vendredi 31 octobre 2014

Saint Jérôme sur la lecture de Cicéron et des auteurs classiques païens.

« J'ai voulu faire moi-même, dit-il ailleurs, cette dangereuse expérience, et voici les fruits amers que j'en ai recueillis. Depuis plusieurs années, j'avais quitté la maison paternelle, je m'étais privé de la société de mes parents, de ma sœur et de mes amis; et ce qui est plus difficile, j'avais renoncé à l’usage des aliments délicats ; tout cela en vue de gagner le ciel. Ayant l'intention de me rendre à Jérusalem pour combattre les combats du Seigneur, je ne pouvais me passer de la bibliothèque que je m'étais composée à Rome avec un soin extrême et une peine infinie. Ainsi, malheureux que je suis, je me privais de tout, je jeûnais pour lire Cicéron. Après les fréquentes veilles de mes nuits, après des larmes abondantes versées au souvenir de mes fautes passées, je prenais Plante dans mes mains. Si quelquefois, revenant à moi-même, j'essayais de lire les Prophètes, leur stylo inculte me faisait horreur; et parce que mes yeux malades ne voyaient pas la lumière, je croyais que ce n'était pas la faute de mes yeux, mais du soleil.»

« Pendant que j'étais ainsi le jouet de l'antique serpent, je fus tout à coup ravi en esprit et traîné au tribunal du souverain Juge. Tel était l'éclat de la lumière qui jaillissait de sa personne, ainsi que des anges dont il était environné, que je restai prosterné contre terre sans oser lever les yeux. Interrogé sur ma condition, je répondis que j'étais chrétien. Tu mens, répliqua le Juge ; tu es cicéronien, et non pas chrétien; car là où est ton trésor, là est aussi ton cœur. A ces mots, je me tus, et le Juge ordonna de me frapper, et les coups que je recevais m'étaient moins cruels que les remords dont ma conscience était déchirée. Je me rappelai cette parole du prophète : Qui pourra vous louer dans l'enfer? Cependant je commençai à crier et à dire en sanglotant : Seigneur, ayez pitié de moi. Enfin ceux qui environnaient le tribunal se jetèrent aux pieds du Juge et lui demandèrent grâce pour ma jeunesse, et délai pour faire pénitence de ma faute, lui disant que je me soumettais au supplice si jamais je retournais à la lecture des auteurs païens. Moi-même, dans celte extrémité, je faisais encore de plus grandes promesses; je jurai, en invoquant le nom de Dieu, que si jamais il m'arrivait de conserver des livres païens, je voulais être regardé comme un apostat.»

 « Ce serment à peine prononcé, je suis relâché, je reviens à moi-même. Au grand étonnement de ceux qui m'entouraient, j'ouvre les yeux tellement inondés de larmes, que cela seul suffisait pour prouver aux incrédules la violence de la douleur que j'avais endurée. Ce ne fut point un sommeil ou un vain songe, comme ceux qu'on éprouve quelquefois. J'en prends à témoin ce tribunal devant lequel j'étais étendu; j'en prends à témoin la redoutable sentence qui me glaça de frayeur, Aussi jamais il ne m'arrivera de m'exposer à subir une pareille question, dans laquelle j'ai eu les épaules meurtries par des coups dont j'ai ressenti longtemps la douleur, et après laquelle j'ai étudié les saintes Écritures avec autant d'ardeur que j'en avais mis à étudier auparavant les ouvrages profanes. » Le saint docteur fut fidèle à son serment. Non-seulement il ne lui arriva plus de lire aucun auteur païen, mais il craignit encore d'en citer les passages qui lui revenaient naturellement à la mémoire. À ceux qui lui disaient ce qu'on répète aujourd'hui, que, sans la connaissance de ces auteurs, on ne saurait bien parler ni bien écrire, il répondait : Ce que vous admirez, je le méprise, et je le méprise, parce que j'ai goûté la folie de Jésus-Christ, et la folie de Jésus- Christ, sachez-le bien, est plus sage que toute la sagesse humaine.»

Le ver rongeur de Mgr Gaume P.107 à 110 

mercredi 29 octobre 2014

La Voix des Francs Catholiques Numéro 25 de Juillet 2012

Réponse au bulletin
n°269 Notre Dame de la Sainte Espérance
juin 2012, de M. l’abbé Belmont.
Suite de la partie 2

1er point : sa justification pour encourager certains de ses fidèles à recevoir la confirmation dans le rite traditionnel, d’un évêque conciliaire, sacré avant Vatican II.


2ème point : son rejet d’un certain nombre d’auteurs catholiques éminents publiés aux éditions Saint-Remi, en particulier Mgr Gaume.


3ème point : son rejet de la mission divine de la France.

II.


Abordons maintenant l’opposition de M. l’abbé Belmont à la ligne éditoriale des éditions Saint-Remi
[14], et en particulier au dénigrement de Mgr Gaume dont nous avons publié toutes les œuvres pour le plus grand bien d’un très grand nombre de lecteurs qui nous l’ont manifesté.

Pour cela il s’appuie sur une courte citation lapidaire de Dom Guéranger
[15] :

« L’abbé Gaume est profondément ignorant, vous ne pouvez le suivre en aucune façon » (Histoire du Cardinal Pitra par Dom Cabrol, Paris 1893, p. 193)

Vu les innombrables approbations dont a bénéficié Mgr Gaume de la part de Rome
[16] (Papes, concile provincial d’Amiens sanctionné par Rome sous la direction du Cal Gousset), et des plus grand penseurs catholiques de son époque, face à cette citation contradictoire et incohérente, nous sommes allés voir le chapitre complet de l’ouvrage en question, et voilà que mise dans son contexte on s’aperçoit que Dom Guéranger a été trompé par un faux rapport sur un ouvrage (Le Ver Rongeur des Sociétés Modernes) qu’il n’a manifestement pas lu.


Plus ! Dom Guéranger propose à Dom Pitra exactement ce que Mgr Gaume prônait : « L’abbé de Solesmes n’eut garde de refuser à dom Pitra la permission de donner son sentiment sur la question, d’autant qu’il partageait toutes ses idées : « J’approuve de tout point, lui dit-il, votre manière de voir. Le contraire est absurde, seulement je voudrais dans les classes l’étude parallèle des classiques profanes et des classiques sacrés
[17]. » C’est tout le combat de Mgr Gaume, qui a d’ailleurs mis au point une bibliothèque des classiques grecs et païens de 24 volumes pour toutes les classes, dont nous avons réédités certains volumes.


Dom Cabrol avoue dans ce même chapitre que Dom Pitra a un jugement trop sévère sur l’abbé Gaume : « Tout serait à louer dans cette lettre, fond et forme, si l’enthousiasme de dom Pitra pour l’antiquité classique ne l’eût entraîné à un jugement que nous serions tenté de trouver trop sévère, au sujet de l’abbé Gaume. Le livre du paganisme dans l’éducation contient au milieu de thèses paradoxales bien des idées justes et des vérités piquantes sur le moyen âge chrétien, la renaissance païenne du seizième siècle et l’éducation chrétienne. » La preuve est faite que Dom Guéranger a été trompé par Dom Pitra, et que par conséquent son jugement lapidaire est erroné.

Il n’est donc pas très correct de discréditer ainsi Mgr Gaume par une citation sortie de son contexte.

Mais voyons de plus près si Mgr Gaume était profondément ignorant, où si ceux qui l’accusent ainsi malgré le recul de l’histoire (que Dom Guéranger n’avait pas en 1851), ne manifestent pas eux-mêmes leur propre ignorance.


Mgr Jean-Joseph GAUME fut le neuvième enfant d’une famille patriarcale de cultivateurs qui, aux plus mauvais jours de la Révolution, avait donné asile aux prêtres persécutés. Il naquit à Fuans (Doubs), le 5 juin 1802. Il fit ses études littéraires au petit séminaire d’Ornans et sa théologie au grand séminaire de Besançon sous la direction de l’abbé Busson, son cousin, dont le père avait été condamné à la guillotine par le tribunal révolutionnaire de Maîche, le 14 octobre 1793. Ordonné prêtre en 1825, il fut deux ans vicaire à Vesoul. Sur l’indication de l’abbé Gerbet, Mgr Millaux, évêque de Nevers, le demanda, en 1827, pour professer le dogme dans son grand séminaire et il le nomma chanoine honoraire. L’abbé Gaume n’occupa la chaire de dogme que durant l’année scolaire 1827-1828. En 1828, il devint supérieur du petit séminaire de Nevers et il réorganisa avec succès cette maison sous le triple rapport de la piété, de la science et de la discipline. En 1829, tout en gardant cette charge, il fut chanoine titulaire de la cathédrale. Le gouvernement français exigea, en 1831, des supérieurs des maisons d’éducation qui ne faisaient pas partie d’une congrégation approuvée, le serment imposé par les ordonnances du 11 juin 1828. Quoique prêtre séculier, l’abbé Gaume refusa une déclaration que le pouvoir civil n’avait pas le droit de lui demander, et il quitta le petit séminaire. Il dirigea dès lors le catéchisme de persévérance des jeunes filles de toute la ville, œuvre dont il fut chargé pendant vingt ans. Il initiait ses élèves, dont le nombre dépassait 300, à la pratique des bonnes œuvres, et il était lui-même président de l’œuvre Saint François-Xavier pour les ouvriers et directeur de la conférence de Saint Vincent de Paul. Au cours d’un voyage à Rome en 1842, il reçut du pape Grégoire XVI, la croix de l’ordre de Saint Sylvestre en récompense de son dévouement et des services qu’il avait rendus à la religion par ses ouvrages. Le 19 août 1843, il donna sa démission de chanoine titulaire pour être vicaire général de Mgr Dufêtre ; il eut part à l’administration diocésaine à ce titre jusqu’en 1852 ; il démissionna alors en raison de son dissentiment avec le prélat au sujet des classiques chrétiens. Il avait ouvert la controverse sur l’abandon des auteurs païens de l’antiquité et il menait campagne avec Louis Veuillot contre Mgr Dupanloup. Au mois de novembre 1852, l’évêque de Nevers adressa à son clergé une circulaire dans laquelle il prenait parti contre les idées de son vicaire général. L’abbé Gaume quitta Nevers, tout en demeurant chanoine d’honneur de la cathédrale, et se retira à Paris auprès de ses frères, qui étaient libraires-éditeurs. Le comité ecclésiastique de Pontarlier l’avait présenté au suffrage des électeurs de l’arrondissement, en 1849, pour la députation. L’université de Prague lui avait donné le titre de docteur en théologie, le 28 août 1848 ; les évêques de Reims, de Montauban et d’Aquila le nommèrent vicaire général (ce dernier, le 13 juin 1856). Le pape Pie IX l’éleva, en 1854, à la dignité de protonotaire apostolique ad instar participantium. En 1872, le préfet de la Propagande lui confia la charge de directeur général de l’Œuvre apostolique, destinée à venir en aide aux missionnaires. Il mourut à Paris le 19 novembre 1879. Il fut, toute sa vie, un prêtre pieux et zélé, d’un caractère bon et affable, très dévoué à l’Église et au siège apostolique.


À propos de la controverse sur les classiques païens il faut dire à l’encontre de Dom Pitra, que Rome a parlé, la dispute est donc terminée. Dom Cabrol qui écrit en 1893 ignore-t-il ce bref de Pie IX qui donne raison à Mgr Gaume, suite à la publication de PIE IX ET LES ÉTUDES CLASSIQUES, APPEL AUX PÈRES DE FAMILLE ET AUX INSTITUTEURS DE LA JEUNESSE où est cité en sus ce Bref de Pie IX ?

PIE IX, PAPE.


« Cher fils, salut et bénédiction apostolique.


« Nous avons reçu avec joie la lettre filiale et les offrandes que, en votre nom et au nom des pieux fidèles dont vous dirigez la conscience, vous Nous avez adressées. En vous voyant si plein de sollicitude pour Nous, Notre ardent désir est que vous jouissiez de cette félicité de l’âme, que ni l’iniquité des temps ni la haine des hommes ne peuvent ôter aux justes et aux sages.


« Aussi, que les oppositions et les critiques malveillantes de quelques-uns ne vous émeuvent pas, puisque, comme vous le dites, le but unique de vos écrits a été de défendre, dans la question des études, les règles que vous saviez être par Nous approuvées : savoir, faire étudier à la jeunesse, avec les ouvrages classiques des anciens païens, purgés de toute souillure, les plus beaux écrits des auteurs chrétiens.


« C’est pourquoi nous jugeons à propos que vous bannissiez toute anxiété, bien plus, que vous reposiez dans une parfaite tranquillité. Car ceux qui dans leur conduite ne se proposent que la gloire de Dieu et le salut des âmes, sont assurés de s’acquérir de grands mérites devant Dieu et une solide gloire aux yeux des hommes sages. Et ce sont des titres de gloire préférables à ceux qui reposent sur les vains jugements et opinions du vulgaire.


« Soyez donc plein de courage et d’ardeur et recevez comme gage des faveurs divines la bénédiction apostolique, que Nous vous donnons dans toute l’effusion de Notre cœur, à vous et aux fidèles nommés plus haut, qui se sont unis à vous pour Nous offrir l’hommage de leur piété filiale.


« Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 22 avril 1874. De Notre pontificat l’année vingt-huitième.


PIE IX, Pape ».


