VINGT-TROISIÈME
INSTRUCTION
L’HUMILITÉ
DE JÉSUS.
«Apprenez
de moi que je suis doux et humble de coeur.»
Plan
Remarque: deuxième amour naturel. (Dans
l’intelligence : admiration propre. Ses
éléments: (Dans la volonté : amour-propre.
(Dans la vie: recherche des louanges.
Résume: Echantillon de ce que Dieu veut pour lui-même. (Son intelligence admire perfections divines
Humilité de Jésus: (Sa volonté: tout à l’amour de Dieu. (Sa vie: recherche de la gloire de Dieu. Résumé: son humilité a mêmes sentiments qu’au
ciel. (Il attaque notre intelligence par
les vérités de la foi et ses mystères.
Notre humilité: (Volonté: renoncement et humilité (Vie: souffrances
Résumé: Sottises, mépris, souffrances.
Ce sont les trois choses qui remplissent le calice de Jésus selon les
Apôtres.
REMARQUE Après avoir par sa pauvreté détruit le
fondement du premier amour naturel dans l’homme, l’amour des créatures, il
s’attaque maintenant au deuxième amour naturel dans l’homme qui est l’amour de
soi, il lui enlève son fondement par l’humilité. Sa pauvreté est la pratique de la première
béatitude; son humilité est la pratique de la deuxième béatitude: «Bienheureux
les doux, car ils posséderont la terre.» Pas besoin de grandes réflexions pour
comprendre que l’amour de soi est incomparablement plus fort que l’amour des
créatures et donc plus difficile à déraciner.
Aussi un certain nombre luttent contre le premier amour, qui est celui
des choses créées: les religieux, les prêtres et quelques laïques. Mais le nombre de ceux qui luttent contre
l’amour-propre est fort restreint. Les démons
ont réussi à faire porter tous les efforts des prêtres en général uniquement
sur le péché; ils croient avoir fait leur devoir quand ils ont tonné contre les
vices de toutes sortes.
Cette
tactique sotte laisse intacte la plus grande partie du premier amour naturel,
celui pour les choses permises et totalement intact l’amour de soi. Or ces deux amours qui restent en l’homme
suffisent pour exclure l’amour de Dieu et frustrer tous les efforts que les
chrétiens font pour plaire à Dieu. La
cause de cet oubli vient de la philosophie du clergé qui ne rencontre pas du
tout cette pratique du renoncement aux créatures permises et à soi-même… qui
n’est pas défendu. Mon amour pour les
bonnes choses et l’amour de mon excellence ne sont pas mauvais «en soi»; Alors
nos prêtresphilosophes ne voient là rien à attaquer. Cette maudite philosophie bouscule tous les
textes les plus forts de Jésus qui insiste sur ces deux renoncements; aux
créatures permises et à soi. Ils ne les
voient pas, ils ne veulent pas les voir, ils les escamotent quand on leur
présente; bref, ils les négligent complètement.
Et comme ils dominent dans le clergé et dans le monde ce n’est pas
surprenant que les prêtres et les religieux en général ne prêchent pas ces deux
renoncements. Ils citent parfois des
textes mais ils n’ont pas du tout l’intention de les faire pratiquer, pas plus
qu’ils ne les pratiquent eux-mêmes.
Quand
est-ce qu’on entend un sermon sur le renoncement à son jugement et à sa
volonté? Quand est-ce que les prêtres
l’exigent des fidèles? Ils ne s’en
occupent pas du tout. Où est le prêtre
ou le religieux qui attaque systématiquement les motifs naturels? Or ces motifs jaillissent de notre fond
naturel, ils viennent de l’amour naturel que nous avons pour les créatures et
pour nous-mêmes. Si le moi se manifeste
c’est bien dans mes raisons d’agir.
J’agis pour mes propres intérêts personnels, c’est évident au point de
vue naturel. Mais comme tout cela est
bon «in se», les philosophes ne voient absolument rien à attaquer là. Si parfois ils en parlent c’est comme d’une
curiosité de la vie spirituelle pour une petite élite qui veut se signaler au
service de Dieu, mais c’est du luxe!
C’est du conseil et tout finit là.
La preuve de ce qu’on avance ici est dans ce fait que dès qu’un
prédicateur s’aventure à prêcher le renoncement comme tant soit peu obligatoire
pour tous les chrétiens, il soulève une vraie tempête parmi les
philosophesprêtres qui en ont connaissance.
