TRENTE-SIXIÈME
INSTRUCTION
LA
PRIÈRE.
«Qui de vous si son fils
lui demande du pain lui donnera une pierre? Ou s’il lui demande du poisson, lui
donnera un scorpion? Si donc, vous, tout méchant que vous êtes, savez donner de
bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux,
donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le prient!».
NÉCESSITÉ DE LA PRIÈRE.
Nous avons médité le plan
divin dans la création, la rédemption et dans notre sanctification expliqué
dans nos trois séries de retraite: il nous reste à vivre toute cette doctrine
pour aller au ciel. Or, savoir notre devoir et le faire, il y a un abîme que
seule la grâce peut combler. Or, pour l’avoir il faut la demander dans la
prière. Jésus nous dit formellement: «Sans moi, vous ne pouvez rien!». Que
personne ne se fie à son intelligence du plan divin ou à sa détermination de le
vivre: il faut qu’il ajoute à cela la prière.
Voici une idée à faire
frémir tout catholique. Dans sa prière sacerdotale, Jean 17-9, Jésus dit: «Je
prie pour ceux que vous m’avez donnés, je ne prie pas pour le monde». Les
théologiens ont beau dire que le salut est offert à tous les hommes sans
exception, cette parole de Jésus est terrible! Ceux pour lesquels il refuse de
prier, ne seront certainement pas sauvés. Jésus meurt pour tous les hommes,
mais ici, il offre ses mérites et il prie seulement pour ceux que le Père lui a
donnés. Il y en a donc que le Père ne lui a pas donnés! Quand Saint Pierre dit:
«Rendez votre élection certaine par vos bonnes œuvres, il admet donc que Dieu
nous choisit parmi d’autres qu’il ne choisit pas! On parle des élus pour le
ciel, ce sont donc des choisis parmi d’autres qui ne le sont pas!
Les prêtres qui
n’admettent que deux endroits dans l’éternité pour les adultes, à savoir, le
ciel et l’enfer sont donc obligés de dire que Dieu a créé tous les hommes pour
le ciel. Car qui pourrait admettre l’idée que Dieu en a créés pour l’enfer?
C’est impossible! Mais, quand on laisse les limbes comme bonheur naturel et
normal pour tous les hommes dans l’ordre naturel, c’est moins difficile
d’admettre que Dieu peut choisir des élus parmi les hommes pour le ciel, sans
faire d’injustice à ceux qu’il laisse pour leur bonheur naturel des limbes.
Alors, tous les textes cités plus haut se comprennent bien. Il est certain que
les mérites de Jésus sont infinis et suffisants donc pour tous les hommes sans
exception. Mais, quel texte pourrait-on apporter pour prouver que de ce fait
ces mérites sont appliqués à tous les hommes? Or, dans sa prière sacerdotale,
Jésus demande positivement le ciel pour ceux que le Père lui a donnés. Il ne
les lui a donc pas tous donnés. «Je veux que là où je suis ceux que vous m’avez
donnés soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire que vous m’avez
donnée avant que le monde fût!». Je parle de la sorte parce que c’est encore
une question libre dans l’Eglise. Si jamais elle se prononce, je me soumets
d’avance à sa décision.
Ne nous excitons pas au
sujet de notre prédestination, nous ne saurons jamais sur terre si le Père nous
a donnés à J.-C. Mais d’après son enseignement, le plus sûr moyen d’être parmi
les élus, c’est de le demander constamment et de faire tout ce que nous pouvons
pour nous sanctifier. Car il n’y a pas de doute que de toute éternité, Dieu
voit nos efforts pour être avec lui parmi les élus où notre insouciance. Or, le
ciel est la plus belle perle possible: il ne la donnera pas à ceux qui sont
heureux avec les échantillons. Or, l’ensorcellement des créatures est si fort
que seule la prière peut nous obtenir la grâce de les mépriser pour préférer le
ciel.