Est-il vrai que Monseigneur Gaume soit profondément ignorant ? Laissons parler l’abbé Pelletier
[18] qui en a assuré déjà il y a bien longtemps la défense, en s’appuyant sur le Magistère de l’Église, sur les auteurs les plus éminents et sur le bon sens :


« On a dit, et sur tous les tons, que Mgr Gaume est un exalté, un exagéré, un homme à idées singulières. Soit. Mais à présent que les adversaires de cet illustre auteur veuillent bien examiner un instant avec moi certains de ses ouvrages où n’est pas traitée la question des classiques, son Manuel des Confesseurs, par exemple. Oh ! ici nous nous trouvons parfaitement d’accord pour louer et admirer. Nous n’hésitons pas à dire que ce Manuel est une œuvre unique, parfaite, si excellente que c’est quasi un devoir pour tout prêtre de le lire aussi assidûment que l’Écriture Sainte. Nous proclamons encore que ce livre, ne fût-il qu’une pure compilation eût exigé comme tel dans son auteur une science, une érudition, une prudence, une sagesse, un esprit de discernement, u n bon sens pratique chrétien plus qu’ordinaire.


Qui n’admirerait encore Les Trois Rome qui décèlent une étude si approfondie, une connaissance si parfaite des temps anciens et surtout des premiers âges de l’Église ? Et sans parler de plusieurs autres livres excellents, sortis de la plume du même auteur, ne suffit-il pas de nommer l’Histoire de la Société domestique, Le Signe de la Croix au dix-neuvième siècle
[19], que S. E. le cardinal prince Altiéri, préfet de la S. C. de l’Index., appelle un livre admirable, et particulièrement ce beau Catéchisme de Persévérance qui a conquis une popularité européenne et même américaine. Souvenons nous enfin que Grégoire XVI, dans un Bref adressé à Mgr Gaume et par lequel il le crée Chevalier de l’ordre de la Milice Dorée, lui dit, après les éloges les plus flatteurs donnés à ses grands talents et à sa piété, que ses ouvrages n’ont pas rendu un médiocre service à la religion.


Quand donc un prêtre, aussi grave, aussi savant, aussi zélé, aussi expérimenté que l’est celui qui a doté la bibliothèque chrétienne de ces précieux ouvrages, entreprend de parler de la réforme à opérer dans l’enseignement, on doit à priori, raisonnablement supposer qu’il n’a point entrepris de traiter une question de cette importance, sans savoir ce qu’il disait, sans faire de longues réflexions et de sérieuses études, sans prendre de nombreux et sûrs conseils. Un bon sens, assez peu cultivé même, nous dit qu’il faut tenir compte de tout un ensemble de faits lorsqu’il s’agit de mesurer l’estime qu’on accorde à quelqu’un. Si les adversaires de Mgr Gaume eussent daigné suivre ce dictamen de la commune raison, ils n’auraient pas été aussi prompts à s’écrier qu’ils ne voyaient dans sa thèse contre le paganisme dans l’enseignement, qu’un amas d’accusations dont le titre seul révèle l’inanité, des témérités d’opinion et de langage, des emportements d’esprit, des déclamations violentes, bonnes seulement à produire le trouble et le scandale, enfin, une aberration.


Qu’est-ce donc maintenant que cette thèse de Mgr Gaume qui a soulevé en France de si chaudes et de si vives discussions ? Cette thèse ? Elle se résume à dire : eu égard aux penchants de l’homme déchu, eu égard surtout à l’état du monde actuel, païen dans le luxe et l’immodestie de ses habits, païen dans sa littérature dont le fonds est ou puéril ou immoral, païen dans ses arts d’agrément, qui ont fait servir le pinceau, le ciseau, la musique à reproduire des objets que la pudeur ne nomme pas, à exalter des sentiments dont la présence est une souillure, païen dans sa philosophie qui ne tend qu’à émanciper la raison individuelle, païen dans sa politique qui nie les droits de Dieu en proclamant ceux de l’homme, qui veut le règne de la démocratie pure et l’anéantissement de toute influence religieuse sur le pouvoir civil, païen enfin dans toutes ses aspirations qui sont grossières, terrestres, bestiales, il est d’une extrême importance de nourrir la jeunesse chrétienne et catholique de christianisme et de catholicisme.


Mgr Gaume fait ensuite voir de quel contre bon sens l’éducation se rend coupable depuis trois siècles en donnant, pour précepteurs et pour modèles, à des âmes baptisées toute cette pléiade de prétendus grands hommes de l’antiquité qui, sans en excepter le divin Platon et l’immaculé Cicéron, peuvent tous être désignés par ce mot d’un Père de l’Église : Animalia gloriæ et voluptatis. Il nous révèle les ignominies de ces grands modèles de perfection humaine et nous fait voir que tous leurs mouvements, au lieu de tendre vers en haut, tendent vers ce qu’il y a de plus bas ; qu’au lieu de s’élever comme l’aigle, ils rampent comme la chenille ; qu’au lieu de se nourrir comme l’abeille du suc parfumé des fleurs, comme la mouche stercoraire ils s’abattent sur l’ordure. Pas une violation de la plus sainte des lois devant laquelle ils reculent ; pas une souillure qu’ils s’épargnent.


Voilà probablement c e qui a mérité à Mgr Gaume le titre d’insulteur de l’Église, et en effet il y avait de quoi. Passe pour jeter une poignée de boue à la face d’un saint Père avec un sourire niaisement impie, ce n’est là qu’une peccadille ; mais attaquer Ciceron ! Platon ! le divin Platon ! oh ! pour le coup un tel attentat doit exciter une indignation universelle ; c’est un attentat trois fois sacrilège !


Qu’est-ce encore que la thèse de Mgr Gaume ? C’est un long et magnifique commentaire de l’un des décrets du Vè concile général de Latran qui déclare que la philosophie et la littérature païenne sont infectes dans leurs racines, et qui n’en permet l’étude qu’après avoir exigé des précautions infinies ; c’est la démonstration parfaite, histoire en main pour prouver par des faits nombreux les terribles ravages exercés dans le monde moderne par la mise en honneur du paganisme gréco-romain, de la sagesse divine qui inspirait le Saint Concile de Trente quand dans la VIIè des X règles de l’Index, éditées par son ordre, il défendait pour aucune raison de laisser lire aux enfants, même sous prétexte d’élégance de style et de langage, les livres des païens qui renferment des choses lascives et obscènes.


Il importe encore de signaler ici que l’Église avait formulé cette thèse, même dès les premiers siècles de son existence, par l’organe de ses membres les plus saints et les plus éclairés, je veux dire les Saints Pères. C’est ce que reconnaît Rollin lui-même, tout saturé de paganisme qu’il était lorsqu’il dit : « La lecture des poètes, condamnée si unanimement par les Pères, et même par les païens, peut-elle donc être permise dans les écoles ? (Tr. Des Et. p. 576.) Pour abréger, je n’en citerai que deux : saint Augustin et saint Jérôme. Le premier, qu’on ne traitera certainement pas d’esprit léger, regarde la coutume où l’on était, de son temps, d’expliquer les fables des poètes dans les écoles chrétiennes comme un funeste torrent auquel personne ne résistait, et qui entraînait les jeunes gens dans l’abîme éternel. (Conf. lett. ch. XVI.) Le second ne craint pas de qualifier très énergiquement l’ensemble de la philosophie et de la littérature païenne, en l’appelant nourriture des démons. Cibus est, dæmoniorum, sæcularis philosophia, car- mina pœtarum, rhetoricorum pompa verborum (Lt.,Hier. Epist. ad. Dam. de decob. filiis opp. t. IV, p. 153).


Ces textes sont précis, comme on le voit, et vont directement au but ; ils ne permettent guère de regimber. Toutefois on a trouvé le moyen de leur faire signifier toute autre chose que ce qu’ils veulent dire, pris dans leur sens naturel, et l’on a même eu le courage de composer de gros volumes pour prouver que donner la préférence aux classiques chrétiens sur les classiques païens, loin d’être conforme à l’esprit de l’Église, était en complète opposition avec lui, et que par conséquent les ouvrages de Mgr Gaume contre le Paganisme dans l’éducation était digne de censure. Il fallait une pareille sortie pour faire briller la vérité dans tout son jour. Aussi Mgr Gaume alla-t-il lui-même à Rome soumettre à la Congrégation de l’index les ouvrages où il avait traité la question des classiques, et, quelques temps après, le Père Cirino, consulteur des clercs réguliers, lui fit parvenir la consultation suivante

“Monsieur et très respectable abbé, les principes de foi et de zèle, qui vous ont inspiré le rare courage de soulever une question aussi utile et aussi délicate qu’est la question de l’abus des classiques païens dans les écoles seront infailliblement reconnus et admirés de quiconque voudra se procurer l’avantage de lire ce que vous avez publié à ce sujet.


“Attaquer de front une coutume invétérée et universelle a paru à quelques-uns une présomption et une injure envers l’Église. Rassurez-vous cependant ; car d’un autre côté des personnages, non point en petit nombre ou obscurs, mais en grand nombre et on ne peut plus distingués, vous encouragent, vous secondent et se font vos compagnons d’armes dans cette guerre contre le paganisme, infiltré dans l’éducation et débordé contre les sociétés modernes.


“ (…) Empêcher les jeunes gens qui doivent étudier le grec et le latin de puiser leurs premières idées dans les auteurs païens, desquels, excepté la langue, on n’apprend rien de bon et dont on peut apprendre beaucoup de mal, et d’autre part, leur mettre entre les mains des livres chrétiens où, tout en apprenant une langue, qui est aussi une langue grecque ou latine, l’esprit et le cœur des enfants, faciles à recevoir et fidèles à retenir les premières impressions, se pénètrent, presque sans s’en apercevoir, de religion, de vertu, de piété, qui, en fin de compte, sont l’essentiel de la vie morale de l’homme : rien de tout cela assurément ne peut être appelé un outrage à l’Église. Je dirai plutôt que c’est un moyen de seconder ses vues.


“ (…) Il me semble que c’est faire trop d’honneur à Homère et à Virgile, à Démosthène et à Cicéron, que de déclarer l’Église solidaire de l’injure qu’on leur fait en les bannissant de quelques écoles. Je ne sache pas que l’Église ait jamais fait de canon pour sanctionner une règle, un programme d’études élémentaires. Aussi, chaque évêque, chaque congrégation religieuse, a pleine liberté de suivre telle méthode qu’elle reconnaît plus appropriée aux circonstances des temps et plus conforme à la pratique des lieux, ou bien d’introduire un système qui lui soit tout à fait propre. Dans ce dernier cas, ce serait une nouveauté, jamais une injure aux autres évêques ou aux autres congrégations, bien moins encore à l’Église.


“L’Église n’a pas imposé l’usage des classiques païens, elle l’a toléré. Elle ne regardera donc pas comme une injure si on éloigne d’elle ce qui était en elle, mais qui ne venait pas d’elle. L’usage des classiques païens fut imposé par les exigences du siècle, et à grand regret adopté par les pasteurs spirituels. Que ne fit pas saint Charles pour exclure du programme d’études de son séminaire les auteurs païens ? Par une prudente condescendance, il dut cependant tolérer qu’on les y introduisit ”.


On sait en effet que la crainte, hélas ! trop fondée, de voir la jeunesse milanaise prendre le chemin des universités et des gymnases protestants, où régnaient Homère et Virgile, contraignit saint Charles à modifier son premier plan.


Le Père Cérino termine en disant :


“Pour conclure je dirai à Votre Révérence que, suivant ma manière de voir, elle peut sans inquiétude, sans difficulté ou inconvénient soutenir sa thèse, laquelle seconde les vues de l’Église, loin de les contrarier ”.


Voilà ce qui peut s’appeler un témoignage fort explicite en faveur de la thèse ; il part de haut comme on voit, et de toute son autorité il confirme l’interprétation qu’a donné Mgr Gaume aux paroles des Saints Pères, aux actes solennels de l’Église dans les conciles de Trente et de Latran.


Mais voici bien autre chose ; une voix part encore de plus haut et parle absolument dans le même sens que celle que nous venons d’entendre. C’est à décourager tous les représentants des vieilleries païennes. En réponse à une lettre de S. E. le Cardinal Gousset, partisan zélé du plan d’études de Mgr Gaume et qui l’a même adopté pour tous les séminaires de son diocèse, comme nous le verrons tout à l’heure, le cardinal Antonelli écrivait de Rome le 30 Juillet 1852 :


“Éminentissime et Révérendissime Seigneur, outre le grand prix que j’ai coutume d’attacher aux communications de Votre Éminence, celle que vous avez adressée, sous le pli du 13 du courant, à propos de la fâcheuse divergence qui s’est récemment élevée en France, sur le choix des livres pour l’enseignement littéraire, a une extrême importance.


“La parfaite connaissance, que l’on a de la sagesse et du profond discernement qui distinguent votre Éminence, était déjà une raison plus que suffisante de compter sur la justesse et l’étendue de vos vues dans l’appréciation de la susdite controverse. Cette assurance, conçue d’avance, et que le Saint Père, à bon droit, partageait avec moi a été parfaitement confirmée.


“ (…) En applaudissant hautement à l’intérêt que Votre Éminence a attaché à cette affaire, et qu’elle a fait servir avec un zèle et une sagesse admirables à atteindre un but pleinement conforme aux vues du Saint Siège, je suis heureux de vous offrir en même temps l’assurance du profond respect avec lequel je vous baise humblement les mains”.


L’année suivante, 1858, la thèse de Mgr Gaume recevait de Rome l’approbation la plus encourageante, bien qu’implicite, par la confirmation de tous les actes et décrets du concile d’Amiens, tenu le 10 janvier de cette année sous la présidence de S. E. le Cardinal Gousset. Voici les décrets de ce concile relatifs à l’éducation. La citation est longue, mais comme le concile parle d’or, je crois qu’on la lira avec un sensible plaisir.


