lundi 27 novembre 2017

Père Onésime Lacouture - 2-24 - L'humilité de Jésus


VINGT-TROISIÈME INSTRUCTION
L’HUMILITÉ DE JÉSUS.

«Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur.»

Plan Remarque: deuxième amour naturel.  (Dans l’intelligence : admiration propre.  Ses éléments: (Dans la volonté : amour-propre.  (Dans la vie: recherche des louanges.  Résume: Echantillon de ce que Dieu veut pour lui-même.  (Son intelligence admire perfections divines Humilité de Jésus: (Sa volonté: tout à l’amour de Dieu.  (Sa vie: recherche de la gloire de Dieu.  Résumé: son humilité a mêmes sentiments qu’au ciel.  (Il attaque notre intelligence par les vérités de la foi et ses mystères.  Notre humilité: (Volonté: renoncement et humilité (Vie: souffrances Résumé: Sottises, mépris, souffrances.  Ce sont les trois choses qui remplissent le calice de Jésus selon les Apôtres.  

REMARQUE  Après avoir par sa pauvreté détruit le fondement du premier amour naturel dans l’homme, l’amour des créatures, il s’attaque maintenant au deuxième amour naturel dans l’homme qui est l’amour de soi, il lui enlève son fondement par l’humilité.  Sa pauvreté est la pratique de la première béatitude; son humilité est la pratique de la deuxième béatitude: «Bienheureux les doux, car ils posséderont la terre.» Pas besoin de grandes réflexions pour comprendre que l’amour de soi est incomparablement plus fort que l’amour des créatures et donc plus difficile à déraciner.  Aussi un certain nombre luttent contre le premier amour, qui est celui des choses créées: les religieux, les prêtres et quelques laïques.  Mais le nombre de ceux qui luttent contre l’amour-propre est fort restreint.  Les démons ont réussi à faire porter tous les efforts des prêtres en général uniquement sur le péché; ils croient avoir fait leur devoir quand ils ont tonné contre les vices de toutes sortes. 

Cette tactique sotte laisse intacte la plus grande partie du premier amour naturel, celui pour les choses permises et totalement intact l’amour de soi.  Or ces deux amours qui restent en l’homme suffisent pour exclure l’amour de Dieu et frustrer tous les efforts que les chrétiens font pour plaire à Dieu.  La cause de cet oubli vient de la philosophie du clergé qui ne rencontre pas du tout cette pratique du renoncement aux créatures permises et à soi-même… qui n’est pas défendu.  Mon amour pour les bonnes choses et l’amour de mon excellence ne sont pas mauvais «en soi»; Alors nos prêtresphilosophes ne voient là rien à attaquer.  Cette maudite philosophie bouscule tous les textes les plus forts de Jésus qui insiste sur ces deux renoncements; aux créatures permises et à soi.  Ils ne les voient pas, ils ne veulent pas les voir, ils les escamotent quand on leur présente; bref, ils les négligent complètement.  Et comme ils dominent dans le clergé et dans le monde ce n’est pas surprenant que les prêtres et les religieux en général ne prêchent pas ces deux renoncements.  Ils citent parfois des textes mais ils n’ont pas du tout l’intention de les faire pratiquer, pas plus qu’ils ne les pratiquent eux-mêmes.

