BUT DE CET
OPUSCULE
C'est tout simplement un petit résumé de la doctrine
catholique touchant le Mariage.
L'ignorance sur cette matière si grave et si délicate est
à l'ordre du jour. Et c'est malheureusement tout simple : aux catéchismesr on ne
peut entrer dans aucun détail sur le Mariage ; on ferait rire tous les enfants.
En chaire, c'est presque aussi difficile ; et quantité de gens s'en
choqueraient à tort ou à raison.
La plupart des gens arrivent donc à l'époque du
mariage, sans notions précises sur un sujet qu'ils devraient cependant
connaître à fond.
Tel est donc le but très simple de ce modeste travail.
Il m'a été demandé par plusieurs prêtres, plus
particulièrement désolés de voir les trois-quarts des gens se présenter à
eux pour contracter mariage sans avoir la plus légère notion de ce
grand Sacrement.
A ce titre, j'ose recommander ces quelques pages au zèle
pastoral de MM. les curés, qui pourront les offrir très-utilement à leurs
paroissiens lorsqu'on viendra s'adresser à eux à l'occasion de la publication
des bans.
Dût-il ne servir qu'à un petit nombre de fidèles, je me
croirais encore amplement récompensé.
Je prie la Sainte-Vierge et saint Joseph, Protecteurs de
la famille chrétienne, de le bénir et d'en bénir tous les lecteurs.
Sainte-Anne
d'Auray, 8 septembre 1877.
En la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge.
LE
MARIAGE
I. Vraie notion
du Mariage.
Le Mariage est l'union légitime de l'homme et de la
femme.
Le Mariage est d'institution divine. Il remonte aux jours mêmes de la création
de l'homme, à qui Dieu donna une compagne, d'abord pour multiplier par lui le
genre humain, puis pour le rendre heureux par une société si intime, si douce
et si pleine de charmes.
Dès l'origine, le Mariage fui un contrat sacré, essentiellement
religieux, béni solennellement par le Seigneur Lui-même qui en était l'auteur.
Dans tous les temps, partout et toujours, le Mariage a été considéré comme un
grand acte religieux, très-solennel, et on l’a entouré de rites sacrés, de bénédictions
et de fêtes.
Lorsque le Fils éternel de Dieu, Notre-Seigneur
Jésus-Christ, se manifesta aux hommes pour les sauver et les sanctifier,
il éleva le Mariage à la dignité d'un sacrement, c’est-à-dire d'une source de
grâces où les chrétiens qui embrasseraient ce genre de vie trouveraient
des grâces, des secours très efficaces pour y vivre saintement et y
accomplir plus facilement tons leurs devoirs.
Depuis lors, il n'y a plus pour nous, dans le Mariage, un
contrat d'un côté, et de l'autre un sacrement : le contrat même est devenu le sacrement,
il n'est pas anéanti : loin de là; il est surnaturalisé, il est élevé, par la
toute-puissance de JÉSUS-CHRIST, à une dignité divine, à la dignité de
sacrement. Dans le Mariage chrétien, le sacrement absorbe pour ainsi dire le
contrat.
Il n'est
plus qu'un sacrement sous la forme d'un contrat.
Il est de foi que, pour les chrétiens, le Mariage est un des sept Sacrements
institués par Notre-Seigneur Jésus- Christ
pour nous sanctifier; et que, pour eux, il n'y a d'autre Mariage
véritable et légitime que le sacrement de Mariage. Ceci est défini par le saint
Concile de Trente, comme faisant partie de la révélation et de la doctrine
catholique.
II
Ce qu'il faut
entendre par le mariage civil.
Quantité de gens peu ou point instruits s'imaginent que
le mariage civil, conclu devant le maire, avec les formalités marquées dans le
Code civil, est le vrai mariage; et qu'on ne se présente à l'église, en sortant de la mairie, que pour faire
bénir son mariage déjà conclu.
Presque tout le monde croit cela, surtout dans les
villes. Sur cent couples, je gagerais qu'il y en a plus de quatre-vingts qui en sont fermement convaincus; et, sur cent maires, il y en a
près de cent qui s'étonneront grandement de ce que je vais dire.
Il est de FOI qu'en sortant de la mairie, quelles que
puissent être la majesté et l'amabilité de
M. le maire ou de
M. l'adjoint, on n'est pas plus marié qu'en y entrant. J'ai connu un maire,
grand homme de bien et homme d'esprit, qui, après avoir accompli toutes les
formalités prescrites par le Code, disait gaiement aux époux et à la noce : «
Et maintenant, mes amis, allez à l'église et mariez-vous. »
Dans un État bien organisé, rien de plus naturel sans
doute que la prescription sérieuse de certaines formalités civiles et
publiques, destinées à déterminer très nettement la condition de chacun des
citoyens; par conséquent de constater vis-à-vis de tous leur mariage, avec sa
date précise, le nom des témoins, la signature de tous, etc.
Mais, entre l'exécution de ces formalités civiles, qui
constatent le mariage, et la formation réelle, légitime, irrévocable du lien conjugal,
qui unit pour toujours, en conscience et devant DIEU, un homme et une femme, il
y a un abime. Or, c'est de cet abîme que n'ont point tenu compte nos
législateurs, parce que, dominés par l'esprit révolutionnaire, ils ont écarté
systématiquement de nos lois toute pensée chrétienne, toute idée de foi, et ont
prétendu soustraire le mariage, la famille et la société tout entière, à la loi
souveraine de DIEU et aux enseignements de l'Église de DIEU.
Seulement, comme l'homme ne peut anéantir ce que DIEU a
fait, institué et réglé, le Mariage demeure, pour les chrétiens de France comme
pour tous les chrétiens du monde, ce qu'il est devant DIEU et ce que DIEU l’a
fait en réalité, c'est-à-dire un sacrement. Par conséquent, en France comme à
Rome, comme partout ailleurs, un chrétien, un baptisé qui ne reçoit pas le
sacrement du Mariage, n'est point marié, quoi que puissent dire toutes les
lois, tous les codes, tous les maires, et même tous les adjoints.
