’a donné par sa pure grâce. Je n’aurais jamais pu attaquer les motifs naturels comme je l’ai fait, si j’avais pris cette attache pour le tabac. Ceux qui ont des attaches, ne sauront jamais tout le bien qu’ils ont manqué de faire sans ces attaches. Une chose certaine est qu’ils n’auront pas l’exercice des dons du Saint-Esprit, ce qui déjà les prive d’une source immense de bien surnaturel qu’ils ne feront jamais.

Que Dieu éclaire les prêtres du monde entier sur cette question des dons du Saint-Esprit que si peu ont!

Ce don est très utile aux directeurs d’âmes pour savoir discerner ce qui vient de la nature et ce qui vient de la grâce, de la raison ou de la foi. L’étude peut aider beaucoup, mais elle ne suffit pas pour se débrouiller à travers toutes les influences qui agissent sur l’âme. C’est un grand secours que d’avoir le don de conseil. Mais comme nous l’avons dit, il faut se défaire absolument de toute attache pour que le Saint-Esprit agisse en nous par ce don.

Il faut que l’humilité suive le détachement; car dès qu’on compte tant soit peu sur soi, sur ses propres lumières, le Saint-Esprit garde les siennes. Il faut le demander tous les jours à deux genoux, comme on dit. Avec un très grand désir de l’obtenir tout en nous disposant pour que le Saint-Esprit nous le donne.

LA SCIENCE

Ce don perfectionne la foi par une illumination spéciale du SaintEsprit pour mieux connaître les créatures dans leurs rapports avec Dieu. C’est une intuition du néant des choses et de l’Etre infini de Dieu. Ce don nous fait découvrir le divin à travers les créatures pour nous attacher à ce seul divin et regarder les créatures comme de simples échantillons ou images de Dieu, ou simples reflets de ses perfections divines. Il nous les montre donc comme des moyens pour aller à Dieu. Leur origine est en Dieu, leur nature nous fait connaître Dieu et leur fin est en Dieu. Les créatures avec ce don sont de vrais échelons pour monter vers Dieu.

Ceux qui ont ce don aimeront à contempler la nature qui leur révèle Dieu le Créateur. Les grands bois silencieux, la grandeur des montagnes et l’immensité de l’océan les transportent en Dieu infini. Chaque être est comme une lettre pour lire dans le grand livre de la nature. Saint Ignace jugeait selon ce don quand il s’écriait en contemplant le ciel étoilé: «Comme la terre me semble vide quand je contemple le ciel!». C’est justement ce sentiment que produit ce don par rapport à toutes les créatures. «Pour l’amour de J.-C., j’ai considéré toutes choses comme du fumier!» (Saint Paul.) Comment agit-on devant le portrait de sa mère bienaimée, mais absente? N’est-ce pas que notre amour va à notre mère et non au morceau de carton du portrait. Eh bien! Celui qui a ce don de science va tout de suite au divin que chaque créature recèle sous ses espèces sensibles. Il lui donne tout son amour et son admiration de telle sorte qu’il ne reste plus rien pour la créature. Elle devient néant comparée à Dieu… et alors toute la vie s’en ressent. On fuit les plaisirs de la terre pour ne chercher que Dieu partout et en tout… et plus on fuit les créatures et plus l’on trouve le Créateur.

Par ce don, Dieu éclaire aussi notre âme pour discerner la source des diverses influences qui agissent dans notre âme et aussi dans les autres, qui nous confient leurs misères, pour les bien diriger dans la vertu.

C’est ce don que l’Eglise nous fait demander si souvent: de mépriser les choses de la terre pour nous affectionner uniquement aux choses de Dieu. Demandons-le souvent dans nos prières. A la mort, nous verrons bien le vide et la folie des choses créées… Commençons donc tout de suite librement et avec mérite pour le ciel. Les premières sont temporelles et les autres éternelles! Les créatures sont terrestres et les choses de Dieu éternelles! Ça ne devrait pas prendre beaucoup de délibération pour choisir les éternelles! Mais il faut la grâce de Dieu… Demandons-la de tout cœur!

