DOUZIÈME INSTRUCTION
LES DONS DU SAINT-ESPRIT.
(PREMIÈRE PARTIE)
«Un
rameau sortira du tronc de Jessé et de ses racines croîtra un rejeton. Sur lui
reposera l’Esprit de Yahveh: esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de
conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahveh; il mettra
ses délices dans la crainte de Yahveh». Is. 11.
Toute cette activité
du Saint-Esprit n’est pas facile à comprendre, et pourtant nous devons la
connaître afin de nous mieux plier à ses exigences dans ses différentes
manières d’agir dans l’âme.
L’ignorance, là, peut
nuire considérablement à l’efficacité de cette action divine. C’est pourquoi il
est bon de comparer l’action réciproque des vertus théologales avec celles des
dons. Autrement, on est bien exposé à les confondre, surtout parce que leur
champ d’opération est pratiquement le même et que tous deux sont des habitudes
surnaturelles produites dans l’âme par le Saint-Esprit.
NATURE
DES VERTUS THÉOLOGALES.
Ce sont des habitudes
surnaturelles que Dieu infuse dans l’âme pour perfectionner nos facultés et
leur permettre d’agir divinement. Elles se plient au mode humain d’agir de nos
facultés. Nous devons agir selon la manière ordinaire de ces facultés, par
exemple, réfléchir, discuter, chercher les meilleurs moyens pour nous conduire
à notre fin selon les règles de la prudence humaine, éclairée par la grâce.
Par exemple, c’est
comme un enfant qui marche parce que sa mère le tient par la main; c’est lui
qui exerce son activité propre, mais aidé par l’activité de sa mère. Ainsi pour
faire un acte de foi, c’est moi qui le fais avec un acte de mon intelligence et
de ma volonté, mais par le moyen de la grâce que Dieu me donne Les vertus sont
donc actives ou produites par notre
activité personnelle sous l’influence de la grâce.
Les
vertus sont donc produites par deux principes: l’un intérieur, qui est la
raison et l’autre extérieur, qui est la grâce. Elles sont supérieures aux dons,
mais elles reçoivent d’eux une perfection nouvelle. L’arbre est plus parfait
que ses fruits, mais ces derniers lui apportent une perfection appréciable.
On voit tout de suite
que l’activité des dons dépend en bonne mesure de la perfection des vertus
théologales. Plus elles seront parfaites en nous et plus nous avons des chances
de recevoir les dons du Saint-Esprit. Que chacun donc examine comment il
pratique ses vertus théologales pour mieux se disposer à recevoir les dons.
Quand on veut récolter
de bons fruits, on prend un grand soin des arbres; si donc on veut recevoir les
dons, il faut cultiver soigneusement ses vertus théologales. Ceux qui n’ont pas
le courage de se servir de leur propre activité pour développer leur vertu de
foi, d’espérance et de charité avec la grâce de Dieu, ne doivent pas s’attendre
à ce que le Saint-Esprit va encourager leur paresse en produisant lui-même
toute l’activité des dons. Qu’ils fassent ce qui dépend un peu d’eux-mêmes, et
ensuite ils pourront espérer que le Saint-Esprit viendra à leur secours pour
les surnaturaliser davantage. Il nous faut vivre habituellement dans le monde
surnaturel des trois vertus théologales pour être l’objet des dons. Ce n’est
que dans ce monde que le Saint-Esprit agit. Allons donc nous présenter à lui
dans le surnaturel des vertus pour recevoir ce complément merveilleux que sont
les dons.
NATURE
DES DONS.
Ils sont des habitudes
surnaturelles qui donnent à nos facultés une telle souplesse qu’elles obéissent
promptement aux inspirations de la grâce. Ils ne sont pas des motions de la grâce
ni des actes passagers du Saint-Esprit, mais des qualités permanentes ou des
dispositions qui rendent le chrétien docile aux inspirations de la grâce. Ils
sont produits directement par le Saint-Esprit dans l’âme qui est plutôt
passive, mais par eux elle reçoit une grande énergie pour agir divinement. Elle
devient plus active pour faire l’œuvre de Dieu.
En parlant de l’action
du Saint-Esprit, Jésus dit: «Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix,
mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va; ainsi en est-il de quiconque est
né du Saint-Esprit». J. 3-8. L’Esprit agit donc d’une façon qui dépasse notre
mode humain. Sans nous consulter, pour ainsi dire, il prend les devants et agit
de lui-même, sans que nous ayons le temps de consulter la raison; ce sont des
inspiration soudaines qui opèrent en nous sans aucune délibération, mais avec
notre consentement. C’est comme un instinct divin qui nous indique comment agir
promptement selon l’indication divine.