Donc ce qu'on est convenu d'appeler chez nous le mariage
civil n'est pas le moins du monde le Mariage. C'est tout simplement une
formalité de mairie, un enregistrement à qui l'on donne une solennité fort
étrange, et dont l’unique résultat est, lorsqu'on est véritablement marié,
c'est-à-dire marié à l'église, d'assurer à ce mariage tous ses effets civils:
légitimité des enfants qui en naîtront, droits de succession, etc.
Je le sais, ces effets civils du mariage sont d'une
importance majeure ; mais enfin, ils ne sont point le Mariage lui-même; et il
demeure avéré que monsieur le Maire, avec son Code et son écharpe, ne peut pas
davantage marier un citoyen et une citoyenne baptisés, qu'il ne peut, en place
du curé, célébrer la Messe, ni consacrer le pain et le vin au Corps et au Sang
du Seigneur.
C'est uniquement afin d'éviter les rixes entre l’autorité
spirituelle et le pouvoir civil que l'Église, qui est bonne et pacifique
lorsqu'elle peut l'être sans sacrifier le droit, défend à ses ministres, sauf
des cas tout à fait extraordinaires, de procéder à la célébration d'un mariage
avant que les deux parties contractantes n'aient rempli préalablement les
formalités de la mairie.
Avant la Révolution, l’état-civil de chaque
Français était réglé par les registres de la paroisse, sous la haute
surveillance des Évêques. C'était bien plus simple et tout aussi régulier. II
sera très facile au premier gouvernement sérieusement chrétien que le bon DIEU
daignera donner à la France de tout arranger pour le mieux. Il suffira de
changer quelques mots aux articles du Code, et de déclarer que l'inscription
sur les registres de la municipalité n'aura son effet que si elle est suivie du
mariage devant le ministre de la religion ; la déclaration du susdit mariage
serait obligatoire dans les trois jours, sous peine d'une amende ou de quelque
autre pénalité très-grave. — Quoi de plus simple? quoi de plus facile à
réaliser?
III
De ceux dont le
mariage serait nul devant DIEU.
Ce sont:
1° Les fous, tout à fait fous; ils ne peuvent se marier
validement.
2° Les enfants, c'est-à-dire les
jeunes gens et les jeunes filles qui n'ont pas atteint l'âge fixé par l'Église:
quatorze ans révolus pour les garçons; douze ans révolus pour les filles. — En
France, le Code civil parle de dix-huit ans et de quinze ans révolus; mais
c'est là un règlement qui n'oblige point la conscience, parce que le pouvoir
civil n'a pas reçu de DIEU la compétence nécessaire pour déterminer ce qui,
chez les chrétiens, rend le mariage valide ou nul, permis ou défendu.
L'Eglise seule a reçu de DIEU ce pouvoir. Ceci est de foi
catholique, défini par le Concile de Trente contre les protestants et par le
Saint-Siège contre les jansénistes et les césariens. Cependant cette
disposition du Code civil n'ayant eu elle-même rien de déraisonnable dans nos
climats, nos Évoques et nos prêtres s'y conforment pour éviter des conflits
dont les suites pourraient être extrêmement graves à tous les points de vue.
3° Ceux que certaines infirmités privent de la
possibilité d'avoir des enfants.
4° Ceux qui, croyant se marier avec une personne, en auraient
épousé une autre. Mais si, comme cela arrive trop souvent hélas ! on ne se
trompe que sur les qualités, sur la fortune ou sur les vertus de la personne
que l'on a épousée, le mariage est valide, et il n'y a là qu'un lamentable
malheur et une croix de plus à porter.
5° Ceux qui n'auraient dit oui, devant le prêtre,
que sous l'impression de la violence et d'une crainte telle qu'il n'y aurait
pas eu de liberté dans le consentement.
Le consentement libre et véritable est en effet
absolument nécessaire pour que l’on contracte validement.
6° Celui qui, par violence, aurait enlevé, malgré elle,
une fille ou une femme ; et cela, tant que dure cette violence ; et
réciproquement.
7° Ceux qui sont déjà mariés et qui ne sont pas encore
veufs.
8° Les sous-diacres, les diacres, les prêtres, les
Évêques.
9° Les Religieux et les Religieuses qui ont fait leur
profession solennelle.
10° Les parents en
ligne directe, à quelque degré que ce soit ; c'est-à-dire les pères et mères
avec leurs enfants, petits-enfants, etc. En outre, les proches parents en ligne
collatérale, jusqu'au quatrième degré ; c'est-à-dire les frères et sœurs, les
oncles et tantes, les cousins germains et les cousines germaines.
11° Ceux qui ont contracté une parenté spirituelle à
l'occasion du Baptême (ou de la Confirmation): c'est-à-dire les parrain et
marraine d'une part et leur filleul on filleule de l'autre, et aussi les
parrain et marraine d'une part et de l'autre les père et mère de leur filleul
ou filleule. Ils ne peuvent se marier validement entre eux sans une dispense
formelle de l'Église.
12° Les parents en ligne directe de la femme ou du mari;
par exemple un veuf ne peut contracter mariage avec sa belle-mère; une veuve,
avec son beau-père. Eu ligne collatérale, on ne peut se marier sans une
dispense, jusqu'au quatrième degré inclusivement. Ainsi, un beau-frère veuf ne
peut épouser sa belle-sœur, sa nièce, sa petite-nièce, sa tante, ni sa grande
tante; et réciproquement, pour une veuve.
13° Un veuf qui aurait tué, empoisonné sa femme, afin de
pouvoir librement se marier ensuite avec une autre femme qui aurait été sa
complice; et de même pour la veuve qui se serait rendu coupable du même crime.
14° Un catholique qui voudrait épouser une infidèle, une
juive, une musulmane : et réciproquement.