Quand est-ce qu’on entend un sermon sur le renoncement à son jugement et à sa volonté?  Quand est-ce que les prêtres l’exigent des fidèles?  Ils ne s’en occupent pas du tout.  Où est le prêtre ou le religieux qui attaque systématiquement les motifs naturels?  Or ces motifs jaillissent de notre fond naturel, ils viennent de l’amour naturel que nous avons pour les créatures et pour nous-mêmes.  Si le moi se manifeste c’est bien dans mes raisons d’agir.  J’agis pour mes propres intérêts personnels, c’est évident au point de vue naturel.  Mais comme tout cela est bon «in se», les philosophes ne voient absolument rien à attaquer là.  Si parfois ils en parlent c’est comme d’une curiosité de la vie spirituelle pour une petite élite qui veut se signaler au service de Dieu, mais c’est du luxe!  C’est du conseil et tout finit là.  La preuve de ce qu’on avance ici est dans ce fait que dès qu’un prédicateur s’aventure à prêcher le renoncement comme tant soit peu obligatoire pour tous les chrétiens, il soulève une vraie tempête parmi les philosophesprêtres qui en ont connaissance.  Ils l’attaquent comme exagéré, comme confondant les conseils avec les préceptes et comme hérétique et contraire aux traditions de l’Eglise.  Comme les supérieurs ont été formés pour la plupart «à la philosophie», ils réduisent vite au silence ce prédicateur de «nouveautés» dans l’Eglise!  Il n’y aura pas un prêtre sur mille qui oserait le défendre.  C’est donc bien vrai que les prêtres et les religieux ne prêchent pas le renoncement comme Jésus le veut.  La Providence divine veut détruire l’amour de mon être par les cruautés sur moi, par les sottises contre mon intelligence et par les injustices et la haine contre ma volonté.  Or où sont ceux qui acceptent volontiers ces sortes d’épreuves?  Où sont-ils ceux-là?  Qu’on en trouve dans les religieux comme dans le clergé séculier?  C’est évident qu’ils sont encore plus rares chez les laïques.  Il est donc bien important pour nous d’étudier l’humilité de Jésus, qui est justement la destruction de l’amourpropre et de toutes ses ramifications dans l’humain.  Voyons d’abord en quoi consiste ce moi auquel je dois renoncer sur l’ordre de Jésus et sous peine de n’être pas avec lui dans l’éternité.  Prions bien le St-Esprit de nous protéger dans cette méditation, car nous aurons tout l’enfer contre nous.  Les démons ne veulent pas que nous dévoilions leurs pièges pour perdre des milliers d’âmes.  Prions aussi la Ste-Vierge de nous protéger contre les attaques des démons pour nous empêcher de comprendre l’humilité de Jésus afin que nous ne puissions pas l’imiter.  les éléments Le «soi-même» auquel il faut renoncer vaut la peine d’être examiné dans le détail puisqu’il s’agit de le détruire en nous.  Divisons-le pour mieux l’abattre!  Il est trop complexe et multiple pour pouvoir se détruire d’un coup.  Il vaut mieux le prendre partie par partie.  Etudions le dans l’intelligence, dans la volonté et dans la vie.

Dans l’intelligence: Le moi se manifeste par l’admiration de ses propres excellences ou perfections.  Comme c’est la seule lumière qu’il suit, il semble ne voir que ce qu’elle lui montre de lui-même; il admire ses idées, ses projets, ses connaissances, ses jugements.  Notre «païen» se croit donc facilement supérieur à tous les autres.  Plus il est borné et moins il voit ce qu’il y a chez les autres et plus il estime ce qui vient de lui.  On voit combien sont orgueilleux les peuples païens; ils se croient tous les sur-hommes de la terre.  Ces gens sont tellement pleins d’eux-mêmes qu’ils n’acceptent rien ou peu des autres.  Même la foi pénètre difficilement chez ces orgueilleux.  Quand on est rassasié on n’a plus faim!  Quand on se regarde comme une lumière, on n’est pas porté à prendre les idées des autres.  On est donc égoïste, pédant et vantard.  Dans la volonté: comme elle suit l’intelligence qui lui fournit ses idées ou ses objets, on comprend qu’elle s’attache à tout ce que son intelligence lui présente.  Comme ces deux facultés sont toujours d’accord chez ces «païens» ils ont la paix parfaite en eux-mêmes, parce qu’ils subissent à peine les influences du dehors.  Il faudrait la loi pour leur montrer combien croche et fausse est leur intelligence, mais ordinairement ces gens n’en ont pas ou trop peu.  C’est pour cela qu’ils sont si têtus.  Même chez les enfants païens, quel entêtement On les tuerait là plutôt que de les faire changer d’idée ou de volonté.  Aussi quand ils aiment une chose, ils la prennent, s’ils sont capables, peu importe le moyen ou la moralité.  Comme leur intelligence leur montre les choses créées comme faites pour eux-mêmes, ils s’en procurent le plus possible et mettent toute leur affection en elles.  Car c’est par elles qu’ils se satisfont dans tous les plaisirs qui contentent leur personne.  Tout ce qu’ils font est encore dans l’espérance d’en tirer parti pour eux-mêmes; ils sont le centre de leur activité.  Dans la vie: Avec ces deux foyers d’égoïsme dans l’âme, ces gens recherchent avec avidité des admirateurs de leurs perfections qu’ils croient si grandes.  Ils languissent quand ils n’en reçoivent pas et quelle joie quand on leur en donne.  Quelles courbettes ils sont capables de faire pour se les attirer!  Comme on peut les faire travailler pour des louanges!  La louange est le principal ressort qui les fait marcher en tout.  Ils sont obséquieux envers ceux dont ils attendent des louanges et cela surtout avec les étrangers qui ne les connaissent pas; mais avec ceux de la maison ils sont maussades et sans-coeur parce qu’ils n’auront pas de louanges pour ce qu’ils feront.  Ces orgueilleux pensent à leur propre gloire du matin au soir et y rêvent pendant la nuit.  Ils cherchent à monter dans l’échelle sociale pour être plus en vue afin d’avoir plus d’honneur.  C’est pour le même but qu’ils veulent s’enrichir afin d’avoir des amis influents, des positions lucratives et ainsi attirer des louanges et des honneurs pour leur précieuse personne.  Mais autant ils sont avides de gloire autant ils sont furieux contre ceux qui leur refusent des louanges.  Que de haine contre les autres seulement parce que ces autres ne les félicitent pas!  Que d’ennemis le sont uniquement parce que les uns refusent aux autres des louanges!  Si on veut gagner l’affection d’un ennemi, c’est le meilleur moyen; lui adresser même indirectement des félicitations pour quelque chose qu’il aurait fait de bien.  Quand on voit que quelqu’un s’éloigne, c’est encore le meilleur moyen de le ramener; vanter quelque chose qui lui appartient ou qu’il fait.