Ils l’attaquent comme exagéré, comme confondant les conseils avec les
préceptes et comme hérétique et contraire aux traditions de l’Eglise. Comme les supérieurs ont été formés pour la
plupart «à la philosophie», ils réduisent vite au silence ce prédicateur de
«nouveautés» dans l’Eglise! Il n’y aura
pas un prêtre sur mille qui oserait le défendre. C’est donc bien vrai que les prêtres et les
religieux ne prêchent pas le renoncement comme Jésus le veut. La Providence divine veut détruire l’amour de
mon être par les cruautés sur moi, par les sottises contre mon intelligence et
par les injustices et la haine contre ma volonté. Or où sont ceux qui acceptent volontiers ces
sortes d’épreuves? Où sont-ils
ceux-là? Qu’on en trouve dans les
religieux comme dans le clergé séculier?
C’est évident qu’ils sont encore plus rares chez les laïques. Il est donc bien important pour nous
d’étudier l’humilité de Jésus, qui est justement la destruction de
l’amourpropre et de toutes ses ramifications dans l’humain. Voyons d’abord en quoi consiste ce moi auquel
je dois renoncer sur l’ordre de Jésus et sous peine de n’être pas avec lui dans
l’éternité. Prions bien le St-Esprit de
nous protéger dans cette méditation, car nous aurons tout l’enfer contre
nous. Les démons ne veulent pas que nous
dévoilions leurs pièges pour perdre des milliers d’âmes. Prions aussi la Ste-Vierge de nous protéger
contre les attaques des démons pour nous empêcher de comprendre l’humilité de
Jésus afin que nous ne puissions pas l’imiter.
les éléments Le «soi-même» auquel il faut renoncer vaut la peine d’être
examiné dans le détail puisqu’il s’agit de le détruire en nous. Divisons-le pour mieux l’abattre! Il est trop complexe et multiple pour pouvoir
se détruire d’un coup. Il vaut mieux le
prendre partie par partie. Etudions le
dans l’intelligence, dans la volonté et dans la vie.
Dans
l’intelligence: Le moi se manifeste par l’admiration de ses propres excellences
ou perfections. Comme c’est la seule
lumière qu’il suit, il semble ne voir que ce qu’elle lui montre de lui-même; il
admire ses idées, ses projets, ses connaissances, ses jugements. Notre «païen» se croit donc facilement
supérieur à tous les autres. Plus il est
borné et moins il voit ce qu’il y a chez les autres et plus il estime ce qui
vient de lui. On voit combien sont
orgueilleux les peuples païens; ils se croient tous les sur-hommes de la
terre. Ces gens sont tellement pleins
d’eux-mêmes qu’ils n’acceptent rien ou peu des autres. Même la foi pénètre difficilement chez ces
orgueilleux. Quand on est rassasié on
n’a plus faim! Quand on se regarde comme
une lumière, on n’est pas porté à prendre les idées des autres. On est donc égoïste, pédant et vantard. Dans la volonté: comme elle suit
l’intelligence qui lui fournit ses idées ou ses objets, on comprend qu’elle
s’attache à tout ce que son intelligence lui présente. Comme ces deux facultés sont toujours
d’accord chez ces «païens» ils ont la paix parfaite en eux-mêmes, parce qu’ils
subissent à peine les influences du dehors.
Il faudrait la loi pour leur montrer combien croche et fausse est leur
intelligence, mais ordinairement ces gens n’en ont pas ou trop peu. C’est pour cela qu’ils sont si têtus. Même chez les enfants païens, quel entêtement
On les tuerait là plutôt que de les faire changer d’idée ou de volonté. Aussi quand ils aiment une chose, ils la
prennent, s’ils sont capables, peu importe le moyen ou la moralité. Comme leur intelligence leur montre les
choses créées comme faites pour eux-mêmes, ils s’en procurent le plus possible
et mettent toute leur affection en elles.
Car c’est par elles qu’ils se satisfont dans tous les plaisirs qui
contentent leur personne. Tout ce qu’ils
font est encore dans l’espérance d’en tirer parti pour eux-mêmes; ils sont le
centre de leur activité. Dans la vie:
Avec ces deux foyers d’égoïsme dans l’âme, ces gens recherchent avec avidité
des admirateurs de leurs perfections qu’ils croient si grandes. Ils languissent quand ils n’en reçoivent pas
et quelle joie quand on leur en donne.
Quelles courbettes ils sont capables de faire pour se les attirer! Comme on peut les faire travailler pour des
louanges! La louange est le principal
ressort qui les fait marcher en tout.
Ils sont obséquieux envers ceux dont ils attendent des louanges et cela
surtout avec les étrangers qui ne les connaissent pas; mais avec ceux de la
maison ils sont maussades et sans-coeur parce qu’ils n’auront pas de louanges
pour ce qu’ils feront. Ces orgueilleux
pensent à leur propre gloire du matin au soir et y rêvent pendant la nuit. Ils cherchent à monter dans l’échelle sociale
pour être plus en vue afin d’avoir plus d’honneur. C’est pour le même but qu’ils veulent
s’enrichir afin d’avoir des amis influents, des positions lucratives et ainsi
attirer des louanges et des honneurs pour leur précieuse personne. Mais autant ils sont avides de gloire autant
ils sont furieux contre ceux qui leur refusent des louanges. Que de haine contre les autres seulement
parce que ces autres ne les félicitent pas!