“Voici quel est le principe fondamental qui doit présider au régime des écoles ; le but de l’Éducation est de former les jeunes gens à la vie chrétienne surtout, et en même temps à la vie civile et aux sciences qui s’y rapportent. Les collèges, qui sont pour les enfants comme une seconde famille, ne doivent pas satisfaire moins parfaitement à ce devoir que l’éducation domestique à laquelle ils suppléent.


“Pour que les écoles soient vraiment dirigées vers cette fin, il ne suffit pas que les jeunes gens assistent aux instructions religieuses qui leur transmettent la connaissance des vérités surnaturelles, mais il est nécessaire en outre que les sciences naturelles qu’ils apprennent dans les classes non seulement ne nuisent pas à la culture chrétienne des esprits, mais lui servent et en dépendent, de sorte que la religion soit comme une âme qui donne le mouvement à la masse des études et se répande dans tout le corps de l’enseignement.


“Cet ordre a dû sans doute être toujours suivi dans l’éducation de la jeunesse, mais les conditions du temps présent l’exigent plus strictement encore, car il n’est rien que l’éducation ne doive tenter pour rendre les jeunes gens fermes et robustes dans la foi, puisqu’’au sortir des écoles ils sont entourés de tous côtés par les séductions et les assauts des mauvaises doctrines.


“Dans cette organisation chrétienne des études, il faut porter une attention spéciale sur trois grandes parties de l’enseignement qui embrassent les lettres, l’histoire et la philosophie. Leur sage direction dépend d’une vérité que les professeurs doivent méditer avant tout, et sur, laquelle roule toute éducation chrétienne, savoir que l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, quoique essentiellement distincts, sont tellement unis chez les chrétiens, que, par suite de cette union, l’ordre naturel reçoit de l’autre des lumières supérieures, qui le pénètrent et le perfectionnent de diverses manières”.


“Ainsi, dès le début, nous voyons les Pères du concile désapprouver cette séparation qui, cependant, fait le fond, la base et l’essence de toute la philosophie actuellement enseignée. En effet, on fait une profession ouverte de n’enseigner en philosophie que ce qui peut être découvert par les seules forces de la Raison.


“Les Pères du concile continuent en disant : « Et d’abord, dans la littérature, on voit briller les éléments du beau naturel, que le génie de l’homme perçoit et élabore par ses propres forces. Ce genre de beauté se fait remarquer dans un grand nombre d’ouvrages païens, où il consiste, en grande partie, dans un soin exquis de la forme et dans un art merveilleux. (Remarquons ici en passant que le beau naturel, que les Pères du concile reconnaissent exister dans un grand nombre d’ouvrages païens, est surtout le beau de la forme ; ils ne préconisent pas les idées que revêtent ces belles formes). Mais après que l’Évangile eut éclairé et échauffé les âmes, lorsqu’il eut ouvert à l’intelligence et au cœur de l’homme des régions plus hautes et de plus vastes espaces, on voit apparaître un nouvel ordre de beauté surnaturelle, qui, plus sublime en soi, perfectionne la substance de l’autre ordre, et, tout en recevant les formes du beau naturel, produit néanmoins une expression qui lui est propre, comme le prouvent une foule de livres, de poèmes et de discours, dans lesquels éclate la majesté du génie chrétien. Les professeurs ne doivent donc pas expliquer les monuments de la littérature païenne sans exposer aussi les principes et les modèles de la littérature chrétienne, en ayant soin de bien faire remarquer l’influence des éléments qui lui sont propres.


« Il faut en dire autant de l’histoire. On retrouve chez tous les peuples les éléments naturels de la société civile, savoir : la famille, le mariage, les relations des parents et des enfants, la distinction des riches et des pauvres, les droits publics et privés, le pouvoir et l’obéissance, et tout ce qui dérive de cet ordre de choses. Mais il est évident que chez les peuples éclairés par la lumière surnaturelle de l’Évangile, ces termes ont une signification, à certains égards, différente de celle qu’ils avaient dans les ténèbres du paganisme, et que la notion chrétienne de ces éléments sociaux, non seulement diffère beaucoup des idées corrompues qui dominaient chez les païens, mais aussi qu’elle est bien supérieure aux notions même justes qu’ils pouvaient concevoir par la seule lumière naturelle. D’où il suit que les principes de la société civile, élaborés et comme transformés par la vertu de la révélation évangélique, ont été élevés à un degré supérieur de dignité et d’excellence. Que les professeurs d’histoire n’épargnent donc aucun soin pour faire saisir graduellement à leurs élèves cette union des éléments naturels et de l’élément surnaturel, ainsi que les merveilleux effets qu’elle a produits. »
[20] »


Au regard de tous ces témoignages à la fois du Magistère de l’Église et des personnages catholiques les plus éminents de cette époque, au regard de notre propre connaissance des ouvrages si érudits de Mgr Gaume
[21], nous trouvons particulièrement choquant de traiter ainsi Mgr Gaume de « profondément ignorant ». Car cette accusation retombe logiquement sur ceux qui ont dit le contraire : Grégoire XVI, Pie IX, le Cal Gousset, un grand nombre de prélats, Donoso Cortès, Louis Veuillot[22] et bien d’autres. Nous laissons donc juge le lecteur de la valeur d’une telle appréciation.


Voici donc réfuté cette première accusation ridicule que Mgr Gaume serait profondément ignorant.



* * *


Abordons maintenant l’accusation de « relent de traditionalisme et de fidéisme » contre Mgr Gaume de la part de M. l’abbé Belmont, petite phrase regrettable qui vient déprécier un auteur pourtant si clairvoyant. Essayons d’expliquer au lecteur de quoi il s’agit, et d’où vient de la part de M. l’abbé Belmont une telle idée. Nous allons voir que cette accusation est dénuée de fondement, et que ceux qui la soutiennent devraient se demander a contrario s’ils ne sont pas atteints d’une sorte de semi-rationalisme.


Le père Hugon résume bien le traditionalisme et le fidéisme :


« Le Traditionalisme enfin est directement atteint. On sait qu’il y a trois degrés dans cette erreur : les fidéistes, avec Huet, prétendent que la raison sans la foi est frappée d’impuissance absolue d’autres avec Bonnetty et Ventura, disent que, si la raison peut arriver à certaines vérités de l’ordre sensible et physique, elle ne saurait s’élever jusqu’à Dieu sans le secours de la foi, au moins de la foi humaine ; enfin Ubaghs et son école requièrent l’institution de la société ; et, en dernière analyse, la révélation. La première forme est hérétique, la seconde forme est pour le moins voisine de l’hérésie, la troisième est pour le moins erronée. »


Or Mgr Gaume dans son livre Du Catholicisme dans l’éducation affirme bien :


« Il est bien vrai, suivant le concile de Trente, que par la chute originelle, la volonté n’a pas été anéantie, mais seulement brisée et affaiblie, fracta et debilitata ; qu’ainsi l’homme peut, sans le secours de la révélation évangélique, connaître quelques vérités, comme il peut, sans la grâce, pratiquer quelque bien dans l’ordre naturel. »


Il n’est donc en rien traditionaliste ou fidéiste. Par contre il dit aussi dans le même ouvrage :


« Mais pour donner à l’homme l’intelligence de lui-même et de la création, quelle doit-être la philosophie ? À cette question il n’y a pas deux réponses possibles : la philosophie doit être fille respectueuse de la foi. En effet, être contingent, l’homme n’a pas plus la vérité en lui que la vie ; il la reçoit ; or, il ne peut la recevoir que par la foi à l’enseignement primordial donné par les parents et qui vient originairement de Dieu. Un certain nombre de vérités premières, indémontrables, admises de confiance sur la parole de l’autorité, telle est donc, dans toutes les hypothèses imaginables, la base nécessaire de toute philosophie. »


D’ailleurs, le père Hugon précise bien :


« Le concile du Vatican tout en retenant ces titre par lesquels l’Écriture désigne le vrai Dieu, n’entendait pas définir, cependant, que la raison arrive par ses seules forces à démontrer le dogme complet de la création, que Dieu a tiré toutes choses du néant. »


Et cette approche de la philosophie a été reprise par les Pères du concile d’Amiens présidé par le Cal Gousset (il est le père spirituel de Mgr Gaume). N’oublions pas qu’à ce concile l’erreur du Traditionalisme a été également dénoncée, et que vu le nombre de détracteurs qu’avait Mgr Gaume, ils n’auraient pas manqué de le faire accuser de traditionalisme ou de fidéisme. Mais lisons plutôt :


« Quant à la philosophie, (redoublons ici d’attention) il y a sans doute dans les écoles catholiques, plusieurs éléments que les forces de l’esprit humain ont fourni même aux philosophes païens ; mais il y en a d’autres qui ne dérivent pas de cette unique source. Il est très faux de dire que l’enseignement de la philosophie soit chez nous le produit de la seule raison naturelle.


« Car les professeurs ont, dans la doctrine catholique, une règle qui leur indique les thèses à rejeter, et qui les avertit en outre que tel ou tel raisonnement renferme quelque chose de vicieux, par cela même qu’il conduit à des conclusions contraires aux dogmes. De là vient que, dans les écoles catholiques, il y a un parfait et solide accord sur plusieurs vérités démontrées par des arguments philosophiques, vérités sur lesquelles on ne trouve que le doute ou les plus grandes discussions dans les écoles auxquelles la lumière de la foi ne sert pas de flambeau. Ceux donc qui soutiendraient que les leçons de philosophie dans les collèges catholiques doivent être faites de telle sorte qu’on s’y tienne en dehors de la lumière surnaturelle, rêveraient une abstraction purement fictive, ou, si cette abstraction avait réellement lieu, les enseignements philosophiques, perdant l’unité qu’il y a dans nos écoles, s’égareraient à la suite de doctrines diverses et étrangères, et le plus souvent se laisseraient emporter à tout vent de doctrine, comme il arrive dans les écoles qui sont en dehors de notre influence.


« Il y a plusieurs notions sur Dieu et Ses attributs, sur l’origine de l’univers, la Providence, la religion, les vertus, la fin de l’homme, que les philosophes chrétiens, après qu’ils les ont apprises de la révélation, prouvent par leurs arguments, mais qui n’ont pas été inventées par la philosophie humaine.


« (…) La philosophie, étant donc unie de plusieurs manières avec la lumière surnaturelle de la Révélation, étant dirigée, vivifiée et agrandie par elle, on livrerait l’esprit des jeunes gens à une bien dangereuse illusion sur les forces de la Raison, si leur enseignement était conçu de telle sorte dans nos écoles qu’ils pussent attribuer à l’opération de la Raison seule, la droite méthode, le progrès et la perfection de l’enseignement philosophique. Les professeurs doivent donc leur faire comprendre que cette science, à divers égards, n’est pas chez nous celle qu’un philosophe formerait en employant le seul secours de l’esprit humain ; mais celle que la théologie, fondée sur la Révélation, éclaire, régularise et complète ».


On le voit, les rapports entre la foi et la philosophie ainsi exposés par le concile d’Amiens sont en tout conformes à ce que Mgr Gaume expose sur cette question. Faudra-t-il accuser également le concile d’Amiens ratifié par Rome de « relent de traditionalisme et de fidéisme » ?


L’éminent Cal Pie s’est magnifiquement exprimé sur cette question, et le lecteur constatera la même doctrine :


« L’histoire est le flambeau de la philosophie. En effet, si la philosophie se sépare des faits, si elle met de côté l’histoire réelle de l’humanité ; elle risque de n’avoir rien de positif et de séjourner éternellement dans la région nuageuse des hypothèses, très voisine de celle des chimères. Or, cela étant, comment peut-il être philosophique d’interdire à la raison du philosophe d’aborder ces grandes questions historiques qui touchent à tous les points culminants des affaires humaines : l’homme a-t-il été laissé, a-t-il même été créé dans l’état de pure nature ? Dieu a-t-il parlé aux hommes ? Dieu est-il venu sur la terre ?… On comprend l’importance immense de ces questions historiques pour le philosophe. »


« Or quoi de plus intime et de plus personnel pour l’humanité que de savoir si son état actuel et réel est ou n’est pas l’état de pure raison et de pure nature ? »


« Et cette même philosophie se retranchera éternellement dans ce qui n’est point, dans ce qui historiquement n’a jamais été un fait réel, mais dans ce qui est simplement une hypothèse et une possibilité, je veux dire, l’état de raison pure ou de pure nature. En vérité, la philosophie peut-elle s’anéantir et s’exterminer plus radicalement elle-même, à moins qu’elle ne prétende qu’il est de son essence de demeurer dans les hypothèses et de n’avoir rien de commun avec les choses positives ? »
[23]


« Sans doute la philosophie et la théologie sont des sciences distinctes ; mais, autre chose est la distinction, autre chose est la séparation, l’opposition, l’incompatibilité. La philosophie diffère de la théologie, comme la raison diffère de la foi, comme la nature diffère de la grâce. De même que la foi ne s’impose pas partout à la raison et qu’il y a un certain exercice possible et réel des facultés naturelles sans l’intervention de la grâce, de même, il y a un certain ordre de sciences humaines qui peuvent exister et se développer sans le secours direct de la doctrine révélée. Ce principe n’a rien d’étonnant et il doit être accepté de tout le monde. Mais d’imaginer et de construire un système général, un cours complet de philosophie qui se termine si exclusivement dans la sphère de la nature et si rigoureusement en de- hors de toute relation avec l’ordre surnaturel… : ce procédé quel qu’il soit et quelques autres qualifications qu’on doive lui donner, non seulement n’est pas chrétien, …, mais il n’est même pas philosophique, parce qu’il n’est pas conforme à la raison même naturelle de l’homme. Saint Thomas d’Aquin l’a dit avec un à propos merveilleux : “ la foi, il est vrai, n’est pas un apanage de la nature humaine, mais il est dans la nature humaine que l’âme de l’homme ne répugne pas à l’action intérieure de la grâce, ni à la prédication extérieure de la vérité ; c’est pourquoi, sous ce rapport, l’infidélité est contre nature[24]. ”


« Chaque fois qu’on vous présentera, Messieurs, un livre quelconque de philosophie s’annonçant comme un cours complet de philosophie d’après les seules lumières naturelles, soyez assurés de constater bientôt deux choses : premièrement d’immenses lacunes dans ce cours complet, et secondement des traces manifestes de religion révélée dans ce livre de pure raison. »
[2

« Encore une fois rappelons-nous que les actes et décrets du Concile d’Amiens doivent être reconnus exempts d’erreur, puisqu’ils ont été examinés et révisés par Rome, avec toute la maturité et gravité ordinaire en pareille circonstance. Grâce donc aux Pères du concile d’Amiens, la cause des classiques chrétiens est gagnée sans exclusion complète des classiques païens, et sans aucun détriment pour la perfection des études littéraires. Ce résultat est le seul qu’ait ambitionné Mgr Gaume.