Tout cela montre combien ces gens estiment leur propre excellence.  C’est donc qu’ils ne voient rien au point de vue de la foi.  Ils jugent tout selon la raison comme de vrais païens.  Comme ils se croient les seuls auteurs de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font, ils s’attribuent toutes leurs perfections comme des petits dieux!… échantillon de ce que dieu veut pour lui-même.  Cet amour naturel pour soi est un véritable échantillon de ce que Dieu veut pour lui-même.  C’est pour cette raison qu’il nous l’a donné, simplement pour nous faire une idée de sa propre sainteté, qui est l’amour-propre de Dieu.  Sa sainteté est l’adhésion de sa volonté pour ses perfections divines; notre amour-propre est l’adhésion de notre volonté à nos propres perfections.  Mais Dieu ne nous l’a pas donné pour que nous le gardions pour nous-mêmes et surtout pour rivaliser avec lui.  Pas au tout.  Il nous l’a donné pour que nous le «semions» comme tous les autres échantillons de ses perfections.  Nous devons absolument nous défaire de cet amour-propre sous peine de ne jamais recevoir l’amour de Dieu ou la sainteté de Dieu, pas plus que le cultivateur aura une récolte pour le grain qu’il n’a pas semé.  Qu’on ne se plaigne pas qu’il y ait si peu de Saints.  C’est parce que les prêtres ne prêchent pas assez le sacrifice de l’amour-propre jusque dans ses détails.  Ils disent bien quelques fois que l’amour-propre est une espèce de vice, mais ils ne vont guère plus loin.  C’est que, pour attaquer convenablement le moi humain, il faut connaître la science de la vie spirituelle avec toutes les influences qui s’exercent sur elle; cela demande beaucoup d’étude, de réflexion et de prière parce qu’il faut les dons du St-Esprit que Dieu ne donne qu’à ceux qui se défont de leurs attaches même aux choses permises.  Et pour ce dernier point il faut sortir de sa philosophie pour cultiver la vraie théologie, ce que très peu de prêtres sont capables de faire ou ont même l’idée de faire.  La plupart sont empêtrés dans leur philosophie et ne savent pas comment en sortir.  Même s’ils trouvent un prêtre qui comprend le point de vue théologique des choses, il est tellement aveuglé qu’il va dire que c’est ce prêtre théologien qui est dans l’erreur, de sorte que ce n’est pas facile pour les pauvres philosophes de comprendre la science de la guerre à la personnalité morale ou au «moi» païen que tout homme a en venant en ce monde et qu’il garde tant qu’il ne suit pas un vrai théologien – si rare –.  Comme les philosophes-prêtres n’attaquent que le défendu, il y a assez de choses permises pour alimenter l’orgueil humain et satisfaire notre petit dieu pour qu’il reste le rival de Dieu au coeur de l’homme et donc qu’il perde le ciel et mérite l’enfer.  Voilà pourquoi le démon essaie de tenir les prêtres et les religieux dans la philosophie seulement de la religion ainsi que la plupart sont formés dans le monde entier.  Je ne dis pas que c’est l’Eglise qui les forme ainsi, ce sont les hommes euxmêmes, les professeurs de théologie qui ne sont que des philosophes de cette science sacrée et qui malgré les avertissements des Papes, des Saints et de toute la science ascétique et mystique, ne veulent pas donner le point de vue de l’amour, comme je l’ai montré dans l’usage des créatures.  StPaul et Jésus enseignent bien qu’elles sont du fumier comparées à l’amour de Dieu et l’Eglise a déclaré St-Jean de la Croix Docteur de l’Eglise.  Or c’est la seule idée qu’il a dans ses trois volumes: que tout créé intentionnel, ou que tout motif qui vient des créatures ou de la nature humaine n’est que du fumier devant Dieu.  Pourquoi les professeurs de théologie ne se mettent-ils pas à ce point de vue?