Que d’ennemis le sont uniquement parce que les uns refusent aux autres
des louanges! Si on veut gagner
l’affection d’un ennemi, c’est le meilleur moyen; lui adresser même
indirectement des félicitations pour quelque chose qu’il aurait fait de
bien. Quand on voit que quelqu’un
s’éloigne, c’est encore le meilleur moyen de le ramener; vanter quelque chose
qui lui appartient ou qu’il fait.
Tout
cela montre combien ces gens estiment leur propre excellence. C’est donc qu’ils ne voient rien au point de
vue de la foi. Ils jugent tout selon la
raison comme de vrais païens. Comme ils
se croient les seuls auteurs de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font, ils
s’attribuent toutes leurs perfections comme des petits dieux!… échantillon de
ce que dieu veut pour lui-même. Cet
amour naturel pour soi est un véritable échantillon de ce que Dieu veut pour
lui-même. C’est pour cette raison qu’il
nous l’a donné, simplement pour nous faire une idée de sa propre sainteté, qui
est l’amour-propre de Dieu. Sa sainteté
est l’adhésion de sa volonté pour ses perfections divines; notre amour-propre
est l’adhésion de notre volonté à nos propres perfections. Mais Dieu ne nous l’a pas donné pour que nous
le gardions pour nous-mêmes et surtout pour rivaliser avec lui. Pas au tout.
Il nous l’a donné pour que nous le «semions» comme tous les autres
échantillons de ses perfections. Nous
devons absolument nous défaire de cet amour-propre sous peine de ne jamais
recevoir l’amour de Dieu ou la sainteté de Dieu, pas plus que le cultivateur
aura une récolte pour le grain qu’il n’a pas semé. Qu’on ne se plaigne pas qu’il y ait si peu de
Saints. C’est parce que les prêtres ne
prêchent pas assez le sacrifice de l’amour-propre jusque dans ses détails. Ils disent bien quelques fois que
l’amour-propre est une espèce de vice, mais ils ne vont guère plus loin. C’est que, pour attaquer convenablement le
moi humain, il faut connaître la science de la vie spirituelle avec toutes les
influences qui s’exercent sur elle; cela demande beaucoup d’étude, de réflexion
et de prière parce qu’il faut les dons du St-Esprit que Dieu ne donne qu’à ceux
qui se défont de leurs attaches même aux choses permises. Et pour ce dernier point il faut sortir de sa
philosophie pour cultiver la vraie théologie, ce que très peu de prêtres sont
capables de faire ou ont même l’idée de faire.
La plupart sont empêtrés dans leur philosophie et ne savent pas comment
en sortir. Même s’ils trouvent un prêtre
qui comprend le point de vue théologique des choses, il est tellement aveuglé
qu’il va dire que c’est ce prêtre théologien qui est dans l’erreur, de sorte
que ce n’est pas facile pour les pauvres philosophes de comprendre la science
de la guerre à la personnalité morale ou au «moi» païen que tout homme a en
venant en ce monde et qu’il garde tant qu’il ne suit pas un vrai théologien –
si rare –. Comme les philosophes-prêtres
n’attaquent que le défendu, il y a assez de choses permises pour alimenter
l’orgueil humain et satisfaire notre petit dieu pour qu’il reste le rival de
Dieu au coeur de l’homme et donc qu’il perde le ciel et mérite l’enfer. Voilà pourquoi le démon essaie de tenir les
prêtres et les religieux dans la philosophie seulement de la religion ainsi que
la plupart sont formés dans le monde entier.
Je ne dis pas que c’est l’Eglise qui les forme ainsi, ce sont les hommes
euxmêmes, les professeurs de théologie qui ne sont que des philosophes de cette
science sacrée et qui malgré les avertissements des Papes, des Saints et de
toute la science ascétique et mystique, ne veulent pas donner le point de vue
de l’amour, comme je l’ai montré dans l’usage des créatures. StPaul et Jésus enseignent bien qu’elles sont
du fumier comparées à l’amour de Dieu et l’Eglise a déclaré St-Jean de la Croix
Docteur de l’Eglise. Or c’est la seule
idée qu’il a dans ses trois volumes: que tout créé intentionnel, ou que tout
motif qui vient des créatures ou de la nature humaine n’est que du fumier
devant Dieu. Pourquoi les professeurs de
théologie ne se mettent-ils pas à ce point de vue?