Outre ces approbations si solennelles et qui émanent de l’autorité la plus haute et la plus compétente en pareille matière, Mgr Gaume a encore reçu toutes celles des intelligences d’élite qui, comme M. Alberdingk Thyim, le grand catholique de Hollande, l’immortel Pugin et le pieux lord Philipps, en Angleterre, le célèbre publiciste baron Moy de Sens, le docteur Reithmeier, en Allemagne, Donoso Cortès, en Espagne, Louis Veuillot et Montalembert, en France, l’abbé Martinet, le R. P. Ventura et tant d’autres l’ont honoré de toutes leurs sympathies et encouragé de tous leurs efforts dans sa lutte contre le paganisme dans l’éducation.


Les paroles de Donoso Cortès sont trop remarquables pour ne pas être citées. Il écrivait â Mgr Gaume, le 25 avril 1851, la lettre suivante :


“Mon cher ami, votre ouvrage, le Ver Rongeur, est excellent. Il n’y a que deux systèmes possibles d’éducation : le chrétien et le païen. La restauration du dernier nous a conduits à l’abîme dans lequel nous sommes, et nous n’en sortirons certainement que par la restauration du premier. Cela veut dire que je suis complètement d’accord avec vous. Il faut que votre ouvrage soit publié et répandu. L’exécution répond au but : vous êtes toujours clair, logique, perspicace, et personne jusqu’ici n’a mis si décidément le doigt dans la plaie”.


Et cette autre lettre qu’écrivait à Mgr Gaume, le 6 décembre 1857, un des plus nobles enfants de l’Angleterre, pourrions-nous la passer sous silence ? Impossible, dut-on nous accuser de citer trop souvent ; voici ce qu’on y lit à propos de La Révolution, récent ouvrage de Mgr Gaume, en douze volumes, qui est le magnifique développement de la thèse soutenue dans le Ver Rongeur, et d’où, M. le Rédacteur du Courrier du Canada a extrait les belles pages qui font connaître les causes de la Révolution française :


“Laissez moi vous dire une parole sur votre œuvre. Ayez courage, mon cher ami. Dieu, je pense, vous a suscité, comme Jean-Baptiste dans l’esprit d’Elie, pour préparer les voies du Seigneur et prêcher la pénitence à toutes les nations chrétiennes qui ont offensé Dieu en beaucoup de choses, mais surtout, et avant tout, par ce péché abominable d’avoir restauré le damnable art païen en couvrant l’Europe des exécrables représentations de la mythologie idolâtrique des païens, et en étudiant plus les ouvrages des auteurs païens que ceux des auteurs illuminés de l’esprit de Dieu et des sublimes vérités de son Église catholique. Votre glorieux ouvrage a levé l’étendard. Déjà ce livre a eu un immense retentissement dans toute la chrétienté, ici, en Angleterre surtout. J’ai entendu un des premiers ministres de la Reine dire en propres termes : Oui, M. Gaume a mille fois raison ; et si le catholicisme est vrai, nul Homme ne peut contester sa thèse.


“Même dans nos grandes universités d’Oxford et de Cambridge, les hommes les plus éminents commencent à voir et à proclamer que vous êtes logique, que vous avez raison, que ce que vous dites est incontestable. Que vous rencontriez une grande opposition, c’est tout naturel. L’orgueil des hommes en est la cause ; ils n’aiment pas à fléchir tout d’un coup. Il est difficile de chasser le démon qui a si longtemps possédé l’esprit public des nations chrétiennes. Et aussi, Dieu, je pense, permet cette opposition afin de faire éclater davantage la logique de votre argument, et afin que tous ceux qui travaillent pour cette grande réforme s’affermissent dans l’humilité et dans le sentiment de leur propre néant”.


“J’ai fait lire La Révolution, dit encore à Mgr Gaume un savant théologien de Rome, à l’un de vos plus chauds adversaires. En me la remettant il m’a dit : La négation n’est plus possible, la démonstration est mathématique”.


Ajoutons que les journaux de toutes les parties de l’Europe, les mieux inspirés et qui ont toujours été les organes les plus accrédités de la presse catholique se sont empressés d’annoncer La Révolution de Mgr Gaume, d’en rendre le compte le plus avantageux, et surtout, ils ont conjuré tous les hommes sérieusement préoccupés du mal actuel et des dangers de l’avenir, de méditer cet ouvrage.


En France, le Messager du Midi, la Bretagne, le Messager de l’Ouest, l’Univers, ont consacré à La Révolution plusieurs articles très remarquables. La Sentinelle du Jura s’exprime ainsi :


“Dans notre numéro du 23 novembre, 1857, nous avons annoncé l’ouvrage de Mgr Gaume, LA RÉVOLUTION, recherches historiques sur l’origine et la propagation du mal en Europe, depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, en promettant d’en rendre compte.


“Il n’y a pas aujourd’hui deux questions en Europe, il n’y en a qu’une : c’est la question révolutionnaire. L’avenir appartiendra-t-il oui ou non, à la Révolution ? Tout est là. Poser une semblable question, c’est en montrer l’importance. Mais comment l’Europe est-elle arrivée dans ce défilé redoutable, où d’un instant à l’autre elle peut périr ? Cette situation extrême n’est pas l’œuvre d’un jour. Ce qui est, émane de ce qui fut. Nous sommes fils de nos pères, et nous portons le poids de leur héritage. Cela dit assez que l’histoire généalogique du mal actuel est d’une importance capitale.


“Or personne, à notre connaissance, n’a sondé cette question avec plus de pénétration et de profondeur que le célèbre auteur de La Révolution ; personne n’a mis au service d’une raison supérieure une érudition plus abondante et plus sûre. À proprement parler, ce n’est pas Mgr Gaume qui raisonne, c’est l’histoire qui parle. Les raisonnements sont des faits. Ou ne pas lire l’ouvrage, ou se soumettre ; car si rien n’est éloquent comme un chiffre, rien n’est brutal comme un fait : et ici il y en a des milliers. Mais comment ne pas lire ; c’est-à-dire comment rester indifférent à la question révolutionnaire ? Qui donc n’est pas intéressé à connaître l’origine et la nature de cette puissance formidable qui menace également le trône des rois et la borne des champs, le coffre-fort du capitaliste et la caisse d’épargne de l’ouvrier ?


“N’avons-nous pas quelque chose à faire pour remédier au mal ? et si nous avons quelque chose à faire, quel est ce quelque chose ?


“À quiconque veut avoir la réponse à ces questions capitales, nous conseillons la lecture des ouvrages de Mgr Gaume. Nous la conseillons aux personnes qui désirent avoir la clef des événements contemporains, si étranges, si complexes, quelquefois si effrayants et toujours si mystérieux par la rapidité même avec laquelle ils s’accomplissent, aussi bien dans l’ordre politique que dans l’ordre religieux”.


Le plus courageux comme le plus distingué défenseur de la Religion et de l’Église en Piémont, l’Armonia s’exprime ainsi :


“Qui ne connaît Mgr Gaume et l’ouvrage intitulé le Ver rongeur des sociétés modernes, qui a fait tant de bruit en Europe ? Cet illustre écrivain, fortement convaincu que le mal actuel vient de l’élément païen, réintroduit par la Renaissance au sein des sociétés chrétiennes, a entrepris de le prouver dans un ouvrage intitulé La Révolution. Il ne discute pas, il raconte. Les volumes parus sont on ne peut plus graves, riches de faits et de témoignages, et méritent une sérieuse attention. On s’est trop habitué à juger un ouvrage par le nom qu’il porte. Cela n’est ni poli ni équitable. Il faut d’abord lire et ensuite prononcer, en opposant les faits aux faits, les documents aux documents. La patiente Germanie, qui étudie sérieusement, s’est empressée de s’approprier l’ouvrage de Mgr Gaume en le traduisant en allemand. Ce serait rendre un grand service à l’Italie que de le traduire dans notre langue”. Cet article est du 15 novembre 1856.


Le Bien Public de Gand et la Régénération, qui dans la noble Espagne se dévoue au triomphe pratique du catholicisme, parlent de La Révolution absolument dans le même sens que l’Armonia.


Enfin les suffrages les plus illustres et qui portent comme un cachet d’autorité viennent confirmer et corroborer tous les autres. Les princes de l’Église, les prélats n’ont, comme les laïques pieux et éclairés qu’une voix pour préconiser les œuvres de l’immortel Mgr Gaume sur le Paganisme dans l’Éducation et débordé sur les sociétés modernes.


Le 25 janvier 1857, S. E. le cardinal prince Altieri lui adressait de Rome la lettre suivante :


“Monseigneur, j’ai lu avec une inexprimable satisfaction votre excellent ouvrage intitulé La Révolution. J’y ai trouvé le développement des idées fort justes et fort sages qui, appuyées sur le témoignage de faits irrécusables, jettent une immense lumière sur une thèse jusqu’ici très peu considérée, et dont on ne peut cependant contester l’évidence sans se mettre en opposition avec la vérité la plus manifeste, et sans compromettre l’avenir religieux de la société humaine.


“Tous ceux, qui désirent voir éloigner les effrayants dangers qui de toutes parts nous menacent, espèrent que vous continuerez à travailler toujours avec le même zèle pour la défense et la propagation d’une réforme de l’instruction de la jeunesse, réforme éminemment utile à la religion et à la véritable civilisation”.


S. E. le cardinal Gousset, écrivait à Mgr Gaume, en date du 2 juin 1852 :


“N’ayant pas été tout à fait étranger à la publication du Ver rongeur des sociétés modernes, je n’ai pu être insensible aux attaques violentes dont vous avez été l’objet à l’occasion de cet ouvrage. On ne peut vous accuser d’avoir émis des opinions exagérées, absurdes, irrespectueuses envers l’Église et capables de troubler les consciences, etc., sans faire retomber une accusation aussi grave sur ceux qui en approuvant votre livre d’une manière ou d’une autre, comme je l’ai fait moi-même, se seraient rendus solidaires des erreurs qu’on vous reproche. Néanmoins, comme le procès me paraît suffisamment établi, et que vos Lettres à Monseigneur l’Évêque d’Orléans ne laissent rien à désirer pour le fond et pour la forme, je n’entrerai pas dans la discussion ; je préfère mettre la main à l’œuvre en adoptant incessamment, pour les petits séminaires de mon diocèse, le plan d’éducation que vous proposez”
[26]. »[27]


En conclusion nous tenons à dire que les œuvres de Mgr Gaume continuent leur action évangélisatrice par la diffusion que les éditions Saint-Remi en assurent, Dieu soit loué ! Puisse notre contradicteur lire et nous aider à diffuser les ouvrages d’un si grand, si savant[28] et si brillant défenseur de la foi, mort en odeur de sainteté, il y trouverait une richesse que nous pensons fort utile à la fécondité de son sacerdoce.  [14] « En quoi serais-je tenu d’estimer une école de pensée dans laquelle vous placez des auteurs très inégaux et disparates ? Je ne me laisse pas impressionner par l’espèce de terrorisme intellectuel qui voudrait que ces auteurs soient tous des maîtres inégalés et que ceux qui ne l’admettent pas sont définitivement des imbéciles ou des libéraux.


