lundi 28 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-14 - Les dons du Saint-Esprit partie 2



TREIZIÈME INSTRUCTION LES DONS DU SAINT-ESPRIT.
(DEUXIÈME PARTIE)

Nous allons voir maintenant les dons en particulier.

LA CRAINTE

 Il ne s’agit pas de la crainte des châtiments de Dieu à cause de nos péchés, ni de la crainte de l’enfer; mais de la crainte filiale de déplaire à Dieu qu’on aime tendrement. On peut y trouver trois éléments.

Une vue très claire de la sainteté infinie de Dieu jointe à sa majesté, ce qui fait qu’on a une extrême peur de faire de la peine à un être si parfait. Par exemple, plus une robe est riche, belle et précieuse et plus on craint de la tacher le moindrement. Eh bien! En proportion qu’on a une grande idée de la sainteté de Dieu, on a peur de la souiller par la moindre faute.

Une vue claire correspondante de notre propre indignité. Plus on voit Dieu grand et plus on se voit petit; c’est normal! Alors il est facile de pratiquer la première béatitude: «Bienheureux les pauvres d’esprit». On comprend son néant, sa faiblesse native, sa pauvreté à tous points de vue. On ne voit plus rien en soi, ni dans l’intelligence, ni dans la mémoire, ni dans le cœur. Cette conviction de notre néant nous fait craindre encore plus de déplaire à l’infinie majesté de Dieu. Une vive contrition d’avoir déjà offensé la sainteté de Dieu et le désir de réparer nos fautes. On voudrait tout endurer pourvu que Dieu nous pardonne le passé. Enfin on veut enlever tout ce qui peut gêner notre amour de Dieu ou de Dieu pour nous. L’élément positif est l’amour de Dieu, tandis que la crainte est l’élément négatif. Mais c’est l’amour qui détermine la crainte et son degré. De plus, cette crainte nous fait fuir les attaches aux choses créées, qui déplaisent tant à Dieu, et tous les motifs naturels qui l’insultent de voir qu’on veut lui offrir quelque chose de naturel quand il est la vie surnaturelle. Ceux qui vivent de ce don ne comparent jamais les péchés entre eux pour se permettre les moindres. Ils les craignent tous également à cause de leur amour pour Dieu. Quand on aime vraiment sa mère, est-ce qu’on ferait une distinction entre lui donner un coup de poing ou un coup de revolver? On ne voudrait pas plus l’un que l’autre, quoique en soi il y ait une grande différence, mais mon amour n’en fait pas! Un philosophe disait à Blanche de Castille, navrée d’avoir commis une faute légère: «Ce n’est qu’un péché véniel». «Je le sais, dit-elle, mais elle est mortelle dans mon cœur!». Voilà comment agissent ceux qui vivent de ce don!

LA FORCE

Ce don donne à la volonté une impulsion qui lui permet d’agir énergiquement et de souffrir allégrement de grandes épreuves malgré tous les obstacles. Souvent la grandeur des épreuves est surtout dans leur continuité monotone de la vie journalière où il nous faut un certain héroïsme pour persévérer.

Nos vertus morales et nos vertus théologales ordinairement sont trop faibles pour nous permettre de résister à nos ennemis si forts et si nombreux: notre amour-propre, nos tendances animales, le monde et les démons. Il nous faut encore d’autres secours que Dieu a mis dans les dons et en particulier dans le don de force.

Comme il est surnaturel, Dieu exige une bonne dose d’humilité pour le donner, afin d’avoir sa gloire. Ceux qui comptent sur leur propre volonté et sur leurs forces naturelles, ne l’auront pas parce qu’ils attribueraient leur succès à eux-mêmes. Par exemple, ceux qui se fâchent contre eux-mêmes quand ils tombent dans le péché, montrent qu’ils se croient capables de résister, puisqu’ils se disputent quand ils tombent en péché. Jésus nous avertit que notre victoire viendra uniquement de notre foi; comptons donc sur elle seule. Si nous tombons dans le péché, humilions-nous et demandons plus de grâce à Dieu; voilà ce que nous devons faire.

