Donné à Rome à Saint-Pierre le 24 mai 1829, la première année de notre pontificat.
À
nos vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques.
Vénérables
Frères, Salut et Bénédiction Apostolique.
Au
moment de prendre possession dans la basilique de Latran, suivant l’usage de
nos prédécesseurs, du pontificat confié à notre faiblesse, nous vous ouvrons
avec joie notre cœur, vénérables Frères, qui nous avez été donnés pour
auxiliaires dans une si haute charge par celui qui dispose des emplois comme
des événements. Ce n’est pas seulement pour nous une satisfaction et un plaisir
de vous déclarer nos intentions et nos sentiments pour vous, mais il est très
important pour la religion que nous nous entretenions ensemble pour rechercher
les choses qui lui sont et doivent lui être les plus utiles.
En
effet, c’est pour nous un devoir que le divin fondateur de l’Église nous a
imposé dans la personne de Saint Pierre, de paître, de diriger et de gouverner
non seulement les agneaux, c’est-à-dire le peuple chrétien, mais aussi les
brebis, c’est-à-dire les pasteurs eux-mêmes.
Certes
nous nous réjouissons, et nous bénissons le prince des pasteurs qui a confié la
garde de son troupeau à des chefs qui n’ont d’autre soin et d’autre pensée que
de conduire dans les voies de la justice tous ceux qu’ils ont reçus de la main
de leur père, et qui en éloignent avec sollicitude tous les dangers pour n’en
perdre aucun : car nous connaissons parfaitement, vénérables frères, votre foi
inébranlable, votre zèle constant pour la religion, l’admirable sainteté de
votre vie, et votre rare sagesse. Aussi nous attendons avec confiance tous les
avantages que doit procurer à l’Église, à notre Saint-Siège et à nous-mêmes un
tel concours d’ouvriers que rien ne saurait confondre. Cet espoir nous fortifie
contre la crainte que nous inspire le poids de notre charge ; il nous soutient
et nous relève au milieu des sollicitudes amères dont nous sommes accablés :
aussi nous nous dispensons volontiers de vous adresser de longs avis pour vous
rappeler ce que vous devez toujours avoir sous les yeux pour administrer
convenablement les choses saintes et suivre les canons. Pourquoi voudrions-nous
exciter votre zèle, alors que de vous-mêmes vous travaillez avec tant d’ardeur
? Nous ne vous dirons pas non plus que personne ne doit se séparer de son
troupeau ni le négliger, et avec quelle attention, quelle circonspection vous
devez choisir les ministres des autels. Nous aimons mieux adresser des vœux au
Dieu sauveur pour qu’il vous soutienne par sa protection toute puissante, et
qu’il fasse prospérer vos actions et vos efforts.
Cependant,
bien que cet aspect de votre vertu soit une consolation que Dieu nous donne,
vénérables Frères, il faut que la tristesse nous accable encore, nous qui au
sein de la paix sentons l’amère douleur qui nous vient des enfants du siècle.
Nous vous parlons de choses qui sont connues, qui sont manifestes, que nous
déplorons tous ensemble, et qu’il faut par conséquent attaquer d’un commun
effort pour les réformer et les détruire ; nous vous parlons de ces erreurs
innombrables, de ces doctrines perverses à l’aide desquelles on attaque la foi
catholique, non plus en secret et avec déguisement, mais publiquement et avec
violence. Vous connaissez la ligue criminelle de ces hommes qui font la guerre
à la religion au nom d’une philosophie dont ils se proclament les docteurs, et
à l’aide de vaines impostures appropriées aux maximes du monde ; c’est surtout
contre le siège du bienheureux Pierre, dans lequel Jésus-Christ a établi la
force de son Église, qu’ils dirigent leurs coups ; et par suite les liens de
l’unité se relâchent de jour en jour : l’autorité de l’Église est méconnue ;
les ministres des choses saintes sont un objet de haine et de mépris ; les
préceptes les plus sacrés sont violés ; les pratiques saintes sont un sujet de
moquerie ; et le pécheur ayant en exécration le culte du vrai Dieu, tous les
enseignements de la religion sont assimilés à de vieilles fables et à de vaines
superstitions.