Ce
n’est pas la faute de l’Eglise, mais c’est leur propre paganisme, leur propre
mentalité, ou sensualité qui veut sauver les plaisirs qu’ils goûtent et veulent
continuer de goûter dans les différentes attaches aux choses permises «in se»,
comme de fumer, etc… Voilà pourquoi ils évitent la doctrine du fumier des
créatures si clairement donnée dans l’Evangile et par St Paul surtout. Nous venons de voir un peu dans le détail
l’amour de soi que tout homme porte en lui en venant au monde. C’est à tout cela que le chrétien doit
renoncer pour accomplir la parole de Jésus: «Si quelqu’un veut être mon disciple
qu’il se renonce lui-même tous les jours, qu’il prenne sa croix et qu’il me
suive.» Il n’y a rien de plus difficile au monde. Or l’estime de soi-même en face de la foi est
de l’orgueil. Car mon moi n’est qu’un
moyen pour obtenir Dieu; c’est mon argent pour acheter Dieu ou mon grain pour
le récolter au ciel. L’orgueil le garde
précisément et ainsi le préfère à la sainteté de Dieu; il aime mieux son amour
propre que l’amour de Dieu; voilà le crime de l’orgueil. Eh bien, on comprend que dans l’humanité de
Jésus il ne peut y avoir rien de semblable.
A cet orgueil naturel Jésus va préférer la pratique de l’humilité la
plus parfaite au monde. Etudions donc un
peu: l’humilité de jésus Quand le Verbe s’est incarné, il n’a pas pris la
personnalité humaine, mais seulement la nature humaine. Une personne est celle qui est maîtresse de
ses opérations, qui contrôle tout son être et qui est indépendante dans ses
actions. Une personne suit son
intelligence, sa volonté comme elle veut et quand elle veut. Eh bien, le Verbe s’est uni la nature
humaine, mais il a créé au même instant son union avec elle et c’est la
Personne du Verbe qui a pris possession tout de suite de cette nature. Elle n’a donc jamais été conduite par une
personne humaine, mais elle a appartenu tout de suite à la Personne du Verbe;
c’est donc le Verbe qui a été son Maître, qui l’a contrôlée, gouvernée et
dirigée. Sa nature humaine n’a donc
jamais eu ces sentiments que nous avons tous: je fais ce que je veux! Telle chose n’a pas de bon sens, je ne la
ferai pas parce que je n’aime pas cela, etc.
Toute sa nature humaine s’est donc renoncée totalement dans le
Verbe. Elle voyait si bien le divin
qu’elle a agi exactement comme elle le ferait dans le ciel même. Est-ce que là j’imposerai mes idées à
Dieu? ou ma volonté? Sûrement non!
Mais je prendrai toutes mes idées en Dieu, je prendrai ma volonté en
Dieu et je ferai toutes choses selon Dieu et pour Dieu. Voyons le détail de cette union avec Dieu
dans les trois centres d’activité que nous avons: l’intelligence, la volonté et
l’être ou la vie. L’intelligence humaine
de Jésus ne s’est pas perdue dans la vaine admiration des échantillons créés
quand elle contemplait les perfections divines du Verbe. Même son propre être, le plus parfait que
Dieu puisse créer n’était rien devant la divinité même qu’elle
contemplait. Elle ne s’admirait donc pas
ellemême et comme en dehors de Dieu comme les hommes font si sottement. Mais elle se perdait dans l’admiration des
perfections divines de sorte qu’elle s’oubliait elle-même ou elle admirait en
elle-même le divin que Dieu y avait mis, et donc ce n’était que Dieu qu’elle
admirait. Elle n’avait donc pas de
sentiments d’orgueil, mais d’humilité profonde comme toute créature aura devant
Dieu vu face à face au ciel. L’humilité
est souvent définie: se mettre à sa vraie place. Eh bien, il est certain que l’intelligence
humaine de Jésus est restée à sa place, infiniment inférieure à Dieu qu’elle a
estimé comme une créature peut le faire unie à Dieu. Sa propre perfection qu’elle voyait sans
doute lui faisait voir la divinité dans l’échantillon de Dieu qu’était son être
créé…
La
volonté humaine de Jésus, comme la nôtre, prend son objet dans l’intelligence
humaine de Jésus. Comme celle-ci est
pleine des perfections divines, la volonté les veut de tout le poids de son
être. Elle aime ce que l’intelligence
contemple dans le Verbe et elle met là ses délices. Elle adhère aux perfections divines de tout
son être et c’est en cela que consiste sa sainteté, la plus grande de toutes
les natures créées. Aussi la volonté de
Jésus veut exactement tout ce que Dieu veut et comme il le veut. Jamais elle ne serait tentée de se révolter
contre Dieu ou de vouloir autre chose que ce que Dieu veut. On voit dans l’agonie de Jésus que sa volonté
humaine supplie Dieu de la préserver de la passion, mais elle ajoute tout de
suite: Que votre volonté se fasse et non la mienne. Jésus a déjà dit: Je ne fais jamais ma
volonté, mais je fais toujours celle de mon Père. Voilà de la véritable humilité. C’est Dieu qui est tout devant elle; et elle
s’efface totalement devant Dieu. Dans sa
vie. Avec une intelligence et une
volonté tout en Dieu, on peut comprendre ce que doit être sa vie, conduite par
ces deux facultés totalement soumises au divin dans le Verbe. Jésus veut même en tant qu’homme, tout ce que
Dieu se veut à lui-même. Ce que les
humains se veulent par nature pour eux-mêmes, comme on vient de le voir, Jésus
le veut de tout son être humain pour Dieu.