Ce n’est pas la faute de l’Eglise, mais c’est leur propre paganisme, leur propre mentalité, ou sensualité qui veut sauver les plaisirs qu’ils goûtent et veulent continuer de goûter dans les différentes attaches aux choses permises «in se», comme de fumer, etc… Voilà pourquoi ils évitent la doctrine du fumier des créatures si clairement donnée dans l’Evangile et par St Paul surtout.  Nous venons de voir un peu dans le détail l’amour de soi que tout homme porte en lui en venant au monde.  C’est à tout cela que le chrétien doit renoncer pour accomplir la parole de Jésus: «Si quelqu’un veut être mon disciple qu’il se renonce lui-même tous les jours, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.» Il n’y a rien de plus difficile au monde.  Or l’estime de soi-même en face de la foi est de l’orgueil.  Car mon moi n’est qu’un moyen pour obtenir Dieu; c’est mon argent pour acheter Dieu ou mon grain pour le récolter au ciel.  L’orgueil le garde précisément et ainsi le préfère à la sainteté de Dieu; il aime mieux son amour propre que l’amour de Dieu; voilà le crime de l’orgueil.  Eh bien, on comprend que dans l’humanité de Jésus il ne peut y avoir rien de semblable.  A cet orgueil naturel Jésus va préférer la pratique de l’humilité la plus parfaite au monde.  Etudions donc un peu: l’humilité de jésus Quand le Verbe s’est incarné, il n’a pas pris la personnalité humaine, mais seulement la nature humaine.  Une personne est celle qui est maîtresse de ses opérations, qui contrôle tout son être et qui est indépendante dans ses actions.  Une personne suit son intelligence, sa volonté comme elle veut et quand elle veut.  Eh bien, le Verbe s’est uni la nature humaine, mais il a créé au même instant son union avec elle et c’est la Personne du Verbe qui a pris possession tout de suite de cette nature.  Elle n’a donc jamais été conduite par une personne humaine, mais elle a appartenu tout de suite à la Personne du Verbe; c’est donc le Verbe qui a été son Maître, qui l’a contrôlée, gouvernée et dirigée.  Sa nature humaine n’a donc jamais eu ces sentiments que nous avons tous: je fais ce que je veux!  Telle chose n’a pas de bon sens, je ne la ferai pas parce que je n’aime pas cela, etc.  Toute sa nature humaine s’est donc renoncée totalement dans le Verbe.  Elle voyait si bien le divin qu’elle a agi exactement comme elle le ferait dans le ciel même.  Est-ce que là j’imposerai mes idées à Dieu?  ou ma volonté?  Sûrement non!  Mais je prendrai toutes mes idées en Dieu, je prendrai ma volonté en Dieu et je ferai toutes choses selon Dieu et pour Dieu.  Voyons le détail de cette union avec Dieu dans les trois centres d’activité que nous avons: l’intelligence, la volonté et l’être ou la vie.  L’intelligence humaine de Jésus ne s’est pas perdue dans la vaine admiration des échantillons créés quand elle contemplait les perfections divines du Verbe.  Même son propre être, le plus parfait que Dieu puisse créer n’était rien devant la divinité même qu’elle contemplait.  Elle ne s’admirait donc pas ellemême et comme en dehors de Dieu comme les hommes font si sottement.  Mais elle se perdait dans l’admiration des perfections divines de sorte qu’elle s’oubliait elle-même ou elle admirait en elle-même le divin que Dieu y avait mis, et donc ce n’était que Dieu qu’elle admirait.  Elle n’avait donc pas de sentiments d’orgueil, mais d’humilité profonde comme toute créature aura devant Dieu vu face à face au ciel.  L’humilité est souvent définie: se mettre à sa vraie place.  Eh bien, il est certain que l’intelligence humaine de Jésus est restée à sa place, infiniment inférieure à Dieu qu’elle a estimé comme une créature peut le faire unie à Dieu.  Sa propre perfection qu’elle voyait sans doute lui faisait voir la divinité dans l’échantillon de Dieu qu’était son être créé…