15° Ceux qui ne se marieraient point on présence de leur
curé (ou de leur Évêque. qui est le curé de tout le diocèse), ou bien sans
nombre suffisant de témoins (deux ou trois). En effet, le premier prêtre venu
ne peut pas recevoir les serments d'un époux et d'une épouse : il faut que ce
soit le propre curé d'une des deux parties contractantes, ou bien son délégué.
Ces empêchements au mariage ne le rendent pas
seulement illicite, c'est-à-dire défendu; ils le rendent de plus invalide,
c'est-à-dire qu'ils empêchent absolument les deux parties de contracter
d'une manière valide, et dès lors le contrat, c'est-à-dire l'union des deux
volontés n'ayant point lieu, il n'y a point, il ne peut y avoir de sacrement de
mariage : par conséquent pas de mariage du tout.
L'Église a reçu de DIEU le pouvoir de dispenser dans
certains cas de ceux de ces empêchements qu'elle a elle-même établis dans le
cours des siècles; mais pour ceux qui proviennent directement d'une institution
divine, elle ne peut en dispenser.
Il y a une autre espèce d'empêchements au mariage, qui,
si on passait outre, ne le rendraient point nul, mais illicite, et
par conséquent coupable, gravement coupable.
C'est ce qu'on appelle « les empêchements prohibants.
» On en compte cinq :
1° Le défaut de publication de bans. Le Concile de
Trente, afin de donner aux mariages toute la publicité possible, a ordonné que,
les trois dimanches qui précèdent la célébration d'un mariage, l'annonce
publique en serait faite dans l'église paroissiale de chacun des futurs, à la
Messe paroissiale, par le curé ou son vicaire. Pour des motifs sérieux, on peut
obtenir de l'évêché la dispense de tout ou partie de ces bans ou publications ;
mais il ne faut pas le demander à la légère, sans une vraie nécessité.
2° Le défaut, de consentement des parents qui,
d'après renseignement catholique, seul compétent en cette matière, ne pourrait
invalider le mariage, mais le rendrait illicite et gravement coupable. Le Code
civil, voulant surenchérir sur la moralité de l'Église de DIEU, déclare nul un
mariage ainsi contracté sans le consentement des parents; mais cette loi est
nulle de plein droit, au point de vue de la conscience et du droit véritable.
Néanmoins, comme elle n'est point mauvaise en elle-même, les curés en tiennent
compte, et, afin d'éviter des collisions inutiles, ils s'y conforment en
pratique.
3° La différence de religion. Si un catholique
veut épouser une protestante ou une schismatique?, et réciproquement, il doit,
sous peine de péché grave, en obtenir la permission de l'Évêque, lequel la
donne au nom du Souverain-Pontife s'il n'y voit pas trop de dangers.
Dans tout mariage mixte, quel qu'il soit, il faut
que les deux parties s'engagent préalablement, devant le curé, par écrit et
sous la loi du serment, à faire baptiser et élever dans la religion
catholique tous les enfants, garçons et filles, qui pourront naître de
ce mariage. En outre, la partie hérétique ou schismatique s'engage également à
respecter pleinement la foi de la partie catholique et à lui laisser, à elle et
aux enfants, toute liberté de pratiquer la religion catholique.
Le mariage serait absolument nul si l'on s'imaginait
pouvoir remplacer la présence du curé par celle d'un ministre protestant
quelconque ou d'un pope.
4° Les temps prohibés. On ne peut, sans une
dispense de l'Évêque, se marier, du moins avec les solennités ordinaires,
pendant l'Avent, ni pendant le Carême.
5° Le vœu simple de chasteté perpétuelle, le voeu de
se faire religieux ou de se faire prêtre. Pour contracter licitement
mariage, il faudrait préalablement être dispensé de son voeu ou par le Pape ou
par l’Évêque.
Si les personnes qui doivent se marier craignaient d'être
sous le coup d'un des empêchements que nous venons d'énumérer, elles n'auraient
qu'à en parler à leur curé, lorsqu'elles vont le trouver pour la publication de
leurs bans. Celui-ci ayant l'habitude de ces difficultés spéciales, arrangerait
tout pour le mieux.
IV
Du choix d'un
époux ou d'une épouse.
Rien n'est plus grave. II y va du bonheur ou du malheur de toute la vie. Et ce choix est
presque aussi difficile qu'important.
C'est facile à concevoir. Sauf des cas très-rares, on
s'épouse presque sans se connaître.
Avant le mariage, tout est parfait : le futur est un
charmant jeune homme, gai, aimable, moral, animé des meilleurs sentiments, doué
de mille qualités précieuses : il assurera certainement le bonheur de
cette jeune fille! Quant à elle, (s'est un ange : caractère plein de grâce,
qualités de fond, habitude d'ordre, esprit distingué ; rien n'y manque. A-t-il
de la chance, dit-on, de tomber sur une femme comme cela !
Les renseignements sont toujours excellents; on ne
pardonnerait pas à l'indiscret qui se hasarderait à en donner de louches.
Pour la question d'argent, on y regarde d'un peu plus
près; mais là encore que de légèreté, et par conséquent que de déceptions !
Si, un an après le mariage, les feuilles de rose de la
demoiselle ont fait place à d'amers coquelicots, et le bleu de ciel du jeune
homme à de ternes et désagréables nuances, à qui la faille? Presque toujours il
la faut attribuer à l'inconséquence vraiment extraordinaire avec laquelle on a
contracté le mariage.
Combien de fois n’épouse-t-on pas une jolie figure, au
lieu d'épouser un bon cœur? un sac d'écus, une grosse dot, un titre, un nom, au
lieu de vertus chrétiennes et éprouvées, au lieu de l’ordre, et en général de
ce qu'un homme sérieux doit ou plutôt devrait rechercher avant tout dans la
future compagne de toute sa vie ?
Et il en est de même des filles : elles épousent une
moustache bien frisée, une tournure élégante, et elles passent avec une
légèreté effrayante sur les principes, sur l'éducation et les habitudes
religieuses, sur les bonnes mœurs, sur le caractère, en un mot sur la vraie vie
de l'homme auquel elles vont confier leur bonheur, je dirais presque leur
conscience et leur salut; car un mari sans religion perd souvent sa femme, et,
par dessus le marché, ses pauvres enfants.