Hélas
! il n’est que trop vrai, et nous ne pouvons le dire sans verser des larmes : «
Les lions ont rugi contre Israël. Oui, ils se sont réunis contre le Seigneur et
contre son Christ, et les impies se sont écriés : Détruisez-la, détruisez-la
jusqu’aux fondements. »
Voilà
où tend cette horrible conspiration des sophistes de ce siècle, qui n’admettent
point de différence entre les diverses professions de foi ; pensent que chaque
religion offre à tous un port de salut, et flétrissent d’une tache de légèreté
et de folie ceux qui abjurant la religion dans laquelle ils ont été élevés en
embrassent une autre, fût-ce même la religion catholique. Prodige horrible
d’impiété, qui confond dans les mêmes hommages la vérité et l’erreur, la vertu
et le vice, l’honneur et l’infamie ! Les seules lumières de la raison suffisent
pour renverser ce système mortel d’indifférence en matière de religion, et nous
avertissent que si deux religions diffèrent, et que l’une soit vraie, l’autre
est nécessairement fausse, et qu’il ne peut exister aucun accord entre les
ténèbres et la lumière.
Ayez
soin, vénérables Frères, de vous opposer à ces faux docteurs, et enseignez aux
peuples que la foi catholique est la seule véritable, qu’ainsi que le dit
l’Apôtre, Il n’y a qu’un Seigneur, qu’une foi, qu’un baptême : que l’on est
profane, suivant la parole de Saint Jérôme, si l’on mange l’agneau hors de cette
maison, et que quiconque n’entrera pas dans l’arche de Noé périra dans le
déluge ; car excepté le nom de JÉSUS « il n’est point de nom accordé aux hommes
par lequel nous puissions être sauvés. Celui qui aura cru sera sauvé ; celui
qui n’aura pas cru sera condamné.
Il
faut aussi veiller sur ces sociétés qui, au mépris des règles les plus
salutaires de l’Église, font des traductions nouvelles de la Bible, où, d’après
le sens privé, le sens véritable est habilement altéré, impriment ces
traductions dans toutes les langues vulgaires, les répandent de toutes parts
avec une incroyable prodigalité ; les donnant gratuitement aux plus ignorants,
et souvent même y joignant de mauvais petits livres, afin qu’ils sucent un
poison mortel là où ils pensent puiser les eaux salutaires de la sagesse.
Depuis longtemps le siège apostolique a voulu que le peuple chrétien fût
prévenu contre ce terrible écueil de la foi, et a frappé de ses anathèmes les
auteurs de ce grand mal. Aussi après les règles publiées par ordre du concile
de Trente et par la congrégation de l’Index, il fut encore rappelé à tous les
fidèles que les traductions de la Bible, en langue vulgaire ne doivent pas être
permises, si elles ne sont approuvées du Siège apostolique, et imprimées avec
des notes extraites des saints pères de l’Église. C’est dans ce but que le
saint concile de Trente avait décrété pour comprimer les esprits hardis, que
personne dans les matières de foi ou de mœurs qui se rattachent à la doctrine
chrétienne, ne s’appuie sur sa propre sagesse, et ne détourne à son sens
l’Écriture Sainte, ou ne l’interprète contre le sens consacré par notre sainte
mère l’Église, ou contre le sentiment unanime des Pères.
Quoiqu’il
soit bien évident, d’après ces règles canoniques, que ces entreprises contre la
foi catholique étaient réprouvées depuis longtemps, cependant nos derniers
prédécesseurs d’heureuse mémoire dans leur sollicitude pour le bien du peuple
chrétien, eurent un soin tout particulier de comprimer par des lettres
apostoliques les criminelles tentatives de ce genre qui se renouvelaient de
toutes parts. Efforcez-vous, vénérables Frères, de soutenir avec les mêmes
armes la cause du Seigneur, dans un si grand danger des saintes doctrines, de
peur que ce poison ne se répande dans votre troupeau, et ne fasse surtout périr
les simples.
Après
avoir ainsi préservé des altérations les saintes Écritures vous devez encore,
vénérables Frères, tourner vos soins contre ces sociétés secrètes d’hommes
factieux qui, dans la haine qu’ils portent à Dieu et aux princes, travaillent
avec ardeur à la destruction de l’Église, à la ruine des états et au
bouleversement de l’univers, et brisent le frein de la foi pour ouvrir le
chemin à tous les crimes. Les précautions qu’ils prennent de cacher sous la foi
d’un serment ténébreux leurs assemblées perverses et les projets qu’elles
voient éclore, les font fortement soupçonner de ces crimes qui dans les temps
malheureux semblaient, pour la désolation de l’Église et des états, sortir du
puits de l’abîme. C’est pourquoi ces sociétés secrètes, quel que fût leur nom,
ont été frappées d’anathème par les souverains pontifes nos prédécesseurs
Clément XII, Benoit XIV, Pie VII, Léon XII, auxquels nous sommes appelé à
succéder malgré noire faiblesse. Nous confirmons leurs lettres apostoliques à
ce sujet de toute la plénitude de notre pouvoir, et ordonnons qu’elles soient
entièrement observées. Nous ne négligerons rien pour préserver l’Église et les
étals de la conspiration de ces sectes, après vous avoir engagés à nous aider
tous les jours de votre courage, afin que couverts de l’armure du zèle nous
soutenions avec force et dans un même esprit notre cause, ou plutôt la cause de
Dieu, pour renverser ce retranchement où s’abrite l’impiété hideuse des
méchants.
