jeudi 29 août 2013

Étude des classiques païens

Vous citerai-je saint Jean Chrysostome, qui s'exprime ainsi ? « Je ne veux pas qu'on donne aux enfants, pour premières leçons, les fables de la mythologie... Commencez par imprimer dans leur âme les principes de la véritable sagesse : vous ne gagnerez jamais autant à lui apprendre les sciences profanes qui les mèneront à la fortune, qu'à leur apprendre la science qui la leur fera mépriser. »

 Quelques familles s'écartant de ces règles heureusement respectées du grand nombre, le saint docteur les avertit en ces termes : « Le premier âge, dites-vous, est celui de l'ignorance; oui, et ne voyez-vous pas que ce qui la rend plus profonde et plus dangereuse, c'est l'usage ou vous êtes de lui donner pour ses premiers livres les histoires de ces héros antiques qu'on lui apprend à admirer, bien qu'ils fussent adonnés à toutes leurs passions?.... Nous recueillons le fruit d'une semblable éducation, qui tend à peupler la société d'hommes emportés, sans frein et sans mœurs, accoutumés qu'ils sont à se traîner dans la fange du vice. »
 
Saint Basile est encore plus formel que saint Chrysostome. Il veut que les jeunes gens prennent pour point de départ les principes chrétiens, afin de juger sainement des paroles, des actes et des maximes des païens; ce qui suppose évidemment une grande connaissance de la religion, antérieurement acquise. II ajoute que la lecture des auteurs profanes est souverainement dangereuse, parce qu'elle prêche le sensualisme et apprend à admirer des hommes vertueux seulement en paroles.
 
Monseigneur Gaume – Le ver rongeur p. 405-406




Du nombre des élus

Sermon pour le mardi après le quatrième dimanche de Carême « Du nombre des élus », extrait du livre Sermons du bienheureux Léonard de Port Maurice (traduit de l'italien par Ch. Sainte Foy), pp. 134 à 161.
 
« Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ».
 
 
I. Ce qui remplit d’effroi les plus grands saints.


Grâce à Dieu, le nombre des disciples du Rédempteur n’est pas si petit que la malignité des scribes et des pharisiens doive en triompher. Quoiqu’ils s’efforçassent de calomnier l’innocence et de tromper la foule par leurs sophismes perfides, en discréditant la doctrine et le caractère de Notre-Seigneur, trouvant des taches jusque dans le soleil, beaucoup reconnurent en Lui le vrai Messie, et, sans craindre ni les châtiments ni les menaces, embrassèrent ouvertement Son parti. Malgré les impostures de Ses ennemis : "De turba autem multi crediderunt in Eum". Tous ceux qui suivirent le Christ L’ont-ils suivi jusque dans la gloire ? Oh ! c’est ici que, révérant ce profond mystère, j’adore en silence les abîmes des décrets divins, plutôt que de décider avec témérité un si grand point ! C’est un grave sujet que celui que je dois traiter aujourd’hui ; il a fait trembler les colonnes mêmes de l’Eglise, rempli de terreur
les plus grands saints et peuplé d’anachorètes les déserts. Cette instruction, dans laquelle il s’agit de décider si le nombre des chrétiens qui se sauvent est plus grand ou moins grand que le nombre des chrétiens qui se perdent, vous inspirera, je l’espère, une crainte salutaire des jugements de Dieu.

II. Celui qui se damne, se damne par sa propre malice.

Mes frères, je voudrais, à cause de l’amour que je vous porte, pouvoir vous rassurer par les pronostics d’un bonheur éternel, en disant à chacun de vous : le paradis vous est assuré ; le plus grand nombre des chrétiens se sauvent, vous vous sauverez donc aussi. Mais comment puis-je vous donner cette douce assurance, si, ennemis de vous-mêmes, vous vous révoltez contre les décrets de Dieu ? J’aperçois en Dieu un sincère désir de vous sauver, mais je vois en vous une inclination décidée à vous perdre. Que ferai-je donc aujourd’hui si je parle clairement ? Je vous déplairai. Si je ne parle pas, je déplais à Dieu. Je partagerai donc ce sujet en deux points : dans le premier, pour vous épouvanter, je laisserai les théologiens et les Pères de l’Eglise décider la question, et prononcer que la plus grande partie des chrétiens adultes se damnent ; et, adorant en silence ce terrible mystère, je tiendrai caché mon propre
sentiment. Dans le second point, j’essaierai de venger contre les impies la bonté de Dieu, en vous prouvant que ceux qui se damnent se damnent par leur propre malice, parce qu’ils ont voulu se damner. Voici donc deux vérités très importantes. Si la première vous effraie, ne vous en prenez pas à moi, comme si je voulais resserrer pour vous le chemin du ciel. Car je veux être neutre dans cette question : prenez-vous en plutôt aux théologiens et aux Pères de l’Eglise, qui, à force de raisons, vous imprimeront cette vérité dans le cœur. Si vous êtes détrompés par la seconde, rendez-en grâce à Dieu, qui ne veut qu’une chose, c’est que vous Lui donniez entièrement vos cœurs. Enfin si vous me forcez à dire clairement ce que je pense, je le ferai pour votre consolation.

Ce n’est pas une curiosité, mais une précaution.

Ce n’est pas une vaine curiosité, mais une précaution salutaire, de faire retentir du haut de la chaire certaines vérités qui servent merveilleusement à réprimer l’insolence des libertins, lesquels, parlant toujours de la miséricorde de Dieu et de la facilité de se convertir, vivent plongés dans toute sorte de péchés et dorment en assurance dans le chemin de la perdition. Pour les détromper et les réveiller de leur torpeur, examinons aujourd’hui cette grande question : le nombre des chrétiens qui se sauvent est-il plus grand que celui des chrétiens qui se perdent ? Ames pieuses, retirez-vous, ce sermon n’est pas pour vous : il a uniquement pour but de réprimer l’orgueil de ces libertins qui, chassant de leur cœur la sainte crainte de Dieu, se liguent avec le démon, lequel, au sentiment d’Eusèbe, perd les âmes en les rassurant “ immittit securitatem ut immittat perditionem ”. Pour résoudre ce doute, mettez d’un
côté tous les Pères de l’Eglise, tant grecs que latins, de l’autre les théologiens les plus savants, les historiens les plus érudits et placez au milieu la Bible exposée au regard de tous. Ecoutez donc, non ce que je vais vous dire, car je vous ai déclaré que je ne voulais pas prendre moi-même la parole ni décider la question, mais ce que vous diront ces grands esprits, qui servent comme de phares dans l’Eglise de Dieu, pour éclairer les autres afin qu’ils ne manquent pas le chemin du ciel. De cette manière, guidés par la triple lumière de la foi, de l’autorité et de la raison, nous pourrons résoudre sûrement cette grave question.

Remarquez bien qu’il ne s’agit pas ici du genre humain tout entier, ni de tous les catholiques sans distinction, mais seulement des catholiques adultes, qui, ayant le libre arbitre, peuvent coopérer à la grande affaire de leur salut. Consultons d’abord les théologiens dont on reconnaît qu’ils examinent les choses de plus près et n’exagèrent pas dans leur enseignement ; écoutons deux savants cardinaux, Cajetan et Bellarmin : ils enseignent que la plus grande partie des chrétiens adultes se damnent et, si j’avais le temps de vous exposer les raisons sur lesquelles ils s’appuient, vous en seriez convaincus vous-même. Je me contenterai de citer ici Suarez qui, après avoir consulté tous les théologiens, après avoir étudié attentivement la question, a écrit ces mots : « Le sentiment le plus commun tient que parmi les chrétiens il y a plus de réprouvés que de prédestinés ».

Que si, à l’autorité des théologiens, vous voulez joindre celle des Pères grecs et latins, vous trouverez que presque tous disent la même chose. C’est le sentiment de saint Théodore, de saint Basile, de saint Ephrem, de saint Jean Chrysostome. Bien plus, au rapport de Baronius, c’était une opinion commune parmi les Père Grecs que cette vérité avait été expressément révélée à saint Siméon Stylite et que c’était pour assurer l’affaire de son salut qu’il s’était décidé, par suite de cette révélation, à vivre debout pendant quarante ans sur une colonne, exposé à toutes les injures du temps, modèle pour tous de pénitence et de sainteté. Consultez maintenant les pères latins, et vous entendrez saint Grégoire vous dire en termes clairs : « Beaucoup parviennent à la foi, mais peu au royaume céleste ». « Il en est peu qui se sauvent », dit saint Anselme, et saint Augustin dit plus clairement encore : « Il en
est donc peu qui se sauvent en comparaison de ceux qui se perdent ». Le plus terrible cependant est saint Jérôme qui, sur la fin de sa vie, en présence de ses disciples, prononça cette épouvantable sentence : « Sur cent mille, dont la vie a toujours été mauvaise, vous en trouverez un à peine qui mérite l’indulgence ».

III. Témoignages de l’Ecriture.

Mais pourquoi chercher les opinions des Pères et des théologiens, lorsque la Sainte Ecriture tranche si clairement la question ? Parcourez l’Ancien et le Nouveau Testament, et vous y trouverez une multitude de figures, de symboles et de paroles qui font ressortir clairement cette vérité : il en est très peu qui se sauvent. Au temps de Noé, tout le genre humain fut submergé par le déluge, et huit personnes seulement furent sauvées dans l’arche. « Or, cette arche, dit saint Pierre, était la figure de l’Eglise », « et ces huit personnes qui se sauvent, reprend saint Augustin, signifient qu’il y a très peu de chrétiens de sauvés, parce qu’il en est très peu qui renoncent sincèrement au siècle, et que ceux qui n’y renoncent que de parole n’appartiennent point au mystère représenté par cette arche ».

La Bible nous dit encore que deux Hébreux seulement sur deux millions entrèrent dans la terre promise après la sortie d’Egypte ; que quatre personnes seulement échappèrent à l’incendie de Sodome et des autres villes infâmes qui périrent avec elle. Tout cela signifie que le nombre des réprouvés, qui doivent être jetés au feu comme de la paille, l’emporte de beaucoup sur celui des élus que le Père céleste doit ramasser un jour comme un froment précieux dans ses greniers.

Je n’en finirais point, s’il me fallait exposer ici toutes les figures par lesquelles les Livres saints confirment cette vérité : contentons-nous d’écouter l’oracle vivant de la sagesse incarnée. Que répondit Notre-Seigneur à ce curieux de l’Evangile qui Lui demandait : « Seigneur, y en aura-t-il peu à se sauver ? » Garda-t-Il le silence ? répondit-Il, en hésitant ? dissimula-t-Il sa pensée, dans la crainte d’effrayer la foule ? Non : interrogé par un seul, Il s’adresse à tous ceux qui étaient présents. Vous me demandez, leur dit-Il, s’il en est peu qui se sauvent. Voici ma réponse : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront ». Qui parle ici ! C’est le fils de Dieu, la vérité éternelle, qui dit plus clairement encore dans une autre occasion : « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ». Il ne dit pas : tous sont appelés, et entre
tous les hommes peu sont élus. Mais il dit : Beaucoup sont appelés, c’est-à-dire, comme l’explique saint Grégoire, qu’entre tous les hommes, beaucoup sont appelés à la vraie foi, mais parmi eux il en est peu qui se sauvent. Ces paroles, mes frères, sont de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; sont-elles claires ? Elles sont vraies. Dites-moi maintenant s’il est possible d’avoir la foi dans le cœur, et de ne pas trembler.

