lundi 24 août 2015

La Salette





L’apparition de la très Sainte Vierge sur la montagne de la Salette
LE 19 SEPTEMBRE 1846.

I.

Le 18 septembre, veille de la sainte Apparition de la Sainte Vierge, j'étais seule comme à mon ordinaire à garder les quatre vaches de mes maîtres. Vers les onze heures du matin, je vis venir auprès de moi un petit garçon. A cette vue, je m'effrayai, parce qu'il me semblait que tout le monde devait savoir que je fuyais toutes sortes de compagnies. Cet enfant s'approcha de moi et me dit : « Petite, je viens avec toi, je suis aussi de Corps.» A ces paroles, mon mauvais naturel se fit bientôt voir, et, faisant quelques pas en arrière, je lui dis : « Je ne veux personne, je veux rester seule ». Puis, je m'éloignais, mais cet enfant me suivait en me disant : « Va, laisse-moi avec toi, mon maître m'a dit de venir garder mes vaches avec les tiennes ; je suis de Corps.»

Moi, je m'éloignai de lui, en lui faisant signe que je ne voulais personne, et, après m'être éloignée, je m'assis sur le gazon. Là, je faisais ma conversation avec les petites fleurs du Bon Dieu.

Un moment après, je regarde derrière moi, et je trouve Maximin assis tout près de moi. Il me dit aussitôt : « Garde-moi, je serai bien sage. » Mais mon mauvais naturel n'entendit pas raison. Je me relève avec précipitation, et je m'enfuis un peu plus loin sans rien lui dire, et je me remis à jouer avec les fleurs du Bon Dieu. Un instant après, Maximin était encore là à me dire qu'il serait bien sage, qu'il ne parlerait pas, qu'il s'ennuierait d'être tout seul, et que son maitre l'envoyait auprès de moi, etc... Cette fois, j'en eus pitié, je lui fis signe de s'asseoir, et moi, je continuai avec les petites fleurs du bon Dieu.

Maximin ne tarda pas à rompre le silence, il se mit à rire (je crois qu'il se moquait de moi) ; je le regarde, et il me dit : « Amusons-nous, faisons un jeu.» Je ne lui répondis rien, car j'étais si ignorante, que je ne comprenais rien au jeu avec une autre personne, ayant toujours été seule. Je m'amusais seule avec les fleurs, et Maximin, s'approchant tout à fait de moi, ne faisait que rire en me disant que les fleurs n'avaient pas d'oreilles pour m'entendre, et que nous devions jouer ensemble. Mais je n'avais aucune inclination pour le jeu qu'il me disait de faire. Cependant je me mis à lui parler, et il me dit que les dix jours qu'il devait passer avec son maître allaient bientôt finir, et qu'ensuite il s'en irait à Corps chez son père, etc...

Tandis qu'il me parlait, la cloche de la Salette se fit entendre, c'était l'Angelus ; je fis signe à Maximin d'élever son âme à Dieu. Il se découvrit la tête et garda un moment le silence. Ensuite, je lui dis : « Veux-tu dîner ? — Oui, me dit-il. Allons. » Nous nous assîmes ; je sortis de mon sac les provisions que m'avaient donné mes maîtres, et, selon mon habitude, avant d'entamer mon petit pain rond, avec la pointe de mon couteau je fis une croix sur mon pain, et au milieu un tout petit trou, en disant « Si le diable y est, qu'il en sorte, et si le bon Dieu y est, qu'il y reste », et, vite, vite, je recouvris le petit trou. Maximin partit d'un grand éclat. de rire, et donna un coup de pied à mon pain, qui s'échappa de mes mains, roula jusqu'au bas de la montagne et se perdit. J'avais un autre morceau de pain, nous le mangeâmes ensemble ; ensuite, nous fîmes un jeu; puis, comprenant que Maximin devait avoir besoin de manger, je lui indiquai un endroit de la montagne couvert de petits fruits. Je l'engageai à aller en manger, ce qu'il fit aussitôt ; il en mangea et en rapporta plein son chapeau. Le soir, nous descendîmes ensemble la Montagne, et nous nous promîmes de revenir garder nos vaches ensemble.

Le lendemain, 19 septembre, je me retrouve en chemin avec Maximin ; nous gravissons ensemble la montagne. Je trouvais que Maximin était très-bon, très-simple, et que volontiers il parlait de ce dont je voulais parler ; il était aussi très-souple, ne tenant pas à son sentiment ; il était seulement un peu curieux, car quand je m'éloignais de lui, dès qu'il me voyait arrêtée, il accourait vite pour voir ce que je faisais, et entendre ce que je disais avec les fleurs du bon Dieu ; et s'il n'arrivait pas à temps, il me demandait ce que j' avais dit. Maximin me dit de lui apprendre un jeu. La matinée était déjà avancée ; je lui dis de ramasser des fleurs pour faire le Paradis. Nous nous mimes tous les deux à l'ouvrage ; nous eûmes bientôt une quantité de fleurs de diverses couleurs. L'Angelus du village se fit entendre, car le ciel était beau, il n'y avait pas de nuages. Après avoir dit au bon Dieu ce que nous savions, je dis à Maximin que nous devions conduire nos vaches sur un petit plateau près du petit ravin, où il y aurait des pierres pour bâtir le Paradis.  Nous conduisîmes nos vaches au lieu désigné, et ensuite nous primes notre petit repas ; puis, nous nous mimes à porter des pierres et à construire notre petite maison, qui consistait en un rez-de-chaussée, qui soi-disant était notre habitation, puis un étage au-dessus qui était, selon nous, le Paradis. Cet étage était tout garni de fleurs da différentes couleurs avec des couronnes suspendues par des tiges de fleurs. Ce Paradis était couvert par une seule et large pierre que nous avions recouverte de fleurs. Le Paradis terminé, nous le regardions ; le sommeil nous vint; nous nous éloignâmes de là à environ deux pas, et nous nous endormîmes sur le gazon.

La Belle Dame s'assied sur notre Paradis, sans le faire crouler.

II.

M'étant réveillée et ne voyant pas nos vaches, j'appelai Maximin et je gravis le petit monticule. De là, ayant vu que nos vaches étaient couchées tranquillement, je redescendais et Maximin montait, quand tout à coup je vis une belle lumière, plus brillante que le soleil, et à peine ai-je pu dire ces paroles : « Maximin, vois-tu, là-bas ? Ah ! mon Dieu! » En mémo temps je laisse tomber le bâton que j'avais en main. Je ne sais ce qui se passait en moi de délicieux dans ce moment, mais je me sentais attirer, je me sentais un grand respect plein d'amour, et mon coeur aurait voulu courir plus vite que moi.

Je regardais bien fortement cette lumière qui était immobile, et comme si elle se fût ouverte, j'aperçus une autre lumière bien plus brillante et qui était en mouvement, et dans cette lumière une très-belle Dame assise sur notre Paradis, ayant là tête dans ses mains. Cette Belle Dame s'est levée, elle a croisé médiocrement ses bras en nous regardant et nous a dit : « Avancez, mes enfants, n'ayez pas peur ; je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. » Ces douces et suaves paroles me firent voler jusqu'à elle, et mon coeur aurait voulu se coller à elle pour toujours. Arrivée bien près de la Belle Dame, devant elle, à sa droite, elle commence le discours, et des larmes commencent aussi à couler de ses beaux yeux.

« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si lourde et, si pesante, que je ne puis plus la retenir.

Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n'en faites pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise pour vous autres.

Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l'accorder. C'est ce qui appesantit tant le bras de mon fils.

Ceux qui conduisent les charrettes ne savent pas parler sans y mettre le nom de mon Fils au milieu. Ce sont les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon Fils.