La volonté humaine de Jésus, comme la nôtre, prend son objet dans l’intelligence humaine de Jésus.  Comme celle-ci est pleine des perfections divines, la volonté les veut de tout le poids de son être.  Elle aime ce que l’intelligence contemple dans le Verbe et elle met là ses délices.  Elle adhère aux perfections divines de tout son être et c’est en cela que consiste sa sainteté, la plus grande de toutes les natures créées.  Aussi la volonté de Jésus veut exactement tout ce que Dieu veut et comme il le veut.  Jamais elle ne serait tentée de se révolter contre Dieu ou de vouloir autre chose que ce que Dieu veut.  On voit dans l’agonie de Jésus que sa volonté humaine supplie Dieu de la préserver de la passion, mais elle ajoute tout de suite: Que votre volonté se fasse et non la mienne.  Jésus a déjà dit: Je ne fais jamais ma volonté, mais je fais toujours celle de mon Père.  Voilà de la véritable humilité.  C’est Dieu qui est tout devant elle; et elle s’efface totalement devant Dieu.  Dans sa vie.  Avec une intelligence et une volonté tout en Dieu, on peut comprendre ce que doit être sa vie, conduite par ces deux facultés totalement soumises au divin dans le Verbe.  Jésus veut même en tant qu’homme, tout ce que Dieu se veut à lui-même.  Ce que les humains se veulent par nature pour eux-mêmes, comme on vient de le voir, Jésus le veut de tout son être humain pour Dieu.  Il cherche évidemment la gloire de Dieu, les louanges pour Dieu, les honneurs pour Dieu et des admirateurs pour Dieu.  Rien du tout pour lui-même en tant qu’homme.  C’est le contraire de ce que recherchent les hommes.  Son être humain est transformé en Dieu, divinisé complètement dans tout son être.  Comme l’orgueil vient de ce que l’on se complaît dans ses perfections ainsi l’humilité vient de ce que l’on se complaît dans les perfections divines.  Voilà le véritable oubli de soi.  Ce n’est qu’en Dieu qu’on peut s’effacer réellement.  C’est dans la contemplation des perfections divines que les nôtres s’effacent dans la même proportion.  Voilà l’humilité de Jésus en tant qu’homme.

résumé

L’humanité de Jésus a les mêmes sentiments sur terre qu’elle a maintenant au ciel dans la vision béatifique.  Puisque tout est ordonné par Dieu pour cette fin suprême, on sait que sa gloire exige que nous commencions à le pratiquer pendant que nous sommes sur terre avec notre liberté nécessaire au mérite et à la gloire de Dieu.  Au sein de la Trinité peut-on imaginer une intelligence créée imposant ses idées à Dieu, ou une volonté finie s’opposant à la volonté de Dieu?  Eh bien, voilà ce qu’il nous faut commencer sur terre par la grâce et dans la foi.  C’est l’anéantissement du moi païen que si peu de chrétiens ont commencé à attaquer.  Jésus dit à différents endroits que ses pensées viennent de son Père, qu’il ne fait que ce que son Père lui dit de faire, et que toutes ses actions sont faites par son Père, comme s’il n’était rien au point de vue humain.  C’est que son humanité est tellement unie à Dieu, fait si bien une seule chose avec Dieu, que c’est comme si elle disparaissait.  Mais non, elle n’est pas absorbée par la divinité elle garde son entité, mais son être est parfaitement soumis à Dieu.  C’est là la mort mystique dont parle St-Paul pour lui-même: «Ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus qui vit en moi.» A plus forte raison, l’humanité de Jésus pouvait dire cela.  Elle était si bien contrôlée par le divin, si pénétrée par lui que c’est comme si elle n’existait plus.  En Jésus donc, l’humanité est parfaitement soumise au divin, s’efface devant le divin, est perdue dans le divin, ne veut que le divin, enfin ne vit que pour le divin.  Elle est toute aux choses de Dieu.  Elle pratique à la perfection le premier commandement: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur… etc.» Voilà donc l’humanité de Jésus en tant qu’homme.  Elle imite la personne du Verbe qui s’est humiliée en venant s’unir à l’humanité, mais elle a dû se rapetisser.  L’infini qui devient une seule chose avec le fini.  Cela dépasse l’esprit humain.  L’immensité incréée qui se cache dans le corps mortel d’un homme!  Mais l’humilité du Verbe apparaît encore plus grande quand on songe qu’il s’unit à l’humanité pécheresse devenue l’esclave de Satan.  St-Paul peut bien dire que le Verbe s’est anéanti en prenant la forme de l’esclave et surtout en prenant les péchés de l’humanité à son compte comme s’il était le coupable!  Jamais nous ne pourrons assez approfondir cette humilité du Verbe en s’incarnant dans l’humanité pécheresse.  Comparons maintenant l’humilité de l’humanité de Jésus.  Elle s’efface non pas pour s’unir à quelqu’un de plus bas qu’elle, mais pour s’unir à son Créateur, à l’être suprême, à son Dieu.  Elle est élevée au rang divin en s’effaçant.  Elle monte au sommet de toute élévation possible… et l’on appelle cela de l’humilité?  Le Verbe s’est abaissé, ravalé au rang de l’homme pécheur; l’humanité de Jésus en s’oubliant ou en s’anéantissant, est exaltée au dessus de toute compréhension.  Le Verbe s’abandonne à l’homme pécheur, l’humanité de Jésus s’abandonne à son Dieu!  C’est de l’humilité sans doute, mais ce n’est qu’un pâle reflet de la véritable humiliation du Verbe dans l’Incarnation.  Pour mieux faire entrer cette doctrine du renoncement à soi-même, voici un autre argument d’une force incomparable.  Quand le Verbe s’est uni à notre humanité, il n’a pas voulu de la personnalité humaine; il ne voulait qu’une personne en lui et dans le composé avec l’humain.  Or on sait que notre sanctification n’est que l’Incarnation continuée dans les membres du corps mystique de Jésus.