Nous
avons voulu vous désigner en particulier une de ces sociétés secrètes établies
depuis peu pour corrompre les jeunes gens que l’on instruit dans les gymnases
et les lycées. Sa tactique consiste à rechercher des maîtres dépravés, qui
conduisent les élèves dans les voies de Baal par des maximes contraires aux
enseignements de Dieu, parce qu’on sait bien que ce sont les leçons des maîtres
qui forment l’esprit et le cœur de ceux qui les écoutent. De là viennent ces
progrès affligeants de la licence chez les jeunes gens, qui, repoussant toute
crainte de la religion, secouent le frein des mœurs, attaquent la doctrine
sainte, foulent aux pieds les lois divines et humaines, et se jettent sans
pudeur dans tous les crimes, dans toutes les erreurs. C’est d’eux que l’on peut
dire avec le grand Saint Léon : Ils ont pour loi le mensonge, ils n’adorent que
les démons et leurs sacrifices sont l’assemblage de toutes les infamies.
Repoussez ces maux de vos diocèses, vénérables Frères, et tâchez par la force
de votre autorité et par vos conseils que les jeunes gens n’aient pour maîtres
que des hommes qui ne se recommandent pas seulement par leur instruction, mais
aussi par leur conduite et leur piété.
Veillez
surtout et avec plus de sollicitude encore sur vos séminaires, dont la
direction vous est exclusivement attribuée par le concile de Trente. C’est là
que vous devez trouver des hommes qui joignent à l’instruction de la discipline
chrétienne et ecclésiastique, et des principes de la saine doctrine, tant de
piété dans la pratique de leurs fonctions divines, tant de science dans
l’instruction des peuples, tant de gravité dans leurs mœurs que leur ministère
soit respecté par ceux-là mêmes qui ne s’y soumettent pas, et qu’ils puissent,
par la force de leurs paroles, ramener ceux qui s’éloignent des sentiers de la
justice !
Aussi
nous demandons de votre zèle pour le bien de l’Église que vous appliquiez tous
vos soins au choix de ceux à qui vous confierez la conduite des âmes, puisque
c’est du meilleur choix des pasteurs que dépend surtout le salut des peuples,
et que rien ne contribue plus à la perte des âmes que d’avoir pour guides des
hommes qui travaillent pour eux et non pour Jésus-Christ, ou qui, peu instruits
de la vraie science, sont emportés à tout vent, et ne sauraient conduire le
troupeau aux saints pâturages qu’ils ignorent ou qu’ils dédaignent.
Comme
les mauvais livres se propagent de toute part en nombre infini, et qu’à leur
aide le langage des impies s’étend comme une gangrène dans tout le corps de
l’Église, veillez sur votre troupeau, et n’épargnez rien pour le mettre à
l’abri de cette peste, la plus dangereuse de toutes.
Avertissez
souvent les brebis de Jésus-Christ qui vous sont confiées, comme le faisait
notre saint prédécesseur et bienfaiteur Pie VII, que, si elles veulent se
sauver elles ne paissent que dans les pâturages où les conduit la voix et
l’autorité de Pierre. Dès qu’elle les rappelle ou les détourne qu’elles fuient
avec horreur, comme d’un lieu dangereux et pestilentiel, sans s’arrêter aux
apparences qui trompent et aux attraits qui corrompent.