« Si la récolte se gâte, ce n'est qu'à cause de vous autres. Je vous l'ai fait voir l'année passée par les pommes de terre ; vous n'en avez pas fait cas ; c'est au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, et vous y mettiez le nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter ; à la Noël il n'y en aura plus. »

Ici je cherchais à interpréter la parole : pommes de terre ; je croyais comprendre que cela signifiait : pommes. La belle et bonne Dame, devinant ma pensée, reprit ainsi :

« Vous ne comprenez pas, mes enfants ? Je vais vous le dire autrement. »

 La traduction en français est celle-ci :

« Si la récolte se gâte, ce n'est rien que pour vous autres ; s je vous l'ai fait voir l'année passée par les pommes de terre, et vous n'en avez pas fait cas ; c'était au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez, et vous mettiez le Nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter, et à la Noël il n'y en aura plus.

« Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer. Tout ce que vous sèmerez, les bâtes le mangeront ; et s ce qui viendra tombera tout en poussière quand vous le battrez. Il viendra une grande famine. Avant que la famine vienne, les petits enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront; les autres feront pénitence par la faim. Les noix deviendront mauvaises ; les raisins pourriront. »

Ici, la belle Dame qui me ravissait resta un moment sans se faire entendre ; je voyais cependant qu'elle continuait, comme si elle parlait, de remuer gracieusement ses aimables lèvres. Maximin recevait alors son secret. Puis, s'adressant à moi, la Très-Sainte Vierge me parla et me donna un secret on français. Ce secret, le voici tout entier, et tel qu'elle me l'a donné :

III.

« Mélanie, ce que je vais vous dire maintenant ne sera pas toujours secret ; vous pourrez le publier en 1858.

« Les prêtres, ministres de mon Fils, les prêtres, par leur mauvaise vie, par leurs irrévérences et leur impiété à célébrer les saints mystères, par l'amour de l'argent, l'amour de l'honneur et des plaisirs, les prêtres sont devenus des cloaques d'impureté. Oui, les prêtres demandent vengeance, et la vengeance est suspendue sur leurs têtes. Malheur aux prêtres et aux personnes consacrées à Dieu, lesquelles, par leurs infidélités et leur mauvaise vie, crucifient de nouveau mon Fils ! Les péchés dos personnes consacrées à Dieu crient vers le ciel et appellent la vengeance, et voilà que la vengeance est à leurs portes, car il ne se trouve plus personne pour implorer miséricorde et pardon pour le peuple ; il n'y a plus d'âmes généreuses, il n'y a plus personne digne d'offrir la Victime sans tâche à l'Eternel en faveur du monde.

« Dieu va frapper d'une manière sans exemple.

» Malheur aux habitants de la terre ! Dieu va épuiser sa colère, et personne ne pourra se soustraire à tant de maux réunis.

» Les chefs, les conducteurs du peuple de Dieu ont négligé la prière et la pénitence, et le démon a obscurci leurs intelligences ; ils sont devenus ces étoiles errantes que le vieux diable traînera avec sa queue pour les faire périr. Dieu permettra au vieux serpent de mettre des divisions parmi les régnants, dans toutes les sociétés et dans toutes les familles ; on souffrira des peines physiques et morales ; Dieu abandonnera les hommes à eux-mêmes, et enverra des châtiments qui se succéderont pendant plus de trente-cinq ans.

« La société est à la veille des fléaux les plus terribles et des plus grands événements ; on doit s'attendre à être             gouvernés par une verge de fer et à boire le calice de la colère de Dieu.

» Que le Vicaire de mon Fils, le Souverain Pontife Pie IX, ne sorte plus de Rome après l'année 1859 ; mais qu'il soit ferme et généreux, qu'il combatte avec les armes de la foi et de l'amour ; je serai avec lui. »

« Qu'il se méfie de Napoléon ; son coeur est double, et quand il voudra être à la fois pape et empereur, bientôt »          

Dieu se retirera de lui : il est cet aigle qui, voulant toujours s'élever, tombera sur l'épée dont il voulait se servir pour obliger les peuples à le faire élever.

» L'Italie sera punie de son ambition en voulant secouer le joug du Seigneur des Seigneurs ; aussi elle sera livré à la guerre ; le sang coulera de tous côtés : les Eglises seront fermées ou profanées, les prêtres, les religieux seront chassés ; on les fera mourir, et mourir d'une mort cruelle. Plusieurs abandonneront la foi, et le nombre des prêtres et des religieux qui se sépareront de la vraie religion sera grand ; parmi ces personnes, il se trouvera même des Évêques.

» Que le Pape se tienne en garde contre les faiseurs de miracles ; car le temps est venu que les prodiges les plus étonnants auront lieu sur la terre et dans les airs.

» En l'année 1864, Lucifer avec un grand nombre de démons seront détachés de l'enfer ; ils aboliront la foi peu à peu, et même dans les personnes consacrées à Dieu ; ils les aveugleront d'une telle manière que, à moins d'une grâce particulière, ces personnes prendront l'esprit de ces mauvais anges.

» Plusieurs maisons religieuses perdront entièrement la foi et perdront beaucoup d'âmes.

» Les mauvais livres abonderont sur la terre, et les esprits de ténèbres répandront partout un relâchement universel pour tout ce qui regarde le service de Dieu ; ils auront un très-grand pouvoir sur la nature ; il y aura des églises pour servir ces esprits.

» Des personnes seront transportées d'un lieu à un autre par ces esprits mauvais, et même des prêtres, parce » qu'ils ne se seront pas conduits par le bon esprit de l'Evangile, qui est un esprit d'humilité, de charité et de zèle pour la gloire de Dieu.

» On fera ressusciter des morts et des justes (c'est-à-dire que ces morts prendront la figure des âmes justes qui avaient vécu sur la terre, afin de mieux séduire les hommes : ces soi-disant morts ressuscités, qui ne seront autre chose que le démon sous ces figures, prêcheront un autre Evangile contraire à celui du vrai Christ-Jésus, niant l'existence du Ciel, soit encore les âmes des damnés. Toutes ces âmes paraîtront comme unies à leurs corps. Il y aura en tous lieux des prodiges extraordinaires, parce que la vraie foi s'est éteinte et que la fausse lumière éclaire le monde.

»Malheur aux princes de l'Eglise qui ne seront occupés qu'à entasser richesses sur richesses, qu'à sauvegarder leur autorité et à dominer avec orgueil !

» Le Vicaire de mon Fils aura beaucoup à souffrir, parce que, pour un temps, l'Eglise sera livrée à de grandes persécutions ; ce sera le temps des ténèbres ; l'Eglise aura une crise affreuse.

» La sainte foi de Dieu étant oubliée, chaque individu voudra se guider par lui-même et être supérieur à ses semblables. On abolira les pouvoirs civils et ecclésiastiques ; tout ordre et toute justice seront foulés aux pieds ; on ne verra qu'homicides, haine, jalousie, mensonge et discorde, sans amour pour la patrie ni pour la famille.

» Le Saint-Père souffrira beaucoup. Je serai avec lui s jusqu'à la fin pour recevoir son sacrifice.

» Les méchants attenteront plusieurs fois à sa vie sans pouvoir nuire à ses jours ; mais ni lui ni son successeur.... ne verront le triomphe de l'Eglise de Dieu.

»Les gouvernants civils auront tous un même dessein, qui sera d'abolir et de faire disparaître tout principe religieux, pour faire place au matérialisme, à l'athéisme,      au spiritisme et à toutes sortes de vices.

» Dans l'année 1865, on verra l'abomination dans les lieux saints ; dans les couvents, les fleurs de l'Eglise seront putréfiées, et le démon se rendra comme le roi des coeurs.

» Que ceux qui sont à la tête des communautés religieuses se tiennent en garde pour les personnes qu'ils doivent recevoir, parce que le démon usera de toute sa malice pour introduire dans les ordres religieux des personnes adonnées au péché, car les désordres et l'amour des plaisirs charnels seront répandus par toute la terre.

» La France, l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre seront en guerre ; le sang coulera dans les rues ; le Français se battra avec le Français, l'Italien avec l'Italien; ensuite il y aura une guerre générale qui sera épouvantable. Pour un temps, Dieu ne se souviendra plus de la France ni de l'Italie, parce que l'Evangile de Jésus-Christ n'est plus connu. Les méchants déploieront toute leur malice ; on se tuera, on se massacrera mutuellement jusque dans les maisons.