Je n’ai pas à me justifier de préférer cent fois un Dom Guéranger ainsi que ceux qui, comme lui, jouissent d’une science et d’un sensus fidei d’une autre envergure, et qui présentent l’avantage de n’avoir aucun relent de fidéisme ni de traditionalisme (ce n’est pas le cas de tous ceux que vous énumérez, loin s’en faut, mais tant pis pour vous, c’est vous qui les amalgamez). Tenez, pour vous amuser, voici l’appréciation de Dom Guéranger sur l’abbé Gaume (c’était à propos de l’affaire des classiques qui a rendu Gaume célèbre) : « L’abbé Gaume est profondément ignorant, vous ne pouvez le suivre en aucune façon » (Histoire du Cardinal Pitra par Dom Cabrol, Paris 1893, p. 193)


Je vous mets au défi d’apporter un seul fait qui puisse vérifier votre paragraphe sur les éditions Saint-Rémi auxquelles je n’ai « de cesse de couper l’herbe sous les pieds ». Décidément, auriez-vous l’esprit binaire : si l’on n’est pas d’accord avec une ligne éditoriale, on est adversaire ? » Abbé Belmont, NDLSE n°269.
[15] Précisons que les éd. Saint-Remi ont publié la quasi-totalité des œuvres de Dom Guéranger. Si donc Mgr Gaume dérange tant M. l’abbé Belmont, il peut au moins recommander notre maison d’édition pour Dom Guéranger.[16] Il reçut six Brefs pontificaux de papes.[17] Lettre du 9 novembre 1851.[18] MGR GAUME, SA THÈSE ET SES DÉFENSEURS, les classiques chrétiens et les classique payens dans l’enseignement, 35 p. 5 €[19] Après avoir lu ce livre, Pie IX a accordé une indulgence de 50 jours à cet acte de religion : « C’est pourquoi, confiant en la miséricorde du Dieu tout-puissant et en l’autorité de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul, Nous accordons, dans la forme accoutumée de l’Église, à tous et à chacun des fidèles de l’un et de l’autre sexe, toutes les fois qu’au moins contrits de cœur, et en ajoutant l’invocation de la très-sainte Trinité, ils feront le signe de la croix, cinquante jours d’indulgences pour les pénitences qui leur auraient été imposées ou qu’ils devraient pour une autre raison quelconque ; Nous accordons de plus, miséricordieusement dans le Seigneur, que ces indulgences puissent être appliquées, par manière de suffrage, aux âmes des fidèles qui ont quitté ce monde dans la grâce de Dieu. »[20] Abbé Pelletier, MGR GAUME, SA THÈSE ET SES DÉFENSEURS, les classiques chrétiens et les classique payens dans l’enseignement, 35 p. 5 €[21] La multitude des références en note dans les ouvrages de Mgr Gaume, montre qu’il avait une parfaite connaissance de la Sainte Écriture, des Pères de l’Église, des auteurs païens, de Saint Thomas d’Aquin et de Saint Alphonse de Liguori. De plus il maîtrisait parfaitement le latin, l’italien et l’espagnol et connaissait le grec. On aimerait bien avoir des prêtres aussi savant, que certains osent qualifier de profondément ignorant ![22] L’épouse de Louis Veuillot était la nièce de Mgr Gaume.[23] Œuvres complètes du Cardinal Pie, T. III, p. 158. Disponibles aux ESR.[24] Somme Théologique II, IIae, q. 10, art. 1, ad 1[25] Ibidem, page 162-163[26] Les Lettres de Mgr Gaume à Mgr Dupanloup sont véritablement admirables pour le fond et pour la forme. Elles sont peut être plus concluantes encore que le Ver Rongeur. Nous exhortons fort tous ceux qui s’intéressent à la question à se procurer ce charmant petit volume.[27] Abbé Pelletier : MGR GAUME, SA THÈSE ET SES DÉFENSEURS, les classiques chrétiens et les classique payens dans l’enseignement, 35 p. 5 €[28] Notons par exemple que Mgr Gaume maîtrisait parfaitement le latin, connaissait le grec, et maîtrisait l’italien et l’espagnol comme l’atteste ses ouvrages (Horloge de la Passion de St Alphonse traduit de l’italien au français, sa correspondance en espagnol avec Donoso Cortès

Père Onésime Lacouture - 1-5 - La mentalité païenne

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lundi 27 octobre 2014

Mgr Gaume, sa thèse et ses défenseurs. Les classiques chrétiens et les classiques payens dans l'enseignement par LUIGY (L'abbé Alexis Pelletier)


Nous publions l'œuvre de l'abbé Alexis Pelletier qui est probablement la plus populaire. Malheureusement, ce prêtre est trop mal connu, il doit sortir de l'oubli et être étudié la plume à la main. Un livre (si Dieu le veut) fera son apparition en 2015 qui contiendra des œuvres pratiquement inédits de l'abbé Pelletier, sur la question des classiques et dans un futur que nous espérons pas trop loin sur le libéralisme. Demandons l'aide de la Sainte Vierge pour que l'Église Catholique reprenne son dû chez les âmes dans ce bas monde.


MGR GAUME,

SA THÈSE ET SES DÉFENSEURS.

 

LES CLASSIQUES CHRÉTIENS ET LES CLASSIQUES PAYENS DANS L'ENSEIGNEMENT

 

Par LUIGY(Abbé Alexis Pelletier)

1865

 

J'ai lu avec un vif intérêt et un très sensible plaisir la série d'articles publiés dans Le Courrier du Canada, sous le titre de Christianisme et Paganisme. C'est, à mon jugement, un magnifique et splendide plaidoyer en faveur de la thèse de Mgr Gaume ; et je ne sais ce qu'on doit admirer le plus, ou de la profondeur des vues qui y sont émises, ou de la puissante érudition, tant  ecclésiastique que profane, qui s'y déploie avec la majesté d'un beau et grand fleuve.

 

La discussion, soulevé, à l'Institut de Montréal, touchant les causes de la Révolution française, a encore fourni à ce journal l'occasion de mettre dans un nouveau jour, en précisant davantage, un des points les plus culminants de cette importante question, je dirai mieux, de cette question vitale. Je félicite donc de tout cœur Mr. le Rédacteur du Courrier du Canada de l'heureuse inspiration qu'il a eue. Qu'on me permette ici d'exprimer un regret : il me semble qu'il y a une lacune dans ce travail. J'aurais désiré qu'on nous eut un peu fait connaître ce qu'est Mgr Gaume, quelles sont les sources où il a puisé les idées renfermées dans son système d'enseignement, et enfin quelles sont les autorités favorables à ce système.

 

Je sais bien que la thèse, telle qu'elle a été exposée, se recommande d'elle-même. Il devrait suffire d'avoir quelque teinture des Livres Saints, de l'histoire ecclésiastique et profane, de sentir battre dans sa poitrine un cœur chrétien, pour lui donner une entière et complète adhésion.

 

Toutefois, on n'ignore pas que les préjugés, issus de l'éducation première, exercent une influence considérable sur les meilleurs et les plus solides esprits, et que cette influence est d'autant plus forte que les préjugés datent de plus loin. Or, les préjugés en faveur du système actuel d'éducation, qui veut que les jeunes gens consument les plus précieuses années de leur vie à pâlir sur les livres païens, sont des préjugés qui remontent à trois siècles. Tout ce qu'on a eu le soin de nous faire lire, tout ce qu'on a jugé nécessaire de nous dire en matière d'éducation se résume à ceci : Les génies païens sont nos maîtres en tout ; leurs œuvres sont les dernières limites de la perfection dans le genre. Et nous, dans un âge où la foi tient lieu de raison et où les impressions déteignent si fortement sur l'âme et s'y gravent en caractères presque ineffaçables, de nous incliner avec respect et de recueillir religieusement de pareils oracles. C'est à un point tel, qu'après l'Evangile, nous ne connaissons rien de plus respectable que les œuvres de Platon et de Cicéron, de Virgile et d'Homère, de Pindare et d'Horace, et encore pour la forme les plaçons-nous bien au-dessus de nos Saintes Ecritures. Il y en a même eu, et ils étaient loin de se regarder comme ignares, qui ont eu la bonhomie de penser que Platon, s'il lui eut été donné de vivre encore quelques années, aurait révélé la religion chrétienne au monde ébahi.

 

On n'ignore pas encore que Mgr Gaume ne nous est guère connu que par ce qu'en ont ait ses adversaires, et, entr'autres aménités qu'ils ont fait parvenir à son adresse, ils n'ont pas oublié les épithètes d'utopiste, de novateur, d'exalté, d'exagéré, voir même d'insulteur de l'Eglise. Je ne dirai rien des fausses et malveillances interprétations qu'on a fait jaillir d'idées très clairement exprimées pourtant ; cet examen des mille et une petites ruses en usage dans les guerres à. coup de plume nous entraînerait trop loin.

 

Ces quelques réflexions me semblent justifier le .léger reproche que j'ai fait en commençant à Mr. le Rédacteur du Courrier du Canada, de ne nous avoir pas fait connaître Mgr Gaume; non plus que ses respectables défenseurs et les fondements qui servent à étayer son système. Elles me font de plus espérer qu'on me verra avec plaisir exposer ce que, dans mon humble opinion, je regarde comme indispensable pour .compléter le travail, déjà si palpitant d'intérêt, qui a été publié dans le Courrier du Canada.

 

On a dit, et sur tous les tons, que Mgr Gaume est un exalté, un exagéré, un homme à idées singulières. Soit. Mais à présent que les adversaires de cet illustre auteur veuillent bien examiner un instant avec moi certains de ses ouvrages où n'est pas traitée la question des classiques, son Manuel des Confesseurs, par exemple. Oh ! ici nous nous trouvons parfaitement d'accord pour louer et admirer. Nous n'hésitons pas à dire que ce Manuel est une œuvre unique, parfaite, si excellente que c'est quasi un devoir pour tout prêtre de le lire aussi assidûment que l'Ecriture Sainte. Nous proclamons encore que ce livre, ne fût-il qu'une pure compilation eût exigé comme tel dans son auteur une science, une érudition, une prudence, une sagesse, un esprit de discernement, un bon sens pratique chrétien plus qu'ordinaire.

 

Qui n'admirerait encore Les Trois Rome qui décèlent une étude si approfondie, une connaissance si parfaite des temps anciens et surtout des premiers âges de l'Eglise ? Et sans parler de plusieurs autres livres excellents, sortis de la plume du même auteur, ne suffit-il pas de nommer l'Histoire de la Société domestique, le Signe de la Croix au dix-neuvième siècle, que S. E. le cardinal prince Altiéri, préfet de la S. C. de l'Index., appelle un livre admirable, et particulièrement ce beau Catéchisme de Persévérance qui a conquis une popularité européenne et même américaine. Souvenons nous enfin que Grégoire XVI, dans un Bref adressé à Mgr Gaume et par lequel il le crée Chevalier de l'ordre de la Milice Dorée, lui dit, après les éloges les plus flatteurs donnés à ses grands talents et à sa piété, que ses ouvrages n'ont pas rendu un médiocre service à la religion.

 

Quand donc un prêtre, aussi grave, aussi savant, aussi zélé, aussi expérimenté que l'est celui qui a doté la bibliothèque chrétienne de ces précieux ouvrages, entreprend de parler de la réforme à opérer dans l'enseignement, on doit à priori, raisonnablement supposer qu'il n'a point entrepris de traiter une question de cette importance, sans savoir ce qu'il disait, sans faire de longues réflexions et de sérieuses études, sans prendre de nombreux et surs conseils Un bon sens, assez peu cultivé même, nous dit qu'il faut tenir compte de tout un ensemble de faits lorsqu'il s'agit de mesurer l'estime qu'on accorde à quelqu'un. Si les adversaires de Mgr Gaume eussent daigné suivre ce dictamen de la commune raison, ils n'auraient pas été aussi prompts à s'écrier qu'ils ne voyaient dans sa thèse contre le paganisme dans l'enseignement, qu'un amas d'accusations dont le titre seul révèle l'inanité, des témérités d'opinion et de langage, des emportements d'esprit, des déclamations violentes, bonnes seulement à produire le trouble et le scandale, enfin, une aberration.

 

Qu'est-ce donc maintenant que cette thèse de Mgr Gaume qui a soulevé en Fiance de si chaudes et de si vives discussions ? Cette thèse ? Elle se résume à dire : eu égard aux penchants de l'homme déchu, eu égard surtout à l'état du monde actuel, païen dans le luxe et l'immodestie de ses habits, païen dans sa littérature dont le fonds est ou puéril ou immoral, païen dans ses arts d'agrément, qui ont fait servir le pinceau, le ciseau, la musique à reproduire des objets que la pudeur ne nomme pas, à exalter des sentiments dont la présence est une souillure, païen dans sa philosophie qui ne tend qu'à émanciper la raison individuelle, païen dans sa politique qui nie les droits de Dieu en proclamant ceux de l'homme, qui veut le règne de la démocratie pure et l'anéantissement de toute influence religieuse sur le pouvoir civil, païen enfin dans toutes ses aspirations qui sont grossières, terrestres, bestiales, il est d'une extrême importance de nourrir la jeunesse chrétienne et catholique de christianisme et de catholicisme.

 

Mgr Gaume fait ensuite voir de quel contre-bon sens l'éducation se rend coupable depuis trois siècles en donnant, pour précepteurs et pour modèles, à des âmes baptisées toute cette pléiade de prétendus grands hommes de l'antiquité qui, sans en excepter le divin Platon et l'immaculé Cicéron, peuvent tous être désignés par ce mot d'un Père de l'Eglise: Animalia gloriæ et voluptatis. Il nous révèle les ignominies de ces grande modèles de perfection humaine et nous fait voir que tous leurs mouvements, au lieu de tendre vers en haut, tendent vers ce qu'il y a de plus bas ; qu'au lieu de s'élever comme l'aigle, ils rampent comme la chenille; qu'au lieu de se nourrir comme l'abeille du suc parfumé des fleurs, comme la mouche stercoraire ils s'abattent sur l'ordure. Pas une violation de la plus sainte des lois devant laquelle ils reculent ; pas une souillure qu'ils s'épargnent.

 

Voilà probablement ce qui a mérité à Mgr Gaume le titre d'insulteur de l'Eglise, et en effet il y avait de quoi. Passe pour jeter une poignée de boue à la face d'un saint Père avec un sourire niaisement impie, ce n'est là qu'une peccadille ; mais attaquer Cicéron ! Platon !! le divin Platon !!! oh ! pour le coup un tel attentat doit exciter une indignation universelle ; c'est un attentat trois fois sacrilège !

 

Qu'est-ce encore que la thèse de Mgr Gaume ? C'est un long et magnifique commentaire de l'uni des décrets du Ve concile général de Latran qui déclare que la philosophie et la littérature païenne sont inftectes dans leurs racines, et qui n'en permet l'étude qu'après avoir exigé des précautions infinies ; c'est la démonstration parfaite, histoire en main pour prouver par des faits nombreux les terribles ravages exercés dans le monde moderne par la mise en honneur du paganisme gréco-romain, de la sagesse divine qui inspirait le Saint Concile de Trente quand dans la VIIè des X règles de l'Index, éditées par son ordre, il défendait pour aucune raison de laisser lire aux enfants, même sous prétexte d'élégance de style et de langage, les livres des païens qui renferment des choses lascives et obscènes.