IV. Examen des divers états.

Ah ! je m’aperçois qu’en parlant ainsi de tous en général, je manque mon but : appliquons donc cette vérité aux divers états, et vous comprendrez qu’il faut ou renoncer à la raison, à l’expérience, au sens commun des fidèles, ou confesser que le plus grand nombre des catholiques se perd. Y a-t-il au monde un état plus favorable à l’innocence, où le salut semble plus facile, et dont on ait une plus haute idée que celui des prêtres, qui sont les lieutenants de Dieu ? Qui ne croirait, au premier abord, que la plupart d’entre eux sont non seulement bons, mais encore parfaits ; et cependant je suis saisi d’horreur, lorsque j’entends un saint Jérôme avancer que, quoique le monde soit plein de prêtres, il en est à peine un sur cent qui vive d’une manière conforme à son état ; lorsque j’entends un serviteur de Dieu attester qu’il a appris par révélation que le nombre de prêtres qui tombent journellement en enfer est
si grand, qu’il ne lui semblait pas possible qu’il en restât autant sur la terre : lorsque j’entends saint Chrysostome s’écrier les larmes aux yeux : « Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de prêtres qui se sauvent, mais je crois au contraire, que le nombre de ceux qui se perdent est bien plus grand ».

Regardez plus haut encore ; voyez les prélats de la Sainte Eglise, les curés ayant charge d’âmes : le nombre de ceux qui se sauvent parmi eux est-il plus grand que le nombre de ceux qui se perdent ? Ecoutez Cantimpré ; il vous racontera un fait, ce sera à vous d’en tirer les conséquences. Un synode se tenait à Paris : un grand nombre de prélats et de curés à charge d’âmes s’y trouvèrent ; le roi et les princes vinrent encore ajouter par leur présence à l’éclat de cette assemblée. Un célèbre prédicateur fut invité à prêcher ; et pendant qu’il préparait son sermon, un horrible démon lui apparut, et lui dit : « Laisse de côté tous tes livres ; si tu veux faire un sermon utile à ces princes et à ces prélats, contente-toi de leur dire de notre part : « Nous, princes des ténèbres, nous vous rendons grâce, à vous princes, prélats et pasteurs des âmes, de ce que, par votre négligence, le plus grand nombre des
fidèles se perd ; aussi nous nous réservons de vous récompenser de cette faveur, quand vous serez avec nous en enfer ».

Malheur à vous qui commandez aux autres : s’il en est tant qui se damnent par votre faute, que sera-ce de vous ? Si parmi ceux qui sont les premiers dans l’Eglise de Dieu il en est peu qui se sauvent, que deviendrez-vous ? Prenez tous les états, tous les sexes, toutes les conditions, maris, femmes, veuves, jeunes filles, jeunes gens, soldats, marchands, artisans, riches, pauvres, nobles, plébéiens ; que dirons-nous de tous ces gens qui vivent si mal d’ailleurs ? Saint Vincent Ferrier vous montrera par un fait ce que vous devez en penser. Il rapporte qu’un archidiacre de Lyon, ayant renoncé à sa dignité et s’étant retiré dans un désert pour y faire pénitence, mourut le même jour et à la même heure que saint Bernard. Apparaissant à son évêque après sa mort, il lui dit : « Sachez, Monseigneur, qu’à l’heure même ou j’ai expiré trente-trois mille personnes sont mortes. Sur ce nombre, Bernard et moi nous sommes montés au
ciel sans délai, trois sont entrés au Purgatoire, et tous les autres sont tombés en enfer ».

Nos chroniques racontent un fait plus épouvantable encore. Un de nos religieux, célèbre par sa doctrine et sa sainteté, prêchant en Allemagne, représenta avec tant de force la laideur du péché impur qu’une femme tomba morte de douleur à la vue de tout le monde. Puis, revenant à la vie, elle dit : « Lorsque j’ai été présentée au Tribunal de Dieu, soixante mille personnes y arrivaient en même temps de toutes les parties du monde ; sur ce nombre, trois ont été sauvées en passant par le purgatoire, et tout le reste a été damné ».

O abîme des jugements de Dieu ! de trente-trois mille, cinq seulement se sauvent ! de soixante mille il n’y en a que trois qui vont au ciel ! Pécheurs qui m’écoutez, de quel nombre serez-vous ?... Que dites-vous ?... Que pensez-vous ?...

V. Les deux chemins.

Je vois que presque tous vous baissez la tête, saisis d’étonnement et d’horreur. Mais déposez votre stupeur, et au lieu de nous flatter, tâchons de retirer de notre crainte quelqu’avantage. N’est-il pas vrai qu’il y a deux voies qui conduisent au ciel, l’innocence et le repentir ? Or, si je vous démontre qu’il en est très peu qui prennent l’une de ces deux routes, vous conclurez en hommes raisonnables qu’il en est très peu qui se sauvent. Et pour en venir aux preuves, quel âge, quel emploi, quelle condition trouverez-vous où le nombre des méchants ne soit pas cent fois plus considérable que celui des bons, et de qui l’on puisse dire : « Les Bons y sont rares et les méchants très nombreux » ? On peut dire de notre temps ce que saint Salvien disait du sien : il est plus facile de trouver une multitude innombrable de pécheurs plongés dans toute sorte d’iniquités que quelques innocents. Combien y en a-t-il, parmi les
serviteurs, qui soient entièrement .probes et fidèles dans leur office ? Combien, parmi les marchands, qui soient justes et équitables dans leur commerce ? Combien, parmi les artisans, qui soient exacts et véridiques ? Combien, parmi les négociants, qui soient désintéressés et sincères ? Combien, parmi les gens de loi, qui ne trahissent pas l’équité ? Combien de soldats qui ne foulent pas aux pieds l’innocence ? Combien de maîtres qui ne retiennent pas injustement le salaire de ceux qui les servent ou qui ne cherchent pas à dominer leurs inférieurs ? Partout les bons sont rares et les méchants nombreux. Qui ne sait qu’aujourd’hui il y a tant de libertinage parmi les jeunes gens, tant de malice parmi les hommes mûrs, tant de liberté parmi les jeunes filles, de vanité chez les femmes, de licence dans la noblesse, de corruption dans la bourgeoisie, de dissolution dans le peuple, tant d’impudence chez les pauvres, que l’on peut
dire ce que David disait de son temps : « Tous ensemble se sont égarés... Il n’en est pas qui fasse le bien, pas même un seul » (Ps. XIII et LII).

Nous sommes arrivés, hélas ! à ce déluge universel de vices prédit par Osée :

Maledictum et mendacium et furtum et adulterium inundaverunt.

Parcourez les rues et les places, les palais et les maisons, les villes et les campagnes, les tribunaux et les cours, les temples de Dieu même : où trouverez-vous la vertu ? « Hélas ! dit saint Salvien, à l’exception d’un très petit nombre qui fuient le mal, qu’est-ce que l’assemblée des chrétiens, sinon une sentine de tous les vices ? » On ne trouve partout qu’intérêt, ambition, gourmandise et luxe. La plus grande partie des hommes n’est-elle pas souillée par le vice impur, et saint Jean n’a-t-il pas raison de dire que le monde, si l’on peut appeler ainsi quelque chose d’aussi immonde, est tout entier posé dans le mal ? Ce n’est pas moi qui vous le dis, c’est la raison qui vous force à croire que parmi tant de gens qui vivent si mal, il en est très peu qui se sauvent.

VI. Les Confessions.

Mais la pénitence, dites-vous, ne peut-elle pas réparer avec avantage la perte de l’innocence ? C’est vrai, j’en conviens : mais je sais aussi que la pénitence est si difficile dans la pratique, qu’on en a tellement perdu l’usage, ou qu’on en abuse tellement parmi les pécheurs que cela seul suffit pour vous convaincre qu’il en est peu qui se sauvent par cette voie. Oh ! que ce chemin est escarpé, étroit, semé d’épines, horrible à voir, dur à monter ! On y voit partout des traces sanglantes, et des choses qui rappellent de tristes souvenirs. Combien défaillent rien qu’à le voir ! Combien se retirent dès le commencement ! Combien tombent de fatigue au milieu, combien s’abandonnent misérablement à la fin ! et qu’il en est peu qui y persévèrent jusqu’à la mort ! Saint Ambroise déclare qu’il est plus facile de trouver des hommes qui aient gardé l’innocence, que d’en trouver qui aient fait une pénitence
convenable : « Facilius inveni qui innocentiam servaverint, quam qui congruam pœnitentiam egerint ».

Si vous considérez la pénitence comme sacrement, que de confessions tronquées, que d’apologies étudiées, que de repentirs trompeurs, que de promesses mensongères, que de propos inefficaces, que d’absolutions nulles ! Regarderez-vous comme valide la confession de celui qui s’accuse de péchés déshonnêtes dont il garde auprès de lui l’occasion, ou de celui qui s’accuse d’injustices manifestes sans avoir l’intention de les réparer autant qu’il le peut ; ou de celui qui, à peine confessé, retombe dans les mêmes iniquités ? Oh ! abus horribles d’un si grand sacrement !

L’un se confesse pour éviter l’excommunication, l’autre pour se donner la réputation d’un pénitent. Celui-ci se débarrasse de ses péchés pour calmer ses remords, celui-là les cache par honte ; l’un les accuse imparfaitement par malice, l’autre les découvre par habitude. Celui-ci ne se propose point la véritable fin du sacrement ; celui-là manque de la douleur nécessaire ; un autre du ferme propos. Pauvres confesseurs, que d’efforts ne vous faut-il pas pour amener la plus grande partie des pénitents à ces résolutions, à ces actes, sans lesquels la confession est un sacrilège, l’absolution une condamnation et la pénitence une illusion !

Où sont maintenant ceux qui croient que le nombre des élus parmi les chrétiens est plus grand que celui des réprouvés, et qui, pour autoriser leur opinion, raisonnent ainsi la plus grande partie des catholiques adultes meurent dans leurs lits, munis des sacrements de l’Eglise, donc la plupart des catholiques adultes sont sauvés ? Oh ! quel beau raisonnement ! Il faut dire tout le contraire. La plupart des catholiques adultes se confessent mal pendant leur vie, donc à plus forte raison ils se confessent mal à la mort, donc la plupart sont damnés. Je dis : à plus forte raison, parce qu’un moribond qui ne s’est pas bien confessé pendant qu’il était en santé aura beaucoup plus de peine encore à le faire lorsqu’il sera au lit, le cœur oppressé, la tête chancelante, la raison assoupie ; lorsqu’il sera combattu en plusieurs manières par les objets encore vivants, par les occasions encore fraîches, par les habitudes contractées,
et surtout par les démons qui cherchent tous les moyens de le précipiter en enfer ? Or si à tous ces faux pénitents vous ajoutez tant d’autres pécheurs qui meurent à l’improviste dans le péché, ou par l’ignorance des médecins, ou par la faute des parents, qui meurent empoisonnés ou ensevelis dans un tremblement de terre, ou frappés d’apoplexie, ou dans une chute ou sur un champ de bataille, ou dans une rixe, ou pris dans un piège, ou frappés de la foudre, ou brûlés, ou noyés, n’êtes-vous pas forcé de conclure que la plupart des chrétiens adultes sont damnés ? C’est le raisonnement de saint Chrysostome. La plupart des chrétiens, dit ce saint, ne marchent-ils pas toute leur vie dans le chemin de l’enfer. Pourquoi donc vous étonner que le plus grand nombre aille en enfer ? Pour arriver à la porte il faut prendre le chemin qui y mène. Qu’avez-vous à répondre à une raison si forte ?

VII. Comme les sables de la mer... Comme les étoiles du firmament...

La réponse, me direz-vous, c’est que la miséricorde de Dieu est grande. Oui, pour celui qui le craint : « Misericordia Domini super timentes eum », dit le Prophète ; mais Sa justice est grande pour celui qui ne le craint pas, et elle réprouve tous les pécheurs opiniâtres : « Discedite a Me, omnes operarü iniquitatis ».