» Au premier coup de son épée foudroyante, les montagnes et la nature entière trembleront d'épouvante, par ce que les désordres et les crimes des hommes percent » la voûte des cieux. Paris sera brûlé et Marseille englouti : plusieurs grandes villes seront ébranlées et engloutis par des tremblements de terre : on croira que tout est perdu on ne verra qu'homicides, on n'entendra que bruits d'armes et que blasphèmes. Les justes souffriront beaucoup ; leurs prières, leur pénitence et leurs larmes monteront jusqu'au ciel, et tout le peuple de Dieu demandera pardon et miséricorde, et demandera mon aide et mon intercession. Alors Jésus-Christ, par un acte de sa justice et de sa grande miséricorde pour les justes, commandera à ses anges que tous ses ennemis soient mis à mort. Tout à coup les persécuteurs de l'Eglise de Jésus-Christ et tous les hommes adonnés au péché périront, et la terre deviendra comme un désert. Alors se fera la paix, la réconciliation de Dieu avec les hommes ; Jésus-Christ sera servi, adoré et glorifié; la charité fleurira partout. Les nouveaux rois seront le bras droit de la sainte Eglise; qui sera forte, humble, pieuse, pauvre, zélée et imitatrice des vertus de Jésus-Christ. L’Evangile sera prêché partout, et les hommes feront de grands progrès dans la foi, parce qu'il y aura unité parmi les ouvriers de Jésus-Christ, et que les hommes vivront dans la crainte de Dieu.

» Cette paix parmi les hommes ne sera pas longue : vingt-cinq ans d'abondantes récoltes leur feront oublier que les péchés des hommes sont cause de toutes les peines qui arrivent sur la terre.

» Un avant-coureur de l'antechrist, avec ses troupes de » plusieurs nations, combattra contre le vrai. Christ, le seul Sauveur du monde ; il répandra beaucoup de sang, et voudra anéantir le culte de Dieu pour se faire regarder comme un Dieu.

» La terre sera frappée de toutes sortes de plaies (outre la peste et la famine qui seront générales); il y aura des guerres jusqu'à la dernière guerre, qui sera alors faite » par les dix rois de l'antechrist, lesquels rois auront tous un même dessein et seront les seuls qui gouverneront le monde. Avant que ceci arrive, il y aura une espèce de » fausse paix dans le monde ; on ne pensera qu'à se divertir, les méchants se livreront à toutes sortes de péchés, mais les enfants de la sainte Eglise, les enfants de la foi, mes vrais imitateurs, croîtront dans l'amour de Dieu et dans les vertus qui me sont les plus chères. Heureuses les âmes humbles conduites par l'Esprit-Saint ! Je » combattrai avec elles jusqu'à ce qu'elles arrivent à la plénitude de l'âge.

» La nature demande vengeance pour les hommes, et elle frémit d'épouvante dans l'attente de ce qui doit arriver à la terre souillée de crimes.

» Tremblez, terre, et vous, qui faites profession de servir Jésus-Christ; et qui, au dedans, vous adorez vous mêmes, tremblez ! car Dieu va vous livrer à son ennemi, parce que les lieux saints sont dans la corruption ; beau » coup de couvents ne sont plus les maisons de Dieu, mais les pâturages d'Asmodée et des siens.

» Ce sera pendant ce temps que naîtra l'antechrist, d'une religieuse hébraïque, une fausse Vierge qui aura communication avec le vieux serpent, le maître de l'impureté ; son père sera Ev.; en naissant, il vomira des blasphèmes, il aura des dents ; en un mot, ce sera le diable incarné ; il poussera des cris effrayants, il fera des prodiges, il ne se nourrira que d'impuretés. Il aura des frères qui, quoiqu'ils ne soient pas comme lui des démons  incarnés, seront des enfants de mal ; à douze ans, et ils se feront remarquer par les vaillantes victoires qu'ils remporteront ; bientôt ils seront chacun à la tête des armées, assistés par des légions de l'enfer.

» Les saisons seront changées, la terre ne produira que de mauvais fruits, les astres perdront leurs mouvements réguliers, la lune ne reflétera qu'une lumière rougeâtre ; l'eau et le feu donneront au globe de la terre des mouvements convulsifs et d'horribles tremblements de terre qui feront engloutir des montagnes, des villes, etc.

» Rome perdra la foi et deviendra le siège de l'antechrist.

» Les démons de l'air avec l'antechrist feront de grands prodiges sur la terre et dans les airs, et les hommes se pervertiront de plus en plus. Dieu aura soin de ses fidèles serviteurs et des hommes de bonne volonté ; l'Evangile sera prêché partout, tous les peuples et toutes les nations auront connaissance de la vérité !

» J'adresse un pressant appel à la terre : j'appelle les vrais disciples du Dieu vivant et régnant dans les cieux ; j'appelle les vrais imitateurs du Christ fait homme, le seul et vrai Sauveur des hommes; j'appelle mes enfants, mes vrais dévots, ceux qui se sont donnés à moi pour que je les conduise à mon divin Fils, ceux que je porte pour ainsi dire dans mes bras, ceux qui ont vécu de mon esprit ; enfin j'appelle les apôtres des derniers temps, les fidèles disciples do Jésus-Christ qui ont vécu dans un mépris du monde et d'eux-mêmes, dans la pauvreté et dans l'humilité, dans le mépris et dans le silence, dans l'oraison et dans la mortification, dans la chasteté et dans l'union avec Dieu, dans la, souffrance et inconnus du monde. Il est temps qu'ils sortent et viennent éclairer la terre. Allez, et montrez-vous comme mes enfants chéris ; je suis avec vous et en vous, pourvu que votre foi soit la lumière qui vous éclaire dans ces jours de malheurs. Que votre zèle vous rende comme des affamés pour la gloire et l'honneur de Jésus-Christ. Combattez, enfants de lumière, vous, petit nombre qui y voyez ; car voici le temps des temps, la fin des fins.

» L'Eglise sera éclipsée, le monde sera dans la consternation. Mais voilà Enoch et Elle remplis de l'Esprit de Dieu ; ils prêcheront avec la force de Dieu, et les hommes de bonne volonté croiront en Dieu, et beaucoup d'âmes seront consolées ; ils feront de grands progrès par la vertu du Saint-Esprit et condamneront les erreurs diaboliques de l'antechrist.

» Malheur aux habitants de la terre ! il y aura des guerres sanglantes et des famines, des pestes et dos maladies contagieuses ; il y aura des pluies d'une grêle effroyable d'animaux, des tonnerres qui ébranleront des villes, des tremblements de terre qui engloutiront des pays ; on entendra des voix dans les airs, les hommes se battront la tête contre les murailles, ils appelleront la mort, et d'un autre côté la mort fera leur supplice ; le sang coulera de tous côtés. Qui pourra vaincre, si Dieu ne diminue le temps de l'épreuve ? Par le sang, les larmes et les prières des justes, Dieu se laissera fléchir. Enoch et Elie seront mis à mort, Rome païenne disparaîtra ; le feu du ciel tombera et consumera trois villes ; tout l'univers sera frappé de terreur, et beaucoup se laisseront séduire, parce qu'ils n'ont' pas adoré le Christ vivant parmi eux. Il est temps ; le soleil s'obscurcit ; la foi seule vivra.

» Voici le temps ; l'abîme s'ouvre. Voici le roi des rois des ténèbres. Voici la bête avec ses sujets, se disant le sauveur du monde. Il s'élèvera avec orgueil dans les airs pour aller jusqu'au ciel ; il sera étouffé par le souffle de saint Michel archange. Il tombera, et la terre qui depuis trois jours sera en de continuelles évolutions, ouvrira son sein plein de feu ; il sera plongé pour jamais avec tous les siens dans les gouffres éternels de l'enfer. Alors l'eau et le leu purifieront la terre et consumeront toutes les œuvres de l'orgueil des hommes, et tout sera renouvelé : Dieu sera servi et glorifié ».