Saint Paul avait ce don quand il dit qu’il se glorifie dans ses misères afin que la vertu de J.-C. soit plus manifeste. Est-ce que Jésus ne nous dit pas que sans lui nous ne pouvons rien? Inutile donc de compter sur nos propres forces! «Dieu a choisi ce qui est faible pour confondre les forts, pour réduire à néant ce qui est, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence».

N’oublions pas que les dons sont produits directement par Dieu, en nous, sans coopération de notre part que l’acquiescement à l’action divine. Dans les vertus, l’homme doit agir avec Dieu, mais dans les dons tout vient de Dieu seul. Ce don de force donne la décision énergique, l’assurance, l’espoir certain du succès avec la joie.

Il fait entreprendre des œuvres ardues avec grand aplomb et sûreté d’exécution, comme Saint Jean Cottolengo dans la fondation de son hospice merveilleux, ou l’évangélisation des peuples barbares, et rester dans des missions difficiles et isolées, comme le P. Lafortune sur son île éloignée de la côte et avec son petit groupe d’Esquimaux pendant des années.

Il soutient dans les persécutions et les calomnies dont les amis de Jésus sont souvent l’objet… et qui durent si longtemps parfois! Mais le martyre est l’acte par excellence du don de force.

Evidemment, il faut cultiver les conditions pour le recevoir un jour. Par exemple, il faut s’habituer à endurer les petites épreuves de chaque jour dans la vie ordinaire et dans l’accomplissement du devoir d’état. Ceux qui se plaignent des petites contrariétés que Dieu leur envoie, n’auront jamais le don de force.

De même ceux qui cultivent des attaches aux créatures quand le bon Dieu le défend si clairement dans l’Evangile, ne peuvent pas s’attendre à recevoir ce don. Que chacun fasse d’abord ce qu’il peut pour vaincre les tendances de sa nature et ensuite il pourra compter sur Dieu pour les plus grandes difficultés. Aide-toi et le ciel t’aidera, s’applique ici comme partout ailleurs.

Comme ce don est un effet de l’amour divin, il faut montrer de l’amour pour Dieu et pour tout ce qu’il fait pour nous et avoir confiance en sa bonté divine. Ce n’est que l’amour qui attire l’amour divin! Ceux qui gaspillent leur amour sur les choses créées par leurs attaches, n’auront jamais ce don ni les autres. Purifions notre cœur de tout amour étranger et alors Dieu nous donnera le sien par ses dons.

La gloire de Dieu exige qu’il nous tente au-dessus de nos forces naturelles, afin que nous soyons obligés de compter uniquement sur le secours divin pour vaincre la tentation. Quand l’Ecriture dit que Dieu ne tente personne au-dessus de ses forces, cela veut dire: avec la grâce de Dieu, nous pouvons toujours résister.

C’est donc une raison de plus pour demander souvent ce don de force, puisque la vie est un combat continuel contre nos ennemis. Un bon moyen d’augmenter ce don, c’est de croître dans nos trois vertus théologales, puisque les dons en dépendent. Plus on progresse dans la vie surnaturelle, et plus on a de chance d’avoir les dons en activité.

C’est pour signifier ce don de force que l’Evêque donne un petit soufflet à celui qu’il confirme. Mais combien peu réfléchissent sur ce symbolisme et qui se préparent à supporter leurs croix tous les jours comme Jésus nous avertit de faire. Tous les énervés, les plaignards et les impatients ne vivent pas ce don de force.

LA PIÉTÉ

Elle est la cause du don de crainte; c’est parce qu’on a un amour filial qu’on craint d’offenser Dieu ou simplement de lui déplaire. La crainte est surtout négative tandis que la piété est positive. La première regarde ce qu’il faut éviter et l’autre ce qu’il faut faire. La piété est un amour de la personne de Dieu et non de ses dons. Elle fait rechercher Dieu pour lui-même en qui elle met toutes ses complaisances. Avec ce don, on est heureux avec Dieu comme un enfant avec son père aimé, indépendamment des beaux meubles et de la richesse qui l’entourent. On traite avec Dieu comme avec son père avec une certaine familiarité respectueuse tout de même. On lui expose tout simplement ce qu’on a dans le cœur: projets, peines, difficultés. Jésus voulait insinuer cette intimité quand il nous fait dire: «Notre Père, qui êtes aux cieux…». Saint Paul dit que c’est le Saint-Esprit qui nous fait dire: «Abba, Père…» Et encore: «A moins que vous ne deveniez de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux». Il veut donc que nous ayons ces relations d’enfants avec notre Père céleste.