Défions-nous de cette
tendance des prêtres philosophes à nous rendre le ciel si facile. Il ne faut
pas oublier qu’ils vivent habituellement dans le naturel et que par une suite
de sophismes à moitié vrais, à moitié faux, ils raisonnent au sujet du ciel
exactement comme on le ferait si nous étions sur le chemin des limbes. Du
moment qu’on évite les péchés mortels défendus par la loi naturelle, ces
prêtres donnent le ciel. Ils le donnent à cette activité naturelle des motifs
et des affections pour les bonnes créatures, comme si nous étions dans l’ordre
naturel. Ce n’est pas vrai! L’Apôtre dit: «N’aimez pas le monde, ni ce qui est
dans le monde: si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est point en
lui». Or, tout ce qu’il y a dans le monde n’est pas mauvais. Le riche qui s’est
damné après J.-C. n’a rien fait de mal, n’a commis aucun péché isolé
quelconque…et pourtant, il est damné!
C’est cette attitude des
prêtres philosophes qui tue l’esprit de prière. Dans l’ordre naturel, nous
n’aurions pas eu d’autre besoin de la prière que pour éviter les gros péchés
mortels; le reste serait venu automatiquement. Est-ce que des enfants ont à
prier leurs parents pour avoir la nourriture de chaque jour? Cela entre dans
leur vie ordinaire. Mais, s’ils voulaient un diamant d’un grand prix, il
faudrait qu’ils le demandent à leurs parents.
Ainsi quand on rabaisse
le ciel au niveau des limbes comme une fin naturelle, c’est évident qu’il ne
faut pas prier beaucoup pour l’avoir: il suffit de n’être pas un démon de
méchanceté pour y arriver. Or, les prêtres qui disent que des bons motifs
naturels méritent au ciel évidemment, mais à leur insu, dans leur ignorance,
mettent le ciel comme fin naturelle, puisqu’ils disent que des moyens naturels
comme des motifs naturels y conduisent. C’est un principe de bonne philosophie
que la fin spécifie les moyens. Puisqu’ils acceptent des moyens naturels comme
des motifs naturels, c’est donc naturel dans leur façon d’agir. Mais dans leur
façon d’agir, ils font comme si le ciel était naturel. Car dans ce cas, l’homme
est capable de mériter le ciel par ces bons motifs naturels, où il n’a pas tant
besoin de la grâce. Ainsi, ils mettent le bon Dieu de côté pour laisser les
hommes croire que du moment qu’ils suivent leur raison, ils ont toutes les
chances d’être sauvés; ce qui est absolument faux! Ce n’est pas la raison qui
donne le ciel, mais la foi seule. Or, la foi dépasse entièrement la raison;
elle est un don de Dieu que personne ne peut mériter en justice. Dieu la donne
à qui il veut exactement comme le salut! Alors, la théologie absolument
surnaturelle requiert un désir ardent de l’avoir, un amour de préférence sur
l’amour de toutes les choses créées. C’est un don ineffable.
Il faut absolument tuer
cette sécurité qu’ont tant de chrétiens au sujet de leur salut, et qui prient
si peu pour l’avoir. Evidemment, ils comptent donc sur leur bonté naturelle
comme les philosophes le leur enseignent par leurs paroles et par leurs
exemples d’une vie de vrai païen dans leur mentalité. Ils sont tout aux choses
du monde comme leurs conversations l’indiquent trop bien, ils laissent leurs
fidèles tout aux choses du monde comme eux-mêmes… et tous ces bons païens ne
sont pas du tout inquiets pour leur salut! La preuve est qu’ils ne prient pas
ou très peu. Quand est-ce qu’on voit ces prêtres aller à l’église, quand exhortent
ils les fidèles à y venir prier? Ceux qui ne prient pas ou peu sont donc sûrs
de leur ciel… et c’est donc qu’ils rabaissent le ciel au niveau des limbes, de
fait dans leur esprit.
Tout cela est une fausse
sécurité qui vient d’une mentalité absolument païenne qui suppose que le ciel
nous est dû du moment que nous ne sommes pas des monstres d’iniquité. C’est une
attitude mentale qui fait un tort immense aux fidèles et qui en perd sûrement
un grand nombre.
Nous devrions tous savoir
que du côté de l’homme, il n’y a absolument rien qui fonde le salut. Même s’il
était l’homme le plus parfait au monde, il serait fou de compter sur cette
perfection pour son ciel. C’est l’enseignement formel de l’Eglise que personne
ne peut mériter la persévérance finale. Or, cela est le ciel! Que tous les
prêtres disent donc aux fidèles que la grâce sanctifiante ne peut pas se
mériter, que la foi ne peut pas se mériter, que la persévérance finale ne peut
pas se mériter, et donc que le salut ne peut pas se mériter. C’est un pur don
de Dieu! Donc personne, quelque bon qu’il soit, ne peut être sûr de l’avoir.