 

Il importe encore de signaler ici que l'Eglise avait formulé cette thèse, même dès les premiers siècles de son existence, par l'organe de ses membres les plus saints et les plus éclairés, je veux dire les Saints Pères. C'est ce que reconnaît Rollin lui-même, tout saturé de paganisme qu'il était lorsqu'il dit : "La lecture des poètes, condamnée si unanimement par les Pères, et même par les païens, peut-elle donc être permise dans les écoles? (Tr. des Et. p. 576.) Pour abréger, je n'en citerai que deux : saint Augustin et saint Jérôme. Le premier, qu'on ne traitera certainement pas d'esprit léger, regarde la coutume où l'on était, de son temps, d'expliquer les fables des poètes dans les écoles chrétiennes comme un funeste torrent auquel personne ne résistait, et qui entraînait les jeunes gens dans l'abîme éternel. (Conf. lett. ch. XVI.) Le second ne craint pas de qualifier très énergiquement l'ensemble de la philosophie et de la littérature païenne, en l'appelant nourriture des démons.. Cibus est, dæmoniorum, sæcularis philosophia, carmina poetarum, rhetoricorum pompa verborum (Lt.,Hier. Epist. ad. Dam. de decob. filiis opp. t. IV, p. 153).

 

Ces textes sont précis, comme on le voit, et vont directement au but ; ils ne permettent guère de regimber. Toutefois on a trouvé le moyen de leur faire signifier toute autre chose que ce qu'ils veulent dire, pris dans-leur sens naturel, et l'on a même eu le courage de composer de gros volumes pour prouver que donner la préférence aux classiques chrétiens sur les classiques païens, loin d'être conforme à l'esprit de l'Eglise, était en complète opposition avec lui, et que par conséquent les ouvrages de Mgr Gaume contre le Paganisme dans l'éducation était digne de censure. Il fallait une pareille sortie pour faire briller la vérité dans tout son jour. Aussi Mgr Gaume alla-t-il lui-même à Rome soumettre à la Congrégation de l'index les ouvrages où il avait traité la question des classiques, et, quelques temps après, le Père Cirino, consulteur des clercs réguliers, lui fit parvenir la consultation suivante :

 

"Monsieur et très respectable abbé, les principes de foi et de zèle, qui vous ont inspiré le rare courage de soulever une question aussi utile et aussi délicate qu'est la question de l'abus des classiques païens dans les écoles seront infailliblement reconnus et admirés de quiconque voudra se procurer l'avantage de lire ce que vous avez publié à ce sujet.

 

'"Attaquer de front une coutume invétérée et universelle a paru à quelques-uns une présomption et une injure envers l'Eglise. Rassurez-vous cependant ; car d'un autre côté des personnages, non point en petit nombre ou obscurs, mais en grand nombre et on ne peut plus distingués, vous encouragent, vous secondent et se font vos compagnons d'armes dans cette guerre contre le paganisme, infiltré dans l'éducation et débordé contre les sociétés modernes.

 

"Empêcher les jeunes gens qui doivent étudier le grec et le latin de puiser leurs premières idées dans les auteurs païens, desquels, excepté la langue, on n'apprend rien de bon et dont on peut apprendre beaucoup de mal, et d'autre part, leur mettre entre les mains des livres chrétiens où, tout en apprenant une langue, qui est aussi une langue grecque ou latine, l'esprit et le cœur des enfants, faciles à recevoir et fidèles à retenir les premières impressions, se pénètrent, presque sans s'en apercevoir, de religion, de vertu, de piété, qui,. en fin de compte, sont l'essentiel de la vie morale de l'homme : rien de tout cela assurément ne peut être appelé un outrage à l'Eglise. Je dirai plutôt que c'est un moyen de seconder ses vues.

 

" Il me semble que c'est faire trop d'honneur à Homère et à Virgile, à Démosthène et à Cicéron, que de déclarer l'Eglise solidaire de l'injure qu'on leur fait en les bannissant de quelques écoles. Je ne sache pas que l'Eglise ait jamais fait de canon pour sanctionner une règle, un programme d’étude élémentaire. Aussi, chaque évêque, chaque congrégation religieuse, a pleine liberté de suivre telle méthode qu'elle reconnaît plus appropriée aux circonstances des temps et plus conforme à la pratique des lieux, ou bien d'introduire un système qui lui soit tout à fait propre. Dans ce dernier cas, ce serait une nouveauté, jamais une injure aux autres évêques ou aux autres congrégations, bien moins encore à l'Eglise.

 

"L'Eglise n'a pas imposé l'usage des classiques païens, elle l'a toléré. Elle ne regardera donc pas comme une injure si on éloigne d'elle ce qui était en elle, mais qui ne venait pas d'elle. L'usage des classiques païens fut imposé par les exigences du siècle, et à grand regret adopté par les pasteurs spirituels. Que ne fit pas saint Charles pour exclure du programme d'études de son séminaire les auteurs païens ? Par une prudente condescendance, il dut cependant tolérer qu'on les y introduisit".

 

On sait en effet que la crainte, hélas ! trop fondée, de voir la jeunesse milanaise prendre le chemin des universités et des gymnases protestants, où régnaient Homère et Virgile, contraignit saint Charles à modifier son premier plan.

 

Le Père Cérino termine en disant : "Pour conclure je dirai à Votre Révérence que, suivant ma manière de voir, elle peut sans inquiétude, sans difficulté ou inconvénient soutenir sa thèse, laquelle seconde les vues de l'Eglise, loin de les contrarier".

 

Voilà ce qui peut s'appeler un témoignage fort explicite en faveur de la thèse ; il part de haut comme on voit, et de toute son autorité il confirme l'interprétation qu'a donné Mgr Gaume aux paroles des Saints Pères, aux actes solennels de l'Eglise dans les conciles de Trente et de Latran.

 

Mais voici bien autre chose ; une voix part encore de plus haut et parle absolument dans le même sens que celle que nous venons d'entendre. C'est à décourager tous les représentants des vieilleries païennes. En réponse à une lettre de S. E. le Cardinal Gousset, partisan zélé du plan d'études de Mgr Gaume et qui l'a même adopté pour tous les séminaires de son diocèse, comme nous le verrons tout à l'heure, le cardinal Antonelli écrivait de Rome le 30 Juillet 1852 :

 

"Eminentissime et Révérendissime Seigneur, outre le grand prix que j'ai coutume d'attacher aux communications de Votre Eminence, celle que vous avez adressée, sous le pli du 13 du courant, à propos de la fâcheuse divergence qui s'est récemment élevée en France, sur le choix des livres pour l'enseignement littéraire, a une extrême importance.

 

"La parfaite connaissance, que l'on a de la sagesse et du profond discernement qui distinguent votre Eminence, était déjà une raison plus que suffisante de compter sur la justesse et l'étendue de vos vues dans l'appréciation de la susdite controverse. Cette assurance, conçue d'avance, et que le Saint Père, à bon droit, partageait avec moi a été parfaitement confirmée.

 

"En applaudissant hautement à l'intérêt que Votre Eminence a attaché à cette affaire, et qu'elle a fait servir avec un zèle et une sagesse admirables à atteindre un but pleinement conforme aux vues du Saint Siège, je suis heureux de vous offrir en même temps l'assurance du profond respect avec lequel je vous baise humblement les mains".

L'année suivante, 1858, la thèse de Mgr Gaume recevait de Rome l'approbation la plus encourageante, bien qu'implicite, par la confirmation de tous les actes et décrets du concile d'Amiens, tenu le 10 janvier de cette année sous la présidence de S. E. le Cardinal Gousset. Voici les décrets de ce concile relatifs à l'éducation. La citation est longue, mais comme le concile parle d'or, je crois qu'on la lira avec un sensible plaisir.

 

Voici quel est le principe fondamental qui doit présider au régime des écoles ; le but de l'Education est de former les jeunes gens à la vie chrétienne surtout, et en même temps à la vie civile et aux sciences qui s'y rapportent. Les collèges, qui sont pour les enfants comme une seconde famille, ne doivent pas satisfaire moins parfaitement à ce devoir que l'éducation domestique à laquelle ils suppléent.

 

"Pour que les écoles soient vraiment dirigées vers cette fin, il ne suffit pas que les jeunes gens assistent aux instructions religieuses qui leur transmettent la connaissance des vérités surnaturelles, mais il est nécessaire en outre que les sciences naturelles qu'ils apprennent dans les classes non seulement ne nuisent pas à la culture chrétienne des esprits, mais lui servent et en dépendent, de sorte que la religion soit comme une âme qui donne le mouvement à la masse des études et se répande dans tout le corps de l'enseignement.

 

"Cet ordre a dû sans doute être toujours suivi dans l'éducation de la jeunesse, mais les conditions du .temps présent l'exigent plus strictement encore, car il n'est rien que l'éducation ne doive tenter pour rendre les jeunes gens fermes et robustes dans la foi, puisqu'au sortir des écoles ils sont entourés de tous côtés par les séductions et les assauts des mauvaises doctrines.

 

"Dans cette organisation chrétienne des études, il faut porter une attention spéciale sur trois grandes parties de l'enseignement qui embrassent les lettres, l'histoire et la philosophie. Leur sage direction dépend d'une vérité que les professeurs doivent méditer avant tout, et sur, laquelle roule toute éducation chrétienne, savoir que l'ordre naturel et l'ordre surnaturel, quoique essentiellement distincts, sont tellement unis chez les chrétiens, que, par suite de cette union, l'ordre naturel reçoit de l'autre des lumières supérieures, qui le pénètrent et le perfectionnent de diverses manières".

 

"Ainsi, dès le début, nous voyons les Pères du concile désapprouver cette séparation qui, cependant, fait le fond, la base et l'essence de toute la philosophie actuellement enseignée. En effet, on fait une profession ouverte de n'enseigner en philosophie que ce qui peut être découvert par les seules forces de la Raison.

 

"Les Pères du concile continuent en disant : "Et d'abord, dans la littérature, on voit briller les éléments du beau naturel, que le génie de l'homme perçoit et élabore par ses propres forces. Ce genre de beauté se fait remarquer dans un grand nombre d'ouvrages païens, où il consiste, en grande partie, dans un soin exquis de la forme et dans un art merveilleux. (Remarquons ici en passant que le beau naturel, que les Pères du concile reconnaissent exister dans un grand nombre d'ouvrages païens, est surtout le beau de la forme ; ils ne préconisent pas les idées que revêtent ces belles formes). Mais après que l'Évangile eut éclairé et échauffé les âmes, lorsqu'il eut ouvert à l'intelligence et au coeur de l'homme des régions plus hautes et de plus vastes espaces, on voit apparaître un nouvel ordre de beauté surnaturelle, qui, plus sublime en soi, perfectionne la substance de l'autre ordre, et, tout en recevant les formes du beau naturel, produit néanmoins une expression qui lui est propre, comme le prouvent une foule de livres, de poèmes et de discours, dans lesquels éclate la majesté du génie chrétien. Les professeurs ne doivent donc pas expliquer les monuments de la littérature païenne sans exposer aussi les principes et les modèles de la littérature chrétienne, en ayant soin de bien faire remarquer l'influence des éléments qui lui sont propres.

 

"Il faut en dire autant de l'histoire. On retrouve chez tous les peuples les éléments naturels de la société civile, savoir : la famille, le mariage, les relations des parents et des enfants, la distinction des riches et des pauvres, les droits publics et privés, le pouvoir et l'obéissance, et tout ce qui dérive de cet ordre de choses. Mais il est évident que chez les peuples éclairés par la lumière surnaturelle de I'Evangile, ces termes ont une signification, à certains égards, différente de celle qu'ils avaient dans les ténèbres du paganisme, et que la notion chrétienne de ces éléments sociaux, non seulement diffère beaucoup des idées corrompues qui dominaient chez les païens, mais aussi qu'elle est bien supérieure aux notions même justes qu'ils pouvaient concevoir par la seule lumière naturelle. D'où il suit que les principes de la société civile, élaborés et comme transformés par la vertu de la révélation évangile, ont été élevés à un degré supérieur de dignité et d'excellence. Que les professeurs d'histoire n'épargnent donc aucun soin pour faire saisir graduellement à leurs élèves cette union des éléments naturels et de l'élément surnaturel, ainsi que les merveilleux effets qu'elle a produits.

 

"Quant à la philosophie, (redoublons ici d'attention) il y a sans doute dans les écoles catholiques, plusieurs éléments que les forces de l'esprit humain ont fourni même aux philosophes païens ; mais il y en a d'autres qui ne dérivent pas de cette unique source. Il est très faux de dire que l'enseignement de la philosophie soit chez nous le produit de la seule raison naturelle.

 

"Car les professeurs ont, dans la doctrine catholique, une règle qui leur indique les thèses à rejeter, et qui les avertit en outre que tel ou tel raisonnement renferme quelque chose de vicieux, par cela même qu'il conduit à des conclusions contraires aux dogmes. De là vient que, dans les écoles catholiques, il y a un parfait et solide accord sur plusieurs vérités démontrées par des arguments philosophiques, vérités sur lesquelles on ne trouve que le doute ou les plus grandes discussions dans les écoles auxquelles la lumière de la foi ne sert pas de flambeau. Ceux donc qui soutiendraient que les leçons de philosophie dans les collèges catholiques doivent être faites de telle sorte qu'on s'y tienne en dehors de la lumière surnaturelle, rêveraient une abstraction purement fictive, ou, si cette abstraction avait réellement lieu, les enseignements philosophiques, perdant l'unité qu'il y a dans nos écoles, s'égareraient à la suite de doctrines diverses et étrangères, et le plus souvent se laisseraient emporter à tout vent de doctrine, comme il arrive dans les écoles qui sont en dehors de notre influence.