Par exemple, on vient de commettre une faute quelconque: on serait porté à se disputer, à se décourager et à se cacher de Dieu en s’éloignant de ses dévotions. Il vaut mieux aller à Dieu avec simplicité et confiance, comme un enfant qui vient de se blesser va trouver ses parents et leur montre sa plaie pour qu’ils la pansent.

Avouons devant Dieu notre faiblesse et demandons-lui plus de grâce pour la prochaine tentation… et soyons de bonne humeur comme avant. C’est normal pour des enfants de se blesser et les parents le savent et sont pleins d’indulgence pour eux. Combien plus Dieu!

La seule conséquence est que cette faute nous pousse à faire plus pour Dieu, afin de la lui faire oublier. Il sait de quelle triste pâte nous sommes pétris et combien grande est notre faiblesse dans le chemin de la vertu. Aussi il est toute miséricorde surtout pour ceux qui viennent à lui en toute confiance et sincérité, comme des enfants à leur père.

Les prêtres philosophes avec leur spiritualité du minimum «strictement parlant» n’arrivent jamais à ce don surnaturel. Car leur amour de Dieu n’est que celui que nous aurions eu sur le chemin des limbes: une espèce d’admiration intellectuelle pour l’Etre suprême connu par la seule raison, dont on s’occupe bien peu dans le cours ordinaire de la vie. Comme ces prêtres ne sont pas intéressés à Dieu ni aux choses de Dieu! Ils n’en parlent pas et ne veulent pas en parler. Ils ne l’ont donc pas dans le cœur. Or, les dons sont un effet d’un grand amour surnaturel de Dieu acquis par le sacrifice des plaisirs terrestres, permis ou défendus; ce que les philosophes ne font pas ni ne prêchent.

Ce don surnaturel de piété s’étend aussi à tout ce que Dieu aime et en proportion qu’il les aime. Par exemple, la sainte Humanité de Jésus que Dieu a ordonnée pour recevoir son Verbe dans l’Incarnation. Comme il lui a donné la plus parfaite grâce que la Trinité pouvait créer de sa puissance absolue, nous devons reporter sur elle notre amour filial que nous avons pour Dieu. Car pas une créature au monde ou dans le ciel n’a reçu autant de divin qu’elle. Dans la même proportion, nous devons l’aimer comme Dieu l’aime.

Ensuite comme la Sainte Vierge est la plus parfaite parmi les créatures, nous reporterons sur elle notre amour que nous avons pour Dieu dans la mesure qu’elle reflète Dieu. Si Dieu est notre Père, elle est notre Mère dans toute la force du mot dans l’ordre surnaturel.

Cette affection tendre s’adressera aussi à la Sainte Ecriture qui est la Parole de Dieu manifestée en ce monde.

Enfin, l’Eglise qui est comme l’Epouse du Saint-Esprit devra être aimée tendrement d’un amour sérieux et filial.

Ce don est bien nécessaire pour nous faciliter nos devoirs envers Dieu. On les accomplit avec plus d’entrain, de joie et de perfection quand on aime réellement Dieu. Autrement comme tout est sec et dur! La prière ennuie, les épreuves aigrissent et impatientent; on obéit en mercenaire et la pratique de la religion fatigue. Tandis que ceux qui ont ce don font ces choses avec joie, calme et entrain. Ils y trouvent un vrai bonheur et tout est facile pour eux à cause de leur amour filial de Dieu et de tout ce qui concerne Dieu.

Les religieux et les prêtres qui regardent les devoirs de leur état comme une espèce de corvée, dont ils se débarrassent le plus vite possible pour vaquer aux choses du monde, n’ont sûrement pas ce don surnaturel de piété. De même ceux qui traitent froidement leurs inférieurs ou leurs paroissiens et qui ne s’intéressent pas à leurs misères et afflictions, n’ont pas cet amour de Dieu puisqu’ils ne l’ont pas pour le prochain que l’on doit aimer comme Dieu.