Nous ne devrions jamais mettre aucune sécurité dans notre bonne vie quoi qu’en
pensent et disent les philosophes!
Ils ont un principe en
harmonie avec leur théorie qu’il n’y a que le ciel et l’enfer pour les hommes
faits. Dans ce cas, il est évident que celui qui fait son possible devrait avoir
la grâce du salut. Devrait? Mais qui peut le prouver? Cela supposerait que le
salut est dû aux bonnes œuvres d’une certaine façon, si je puis m’appuyer sur
mes œuvres pour le ciel. C’est faux! Le ciel ne serait pas un pur don de Dieu
alors! Quand on dit un pur don, cela veut dire que Dieu le donne à qui il veut,
indépendamment de la vie ou des œuvres. Voilà ce qui est de la solide doctrine
d’après l’Evangile! Il faut la suivre à tout prix. Et, dans ce cas, il faut la
prière: elle est le moyen le plus sûr.
Qu’est-ce que nous
gagnons à suivre la doctrine mielleuse et douce, facile qui sauve le monde sans
effort du moment qu’ils évitent les gros péchés mortels… tout le monde est
sauvé! Mais est-ce que Dieu va choisir un homme parce qu’un prêtre lui a dit
qu’il était très facile d’arriver au ciel, qu’il pouvait jouir des créatures
tant qu’il voudrait du moment qu’il ne ferait pas d’excès, il n’y a pas de
doute qu’il serait sauvé! On dit cet homme est sincère, il ne connaissait pas
mieux. C’est vrai, mais la sincérité n’est pas la foi. Comme il y en a qui se
trompent sur ce point.
Être sincère, c’est agir
selon sa conscience ou ses idées. C’est donc agir en bon païen. Depuis quand la
raison donne-t-elle le ciel? La foi, c’est agir selon la vérité révélée ou
selon la lumière divine. Elle seule donne le ciel. Qu’on laisse donc la paix
avec la sincérité! Tant qu’elle suit la raison, elle ne vaut rien pour le ciel.
Il ne faut pas compter
sur sa bonté ou sa perfection à cause des fortes tentations qui peuvent venir
n’importe quand et faire chavirer les plus solides. Dieu peut exiger que nous
le préférions à toutes les créatures du monde et c’est ce qu’il fait
habituellement en envoyant de fortes tentations où il faudra être prêt à tout
sacrifier pour sauver son âme. Or, combien alors tombent misérablement comme de
vrais païens? Où sont ceux qui ne pèchent jamais? Les autres tombent quand Dieu
les tente. Ce n’est pas pratique de s’appuyer sur ses bonnes œuvres passées
pour croire que l’on sera fidèle à Dieu jusqu’à la fin.
Il reste donc que le
meilleur moyen à la disposition de tout homme, c’est la prière. Non pas une
prière quelconque comme ces gens qui sont sûrs de leur salut et qui prient pour
passer le temps!… Qui pensent qu’ils font de l’extra… du surérogatoire! Mais
une prière du fond du cœur, d’un homme qui se voit encore immensément loin du
but à atteindre, qui n’est jamais sûr! Un homme qui ne sait pas encore si ses
péchés sont suffisamment expiés, un homme dont le cœur est encore si plein de
l’amour des créatures qu’il ignore s’il aime assez Dieu pour le satisfaire. Un
homme qui ne saura jamais sur terre si le Père éternel l’a donné à J.C. pour
être sauvé. Grand Dieu, que de raisons de craindre pour son salut!… Et
au-dessus de toutes ces craintes, de ces doutes, il reste cette épouvantable
idée qui devrait toujours planer dans l’esprit de tout chrétien: Dieu m’a-t-il
choisi pour lui? Suis-je un élu du Père éternel? Aurai-je la grâce de la
persévérance finale?…
Quelle attitude mentale terrible
mais combien favorable à la prière! Alors, on se jette dans la miséricorde
divine comme un naufragé sur l’océan, vise la terre au loin. La prière est
notre plus sûre planche de salut. Prions de tout cœur, prions constamment et
crions notre détresse et notre crainte vers Dieu.