IV.

Ensuite la Sainte Vierge me donna, aussi en français, la règle d'un nouvel ordre religieux.

Après m'avoir donné la règle de ce nouvel ordre religieux, la Sainte Vierge reprit ainsi la suite du discours :

» S'ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en blé, et les pommes de terre se trouveront ensemencées par les terres.

» Faites-vous bien votre prière, mes enfants? »

Nous répondîmes tous les deux :

« Oh ! non, Madame, pas beaucoup.

» Ah! mes enfants, il faut bien la faire, soir et matin. Quand vous ne pourrez pas mieux faire, dites un Pater et un Ave Maria ; et quand vous aurez le temps et que vous pourrez mieux faire, vous en direz davantage.

» Il ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe; les autres travaillent tout l'été le dimanche, et l'hiver, quand ils ne savent que faire, ils ne vont à la messe que pour se moquer de la religion. Le carême, ils vont à la boucherie comme les chiens.

« N'avez-vous pas vu du blé gâté, mes enfants ? »

Tous les deux nous avons répondu : «Oh ! non, Madame».

La Sainte Vierge s'adressant à Maximin : «Mais toi, mon enfant, tu dois bien en avoir vu une fois vers le Coin, avec ton père. L'homme de la pièce dit à ton père : Venez voir » comme mon blé se gâte. Vous y allâtes. Ton père prit  deux ou trois épis dans sa main, il les frotta, et ils tombèrent en poussière. Puis, en vous en retournant, quand vous n'étiez plus qu'à une demi-heure de Corps, ton père te donna un morceau de pain en te disant : Tiens, mon enfant, mange cette année, car je ne sais pas qui mangera l'année prochaine, si le blé se gâte comme cela. »

Maximin répondit. « C'est bien vrai, madame, je ne me le rappelais pas. »

La très-sainte Vierge a terminé son discours en français :

« Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple ».

La très-belle Dame traversa le ruisseau, et à deux pas du ruisseau, sans se retourner vers nous qui la suivions (parce qu'elle attirait à elle par son éclat et plus encore par sa bonté qui m'enivrait, qui semblait me faire fondre le cœur), elle nous a dit encore :

« Eh bien, mes enfants, vous le ferez passer à tout mon peuple ».

Puis elle a continué de marcher jusqu'à l'endroit où j'étais montée pour regarder où étaient nos vaches. Ses pieds ne touchaient que le bout de l'herbe sans la faire plier. Arrivée sur la petite hauteur, la belle Dame s'arrêta, et vite je me plaçai devant elle pour bien, bien la regarder, et tâcher de savoir quel chemin elle inclinait le plus à prendre ; car c'était fait de moi, j'avais oublié mes vaches et les maîtres chez lesquels j'étais en service ; je m'étais attachée pour toujours et sans condition à Ma Dame; oui, je voulais ne plus jamais, jamais la quitter, je la suivais sans arrière-pensée et dans la disposition de la servir tant que je vivrai. Avec Ma Dame je croyais avoir oublié le paradis, je n'avais plus que la pensée de bien la servir en tout, et je croyais que j'aurais pu faire tout ce qu'Elle m'aurait dit de faire, car il me semblait qu'Elle avait beaucoup de pouvoir. Elle me regardait avec une tendre bonté qui m'attirait à elle, j'aurais voulu avec les yeux fermés m'élancer dans ses bras, elle ne m'a pas donné le temps de le faire. Elle s'est élevée insensiblement de terre à une hauteur d'environ un mètre et plus ; et restant ainsi suspendue en l'air un tout petit instant, Ma belle Dame regarda le ciel puis la terre à sa droite et à sa gauche, puis Elle me regarda avec des yeux si doux, si aimables, et si bons, que je croyais qu'Elle m'attirait dans son intérieur, et il me semblait que mon coeur s'ouvrait au sien. Et tandis que mon coeur se fondait en une douce dilatation, la belle figure de Ma bonne Dame disparaissait peu à peu ; il me semblait que la lumière en mouvement se multipliait ou bien se condensait autour de la très-sainte Vierge pour m'empêcher de la voir plus longtemps. Ainsi la lumière prenait la place des parties du corps qui disparaissaient à mes yeux ; ou bien il semblait Que le corps de Ma Dame se changeait en se fondant. Ainsi la lumière en forme de globe s'élevait doucement en direction droite,

Je ne puis pas dire si le volume de lumière diminuait à mesure qu'elle s'élevait, ou bien si c'était l'éloignement qui faisait que je voyais diminuer la lumière à mesure qu'elle s'élevait, ; ce que je sais, c'est que je suis restée la tête levée et les yeux fixés sur la lumière, même après que cette lumière, qui allait toujours s'éloignant et diminuant de volume, eut fini par disparaître.

Mes yeux se détachent du firmament, je regarde autour de moi, je vois Maximin qui me regardait, je lui dis : c Méfia, cela doit être le bon Dieu de mon père, ou la Sainte Vierge ou quelque grande sainte. » Et Maximin lançant la main en l'air, dit : « Ah ! si je l'avais su ! »

V

Le soir du 19 Septembre, nous nous retirâmes un peu plus tôt qu'à l'ordinaire. Arrivée chez mes maîtres, je m'occupais à attacher mes vaches et à mettre tout en ordre dans l'écurie. Je n'avais pas terminé, que ma maîtresse vint à moi en pleurant et me dit : « Pourquoi, mon enfant, ne venez-vous pas me dire ce qui vous est arrivé sur la montagne? » (Maximin n'ayant pas trouvé ses maîtres qui ne s'étaient pas encore retirés de leurs travaux, était venu chez les miens, et avait raconté tout ce qu'il avait vu et entendu.) Je lui répondis : « Je voulais bien vous le dire, mais je voulais finir mon ouvrage auparavant, » Un moment après, je me rendis dans la maison, et ma maîtresse me dit : « Racontez ce que vous avez vu ; le berger de Bruité (c'était le surnom de Pierre Selme, maitre de Maximin) m'a tout raconté. » Je commence, et vers la moitié du récit mes maîtres arrivèrent de leurs champs ; ma maîtresse qui pleurait en entendant les plaintes et les menaces de notre tendre Mère, dit : « Ah ! vous vouliez aller ramasser le blé demain ; gardez-vous en bien, venez entendre ce qui est arrivé aujourd’hui à cette enfant et au berger de Selme. » Et se tournant vers moi, elle dit : « Recommencez tout ce que vous m'avez dit. » Je recommence ; et lorsque j'eus terminé, mon Maître dit : « C'est la sainte Vierge, ou bien une grande Sainte, qui est venue de la part du bon Dieu ; mais c'est, comme si le bon Dieu était venu lui-même : il faut faire tout ce que cette Sainte a dit. Comment allez-vous faire pour dire cela à tout son peuple ! » Je lui répondis : » Vous me direz comment je dois faire et je le ferai. » Ensuite il ajouta en regardant sa Mère, sa femme et son frère : « Il faut y penser. » Puis chacun se retira à ses affaires

C'était après le souper Maximin et ses Maîtres vinrent chez les miens pour raconter ce que Maximin leur avait dit, et pour savoir ce qu'il y aurait à faire : « Car, dirent-ils, il 'nous semble que c'est la sainte Vierge qui a été envoyée par le bon Dieu; les paroles qu'Elle a dites, le font croire. Et Elle leur a dit de le faire passer à tout son peuple ; il faudra peut-être que ces enfants parcourent le monde entier pour faire connaître qu'il faut que tout le monde observe les commandements du bon Dieu, sinon de grands malheurs vont arriver sur nous. » Après un moment de silence, mon Maitre dit en s'adressant à Maximin et à moi ; « Savez-vous ce que vous devez faire, mes enfants ? Demain, levez-vous de bon matin, allez tous les deux à Monsieur le Curé, et ra-contez-lut tout ce que vous avez vu et entendu, dites-lui bien comment la chose s'est passée; il vous dira ce que vous avez à faire. »