La conséquence est que le Verbe ou Jésus, quand il s’unit à moi, ne veut pas plus de ma personne morale que pour son humanité.  Il ne veut pas de mon moi moral, il faut bien qu’il prenne ma personne physique.  C’est parce que je suis déjà une personne physique et réelle quand il vient a moi qu’il faut que je renonce à cette personne en autant que je le puis par ma volonté.  Donc ce n’est que ma personne morale que je dois mettre de côté.  Cela veut dire que je dois agir comme si je n’étais pas une personne.  Je ne dois plus être mon propre maître du tout, c’est Jésus qui doit me conduire, me diriger et me contrôler comme il le voudra.  Je dois lui céder toute la maîtrise sur mon activité de sorte qu’à l’avenir je m’abandonne à son bon plaisir comme un véritable esclave le fait entre les mains de son maître.  Je dois prendre mes pensées en Jésus, mes vouloirs en Jésus et toutes mes actions en Jésus de sorte que je devrais pouvoir dire comme St-Paul: Le Christ est ma vie!  Ou je suis mort, ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus qui vit en moi!  C’est en proportion que je ferai cela que j’imite l’humilité de l’humanité de Jésus.  Me perdre en Jésus pour le laisser contrôler et diriger toute mon activité libre, voilà mon renoncement à moi-même.  C’est de l’abaissement seulement au point de vue naturel, pour mon païen qui cesse d’exister, mais réellement c’est une exaltation ineffable jusqu’au rang des enfants de Dieu.  «Ceux-là sont enfants de Dieu qui se laissent conduire par le St-Esprit.» St-Paul, Rom.8-14.  Quel abîme d’aveuglement dans les hommes qui ne veulent pas s’humilier quand c’est pour être exalté au-dessus de toute compréhension et cela pour l’éternité!  Au lieu de tout puiser dans mes pauvres facultés si limitées, je vais puiser dans l’océan infini de l’activité divine!  Au lieu de suivre mon animalité pécheresse, je suis l’infinie pureté de Dieu!  Au lieu de me guider par mon esprit si borné, je me laisse guider par l’esprit Saint!  Quel dommage que nous appelions cette transformation en l’activité divine de l’humilité.  C’est comme si on disait à Baptiste qu’il est humilié en étant adopté par un roi puissant pour participer à la vie de la cour!  Parce qu’il quitte ses boeufs, sa vieille grange et ses haillons pour aller vivre au milieu d’une cour royale distinguée et avec les riches du royaume, on le plaindrait!  On dirait qu’il s’humilie!  Comme c’est faux en réalité.  Il est exalté au delà de tout ce qu’il pouvant espérer.  Eh bien!  c’est aussi sot pour nous de parler de notre humilité en s’effaçant devant la divinité, en s’abandonnant à l’activité divine C’est tout ce que Jésus demande quand il nous dit: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il prenne sa croix.  Comme Jésus est condescendant pour notre misérable païen; c’est lui seul qui trouve cela dur parce qu’il ne comprend rien aux choses de Dieu.  Mais notre âme éclairée par la foi devrait protester contre cette expression, comme Baptiste protesterait si on le plaignait de s’humilier jusqu’à aller vivre à la cour du roi.