Je n’aime pas cette
prédication qui veut toujours calmer les esprits sur la question du salut, qui
insiste que tout le monde à peu près est sauvé, qu’il n’y a pas à s’inquiéter,
etc… C’est tout le contraire de ce que l’Ecriture dit: qu’il faut faire son
salut avec tremblement. Son plus grand tort est justement d’empêcher les gens
de prier pour leur salut. Eh bien! Un système ou une idée qui nuit à l’esprit
de prière ne vient certainement pas de Dieu mais du diable. Pourquoi donner du
chloroforme aux fidèles sur la question du salut! Que gagne-t-on à les endormir
sur ce point? Est-ce que le calme va les sauver? Est-ce que c’est la confiance
basée sur leur bonté naturelle qui va les aider à arriver au ciel? C’est
absurde. Alors, pourquoi tant insister à leur donner cette sécurité qui ne vaut
rien pour le choix du Père éternel.
Mieux vaut cent fois
montrer la vérité théologique dans toute sa force et tant mieux si les gens ont
une peur bleue de n’être pas sauvés! Qu’ils prient plus et mieux et plus
souvent! «Demandez et vous recevrez», dit Jésus. L’expérience prouve que ceux
qui ne tombent pas dans le péché, c’est parce qu’ils ont beaucoup prié pour
cette grâce. Il en est de même pour la grâce finale; ce sont ceux qui la demandent
constamment et avec ardeur qui l’obtiendront. C’est le moyen le plus sûr de
l’obtenir. Les ignorants comme les savants, les faibles comme les forts et les
malades comme ceux qui sont en santé peuvent s’en servir! Prions! Prions!
Prions!
LES ÉLÉMENTS D’UNE BONNE
PRIÈRE
1) LE DÉTACHEMENT DES
CHOSES CRÉÉES.
Le ciel dépasse tellement la terre que celui qui le demande à
Dieu ne doit pas garder d’amour pour les créatures. S’il est assez fou pour
donner de son amour à une ombre qui passe, la Sagesse infinie ne se donnera pas
à lui. L’Eglise a approuvé la doctrine de Saint Jean de la Croix. Or, il dit
que celui qui garde la moindre attache pour une créature n’aura pas
l’intelligence des choses de Dieu. Dans ce cas, comment un homme pourrait-il
vouloir de tout son cœur le ciel? Le plaisir qu’il trouve dans son attache est
autant de pris sur son amour pour les choses divines. Surtout, c’est que le
Saint-Esprit ne lui donnera pas sa lumière divine pour désirer les choses de
Dieu. Le même saint Docteur dit qu’une attache met un mur infranchissable entre
l’âme et Dieu. Donc, elle ne recevra pas d’autre grâce que pour se défaire de
cette attache.
Voilà pourquoi si peu de
chrétiens prient bien: il y en a tant qui ont des attaches comme les fumeurs,
les passionnés pour la radio, la télévision, les vues, les sports, etc. Ces
gens ne peuvent être sérieux quand ils demandent à Dieu les biens du ciel. Ils
sont trop heureux avec ces échantillons pour désirer ardemment les biens
surnaturels. La preuve est de voir si peu de prêtres et de fidèles dans les
églises pour prier. Jésus dit qu’on ne peut pas aimer Dieu et le monde. Donc
ceux qui donnent leur amour au monde ne peuvent pas bien prier pour les choses
de Dieu. Il faut commencer par mépriser les choses du monde pour vouloir
sérieusement celles du ciel. Eh bien! Que chacun commence par couper ses
attaches s’il veut que son âme vogue vers les choses divines.
Tous ceux qui ont des
distractions dans leurs prières devraient savoir qu’ils ont trop d’amour pour
les créatures. On pense à ce que l’on aime! Et l’on aime ce à quoi l’on pense!