Dans
le temps où nous vivons, nous avons cru devoir encore recommander instamment à
votre zèle pour le salut des hommes une grande sollicitude pour la sainteté du
mariage. Que votre peuple apprenne à respecter ce Sacrement auguste, afin qu’il
n’arrive rien qui le profane, rien qui souille la pureté de la couche nuptiale,
rien enfin qui jette du doute sur l’indissolubilité de ce lien : il n’y a qu’un
moyen pour y réussir ; il faut que le peuple chrétien sache bien que le mariage
n’est pas seulement régi par de lois humaines, mais par la loi divine ; que ce
n’est pas une chose terrestre, mais bien une chose sainte et par suite
subordonnée entièrement à la puissance de l’Église. Car l’union conjugale qui
n’avait d’abord d’autre but que la reproduction et la perpétuité de l’espèce
humaine a été élevée par Notre Seigneur Jésus-Christ à la dignité de Sacrement
et enrichie des dons célestes. La grâce a perfectionné la nature, et maintenant
la naissance des enfants est moins un sujet de joie que l’offrande que l’on en
fait au vrai Dieu pour les élever dans la Religion, et augmenter ainsi le
nombre des fidèles. Il est bien constant en effet que cette union du mariage,
dont Dieu est l’auteur, est la figure de l’union intime et éternelle de Notre
Seigneur Jésus-Christ avec son Église ; et que cette société étroite du mari et
de la femme est un sacrement, c’est à dire un signe sacré de l’amour immortel
de Jésus-Christ pour son épouse. Il faut donc instruire les peuples sur ce
point, leur expliquer ce qui est ordonné et ce qui est défendu par les lois de
l’Église et les décrets des conciles, afin qu’ils se conforment à ce qui est de
l’essence du Sacrement et évitent avec soin tout ce que l’Église a condamné.
C’est ce à quoi nous vous engageons autant qu’il est en nous, et nous nous en
rapportons à votre piété, à votre sagesse et à votre zèle.
Telles
sont, vénérables Frères, les choses qui nous affligent le plus vivement dans ce
moment, où placés sur la chaire du prince des apôtres nous devons nous sentir
enflammés du zèle de la maison de Dieu. Il en est d’autres en grand nombre et
bien graves aussi, que vous connaissez bien et qu’il serait trop long
d’énumérer ici. Nous est-il possible de retenir notre voix au milieu des
dangers de l’Église ? Nous est-il possible de céder à des raisons humaines, ou
de nous endormir lâchement et de nous taire lorsque la tunique de notre
Sauveur, qui avait échappé à la rage des bourreaux qui le crucifièrent, est
aujourd’hui déchirée en lambeaux ? Non, non, nos très chers frères, ce n’est
pas lorsque le troupeau est poursuivi à outrance que le pasteur qui l’aime lui
refuse ses soins empressés. Nous sommes convaincus que vous en feriez plus
encore que nous ne vous demandons, dans votre zèle pour soutenir, étendre et
protéger la religion de nos ancêtres pour vos mandements, vos conseils, vos
travaux et vos efforts.
Mais
dans des temps aussi fâcheux, il faut surtout prier du fond du cœur, et
supplier Dieu avec ferveur et persévérance qu’après avoir rétabli Israël de ses
blessures, il fasse fleurir partout la religion sainte et accorde aux peuples
une paix vraie et durable. Qu’il daigne dans sa miséricorde jeter un regard de
propitiation sur les temps de notre ministère et diriger et soutenir lui-même
le pasteur de ses brebis. Que les princes puissants et magnanimes favorisent
nos travaux et notre zèle, et que celui qui a disposé leurs cœurs à entrer dans
les voies de sa justice les fortifie encore par un surcroît de ses dons sacrés,
afin qu’ils travaillent avec courage à la prospérité et au salut de l’Église,
que tant de malheurs plongent dans le deuil.
Recourons
à l’intercession de la très sainte mère de Dieu, Marie. C’est elle qui a
détruit toutes les hérésies ; c’est elle que nous saluons de nos hommages sous
le titre de secours des chrétiens pour avoir rendu à cette ville de Rome, après
tant d’afflictions de tout genre, notre très saint prédécesseur Pie VII.
Demandons avec instance au prince des apôtres Pierre et à son compagnon Paul
qu’ils nous maintiennent sur la pierre de la foi catholique, et nous préservent
de tous les ébranlements et de tous les orages ; qu’ils nous obtiennent ces
faveurs du prince des pasteurs, Jésus-Christ notre Seigneur, que nous conjurons
de répandre sur vous, vénérables frères, et sur vos troupeaux les dons les plus
abondants de la grâce, de la paix et de la joie. Nous vous donnons notre
bénédiction apostolique comme un gage de notre affection.
Donné à Rome à
Saint-Pierre le 24 mai 1829, la première année de notre pontificat.
Pie
VIII, Pape
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