 

"Il y a plusieurs notions sur Dieu et Ses attributs, sur l'origine de l'univers, la Providence, la religion, les vertus, la fin de l'homme, que les philosophes chrétiens, après qu'ils les ont apprises de la révélation, prouvent par leurs arguments, mais qui n'ont pas été inventées par la philosophie humaine.

 

"La philosophie, étant donc unie de plusieurs manières avec la lumière surnaturelle de la Révélation, étant dirigée, vivifiée et agrandie par elle, on livrerait l'esprit des jeunes gens à une bien dangereuse illusion sur les forces de la Raison, si leur enseignement était conçu de telle sorte dans nos écoles qu'ils pussent attribuer à l'opération de la Raison seule, la droite méthode, le progrès et la perfection de l'enseignement philosophique. Les professeurs doivent donc leur faire comprendre que cette science, à divers égards, n'est pas chez nous celle qu'un philosophe formerait en employant le seul secours de l'esprit humain ; mais celle que la théologie, fondée sur la Révélation, éclaire, régularise et complète".

 

Après avoir posé ces règles générales, le Concile en vient à des dispositions particulières sur les parties fondamentales qui composent un cours d'études classiques. Nous ne citerons que celles lui ont trait aux études littéraires.

 

"Nous estimons, dit-il, qu'un grand nombre d'ouvrages chrétiens, latins, grecs et français, écrits avec talent, doivent être adoptés comme livres classiques, dans les écoles de notre province, soit par extraits, soit entiers, s'ils ne sont pas trop longs ; et que cette mesure doit être exécutée de telle sorte que les âmes des jeunes gens soient abondamment abreuvées de ces eaux vivifiantes dans le cours de leur éducation littéraire, et qu'elles puisent assidûment l'esprit chrétien dans un commerce familier avec ces auteurs.

 

"Et en effet, si l'on fait attention à l'influence contagieuse de ce siècle, il est à craindre que ces jeunes intelligences ne puissent être pendant plusieurs années, dans un contact journalier avec les maximes, les exemples et l'esprit de la littérature païenne, sans que bien souvent la constitution chrétienne des esprits ne soit affaiblie en respirant cette atmosphère, et qu'au sortir des écoles ils ne soient, pour cette raison, trop peu en état de repousser les séductions des mauvaises doctrines, à moins que, grâce à la sage fréquentation des auteurs chrétiens, une inspiration religieuse, vivace, n'ait corroboré ces esprits de sa continuelle influence".

 

Je le demande, qu'eussent dit les Pères de ce concile s'ils avaient eu à s'occuper de l'éducation qui doit répondre aux besoins d'un pays comme le nôtre, où la foi est attaquée par tant de mauvaises doctrines, surtout par les funestes doctrines du protestantisme ?

 

Ils ajoutent : "Il faut remarquer en outre que beaucoup d'enfants, admis dans les établissements d'éducation, viennent de familles médiocrement chrétiennes ; qu'après avoir achevé leurs études, ils sont lancés au milieu d'une société qui ne s'appuie plus comme autrefois, sur des institutions catholiques ; qu'enfin livrés à des études ou à des fonctions, d'où la religion est maintenant absente, ils sont privés des secours puissants au moyen desquels, dans les siècles passés, l'éducation chrétienne de la jeunesse adulte se continuait jusque dans la virilité. Pour cette raison, quand elle serait seule, il faut profiter avec plus de prévoyance des précieuses années passées au collège, afin que, même dans l'enseignement littéraire, l'enfance soit continuellement nourrie de notions, de sentiments et d'exemples chrétiens, et que l'âme tendre des adolescents, jetée dans un moule chrétien, en reçoive profondément l'empreinte à l'âge où elle offre le moins de résistance à la forme qu'on doit lui imprimer.

 

"Nous sommes persuadés que cette manière d'enseigner peut être adoptée comme salutaire, sans qu'on fasse injure par là aux usages reçus pendant une longue série d'années dans les collèges catholiques. Les annales de l'Église nous font voir en effet que bien des choses qui, à certaines époques, ne renferment rien de funeste, deviennent ensuite, quand les circonstances sont changées, dangereuses ou même nuisibles.

 

"Après avoir posé ces principes, qui tiennent à l'essence de la méthode à suivre dans l'enseignement des lettres, nous laissons de côté les questions littéraires, dont nous n'avons pas à nous occuper. Nous voulons seulement repousser des assertions injurieuses à l'Eglise que nous avons vues se produire à l'occasion de controverses qui ont eu lieu sur ce point. Il n'est pas possible de passer ici sous silence l'opinion de quelques écrivains ennemis de la religion catholique, qui, pour recommander l'emploi à peu près exclusif de la littérature païenne dans les collèges, affectent de mépriser comme barbare la langue qu'on retrouve dans les meilleurs écrits des Pères, et qui a été consacrée par la liturgie même de l'Église. Ils ne comprennent pas qu'en conservant les éléments et les locutions de l'idiome antique, l'Eglise catholique a formé avec eux une langue élaborée de telle sorte qu'elle s'adapte d'une manière intime aux sentiments chrétiens et aux objets qui !es inspirent. Ces écrivains devraient rougir d'outrager celte sainte Mère, qui, héritière et gardienne de la Parole divine, s'est toujours montrée la nourrice soigneuse et la sage protectrice de toutes les sciences humaines qui servent à dissiper la barbarie. Éloignons donc de nos écoles une assertion également fausse et indécente qui offenserait les oreilles des élèves et scandaliserait leurs âmes".

 

Encore une fois rappelons-nous que les actes et décrets du Concile d'Amiens doivent être reconnus exempts d'erreur, puisqu'ils ont été examinés et révisés par Rome, avec toute la maturité et gravité ordinaire en pareille circonstance. Grâce donc aux Pères du concile d'Amiens, la cause des classiques chrétiens est gagnée sans exclusion complète des classiques païens, et sans aucun détriment pour la perfection des études littéraires. Ce résultat est le seul qu'ait ambitionné Mgr Gaume.

 

Outre ces approbations si solennelles et qui émanent de l'autorité la plus haute et la plus compétente en pareille matière, Mgr Gaume a encore reçu toutes celles des intelligences d'élite qui, comme M. Alberdingk Thyim, le grand catholique de Hollande, l'immortel Pugin et le pieux lord Philipps, en Angleterre, le célèbre publiciste baron Moy de Sens, le docteur Reithmeier, en Allemagne, Donoso Cortès, en Espagne, Louis Veuillot et Montalembert, en France, l'abbé Martinet, le R. P. Ventura et tant d'autres l'ont honoré de toutes leurs sympathies et encouragé de tous leurs efforts dans sa lutte contre le paganisme dans l'éducation.

 

Les paroles de Donoso Cortès sont trop remarquables pour ne pas être citées. Il écrivait â Mgr Gaume, le 25 avril 1851, la lettre suivante : "Mon cher ami, votre ouvrage, le Ver Rongeur, est excellent. Il n'y a que deux systèmes possibles d'éducation : le chrétien et le païen. La restauration du dernier nous a conduits à l'abîme dans lequel nous sommes, et nous n'en sortirons certainement que par la restauration du premier. Cela veut dire que je suis complètement d'accord avec vous. Il faut que votre ouvrage soit publié et répandu. L'exécution répond au but : vous êtes toujours clair, logique, perspicace, et personne jusqu'ici n'a mis si décidément le doigt dans la plaie".

 

Et cette autre lettre qu'écrivait à Mgr Gaume, le 6 décembre 1857, un des plus nobles enfants de l'Angleterre, pourrions-nous la passer sous silence ? Impossible, dut-on nous accuser de citer trop souvent ; voici ce qu'on y lit à propos de La Révolution, récent ouvrage de Mgr Gaume, en douze volumes, qui est le magnifique développement de la thèse soutenue dans le Ver Rongeur, et d'où, M. le Rédacteur du Courrier du Canada a extrait les belles pages qui font connaître les causes de la Révolution française : "Laissez-moi vous dire une parole sur votre œuvre. Ayez courage, mon cher ami. Dieu, je pense, vous a suscité, comme Jean-Baptiste dans l'esprit d'Elie, pour préparer les voies du Seigneur et prêcher la pénitence à toutes les nations chrétiennes qui ont offensé Dieu en beaucoup de choses, mais surtout, et avant tout, par ce péché abominable d'avoir restauré le damnable art païen en couvrant l'Europe des exécrables représentations de la mythologie idolâtrique des païens, et en étudiant plus les ouvrages des auteurs païens que ceux des auteurs illuminés de l'esprit de Dieu et des sublimes vérités de son Eglise catholique. Votre glorieux ouvrage a levé l'étendard. Déjà ce livre a eu un immense retentissement dans toute la chrétienté, ici, en Angleterre surtout. J'ai entendu un des premiers ministres de la Reine dire en propres termes : Oui, M. Gaume a mille fois raison ; et si le catholicisme est vrai, nul Homme ne peut contester sa thèse.

 

"Même dans nos grandes universités d'Oxford et de Cambridge, les hommes les plus éminents commencent à voir et à proclamer que vous êtes logique, que vous avez raison, que ce que vous dites est incontestable. Que vous rencontriez une grande opposition, c'est tout naturel. L'orgueil des hommes en est la cause ; ils n'aiment pas à fléchir tout d'un coup. Il est difficile de chasser le démon qui a si longtemps possédé l'esprit public des nations chrétiennes. Et aussi, Dieu, je pense, permet cette opposition afin de faire éclater davantage la logique de votre argument, et afin que tous ceux qui travaillent pour cette grande réforme s'affermissent dans l'humilité et dans le sentiment de leur propre néant".

 

"J'ai fait lire La Révolution, dit encore à Mgr Gaume un savant théologien de Rome, à l'un de vos plus chauds adversaires. En me la remettant il m'a dit : La négation n'est plus possible, la démonstration est mathématique".

 

Ajoutons que les journaux de toutes les parties de l'Europe, les mieux inspirés et qui ont toujours été les organes les plus accrédités de la presse catholique se sont empressés d'annoncer La Révolution de Mgr Gaume, d'en rendre le compte le plus avantageux, et surtout, ils ont conjuré tous les hommes sérieusement préoccupés du mal actuel et des dangers de l'avenir, de méditer cet ouvrage.

 

En France, le Messager du Midi, la Bretagne, le Messager de l'Ouest, l'Univers, ont consacré à La Révolution plusieurs articles très remarquables. La Sentinelle du Jura s'exprime ainsi : " Dans notre numéro du 23 novembre, 1857, nous avons annoncé l'ouvrage de Mgr Gaume, LA RÉVOLUTION, recherches historiques sur l'origine et la propagation du mal en Europe, depuis la Renaissance jusqu'à nos jours, en promettant d'en rendre compte.

 

"Il n'y a pas aujourd'hui deux questions en Europe, il n'y en a qu'une : c'est la question révolutionnaire. L'avenir appartiendra-t-il oui ou non, à la Révolution ? Tout est là. Poser une semblable question, c'est en montrer l'importance. Mais comment l'Europe est-elle arrivée dans ce défilé redoutable, où d'un instant à l'autre elle petit périr ? Cette situation extrême n'est pas l'œuvre d'un jour. Ce qui est, émane de ce qui fut. Nous sommes fils de nos pères, et nous portons le poids de leur héritage. Cela dit assez que l'histoire généalogique du mal actuel est d'une importance capitale.

 

"Or personne, à notre connaissance, n'a sondé cette question avec plus de pénétration et de profondeur que le célèbre auteur de La Révolution ; personne n'a mis au service d'une raison supérieure une érudition plus abondante et plus sûre. A proprement parler, ce n'est pas Mgr Gaume qui raisonne, c'est l'histoire qui parle. Les raisonnements sont des faits. Ou ne pas lire l'ouvrage ou se soumettre ; car si rien n'est éloquent comme un chiffre, rien n'est brutal comme un fait : et ici il y en a des milliers. Mais comment ne pas lire; c'est-à-dire comment rester indifférent à la question révolutionnaire ? Qui donc n'est pas intéressé à connaître l'origine et la nature de cette puissance formidable qui menace également le trône des rois et la borne des champs, le coffre-fort du capitaliste et la caisse d'épargne de l'ouvrier ?

 

"N'avons-nous pas quelque chose à faire pour remédier au mal ? et si nous avons quelque chose à faire, quel est ce quelque chose ?

 

"A quiconque veut avoir la réponse à ces questions capitales, nous conseillons la lecture des ouvrages de Mgr Gaume. Nous la conseillons aux personnes qui désirent avoir la clef des événements contemporains, si étranges, si complexes, quelquefois si effrayants et toujours si mystérieux par la rapidité même avec laquelle ils s'accomplissent, aussi bien dans l'ordre politique que dans l'ordre religieux".

 

Le plus courageux comme le plus distingué défenseur de la Religion et de l'Eglise en Piémont, l'Armonia s'exprime ainsi : "Qui ne connaît Mgr Gaume et l'ouvrage intitulé le Ver rongeur des sociétés modernes, qui a fait tant de bruit en Europe ? Cet illustre écrivain, fortement convaincu que le mal actuel vient de l'élément païen, réintroduit par la Renaissance au sein des sociétés chrétiennes, a entrepris de le prouver dans un ouvrage intitulé La Révolution. Il ne discute pas, il raconte. Les volumes parus sont on ne peut plus graves, riches de faits et de témoignages, et méritent une sérieuse attention. On s'est trop habitué à juger un ouvrage par le nom qu'il porte. Cela n'est ni poli ni équitable. Il faut d'abord lire et ensuite prononcer, en opposant les faits aux faits, les documents aux documents. La patiente Germanie, qui étudie sérieusement, s'est empressée de s'approprier l'ouvrage de Mgr Gaume en le traduisant en allemand. Ce serait rendre un grand service à l'Italie que de le traduire dans notre langue".