Il cherche évidemment la gloire de Dieu, les louanges pour Dieu, les
honneurs pour Dieu et des admirateurs pour Dieu. Rien du tout pour lui-même en tant
qu’homme. C’est le contraire de ce que
recherchent les hommes. Son être humain
est transformé en Dieu, divinisé complètement dans tout son être. Comme l’orgueil vient de ce que l’on se
complaît dans ses perfections ainsi l’humilité vient de ce que l’on se complaît
dans les perfections divines. Voilà le
véritable oubli de soi. Ce n’est qu’en
Dieu qu’on peut s’effacer réellement. C’est
dans la contemplation des perfections divines que les nôtres s’effacent dans la
même proportion. Voilà l’humilité de
Jésus en tant qu’homme.
résumé
L’humanité
de Jésus a les mêmes sentiments sur terre qu’elle a maintenant au ciel dans la
vision béatifique. Puisque tout est
ordonné par Dieu pour cette fin suprême, on sait que sa gloire exige que nous
commencions à le pratiquer pendant que nous sommes sur terre avec notre liberté
nécessaire au mérite et à la gloire de Dieu.
Au sein de la Trinité peut-on imaginer une intelligence créée imposant
ses idées à Dieu, ou une volonté finie s’opposant à la volonté de Dieu? Eh bien, voilà ce qu’il nous faut commencer
sur terre par la grâce et dans la foi.
C’est l’anéantissement du moi païen que si peu de chrétiens ont commencé
à attaquer. Jésus dit à différents
endroits que ses pensées viennent de son Père, qu’il ne fait que ce que son
Père lui dit de faire, et que toutes ses actions sont faites par son Père,
comme s’il n’était rien au point de vue humain.
C’est que son humanité est tellement unie à Dieu, fait si bien une seule
chose avec Dieu, que c’est comme si elle disparaissait. Mais non, elle n’est pas absorbée par la
divinité elle garde son entité, mais son être est parfaitement soumis à
Dieu. C’est là la mort mystique dont
parle St-Paul pour lui-même: «Ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus qui vit en
moi.» A plus forte raison, l’humanité de Jésus pouvait dire cela. Elle était si bien contrôlée par le divin, si
pénétrée par lui que c’est comme si elle n’existait plus. En Jésus donc, l’humanité est parfaitement
soumise au divin, s’efface devant le divin, est perdue dans le divin, ne veut
que le divin, enfin ne vit que pour le divin.
Elle est toute aux choses de Dieu.
Elle pratique à la perfection le premier commandement: «Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton coeur… etc.» Voilà donc l’humanité de Jésus en tant
qu’homme. Elle imite la personne du
Verbe qui s’est humiliée en venant s’unir à l’humanité, mais elle a dû se
rapetisser. L’infini qui devient une
seule chose avec le fini. Cela dépasse
l’esprit humain. L’immensité incréée qui
se cache dans le corps mortel d’un homme!
Mais l’humilité du Verbe apparaît encore plus grande quand on songe
qu’il s’unit à l’humanité pécheresse devenue l’esclave de Satan. St-Paul peut bien dire que le Verbe s’est
anéanti en prenant la forme de l’esclave et surtout en prenant les péchés de
l’humanité à son compte comme s’il était le coupable! Jamais nous ne pourrons assez approfondir
cette humilité du Verbe en s’incarnant dans l’humanité pécheresse. Comparons maintenant l’humilité de l’humanité
de Jésus. Elle s’efface non pas pour
s’unir à quelqu’un de plus bas qu’elle, mais pour s’unir à son Créateur, à
l’être suprême, à son Dieu. Elle est
élevée au rang divin en s’effaçant. Elle
monte au sommet de toute élévation possible… et l’on appelle cela de
l’humilité? Le Verbe s’est abaissé,
ravalé au rang de l’homme pécheur; l’humanité de Jésus en s’oubliant ou en
s’anéantissant, est exaltée au dessus de toute compréhension. Le Verbe s’abandonne à l’homme pécheur,
l’humanité de Jésus s’abandonne à son Dieu!