Et cela est vrai dans tous les rangs de la société, en
haut, comme en bas, comme au milieu.
Après cela, comment s'étonner que tant de mariages
tournent mal?
Donc, voulez-vous être heureux en ménage, qui que vous
soyez ? Commencez par bien choisir votre femme, votre mari. Mettez-y
tout le temps convenable ; allez au fond des choses. Avant tout, cherchez
un mari chrétien, solidement chrétien et pratiquant; un chrétien de la
veille et de l'avant-veille. Il y en a encore, Dieu merci ! et plus qu'on ne
croit. Sur ce chapitre, pas de concessions. Qui ne pratiquait pas avant, ne
pratiquera guère après. L'expérience qui est là l’a prouvé mille fois. Il vaut
bien mieux ne pas se marier que de se mal marier.
Ne consultez pas les premiers venus. Consoliez les gens
sérieux, chrétiens, expérimentés; adressez-vous au curé de la personne
qu'on vous présente, et priez-le
de vous dire bien franchement, sous le sceau du secret, ce qu’il sait sur son
compte, sur celui de ses parents, de sa fortune, etc. C'est le
cas, ou jamais, de mettre en pratique la parole de la sainte Écriture : « Avant
d'agir, allez demander conseil à un homme prudent; après, vous n'aurez point
lieu de vous repentir. »
Surtout dans les rangs de la classe ouvrière, cette
légèreté dans le choix d'un époux ou d'une épouse atteint parfois des
proportions inconcevables. J'ai connu un brave ouvrier fort honnête et fort
bon, qui vint un jour m’annoncer qu'il
allait se marier. Après les premières félicitations d'usage, je lui demandai
s'il connaissait bien la jeune fille qui allait devenir sa femme. « Pas
beaucoup, me répondit-il tranquillement; mais un de mes amis m'a dit que je
ferais bien de l'épouser. — Est-elle agréable de visage? ajoutai-je. — Oh !
non, répondit-il; pour dire qu'elle est belle, elle n'est pas belle. — Elle est
donc bien bonne, puisque vous la prenez malgré cela? — Je ne sais pas trop.
J'espère que oui. — Comment! Êtes-vous sur du moins qu'elle a un bon caractère,
qu'elle vous rendra heureux? — Ah! ma foi, je n'en sais trop rien. Elle ne m'a
pas l'air commode. — Est-elle bien chrétienne? A-t-elle de bons parents? — Oh !
ça, je crois que non. Je n'en sais rien; mais je crois qu'elle n'est point
dévote. — Et vous allez l'épouser comme cela, au hasard? — Mon DIEU, oui; mon
camarade ma dit que je ferais bien. » Et, là-dessus, il s'est marié le
surlendemain ! N'est-ce pas effrayant?
V
Comment il faut
se préparer chrétiennement au Mariage.
Le mariage étant avant tout un sacrement, la première
préoccupation d'un chrétien doit être de s'y préparer dignement.
Pour cela, il faut prier plus que d'habitude, demander au
bon DIEU la grâce de bien recevoir un sacrement si important, d'où dépend toute
la vie. Il faut demander à la Sainte-Vierge et à saint Joseph, Patrons de la
famille chrétienne de bénir l'union qu'on va contracter. Il faut, sans remettre
aux derniers jours, se confesser de tout son cœur, et faire une bonne communion
la veille ou l’avant-veille du grand jour. D'ordinaire, les fiancés quelque peu
chrétiens tâchent de communier ensemble, à côté l'un de l'autre, accompagnés,
s'il se peut, de leurs proches parents et de quelques autres intimes.
D'après les règles et les anciens usages de l'Église,
cette communion des deux époux devrait se faire à la messe même où leur est
donnée la bénédiction nuptiale ; cela est indiqué expressément dans le Rituel.
Néanmoins, les messes de mariage se célébrant ordinairement fort tard, à onze
heures et même à midi, à cause de la mairie, ce bel usage est tombé en
désuétude. On s'en rapproche le plus possible, par la communion de la veille
dont nous venons de parler.
Cependant il ne faut rien exagérer : tout excellente
qu'est cette pratique de communier la veille ou l'avant-veille du mariage, elle
n'est point de rigueur. Il ne faut pas la confondre avec la confession qui est
obligatoire. Un curé à qui les deux parties contractantes ne présenteraient
point le billet de confession attestant qu'elles se sont confessées
toutes deux, ne pourrait pas passer outre sans manquer gravement à son devoir.
Il y a des gens peu instruits et peu chrétiens qui
s'imaginent qu'il suffit, pour être en règle avec le bon DIEU, d'aller dire
quelques généralités à un prêtre, sans se préoccuper de se bien confesser,
d'examiner sa conscience, de tout dire, de bien se repentir, et enfin de
recevoir dignement l'absolution ; pourvu qu'ils tiennent leur billet de
confession, ils pensent que tout est dit. Ils se trompent du tout au tout; et
si, le lendemain, ils osent se présenter à l'autel dans cet état de péché
mortel, au lieu de recevoir la grâce et les divines bénédictions du sacrement
de Mariage, c'est la malédiction de DIEU qui descend sur leur tête, et ils se
rendent coupables d'un véritable sacrilège.
Il faut donc de toute nécessité, pour recevoir
chrétiennement le sacrement de Mariage, se confesser tout de bon, avec la
préparation suffisante, recevoir la sainte absolution, et prendre la résolution
bien sérieuse de vivre en bon chrétien, fidèle à la loi de DIEU et aux
commandements de l’Église.
Les fêtes, les dîners qui accompagnent ordinairement les
mariages et commencent même quelques jours auparavant sont parfaitement
légitimes ; mais il y faut éviter tout excès, et ne pas perdre de vue le coté
si grave, si religieux du Mariage, lequel est de beaucoup le principal.