Tous les philosophes qui permettent aux fidèles de s’affectionner aux plaisirs de ce monde n’ont pas ce don de science. Ils s’attachent au carton du portrait de Dieu ou au miroir qui reflète Dieu plutôt qu’à Dieu lui-même. C’est absurde mais ils ne voient pas mieux. Par ce don, on fait un pas sérieux dans la vie spirituelle et dans la préparation à la vie contemplative, qui est impossible tant qu’on s’arrête aux plaisirs des sens et de la terre. Comment se perdre en Dieu quand on est plein des choses créées? C’est impossible! Sacrifions-en donc le plus possible et dans la même mesure Dieu nous fera comprendre la beauté et la grandeur des perfections divines.

LE DON D’INTELLIGENCE

Ce dont fait pénétrer plus profondément les vérités révélées par une illumination directe du Saint-Esprit. Par lui on voit non seulement le divin qui se cache sous les espèces sensibles des créatures, comme dans les créatures inanimées, mais aussi dans les personnes et surtout dans l’Eucharistie avec les différentes manières pour le divin de se communiquer aux créatures et par elles à nous. On comprend mieux l’activité divine dans la création naturelle et surnaturelle. Il nous fait pénétrer l’intérieur des vérités ou leur sens profond. Comme lorsque Jésus révéla le sens des prophéties qui concernaient sa passion. Comme aussi lorsqu’il est dit que Jésus ouvrit l’intelligence de ses disciples pour mieux comprendre les Ecritures. Les Apôtres le reçurent à la Pentecôte.

Comme Saint Paul dit que Dieu a créé ce monde pour faire connaître le monde divin, ce don d’intelligence révèle justement la signification des choses sensibles au point de vue surnaturel, comme lorsque Saint Paul voit dans le baptême d’immersion l’image de notre mort et de notre résurrection.

Nous voyons mieux les effets contenus dans les causes comme encore les causes contenues dans les effets. Par exemple, la purification de nos âmes dans le sang de Jésus versé sur la croix, ou dans les événements l’action de Dieu.

Il nous aide à déduire des conclusions théologiques des textes de l’Ecriture, qui n’apparaissent pas à la simple foi. Cette dernière nous montre la vérité, mais le don d’intelligence nous en révèle sa constitution intérieure ou ses éléments de vie divine, tels que vus par Dieu, ou par en haut pour ainsi dire.

L’âme participe un peu à la connaissance propre de Dieu, mais d’une façon créée évidemment, mais de même genre; elle entrevoit l’action divine dans les processions trinitaires pour en avoir une idée toujours confuse, mais incomparablement plus claire que par la seule foi. Ce don est à la base du don de contemplation mystique.

Par exemple, on entend ce texte: «Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme». La foi nous y fait adhérer et nous donne un certain sens obvié. Mais le don d’intelligence nous le fait comprendre dans ses conséquences pratiques et comme nous le verrons un jour dans l’éternité, pas avec la même clarté, mais dans le même sens. Cette vue est le commencement d’une toute autre vie bien plus parfaite que dans la foi simple.

Ce don ne dépend pas de la grandeur de l’intelligence du chrétien mais de son amour de Dieu et de son humilité. Cette pénétration des mystères se fait avec une certaine saveur spirituelle qui augmente notre amour pour Dieu et les choses de Dieu. Ceux dont le cœur est tant soit peu entaché d’amour naturel pour les choses créées ne pénétreront jamais l’intérieur des vérités de la foi. Cela est réservé aux «Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu», pas seulement au ciel dans la gloire, mais déjà sur la terre dans une foi extrêmement éclairée par le don d’intelligence.

Les dons précédents ont pour but d’enlever les entraves à l’action de Dieu dans l’âme. La crainte la purifie du péché et de ses tristes suites; la piété de son indifférence pour les choses de Dieu; la force supplée à la faiblesse pour vaincre ses ennemis; le don de conseil la guérit de sa témérité et de son manque de jugement; la science la délivre de ses attaches aux créatures en lui montrant leur néant et que Dieu seul existe au point de vue de l’éternité, puisqu’elles vont toutes disparaître un jour.

Maintenant il lui reste à marcher vers Dieu sans plus d’obstacles et c’est ce qu’elle fait par les deux derniers dons. Ils président à la contemplation et supposent l’ordre parfaitement établi entre les puissances diverses dans l’âme par l’ascétisme et la pratique des vertus morales et théologales.