C’est de l’humilité sans doute, mais ce n’est qu’un pâle reflet de la
véritable humiliation du Verbe dans l’Incarnation. Pour mieux faire entrer cette doctrine du
renoncement à soi-même, voici un autre argument d’une force incomparable. Quand le Verbe s’est uni à notre humanité, il
n’a pas voulu de la personnalité humaine; il ne voulait qu’une personne en lui
et dans le composé avec l’humain. Or on
sait que notre sanctification n’est que l’Incarnation continuée dans les
membres du corps mystique de Jésus.
La
conséquence est que le Verbe ou Jésus, quand il s’unit à moi, ne veut pas plus
de ma personne morale que pour son humanité.
Il ne veut pas de mon moi moral, il faut bien qu’il prenne ma personne
physique. C’est parce que je suis déjà
une personne physique et réelle quand il vient a moi qu’il faut que je renonce
à cette personne en autant que je le puis par ma volonté. Donc ce n’est que ma personne morale que je
dois mettre de côté. Cela veut dire que
je dois agir comme si je n’étais pas une personne. Je ne dois plus être mon propre maître du
tout, c’est Jésus qui doit me conduire, me diriger et me contrôler comme il le
voudra. Je dois lui céder toute la
maîtrise sur mon activité de sorte qu’à l’avenir je m’abandonne à son bon
plaisir comme un véritable esclave le fait entre les mains de son maître. Je dois prendre mes pensées en Jésus, mes
vouloirs en Jésus et toutes mes actions en Jésus de sorte que je devrais
pouvoir dire comme St-Paul: Le Christ est ma vie! Ou je suis mort, ce n’est plus moi qui vit,
c’est Jésus qui vit en moi! C’est en
proportion que je ferai cela que j’imite l’humilité de l’humanité de
Jésus. Me perdre en Jésus pour le
laisser contrôler et diriger toute mon activité libre, voilà mon renoncement à
moi-même. C’est de l’abaissement
seulement au point de vue naturel, pour mon païen qui cesse d’exister, mais
réellement c’est une exaltation ineffable jusqu’au rang des enfants de
Dieu. «Ceux-là sont enfants de Dieu qui
se laissent conduire par le St-Esprit.» St-Paul, Rom.8-14. Quel abîme d’aveuglement dans les hommes qui
ne veulent pas s’humilier quand c’est pour être exalté au-dessus de toute
compréhension et cela pour l’éternité!
Au lieu de tout puiser dans mes pauvres facultés si limitées, je vais
puiser dans l’océan infini de l’activité divine! Au lieu de suivre mon animalité pécheresse,
je suis l’infinie pureté de Dieu! Au
lieu de me guider par mon esprit si borné, je me laisse guider par l’esprit
Saint! Quel dommage que nous appelions
cette transformation en l’activité divine de l’humilité. C’est comme si on disait à Baptiste qu’il est
humilié en étant adopté par un roi puissant pour participer à la vie de la
cour! Parce qu’il quitte ses boeufs, sa
vieille grange et ses haillons pour aller vivre au milieu d’une cour royale
distinguée et avec les riches du royaume, on le plaindrait! On dirait qu’il s’humilie! Comme c’est faux en réalité. Il est exalté au delà de tout ce qu’il
pouvant espérer. Eh bien! c’est aussi sot pour nous de parler de notre
humilité en s’effaçant devant la divinité, en s’abandonnant à l’activité divine
C’est tout ce que Jésus demande quand il nous dit: «Si quelqu’un veut venir
après moi, qu’il prenne sa croix. Comme
Jésus est condescendant pour notre misérable païen; c’est lui seul qui trouve
cela dur parce qu’il ne comprend rien aux choses de Dieu. Mais notre âme éclairée par la foi devrait
protester contre cette expression, comme Baptiste protesterait si on le
plaignait de s’humilier jusqu’à aller vivre à la cour du roi.
Nous
renonçons à notre païen, à notre animal, à notre aveugle personnalité, pour
nous exercer tout de suite à la vie que nous mènerons au ciel dans le sein de
la Trinité… et nous appelons cela un abaissement, du renoncement, de l’humilité??? Et dire que c’est justement ce que la plupart
des chrétiens refusent à Dieu. Ils se
préfèrent à Dieu! Où sont donc les
prêtres, la lumière que Jésus a choisie pour éclairer le monde? Ou sont donc les docteurs en Israël pour
prêcher et enseigner une matière si claire, si avantageuse pour nous tous? Où sont les religieux qui ont fait des voeux
pour chercher une plus grande perfection par des moyens plus parfaits en
soi? Si quelqu’un devait prêcher ce
renoncement à soi, c’est bien les religieux!