Par les dons, on voit
que l’âme participe d’une façon merveilleuse à la vie intime du Saint-Esprit ou
de l’Amour divin. C’est tout ce qu’il y a de plus parfait dans notre vie
surnaturelle. C’est un mode qui nous rapproche beaucoup du mode d’agir dans le
ciel. C’est l’amour divin qui illumine notre intelligence, fortifie notre
volonté et enflamme notre amour pour Dieu et les choses de Dieu. Avec ces dons
l’âme est capable de faire des actes héroïques et sublimes pour la gloire de
Dieu et le salut des âmes.
C’est encore par les
dons que l’âme est dans une disposition prochaine pour recevoir la
contemplation infuse. C’est donc un moyen très parfait pour arriver à la plus
haute sainteté.
Tous ceux qui sont en
état de grâce ont les dons comme des facultés surnaturelles, mais tous ne les
ont pas en exercice. Cela dépend de leur développement surnaturel surtout dans
la charité. Plus celle-ci est parfaite et plus les dons s’exercent dans l’âme
habituellement unie à Dieu. Les dons croissent avec les vertus théologales et
ils sont connexes avec la charité et solidaires les uns des autres. C’est tout
un organisme surnaturel qui se soutient ensemble comme l’organisme humain; si
une partie est malade ou fait défaut, tout le reste s’en ressent.
MOYENS
DE DÉVELOPPER LES DONS
Il ne suffit pas de vouloir
les dons, il faut suivre la marche ordinaire que Dieu a fixée dans son plan
pour nous diviniser totalement. Comme il ne suffit pas de vouloir être en santé
pour l’être, mais il faut prendre les moyens que Dieu a mis à notre
dispositions pour le devenir.
Nous savons que Dieu
greffe le surnaturel sur l’organisme naturel de l’homme. Par exemple, la foi
doit s’adapter à la façon de comprendre de l’intelligence. Alors plus
l’intelligence est développée et plus la foi pourra agir dans l’homme. On peut
donc s’attendre que les dons trouveront un sol d’autant plus propre à leur
développement qu’il aura été mieux cultivé. Est-ce qu’un cultivateur
récolterait quelque chose s’il se contentait de vouloir une récolte et de prier
pour l’avoir? Sûrement non! Eh bien! Il en est de même dans la vie spirituelle
dans un composé complexe comme l’homme. Plus son naturel sera parfait et plus
le surnaturel a de chances de croître en lui.
VERTUS MORALES.
Pour être souple à
l’action du Saint-Esprit dans les dons, il faut que l’homme ait dompté ses
passions et se soit débarrassé de ses vices. Car ces tendances animales sont
aveugles et ne suivent pas du tout les inspirations divines que Dieu peut
donner à l’âme. Elles poussent l’homme justement dans le sens opposé à l’amour
de Dieu. Il faut pratiquer une saine ascèse, il faut se mortifier, pratiquer la
chasteté, l’humilité et l’obéissance, avoir appris à se renoncer pour n’avoir
plus d’attaches aux choses créées, afin d’être libre de suivre les directives
du Saint-Esprit.
Trop de directeurs
spirituels lancent les âmes dans les sommets de la perfection sans prendre les
moyens établis par Dieu pour y parvenir. Aussi après bien des années, on les
retrouve encore bien impatients, irritables, susceptibles comme des païens! Et
quel orgueil encore! Ils ne sont pas capables de prendre le moindre reproche
sans faire des colères insensées. Ils ont brûlé les étapes, sans aucun profit
spirituel.
On fait la même erreur au
sujet de la communion fréquente.
Combien pensent qu’elle
dispense de la pratique des vertus morales! Que d’élèves dans les collèges et
les couvents communient tous les jours pendant des années… et comme ils sont
imparfaits encore! Comme ils ont acquis peu l’amour de Dieu comme on peut le
voir pendant les vacances où très peu vont encore communier ou après leurs
études finies. Il leur a manqué la pratique de l’ascèse ou des vertus.