Par ce don commence dans l’âme une lutte terrible entre la raison et la foi. Cette lumière divine nous attire fortement à Dieu et aux choses de Dieu. Cependant la nature avec la raison continue de nous attirer aux… créatures auxquelles nous avons renoncé pour tout de bon. Nous voudrions comprendre par la raison, mais ces lumières la dépassent tellement qu’elle ne nous sert de rien et alors il se fait une si grande obscurité dans l’âme que l’on ne sait plus que faire pour nous maintenir dans ce monde surnaturel que nous aimons plus que tout au monde.

Mais comme ces lumières divines sont intermittentes, quand elles se cachent, pour ainsi dire, c’est un tourment très grand pour le chrétien rendu. Il ne veut plus retourner à sa vie humaine, dirigée par la raison, et la foi ne dit plus rien… et il nous faut rester comme accrochés à ce que nous avons déjà entrevu… et qui n’est plus là! Les démons en profitent pour nous suggérer toutes sortes de conclusions pour nous décourager et nous embrouiller encore plus: «Tu vis dans l’illusion!… Ces lumières n’étaient que le produit de ton esprit. Il faut être plus saint que toi pour avoir ces lumières! Où est le réel de tout cela? Surtout où trouver un prêtre pour parler de ces choses? On est absolument seul pour se défendre soi-même, du monde et des démons.

C’est là qu’il faut une bonne dose d’humilité et l’amour de Dieu. Du moment qu’on ne se monte pas la tête des grandes lumières reçues, quel inconvénient peut s’ensuivre? Si elles nous aident à aimer le divin davantage, profitons-en! Du moment qu’on s’en sert comme de moyens pour mieux aller à Dieu, on n’a pas besoin d’un directeur pour être dirigé. Est-ce que de beaux rêves dans le ciel ne font pas du bien à l’âme? Même quand elle sait que ce ne sont que des rêves? Prenons donc toutes les lumières qui nous donnent une plus grande idée des choses divines et remercions-en Dieu!

Ce don éclaire l’âme sur une foule d’imperfections et d’impuretés qu’elle n’aurait jamais soupçonnées. Il nous montre des choses viles et détestables que nous aimions et nous en fait aimer d’autres que nous détestions. Par exemple, il montre l’amour-propre dans la manière d’exercer le zèle. Un prêtre cherche l’apostolat des filles et des femmes sous prétexte qu’elles cherchent mieux le surnaturel. Un autre voit l’avenir de la religion dans les garçons et les hommes, un autre dans les sports, etc. Le don d’intelligence manifeste vite ces «trucs» du païen pour satisfaire ses penchants bien naturels pour ces différents groupes.

Il ferait découvrir aux supérieurs que leur grand zèle pour l’autorité de Dieu n’est qu’un voile pour cacher leur orgueil et le plaisir de dominer sur les autres. La preuve est que les autres attributs de Dieu ne semblent pas les impressionner beaucoup!… Ceux-là qui sont chatouilleux sur leur autorité.
Les ardents à corriger les autres verraient qu’il est plus important de subir avec patience et amour les défauts du prochain que de les corriger. Par exemple, si on a un chauffeur de fournaises qui brûle trop de charbon pour rien par manque de jugement, qu’on se dise qu’il est aussi facile à Dieu de nous donner plus de charbon qu’au chauffeur de l’esprit! Avec ce don, les critiques disparaissent pour faire place aux actions de grâces envers Dieu!

LE DON DE SAGESSE

Il est le plus élevé parce qu’il perfectionne la charité. Il réside à la fois dans l’intelligence, où il répand la lumière, et dans la volonté où il donne l’amour ou le perfectionne; ce qui revient à dire qu’il donne une connaissance savoureuse des choses de Dieu. On a un échantillon de ce don dans un rayon de soleil qui éclaire et réchauffe en même temps. C’est par lui qu’on juge de toutes choses en rapport avec Dieu et le salut de l’âme. Ceux qui ne l’ont pas, se font le centre de leur activité; mais par le don de sagesse ils font pour Dieu ce qu’ils faisaient pour eux-mêmes. Ces chrétiens sous l’influence de ce don jugent de tout en fonction du salut éternel et de la gloire de Dieu.