Le 20 Septembre, lendemain de l'apparition, je partis de bonne heure avec Maximin. Arrivé à la Cure, je frappe à la porte. La domestique de Monsieur le Curé vint ouvrir, et demanda ce que nous voulions. Je lui dis (en français moi qui ne l'avais jamais parlé) ; « Nous voudrions parler à Monsieur le Curé.  — « Et que voulez-vous lui dire ? » Nous voulons lui dire,. Mademoiselle, qu'hier nous sommes allés garder nos vaches sur la montagne des Baisses, et après avoir dîné etc. etc. » Nous lui racontâmes une bonne partie du discours de la très-sainte Vierge. Alors la cloche de l'Eglise sonna ; c'était le dernier coup de la Messe. Monsieur l'abbé Perrin, curé de la Saiette, qui nous avait entendus, ouvrit sa porte avec fracas : il pleurait ; il se frappait la poitrine ; il nous dit : c Mes enfants nous sommes tous perdus, le bon Dieu va nous punir. Ah ! mon Dieu, c'est la sainte Vierge qui vous est apparue ! » Et il partit pour dire la sainte Messe. Nous nous regardâmes avec Maximin et la domestique ; puis. Maximin me dit : Moi, je m'en vais chez mon père à Corps. , Et nous nous séparâmes.

N'ayant pas reçu d'ordre de mes Maîtres de me retirer aussitôt après avoir parlé à Monsieur le Curé, je crus ne pas faire mal en assistant à la Messe. Je fus donc à l'église. La Messe commence, et, après le premier Evangile, Monsieur le Curé se tourne vers le peuple, et essaie de raconter à ses paroissiens l'apparition qui venait d'avoir la veille sur une de leurs montagnes, et les exhorte à ne plus travailler le Dimanche : sa voix était entrecoupée par des sanglots, et tout le peuple était ému. Après la sainte Messe, je me retirai chez mes Maîtres. Monsieur Peytard, qui est encore aujourd'hui Maire de la Saiette, y vint m'interroger sur le fait de l'apparition ; et après s'être assuré de la vérité de ce que je lui disais, il se retira convaincu.

Je continuai de rester au service de mes Maîtres jusqu'à la fête de la Toussaint. Ensuite je fus mise comme pensionnaire chez les religieuses de la Providence dans mon pays, à Corps.

VI.

La Très-sainte Vierge était très-grande et bien proportionnée ; elle paraissait être si légère qu'avec un souffle on l'aurait fait remuer, cependant elle était immobile et bien posée. Sa physionomie était majestueuse, imposante, mais non imposante comme le sont les Seigneurs d'ici-bas. Elle imposait une crainte respectueuse. En même temps que Sa Majesté imposait du respect mêlé d'amour, elle attirait à elle. Son regard était doux et pénétrant ; ses yeux semblaient parler avec les miens, mais la conversation venait d'un profond et vif sentiment d'amour envers cette beauté ravissante qui me liquéfiait. La douceur de son regard, son air de bonté incompréhensible faisait comprendre et sentir .qu'elle attirait à elle et voulait se donner ; c'était une expression d'amour qui ne peut pas s'exprimer avec la langue de chair ni avec les lettres de l'alphabet.

Le vêtement de la très-Sainte Vierge était blanc argenté et tout brillant ; il n'avait rien de matériel : il était composé de lumière et de gloire, variant et scintillant. Sur la terre il n'y a pas d'expression ni de comparaison à donner.

La sainte Vierge était toute belle et toute formée d'amour; en la regardant. je languissais de me fondre en elle. Dans ses atours, comme dans sa personne, tout respirait la majesté, la splendeur, la magnificence d'une Reine incomparable. Elle paraissait belle, blanche, immaculée, cristallisée, éblouissante, céleste, fraiche, neuve comme une Vierge ; il semblait que la parole, Amour, s'échappait de ses lèvres argentées et toute pures. Elle me paraissait comme une bonne Mère, pleine de bonté, d'amabilité, d'amour pour nous, de compassion, de miséricorde.

La couronne de roses qu'elle avait sur la tête, était si belle, si brillante, qu'on ne peut pas s'en faire une idée ; les roses de diverses couleurs, n'étaient pas de la terre ; c'était une réunion de fleurs qui entouraient la tête de la très-Sainte Vierge en forme de couronne ; mais les roses se changeaient, ou se remplaçaient ; puis du coeur de chaque rose il sortait une si belle lumière qu'elle ravissait, et rendait les roses d'une beauté éclatante. De la couronne de roses s'élevaient comme des branches d'or et une quantité d'autres petites fleurs mêlées avec des brillants.

Le tout formait un très-beau diadème, qui brillait tout seul plus que notre soleil de la terre.

La sainte Vierge avait une très-jolie Croix suspendue à son cou. Cette croix paraissait être dorée, je dis dorée pour ne pas dire une plaque d'or ; car j'ai vu quelquefois des objets dorés avec diverses nuances d'or, ce qui faisait à mes yeux un bien plus bel effet qu'une simple plaque d'or. Sur cette belle Croix toute brillante de lumière, était un Christ. C'était Notre Seigneur, les bras étendus sur la Croix. Presque aux deux extrémités de la Croix, d'un côté il y avait un marteau, de l'autre une tenaille. Le Christ était couleur de chair naturelle; mais il brillait d'un .grand éclat, et la lumière qui sortait de tout son corps, paraissait comme des dards très-brillants qui me tendaient le cœur du désir de me fondre en lui. Quelquefois le Christ paraissait être mort : il avait la tête penchée, et Je corps était comme affaissé, comme pour tomber, s'il n'avait pas été retenu par les clous qui le retenaient à la croix.

J'en avais une vive Compassion, et j'aurais voulu redire au monde entier son amour inconnu, et infiltrer dans les âmes des mortels l'amour le plus senti et la reconnaissance la plus vive envers un Dieu qui n'avait nullement besoin de nous être ce qu'il est, ce qu'il était ce qu'il sera toujours ; et pourtant, ô amour incompréhensible à l'homme ! il s'est fait-homme, et il a voulu mourir, oui mourir, pour mieux écrire dans nos âmes et dans notre mémoire l'amour Fou qu'il a pour nous ! Oh ! que je suis malheureuse de me trouver si pauvre en expression pour redire l'amour, oui, l'amour de notre bon Sauveur pour nous ! mais d'un autre côté, que nous sommes heureux de pouvoir sentir mieux ce que nous ne pouvons exprimer !

D'autres fois le Christ semblait vivant ; il avait la tête droite, les yeux ouverts, et paraissait être sur la Croix par sa propre volonté. Quelquefois aussi il paraissait parler, il semblait vouloir montrer qu'il était en Croix pour nous, par amour pour nous, pour nous attirer à son amour; qu'il a toujours un amour nouveau pour nous, que son amour du commencement et de l'année 33 est toujours celui ‘d'aujourd'hui et qu'il sera toujours.

La Sainte Vierge pleurait presque tout le temps qu'Elle me parla. Ses larmes coulaient une à une lentement jusque vers ses genoux, puis comme des étincelles de lumière, elles disparaissaient. Elles étaient brillantes et pleines d'amour.

J'aurais voulu la consoler, et qu'Elle ne pleurât plus. Mais il me semblait qu'elle avait besoin de montrer ses larmes pour mieux montrer son amour oublié par les hommes. J'aurais voulu me jeter dans ses bras et lui dire ; « Ma bonne Mère, ne pleurez pas ! je veux vous aimer pour tous les hommes de la terre. » Mais il me semblait qu'elle me disait : « Il y en a tant qui ne me connaissent pas ! »

J'étais entre la mort et la vie en voyant d'un côté tant d'amour, tant de désir d'être aimé, st d'un autre côté tant de froideur, tant d'indifférence... Oh ! ma Mère, Mère toute belle et tout aimable, mon amour, coeur de mon coeur !...