La piété ne viendra pas sans des efforts de notre part pour plaire à Dieu en tout. Il faut le vouloir, l’étudier, en connaître les conditions pour son développement. Est-ce qu’un cultivateur n’étudie pas son terrain pour voir si la semence qu’il veut y mettre va bien là? Il prépare son terrain pour le rendre propice au grain qu’il veut semer. A plus forte raison nous devons faire cela dans notre âme pour recevoir ce don surnaturel de Dieu qui va tant améliorer notre vie surnaturelle. Insistons dans nos prières pour l’avoir et faisons des sacrifices de l’amour des choses créées pour mériter plus d’amour de Dieu et donc recevoir plus de dons.

DON DE CONSEIL

Ce don, comme les trois suivants, perfectionne l’intelligence, en l’éclairant d’une lumière divine spéciale. Celui-ci perfectionne la vertu de prudence souvent perdue dans les situations compliquées que l’homme trouve pour faire son salut. Ce don nous aide à juger promptement et sûrement, par une sorte d’intuition surnaturelle, ce qu’il convient de faire surtout dans les cas difficiles. Par la vertu de prudence, nous nous servons de notre expérience et des connaissances acquises pour prendre une sage décision. Par ce don, le Saint-Esprit nous fait comprendre en un instant au fond du cœur ce que nous devons faire… Jésus a promis ce don à ceux qui seraient pris de force pour être jugés par les païens, comme les premiers chrétiens l’étaient pour être conduits au martyre. «Ne vous mettez pas en peine de ce que vous direz ou comment vous répondrez; le Saint-Esprit vous dira en temps et lieux ce que vous devrez dire».

Ce don de conseil nous indique la bonne direction à prendre dans les cas particuliers de la vie et quand on dirige les autres dans les voies spirituelles.

Mon expérience personnelle dans un petit fait de ma vie! Quand j’étais en Alaska dans notre mission de Sainte-Croix, un jour, mon supérieur m’ordonne de fumer! Il m’en avait parlé souvent, mais je prenais ses paroles comme de simples conseils. Ce jour-là il avait insisté plus que de coutume. Alors je lui demande: «Etes-vous sérieux?». «Si je suis sérieux. Je vous l’ordonne en vertu de la sainte obéissance». Je n’en croyais pas mes oreilles. Je me voyais obligé d’obéir, puisque ce n’était rien de péché qu’il me commandait. Cependant je ne voulais pas du tout prendre cette attache. Alors je jette un cri de supplication au Saint-Esprit de m’inspirer quoi faire. Il me vint à la pensée de lui demander de mettre cet ordre par écrit. Il me dit: «Oui, je vais vous l’écrire…». Et j’ajoute sans trop réfléchir: «Je vais l’envoyer au Père Général, à Rome, et je ferai ce qu’il me dira!». Justement il avait envoyé une lettre très sévère contre l’usage du tabac. Alors mon supérieur dit: «Ça ne vaut pas la peine de gaspiller un timbre!». Le vieux renard était pris! Ca ne valait pas la peine non plus d’un ordre en vertu de la sainte obéissance… Et chose curieuse, il ne fumait pas lui-même! En tout cas, le Saint-Esprit m’avait donné là un bon conseil! pour lequel je le remercierai éternellement. Car si j’avais fumé là je n’aurais jamais compris le plan divin comme je le comprends et je n’aurais jamais donné mes retraites sacerdotales avec le succès que Dieu m’a donné par sa pure grâce. Je n’aurais jamais pu attaquer les motifs naturels comme je l’ai fait, si j’avais pris cette attache pour le tabac. Ceux qui ont des attaches, ne sauront jamais tout le bien qu’ils ont manqué de faire sans ces attaches. Une chose certaine est qu’ils n’auront pas l’exercice des dons du Saint-Esprit, ce qui déjà les prive d’une source immense de bien surnaturel qu’ils ne feront jamais.

Que Dieu éclaire les prêtres du monde entier sur cette question des dons du Saint-Esprit que si peu ont!