Qu’ils cessent en dehors de la prière de jouir des créatures, de tant parler et
de s’intéresser à tous ces plaisirs… et les distractions diminueront! L’amour
est une fin qui oriente toute notre activité libre des intentions. Dès qu’on
donne de l’amour aux créatures, elles vont se présenter facilement et souvent
dans le temps de la prière. Si on ne veut pas de distractions, qu’on élimine
tout amour étranger à Dieu durant la journée et on aura la paix pendant les
prières.
L’amour d’un cultivateur
va vers sa récolte en proportion qu’il sème son grain et donc qu’il s’en
détache. C’est le même principe pour le chrétien: son amour passera en Dieu
dans la mesure qu’il sème les plaisirs de la terre. Dans la même proportion, il
demandera les choses du ciel, et son esprit de prière augmentera.
2) LE RENONCEMENT À
SOI-MÊME est encore plus important et
plus difficile que de renoncer aux créatures. Mais le moi est un grand obstacle
à la prière. Car celui qui est plein de lui-même, ne peut pas recevoir J.-C.
qui vient habiter en nous dans la mesure que nous nous dépouillons de notre
amour-propre ou de notre moi païen. Jésus nous avertit qu’il faut se renoncer
pour le suivre. Car les obstacles à la venue de Jésus en nous sont autant
d’obstacles à la prière pour les choses divines. Comment les vouloir si on
ferme la porte à l’Auteur même de tous ces biens célestes? Or, d’après Saint
Paul, ce moi doit mourir pour que Jésus vive en nous. «Ce n’est plus moi qui
vis, c’est J.-C. qui vit en moi!».
Cet amour est tellement
fort qu’il nous empêche d’aimer Dieu de tout notre cœur. Cet amour couvre tout
l’homme et oriente son activité vers lui-même. Il veut pour lui le service qui
est dû à Dieu seul. Cet homme se croit quelque chose, il jouit de ses propres
perfections, comment peut-il être bien ardent pour être transformé en Divin?
L’orgueilleux n’est guère capable de prier, ou il prie mal. Il s’estime trop
pour estimer les choses célestes. Ceux qui ont de la difficulté à prier,
feraient bien de s’examiner sur ce point: le renoncement à eux-mêmes.
La contre-partie est
l’humilité si agréable à Dieu parce qu’elle lui laisse toute sa gloire en
reconnaissant son souverain domaine sur toutes les créatures. Plus on est
convaincu de son néant et de son indignité et plus Dieu se penche sur l’humble,
et plus on sent le besoin de prier.
Après nous être
débarrassés de nos deux amours naturels, nous pourrons prier beaucoup mieux et
avec plus de fruit. Il reste ensuite à y mettre du positif comme les suivants,
par exemple…
3) LE POSITIF DANS LA
PRIÈRE…
L’ADORATION. Il est
toujours profitable de se concilier un bienfaiteur en lui faisant plaisir. Or,
nos actes d’adoration sont extrêmement agréables à Dieu, parce qu’ils lui
donnent une grande gloire. L’homme s’abaisse profondément devant Dieu dans un
acte d’humilité en le révérant comme son souverain Seigneur. Adorer Dieu, c’est
se prosterner devant sa majesté en le reconnaissant comme Maître souverain. Par
là, la créature se met à sa place devant Dieu; elle reconnaît son néant et sa
pauvreté native d’un côté et de l’autre la majesté infinie de Dieu. Dans le
ciel, les anges et les élus adorent la Trinité: nous devons commencer à le
faire sur la terre pour aller la continuer dans l’éternité bienheureuse.
Ceux qui ont des
apparitions divines se prosternent la face contre terre comme incapables d’en
soutenir l’éclat. Moïse le fit devant le buisson ardent d’où Dieu lui parlait.
Les Apôtres, témoins de la transfiguration de J.-C., se prosternèrent la face
contre terre. Eh bien! Quand on vient en présence de Dieu pour le prier, plus
la foi est vive et plus on sera porté à s’humilier profondément en l’adorant.
Qu’on ne manque pas de le faire avant chacune de nos prières.
DE LOUANGE. Après s’être
humilié dans l’adoration, il faut louer la majesté divine pour ses perfections
infinies: d’être éternel, infini en tout, de nous avoir créés et appelés à la
vie surnaturelle pour aller au ciel, participer à son bonheur céleste.