Les larmes de notre tendre Mère, loin d'amoindrir son air de Majesté, de Reine et de Maîtresse, semblaient au contraire l'embellir, la rendre plus aimable, plus belle, plus puissante, plus remplie d'amour, plus maternelle, plus ravissante ; et j'aurais mangé ses larmes qui faisaient sauter mon coeur de compassion et d'amour. Voir pleurer une Mère, et une telle Mère, sans prendre tous les moyens imaginables pour la consoler, pour changer ses douleurs en joies, cela se comprend-il ! 0 Mère plus que bonne ! Vous avez été formée de toutes les prérogatives dont Dieu est capable, vous avez comme épuisé la puissance de Dieu, vous êtes bonne et puis bonne de la bonté de Dieu même ; Dieu s'est agrandi en vous formant son chef-d’œuvre terrestre et céleste.

La très-Sainte Vierge avait un tablier jaune. Que dis-je, jaune ? Elle avait un tablier plus brillant que plusieurs soleils ensemble. Ce n'était pas une étoffe matérielle, c'était un composé de gloire scintillante et d'une beauté ravissante. Tout en la très-Sainte Vierge me portait fortement, et me faisait comme glisser à adorer et à aimer mon Jésus dans tous les états de sa vie mortelle.

La très-Sainte Vierge avait deux chaines, l'une un peu plus large que l'autre. A la plus étroite était suspendue la Croix dont j'ai fait mention plus haut. Ces chaînes (puisqu’il faut donner le nom de chaines) étaient comme des rayons de gloire d'un grand éclat variant et scintillant.

Les souliers (puisque souliers il faut dire) étaient blancs mais d'un blanc argenté brillant ; il y avait des roses autour. Ces roses étaient d'une beauté éblouissante, et du coeur de chaque rose sortait une flamme de lumière très-belle et très-agréable à voir. Sur les souliers il y avait une boucle en or, non en or de la terre, mais bien de l'or du paradis.

La vue de la très-Sainte Vierge était elle-même un Paradis accompli ; Elle avait en Elle tout ce qui pouvait satisfaire, car la terre était oubliée.

La Sainte Vierge était entourée de deux lumières. La première lumière, plus près de la très-Sainte Vierge, arrivait jusqu'à nous ; elle brillait d'un éclat très-beau et scintillant. La seconde lumière s'étendait un peu plus autour de la Belle Dame, et nous nous trouvions dans celle-là ; elle était immobile (c'est-à-dire qu'elle ne scintillait pas), mais bien plus brillante que notre pauvre soleil de la terre. Toutes ces lumières ne faisaient pas mal aux yeux, et ne fatiguaient nullement la vue.

Outre toutes ces lumières, toute cette splendeur, il sortait encore des groupes ou faisceaux de lumières ou des rayons de lumière, du Corps de la Sainte Vierge, de ses habits et de partout.

La voix de la Belle Dame était douce ; elle enchantait, ravissait, faisait du bien au coeur ; elle rassasiait, aplanissait tous les obstacles, calmait, adoucissait. Il me semblait que j'aurais toujours voulu manger de sa belle voix, et mon coeur semblait danser ou vouloir aller à sa rencontre pour se liquéfier en elle.

Les yeux de la très-Sainte Vierge, notre tendre Mère, ne peuvent pas se décrire par une langue humaine. Pour en parler, il faudrait un séraphin ; il faudrait plus, il faudrait lé langage de Dieu même, de ce Dieu qui a formé la Vierge immaculée, chef-d’œuvre de sa toute-puissance.

Les yeux de l'auguste Marie paraissaient mille et mille fois plus beaux que les brillants, les diamants et les pierres précieuses les plus recherchées ; ils brillaient comme deux soleils; ils étaient doux comme la douceur même, claire comme un miroir. Dans ses yeux on voyait le paradis ; ils attiraient à Elle ; il semblait qu'Elle voulait se donner et attirer. Plus je la regardais, plus je la voulais voir ; plus je la voyais. plus je l'aimais et je l'aimais de toutes mes forces.

Les yeux de la belle Immaculée étaient comme la porte de Dieu, d'où l'on voyait tout ce qui peut enivrer l'âme. Quand .mes yeux se rencontraient avec ceux de la Mère de Dieu et la mienne, j'éprouvais au dedans de moi-même une heureuse révolution d'amour et de protestation de l'aimer et de me fondre d'amour.

En nous regardant, nos yeux parlaient à leur mode, et je l'aimais tant que j'aurais voulu l'embrasser dans le milieu de ses yeux qui attendrissaient son âme, et semblaient l'attirer et la faire fondre avec la sienne. Ses yeux me plantèrent un doux tremblement dans tout mon être, et je craignais de faire le moindre mouvement qui pût être désagréable tant soit peu.

Cette seule vue, des yeux de la plus pure des vierges, aurait suffi pour être le Ciel d'un bienheureux, aurait suffi pour l'aire entrer une âme dans la plénitude des volontés du Très-Haut, parmi tous les évènements qui arrivent dans le cours de la vie mortelle ; aurait suffi pour faire faire à cette âme de-continuels actes de louanges, de remerciement, de réparation et d'expiation. Cette seule vue concentre l'âme en Dieu et la rend comme une morte-vivante, ne regardant toutes les choses de la terre, même les choses qui paraissent les plus sérieuses, que comme des amusements d'enfants ; elle ne voudrait entendre parler que de Dieu et de ce qui touche à sa Gloire.

Le péché est le seul mal qu'Elle voit sur la terre, Elle en mourrait de douleur si Dieu ne la soutenait. Amen.

Castellamare, le 21 novembre 1878.
MARIE DE LA CROIX, Victime de Jésus, née MÉLANIE CALVAT, bergère de la Salette.

Nihil obstat : imprimatur.
Datum Lycii ex Curia Epli die 15 nov. 1879.

Vicarius Generalis

CARMELUS Archus COSMA.

dimanche 23 août 2015

La modestie de la tenue chez la femme chrétienne - R.P. F-A. Vuillermet O.P.



En France et dans tous les pays civilisés on comprend la nécessité de réagir contre les mo­des actuelles. Cette réaction, d'abord timide, prend aujourd'hui l'allure d'une véritable croi­sade. Des journaux et des revues publient des articles, des spécialistes écrivent des livres pour protester contre les modes meurtrières, extra­vagantes, exagérées, indécentes. Des ligues se fondent qui groupent toutes les bonnes volontés, toutes les énergies actives, et leur but est d'op­poser à l'immodestie, qui corrompt les mœurs, la modestie.

LES HYGIÉNISTES AFFIRMENT QUE LES MODES AC­TUELLES ASSASSINENT LENTEMENT LA FEMME, favo­risent sa faiblesse, nuisent à sa beauté réelle, aussi bien qu'à sa santé ; qu'elles sont une des causes de la déformation du corps, de l'épuise­ment de notre race et d'un grand nombre de ma­ladies inconnues de nos aïeules.

LES SOCIOLOGUES PENSENT QUE LES MODES AC­TUELLES CONTRIBUENT GRANDEMENT AU DEVELOP­PEMENT DE L'ÉPOUVANTABLE FLÉAU DE LA DÉPOPULATION qui conduit insensiblement certains pays à la décadence et à la mort. Jadis, les moindres pièces du costume féminin glorifiaient la voca­tion de la femme. Tout contribuait à diriger la jeune fille vers le foyer, la mère vers le berceau. Pour des femmes ainsi vêtues, la maternité n'é­tait pas un fardeau inélégant, mais un incident normal, fréquent et bienvenu. Aujourd'hui, le costume féminin, de plus en plus rétréci, n'est pas compatible avec les exigences de la mater­nité. De plus, certains sports très à la mode ne sont-ils pas une des causes de la mortalité in­fantile, toujours si considérable, malgré les pro­grès de l'hygiène ? Ils protestent également con­tre cette opinion très répandue, que la mode, le luxe font marcher le commerce et donnent de l'ouvrage à une multitude de travailleurs et d'ouvrières. Ce sont de purs trompe-l'œil, car la fabrication et les négoces que provoque ainsi le mouvement de la mode remplacent des travaux beaucoup plus utiles qui auraient rapporté da­vantage à la société. C'est ainsi que l'argent em­ployé dans la fabrication de tels ou tels colifi­chets aurait pu, beaucoup plus utilement servir à des améliorations agricoles et industrielles, à des colonisations ou à des œuvres sociales et religieuses. Le luxe, envisagé au point de vue économique, est une stérilisation de premier or­dre, « un destructeur de valeurs ».