Nous renonçons à notre païen, à notre animal, à notre aveugle personnalité, pour nous exercer tout de suite à la vie que nous mènerons au ciel dans le sein de la Trinité… et nous appelons cela un abaissement, du renoncement, de l’humilité???  Et dire que c’est justement ce que la plupart des chrétiens refusent à Dieu.  Ils se préfèrent à Dieu!  Où sont donc les prêtres, la lumière que Jésus a choisie pour éclairer le monde?  Ou sont donc les docteurs en Israël pour prêcher et enseigner une matière si claire, si avantageuse pour nous tous?  Où sont les religieux qui ont fait des voeux pour chercher une plus grande perfection par des moyens plus parfaits en soi?  Si quelqu’un devait prêcher ce renoncement à soi, c’est bien les religieux!  Que font-ils?  Où sont-ils?  Mais la masse des hommes ignorent cette doctrine céleste, ils n’ont entendu que les mots, mais la chose leur est absolument inconnue.  Oh!  la maudite philosophie du clergé, quel mal incommensurable elle fait dans l’Eglise de Dieu!  Les deux amours qui sont un obstacle infranchissable à l’amour de Dieu, elle les laisse aux hommes, l’amour des créatures et l’amour de soi.  Jésus détruit le premier par sa pauvreté, le deuxième par son humilité.  Or, n’a-t-il pas dit que nous devons tous faire une seule chose avec lui?  Donc nous tous et chacun en particulier doit lutter contre l’amour des créatures par la pratique de la pauvreté réelle en autant que possible et contre l’amour de soi par le renoncement ou l’humilité telle qu’expliquée ici.  Quand aurons-nous des théologiens assez courageux, assez surnaturels pour être prêts à subir toute une persécution exactement comme Jésus de la part des pharisiens?  Tous nos philosophes sont de véritables pharisiens dans toute la force du mot; ils n’attendent qu’un autre Christ pour le persécuter comme le premier.  Ce n’est qu’alors que le peuple a des chances d’entendre la doctrine de Jésus contre ces deux amours que les prêtres philosophes du monde entier protègent comme les démons eux-mêmes les protègent.  Tant que le coeur humain est plein de ces deux amours, l’amour de Dieu n’a pas de place dans l’hôtellerie de l’homme!  Qu’il s’en aille à l’étable!  Pas un prêtre philosophe ira l’adorer là!  Mais dès que des sages éclairés par la foi voudront le manifester au monde, ils se lèveront tous comme des Hérodes et des pharisiens pour le persécuter et le tuer.  Comme Jésus n’est pas connu des prêtres!… Pourquoi intituler la méditation: l’humilité de Jésus, si je ne parle que de renoncement?  C’est que cette humilité toute intérieure ne se manifeste à nous que par le renoncement à nos deux amours naturels.  Je renoncerai aux plaisirs des créatures en proportion que je voudrai et que j’aurai déjà l’amour de Dieu; de même, je renoncerai à mon amour-propre dans la mesure que j’aurai l’amour de Dieu.  Or pour aimer Dieu, il faut renoncer à son activité naturelle et dans le corps et dans l’âme.  Voyons donc en quoi va consister notre humilité et notre renoncement.  notre humilité.

D’abord elle n’est possible qu’à la lumière divine.  Jamais on ne devient plus humble en considérant simplement des hommes comme nous.  Ce n’est que lorsque nous nous comparons à Dieu qui semble insignifiant et que notre estime pour lui tombe.  C’est donc en proportion que nous jugerons tout selon la lumière de la foi que nous avons des chances de devenir humbles.  Comme la lumière d’une bougie s’efface devant la lumière du soleil, ainsi ma raison s’efface devant la lumière divine de la foi.  Il en est ainsi pour toutes les créatures devant leur Créateur.  Or la foi nous enseigne que Jésus veut s’unir à nous comme il s’est uni à son humanité.  Or son humanité s’est effacée complètement pour tout ce qui vient de la personne et qui lui appartient.  Donc toute son activité libre et intellectuelle s’est laissée guider et absorber complètement par le divin du Verbe correspondant.  Eh bien!  tout chrétien qui connaît tant soit peu ce que c’est que notre union avec Jésus doit faire de même; aller chercher toutes ses idées dans le Verbe, tous ses vouloirs en Jésus et conformer toutes ses actions à celles de Jésus; plus que cela, il faut qu’elles soient faites pour Jésus, en Jésus et par Jésus, exactement comme toute notre activité céleste nous viendra de Dieu tout en gardant notre propre entité physique.  C’est tellement contraire à notre façon d’agir qu’il faut donner des exemples pour le bien comprendre.  Voici comment Dieu attaque nos trois foyers d’activité païenne: l’intelligence, la volonté et la vie ou tout notre être.  Il attaque notre intelligence par les vérités de la foi et ses mystères.  Notre raison doit les accepter, quelque difficiles qu’elles soient pour elle.  Par exemple, la doctrine du corps mystique qui enseigne que nous sommes les membres de Jésus et que nous devons nous traiter et traiter les autres comme de véritables Christs!  «Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous le faites.» Qu’on ne se contente pas seulement d’admettre cette vérité révélée de tête uniquement; il n’y a pas grand renoncement là.  Mais il faut la vivre tout de suite.  Votre voisine qui vous a dit des injures ce matin c’est Jésus en personne… pas dans le mal qu’elle a fait, mais dans sa personne.  Vous devez l’aimer et lui faire du bien!  Comme cela est contraire au jugement et à la volonté.  Faiteslui un de vos plus beaux saluts dès que vous la rencontrerez!  et tâchez de lui envoyer un beau gâteau en récompense de ce qu’elle vous a dit!  Comme il faut être plein de Dieu pour ne voir que Dieu en elle!  Absolument tous les chrétiens devraient savoir cela et agir ainsi!  Voilà du renoncement pas pour une élite, mais pour tout chrétien qui aspire au ciel.  Où sont les fidèles qui pourraient agir de la sorte?  où sont les prêtres et les fidèles qui pourraient agir de la sorte?  Où sont les prêtres et les religieux qui seraient capables de le faire?  Où sont ceux qui l’ont enseigné d’une façon systématique et qui l’exigent des fidèles?  Voici un champ extraordinaire d’humilité et de renoncement pour nous tous sans exception.  Dieu fait exprès pour nous demander des sottises afin de nous faire «semer» notre jugement.  «Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages.» Les inférieurs en font souvent à leurs supérieurs, les égaux à leurs égaux.  Mais dans ces deux cas nous pouvons souvent les refuser, les éviter en les envoyant promener, ces gens qui ne sont pas plus que nous. 