Mais d’ordinaire, les
chrétiens sont vite à court de louanges pour Dieu, mais comme ils en ont pour
les pauvres échantillons de Dieu! Ils se pâment devant de simples lambeaux des
perfections divines, et ils restent muets devant les perfections mêmes. Cela
prouve leur peu de foi. Ils ne s’exercent pas à réfléchir selon cette lumière
divine; ils sont tellement pris par la vie des sens que la foi ne leur dit
rien.
C’est le
Saint-Esprit qui produit la foi, et pour obtenir qu’il le fasse, il faut
mortifier la vie des sens. Qu’un fumeur diminue son plaisir, qu’il abandonne
même, qu’un amateur de sport cesse de s’intéresser aux parties, etc., et le
Saint-Esprit les éclairera plus sur les choses divines. Il ne suffit pas de
supprimer le péché, il faut supprimer aussi l’amour naturel pour les choses
créées. Dans la même mesure, le Saint-Esprit augmentera notre foi. Quel tort
font les philosophes en permettant les attaches aux bonnes choses! Ils empêchent
le Saint-Esprit d’agir dans les cœurs.
Unissons nos louanges à
celles de la Sainte Vierge dans son beau cantique du Magnificat où elle loue
Dieu de ce qu’il a fait en elle et dans le monde. Louons-le aussi pour ce qu’il
est en lui-même et qu’il nous manifeste au ciel dans la vision béatifique.
Saint Jean dans l’Apocalypse dit que les élus chantent des cantiques de louange
à la Trinité et qu’une immense clameur monte vers le trône de Dieu pour le
louer. Donnons donc à Dieu les louanges qui lui sont dues et il nous donnera ce
que nous voulons.
LA RECONNAISSANCE montre
notre appréciation des bienfaits divins. C’est comme une façon de payer Dieu
pour ce qu’il fait en notre faveur. Mais les hommes ont si peu de foi pour
apprécier les bienfaits divins qu’ils ne sont pas portés à la reconnaissance.
Que tous demandent une augmentation de foi pour mieux voir les choses divines
et mieux les apprécier.
Les Apôtres, qui ont
écrit, commencent souvent par donner des louanges et de la reconnaissance à Dieu,
comme Saint Pierre, Saint Paul et Saint Jean. Voici comment Saint Paul commence
son Epître aux Ephésiens:
«Béni soit Dieu, le Père
de Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a bénis dans le Christ de toutes sortes
de bénédictions spirituelles dans les cieux. C’est en lui qu’il nous a choisis
dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles
devant lui, nous ayant dans son amour, prédestinés à être ses fils adoptifs,
par J.-C., selon la libre volonté, en faisant ainsi éclater la gloire de sa
grâce, par laquelle il nous a rendus agréables à ses yeux en son Fils
bien-aimé».
Il repasse les bienfaits
de Dieu pour nous exciter à l’admiration de sa bonté et à la reconnaissance
pour ces grands bienfaits.
LE NOTRE PÈRE
Quand les disciples
demandèrent à Jésus de leur enseigner comment prier, il leur enseigna le Notre
Père qu’il composa lui-même: il y met donc l’ordre qu’il veut. Eh bien! Il
commence par nous faire demander ce qui concerne les intérêts de Dieu et
ensuite les nôtres. Faisons donc de même dans nos prières.
QUE VOTRE NOM SOIT
SANCTIFIÉ! Il veut que son nom soit en bénédiction dans la bouche de tous les
hommes. Quoi de plus juste? Il est l’auteur de tous les biens et notre
Créateur. Quelle pitié que Jésus soit obligé de nous enseigner à le bénir! Nous
devrions le faire spontanément dès que nous savons ce qu’il est.
Mais les hommes sont
tellement pleins des créatures qu’ils ne s’occupent pas ou peu de Dieu. Pour le
bénir en tout, il faut savoir que tout vient de lui, excepté le péché. Les
contrariétés. Les épreuves et les souffrances viennent de Dieu comme les
bénédictions. Il veut nous faire expier nos péchés, nous dépaganiser et nous
diviniser, afin de nous rendre aptes à jouir de Lui dans le ciel. Par
conséquent, il faut tout accepter comme de sa main. Qu’on ne se plaigne donc
jamais, par exemple, de la température. Prenons le froid comme la chaleur, la
pluie comme le beau temps, etc., de Dieu directement.