VI
Des droits
exigés par l'Église à l'occasion du Mariage.
Un mot sur les dépenses occasionnées par le Mariage. Je
ne parle pas de celles qu'entraîneront toujours plus ou moins la toilette, les
repas, les cadeaux, la vanité, le plaisir : quoiqu'elles soient trop souvent
exorbitantes, personne ne songe à s'en plaindre. Je parle des dépenses qui se
font à l'église, et contre lesquelles on murmure parfois.
Constatons d'abord que jamais ou n'est obligé de
payer un sou pour recevoir le sacrement de Mariage. A ce point de vue, le
Mariage est, comme le Baptême, essentiellement gratuit; et les plus pauvres ont
ici le même droit que les plus riches. Ce que l’on paye, et à très juste titre,
d'après des tarifs réglés par l'autorité diocésaine, d'après des tarifs dont
Messieurs les Curés n'ont pas le droit de s'écarter, c'est ce que l’on pourrait
appeler les pompes de la cérémonie nuptiale, lesquelles, je le répète,
n'ajoutent rien au Mariage considéré en lui-même.
Ainsi, pour plus de solennité et de grandeur, vous
demandez « un mariage de première classe, » c'est-à-dire un mariage où
l'église sera tendue de riches tapisseries, où le pavé sera couvert de beaux
tapis, où l'autel resplendira de lumières, où l’on chantera, où l'on jouera de
l'orgue, où l'on sonnera les cloches, où plusieurs prêtres assisteront le
célébrant, etc., n'est-il pas tout simple que vous payiez tout cet apparat? Du
moment que vous le pouvez, vous avez mille fois raison d'entourer de solennité
et de pompe un des actes les plus importants de votre vie ; mais, enfin, vous
êtes libre de le faire ou de ne le faire pas; cela n'est pas essentiel au grand
sacrement que vous recevez, et les pauvres gens qui se marient sans tout cela
sont aussi parfaitement mariés que vous.
La seconde classe, paye moins que la première; la
troisième, moins que la seconde, et ainsi de suite ; cela est tout naturel. A
vous de choisir, suivant votre goût ou suivant les moyens de votre bourse.
C'est entre les mains du prêtre que vous versez la somme
réglée par le tarif; mais gardez-vous de croire que cet argent soit pour lui :
il le touche au nom de la fabrique, c'est-à-dire au nom du conseil laïc
qui administre les revenus de l'église. Ce qui lui en revient à lui- même est
fort peu de chose et devient un des éléments de son casuel, espèce de
traitement supplémentaire, souvent bien insignifiant, et sans lequel le prêtre
ne pourrait pas suffire à son existence, quelque modeste qu'on la suppose.
Et puis, n'oubliez pas que, dans les mariages quelque peu
solennels, les règlements exigent la présence des vicaires de la paroisse,
ainsi que celle d'un certain nombre d'employés. Or, n'est-il point naturel que
tout ceci se paye et doive se payer? Sans compter l'entretien, plus coûteux
qu'on ne pense, des tapis, des tentures, des meubles, etc., qui s'usent et qui,
lorsqu'il faut les renouveler, entraînent des dépenses toujours considérables.
En comparaison des dépenses que l'on fait toujours si
volontiers pour le repas de noces, la rétribution exigée pour la fabrique, pour
le clergé et les employés de l'église est si peu de chose, qu'il faut être bien
déraisonnable pour y trouver à redire.
VII
De la
célébration du Mariage.
Le grand jour est arrivé. La mariée se fait aussi belle
qu'elle peut; le marié se frise, se pare du peu de charmes qu'a toujours un
homme. Tout le monde brille, éclate.
Si l'on n'y a déjà été, on se rend à la mairie et
de là à l'église, où le pauvre prêtre, à jeun, attend une bonne demi-heure.
J'en ai vu qui n'étaient pas encore à l'autel à midi et demi, une heure moins
un quart; ce qui est un véritable abus.
Au pied de l'autel, avant la Messe, le curé, ou le prêtre
délégué par lui, se tourne vers les deux parties contractantes, qui,
agenouillées l'une auprès de l'autre, vont recevoir le grand sacrement.
L'époux, la main droite dégantée, prend la main droite de l'épouse, qui a
également enlevé son gant. Le prêtre leur demande successivement s'ils veulent
se prendre mutuellement pour époux, pour épouse; et si tous deux répondent « Oui
» (ce qu'il faut faire d'une voix claire et intelligible), ils sont mariés,
unis pour toujours, et devant DIEU et devant les hommes.
C'est à ce moment précis qu'ils reçoivent tous deux la
grâce sacramentelle du Mariage, laquelle est répandue en leurs âmes par le
Père, et le Fils, et le Saint-Esprit, afin de légitimer d'abord, puis de
sanctifier leur union.
Le prêtre qui reçoit ce double serment est ainsi constitué,
par l'Église, le témoin officiel et nécessaire du Mariage ; mais il n'en est
pas le ministre proprement dit. Les bénédictions solennelles et les prières
qu'il ajoute, n'empêchent pas les deux époux, et eux seuls, de se conférer
mutuellement, si on peut parler ainsi, le sacrement et sa grâce. Au fond, cela
revient au même, puisque le consentement mutuel n'est valide que si le curé est
là présent pour le recevoir au nom de DIEU et de l'Église.
Immédiatement après le Mariage, le prêtre bénit un anneau
d'or (ou d'argent) qu'il remet à l'époux ; et celui-ci le passe au doigt
annulaire (le quatrième) de la main gauche de sa nouvelle compagne. Cet anneau
représente l'autorité du mari, a qui la femme devra désormais obéir, et qui la
tient enchaînée pour toujours au joug, souvent bien lourd, du Mariage. L'époux
ne reçoit point d'anneau de l'épouse, parce que, malgré son union irrévocable
avec elle, il ne lui est point soumis et ne lui doit point obéissance.