Mais alors, me direz-vous, pour qui est donc le paradis, s’il n’est pas pour les chrétiens ? Il est pour les chrétiens, sans doute, mais pour ceux qui ne déshonorent pas leur caractère, et qui vivent en chrétiens. Et d’ailleurs, si au nombre des chrétiens adultes qui meurent dans la grâce de Dieu vous ajoutez cette foule innombrable d’enfants qui meurent après le baptême, avant d’avoir atteint l’âge de raison, vous ne vous étonnerez plus que l’apôtre saint Jean ait dit en parlant des élus : « J’ai vu une grande foule que personne ne pouvait compter ».

Et c’est là ce qui trompe ceux qui prétendent que le nombre des élus parmi les catholiques est plus grand que celui des réprouvés. Il est certain que, si vous prenez tous les catholiques ensemble, la plus grande partie se sauve, parce que, d’après les observations qui ont été faites, la moitié des enfants environ meurent après le baptême, avant l’âge de raison. Or, si à ce nombre vous ajoutez les adultes qui ont conservé la robe de l’innocence, ou qui, après l’avoir souillée, l’ont lavée dans les larmes de la pénitence, il est certain que le plus grand nombre est sauvé ; et c’est là ce qui explique les paroles de l’Apôtre saint Jean : « J’ai vu une grande foule », et ces autres de Notre-Seigneur : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident, et se reposeront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux », et les autres figures que l’on a coutume de citer en faveur de cette opinion. Mais si
l’on parle des chrétiens adultes, l’expérience, la raison, l’autorité, la convenance et l’Ecriture s’accordent à prouver que le plus grand nombre se damne. Ne croyez pas pour cela que le paradis soit désert ; c’est au contraire un royaume très peuplé ; et si les réprouvés sont aussi nombreux que les sables de la mer, les élus le sont autant que les étoiles du firmament, c’est-à-dire que les uns et les autres sont innombrables, quoiqu’en des proportions très différentes. Saint Jean Chrysostome, prêchant un jour dans la cathédrale de Constantinople et considérant cette proportion, ne put s’empêcher de frémir d’horreur : « Combien, dit-il, parmi ce peuple si nombreux croyez-vous qu’il y aura d’élus ? » Et sans attendre la réponse, il ajouta : « Parmi tant de milliers de personnes ou n’en trouverait pas cent qui se sauvent, et pour ce cent je doute encore ». Quelle chose épouvantable ! Le grand saint
croyait que dans un peuple si nombreux il y en avait à peine cent qui dussent se sauver, et encore n’était-il pas sûr de ce nombre. Qu’arrivera-t-il de vous qui m’écoutez ? Grand Dieu ? je n’y puis penser sans frémir. C’est une chose bien difficile, mes frères, que l’affaire du salut ; car selon la maxime des théologiens, quand une fin exige de grands efforts, peu seulement l’atteignent. « Deficit in pluribus, contingit in pauciori-bus ».

C’est pour cela que le Docteur Angélique saint Thomas, après avoir, avec son immense érudition, pesé toutes les raisons pour et contre, conclut à la fin que le plus grand nombre des catholiques adultes est damné : « La béatitude éternelle dépassant l’état de nature, surtout depuis qu’elle est privée de la grâce originelle, c’est le petit nombre qui se sauve ».

VIII. Dieu, Père Juste.

Otez-vous donc des yeux ce bandeau dont vous aveugle l’amour-propre, et qui vous empêche de croire une vérité aussi évidente, en vous donnant les idées les plus fausses sur la justice de Dieu. « Père juste ! le monde ne Vous connaît point », dit Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il ne dit pas Père tout-puissant, Père très bon, miséricordieux, Il dit : « Père juste », pour nous faire entendre que de tous les attributs de Dieu, il n’en est aucun qui soit moins connu que Sa justice, parce que les hommes refusent de croire ce qu’ils craignent d’éprouver. Otez donc le voile qui vous bouche les yeux, et dites avec larmes : Hélas ! le plus grand nombre des catholiques, le plus grand nombre des habitants de ce lieu, et peut-être même de cet auditoire, sera damné. Quel sujet mérite plus vos larmes ? Le roi Xerxès, voyant du haut d’une colline son armée composée de cent mille soldats rangés en ordre de bataille et considérant que
de tout cela il n’y aurait pas un seul homme vivant dans cent ans, ne put retenir ses larmes. N’avons-nous pas bien plus de raison de pleurer en pensant que, de tant de catholiques, le plus grand nombre sera damné ?

Cette pensée ne devrait-elle pas tirer de nos yeux des ruisseaux de larmes ou du moins exciter dans nos cœurs ce sentiment de compassion qu’éprouva autrefois le vénérable Marcel de saint Dominique, religieux Augustin ? Comme il méditait un jour sur les peines éternelles, le Seigneur lui montra combien d’âmes allaient en ce moment en enfer et lui fit voir un chemin très large ou vingt-deux mille réprouvés couraient vers l’abîme, se heurtant les uns les autres. A cette vue, le serviteur de Dieu, stupéfait, s’écria : « Oh ! quel nombre ! quel nombre ! et encore il en vient d’autres. O Jésus ! O Jésus ! quelle folie ! » Laissez-moi donc répéter avec Jérémie : « Qui donnera de l’eau à ma tête et une source de larmes à mes yeux, et je pleurerai ceux que la fille de mon peuple a perdus ». Pauvres âmes ! Comment courez-vous si empressées vers l’enfer ? Arrêtez-vous de grâce, écoutez-moi un instant. Ou vous comprenez
ce que veut dire se sauver et se damner pendant toute l’éternité, ou bien vous ne comprenez pas. Si vous le comprenez, et si malgré cela vous ne vous décidez pas aujourd’hui à changer de vie, à faire une bonne confession, à fouler le monde aux pieds, en un mot, à faire tous vos efforts pour être du petit nombre de ceux qui se sauvent, je dis que vous n’avez pas la foi. Si vous ne le comprenez pas, vous êtes plus excusables ; car il faut dire que vous avez perdu le sens. Se sauver pendant toute l’éternité ! se damner pendant toute l’éternité ! et ne pas faire tous ses efforts pour éviter l’un et s’assurer l’autre, c’est une chose qui ne se peut concevoir.

Peut-être ne croyez-vous pas encore les vérités terribles que je viens de vous enseigner. Mais ce sont les théologiens les plus considérables, les Pères les plus illustres qui vous ont parlé par ma bouche. Comment pouvez-vous donc résister à des raisons fortifiées par tant d’exemples, par tant de paroles de l’Ecriture ? Si malgré cela, vous hésitez encore, et si votre esprit penche vers l’opinion opposée, cette seule considération ne suffit-elle pas pour vous faire trembler ? Ah ! vous faites voir par là que vous avez peu de souci de votre salut ? Dans cette affaire importante, un homme de sens est plus frappé par le moindre doute du danger qu’il court que par l’évidence d’une ruine complète dans les autres affaires où l’âme n’est point intéressée. Aussi un de nos religieux, le bienheureux Gille, avait coutume de dire que, si un seul homme eût dû se damner, il aurait fait tout son possible pour s’assurer que ce
n’était pas lui. Que devons-nous donc faire nous qui savons que, non seulement parmi tous les hommes, mais encore parmi les catholiques, le plus grand nombre sera damné ? Ce que nous devons faire ? Prendre la résolution d’appartenir au petit nombre de ceux qui se sauvent. Si le Christ, dites-vous, voulait me damner, pourquoi m’a-t-Il mis au monde ? Tais-toi, langue téméraire : Dieu n’a créé personne, pas même les Turcs, pour les damner ; mais quiconque se damne, se damne parce qu’il le veut bien. Je veux donc entreprendre maintenant de défendre la bonté de mon Dieu, et de la venger de tout reproche : ce sera le sujet du second point.

IX. Avant d’aller plus loin, ramassez d’un côté tous les livres et toutes les hérésies de Luther et de Calvin, de l’autre les livres et les hérésies des Pélagiens, des semi-Pélagiens et mettez-y le feu. Les uns détruisent la grâce, les autres la liberté, et tous sont remplis d’erreurs ; jetez-les donc au feu. Tous les réprouvés portent gravé sur leur front l’oracle du Prophète Osée : Ta perte vient de toi, afin qu’ils puissent comprendre que quiconque se damne, se damne par sa propre malice, et parce qu’il veut se damner.

Prenons d’abord pour base ces deux vérités incontestables : « Dieu veut que tous les hommes se sauvent ». « Tous ont besoin de la grâce de Dieu ». Or, si je vous démontre que Dieu a la volonté de sauver tous les hommes, et que pour cela Il leur donne à tous Sa grâce, avec tous les autres moyens nécessaires pour obtenir cette fin sublime, vous serez forcés de convenir que quiconque se damne doit l’imputer à sa propre malice, et que, si le plus grand nombre des chrétiens sont réprouvés, c’est parce qu’ils le veulent. « Ta perte vient de toi ; en Moi seulement est ton secours ».

Que Dieu ait vraiment la volonté de sauver tous les hommes, Il nous le déclare en cent endroits des livres saints. « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais plutôt qu’il se convertisse et qu’il vive. Je vis, dit le Seigneur. Je ne veux pas la mort de l’impie – convertissez-vous et vivez ». Lorsque quelqu’un désire beaucoup une chose, on dit qu’il en meurt de désir, c’est une hyperbole. Mais Dieu a voulu, et veut encore, si fortement notre salut qu’Il en est mort de désir, et Il a souffert la mort pour nous donner la vie : « et propter nostram salutem mortuus est ». Cette volonté de sauver tous les hommes n’est donc pas en Dieu une volonté affectée, superficielle et apparente, c’est une volonté vraie, effective et bienfaisante, car Il nous fournit tous les moyens les plus propres pour nous sauver, Il nous les donne, non pour qu’ils n’aient point leur effet et parce qu’Il voit qu’ils ne l’auront point ; mais Il
nous les donne avec une volonté sincère, avec l’intention qu’ils obtiennent leur effet, et, s’ils ne l’obtiennent pas, Il s’en montre affligé et offensé. Il ordonne aux réprouvés eux-mêmes de les employer à faire leur salut, Il les y exhorte, Il les y oblige, et s’ils ne le font pas, ils pèchent. Ils peuvent donc le faire et se sauver ainsi.

Bien plus, Dieu, voyant que sans Son aide nous ne pourrions pas même nous servir de Sa grâce, nous donne d’autres secours et s’ils restent quelquefois inefficaces, la faute en est à nous ; parce que, avec ces mêmes secours, in actu primo comme parlent les théologiens, avec ces mêmes secours dont l’un abuse et avec lesquels il se damne, un autre peut faire le bien et se sauver ; il le pourrait même avec des secours moins puissants. Oui, il peut se faire que l’un abuse d’une grâce plus grande et se perde, tandis que l’autre coopère à une moindre grâce et se sauve.

« Si donc quelqu’un s’écarte de la justice, s’écrie saint Augustin, il est emporté par son libre arbitre, entraîné par sa concupiscence, trompé par sa propre persuasion. Mais pour ceux qui n’entendent pas la théologie, voici ce que j’ai à leur dire : Dieu est si bon que, lorsqu’Il voit un pécheur courir à sa perte, Il court après, l’appelle, le prie et l’accompagne jusqu’aux portes de l’enfer ; et que ne fait-Il pas, pour le convertir ? Il lui envoie de bonnes inspirations, de saintes pensées, et s’il n’en profite pas, Il se fâche, Il s’indigne, Il le poursuit. Va-t-Il le frapper ? Non : Il vise en l’air et lui pardonne. Mais le pécheur ne se convertit pas encore : Dieu lui envoie une maladie mortelle. Tout est fini pour lui sans doute. Non, mes frères, Dieu le guérit ; le pécheur s’opiniâtre dans le mal, Dieu cherche dans Sa miséricorde quelque nouveau moyen ; Il lui donne encore un an, et, l’année
finie, Il lui en accorde une autre. Mais si malgré tout cela le pécheur veut se jeter en enfer, que fait Dieu ? L’abandonne-t-Il ? Non : Il le prend par la main ; et pendant qu’il a un pied en enfer et l’autre dehors, Il le prêche encore, Il le supplie de ne pas abuser de Ses grâces. Or, je vous le demande, si cet homme se damne, n’est-il pas, vrai qu’il se damne contre la volonté de Dieu et parce qu’il veut se damner ? Venez me dire maintenant : si Dieu voulait me damner, pourquoi m’a-t-Il mis au monde ?...