On peut ramener ces
vertus morales ou pratiques aux quatre vertus cardinales: prudence, justice,
force et tempérance. Voilà les moyens établis par Dieu pour préparer l’âme à
recevoir la vie surnaturelle correspondant à ces vertus. Ainsi comment se
donner aux choses de Dieu si on n’est pas tempérant dans les plaisirs de la
terre? Comment un gourmet peut-il désirer la communion fréquente?… Un passionné
pour les jeux aimera la prière et la solitude qui préparent à l’union avec
Dieu? Tous devraient donc commencer par se purifier de toutes ces passions, non
seulement charnelles, mais intellectuelles, comme l’orgueil, l’amour-propre, l’ambition,
le respect humain, etc. Perfectionnons donc notre nature humaine le plus
possible pour la rendre apte à mieux subir l’influence du surnaturel et même
son action directe.
Ces quatre vertus
mettent de l’ordre dans tout notre système rationnel: la prudence perfectionne
l’intelligence, la justice règle la volonté, la force domine l’appétit
irascible et la tempérance l’appétit concupiscible. Mais comme ces deux
derniers appétits ne sont susceptibles de moralité que par la volonté, on dit
que ces vertus résident dans la volonté. Il faut donc que tout cela soit
parfaitement réglé en nous avant de compter sur l’exercice des dons. Or comme
cette formation fait lamentablement défaut dans le clergé! Où est le prêtre qui
enseigne la pratique de ces vertus dans le détail? Où sont les fidèles qui
cultivent ces vertus? Que dirait-on d’un cultivateur qui ne travaille pas sa
terre du tout et qui y fait ses semailles? On ne rencontre pas de pareil nigaud
dans le peuple! Mais dans le clergé, c’est par milliers ceux qui ignorent
comment préparer une âme à recevoir les familiarités de Dieu. Pourtant, Jésus
nous donne une très belle parabole à ce sujet dans celle du semeur. Il dit
carrément que la semence produit en proportion qu’on a travaillé la terre,
qu’on l’a débarrassée des épines, des mauvaises herbes et qu’on sème dans la
bonne terre profonde et non sur le bord des chemins ou sur la pierre. La parole
de Dieu se sème dans les cœurs exactement comme le grain dans la terre. Il faut
donc arracher du cœur tout ce qui est contraire à ce divin. Or, c’est par les
vertus morales qu’on nettoie son cœur; commençons par là!
TUER NOS DEUX AMOURS
NATURELS.
Dieu est amour et pour aller
participer à sa vie divine, il faut avoir son amour. Or son plan est qu’il nous
faut semer les biens de la terre pour récolter ceux du paradis. Pour nous
permettre de récolter son amour divin, Dieu nous a donné deux amours naturels:
l’amour de soi et celui des créatures, qui sont bons en soi évidemment, mais
que nous devons semer quand même et précisément pour cela.
La gloire de Dieu
exige que nous préférions son amour à quelque chose de bon.
D’abord il faut
renoncer à l’amour des créatures même
bonnes en soi; je ne dis pas aux créatures, mais à l’affection des créatures. Les créatures ne sont pas rivales de
Dieu, mais mon amour pour elles est
rival de mon amour pour Dieu.
Nous n’avons qu’un
cœur pour aimer Dieu et les choses créées: ce que je donne aux créatures est
donc autant d’enlevé à mon amour pour Dieu. Par son premier commandement, Dieu
accapare absolument toute notre capacité d’aimer pour lui seul; il n’en reste
donc plus pour le créé.
Or les dons sont tout
ce qu’il y a de plus parfait dans l’amour divin pour nous. Comment le
Saint-Esprit nous les donnerait-il si nous aimons ses rivales à notre
affection? Aussi tous les Saints sont d’accord pour nous dire que toute
affection ou toute attache pour la moindre créature empêche l’amour de Dieu,
empêche l’intelligence des choses de Dieu et met un mur infranchissable entre l’âme
et Dieu.
Or les prêtres en
général permettent toutes les attaches aux plaisirs créés bons en soi. Mais
quand même ils sont bons, l’amour qu’on leur donne est d’autant moins pour
l’amour de Dieu. Où sont les chrétiens qui luttent contre ces attaches? Où sont
les prêtres qui leur enseignent à faire la guerre à tout amour naturel même bon
en soi? Ils sont très rares…
Alors comment le
Saint-Esprit donnerait-il ses touches merveilleuses de son amour intime à des
hommes qui conservent des amours étrangers au sien? Non, jamais ceux qui ont
des attaches n’éprouveront les effets des dons du Saint-Esprit! Or la masse des
prêtres comme des fidèles ont des attaches de toutes sortes, comme le tabac,
les jeux, les cinémas, la télévision, les courses, la bourse, le luxe, les
chiens, les chats même! Ces gens ne recevront pas l’activité des dons. Au
contraire ils ont encore une foule de défauts et de mauvaises tendances qu’ils
auraient dû corriger par la pratique des vertus morales et le renoncement aux affections
des créatures.