La Messe commence ensuite, pendant laquelle il est
malheureusement d'usage de se tenir fort mal. On cause, on se dissipe, comme si
l'on n'était pas devant DIEU. Quand nous assistons à un mariage, nous devrions
bien, nous autres chrétiens véritables, réformer cet abus, sinon par la parole,
du moins par la protestation de l'exemple.
Après la, Messe, on se rend à la sacristie pour signer
l'acte, avec le, prêtre et les témoins, et la cérémonie du Mariage est
terminée.
Après une si grande action, il faut bien veiller sur son cœur,
et ne pas se dissiper follement, comme le font ceux qui n'ont point de foi. La
gravité, la paix, la sérénité, doivent faire le fond des fêtes chrétiennes ; et
les joies qui les accompagnent tout naturellement doivent se ressentir de la
présence de DIEU dans les cœurs.
C'est un véritable abus que de faire, le jour des noces,
comme on dit vulgairement, « de la nuit le jour ». Il est impossible que des
désordres plus un moins graves ne soient point la conséquence d'un
pareil excès, surtout si on s'y livre à certains jeux, plus ou moins
inconvenants, que se permettent ordinairement les gens mal élevés.
Il y avait jadis, et cette sainte coutume tend
heureusement à renaître, un usage bien touchant, auquel l'Église invitait les
familles chrétiennes et auquel elle présidait elle-même, en la personne du
curé. Dans un moment quelconque de l'après-midi ou bien dans la soirée, le
prêtre, revêtu du surplis et de l'étole blanche, était conduit par les deux
nouveaux époux, leurs pères et mères et leurs proches parents dans la chambre nuptiale.
Là, tous s'agenouillaient, et le ministre de DIEU: bénissait solennellement le
lit nuptial, priant Notre-Seigneur JÉSUS-GIIRIST de féconder l'union des deux
époux et de bénir en leur personne les enfants qui viendraient à naître de leur
saint mariage.
VIII
Des obligations
et devoirs mutuels des époux.
I. Le devoir conjugal. — Le premier devoir qui
incombe aux époux après leur mariage est ce qu'on appelle spécialement le devoir
conjugal sur lequel il serait peu convenable de s'étendre ici, et qui a
pour but direct la multiplication du genre humain, et par conséquent de
l'Église, sur la terre d'abord, puis dans le Ciel. C'est au confesseur qu'il
appartient de résoudre les cas de conscience qui pourraient embarrasser sur ce
point les nouveaux époux.
II. La fidélité conjugale. — Le second devoir,
conséquence du premier, est la fidélité conjugale la plus entière. Le péché qui
viole cette fidélité est un crime puni même par les lois humaines, et qui
introduit le désordre le plus affreux jusqu'au sein de la famille. L'adultère
est un sacrilège; car il viole le sacrement de Mariage et l'union qui en
découle; c'est en outre un crime contre la justice; car la femme mariée
appartient tout entière à son époux, et réciproquement.
III. La concorde et l’amour mutuel. — Le troisième
devoir, c'est l'union, la concorde et l’amour mutuel. Cet amour conjugal doit
être un amour tendre, chaste et pur. Il est comme l'âme du mariage. Sans lui,
la vie commune est une espèce d'enfer. Aussi, dans l'intérêt de leur propre
bonheur, non moins que dans l'intérêt de leur conscience, les maris et les
femmes doivent-ils veiller de très près à ne pas perdre ce trésor. Hélas! il
est fragile; et bien souvent, semblable à un beau vase de cristal ; quand il
est brisé, on ne peut plus le réparer.
En pratique, c'est le mauvais caractère qui est
l'ennemi le plus dangereux de l’amour conjugal, et par conséquent du bonheur
domestique. Il y a des hommes fort religieux d'ailleurs, qui n'y font pas assez
attention : dans leur intérieur, ils se laissent aller aux impatiences, aux
brusqueries; ils s'abandonnent d'une manière désolante aux caprices de leur
humeur; ils sont grognons, sans délicatesse et sans égards pour leur compagne,
qui n'en peut mais; qui, lorsqu'elle est seule, pleure plus souvent qu'elle ne
rit ; et cependant ils ont fait le serment de la rendre heureuse.
Il y a incroyablement peu de maris aimables ; comme il
faut bien le reconnaître, il y a extrêmement peu de femmes sensées et
raisonnables. Néanmoins, dix-sept fois sur vingt (ce n'est pas trop dire), la
perte du bonheur domestique, vient des procédés et des manques d'égards du
mari.
Au contraire, la bonté, l'amabilité du mari est presque
toujours récompensée par les joies les plus pures du bonheur domestique. Une
dame qui avait eu le malheur de perdre son mari après douze années de la plus
tendre union, disait un jour, dans l’épanchement de l'intimité, à l'un de ses
fils, alors sur le point de se marier, et qui me le répétait lui-même : « Mon
enfant, si tu veux être heureux dans ton intérieur, sois toujours, toujours
plein de bontés et de délicatesses pour ta femme. Quand j'étais jeune, on
s'étonnait parfois de me voir préférer invariablement mon chez moi et la
compagnie de ton pauvre père aux sociétés les plus charmantes. Hélas! je n'y
avais pas grand mérite : nulle part je ne trouvais un homme qui fut aussi
aimable que ton père; nulle part je n'en trouvais qui m'entourât de plus de
soins. »
Les devoirs de la femme ne sont pas de moindre importance
pour le bonheur commun.