X. Il n’y a pas d’excuse.

Pécheur ingrat, apprenez aujourd’hui que si vous vous damnez, ce n’est point à Dieu qu’il faut l’imputer, mais à vous et à votre propre volonté. Pour vous en convaincre, descendez jusqu’aux portes de l’abîme : là je vous ferai venir quelqu’un de ces malheureux réprouvés qui brûlent en enfer, afin qu’il vous explique cette vérité. En voici un : « Dis-moi, qui es-tu ? –. Je suis un pauvre idolâtre, né dans une terre inconnue ; je n’ai jamais entendu parler ni du ciel ni de l’enfer, ni de ce que je souffre maintenant. – Pauvre malheureux ! va-t-en ; ce n’est pas toi que je cherche ». Qu’un autre vienne ; le voici ; « Qui es-tu ? – Je suis un schismatique des derniers confins de la Tartarie, j’ai toujours vécu dans l’état sauvage, sachant à peine qu’il y a un Dieu. – Ce n’est pas toi que je demande, retourne en enfer ». En voici un autre. « Et toi, qui es-tu ? – Je suis un pauvre hérétique du
Nord. Je suis né sous le pôle, sans avoir jamais vu ni la lumière du soleil, ni celle de la foi – Ce n’est pas toi encore que je demande, retourne en enfer ». Mes frères, j’ai le cœur brisé en voyant parmi les réprouvés ces malheureux qui n’ont jamais rien connu de la véritable foi. Sachez pourtant que la sentence de condamnation a été prononcée contre eux, on leur a dit : Perditio tua ex te. Ils se sont damnés parce qu’ils l’ont voulu. Que de secours ils ont reçus de Dieu pour se sauver ! Nous ne les connaissons pas, mais ils le savent bien, et ils s’écrient maintenant : « Vous êtes juste, Seigneur, et Vos jugements sont équitables »(Ps, 119 ; 137).

Vous devez savoir, mes frères, que la loi la plus ancienne est la loi de Dieu, que nous la portons tous écrite en notre cœur, qu’elle s’apprend sans maître, et qu’il suffit d’avoir la lumière de la raison pour connaître tous les préceptes de cette loi. C’est pour cela que les barbares eux-mêmes se cachent pour commettre leurs péchés parce qu’ils savent le mal qu’ils font ; et ils sont damnés pour n’avoir pas observé la loi naturelle qu’ils avaient gravée dans le cœur : car s’ils l’avaient observée, Dieu aurait fait un miracle plutôt que de les laisser se damner ; il leur aurait envoyé quelqu’un pour les instruire et leur aurait donné d’autres secours dont ils se sont rendus indignes en ne vivant pas conformément aux inspirations de leur propre conscience qui n’a jamais manqué de les avertir et du bien qu’il fallait faire, et du mal qu’il fallait éviter. Aussi c’est leur conscience qui les a accusés
au Tribunal de Dieu, c’est elle qui leur dit continuellement en enfer : Perditio tua ex te, perditio tua ex te. Ils ne savent que répondre et sont forcés de confesser qu’ils ont mérité leur sort. Or, si ces infidèles n’ont point d’excuse, y en aura-t-il pour un catholique, qui a eu à sa disposition tant de sacrements, tant de sermons, tant de secours ? Comment ose-t-il dire : si Dieu devait me damner, pourquoi m’a-t-Il mis au monde ? Comment ose-t-il parler ainsi, lorsque Dieu lui donne tant de secours pour se sauver ? Achevons donc de le confondre.

XI. Le sort des catholiques pécheurs.

Répondez, vous qui souffrez dans ces abîmes. Y a-t-il des catholiques parmi vous ? S’il y en a ! Et combien ! Que l’un d’eux vienne donc ici. C’est impossible, ils sont trop bas, et, pour les faire venir, il faudrait bouleverser tout l’enfer ; il est plus facile d’arrêter un de ceux qui y tombent. Je m’adresse donc à toi qui vis dans l’habitude du péché mortel, dans la haine, dans la fange du vice impur et qui chaque jour t’approches davantage de l’enfer. Arrête-toi, retourne en arrière ; c’est Jésus qui t’appelle et qui, par Ses plaies, comme par autant de voix éloquentes, te crie : « Mon fils, si tu te damnes, tu n’as à te plaindre que de toi : Perditio tua ex te ». Lève les yeux, et vois de combien de grâces Je t’ai enrichi, afin d’assurer ton salut éternel. Je pouvais te faire naître dans une forêt de la Barbarie ; Je l’ai fait pour tant d’autres, mais pour toi, Je t’ai fait naître dans la foi
catholique ; Je t’ai fait élever par un si bon père, par une mère excellente, au milieu des instructions et des enseignements les plus purs ; si malgré cela tu te damnes, à qui sera la faute ? A toi, Mon fils, à toi Perditio tua ex te. Je pouvais te précipiter en enfer après le premier péché mortel que tu as commis, sans attendre le second : Je l’ai fait avec tant d’autres, mais J’ai pris patience avec toi ; Je t’ai attendu pendant de longues années, Je t’attends encore aujourd’hui à la pénitence. Si malgré tout cela tu te damnes, à qui la faute ? A toi, Mon fils, à toi : Perditio tua ex te. Tu sais combien sont mort en réprouvés sous tes yeux : c’était un avertissement pour toi ; tu sais combien d’autres J’ai remis dans la bonne voie pour te donner le bon exemple. Te rappelles-tu ce que t’a dit cet excellent confesseur ? C’est Moi qui le lui faisais dire. Ne t’engagea-t-il pas à changer de vie, à faire une
bonne confession ? C’est Moi qui le lui inspirais. Souviens-toi de ce sermon qui te toucha le cœur, c’est Moi qui t’y ai conduit. Et ce qui s’est passé entre Moi et toi dans le secret de ton cœur, tu ne le saurais oublier. Ces inspirations intérieures, ces connaissances si claires, ces remords continuels de ta conscience, tu oserais les nier ? Tout cela, c’était autant de secours de Ma grâce, parce que Je voulais te sauver. Je les ai refusés à tant d’autres et Je te les ai donnés à toi, parce que Je t’aimais tendrement. Mon fils, Mon fils, combien d’autres, si Je leur parlais aussi tendrement que Je te parle aujourd’hui, se remettraient dans la bonne voie ! et toi, tu Me tournes le dos. Ecoute ce que Je vais te dire, ce seront Mes dernières paroles : tu m’as coûté du sang ; si malgré ce sang que J’ai versé pour toi, tu veux te damner, ne te plains pas de Moi, n’accuse que toi, et pendant toute l’éternité
n’oublie pas que si tu te damnes, tu te damnes malgré Moi, tu te damnes parce que tu veux te damner : Perditio tua ex te ».

Ah ! mon bon Jésus, les pierres elles-mêmes se fendraient à de si douces paroles, à des expressions si tendres. Y a-t-il ici quelqu’un qui veuille se damner avec tant de grâces et de secours ? S’il en est un, qu’il m’écoute, et qu’il résiste ensuite s’il le peut.

XII. Si vous le voulez, vous vous sauverez.

Baronius rapporte que Julien l’apostat, après son infâme apostasie, conçut une haine si vive contre le Saint Baptême, qu’il cherchait jour et nuit les moyens de l’effacer. Il fit pour cela préparer un bain de sang de chèvres et se mit dedans, voulant, avec ce sang impur d’un victime consacrée à Vénus, effacer de son âme le caractère sacré du Baptême. Cette conduite vous paraît abominable : mais si Julien avait pu réussir dans son dessein, il est certain qu’il aurait souffert beaucoup moins en enfer.

Pécheurs, le conseil que je veux vous donner vous paraîtra sans doute étrange ; et cependant, à le bien prendre, il est au contraire inspiré par une tendre compassion pour vous. Je vous conjure donc à genoux, par le Sang de Jésus-Christ et par le Cœur de Marie, de changer de vie, de vous remettre dans la voie qui conduit au ciel, et de faire tout votre possible pour appartenir au petit nombre des élus. Si, au lieu de cela, vous voulez continuer de marcher dans la voie qui conduit aux enfers, trouvez du moins le moyen d’effacer en vous le baptême. Malheur à vous, si vous emportez en enfer gravé dans votre âme le nom sacré de Jésus-Christ et le caractère sacré du chrétien. Votre confusion en sera beaucoup plus grande. Faites donc ce que je vous conseille : si vous ne voulez pas vous convertir, allez dès aujourd’hui prier votre curé d’effacer votre nom du registre des baptêmes, afin qu’il ne reste plus aucun souvenir que vous
ayez jamais été chrétien, suppliez votre ange gardien d’effacer de son livre les grâces, les inspirations et les secours qu’il vous a donnés par l’ordre de Dieu, car malheur à vous s’il se les rappelle. Dites à Notre-Seigneur qu’il reprenne Sa foi, Son baptême, Ses sacrements. Vous êtes saisis d’horreur à cette pensée. Jetez-vous donc aux pieds de Jésus-Christ, et dites-Lui, les larmes aux yeux et le cœur contrit : « Seigneur, je confesse que jusqu’ici je n’ai point vécu en chrétien, je ne suis pas digne d’être compté parmi Vos élus, je reconnais que j’ai mérité la damnation, mais Votre miséricorde est grande : et plein de confiance en Votre grâce, je vous proteste que je veux sauver mon âme, dussé-je sacrifier ma fortune, mon honneur, ma vie même, pourvu que je me sauve. Si jusqu’ici j’ai été infidèle, je m’en repens, je déplore, je déteste mon infidélité, je vous en demande humblement pardon.
Pardonnez-moi, mon bon Jésus, et fortifiez-moi en même temps, afin que je me sauve. Je ne Vous demande ni les richesses, ni les honneurs, ni la prospérité ; je ne demande qu’une chose, c’est de sauver mon âme ».

Et Vous, ô Jésus ! que dites-Vous ? Voici la brebis errante qui revient à Vous, ô bon Pasteur ; embrassez ce pécheur repentant, bénissez ses larmes et ses soupirs, ou plutôt bénissez ce peuple si bien disposé et qui ne veut plus chercher autre chose que son salut.

Protestons, mes frères, aux pieds de Notre-Seigneur, que nous voulons coûte que coûte, sauver notre âme. Disons-Lui tous, les larmes aux yeux : « Bon Jésus, je veux sauver mon âme ». O larmes bénies, ô bienheureux soupirs !

Je veux, mes frères, vous renvoyer tous consolés aujourd’hui. Si donc vous me demandez mon sentiment sur le nombre des élus, le voici : qu’il y ait beaucoup ou peu d’élus, je dis que celui qui veut se sauver se sauve, et que personne ne se perd s’il ne veut se perdre. Et s’il est vrai qu’il en est peu qui se sauvent, c’est qu’il y en a peu qui vivent bien. Au reste, comparez ces deux opinions : la première, qui dit que le plus grand nombre des catholiques sont condamnés ; la seconde, qui prétend au contraire que le plus grand nombre des catholiques sont sauvés ; représentez-vous qu’un ange, envoyé par Dieu pour confirmer la première opinion, vienne vous dire que non seulement la plupart des catholiques sont damnés mais que de toute cette foule ici présente, un seul sera sauvé. Si vous obéissez aux commandements de Dieu, si vous détestez la corruption de ce siècle, si vous embrassez avec un esprit de pénitence la Croix
de Jésus-Christ, vous serez ce seul qui se sauvera. Représentez-vous ensuite que cet ange revienne parmi vous, et que, pour confirmer la seconde opinion, il vous dise que non seulement la plus grande partie des catholiques sont sauvés, mais que de tout cet auditoire une seule personne sera damnée et tous les autres se sauveront. Si vous continuez après cela vos usures, vos vengeances, vos actions criminelles, vos impuretés, vous serez ce seul qui se damnera.