L’amour de soi est
encore un bien plus grand obstacle aux dons que l’amour des créatures. Encore
là, nos philosophes n’enseignent pas aux fidèles de le combattre, pas plus
qu’ils ne le font eux-mêmes parce qu’il est bon en soi. Ces gens se donnent à
eux-mêmes tout ce qu’ils devraient donner à Dieu; ils travaillent pour leur
propre gloire; ils recherchent leurs satisfactions en tout, étant pleins
d’eux-mêmes. C’est donc impossible que l’amour divin se donne à eux dans ces
conditions.
C’est par le
Saint-Esprit que nous suivons J.-C. Or Jésus dit: «Si quelqu’un veut venir
après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me
suive!». Il dit de même pour l’amour du monde: «Si quelqu’un aime le monde, la
charité du Père n’est pas en lui».
Donc tout chrétien doit
combattre absolument ces deux amours naturels pour se disposer à recevoir les
dons du Saint-Esprit. Ce n’est pas une question de fuir le péché, mais de
cesser d’aimer une créature quelconque pour elle-même. Qu’on ne dise donc pas:
fumer une cigarette n’est pas mal en soi. Cela ne fait aucune différence: du
moment qu’on la fume par affection. Elle empêche l’amour divin de se donner
dans la même proportion.
De même ceux qui
écoutent avec amour la radio ou la télévision le font aux dépens de leur amour
de Dieu et donc n’auront pas l’exercice des dons. Ne donnons donc aucun amour
aux créatures; gardons-le tout pour Dieu comme le veut le premier commandement.
«N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; si quelqu’un aime le monde,
la charité du Père n’est pas en lui». Or les dons vont avec la charité du Père…
RECUEILLEMENT
INTÉRIEUR.
Il est absolument
nécessaire aussi pour l’exercice des dons. Il faut que l’âme ait l’habitude de
s’entretenir avec Dieu dans le silence intérieur et dans le calme de l’âme. Car
si le cœur est pris avec l’affection des créatures, le Saint-Esprit ne se
donnera pas à l’âme d’une façon intime. L’amour de Dieu est exclusif et il aime
que nous le sachions, que nous nous éloignions de ses rivales, les créatures.
Il nous le fait dire par son prophète Osée: «Je te conduirai dans la solitude
et là je te parlerai au cœur». L’amour aime à être seul.
Ceux donc qui courent
les places publiques, les foules et les bruits du monde n’ont aucune chance
d’entendre la voix du Saint-Esprit dans leur cœur. Tous les Saints ont
affectionné la solitude et le calme justement pour être seuls avec Dieu et
alors ils entendaient les inspirations de Dieu et ils recevaient l’exercice des
dons du Saint-Esprit.
Que chacun se fasse
une solitude dans le cœur même au milieu du bruit des villes ou du travail. Il
suffit de penser que Dieu nous est toujours présent surtout lorsque nous sommes
en état de grâce. Est-ce qu’on ne peut pas bien converser avec un ami intime
même au milieu des foules, dans les trains, les places publiques et à
l’ouvrage? Quand on aimera le bon Dieu, on fera de même pour lui. On pourra
converser avec lui au fond du cœur en tout temps et en tout lieu. Cette
intimité avec le bon Dieu est une excellente préparation à l’exercice des dons.
C’est de l’amour qui appelle l’amour.
Le prophète Ezéchiel
se promenait dans la solitude sur les bords du fleuve Chobar quand le
Saint-Esprit est descendu sur lui pour en faire son prophète et pour lui
révéler les secrets de la Providence divine au sujet du peuple d’Israël. De
même Daniel s’abreuvait de divin dans la solitude des bords du Tigre quand le
Saint-Esprit lui donna sa fameuse vision de la venue du Messie.