Mais Dieu se sert souvent des supérieurs pour nous imposer les sottises qu’il exige de nous.  Venant de ceux à qui nous sommes tenus d’obéir, nous sommes bien obligés de les accepter, au moins c’est notre devoir devant Dieu.  Comme il a demandé une sottise à Abraham et une impossibilité physique à la Ste-Vierge, ne soyons pas surpris qu’il nous demande des sottises par nos supérieurs.  J’ai déjà expliqué dans la méditation sur l’obéissance comment Dieu peut faire tout cela sans préjudice pour la réputation des supérieurs ou pour leur mérite.  C’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font.  Les inférieurs seuls s’en aperçoivent!…

Voilà pourquoi Dieu nous a entourés de tant de gens antipodes de nous et donc que nous trouvons plus ou moins fous.  A quoi bon passer notre vie à numéroter ces imbéciles ou cataloguer leurs sottises?  Dieu les met sur notre chemin pour nous donner l’occasion de renoncer à notre jugement et nous donner des exercices de foi.  On est obligé de se dire: c’est Dieu qui me contrarie par son instrument aveugle qui est là dans ma vie.  Il est bête, il est têtu, on dirait qu’il le fait exprès pour me contrarier et ces imbéciles ne sont que des instruments aveugles dans ses mains.  Comme il faut d’humilité pour le voir et surtout pour le pratiquer, pour être affable à notre foi, bon pour l’instrument de Dieu!  Le matériel qu’il gaspille, peut-être, nous a été donné par Dieu et comme nous étions trop païens pour le semer afin de récolter du divin, il le fait faire par un homme qu’on trouve bien fou, mais qui est l’instrument intelligent pour nous faire donner du divin.  Avec notre grand esprit nous restions avec ces biens purement matériels et caduques; avec notre fou nous devenons héritiers des biens éternels au ciel!  Où est la sagesse réelle?… avec notre fou qui ne l’est que parce qu’il nous enlève du naturel que nous aurions dû être assez intelligents pour semer afin de récolter le céleste. 


Comme cela est dur de pratiquer cette doctrine!  Tous les chrétiens devraient s’y exercer constamment.  Mais qui le fait?  Qui leur a jamais dit?  Qui leur a jamais expliqué cette humilité et ce renoncement de Jésus?  Jamais de la vie on verra un prêtre-philosophe le faire.  Lui n’attaque que le péché.  Il ne voit pas plus loin … La volonté.  Ce que je dis de l’intelligence s’applique à la volonté puisque c’est la même épreuve pour elle.  Si je trouve une chose sotte, il est évident que je ne la veux pas.  S’il faut que je la subisse, ma volonté est obligée de se renoncer et de s’humilier.  Le corps.  Toutes les souffrances dans le corps et dans l’âme répugnent à la nature humaine; c’est justement pour cela que Dieu les envoie afin de nous faire renoncer à notre être.  Voici un résumé des contrariétés qui nous viennent de Dieu pour nous faire renoncer à notre personnalité morale.  résumé Contre l’intelligence, les sottises de tout le monde.  Contre la volonté, les mépris, la haine, les injustices.  Contre l’être, les cruautés de toutes sortes, les maladies, les infirmités, etc.  Ce sont les trois choses qui remplissent le calice de Jésus selon les Apôtres.  Le diable avait préparé tout cela, mais une fois fait, Jésus dit à Pierre: Est-ce que je ne dois pas boire le calice que mon père m’a préparé?  C’est à ce calice que nous devons tous participer pour avoir part aux jouissances célestes en Jésus et par Jésus.