A quoi sert donc de savoir s’il en est peu ou beaucoup qui se sauvent ? « Tachez de rendre votre élection certaine par vos bonnes œuvres », nous dit saint Pierre. « Si vous voulez, vous vous sauverez », dit saint Thomas d’Aquin à sa sœur, qui lui demandait ce qu’elle devait faire pour aller au ciel. Je vous dis la même chose : et voici comment je prouve mon assertion. Personne ne se damne s’il ne pèche mortellement, c’est de foi ; personne ne pèche mortellement s’il ne le veut, c’est là une proposition théologique incontestable. Donc personne ne va en enfer s’il le veut. La conséquence est évidente. Cela ne suffit-il pas pour vous consoler ? Pleurez les péchés passés, confessez-vous bien, ne péchez plus à l’avenir, et vous serez tous sauvés. Pourquoi donc tant se tourmenter, puisqu’il est certain que pour aller en enfer il faut pécher mortellement, que pour pécher mortellement il faut le vouloir, et que par
conséquent on ne va en enfer que si on le veut ? Ce n’est pas là une opinion, mais une vérité incontestable et bien consolante ; que Dieu vous la fasse comprendre et vous bénisse. Amen ».

 

mercredi 28 août 2013

Le Mariage - Mgr de Ségur

 
BUT DE CET OPUSCULE 
 
C'est tout simplement un petit résumé de la doctrine catholique touchant le Mariage.
 
L'ignorance sur cette matière si grave et si délicate est à l'ordre du jour. Et c'est malheureusement tout simple : aux catéchismesr on ne peut entrer dans aucun détail sur le Mariage ; on ferait rire tous les enfants. En chaire, c'est presque aussi difficile ; et quantité de gens s'en choqueraient à tort ou à raison.
 
La plupart des gens arrivent donc à l'époque du mariage, sans notions précises sur un sujet qu'ils devraient cependant connaître à fond.
 
Tel est donc le but très simple de ce modeste travail.
 
Il m'a été demandé par plusieurs prêtres, plus particulièrement désolés de voir les trois-quarts des gens se présenter à eux pour contracter mariage sans avoir la plus légère notion de ce grand Sacrement. 
 
A ce titre, j'ose recommander ces quelques pages au zèle pastoral de MM. les curés, qui pourront les offrir très-utilement à leurs paroissiens lorsqu'on viendra s'adresser à eux à l'occasion de la publication des bans. 
 
Dût-il ne servir qu'à un petit nombre de fidèles, je me croirais encore amplement récompensé.
Je prie la Sainte-Vierge et saint Joseph, Protecteurs de la famille chrétienne, de le bénir et d'en bénir tous les lecteurs.
Sainte-Anne d'Auray, 8 septembre 1877.
En la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge.
 
LE MARIAGE 
I. Vraie notion du Mariage. 
Le Mariage est l'union légitime de l'homme et de la femme.  
Le Mariage est d'institution divine. Il remonte aux jours mêmes de la création de l'homme, à qui Dieu donna une compagne, d'abord pour multiplier par lui le genre humain, puis pour le rendre heureux par une société si intime, si douce et si pleine de charmes.
Dès l'origine, le Mariage fui un contrat sacré, essentiellement religieux, béni solennellement par le Seigneur Lui-même qui en était l'auteur. Dans tous les temps, partout et toujours, le Mariage a été considéré comme un grand acte religieux, très-solennel, et on l’a entouré de rites sacrés, de bénédictions et de fêtes.
Lorsque le Fils éternel de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, se manifesta aux hommes pour les sauver et les sanctifier, il éleva le Mariage à la dignité d'un sacrement, c’est-à-dire d'une source de grâces où les chrétiens qui embrasseraient ce genre de vie trouveraient des grâces, des secours très efficaces pour y vivre saintement et y accomplir plus facilement tons leurs devoirs.
Depuis lors, il n'y a plus pour nous, dans le Mariage, un contrat d'un côté, et de l'autre un sacrement : le contrat même est devenu le sacrement, il n'est pas anéanti : loin de là; il est surnaturalisé, il est élevé, par la toute-puissance de JÉSUS-CHRIST, à une dignité divine, à la dignité de sacrement. Dans le Mariage chrétien, le sacrement absorbe pour ainsi dire le contrat.
Il n'est plus qu'un sacrement sous la forme d'un contrat.
Il est de foi que, pour les chrétiens, le Mariage est un des sept Sacrements institués par Notre-Seigneur Jésus- Christ pour nous sanctifier; et que, pour eux, il n'y a d'autre Mariage véritable et légitime que le sacrement de Mariage. Ceci est défini par le saint Concile de Trente, comme faisant partie de la révélation et de la doctrine catholique.
 II
 
Ce qu'il faut entendre par le mariage civil. 
Quantité de gens peu ou point instruits s'imaginent que le mariage civil, conclu devant le maire, avec les formalités marquées dans le Code civil, est le vrai mariage; et qu'on ne se présente à l'église, en sortant de la mairie, que pour faire bénir son mariage déjà conclu.  
Presque tout le monde croit cela, surtout dans les villes. Sur cent couples, je gagerais qu'il y en a plus de quatre-vingts qui en sont fermement convaincus; et, sur cent maires, il y en a près de cent qui s'étonneront grandement de ce que je vais dire. 
Il est de FOI qu'en sortant de la mairie, quelles que puissent être la majesté et l'amabilité de M. le maire ou de M. l'adjoint, on n'est pas plus marié qu'en y entrant. J'ai connu un maire, grand homme de bien et homme d'esprit, qui, après avoir accompli toutes les formalités prescrites par le Code, disait gaiement aux époux et à la noce : « Et maintenant, mes amis, allez à l'église et mariez-vous. »
Dans un État bien organisé, rien de plus naturel sans doute que la prescription sérieuse de certaines formalités civiles et publiques, destinées à déterminer très nettement la condition de chacun des citoyens; par conséquent de constater vis-à-vis de tous leur mariage, avec sa date précise, le nom des témoins, la signature de tous, etc.
Mais, entre l'exécution de ces formalités civiles, qui constatent le mariage, et la formation réelle, légitime, irrévocable du lien conjugal, qui unit pour toujours, en conscience et devant DIEU, un homme et une femme, il y a un abime. Or, c'est de cet abîme que n'ont point tenu compte nos législateurs, parce que, dominés par l'esprit révolutionnaire, ils ont écarté systématiquement de nos lois toute pensée chrétienne, toute idée de foi, et ont prétendu soustraire le mariage, la famille et la société tout entière, à la loi souveraine de DIEU et aux enseignements de l'Église de DIEU.
Seulement, comme l'homme ne peut anéantir ce que DIEU a fait, institué et réglé, le Mariage demeure, pour les chrétiens de France comme pour tous les chrétiens du monde, ce qu'il est devant DIEU et ce que DIEU l’a fait en réalité, c'est-à-dire un sacrement. Par conséquent, en France comme à Rome, comme partout ailleurs, un chrétien, un baptisé qui ne reçoit pas le sacrement du Mariage, n'est point marié, quoi que puissent dire toutes les lois, tous les codes, tous les maires, et même tous les adjoints. 
Donc ce qu'on est convenu d'appeler chez nous le mariage civil n'est pas le moins du monde le Mariage. C'est tout simplement une formalité de mairie, un enregistrement à qui l'on donne une solennité fort étrange, et dont l’unique résultat est, lorsqu'on est véritablement marié, c'est-à-dire marié à l'église, d'assurer à ce mariage tous ses effets civils: légitimité des enfants qui en naîtront, droits de succession, etc.  
Je le sais, ces effets civils du mariage sont d'une importance majeure ; mais enfin, ils ne sont point le Mariage lui-même; et il demeure avéré que monsieur le Maire, avec son Code et son écharpe, ne peut pas davantage marier un citoyen et une citoyenne baptisés, qu'il ne peut, en place du curé, célébrer la Messe, ni consacrer le pain et le vin au Corps et au Sang du Seigneur.
 
C'est uniquement afin d'éviter les rixes entre l’autorité spirituelle et le pouvoir civil que l'Église, qui est bonne et pacifique lorsqu'elle peut l'être sans sacrifier le droit, défend à ses ministres, sauf des cas tout à fait extraordinaires, de procéder à la célébration d'un mariage avant que les deux parties contractantes n'aient rempli préalablement les formalités de la mairie.
Avant la Révolution, l’état-civil de chaque Français était réglé par les registres de la paroisse, sous la haute surveillance des Évêques. C'était bien plus simple et tout aussi régulier. II sera très facile au premier gouvernement sérieusement chrétien que le bon DIEU daignera donner à la France de tout arranger pour le mieux. Il suffira de changer quelques mots aux articles du Code, et de déclarer que l'inscription sur les registres de la municipalité n'aura son effet que si elle est suivie du mariage devant le ministre de la religion ; la déclaration du susdit mariage serait obligatoire dans les trois jours, sous peine d'une amende ou de quelque autre pénalité très-grave. — Quoi de plus simple? quoi de plus facile à réaliser?  
III
 
De ceux dont le mariage serait nul devant DIEU.
Ce sont:
1° Les fous, tout à fait fous; ils ne peuvent se marier validement.
 