Ce que Dieu a fait en
grand pour ces grands prophètes, il le fera en petit pour tous ceux qui fuient
le brouhaha du monde pour s’unir à Dieu et converser avec lui dans les déserts
loin des hommes. C’est là que tout à coup il nous vient une lumière spéciale
sur un point de la religion qui illumine toute la vie. Une vérité qu’on avait
entendue souvent sans en être frappé se présente avec une clarté merveilleuse
avec toutes ses conséquences pour la vie pratique. C’est le Saint-Esprit qui a
agi par ses dons. Combien de Saints se sont donnés à Dieu par une de ces
lumières soudaines du Saint-Esprit!
Ce sont les dons qui
font voir le point de vue surnaturel dans le plan divin et dans la religion
comme dans notre vie. Que peut-on désirer de plus sur la terre que de voir
clair dans tout ce que Dieu a fait pour nous avoir avec lui? Ça vaut bien la
peine de tout faire pour nous disposer à recevoir ces dons du Saint-Esprit, qui
nous transportent au sein de la Trinité dans la foi, il est vrai, mais encore
bien réellement.
On voit comment toute
cette préparation revient à détruire nos deux amours naturels qui sont la vie
de notre moi païen. Quand ce n’est
plus moi qui vis, mais J.-C. qui vit en moi, alors dans la même proportion,
c’est le Saint-Esprit qui se charge pour ainsi dire de toute notre activité
libre pour l’orienter vers lui. C’est là qu’il aime à agir directement par ses
effusions des dons. Il nous fait commencer notre vie au sein de la Trinité avec
un mode divin d’agir à la place du mode humain dans les régions inférieures de
la vie spirituelle.
Nous ne voulons pas
dire que les dons nous font faire des actes miraculeux ou extraordinaires comme
des extases ou des prophéties. Nous voulons parler des actes es plus ordinaires
de la vie, mais faits dans la foi pure et avec des motifs absolument
surnaturels. Les dons du Saint-Esprit agissent là comme dans les états
extraordinaires. Ainsi la Sainte Vierge faisait des choses bien ordinaires mais
avec un amour et une intention extraordinairement divine. Tout le divin se trouve
non pas dans l’acte lui-même, mais dans le mode ou l’intention et dans le degré
de grâce sanctifiante. Plus un acte a de divin en lui et plus il est méritoire
devant Dieu.
On comprend combien
importante est la mort à soi pour laisser le champ libre au Saint-Esprit! Plus
je m’efface et plus il prend ma place pour faire par lui-même ce que je faisais
moi-même. Cependant je garde assez de liberté pour acquiescer à son action et
ainsi avoir du mérite devant Dieu.
Saint Jean de la Croix
dit que l’âme doit se tenir dans un silence recueilli et une solitude absolue
pour que le Saint-Esprit puisse réaliser ses désirs sur elle. Il la porte comme
une mère qui prend son enfant dans ses bras et il se charge lui-même de sa
direction intime. Il règne en elle par l’abondance et la tranquillité de la
paix qu’il y répand.
Que tous ceux donc qui
veulent vivre des dons se retirent des plaisirs du monde et de tout ce qui peut
capter leur attention en dehors des choses de Dieu. Ils doivent faire le vide
au fond de l’âme pour que le Saint-Esprit ne trouve aucun rival à son amour.
L’amour veut tout ou rien! Car c’est une fin. A plus forte raison l’amour infini!
LA PRIÈRE est
nécessaire ici encore plus que jamais pour montrer notre amour pour les dons.
Comme il s’agit de faveurs immenses pour nous sanctifier, Dieu fait dépendre
ses dons de la prière. Il faut les demander constamment et humblement.
Demandons-les en union avec J.-C. qui nous a promis de nous envoyer son
Saint-Esprit et en invoquant celle qui est le temple du Saint-Esprit et qui a
prié avec les Apôtres pour recevoir le Paraclet à la Pentecôte.
Apprenons par cœur les
hymnes et les prières de la liturgie concernant le Saint-Esprit et récitons-les
souvent: le Veni, Creator Spiritus, le Veni, Sancte Spiritus, etc.
Il ne faut pas oublier
aussi de faire les sacrifices que la Providence divine nous demande au jour le
jour. Si personne ne peut montrer plus d’amour pour ses amis qu’en mourant pour
eux, nous montrons un grand amour pour J.-C. en mourant un peu dans tous les
sacrifices qu’il nous demande. Participer à sa croix, c’est participer à son
amour et cela d’une façon bien concrète et pratique.
C’est le complément de
la prière. Puisqu’on demande les biens célestes, il est bon en même temps de
montrer qu’on méprise les biens terrestres en les sacrifiant pour l’amour de
Dieu. Ces deux bonnes choses sont une préparation à la réception des dons si
l’on remplit les autres conditions aussi que nous avons déjà indiquées plus
haut.