On voit tout de suite comme les philosophes du clergé, avec leur point de vue «in se» sont à cent lieues de ce don! Ils n’arrivent jamais à l’amour de Dieu surnaturel avec leur point de vue spéculatif. Saint Paul jugeait toutes choses selon ce don; voilà pourquoi il contredit si souvent le bon sens humain. Car les pensées de Dieu sont aussi différentes de celles des hommes que le ciel est au-dessus de la terre. C’est en suivant ce don qu’il compare les créatures à l’amour de J.-C. et il les trouve du fumier par rapport a l’amour de J.-C. Voilà un point de vue que les prêtres philosophes n’ont jamais pris! Aussi ils se délectent dans ce que Saint Paul appelle: du fumier! C’est tout le contraire de la sagesse divine. C’est que la sagesse de Dieu est tellement au-dessus de la raison que ce qu’elle fait semble absurde à celle-ci, parce qu’elle ne pourrait pas accomplir ces choses. Mais la sagesse de Dieu: c’est donc raisonnable pour elle, mais pas pour la raison qui n’y comprend rien.

Ce don encore plus que tous les autres est incompatible avec les moindres attaches. Comme il donne le goût des choses de Dieu, il ne peut laisser de goût pour les choses de la terre. Ces deux amours, nous le savons, sont rivaux l’un de l’autre d’après Jésus lui-même. On ne peut pas aimer Dieu et le monde! Comme la masse des prêtres avec les fidèles qui les suivent sont tout aux choses de la terre, comme leurs conversations le montrent bien, ils ne sont pas capables d’avoir le goût pour les choses de Dieu. Ils ne cherchent pas à les étudier, à les méditer, à en parler, à les demander à Dieu. Avant la Pentecôte, les Apôtres étaient tout aux choses de la terre; après, ils les méprisent toutes et ils sont tout aux choses de Dieu. Voilà ce que fait le don de sagesse: il change l’objet de l’amour, il le transfert des créatures au Créateur.

On trouve là une explication de cette guerre que les philosophes font aux prêtres qui jugent selon ce don et par suite tout en fonction du salut de l’âme et de l’amour de Dieu. Leur amour est contraire à celui des philosophes qui permettent d’aimer les créatures bonnes en soi, tandis que ceux qui jugent selon le don de sagesse ne permettent qu’un seul amour: celui de Dieu, qui est bien en conformité avec le premier commandement.

Le don d’intelligence nous fait comprendre les vérités révélées mais en elles-mêmes, tandis que le don de sagesse nous les fait comprendre dans leurs principes les plus élevés ou dans leur cause première, qui est Dieu, et là il nous les fait goûter et aimer surnaturellement. C’est ce don qui montre à Saint Pierre et à Saint Paul le plan divin qu’ils décrivent dans le début de leurs épîtres, comme aux Ephés., par exemple, et dans la première de Saint Pierre.

Ce don est si grand qu’il perfectionne tous les autres et toutes les vertus théologales et morales. Car il constitue comme un amour expérimental des choses divines, tandis que le don d’intelligence ne fait que les éclairer; c’est déjà beaucoup, mais la sagesse les fait goûter ou expérimenter dans le cœur. Celui qui a goûté les joies d’une communion fervente a beaucoup plus de foi en la présence réelle, comme celui qui a goûté le bonheur de contempler les choses divines est facilement capable de pratiquer les vertus morales et théologales.

Puisqu’il en est ainsi, il devrait être l’objet de nos plus ferventes prières. Le livre de la Sagesse, ch. 9, donne une très belle prière de Salomon pour obtenir la sagesse. Elle plût tellement à Dieu qu’il l’exauça au-delà de ses espérances!

Habituons-nous à contempler les vérités dans leur premier principe et les ramener à leur dernier principe qui est Dieu. D’ordinaire sans ce don, les hommes ramènent tout à eux-mêmes, pauvres êtres si insignifiants de se croire le centre de quelque chose dans le plan de Dieu!

Le don de sagesse introduit par l’amour l’âme comme au sein de la Trinité pour juger de là toute la création et tout le plan divin. On prend le même point de vue que Dieu lui-même dans tout ce qui existe et se fait. C’est là la façon de juger de Dieu; il voit tout évidemment de son propre point de vue et toute la création revient à lui selon ce point de vue. Eh bien! Celui qui a ce don voit toutes les origines, tous les moyens et toutes les fins en Dieu seul. Il participe donc à la même activité trinitaire en autant qu’on le peut sur la terre. C’est un bon commencement de la vie éternelle.