Notre
Sauveur, bien-aimés, est né aujourd'hui, réjouissons-nous ! Car il serait
impie de laisser place à la tristesse en ce jour de naissance de la vie ;
de la vie qui, détruisant la mort, nous comble de la joie que donne l'éternité
promise. Il n'est personne à qui soit refusé de partager cette allégresse, un
seul et même motif de joie est commun à tous, car notre Seigneur qui, venu
détruire le péché et la mort, n'a trouvé parmi les hommes personne qui fut
libre de faute, est venu les libérer tous. Qu'exulte le saint, car il est près
de recevoir la palme ; que se réjouisse le pécheur, car on l'invite au
pardon ; que le païen prenne courage, car on l'appelle à recevoir la vie.
En
effet, lorsque vint la plénitude des temps qu'avait fixée l'impénétrable
profondeur du conseil divin, le Fils de Dieu prit la nature propre au genre humain
afin de la réconcilier avec son Auteur, en sorte que le diable, inventeur de la
mort, fut vaincu par cette nature même qu'il avait vaincue. Dans cette lutte
engagée pour nous, le combat fut mené en se conformant au droit admirable et
suprême de l'équité, car le Seigneur tout-puissant se mesura avec ce très cruel
adversaire non dans sa Majesté, mais dans notre humanité, lui opposant la même
condition, la même nature que les nôtres, partageant notre mortalité tout en
demeurant étranger à tout péché. Oui, cette naissance échappe à ce qui est
écrit de tous les hommes : « Personne n'est sans souillure, pas même
l'enfant qui n'a vécu qu'un seul jour sur la terre. » (Jb 14,4-5). Rien
donc dans cette naissance unique qui vienne de la concupiscence charnelle, rien
qui découle de la loi du péché. De la race de David est choisie une vierge de
sang royal qui, appelée à porter un rejeton sacré, concevrait dans son esprit
avant que dans son corps cette divine et humaine descendance. Et, de peur
qu'ignorante du dessein divin, elle ne s'effraie devant des faits inhabituels,
elle apprend de la bouche d'un ange ce que va opérer en elle l'action de
l'Esprit saint. Aussi ne croit-elle pas que sa pureté souffre un dommage, elle
qui bientôt sera Mère de Dieu. Pourquoi, en effet, n'aurait-elle point foi en
la nouveauté de cette conception, elle à qui est promis que l'efficacité en
viendra de la puissance du Très-Haut ? Le témoignage d'un miracle
préalable vient même confirmer sa foi, et la fécondité d'Élisabeth lui est apportée
en preuve, afin que l'on ne doute pas que celui qui qui avait donné à une femme
stérile la faculté de concevoir la donnerait aussi à une vierge.
Le
verbe de Dieu, Dieu, Fils de Dieu, qui au commencement était avec Dieu, par qui
toutes choses ont été faites et sans qui rien n'a été fait, afin de délivrer
l'homme de la mort éternelle, est donc devenu homme. Pour épouser la bassesse
de notre condition sans que sa majesté en soit diminuée, Il s'est abaissé de
telle sorte que, demeurant ce qu'Il était et assumant ce qu'Il n'était pas, Il
unit la véritable condition de serviteur à cette condition dans laquelle Il est
égal à Dieu le Père, réalisant ainsi entre les deux natures une alliance si
étroite que ni l'inférieure ne fut absorbée par cette glorification, ni la
supérieure diminuée par cette assomption. Les propriétés de chaque nature
restant donc sauves et se réunissant en une seule personne, la majesté se revêt
d'humilité, la force de faiblesse, l'éternité de caducité ; pour payer la
dette due par notre condition, la nature inviolable s'est unie à une nature
passible, vrai Dieu et vrai homme s'associant dans l'unité d'un seul
Seigneur ; ainsi le seul et unique médiateur entre Dieu et les hommes put,
comme l'exigeait notre guérison, mourir en vertu d'une des deux natures et
ressusciter en vertu de l'autre.
C'est
donc à juste titre que l'enfantement du Sauveur ne porta pas atteinte à
l'intégrité virginale ; car la mise au monde de Celui qui est la Vérité
fut la sauvegarde de sa pureté.
Une
telle naissance, bien-aimés, convenait au Christ, Puissance de Dieu et Sagesse
de Dieu, cette naissance par laquelle Il s'adaptait à nous par l'humanité et
l'emportait sur nous par la divinité. Si, en effet, Il n'était pas vrai Dieu,
Il n'apporterait pas de remède ; s'il n'était pas vrai homme, Il ne
procurerait pas d'exemple. Aussi, à la naissance du Seigneur, les anges
chantent-ils en liesse : « Gloire à Dieu au plus haut des
cieux » et proclament-ils « La paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté ». Ils voient, en effet, la Jérusalem céleste se construire au
moyen de toutes les nations du monde : cette œuvre ineffable de la divine
Bonté, quelle cause d'allégresse ne doit-elle pas être dans l'humble monde des
hommes, si elle provoque une si grande joie dans la sphère sublime des
anges ?
Remercions
donc, bien-aimés, Dieu le Père, par son Fils, dans l'Esprit saint, Lui qui, à
cause de la grande miséricorde dont Il nous a aimés, a eu pitié de nous, et,
alors que nous étions morts par suite de nos péchés, nous a fait revivre par le
Christ, voulant que nous soyons en Lui une nouvelle création, une nouvelle
oeuvre de ses Mains. Dépouillons donc le vieil homme avec ses agissements, et,
admis à participer à la naissance du Christ, renonçons aux œuvres de la chair.
Reconnais,
ô chrétien, ta dignité, et, après avoir été fait participant de la nature
divine, ne va pas retourner, par un comportement indigne de ta race, à ta
première bassesse. Souviens-toi de quelle Tête et de quel Corps tu es membre.
Rappelle-toi qu'arraché à l'empire des ténèbres, tu as été transféré dans le
royaume de Dieu et dans sa lumière. Par le sacrement du baptême, tu es devenu
temple du saint Esprit : ne va pas, par tes mauvaises actions, faire fuir
loin de toi un tel hôte et te soumettre à nouveau à l'esclavage du
diable ; ta rançon, c'est le sang du Christ, et Il te jugera selon la
vérité, Celui qui t'a racheté selon sa Miséricorde, Lui qui règne avec le Père
et l'Esprit saint dans les siècles des siècles. Amen.