LES ARTISTES CONSTATENT AVEC TRISTESSE QUE LE TACT, LA FINESSE, LE GOUT, LE BON SENS N'ONT PLUS AUCUNE PART DANS LA CRÉATION DES TOILET­TES. Aujourd'hui, à force de vouloir faire du nouveau et de l'inédit, on est tombé dans l'ex­traordinaire et le bizarre, dans le grotesque et le ridicule. L'impudente inélégance de la ligne est aggravée par la trivialité de la couleur. La nuance-poésie n'existe plus : il faut la réalité acidulée, la plus brutale.

LES MORALISTES PROTESTENT ÉNERGIQUEMENT, S'INDIGNENT CONTRE LES MODES ACTUELLES QUI BLESSENT LES CONVENANCES LES PLUS ÉLÉMENTAI­RES. On dirait que le record de l'élégance est de n'employer que le moins d'étoffe possible pour s'habiller. Vêtements étroits et collants, décolle­tage impudent, jambes découvertes, tout indi­que un véritable abaissement du sens moral.

Le grand malheur n'est pas que certaines per­sonnes de mœurs légères se livrent à ces excen­tricités, qui obligent ceux qui ne veulent point rougir, non plus seulement à baisser les yeux mais à les fermer ; mais c'est que des femmes et des jeunes filles honnêtes, à la ville comme à la campagne, n'hésitent pas à imiter celles que, dans le fond de leur cœur, elles méprisent et que, peut-être un jour, elles maudiront ; et, en les imitant, elles accréditent dans le pays entier des modes dont hier encore on aurait rougi.

L'Eglise pouvait-elle se taire ?

Longtemps, elle a espéré que le mal que nous dénonçons resterait confiné dans certains milieux irrémédiablement perdus à l'avance, où les âmes adaptent leur tenue extérieure à la corruption de leur cœur et au dérèglement de leur vie, et que non seulement ce dévergondage ne franchi­rait jamais le seuil des foyers chrétiens mais que les femmes chrétiennes réagiraient. C'est pourquoi elle gardait le silence.

Aujourd'hui, toute sage espérance est perdue. La révolte de la pudeur et du noble orgueil ca­tholique ne s'annonce guère.

Les deux cités se mêlent dans la confusion du monde : et, grâce à cette promiscuité, les mœurs païennes, hier à peine tolérées dans les salons mondains, que l'on trouvait étranges dans les hôtels et sur les plages à la mode, envahissent les rues et les places publiques, menacent les foyers jusque-là fidèles, et, faisant preuve d'une audace inouïe, viennent battre les portes de nos églises et parfois pénètrent dans le sanctuaire.

Des personnes soi-disant pieuses ne portent­-elles pas à la sainte Table les audaces de la mode ? Elles s'approchent du Dieu de l'Eucha­ristie recueillies comme des nonnes, les yeux modestement baissés, les mains jointes, mais vêtues comme des mondaines, les bras nus, la robe largement échancrée, les jambes découver­tes. ELLES SCANDALISENT LES IRRÉLIGIEUX AUTANT QU'ELLES ÉCŒURENT LES FEMMES CHRÉTIENNES QUI GARDENT LE RESPECT D’ELLES-MÊMES ET D'AUTRUI. Le lieu du culte et de la prière est parfois trans­formé en salle d'exposition de toilette et on y vient pour s'y donner en spectacle. On oublie qu'on ne va pas à la messe, qui est l'immolation d'un Dieu pour nos péchés, comme on va à une soirée ou à une fête profane. Je ne sais rien de plus attristant pour une âme profondément chrétienne que le spectacle d'une partie de l'as­sistance à certains mariages et à certaines messes tardives du dimanche. Que de fois j'ai souhaité qu'on eût le courage d'imiter le divin Maître chassant les vendeurs du Temple, et qu'armé d'un fouet aux fines lanières, on dispersât hon­teusement, sous les huées du peuple fidèle, ceux qui ne viennent dans la maison de Dieu que pour s'y exhiber !

L'Eglise, par la voix de ses ministres, devait vous rappeler que, l'église étant la maison de Dieu, les dames et les jeunes filles ne doivent y venir, pour quelque cérémonie que ce soit, qu'en toilette très convenable. Dans ce lieu, où les âmes troublées viennent chercher la paix, le calme, où elles viennent respirer la pureté, ils vous supplient de ne pas y apporter le scandale vivant de vos toilettes païennes. Les sacrements étant choses saintes entre toutes, ils exigent de ceux qui s'en approchent un respect plus pro­fond encore.

L'Eglise devait rappeler à celles qui l'oublient, le danger que font courir aux âmes certaines toilettes. Les yeux sont les portes de l'âme, et, par eux, toutes les passions entrent en nous. Le sens de la vue, dit saint Grégoire de Nazianze, va plus loin que celui du toucher et son organe est le plus expéditif et le plus insatiable de tous. Les yeux sont des séducteurs toujours prêts à nous entraîner dans le crime. Il n'a fallu qu'un coup d'œil pour perdre David, et, de saint qu'il était, il devint tout à coup adultère et homicide. Vos maris et vos fils sont-ils par hasard plus saints que David, plus sages que Salomon, plus forts que Samson, pour qu'ils puissent faire fi des conseils de l'Esprit-Saint ? S'il nous recom­mande, avec insistance, de ne pas arrêter nos regards sur une jeune personne, même mise chastement, de peur que sa beauté ne soit une pierre d'achoppement à notre pureté, à combien plus forte raison, sur celles qui, par leurs toi­lettes lascives et provoquantes, ne cherchent qu'à attirer les regards et capter les cœurs !

Si vous croyez que j'exagère, demandez à vos prêtres ce que vos jeunes gens pensent de toutes ces exhibitions. Ils vous diront que, très souvent, c'est pour eux une cause de scandale et de chute. Interrogez vos maris, et s'ils ont du bon sens et un peu de clairvoyance, ils vous répondront qu'ils aimeraient beaucoup mieux de réserve, et que, pour leur plaire, il n'est pas nécessaire de se donner en spectacle à toute une société, et, souvent, à quelle société ! Voulez-vous, chrétien­nes, sous un futile prétexte de vanité, ou uni­quement pour suivre la mode, vous exposer à être la cause de la perte des âmes ?

Bon exemple, Action individuelle.

Chrétiennes, vous ne vous formaliserez pas des prescriptions qu'édictent les gardiens du sanctuaire et les distributeurs des sacrements. Ils vous demandent de ne pas vous présenter au confessionnal, à la Table Sainte, de n'assister à la messe, de ne remplir dans nos offices reli­gieux une fonction qu'en robe montante et de tenue sévère ; de n'y présenter vos enfants qu'avec un costume qui leur couvre les jambes au moins jusqu'aux genoux. Ne les critiquez pas s'ils entrent dans les détails. Ne récriminez pas s'ils insistent. On est si peu compris quand on s'adresse à une foule qui ne veut pas compren­dre et qui, pour ne pas obéir, se persuade que celui qui parle est incompétent.
Ne protestez pas contre les sanctions que vos évêques imposent à ceux qui refusent de tenir compte de leurs avis. C'est dur pour un prêtre de dire à une personne qui se présente au Tri­bunal de la pénitence : « Madame, allez vous vêtir et je vous entendrai ensuite » ; de ne pas donner la sainte communion à une autre age­nouillée à la Table Sainte, et qui, dans son in­conscience, ne comprendra pas ce geste et per­sistera jusqu'à ce qu'on lui dise qu'elle est in­correctement vêtue ; d'envoyer un bedeau dire à une jeune fiancée et aux demoiselles d'honneur qui l'accompagnent dans le sanctuaire de vou­loir bien, avant que la cérémonie commence, trouver dans l'assistance des fichus ou des four­rures qui les garantiront contre les courants d'air meurtriers et contre les regards moqueurs ou pervers, plus meurtriers encore. Remerciez respectueusement vos Pères dans la foi de leurs avertissements, obéissez comme des enfants doi­vent le faire à toutes leurs prescriptions, et mettez dans votre soumission de la joie, de la docilité, de la promptitude.