Ce don est très utile aux directeurs d’âmes pour savoir discerner ce qui vient de la nature et ce qui vient de la grâce, de la raison ou de la foi. L’étude peut aider beaucoup, mais elle ne suffit pas pour se débrouiller à travers toutes les influences qui agissent sur l’âme. C’est un grand secours que d’avoir le don de conseil. Mais comme nous l’avons dit, il faut se défaire absolument de toute attache pour que le Saint-Esprit agisse en nous par ce don.

Il faut que l’humilité suive le détachement; car dès qu’on compte tant soit peu sur soi, sur ses propres lumières, le Saint-Esprit garde les siennes. Il faut le demander tous les jours à deux genoux, comme on dit. Avec un très grand désir de l’obtenir tout en nous disposant pour que le Saint-Esprit nous le donne.

LA SCIENCE

Ce don perfectionne la foi par une illumination spéciale du SaintEsprit pour mieux connaître les créatures dans leurs rapports avec Dieu. C’est une intuition du néant des choses et de l’Etre infini de Dieu. Ce don nous fait découvrir le divin à travers les créatures pour nous attacher à ce seul divin et regarder les créatures comme de simples échantillons ou images de Dieu, ou simples reflets de ses perfections divines. Il nous les montre donc comme des moyens pour aller à Dieu. Leur origine est en Dieu, leur nature nous fait connaître Dieu et leur fin est en Dieu. Les créatures avec ce don sont de vrais échelons pour monter vers Dieu.

Ceux qui ont ce don aimeront à contempler la nature qui leur révèle Dieu le Créateur. Les grands bois silencieux, la grandeur des montagnes et l’immensité de l’océan les transportent en Dieu infini. Chaque être est comme une lettre pour lire dans le grand livre de la nature. Saint Ignace jugeait selon ce don quand il s’écriait en contemplant le ciel étoilé: «Comme la terre me semble vide quand je contemple le ciel!». C’est justement ce sentiment que produit ce don par rapport à toutes les créatures. «Pour l’amour de J.-C., j’ai considéré toutes choses comme du fumier!» (Saint Paul.) Comment agit-on devant le portrait de sa mère bienaimée, mais absente? N’est-ce pas que notre amour va à notre mère et non au morceau de carton du portrait. Eh bien! Celui qui a ce don de science va tout de suite au divin que chaque créature recèle sous ses espèces sensibles. Il lui donne tout son amour et son admiration de telle sorte qu’il ne reste plus rien pour la créature. Elle devient néant comparée à Dieu… et alors toute la vie s’en ressent. On fuit les plaisirs de la terre pour ne chercher que Dieu partout et en tout… et plus on fuit les créatures et plus l’on trouve le Créateur.

Par ce don, Dieu éclaire aussi notre âme pour discerner la source des diverses influences qui agissent dans notre âme et aussi dans les autres, qui nous confient leurs misères, pour les bien diriger dans la vertu.

C’est ce don que l’Eglise nous fait demander si souvent: de mépriser les choses de la terre pour nous affectionner uniquement aux choses de Dieu. Demandons-le souvent dans nos prières. A la mort, nous verrons bien le vide et la folie des choses créées… Commençons donc tout de suite librement et avec mérite pour le ciel. Les premières sont temporelles et les autres éternelles! Les créatures sont terrestres et les choses de Dieu éternelles! Ça ne devrait pas prendre beaucoup de délibération pour choisir les éternelles! Mais il faut la grâce de Dieu… Demandons-la de tout cœur!

Tous les philosophes qui permettent aux fidèles de s’affectionner aux plaisirs de ce monde n’ont pas ce don de science. Ils s’attachent au carton du portrait de Dieu ou au miroir qui reflète Dieu plutôt qu’à Dieu lui-même. C’est absurde mais ils ne voient pas mieux. Par ce don, on fait un pas sérieux dans la vie spirituelle et dans la préparation à la vie contemplative, qui est impossible tant qu’on s’arrête aux plaisirs des sens et de la terre. Comment se perdre en Dieu quand on est plein des choses créées? C’est impossible! Sacrifions-en donc le plus possible et dans la même mesure Dieu nous fera comprendre la beauté et la grandeur des perfections divines.