Les femmes doivent être soumises à leurs époux; soumises, non comme des esclaves, mais comme des
compagnes, des compagnes aimantes et aimées. La femme est naturellement assez
patiente, et la femme pieuse l'est grandement. Or, c'est avec son mari tout
d'abord qu'elle doit être patiente, patiente et douce, indulgente, affectueuse,
adroite, pour tourner les difficultés, pour prévenir ou apaiser les orages. Il
est indispensable quelle se fasse respecter, estimer de lui par la solidité de
ses vertus domestiques, par la pratique de toutes les belles et bonnes vertus
chrétiennes qui constituent la véritable piété. Qu'elle n'oublie jamais ce que
dit l'Apôtre saint Paul : « La piété est utile à tout; elle a les promesses
de la vie présente, non moins que celles de la vie à venir. »
A ce point de vue spécial, je conseillerais à tout mari,
à toute femme, qui tient à conserver l'amour mutuel et le bonheur du foyer
domestique, de faire ensemble leurs prières du matin et du soir, tous les
jours, de sanctifier tout de bon leur dimanche ensemble, par l'assiduité aux
Offices do leur paroisse, et de ne jamais demeurer longtemps sans recourir aux
sacrements, lesquels sont la source la plus puissante et la plus excellente de
la bonne et solide piété.
Je me suis étendu à dessein sur ce troisième devoir des
gens mariés, à cause de
son importance exceptionnelle. Après dix ans de mariage, au premier couple venu
demandez ce qu'il en pense, et si j'ai raison.
IV. La cohabitation, et la vie commune. — La
quatrième et dernière obligation mutuelle des époux, c'est la cohabitation ou
demeure commune.
En se mariant, l'époux et l'épouse contractent l'obligation
de vivre ensemble, afin de se soutenir mutuellement dans le chemin de la vie de
se soulager dans leurs épreuves, de se consoler dans leurs peines.
Cette loi est d'institution divine, « L'homme, dit le
Seigneur lui-même, en unissant et en bénissant Adam et Ève et en instituant le
Mariage, l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, »
Une fois consommé, le mariage des chrétiens ne peut être dissous que par la
mort. Ceci est de foi, de foi révélée et définie.
Ici encore le Gode civil français foulait aux pieds les
droits de DIEU et les lois de son Église lorsqu'il tentait de ressusciter
l'institution païenne du divorce, et il usurpe encore aujourd'hui une
juridiction qui ne lui appartient pas, lorsqu'il prétend déterminer, en dehors
de l'Église et par son autorité propre, les causes qui légitiment la séparation
des époux.
Il a été cependant défini par le Concile de Trente,
contre les novateurs protestants, qu'il y a plusieurs causes de séparation
légitime entre les époux. Les voici :
1° La première et principale cause qui légitime la
séparation de deux époux, c'est le crime d'adultère.
2° C'est ensuite les mauvais traitements, sévices et
injures graves de l'une des parties. Mais il est bien entendu, de même que pour
le cas précédent, que la partie innocente seule a le droit de prendre
l'initiative de la séparation.
3° Le cas où le mari, faisant profession d'hérésie
ouverte ou d'impiété active, ou de grave immoralité, s'efforcerait d'altérer la
foi ou les mœurs de son épouse.
4° La quatrième cause est la crainte fondée pour une
malheureuse femme d'être impliquée dans les crimes, quels qu'ils soient, d'un
mari coupable.
5° La. violence d'un des conjoints, lorsqu'elle est
poussée à un tel point qu'il y a pour l'autre des dangers sérieux à courir.
6° Enfin, un motif aussi honorable que rare, qui peut
légitimer la séparation de deux époux chrétiens, c'est le désir d'un état de
vie plus parfait, qui les pousse tous deux d'un commun accord à quitter le monde pour embrasser la
vie religieuse, ou entrer dans le sacerdoce. Mais alors il faut, ou que l'un et
l'autre fassent profession solennelle dans un Ordre monastique; ou bien, si
l'époux se contente de se faire prêtre, il faut que l'épouse soit dans un âge
ou dans des conditions telles, qu'elle puisse, sans le moindre danger, faire
voeu de continence perpétuelle, en vivant dans le monde.
En dehors de ces six causes, il est interdit aux époux,
sous peine de forfaire à leur devoir, de secouer le joug de la vie commune et
de se séparer l'un de l'autre. C'est quelquefois bien dur; mais avec le secours
de DIEU, que l'on peut toujours aller puiser dans la prière, dans les sacrements
et dans la piété, tout devient possible.
IX
Obligations des
pères et mères.
Sans vouloir faire un traité sur cette très importante
matière, rappelons simplement aux personnes qui vont se marier que si DIEU,
dans sa Providence daigne les choisir pour leur donner des enfants, pour donner
de nouveaux chrétiens à son Église, de nouveaux citoyens à la patrie, ils
doivent l'en remercier avec amour comme d'un honneur de premier ordre, au lieu
de murmurer, de faire de honteux calculs, comme il arrive trop souvent dans des
ménages, trop peu chrétiens, indignes de l'honneur de la paternité et de la
maternité.
Dans les pays de foi, les familles sont ordinairement
nombreuses, et l'on y est notablement plus heureux. La diminution effrayante
des nombreuses familles est une des plaies de notre société déchristianisée,
démoralisée par la débauche et par un matérialisme égoïste et maudit de DIEU.
Il y a tel et tel département où, depuis quatorze ou quinze ans, le chiffre de
la population baisse d'environ trois mille habitants chaque année ! Et, notez
le bien, ces terres infécondes sont toujours celles où la Religion a
perdu davantage sa noble et bienheureuse influence.
Ceci étant bien établi, voici l'ensemble des obligations
des père et mère à 1’égard de leurs obligations.
1. En se mariant, un époux et une épouse doivent rejeter
loin d'eux les pensées méprisables, auxquelles nous venons de faire allusion,
et prier DIEU de féconder leur union. Les enfants sont et seront toujours la
joie et la couronne des parents.
2. Dans la plupart des diocèses, il est commandé, sous
peine de péché grave, de faire baptiser les enfants nouveau-nés dans l'espace
de trois jours après leur naissance. Dans certains pays très chrétiens, le
Baptême suit presque immédiatement la naissance, à moins d'empêchement grave;
et l'on a soin de donner à ces enfants des noms de Saints, et non pas de ces
absurdes noms de fantaisie, qui ne sont propres qu'à témoigner du peu de bon
sens des parents.