 Les enfants, c'est-à-dire les jeunes gens et les jeunes filles qui n'ont pas atteint l'âge fixé par l'Église: quatorze ans révolus pour les garçons; douze ans révolus pour les filles. — En France, le Code civil parle de dix-huit ans et de quinze ans révolus; mais c'est là un règlement qui n'oblige point la conscience, parce que le pouvoir civil n'a pas reçu de DIEU la compétence nécessaire pour déterminer ce qui, chez les chrétiens, rend le mariage valide ou nul, permis ou défendu.
L'Eglise seule a reçu de DIEU ce pouvoir. Ceci est de foi catholique, défini par le Concile de Trente contre les protestants et par le Saint-Siège contre les jansénistes et les césariens. Cependant cette disposition du Code civil n'ayant eu elle-même rien de déraisonnable dans nos climats, nos Évoques et nos prêtres s'y conforment pour éviter des conflits dont les suites pourraient être extrêmement graves à tous les points de vue.
3° Ceux que certaines infirmités privent de la possibilité d'avoir des enfants.
4° Ceux qui, croyant se marier avec une personne, en auraient épousé une autre. Mais si, comme cela arrive trop souvent hélas ! on ne se trompe que sur les qualités, sur la fortune ou sur les vertus de la personne que l'on a épousée, le mariage est valide, et il n'y a là qu'un lamentable malheur et une croix de plus à porter.
5° Ceux qui n'auraient dit oui, devant le prêtre, que sous l'impression de la violence et d'une crainte telle qu'il n'y aurait pas eu de liberté dans le consentement.
Le consentement libre et véritable est en effet absolument nécessaire pour que l’on contracte validement.  
6° Celui qui, par violence, aurait enlevé, malgré elle, une fille ou une femme ; et cela, tant que dure cette violence ; et réciproquement.
7° Ceux qui sont déjà mariés et qui ne sont pas encore veufs.
8° Les sous-diacres, les diacres, les prêtres, les Évêques.  
9° Les Religieux et les Religieuses qui ont fait leur profession solennelle.  
10°  Les parents en ligne directe, à quelque degré que ce soit ; c'est-à-dire les pères et mères avec leurs enfants, petits-enfants, etc. En outre, les proches parents en ligne collatérale, jusqu'au quatrième degré ; c'est-à-dire les frères et sœurs, les oncles et tantes, les cousins germains et les cousines germaines.
11° Ceux qui ont contracté une parenté spirituelle à l'occasion du Baptême (ou de la Confirmation): c'est-à-dire les parrain et marraine d'une part et leur filleul on filleule de l'autre, et aussi les parrain et marraine d'une part et de l'autre les père et mère de leur filleul ou filleule. Ils ne peuvent se marier validement entre eux sans une dispense formelle de l'Église.  
12° Les parents en ligne directe de la femme ou du mari; par exemple un veuf ne peut contracter mariage avec sa belle-mère; une veuve, avec son beau-père. Eu ligne collatérale, on ne peut se marier sans une dispense, jusqu'au quatrième degré inclusivement. Ainsi, un beau-frère veuf ne peut épouser sa belle-sœur, sa nièce, sa petite-nièce, sa tante, ni sa grande tante; et réciproquement, pour une veuve.
13° Un veuf qui aurait tué, empoisonné sa femme, afin de pouvoir librement se marier ensuite avec une autre femme qui aurait été sa complice; et de même pour la veuve qui se serait rendu coupable du même crime.
14° Un catholique qui voudrait épouser une infidèle, une juive, une musulmane : et réciproquement.
15° Ceux qui ne se marieraient point on présence de leur curé (ou de leur Évêque. qui est le curé de tout le diocèse), ou bien sans nombre suffisant de témoins (deux ou trois). En effet, le premier prêtre venu ne peut pas recevoir les serments d'un époux et d'une épouse : il faut que ce soit le propre curé d'une des deux parties contractantes, ou bien son délégué.
Ces empêchements au mariage ne le rendent pas seulement illicite, c'est-à-dire défendu; ils le rendent de plus invalide, c'est-à-dire qu'ils empêchent absolument les deux parties de contracter d'une manière valide, et dès lors le contrat, c'est-à-dire l'union des deux volontés n'ayant point lieu, il n'y a point, il ne peut y avoir de sacrement de mariage : par conséquent pas de mariage du tout.
L'Église a reçu de DIEU le pouvoir de dispenser dans certains cas de ceux de ces empêchements qu'elle a elle-même établis dans le cours des siècles; mais pour ceux qui proviennent directement d'une institution divine, elle ne peut en dispenser.
Il y a une autre espèce d'empêchements au mariage, qui, si on passait outre, ne le rendraient point nul, mais illicite, et par conséquent coupable, gravement coupable.
C'est ce qu'on appelle « les empêchements prohibants. » On en compte cinq :
Le défaut de publication de bans. Le Concile de Trente, afin de donner aux mariages toute la publicité possible, a ordonné que, les trois dimanches qui précèdent la célébration d'un mariage, l'annonce publique en serait faite dans l'église paroissiale de chacun des futurs, à la Messe paroissiale, par le curé ou son vicaire. Pour des motifs sérieux, on peut obtenir de l'évêché la dispense de tout ou partie de ces bans ou publications ; mais il ne faut pas le demander à la légère, sans une vraie nécessité.  
Le défaut, de consentement des parents qui, d'après renseignement catholique, seul compétent en cette matière, ne pourrait invalider le mariage, mais le rendrait illicite et gravement coupable. Le Code civil, voulant surenchérir sur la moralité de l'Église de DIEU, déclare nul un mariage ainsi contracté sans le consentement des parents; mais cette loi est nulle de plein droit, au point de vue de la conscience et du droit véritable. Néanmoins, comme elle n'est point mauvaise en elle-même, les curés en tiennent compte, et, afin d'éviter des collisions inutiles, ils s'y conforment en pratique. 
 
 
La différence de religion. Si un catholique veut épouser une protestante ou une schismatique?, et réciproquement, il doit, sous peine de péché grave, en obtenir la permission de l'Évêque, lequel la donne au nom du Souverain-Pontife s'il n'y voit pas trop de dangers.  
Dans tout mariage mixte, quel qu'il soit, il faut que les deux parties s'engagent préalablement, devant le curé, par écrit et sous la loi du serment, à faire baptiser et élever dans la religion catholique tous les enfants, garçons et filles, qui pourront naître de ce mariage. En outre, la partie hérétique ou schismatique s'engage également à respecter pleinement la foi de la partie catholique et à lui laisser, à elle et aux enfants, toute liberté de pratiquer la religion catholique.
Le mariage serait absolument nul si l'on s'imaginait pouvoir remplacer la présence du curé par celle d'un ministre protestant quelconque ou d'un pope.  
Les temps prohibés. On ne peut, sans une dispense de l'Évêque, se marier, du moins avec les solennités ordinaires, pendant l'Avent, ni pendant le Carême.
Le vœu simple de chasteté perpétuelle, le voeu de se faire religieux ou de se faire prêtre. Pour contracter licitement mariage, il faudrait préalablement être dispensé de son voeu ou par le Pape ou par l’Évêque.  
Si les personnes qui doivent se marier craignaient d'être sous le coup d'un des empêchements que nous venons d'énumérer, elles n'auraient qu'à en parler à leur curé, lorsqu'elles vont le trouver pour la publication de leurs bans. Celui-ci ayant l'habitude de ces difficultés spéciales, arrangerait tout pour le mieux. 
 
IV
Du choix d'un époux ou d'une épouse.
 
Rien n'est plus grave. II y va du bonheur ou du malheur de toute la vie. Et ce choix est presque aussi difficile qu'important. 
 
 
C'est facile à concevoir. Sauf des cas très-rares, on s'épouse presque sans se connaître.
Avant le mariage, tout est parfait : le futur est un charmant jeune homme, gai, aimable, moral, animé des meilleurs sentiments, doué de mille qualités précieuses : il assurera certainement le bonheur de cette jeune fille! Quant à elle, (s'est un ange : caractère plein de grâce, qualités de fond, habitude d'ordre, esprit distingué ; rien n'y manque. A-t-il de la chance, dit-on, de tomber sur une femme comme cela !  
Les renseignements sont toujours excellents; on ne pardonnerait pas à l'indiscret qui se hasarderait à en donner de louches.  
Pour la question d'argent, on y regarde d'un peu plus près; mais là encore que de légèreté, et par conséquent que de déceptions !  
Si, un an après le mariage, les feuilles de rose de la demoiselle ont fait place à d'amers coquelicots, et le bleu de ciel du jeune homme à de ternes et désagréables nuances, à qui la faille? Presque toujours il la faut attribuer à l'inconséquence vraiment extraordinaire avec laquelle on a contracté le mariage.
Combien de fois n’épouse-t-on pas une jolie figure, au lieu d'épouser un bon cœur? un sac d'écus, une grosse dot, un titre, un nom, au lieu de vertus chrétiennes et éprouvées, au lieu de l’ordre, et en général de ce qu'un homme sérieux doit ou plutôt devrait rechercher avant tout dans la future compagne de toute sa vie ?  
Et il en est de même des filles : elles épousent une moustache bien frisée, une tournure élégante, et elles passent avec une légèreté effrayante sur les principes, sur l'éducation et les habitudes religieuses, sur les bonnes mœurs, sur le caractère, en un mot sur la vraie vie de l'homme auquel elles vont confier leur bonheur, je dirais presque leur conscience et leur salut; car un mari sans religion perd souvent sa femme, et, par dessus le marché, ses pauvres enfants.
Et cela est vrai dans tous les rangs de la société, en haut, comme en bas, comme au milieu.  
Après cela, comment s'étonner que tant de mariages tournent mal?  
Donc, voulez-vous être heureux en ménage, qui que vous soyez ? Commencez par bien choisir votre femme, votre mari. Mettez-y tout le temps convenable ; allez au fond des choses. Avant tout, cherchez un mari chrétien, solidement chrétien et pratiquant; un chrétien de la veille et de l'avant-veille. Il y en a encore, Dieu merci ! et plus qu'on ne croit. Sur ce chapitre, pas de concessions. Qui ne pratiquait pas avant, ne pratiquera guère après. L'expérience qui est là l’a prouvé mille fois. Il vaut bien mieux ne pas se marier que de se mal marier.
 
 
Ne consultez pas les premiers venus. Consoliez les gens sérieux, chrétiens, expérimentés; adressez-vous au curé de la personne qu'on vous présente, et priez-le de vous dire bien franchement, sous le sceau du secret, ce qu’il sait sur son compte, sur celui de ses parents, de sa fortune, etc. C'est le cas, ou jamais, de mettre en pratique la parole de la sainte Écriture : « Avant d'agir, allez demander conseil à un homme prudent; après, vous n'aurez point lieu de vous repentir. »  
Surtout dans les rangs de la classe ouvrière, cette légèreté dans le choix d'un époux ou d'une épouse atteint parfois des proportions inconcevables. J'ai connu un brave ouvrier fort honnête et fort bon, qui vint un jour m’annoncer qu'il allait se marier. Après les premières félicitations d'usage, je lui demandai s'il connaissait bien la jeune fille qui allait devenir sa femme. « Pas beaucoup, me répondit-il tranquillement; mais un de mes amis m'a dit que je ferais bien de l'épouser. — Est-elle agréable de visage? ajoutai-je. — Oh ! non, répondit-il; pour dire qu'elle est belle, elle n'est pas belle. — Elle est donc bien bonne, puisque vous la prenez malgré cela? — Je ne sais pas trop. J'espère que oui. — Comment! Êtes-vous sur du moins qu'elle a un bon caractère, qu'elle vous rendra heureux? — Ah! ma foi, je n'en sais trop rien. Elle ne m'a pas l'air commode. — Est-elle bien chrétienne? A-t-elle de bons parents? — Oh ! ça, je crois que non. Je n'en sais rien; mais je crois qu'elle n'est point dévote. — Et vous allez l'épouser comme cela, au hasard? — Mon DIEU, oui; mon camarade ma dit que je ferais bien. » Et, là-dessus, il s'est marié le surlendemain ! N'est-ce pas effrayant? 
V
 
Comment il faut se préparer chrétiennement au Mariage.
 
Le mariage étant avant tout un sacrement, la première préoccupation d'un chrétien doit être de s'y préparer dignement.  
Pour cela, il faut prier plus que d'habitude, demander au bon DIEU la grâce de bien recevoir un sacrement si important, d'où dépend toute la vie. Il faut demander à la Sainte-Vierge et à saint Joseph, Patrons de la famille chrétienne de bénir l'union qu'on va contracter. Il faut, sans remettre aux derniers jours, se confesser de tout son cœur, et faire une bonne communion la veille ou l’avant-veille du grand jour. D'ordinaire, les fiancés quelque peu chrétiens tâchent de communier ensemble, à côté l'un de l'autre, accompagnés, s'il se peut, de leurs proches parents et de quelques autres intimes.
D'après les règles et les anciens usages de l'Église, cette communion des deux époux devrait se faire à la messe même où leur est donnée la bénédiction nuptiale ; cela est indiqué expressément dans le Rituel. Néanmoins, les messes de mariage se célébrant ordinairement fort tard, à onze heures et même à midi, à cause de la mairie, ce bel usage est tombé en désuétude. On s'en rapproche le plus possible, par la communion de la veille dont nous venons de parler.  
Cependant il ne faut rien exagérer : tout excellente qu'est cette pratique de communier la veille ou l'avant-veille du mariage, elle n'est point de rigueur. Il ne faut pas la confondre avec la confession qui est obligatoire. Un curé à qui les deux parties contractantes ne présenteraient point le billet de confession attestant qu'elles se sont confessées toutes deux, ne pourrait pas passer outre sans manquer gravement à son devoir.  
Il y a des gens peu instruits et peu chrétiens qui s'imaginent qu'il suffit, pour être en règle avec le bon DIEU, d'aller dire quelques généralités à un prêtre, sans se préoccuper de se bien confesser, d'examiner sa conscience, de tout dire, de bien se repentir, et enfin de recevoir dignement l'absolution ; pourvu qu'ils tiennent leur billet de confession, ils pensent que tout est dit. Ils se trompent du tout au tout; et si, le lendemain, ils osent se présenter à l'autel dans cet état de péché mortel, au lieu de recevoir la grâce et les divines bénédictions du sacrement de Mariage, c'est la malédiction de DIEU qui descend sur leur tête, et ils se rendent coupables d'un véritable sacrilège.
Il faut donc de toute nécessité, pour recevoir chrétiennement le sacrement de Mariage, se confesser tout de bon, avec la préparation suffisante, recevoir la sainte absolution, et prendre la résolution bien sérieuse de vivre en bon chrétien, fidèle à la loi de DIEU et aux commandements de l’Église.
Les fêtes, les dîners qui accompagnent ordinairement les mariages et commencent même quelques jours auparavant sont parfaitement légitimes ; mais il y faut éviter tout excès, et ne pas perdre de vue le coté si grave, si religieux du Mariage, lequel est de beaucoup le principal.   
VI
 