LE DON D’INTELLIGENCE

Ce dont fait pénétrer plus profondément les vérités révélées par une illumination directe du Saint-Esprit. Par lui on voit non seulement le divin qui se cache sous les espèces sensibles des créatures, comme dans les créatures inanimées, mais aussi dans les personnes et surtout dans l’Eucharistie avec les différentes manières pour le divin de se communiquer aux créatures et par elles à nous. On comprend mieux l’activité divine dans la création naturelle et surnaturelle. Il nous fait pénétrer l’intérieur des vérités ou leur sens profond. Comme lorsque Jésus révéla le sens des prophéties qui concernaient sa passion. Comme aussi lorsqu’il est dit que Jésus ouvrit l’intelligence de ses disciples pour mieux comprendre les Ecritures. Les Apôtres le reçurent à la Pentecôte.

Comme Saint Paul dit que Dieu a créé ce monde pour faire connaître le monde divin, ce don d’intelligence révèle justement la signification des choses sensibles au point de vue surnaturel, comme lorsque Saint Paul voit dans le baptême d’immersion l’image de notre mort et de notre résurrection.

Nous voyons mieux les effets contenus dans les causes comme encore les causes contenues dans les effets. Par exemple, la purification de nos âmes dans le sang de Jésus versé sur la croix, ou dans les événements l’action de Dieu.

Il nous aide à déduire des conclusions théologiques des textes de l’Ecriture, qui n’apparaissent pas à la simple foi. Cette dernière nous montre la vérité, mais le don d’intelligence nous en révèle sa constitution intérieure ou ses éléments de vie divine, tels que vus par Dieu, ou par en haut pour ainsi dire.

L’âme participe un peu à la connaissance propre de Dieu, mais d’une façon créée évidemment, mais de même genre; elle entrevoit l’action divine dans les processions trinitaires pour en avoir une idée toujours confuse, mais incomparablement plus claire que par la seule foi. Ce don est à la base du don de contemplation mystique.

Par exemple, on entend ce texte: «Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme». La foi nous y fait adhérer et nous donne un certain sens obvié. Mais le don d’intelligence nous le fait comprendre dans ses conséquences pratiques et comme nous le verrons un jour dans l’éternité, pas avec la même clarté, mais dans le même sens. Cette vue est le commencement d’une toute autre vie bien plus parfaite que dans la foi simple.

Ce don ne dépend pas de la grandeur de l’intelligence du chrétien mais de son amour de Dieu et de son humilité. Cette pénétration des mystères se fait avec une certaine saveur spirituelle qui augmente notre amour pour Dieu et les choses de Dieu. Ceux dont le cœur est tant soit peu entaché d’amour naturel pour les choses créées ne pénétreront jamais l’intérieur des vérités de la foi. Cela est réservé aux «Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu», pas seulement au ciel dans la gloire, mais déjà sur la terre dans une foi extrêmement éclairée par le don d’intelligence.

Les dons précédents ont pour but d’enlever les entraves à l’action de Dieu dans l’âme. La crainte la purifie du péché et de ses tristes suites; la piété de son indifférence pour les choses de Dieu; la force supplée à la faiblesse pour vaincre ses ennemis; le don de conseil la guérit de sa témérité et de son manque de jugement; la science la délivre de ses attaches aux créatures en lui montrant leur néant et que Dieu seul existe au point de vue de l’éternité, puisqu’elles vont toutes disparaître un jour.

Maintenant il lui reste à marcher vers Dieu sans plus d’obstacles et c’est ce qu’elle fait par les deux derniers dons. Ils président à la contemplation et supposent l’ordre parfaitement établi entre les puissances diverses dans l’âme par l’ascétisme et la pratique des vertus morales et théologales.

Par ce don commence dans l’âme une lutte terrible entre la raison et la foi. Cette lumière divine nous attire fortement à Dieu et aux choses de Dieu. Cependant la nature avec la raison continue de nous attirer aux… créatures auxquelles nous avons renoncé pour tout de bon. Nous voudrions comprendre par la raison, mais ces lumières la dépassent tellement qu’elle ne nous sert de rien et alors il se fait une si grande obscurité dans l’âme que l’on ne sait plus que faire pour nous maintenir dans ce monde surnaturel que nous aimons plus que tout au monde.