3. Ce n'est pas une obligation proprement dite pour une
mère de nourrir elle-même ses enfants; mais, si elle le peut, elle ne saurait
faire rien de mieux, de plus utile pour elle et pour le vrai bien physique et
moral de sa famille.
Si elle est obligée de faire nourrir son enfant par une
autre femme, qu'elle la choisisse avec un soin extrême, non seulement au point
de vue de la santé, mais encore au point de vue des mœurs. Les nourrices sans
conscience, comme il y en tant, sont plus souvent qu'on ne pense la cause, volontaire
ou non, des maladies et de la mort d'une quantité de pauvres petits enfants.
Une statistique effrayante a été faite à cet égard, par la faculté de Médecine,
et l’on a constaté, les chiffres en main, que dans plusieurs départements, entre
autres dans tous ceux qui se rapprochent de Paris, le nombre des enfants en
nourrice qui meurent avant un an, s'élève à cinquante, soixante, et en certains
endroits à plus de quatre-vingts pour cent! Il y a donc là un devoir de
conscience de premier ordre pour la mère et le père.
Ils veilleront également, et par eux-mêmes, à ce que les
nourrices n'allaitent point leur enfant étant couchées. Cela est défendu par
l'Église sous peine de péché grave. Maintes fois on a trouvé le pauvre enfant
étouffé sous le poids de sa nourrice endormie.
4. Les père et mère doivent former, dès le bas âge, le
cœur de leurs enfants à la connaissance et à l'amour du bon DIEU. Avant que ces
bons petits ne soient capables de comprendre sérieusement les choses de la
Religion, leurs parents doivent leur en donner les charmantes petites
habitudes. C'est le père, et plus encore la mère, qui est le premier prêtre, le
premier directeur de ses enfants, leur apprenant à faire le signe de la croix,
à envoyer de petits baisers au crucifix, à l’Enfant-Jésus, à la Très-Sainte
Vierge; à faire leurs petites prières matin et soir, et, un peu plus tard, a ne
pas aller jouer avec de mauvais enfants, capables d'altérer la pureté de leur
innocence.
5. Des parents chrétiens et craignant DIEU, se tiendront
en garde contre une tendance de plus en plus générale en notre siècle, qui est
de « gâter » leurs enfants. La galerie n'est point de la tendresse, c'est de la
faiblesse. C'est une maladie maternelle, quelquefois même paternelle, qui
commence souvent de bien bonne heure. Les pauvres « enfants gâtés » eu sont les
premières victimes; et un jour viendra où ils maudiront cette faiblesse
déplorable. Il faut aimer ses enfants pour eux-mêmes, et non pas pour soi. La
conscience chrétienne est le principal remède de la gâterie, laquelle consiste
au fond à laisser faire à l'enfant ce qui lui plaît, sans s'inquiéter si c'est
bien ou mal, si c'est conforme ou contraire à la sainte volonté de DIEU.
Je signalerai ici la mauvaise habitude, si peu
respectueuse et si générale, de se laisser tutoyer par ses enfants. Des parents
consciencieux seront inflexibles sur ce point et sauront, pour l'amour de leur
enfant, le réprimer, et même le punir quand il le faudra. « Celui qui aime
bien, châtie bien, » dit l'Écriture sainte.
6. Le père et la mère doivent préparer de loin leurs
enfants à suivre le catéchisme, à respecter les choses saintes, en particulier
les églises et les prêtres; et ils doivent aider de tout leur pouvoir les
efforts du catéchiste, du confesseur, du curé, pour former à la vie chrétienne
l'esprit et le cœur de l'enfant que DIEU leur a donné.
7. Ils sont tenus en conscience à n'envoyer leurs
enfants, autant que cela dépend d'eux, que dans des écoles ou des pensionnats
sérieusement chrétiens. La Religion est souvent dans le prospectus, et ne va
pas plus loin. Que les pères et mères n'oublient pas que c'est ici l'un de
leurs plus difficiles devoirs. Ils pécheraient gravement et seraient indignes
de l'absolution, s'ils mettaient à la légère leur enfant dans ces soi-disant
maisons d'éducation laïques (comme il y en a tant), où il serait exposé à
perdre peu à peu sa foi et ses mœurs. Les parents ont charge d'âmes aussi
réellement que les curés, et ils répondront devant DIEU de la perte de leurs
enfants, s’ils ont le malheur d'y concourir, soit positivement, soit même
négativement. Ils sont tenus à en faire de bons et vrais catholiques dans la
mesure où cela leur est possible.
8. Ils devront donner à leurs enfants la double
prédication de la parole et de l'exemple. La parole est bien peu, quand
l'exemple fait défaut. Surtout au point de vue des habitudes religieuses, de la
prière, de la sanctification du dimanche, de l'observation des lois de
l'Église, de la fréquentation des sacrements, ce point est essentiel.
9. Ils écarteront de leur maison les amis, les
connaissances qui pourraient nuire moralement à leurs fils, à leurs filles; ils
veilleront à ne pas laisser entrer chez eux des journaux ni des livres
dangereux ; et n'y toléreront pas plus des serviteurs ou servantes, des maîtres
ou maîtresses d'une foi ou d'une moralité suspecte.
10. Enfin, les pères et mères vraiment dignes de leur
sainte mission, s'efforceront toute leur vie de faire du bien, surtout du bien
religieux, à ceux qui leur doivent le jour. Ils vivront de manière à se faire
respecter et aimer d'eux, à maintenir de leur mieux l'union de la famille, et à
pouvoir espérer légitimement d'être un jour réunis avec eux dans la patrie
bienheureuse.
Il y aurait encore bien des choses utiles à dire sur ce
grave sujet du mariage chrétien. Le peu que nous venons de résumer ici suffira
pour attirer l'attention des gens de bonne volonté, et les aidera, nous en
avons l'espoir, d'abord à entrer plus chrétiennement dans un genre de vie
hérissé de tant de difficultés, à s'y comporter toujours dignement, et à y
trouver les douces bénédictions que le bon DIEU y a semées, comme de belles
roses au milieu des épines.