D’après Saint Thomas,
les dons sont nécessaires au salut. 1-11, q. 68, ad 2. Car la Sagesse dit,
7-26: «Dieu n’aime que celui qui habite avec la sagesse». Et dans
l’Ecclésiastique, 1-28: «Celui qui n’a pas la crainte de Dieu ne pourra devenir
juste». Or la sagesse est le plus élevé des dons et la crainte est la moins
élevée. Donc tous sont nécessaires au salut.
Léon XIII, Encyc. sur
le Saint-Esprit, écrit: «Le juste qui vit de la vie de la grâce et qui agit par
les vertus comme par des facultés a absolument besoin des sept dons du Saint-Esprit».
Les prêtres devraient
le savoir et donc les expliquer souvent aux fidèles, afin qu’ils se disposent
mieux à les recevoir et qu’ils prient plus pour cette faveur.
Tous ces dons sont
connexes avec la charité et en dépendent. Ils se développent et se manifestent
selon le degré de charité qu’on a. Ils sont aussi solidaires les uns des
autres. Pour augmenter en l’un, il faut augmenter en tous. Cependant il arrive
que chaque chrétien brille surtout dans quelques-uns plus que dans les autres,
selon son tempérament et la grâce de Dieu.
LEUR
DIVISION
Leur division en sept
leur vient de la nature des facultés qu’ils perfectionnent. Comme la lumière
blanche en passant à travers un prisme se divise en différentes couleurs et
nuances, ainsi l’action simple du Saint-Esprit passant par nos facultés se
divise en sept dons différents. Les trois moins parfaits: la crainte, la piété
et la force perfectionnent la volonté et les quatre autres, l’intelligence.
Supposons qu’on amène
à une belle pièce de théâtre un homme presque aveugle, sourd et peu
intelligent; que va-t-il prendre de cette pièce? A peu près rien. Ces choses ne
l’intéresseront pas. Eh bien! Il en est un peu ainsi dans la vie spirituelle:
ceux qui n’ont pas les dons comprennent peu et goûtent encore moins les choses
de Dieu; ils restent bien indifférents à leur égard.
Par l’insouciance à
peu près générale des fidèles pour les choses spirituelles, on peut en conclure
que très peu remplissent les conditions exigées par le Saint-Esprit pour
recevoir le dons. C’est guère mieux chez les prêtres et les religieux. Quel
dommage que d’avoir fait tant de sacrifices pour être catholique et arrêter
justement au moment de recevoir les plus grandes faveurs de Dieu dans ces dons
du Saint-Esprit! C’est surtout par eux que nous vivons la vraie vie de Dieu
comme dans le ciel, où Dieu produira en nous toute son activité divine et avec
nous. Il se réserve toutes nos initiatives et nous conduit comme une mère
conduit son enfant par la main… C’est là qu’on devient parfait comme le Père
céleste en agissant comme lui, en lui et par lui. Le travail de la perfection
consiste à se défaire du mode humain dans les vertus pour prendre le mode divin
qui se réalise surtout par les dons. Car même dans la foi, on est exposé à voir
les choses à la façon des hommes et donc très imparfaitement. Par exemple, la
foi me dit que J.-C. est présent au Tabernacle; je le crois, mais que de
nuances dans cette croyance parmi les chrétiens! Quelle indifférence chez la
plupart pour ce Jésus! Mais à mesure qu’ils se disposent pour recevoir les
dons, ils voient des merveilles dans ce sacrement qu’ils ne voyaient pas avant.
De même au sujet de l’amour du prochain, il faut les dons pour voir J.-C. dans
son prochain d’une façon pratique et méritoire pour le ciel.
Enfin, en proportion
qu’on veut commencer sur terre la vie du ciel en société des trois Personnes de
la Trinité, on doit tout faire pour acquérir les dons du Saint-Esprit. Ce sont
eux qui donnent le couronnement à notre vie spirituelle dans la grâce
sanctifiante. Ce sont eux qui l’illuminent des clartés divines comme prélude de
notre vie au ciel.
«Bienheureux ceux qui
ont faim et soif de la justice, car ils verront Dieu»! Demandons les dons et
recherchons-les de toutes nos forces pour notre plus grand bonheur et la plus
grande gloire de Dieu! Que Marie Médiatrice de toute grâce nous obtienne ces
dons divins!
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