Mais comme ces lumières divines sont intermittentes, quand elles se cachent, pour ainsi dire, c’est un tourment très grand pour le chrétien rendu. Il ne veut plus retourner à sa vie humaine, dirigée par la raison, et la foi ne dit plus rien… et il nous faut rester comme accrochés à ce que nous avons déjà entrevu… et qui n’est plus là! Les démons en profitent pour nous suggérer toutes sortes de conclusions pour nous décourager et nous embrouiller encore plus: «Tu vis dans l’illusion!… Ces lumières n’étaient que le produit de ton esprit. Il faut être plus saint que toi pour avoir ces lumières! Où est le réel de tout cela? Surtout où trouver un prêtre pour parler de ces choses? On est absolument seul pour se défendre soi-même, du monde et des démons.

C’est là qu’il faut une bonne dose d’humilité et l’amour de Dieu. Du moment qu’on ne se monte pas la tête des grandes lumières reçues, quel inconvénient peut s’ensuivre? Si elles nous aident à aimer le divin davantage, profitons-en! Du moment qu’on s’en sert comme de moyens pour mieux aller à Dieu, on n’a pas besoin d’un directeur pour être dirigé. Est-ce que de beaux rêves dans le ciel ne font pas du bien à l’âme? Même quand elle sait que ce ne sont que des rêves? Prenons donc toutes les lumières qui nous donnent une plus grande idée des choses divines et remercions-en Dieu!

Ce don éclaire l’âme sur une foule d’imperfections et d’impuretés qu’elle n’aurait jamais soupçonnées. Il nous montre des choses viles et détestables que nous aimions et nous en fait aimer d’autres que nous détestions. Par exemple, il montre l’amour-propre dans la manière d’exercer le zèle. Un prêtre cherche l’apostolat des filles et des femmes sous prétexte qu’elles cherchent mieux le surnaturel. Un autre voit l’avenir de la religion dans les garçons et les hommes, un autre dans les sports, etc. Le don d’intelligence manifeste vite ces «trucs» du païen pour satisfaire ses penchants bien naturels pour ces différents groupes.

Il ferait découvrir aux supérieurs que leur grand zèle pour l’autorité de Dieu n’est qu’un voile pour cacher leur orgueil et le plaisir de dominer sur les autres. La preuve est que les autres attributs de Dieu ne semblent pas les impressionner beaucoup!… Ceux-là qui sont chatouilleux sur leur autorité.
Les ardents à corriger les autres verraient qu’il est plus important de subir avec patience et amour les défauts du prochain que de les corriger. Par exemple, si on a un chauffeur de fournaises qui brûle trop de charbon pour rien par manque de jugement, qu’on se dise qu’il est aussi facile à Dieu de nous donner plus de charbon qu’au chauffeur de l’esprit! Avec ce don, les critiques disparaissent pour faire place aux actions de grâces envers Dieu!

LE DON DE SAGESSE

Il est le plus élevé parce qu’il perfectionne la charité. Il réside à la fois dans l’intelligence, où il répand la lumière, et dans la volonté où il donne l’amour ou le perfectionne; ce qui revient à dire qu’il donne une connaissance savoureuse des choses de Dieu. On a un échantillon de ce don dans un rayon de soleil qui éclaire et réchauffe en même temps. C’est par lui qu’on juge de toutes choses en rapport avec Dieu et le salut de l’âme. Ceux qui ne l’ont pas, se font le centre de leur activité; mais par le don de sagesse ils font pour Dieu ce qu’ils faisaient pour eux-mêmes. Ces chrétiens sous l’influence de ce don jugent de tout en fonction du salut éternel et de la gloire de Dieu.