Que font-ils? Où sont-ils? Mais la masse des hommes ignorent cette
doctrine céleste, ils n’ont entendu que les mots, mais la chose leur est
absolument inconnue. Oh! la maudite philosophie du clergé, quel mal
incommensurable elle fait dans l’Eglise de Dieu! Les deux amours qui sont un obstacle
infranchissable à l’amour de Dieu, elle les laisse aux hommes, l’amour des
créatures et l’amour de soi. Jésus
détruit le premier par sa pauvreté, le deuxième par son humilité. Or, n’a-t-il pas dit que nous devons tous
faire une seule chose avec lui? Donc
nous tous et chacun en particulier doit lutter contre l’amour des créatures par
la pratique de la pauvreté réelle en autant que possible et contre l’amour de
soi par le renoncement ou l’humilité telle qu’expliquée ici. Quand aurons-nous des théologiens assez
courageux, assez surnaturels pour être prêts à subir toute une persécution
exactement comme Jésus de la part des pharisiens? Tous nos philosophes sont de véritables
pharisiens dans toute la force du mot; ils n’attendent qu’un autre Christ pour
le persécuter comme le premier. Ce n’est
qu’alors que le peuple a des chances d’entendre la doctrine de Jésus contre ces
deux amours que les prêtres philosophes du monde entier protègent comme les
démons eux-mêmes les protègent. Tant que
le coeur humain est plein de ces deux amours, l’amour de Dieu n’a pas de place
dans l’hôtellerie de l’homme! Qu’il s’en
aille à l’étable! Pas un prêtre
philosophe ira l’adorer là! Mais dès que
des sages éclairés par la foi voudront le manifester au monde, ils se lèveront
tous comme des Hérodes et des pharisiens pour le persécuter et le tuer. Comme Jésus n’est pas connu des prêtres!…
Pourquoi intituler la méditation: l’humilité de Jésus, si je ne parle que de
renoncement? C’est que cette humilité
toute intérieure ne se manifeste à nous que par le renoncement à nos deux
amours naturels. Je renoncerai aux
plaisirs des créatures en proportion que je voudrai et que j’aurai déjà l’amour
de Dieu; de même, je renoncerai à mon amour-propre dans la mesure que j’aurai
l’amour de Dieu. Or pour aimer Dieu, il
faut renoncer à son activité naturelle et dans le corps et dans l’âme. Voyons donc en quoi va consister notre
humilité et notre renoncement. notre
humilité.
D’abord
elle n’est possible qu’à la lumière divine.
Jamais on ne devient plus humble en considérant simplement des hommes
comme nous. Ce n’est que lorsque nous
nous comparons à Dieu qui semble insignifiant et que notre estime pour lui
tombe. C’est donc en proportion que nous
jugerons tout selon la lumière de la foi que nous avons des chances de devenir
humbles. Comme la lumière d’une bougie
s’efface devant la lumière du soleil, ainsi ma raison s’efface devant la
lumière divine de la foi. Il en est
ainsi pour toutes les créatures devant leur Créateur. Or la foi nous enseigne que Jésus veut s’unir
à nous comme il s’est uni à son humanité.
Or son humanité s’est effacée complètement pour tout ce qui vient de la
personne et qui lui appartient. Donc
toute son activité libre et intellectuelle s’est laissée guider et absorber
complètement par le divin du Verbe correspondant. Eh bien!
tout chrétien qui connaît tant soit peu ce que c’est que notre union
avec Jésus doit faire de même; aller chercher toutes ses idées dans le Verbe,
tous ses vouloirs en Jésus et conformer toutes ses actions à celles de Jésus;
plus que cela, il faut qu’elles soient faites pour Jésus, en Jésus et par
Jésus, exactement comme toute notre activité céleste nous viendra de Dieu tout
en gardant notre propre entité physique.
C’est tellement contraire à notre façon d’agir qu’il faut donner des
exemples pour le bien comprendre. Voici
comment Dieu attaque nos trois foyers d’activité païenne: l’intelligence, la
volonté et la vie ou tout notre être. Il
attaque notre intelligence par les vérités de la foi et ses mystères. Notre raison doit les accepter, quelque
difficiles qu’elles soient pour elle.
Par exemple, la doctrine du corps mystique qui enseigne que nous sommes
les membres de Jésus et que nous devons nous traiter et traiter les autres
comme de véritables Christs! «Ce que
vous faites au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous le faites.»
Qu’on ne se contente pas seulement d’admettre cette vérité révélée de tête
uniquement; il n’y a pas grand renoncement là.
Mais il faut la vivre tout de suite.
Votre voisine qui vous a dit des injures ce matin c’est Jésus en
personne… pas dans le mal qu’elle a fait, mais dans sa personne. Vous devez l’aimer et lui faire du bien! Comme cela est contraire au jugement et à la
volonté. Faiteslui un de vos plus beaux
saluts dès que vous la rencontrerez! et
tâchez de lui envoyer un beau gâteau en récompense de ce qu’elle vous a
dit! Comme il faut être plein de Dieu
pour ne voir que Dieu en elle!