Disciples du Christ, vous devez le prendre pour modèle et pour rester fidèles aux engage­ments sacrés de votre baptême, vous devez, dans la question de votre toilette, comme dans le reste de votre vie, adopter pour règle de conduite le divin Évangile. De plus, puisque vous êtes enri­chies de la grâce de la Rédemption, vous devez opposer partout, dans la vie et dans le monde, à la mode païenne, la mode chrétienné ; à la vo­lupté, la réserve ; à la licence de la passion, la docilité à l'Église ; c'est un devoir de conscience d'aider par vos paroles et par vos exemples l'immense légion de volontés féminines qui, pour obéir à la mode, sombrent dans la lâcheté.

FEMMES, POUR LE SALUT DES AMES ET DE LA SOCIÉTÉ, IL S'AGIT DE RAMENER L'OPINION PUBLIQUE QUI, AUJOURD'HUI, CONFOND INCONVENANCE AVEC ÉLÉGANCE, DISTINCTION AVEC RIDICULE, AU RES­PECT DE SOI-MÊME, AU CULTE DE LA BEAUTÉ VRAIE ET DE LA DÉCENCE.

Tout d'abord, conscientes des responsabilités que vous encourez en vous habillant de telle ou telle manière, abstenez-vous de tout ce qui peut blesser la pureté chrétienne, de tout ce qui peut scandaliser l'innocent et inciter le vicieux au mal. Méprisant le qu'en-dira-t-on, les railleries de votre propre milieu, bannissez de vos toilettes les jupes trop adhérentes et trop courtes, les corsages aux encolures outrageusement dégagées, aux draperies transparentes, qui rendent plus provoquant souvent ce qu'elles prétendent dissi­muler.

Cette action individuelle par l'exemple, surtout quand on porte un grand nom et qu'on occupe une situation élevée, n'est pas à dédaigner. Ceux qui savent combien les femmes de condition modeste regardent, pour copier leurs toilettes, pour imiter leurs gestes et leurs allures, celles qu'elles imaginent être d'une condition sociale supérieure, loin de dénigrer ce moyen d'apos­tolat, le recommanderont toujours.

Pour entraîner à votre suite celles qui atten­dent que la modestie soit à la mode, la conver­sation vous sera d'un précieux secours. Dans vos réunions, dans vos soirées, blâmez tout haut les inconvenances que le monde réprouve tout bas, ne craignez pas de flétrir, comme elles le méritent, vertement, certaines nouveautés et cer­taines audaces. On ne reste pas insensible à des critiques qui viennent de personnes qu'on fré­quente et dont on recherche l'estime et la bien­veillance.

Montrez à celles qui ont peur qu'on les ramène à des âges disparus et à des modes antiques, en étant pour elles un exemple vivant, qu'on peut s'habiller avec soin, avec goût, avec une certaine recherche, que réclame le bon sens et qu'autorise le rang social, sans audace et sans indécence. Prouvez-leur qu'une toilette peut être charmante et d'une suprême élégance sans devenir suran­née ; qu'il suffit pour cela de ramener la mode à de justes proportions : corsage moins ouvert, jupe plus longue et moins serrée, lignes moins accusées, le tout plus enveloppé et peu voyant.

Action collective

Un soldat, si valeureux qu'il soit, ne gagne pas une bataille à lui tout seul : une idée, toute grande qu'elle soit, ne fait pas son chemin à travers le monde, si des milliers de bouches ne la répandent ; un mal collectif ne peut être guéri que par un remède collectif. Vous ne remporterez la victoire contre les modes actuelles que si vous pouvez lancer à l'assaut des bataillons ennemis une véritable armée; vous n'imposerez vos idées que si mille et mille bouches, mille et mille tracts, brochures et livres, mille et mille articles de revues et de journaux les propagent dans tous les milieux et sur tous les points du territoire ; vous ne guérirez ce mal de la mondanité qu'en appliquant énergiquement un remède aussi général que le mal lui-même.

Que votre action collective, celle de vos ligues, de vos associations, de vos conférences, de vos congrégations s'exercent auprès des couturiers et des modistes. Obtenez d'eux l'engagement qu'ils ne fassent que des toilettes raisonnables et qu'ils refusent à propager de nouvelles modes dangereuses. De votre côté, assurez votre propre clientèle et faites des efforts pour amener telle de vos amies à ceux qui se conformeront aux règles de la bienséance et de la modestie, et re­tirez-la impitoyablement à ceux qui n'opposeront à vos réclamations que des refus ou une aimable fin de non-recevoir.

Agissez sur les directeurs des grands magasins où d'ordinaire on ne trouve que « du décolleté », et exigez qu'ils tiennent à la disposition de leur clientèle catholique des modèles convenables. Demandez-leur de bannir de leurs étalages les mannequins inconvenants et de leurs catalogues les dessins donnant aux silhouettes un aspect débraillé, canaille, si peu conforme à la délicate mesure du goût. Vous agirez ainsi sur la midi­nette qui, les yeux pleins d'ardentes convoitises, passe devant les étalages séducteurs, sur la petite paysanne qui, dans son village perdu dans la plus lointaine province, rêve en feuilletant son catalogue.

Ne pensez-vous pas que les couturières et les grands faiseurs, pour ne pas perdre une bonne partie de leur clientèle, et peut-être la meilleure, ne changeraient pas leur manière de faire ? Ils sauraient et très rapidement trouver de nouveaux modèles à votre convenance.

On ne résiste pas à des femmes qui, par cen­taines de mille agissent d'après un mot d'ordre très précis, qui exigent qu'on tienne compte de leurs réclamations, qui imposent leurs volontés. On s'incline devant cette puissance. Lui résister c'est aller de gaieté de cœur à la faillite, à la ruine.

VOUS ÊTES LE NOMBRE, FEMMES CHRÉTIENNES. VOUS AUREZ, COMBATTANT AVEC VOUS, SI VOUS VOU­LEZ ENTRER RÉSOLUMENT DANS LA LUTTE, TOUT CE QU'IL Y A DE MEILLEUR DANS NOTRE RACE : vos sœurs, les mères de famille, qui ont le souci de la dignité, de la moralité, de l'âme de leurs filles, les éducatrices qui se rendent compte combien la vanité est un terrible obstacle à la formation de leurs élèves, au sérieux de la vie. Vous aurez comme auxiliaires, et non des moins précieux, les hommes qui ont à sauvegarder la prospérité ma­térielle et l'intégrité morale de leurs foyers, qui doivent se préoccuper des répercussions sociales de la mode. Si tous les pères de famille chrétiens, si tous les hommes honnêtes entraient en ligne de bataille dans cette lutte contre les modes d'au­jourd'hui, très certainement ils seraient pour beaucoup dans la victoire finale, comme ils ont été pour beaucoup, par leur indifférence, leurs plaisanteries, dans les excentricités et les exagé­rations dont ils se plaignent parfois si amèrement et dont ils ont peut-être tant à souffrir.

CONCLUSION

Debout, pour la croisade ! Le Pape Pie XI vous y appelle ! « Nous vous demandons, disait-il aux anciennes élèves des Dames du Sacré-Cœur, de nous venir en aide dans cette belle croisade pour la modestie chrétienne ».

Le Pape appelle à la croisade pour la modestie, tous ses enfants répondront : Présent !

LE PAPE LE VEUT ! DIEU LE VEUT !

La Modestie de la Tenue chez la Femme Chrétienne, Le danger des modes actuelles, 1932