On voit tout de suite comme les philosophes du clergé, avec leur point de vue «in se» sont à cent lieues de ce don! Ils n’arrivent jamais à l’amour de Dieu surnaturel avec leur point de vue spéculatif. Saint Paul jugeait toutes choses selon ce don; voilà pourquoi il contredit si souvent le bon sens humain. Car les pensées de Dieu sont aussi différentes de celles des hommes que le ciel est au-dessus de la terre. C’est en suivant ce don qu’il compare les créatures à l’amour de J.-C. et il les trouve du fumier par rapport a l’amour de J.-C. Voilà un point de vue que les prêtres philosophes n’ont jamais pris! Aussi ils se délectent dans ce que Saint Paul appelle: du fumier! C’est tout le contraire de la sagesse divine. C’est que la sagesse de Dieu est tellement au-dessus de la raison que ce qu’elle fait semble absurde à celle-ci, parce qu’elle ne pourrait pas accomplir ces choses. Mais la sagesse de Dieu: c’est donc raisonnable pour elle, mais pas pour la raison qui n’y comprend rien.

Ce don encore plus que tous les autres est incompatible avec les moindres attaches. Comme il donne le goût des choses de Dieu, il ne peut laisser de goût pour les choses de la terre. Ces deux amours, nous le savons, sont rivaux l’un de l’autre d’après Jésus lui-même. On ne peut pas aimer Dieu et le monde! Comme la masse des prêtres avec les fidèles qui les suivent sont tout aux choses de la terre, comme leurs conversations le montrent bien, ils ne sont pas capables d’avoir le goût pour les choses de Dieu. Ils ne cherchent pas à les étudier, à les méditer, à en parler, à les demander à Dieu. Avant la Pentecôte, les Apôtres étaient tout aux choses de la terre; après, ils les méprisent toutes et ils sont tout aux choses de Dieu. Voilà ce que fait le don de sagesse: il change l’objet de l’amour, il le transfert des créatures au Créateur.

On trouve là une explication de cette guerre que les philosophes font aux prêtres qui jugent selon ce don et par suite tout en fonction du salut de l’âme et de l’amour de Dieu. Leur amour est contraire à celui des philosophes qui permettent d’aimer les créatures bonnes en soi, tandis que ceux qui jugent selon le don de sagesse ne permettent qu’un seul amour: celui de Dieu, qui est bien en conformité avec le premier commandement.

Le don d’intelligence nous fait comprendre les vérités révélées mais en elles-mêmes, tandis que le don de sagesse nous les fait comprendre dans leurs principes les plus élevés ou dans leur cause première, qui est Dieu, et là il nous les fait goûter et aimer surnaturellement. C’est ce don qui montre à Saint Pierre et à Saint Paul le plan divin qu’ils décrivent dans le début de leurs épîtres, comme aux Ephés., par exemple, et dans la première de Saint Pierre.

Ce don est si grand qu’il perfectionne tous les autres et toutes les vertus théologales et morales. Car il constitue comme un amour expérimental des choses divines, tandis que le don d’intelligence ne fait que les éclairer; c’est déjà beaucoup, mais la sagesse les fait goûter ou expérimenter dans le cœur. Celui qui a goûté les joies d’une communion fervente a beaucoup plus de foi en la présence réelle, comme celui qui a goûté le bonheur de contempler les choses divines est facilement capable de pratiquer les vertus morales et théologales.

Puisqu’il en est ainsi, il devrait être l’objet de nos plus ferventes prières. Le livre de la Sagesse, ch. 9, donne une très belle prière de Salomon pour obtenir la sagesse. Elle plût tellement à Dieu qu’il l’exauça au-delà de ses espérances!

Habituons-nous à contempler les vérités dans leur premier principe et les ramener à leur dernier principe qui est Dieu. D’ordinaire sans ce don, les hommes ramènent tout à eux-mêmes, pauvres êtres si insignifiants de se croire le centre de quelque chose dans le plan de Dieu!

Le don de sagesse introduit par l’amour l’âme comme au sein de la Trinité pour juger de là toute la création et tout le plan divin. On prend le même point de vue que Dieu lui-même dans tout ce qui existe et se fait. C’est là la façon de juger de Dieu; il voit tout évidemment de son propre point de vue et toute la création revient à lui selon ce point de vue. Eh bien! Celui qui a ce don voit toutes les origines, tous les moyens et toutes les fins en Dieu seul. Il participe donc à la même activité trinitaire en autant qu’on le peut sur la terre. C’est un bon commencement de la vie éternelle.

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