Des droits exigés par l'Église à l'occasion du Mariage.
Un mot sur les dépenses occasionnées par le Mariage. Je ne parle pas de celles qu'entraîneront toujours plus ou moins la toilette, les repas, les cadeaux, la vanité, le plaisir : quoiqu'elles soient trop souvent exorbitantes, personne ne songe à s'en plaindre. Je parle des dépenses qui se font à l'église, et contre lesquelles on murmure parfois.  
Constatons d'abord que jamais ou n'est obligé de payer un sou pour recevoir le sacrement de Mariage. A ce point de vue, le Mariage est, comme le Baptême, essentiellement gratuit; et les plus pauvres ont ici le même droit que les plus riches. Ce que l’on paye, et à très juste titre, d'après des tarifs réglés par l'autorité diocésaine, d'après des tarifs dont Messieurs les Curés n'ont pas le droit de s'écarter, c'est ce que l’on pourrait appeler les pompes de la cérémonie nuptiale, lesquelles, je le répète, n'ajoutent rien au Mariage considéré en lui-même. 
Ainsi, pour plus de solennité et de grandeur, vous demandez « un mariage de première classe, » c'est-à-dire un mariage où l'église sera tendue de riches tapisseries, où le pavé sera couvert de beaux tapis, où l'autel resplendira de lumières, où l’on chantera, où l'on jouera de l'orgue, où l'on sonnera les cloches, où plusieurs prêtres assisteront le célébrant, etc., n'est-il pas tout simple que vous payiez tout cet apparat? Du moment que vous le pouvez, vous avez mille fois raison d'entourer de solennité et de pompe un des actes les plus importants de votre vie ; mais, enfin, vous êtes libre de le faire ou de ne le faire pas; cela n'est pas essentiel au grand sacrement que vous recevez, et les pauvres gens qui se marient sans tout cela sont aussi parfaitement mariés que vous.  
La seconde classe, paye moins que la première; la troisième, moins que la seconde, et ainsi de suite ; cela est tout naturel. A vous de choisir, suivant votre goût ou suivant les moyens de votre bourse.  
C'est entre les mains du prêtre que vous versez la somme réglée par le tarif; mais gardez-vous de croire que cet argent soit pour lui : il le touche au nom de la fabrique, c'est-à-dire au nom du conseil laïc qui administre les revenus de l'église. Ce qui lui en revient à lui- même est fort peu de chose et devient un des éléments de son casuel, espèce de traitement supplémentaire, souvent bien insignifiant, et sans lequel le prêtre ne pourrait pas suffire à son existence, quelque modeste qu'on la suppose.  
Et puis, n'oubliez pas que, dans les mariages quelque peu solennels, les règlements exigent la présence des vicaires de la paroisse, ainsi que celle d'un certain nombre d'employés. Or, n'est-il point naturel que tout ceci se paye et doive se payer? Sans compter l'entretien, plus coûteux qu'on ne pense, des tapis, des tentures, des meubles, etc., qui s'usent et qui, lorsqu'il faut les renouveler, entraînent des dépenses toujours considérables.
En comparaison des dépenses que l'on fait toujours si volontiers pour le repas de noces, la rétribution exigée pour la fabrique, pour le clergé et les employés de l'église est si peu de chose, qu'il faut être bien déraisonnable pour y trouver à redire. 
VII
 
De la célébration du Mariage. 
Le grand jour est arrivé. La mariée se fait aussi belle qu'elle peut; le marié se frise, se pare du peu de charmes qu'a toujours un homme. Tout le monde brille, éclate.  
Si l'on n'y a déjà été, on se rend à la mairie et de là à l'église, où le pauvre prêtre, à jeun, attend une bonne demi-heure. J'en ai vu qui n'étaient pas encore à l'autel à midi et demi, une heure moins un quart; ce qui est un véritable abus.  
Au pied de l'autel, avant la Messe, le curé, ou le prêtre délégué par lui, se tourne vers les deux parties contractantes, qui, agenouillées l'une auprès de l'autre, vont recevoir le grand sacrement. L'époux, la main droite dégantée, prend la main droite de l'épouse, qui a également enlevé son gant. Le prêtre leur demande successivement s'ils veulent se prendre mutuellement pour époux, pour épouse; et si tous deux répondent « Oui » (ce qu'il faut faire d'une voix claire et intelligible), ils sont mariés, unis pour toujours, et devant DIEU et devant les hommes.  
C'est à ce moment précis qu'ils reçoivent tous deux la grâce sacramentelle du Mariage, laquelle est répandue en leurs âmes par le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, afin de légitimer d'abord, puis de sanctifier leur union.  
Le prêtre qui reçoit ce double serment est ainsi constitué, par l'Église, le témoin officiel et nécessaire du Mariage ; mais il n'en est pas le ministre proprement dit. Les bénédictions solennelles et les prières qu'il ajoute, n'empêchent pas les deux époux, et eux seuls, de se conférer mutuellement, si on peut parler ainsi, le sacrement et sa grâce. Au fond, cela revient au même, puisque le consentement mutuel n'est valide que si le curé est là présent pour le recevoir au nom de DIEU et de l'Église.
Immédiatement après le Mariage, le prêtre bénit un anneau d'or (ou d'argent) qu'il remet à l'époux ; et celui-ci le passe au doigt annulaire (le quatrième) de la main gauche de sa nouvelle compagne. Cet anneau représente l'autorité du mari, a qui la femme devra désormais obéir, et qui la tient enchaînée pour toujours au joug, souvent bien lourd, du Mariage. L'époux ne reçoit point d'anneau de l'épouse, parce que, malgré son union irrévocable avec elle, il ne lui est point soumis et ne lui doit point obéissance.  
La Messe commence ensuite, pendant laquelle il est malheureusement d'usage de se tenir fort mal. On cause, on se dissipe, comme si l'on n'était pas devant DIEU. Quand nous assistons à un mariage, nous devrions bien, nous autres chrétiens véritables, réformer cet abus, sinon par la parole, du moins par la protestation de l'exemple.
Après la, Messe, on se rend à la sacristie pour signer l'acte, avec le, prêtre et les témoins, et la cérémonie du Mariage est terminée.  
Après une si grande action, il faut bien veiller sur son cœur, et ne pas se dissiper follement, comme le font ceux qui n'ont point de foi. La gravité, la paix, la sérénité, doivent faire le fond des fêtes chrétiennes ; et les joies qui les accompagnent tout naturellement doivent se ressentir de la présence de DIEU dans les cœurs.
C'est un véritable abus que de faire, le jour des noces, comme on dit vulgairement, « de la nuit le jour ». Il est impossible que des désordres plus un moins graves ne soient point la conséquence d'un pareil excès, surtout si on s'y livre à certains jeux, plus ou moins inconvenants, que se permettent ordinairement les gens mal élevés.  
Il y avait jadis, et cette sainte coutume tend heureusement à renaître, un usage bien touchant, auquel l'Église invitait les familles chrétiennes et auquel elle présidait elle-même, en la personne du curé. Dans un moment quelconque de l'après-midi ou bien dans la soirée, le prêtre, revêtu du surplis et de l'étole blanche, était conduit par les deux nouveaux époux, leurs pères et mères et leurs proches parents dans la chambre nuptiale. Là, tous s'agenouillaient, et le ministre de DIEU: bénissait solennellement le lit nuptial, priant Notre-Seigneur JÉSUS-GIIRIST de féconder l'union des deux époux et de bénir en leur personne les enfants qui viendraient à naître de leur saint mariage. 
VIII
 
Des obligations et devoirs mutuels des époux.
 