Absolument tous les chrétiens devraient savoir cela et agir ainsi! Voilà du renoncement pas pour une élite, mais
pour tout chrétien qui aspire au ciel.
Où sont les fidèles qui pourraient agir de la sorte? où sont les prêtres et les fidèles qui
pourraient agir de la sorte? Où sont les
prêtres et les religieux qui seraient capables de le faire? Où sont ceux qui l’ont enseigné d’une façon
systématique et qui l’exigent des fidèles?
Voici un champ extraordinaire d’humilité et de renoncement pour nous
tous sans exception. Dieu fait exprès
pour nous demander des sottises afin de nous faire «semer» notre jugement. «Dieu a choisi ce qui est insensé selon le
monde pour confondre les sages.» Les inférieurs en font souvent à leurs
supérieurs, les égaux à leurs égaux.
Mais dans ces deux cas nous pouvons souvent les refuser, les éviter en
les envoyant promener, ces gens qui ne sont pas plus que nous.
Mais
Dieu se sert souvent des supérieurs pour nous imposer les sottises qu’il exige
de nous. Venant de ceux à qui nous
sommes tenus d’obéir, nous sommes bien obligés de les accepter, au moins c’est
notre devoir devant Dieu. Comme il a
demandé une sottise à Abraham et une impossibilité physique à la Ste-Vierge, ne
soyons pas surpris qu’il nous demande des sottises par nos supérieurs. J’ai déjà expliqué dans la méditation sur
l’obéissance comment Dieu peut faire tout cela sans préjudice pour la
réputation des supérieurs ou pour leur mérite.
C’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Les inférieurs seuls s’en aperçoivent!…
Voilà
pourquoi Dieu nous a entourés de tant de gens antipodes de nous et donc que
nous trouvons plus ou moins fous. A quoi
bon passer notre vie à numéroter ces imbéciles ou cataloguer leurs
sottises? Dieu les met sur notre chemin
pour nous donner l’occasion de renoncer à notre jugement et nous donner des
exercices de foi. On est obligé de se
dire: c’est Dieu qui me contrarie par son instrument aveugle qui est là dans ma
vie. Il est bête, il est têtu, on dirait
qu’il le fait exprès pour me contrarier et ces imbéciles ne sont que des
instruments aveugles dans ses mains.
Comme il faut d’humilité pour le voir et surtout pour le pratiquer, pour
être affable à notre foi, bon pour l’instrument de Dieu! Le matériel qu’il gaspille, peut-être, nous a
été donné par Dieu et comme nous étions trop païens pour le semer afin de
récolter du divin, il le fait faire par un homme qu’on trouve bien fou, mais
qui est l’instrument intelligent pour nous faire donner du divin. Avec notre grand esprit nous restions avec
ces biens purement matériels et caduques; avec notre fou nous devenons
héritiers des biens éternels au ciel! Où
est la sagesse réelle?… avec notre fou qui ne l’est que parce qu’il nous enlève
du naturel que nous aurions dû être assez intelligents pour semer afin de récolter
le céleste.
Comme
cela est dur de pratiquer cette doctrine!
Tous les chrétiens devraient s’y exercer constamment. Mais qui le fait? Qui leur a jamais dit? Qui leur a jamais expliqué cette humilité et
ce renoncement de Jésus? Jamais de la
vie on verra un prêtre-philosophe le faire.
Lui n’attaque que le péché. Il ne
voit pas plus loin … La volonté. Ce que
je dis de l’intelligence s’applique à la volonté puisque c’est la même épreuve
pour elle. Si je trouve une chose sotte,
il est évident que je ne la veux pas.
S’il faut que je la subisse, ma volonté est obligée de se renoncer et de
s’humilier. Le corps. Toutes les souffrances dans le corps et dans
l’âme répugnent à la nature humaine; c’est justement pour cela que Dieu les
envoie afin de nous faire renoncer à notre être. Voici un résumé des contrariétés qui nous
viennent de Dieu pour nous faire renoncer à notre personnalité morale. résumé Contre l’intelligence, les sottises de
tout le monde. Contre la volonté, les
mépris, la haine, les injustices. Contre
l’être, les cruautés de toutes sortes, les maladies, les infirmités, etc. Ce sont les trois choses qui remplissent le
calice de Jésus selon les Apôtres. Le
diable avait préparé tout cela, mais une fois fait, Jésus dit à Pierre: Est-ce
que je ne dois pas boire le calice que mon père m’a préparé? C’est à ce calice que nous devons tous
participer pour avoir part aux jouissances célestes en Jésus et par Jésus.
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