Quand on entend quelqu’un
se plaindre, n’ayons donc pas peur de prendre la part de Dieu et montrons sa
bonté et sa sagesse dans les épreuves qu’il nous envoie pour notre plus grand
bien. Nous contribuerons ainsi à faire aimer le bon Dieu.
QUE VOTRE RÈGNE ARRIVE!
Puisque Dieu est le souverain Maître de toutes choses, il veut que les hommes
le reconnaissent en pratique. Plusieurs le font dans les grands événements mais
ont beaucoup de peine de l’admettre dans les détails de la vie ordinaire,
surtout dans ce qui vient des personnes. Tous ceux qui s’énervent,
s’impatientent et disputent, évidemment ne voient pas Dieu comme cause de ces
petites épreuves. C’est un manque de foi. Dieu gouverne absolument toute sa
création, pas seulement les grandes choses, mais aussi les petites. Jésus dit que
pas un cheveu ne tombe sans Dieu.Personne n’a donc le droit d’arranger sa vie
comme s’il était son propre maître. Ils font du commerce sans s’occuper des
lois de la justice; d’autres ne font aucun cas des lois de la charité
fraternelle; d’autres exploitent les ouvriers comme s’ils n’avaient pas d’âme:
ils sont leurs frères et ils doivent être traités comme tels, dit Jésus. De
même, les ouvriers doivent être justes envers leurs patrons: ils doivent
travailler pour le salaire qu’ils reçoivent. Quand ils font la paresse, ils
volent leurs patrons.
QUE VOTRE VOLONTÉ SOIT
FAITE sur la terre comme au ciel. Nous sommes en ce monde pour faire
l’apprentissage de notre vie divine au ciel. Eh bien! Il nous faut commencer
tout de suite à obéir à Dieu avec la même perfection qu’au ciel, ce qui est
possible avec la grâce de Dieu que nous devons lui demander. Là-haut, personne
ne rechignera! Il n’a pas plus le droit de le faire sur la terre. C’est le même
bon Dieu qui nous gouverne.
Pour Jésus, faire la volonté
de son Père était sa nourriture, sa vie et son bonheur: ce doit être la même
chose pour tout chrétien qui vit de foi. Mais, c’est inutile d’insister plus
après toute la doctrine vue dans nos retraites. Quand il passait des nuits en
prière, pense-t-on que Jésus demandait à son Père une bonne santé, la guérison
de telle infirmité, une meilleure position ou d’être débarrassé de quelque
malcommode autour de lui? Jamais! Il demandait justement ces trois premières
demandes du Notre Père et tout ce qui s’y rapporte. Comme il était tout aux
choses de Dieu, il demandait les choses de Dieu pour les hommes. Il suppliait
son Père de disposer les hommes pour recevoir les effets de ses mérites infinis
et qu’ils soient sauvés. Il était venu pour nous arracher aux démons en nous
divinisant; c’est dans cette ligne qu’étaient ses prières.
Ces trois demandes sont
la mort de notre égoïsme païen: nous les voulons justement pour nous-mêmes
comme des petits dieux païens que nous sommes par nature. Nous voulons être en
honneur devant le monde, nous voulons dominer les autres et nous tenons à faire
notre volonté et que les autres aussi la fassent. Eh bien, le Notre Père nous
fait demander juste le contraire: il veut que Dieu prenne sa place de Maître
souverain en nous. On voit tout de suite comme il est important de renoncer à
soi-même pour bien prier. Nous prierons en proportion que nous délogerons notre
moi païen pour mettre Dieu à la place. Il se préfère au divin qu’il ne veut
pas! Il est donc le pire ennemi de Dieu en nous. Faisons-lui donc une guerre à
mort.
J’abandonne ces trois séries
de retraites à la Sainte Vierge pour qu’elle les garde pour le salut du monde
et la gloire de Dieu! Que le Saint-Esprit les fasse servir pour le salut du
monde, la gloire de Dieu et qu’elles aident à diriger les idées des prêtres et
des fidèles jusqu’à la fin des temps! Que Dieu soit béni de tout ce qu’il m’a
donné!
ONÉSIME LACOUTURE, S. J.
Saint-Régis, ce 21
octobre 1950.
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