 
I. Le devoir conjugal. — Le premier devoir qui incombe aux époux après leur mariage est ce qu'on appelle spécialement le devoir conjugal sur lequel il serait peu convenable de s'étendre ici, et qui a pour but direct la multiplication du genre humain, et par conséquent de l'Église, sur la terre d'abord, puis dans le Ciel. C'est au confesseur qu'il appartient de résoudre les cas de conscience qui pourraient embarrasser sur ce point les nouveaux époux.
II. La fidélité conjugale. — Le second devoir, conséquence du premier, est la fidélité conjugale la plus entière. Le péché qui viole cette fidélité est un crime puni même par les lois humaines, et qui introduit le désordre le plus affreux jusqu'au sein de la famille. L'adultère est un sacrilège; car il viole le sacrement de Mariage et l'union qui en découle; c'est en outre un crime contre la justice; car la femme mariée appartient tout entière à son époux, et réciproquement.  
III. La concorde et l’amour mutuel. — Le troisième devoir, c'est l'union, la concorde et l’amour mutuel. Cet amour conjugal doit être un amour tendre, chaste et pur. Il est comme l'âme du mariage. Sans lui, la vie commune est une espèce d'enfer. Aussi, dans l'intérêt de leur propre bonheur, non moins que dans l'intérêt de leur conscience, les maris et les femmes doivent-ils veiller de très près à ne pas perdre ce trésor. Hélas! il est fragile; et bien souvent, semblable à un beau vase de cristal ; quand il est brisé, on ne peut plus le réparer.
En pratique, c'est le mauvais caractère qui est l'ennemi le plus dangereux de l’amour conjugal, et par conséquent du bonheur domestique. Il y a des hommes fort religieux d'ailleurs, qui n'y font pas assez attention : dans leur intérieur, ils se laissent aller aux impatiences, aux brusqueries; ils s'abandonnent d'une manière désolante aux caprices de leur humeur; ils sont grognons, sans délicatesse et sans égards pour leur compagne, qui n'en peut mais; qui, lorsqu'elle est seule, pleure plus souvent qu'elle ne rit ; et cependant ils ont fait le serment de la rendre heureuse.
Il y a incroyablement peu de maris aimables ; comme il faut bien le reconnaître, il y a extrêmement peu de femmes sensées et raisonnables. Néanmoins, dix-sept fois sur vingt (ce n'est pas trop dire), la perte du bonheur domestique, vient des procédés et des manques d'égards du mari.  
Au contraire, la bonté, l'amabilité du mari est presque toujours récompensée par les joies les plus pures du bonheur domestique. Une dame qui avait eu le malheur de perdre son mari après douze années de la plus tendre union, disait un jour, dans l’épanchement de l'intimité, à l'un de ses fils, alors sur le point de se marier, et qui me le répétait lui-même : « Mon enfant, si tu veux être heureux dans ton intérieur, sois toujours, toujours plein de bontés et de délicatesses pour ta femme. Quand j'étais jeune, on s'étonnait parfois de me voir préférer invariablement mon chez moi et la compagnie de ton pauvre père aux sociétés les plus charmantes. Hélas! je n'y avais pas grand mérite : nulle part je ne trouvais un homme qui fut aussi aimable que ton père; nulle part je n'en trouvais qui m'entourât de plus de soins. »  
Les devoirs de la femme ne sont pas de moindre importance pour le bonheur commun.  
Les femmes doivent être soumises à leurs époux; soumises, non comme des esclaves, mais comme des compagnes, des compagnes aimantes et aimées. La femme est naturellement assez patiente, et la femme pieuse l'est grandement. Or, c'est avec son mari tout d'abord qu'elle doit être patiente, patiente et douce, indulgente, affectueuse, adroite, pour tourner les difficultés, pour prévenir ou apaiser les orages. Il est indispensable quelle se fasse respecter, estimer de lui par la solidité de ses vertus domestiques, par la pratique de toutes les belles et bonnes vertus chrétiennes qui constituent la véritable piété. Qu'elle n'oublie jamais ce que dit l'Apôtre saint Paul : « La piété est utile à tout; elle a les promesses de la vie présente, non moins que celles de la vie à venir. » 
A ce point de vue spécial, je conseillerais à tout mari, à toute femme, qui tient à conserver l'amour mutuel et le bonheur du foyer domestique, de faire ensemble leurs prières du matin et du soir, tous les jours, de sanctifier tout de bon leur dimanche ensemble, par l'assiduité aux Offices do leur paroisse, et de ne jamais demeurer longtemps sans recourir aux sacrements, lesquels sont la source la plus puissante et la plus excellente de la bonne et solide piété.  
Je me suis étendu à dessein sur ce troisième devoir des gens mariés, à cause de son importance exceptionnelle. Après dix ans de mariage, au premier couple venu demandez ce qu'il en pense, et si j'ai raison.  
IV. La cohabitation, et la vie commune. — La quatrième et dernière obligation mutuelle des époux, c'est la cohabitation ou demeure commune.  
En se mariant, l'époux et l'épouse contractent l'obligation de vivre ensemble, afin de se soutenir mutuellement dans le chemin de la vie de se soulager dans leurs épreuves, de se consoler dans leurs peines. 
Cette loi est d'institution divine, «  L'homme, dit le Seigneur lui-même, en unissant et en bénissant Adam et Ève et en instituant le Mariage, l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, » Une fois consommé, le mariage des chrétiens ne peut être dissous que par la mort. Ceci est de foi, de foi révélée et définie. 
Ici encore le Gode civil français foulait aux pieds les droits de DIEU et les lois de son Église lorsqu'il tentait de ressusciter l'institution païenne du divorce, et il usurpe encore aujourd'hui une juridiction qui ne lui appartient pas, lorsqu'il prétend déterminer, en dehors de l'Église et par son autorité propre, les causes qui légitiment la séparation des époux.  
Il a été cependant défini par le Concile de Trente, contre les novateurs protestants, qu'il y a plusieurs causes de séparation légitime entre les époux. Les voici :  
1° La première et principale cause qui légitime la séparation de deux époux, c'est le crime d'adultère.
2° C'est ensuite les mauvais traitements, sévices et injures graves de l'une des parties. Mais il est bien entendu, de même que pour le cas précédent, que la partie innocente seule a le droit de prendre l'initiative de la séparation.  
3° Le cas où le mari, faisant profession d'hérésie ouverte ou d'impiété active, ou de grave immoralité, s'efforcerait d'altérer la foi ou les mœurs de son épouse.
4° La quatrième cause est la crainte fondée pour une malheureuse femme d'être impliquée dans les crimes, quels qu'ils soient, d'un mari coupable.
5° La. violence d'un des conjoints, lorsqu'elle est poussée à un tel point qu'il y a pour l'autre des dangers sérieux à courir.
6° Enfin, un motif aussi honorable que rare, qui peut légitimer la séparation de deux époux chrétiens, c'est le désir d'un état de vie plus parfait, qui les pousse tous deux d'un commun accord à quitter le monde pour embrasser la vie religieuse, ou entrer dans le sacerdoce. Mais alors il faut, ou que l'un et l'autre fassent profession solennelle dans un Ordre monastique; ou bien, si l'époux se contente de se faire prêtre, il faut que l'épouse soit dans un âge ou dans des conditions telles, qu'elle puisse, sans le moindre danger, faire voeu de continence perpétuelle, en vivant dans le monde. 
En dehors de ces six causes, il est interdit aux époux, sous peine de forfaire à leur devoir, de secouer le joug de la vie commune et de se séparer l'un de l'autre. C'est quelquefois bien dur; mais avec le secours de DIEU, que l'on peut toujours aller puiser dans la prière, dans les sacrements et dans la piété, tout devient possible.  
IX
 
Obligations des pères et mères. 
Sans vouloir faire un traité sur cette très importante matière, rappelons simplement aux personnes qui vont se marier que si DIEU, dans sa Providence daigne les choisir pour leur donner des enfants, pour donner de nouveaux chrétiens à son Église, de nouveaux citoyens à la patrie, ils doivent l'en remercier avec amour comme d'un honneur de premier ordre, au lieu de murmurer, de faire de honteux calculs, comme il arrive trop souvent dans des ménages, trop peu chrétiens, indignes de l'honneur de la paternité et de la maternité.  
Dans les pays de foi, les familles sont ordinairement nombreuses, et l'on y est notablement plus heureux. La diminution effrayante des nombreuses familles est une des plaies de notre société déchristianisée, démoralisée par la débauche et par un matérialisme égoïste et maudit de DIEU. Il y a tel et tel département où, depuis quatorze ou quinze ans, le chiffre de la population baisse d'environ trois mille habitants chaque année ! Et, notez le bien, ces terres infécondes sont toujours celles où la Religion a perdu davantage sa noble et bienheureuse influence.
 
Ceci étant bien établi, voici l'ensemble des obligations des père et mère à 1’égard de leurs obligations.
1. En se mariant, un époux et une épouse doivent rejeter loin d'eux les pensées méprisables, auxquelles nous venons de faire allusion, et prier DIEU de féconder leur union. Les enfants sont et seront toujours la joie et la couronne des parents.
2. Dans la plupart des diocèses, il est commandé, sous peine de péché grave, de faire baptiser les enfants nouveau-nés dans l'espace de trois jours après leur naissance. Dans certains pays très chrétiens, le Baptême suit presque immédiatement la naissance, à moins d'empêchement grave; et l'on a soin de donner à ces enfants des noms de Saints, et non pas de ces absurdes noms de fantaisie, qui ne sont propres qu'à témoigner du peu de bon sens des parents.  
3. Ce n'est pas une obligation proprement dite pour une mère de nourrir elle-même ses enfants; mais, si elle le peut, elle ne saurait faire rien de mieux, de plus utile pour elle et pour le vrai bien physique et moral de sa famille.  
Si elle est obligée de faire nourrir son enfant par une autre femme, qu'elle la choisisse avec un soin extrême, non seulement au point de vue de la santé, mais encore au point de vue des mœurs. Les nourrices sans conscience, comme il y en tant, sont plus souvent qu'on ne pense la cause, volontaire ou non, des maladies et de la mort d'une quantité de pauvres petits enfants. Une statistique effrayante a été faite à cet égard, par la faculté de Médecine, et l’on a constaté, les chiffres en main, que dans plusieurs départements, entre autres dans tous ceux qui se rapprochent de Paris, le nombre des enfants en nourrice qui meurent avant un an, s'élève à cinquante, soixante, et en certains endroits à plus de quatre-vingts pour cent! Il y a donc là un devoir de conscience de premier ordre pour la mère et le père.  
Ils veilleront également, et par eux-mêmes, à ce que les nourrices n'allaitent point leur enfant étant couchées. Cela est défendu par l'Église sous peine de péché grave. Maintes fois on a trouvé le pauvre enfant étouffé sous le poids de sa nourrice endormie.  
4. Les père et mère doivent former, dès le bas âge, le cœur de leurs enfants à la connaissance et à l'amour du bon DIEU. Avant que ces bons petits ne soient capables de comprendre sérieusement les choses de la Religion, leurs parents doivent leur en donner les charmantes petites habitudes. C'est le père, et plus encore la mère, qui est le premier prêtre, le premier directeur de ses enfants, leur apprenant à faire le signe de la croix, à envoyer de petits baisers au crucifix, à l’Enfant-Jésus, à la Très-Sainte Vierge; à faire leurs petites prières matin et soir, et, un peu plus tard, a ne pas aller jouer avec de mauvais enfants, capables d'altérer la pureté de leur innocence. 
 
 
5. Des parents chrétiens et craignant DIEU, se tiendront en garde contre une tendance de plus en plus générale en notre siècle, qui est de « gâter » leurs enfants. La galerie n'est point de la tendresse, c'est de la faiblesse. C'est une maladie maternelle, quelquefois même paternelle, qui commence souvent de bien bonne heure. Les pauvres « enfants gâtés » eu sont les premières victimes; et un jour viendra où ils maudiront cette faiblesse déplorable. Il faut aimer ses enfants pour eux-mêmes, et non pas pour soi. La conscience chrétienne est le principal remède de la gâterie, laquelle consiste au fond à laisser faire à l'enfant ce qui lui plaît, sans s'inquiéter si c'est bien ou mal, si c'est conforme ou contraire à la sainte volonté de DIEU.
Je signalerai ici la mauvaise habitude, si peu respectueuse et si générale, de se laisser tutoyer par ses enfants. Des parents consciencieux seront inflexibles sur ce point et sauront, pour l'amour de leur enfant, le réprimer, et même le punir quand il le faudra. « Celui qui aime bien, châtie bien, » dit l'Écriture sainte.
6. Le père et la mère doivent préparer de loin leurs enfants à suivre le catéchisme, à respecter les choses saintes, en particulier les églises et les prêtres; et ils doivent aider de tout leur pouvoir les efforts du catéchiste, du confesseur, du curé, pour former à la vie chrétienne l'esprit et le cœur de l'enfant que DIEU leur a donné.
 
 
7. Ils sont tenus en conscience à n'envoyer leurs enfants, autant que cela dépend d'eux, que dans des écoles ou des pensionnats sérieusement chrétiens. La Religion est souvent dans le prospectus, et ne va pas plus loin. Que les pères et mères n'oublient pas que c'est ici l'un de leurs plus difficiles devoirs. Ils pécheraient gravement et seraient indignes de l'absolution, s'ils mettaient à la légère leur enfant dans ces soi-disant maisons d'éducation laïques (comme il y en a tant), où il serait exposé à perdre peu à peu sa foi et ses mœurs. Les parents ont charge d'âmes aussi réellement que les curés, et ils répondront devant DIEU de la perte de leurs enfants, s’ils ont le malheur d'y concourir, soit positivement, soit même négativement. Ils sont tenus à en faire de bons et vrais catholiques dans la mesure où cela leur est possible.
8. Ils devront donner à leurs enfants la double prédication de la parole et de l'exemple. La parole est bien peu, quand l'exemple fait défaut. Surtout au point de vue des habitudes religieuses, de la prière, de la sanctification du dimanche, de l'observation des lois de l'Église, de la fréquentation des sacrements, ce point est essentiel.
 
9. Ils écarteront de leur maison les amis, les connaissances qui pourraient nuire moralement à leurs fils, à leurs filles; ils veilleront à ne pas laisser entrer chez eux des journaux ni des livres dangereux ; et n'y toléreront pas plus des serviteurs ou servantes, des maîtres ou maîtresses d'une foi ou d'une moralité suspecte.
10. Enfin, les pères et mères vraiment dignes de leur sainte mission, s'efforceront toute leur vie de faire du bien, surtout du bien religieux, à ceux qui leur doivent le jour. Ils vivront de manière à se faire respecter et aimer d'eux, à maintenir de leur mieux l'union de la famille, et à pouvoir espérer légitimement d'être un jour réunis avec eux dans la patrie bienheureuse.
Il y aurait encore bien des choses utiles à dire sur ce grave sujet du mariage chrétien. Le peu que nous venons de résumer ici suffira pour attirer l'attention des gens de bonne volonté, et les aidera, nous en avons l'espoir, d'abord à entrer plus chrétiennement dans un genre de vie hérissé de tant de difficultés, à s'y comporter toujours dignement, et à y trouver les douces bénédictions que le bon DIEU y a semées, comme de belles roses au milieu des épines.