 

Cet article est du 15 novembre 1856.

 

Le Bien Public de Gand et la Regeneracion, qui dans la noble Espagne se dévoue au triomphe pratique du catholicisme, parlent de La Révolution absolument dans le même sens que l'Armonia.

 

Enfin les suffrages les plus illustres et qui portent comme un cachet d'autorité viennent confirmer et corroborer tous les autres. Les princes de l'Eglise, les prélats n'ont, comme les laïques pieux et éclairés qu'une voix pour préconiser les œuvres de l'immortel Mgr Gaume sur le Paganisme dans l'Education et débordé sur les sociétés modernes.

 

Le 25 janvier 1857, S. E. le cardinal prince Altieri lui adressait de Rome la lettre suivante :

 

"Monseigneur, j'ai lu avec une inexprimable satisfaction votre excellent ouvrage intitulé La Révolution. J'y ai trouvé le développement des idées fort justes et fort sages qui, appuyées sur le témoignage de faits irrécusables, jettent une immense lumière sur une thèse jusqu'ici très peu considérée, et dont on ne peut cependant contester l'évidence sans se mettre en opposition avec la vérité la plus manifeste, et sans compromettre l'avenir religieux de la société humaine.

 

"Tous ceux, qui désirent voir éloigner les effrayants dangers qui de toutes parts nous menacent, espèrent que vous continuerez à travailler toujours avec le même zèle pour la défense et la propagation: d'une réforme de l'instruction de la jeunesse, réforme éminemment utile à la religion et à la véritable civilisation".

 

S. E. le cardinal Gousset, écrivait à Mgr Gaume, en date du 2 juin 1852 : "N'ayant pas été tout à fait étranger à la publication du Ver rongeur des sociétés modernes, je n'ai pu être insensible aux attaques violentes dont vous avez été l'objet à l'occasion de cet ouvrage. On ne peut vous accuser d'avoir émis des opinions exagérées, absurdes, irrespectueuses envers l'Eglise et capables de troubler les consciences, etc., sans faire retomber une accusation aussi grave sur ceux qui en approuvant votre livre d'une manière ou d'une autre, comme je l'ai fait moi-même, se seraient rendus solidaires des erreurs qu'on vous reproche. Néanmoins, comme le procès me paraît suffisamment établi, et que vos Lettres à Monseigneur l'Evêque d'Orléans ne laissent rien à désirer pour le fond et pour la forme, je n'entrerai pas dans la discussion ; je préfère mettre la main à l'œuvre en adoptant incessamment, pour les petits séminaires de mon diocèse, le plan d'éducation que vous proposez"[1].

 

Mgr de Montauban s'est aussi fait un honneur et un devoir de représenter les mêmes idées, et, dans une lettre au Rédacteur de l'Univers, il lui rappelle que les Jésuites, ces glorieux athlètes de tous les grands combats du Seigneur, se sont montrés dignes d'eux-mêmes en luttant contre le paganisme dans l'éducation. Il lui écrit : "En fait, pour qui connaît l'histoire du 16e et du 17e siècle, il est manifeste que la Compagnie de Jésus, entre toutes les autres, s'est appliquée avec le zèle le plus énergique à ce travail de dépaganisation, et rien ne démontre qu'elle ne l'eut pas poussé plus loin, si elle y avait trouvé moins d'obstacles".

 

Qui maintenant croirait ce que je vais avancer, si je n'avais les preuves en main pour convaincre les incrédules les plus fortement trempés ? Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, abonde dans le sens de Mgr Gaume. il suffit d'avoir un peu lu ce qu'il a écrit sur ce sujet pour reconnaître qu'au fond il pense à peu près comme l'auteur du Ver Rongeur, au moins dans ce qui est essentiel. Il reconnaît en effet la nécessité de faire une large part aux auteurs chrétiens dans l'enseignement de la jeunesse, la beauté supérieure du latin de l'Eglise, une langue latine chrétienne enfin qui n'est pas celle de Cicéron. Dans un mandement qu'il adressait le 30 mai 1852, à MM. les supérieurs, directeurs et professeurs de ses petits séminaires, on lit les paroles qui suivent :

 

"Dès 1850, dans une autre lettre que nous vous adressions, vous avez remarqué que nous vous indiquions des auteurs chrétiens pour toutes les classes : C'étaient l'Évangile selon saint Luc, les Actes des Apôtres, les Extraits Bibliques, Minulius Félix, Lactance, saint Léon le Grand, saint Jean Chrysostôme, saint Athanase, saint Jérôme, saint Cyprien, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile.

 

"Nous insistions, avec Fénelon, pour qu'en rhétorique et en seconde, on s'appliquât à faire comprendre aux enfants l'incomparable beauté des Saintes Ecritures et nous indiquions les Psaumes, et des morceaux bien choisis dans les Prophéties."

 

Ce dernier paragraphe porte une note de Mgr Dupanloup dans laquelle il dit :

 

"Douze ans auparavant, dès 1838, nous publiions les éléments et le projet d'une Rhétorique sacrée pour les élèves du Petit Séminaire de Paris, et, dès 1840, nous faisions à la Sorbonne, devant de nombreux auditeurs, des leçons sur la beauté supérieure du latin ecclésiastique, ET LES SUBLIMES TRANSFORMATIONS DE LA LANGUE ROMAINE".

 

Prêtons encore l'oreille aux remarquables paroles d'un de nos plus illustres prélats qui gouvernent l'Eglise de France, Mgr Parisis, évêque d'Arras.

 

Voici ce qu'il écrivait à Mgr Gaume, le 5 juillet 1851 :

 

"Je n'ai encore lu que la moitié de votre ouvrage sur l'appréciation chrétienne de ce qu'on a malheureusement appelé la RENAISSANCE. Je me sens le besoin de vous dire tout de suite combien j'y trouve de profonds et courageux aperçus.

 

"Comptez bien cependant, et pour cela même, sur de nombreux et puissants contradicteurs.

 

"On vous dira que vous êtes un téméraire, et presque un sacrilège ; que les plus grands génies, qui ont paru dans l'Église au 17e siècle, que les ordres religieux qui ont rendu les plus signalés services à la religion, sont indignement outragés par vos accusations; on vous dira qu'il est ridicule d'attribuer à un détail de pédagogie le déplorable affaiblissement de la foi dont nous souffrons si cruellement encore ; que, depuis trois cents ans, l'éducation, faite avec les auteurs païens, a produit des chrétiens éclairés, fervents, parfaits, etc.

 

"Il y a beaucoup à répondre à ces reproches qui m'ont été faits à moi-même.

 

" Non, le grand siècle, comme on l'a dit, n'a pas été infaillible, et le jour viendra où ses erreurs en littérature chrétienne seront aussi palpables que le sont déjà ses impertinences et ses insolents dédains sur les plus étonnantes constructions inspirées par le christianisme. Que n'aurais-je pas à dire de sa statuaire, de sa peinture, de sa musique, de son théâtre ! Que prouvent des noms illustres ou même des institutions respectables contre des faits de cette évidence, dont il nous reste encore tant de monuments que je ne crains pas d'appeler honteux pour une nation qui porte le nom de fille aînée de l'Église ?

 

"Hélas ! si nous eussions, vous et moi, vécu à cette époque, nous eussions vraisemblablement pensé et parlé comme tous alors parlaient et pensaient, parce qu'il y a des influences publiques que des individus ne dominent jamais.

 

" N'en fut-il pas ainsi du Gallicanisme? Aujourd'hui le Gallicanisme est jugé ; eh bien ! il faut que le Paganisme le soit : il faut que l'on sache comment son introduction a été une faute, comment son règne dans la société chrétienne, a été un grand danger.

 

"Pour moi, je disais, il y a déjà bien quinze ans, à ceux qui m'entourent : Avant un demi-siècle on comprendra que la Renaissance a été la plus redoutable épreuve de l'Eglise de Dieu depuis son berceau".

 

Ces paroles se recommandent par elles-mêmes ; mais quelle force n'acquièrent-elles pas lorsqu'on se rappelle qu'elles sont tombées de la bouche de Mgr Parisis !

 

Pour ne pas prolonger cette esquisse outre mesure, je me contenterai maintenant de nommer quelques-uns des vénérables prélats qui ont adopté la Réforme proposée par Mgr Gaume, ou qui du moins lui ont donné des encouragements du plus grand prix. Ces prélats sont : Mgr Gerbert, Evêque de Perpignan, Mgr l'Archevêque d'Avignon, Mgr l'Evêque de Rodez, Mgr Mabille, Evêque de Saint Claude, aujourd'hui de Versailles, Mgr de Gap, Mgr Pie, Evêque de Poitiers, Mgr l'Evêque de Moulins, Mgr de Salinis, Evêque d'Amiens, mort Archevêque d'Auch, Mgr de Prilly, Evêque de Chalons, Mgr l'Archevêque de Myre, nonce apostolique à Paris, Mgr l'Evêque de Birmingham, Mgr l'Evêque de Nottingham, Mgr l'Evêque de Ratisbonne, le vénérable confesseur de la foi, Mgr d'Urgel, qui témoigne que les vues de Mgr Gaume ont été adoptées en Espagne ; Mgr l'Archevêque d'Erlau, primat de Hongrie, qui a fait traduire le Ver Rongeur pour le mettre à la disposition de tous ses prêtres, Mgr l'Archevêque de Lima, Mgr l'Evêque de la Havane, Mgr de Jassen, au Maïssour, Mgr l'Archevêque de Santiago, Mgr Retord, nonce apostolique au Tong King.

 

L'Union, organe des puséistes anglais à Londres, dit dans son numéro du 3 décembre 1858 : "Il est temps quelle que soit la politique des rois et des cours, que les parents chrétiens songent à ce qu'ils ont à faire, pour conduire leurs enfants dans la voie qui sauvegardera leur honneur dans cette vie et qui assurera leur bonheur dans l'autre. Mgr Gaume a proposé une réforme à cet égard en France. Cet éminent écrivain demande que les études des enfants, jusqu'en quatrième, soient consacrées à l'Ecriture Sainte, aux écrits des Pères et aux actes des martyrs, en même temps qu'on leur donnerait toutes les connaissances d'histoire, de science ou d'industrie qui pourraient être en rapport avec les diverses professions qu'ils doivent embrasser plus tard. Il ne veut pas qu'on les initie à l'étude des auteurs païens avant que ces études aient été faites, et encore demande-t-il que l'élément païen n'entre dans l'enseignement qu'en de faibles proportions.

 

"Ce plan d'enseignement a reçu les plus hautes approbations dans toutes les parties du monde chrétien. Le Pape, pour marquer son approbation a élevé son auteur à la haute dignité de protonotaire apostolique. Le cardinal Gousset, archevêque de Reims, l'a encouragé par une lettre où il lui annonce qu'il adopte son plan pour tous les séminaires de son diocèse. Plusieurs autres Evêques de France ont suivi cet exemple, ainsi qu'un grand nombre d'Evêques d'Autriche et de Lombardie".

 

Le plan d'études irrévocablement adopté dans le diocèse de Mgr Filippi, Evêque d'Aquila, suivi avec des succès de plus en plus brillants d'année en année, et propagée dans plus de quarante diocèses du royaume de Naples, ainsi que le témoigne les lettres de l'illustre prélat, est celui de Mgr Gaume avec tous les classiques qu'il a publiés[2].

 

Ne soyons pas surpris de voir la réforme de Mgr Gaume suivie dans un si grand nombre de diocèses du royaume de Naples, car pour les évêques de ces diocèses cette réforme était un devoir de conscience. "Nous ne croyons pas, disent-ils, dans une lettre collective en date du 1er octobre 1853, qu'un évêque qui la connaît et qui ne l'embrasse pas puisse être en sûreté de conscience et tranquille au moment de la mort".

 

Aussi, malgré les criailleries et les oppositions inévitables, ils ont mis résolument la main à l'œuvre. Dieu a béni leurs efforts. Dans un mandement envoyé à tous les évêques d'Italie, l'illustre évêque d'Aquila a publié le résultat de son expérience. Voici un court passage de cette pièce capitale, que nous regrettons vivement de ne pouvoir citer en entier. Elle est du 4 novembre 1855.

 

"Nous ne voulons pas le dissimuler ; en inaugurant un nouveau système d'études, nous éprouvâmes un moment d'hésitation. Nous craignions que la pureté de nos vues n'eût pour résultat un tardif et irréparable mécompte. Mais, d'une part, soutenu par la bonté de la cause et par la haute raison des hommes illustres qui la défendent, nous étions d'autre part, poussé par les motifs irrésistibles qui rendent nécessaire, dans les temps actuels, la réforme chrétienne de l'enseignement. Aussi nous attendions avec empressement, dans le silence des plus longues et des plus sérieuses réflexions, l'effet que nous devions nous en promettre.

 

"Grâce à Dieu, l'expérience est faite. Nous sommes désormais en état de l'affirmer hautement ; "Le succès est aussi heureux qu'il est incontestable", et nous pouvons en toute confiance, prescrire d'une manière invariable la pratique de cette méthode d'enseignement, suivie jusqu'à ce jour à titre d'essai".

 

L'Union, que nous citions tout à l'heure, ajoute : "L'illustre Evêque d'Aquila a montré tant de zèle à appliquer la réforme proposée par Mgr Gaume que Pie IX n'a pas craint de l'honorer du titre d'Apôtre de la réforme dans l'Education".

 

Ce digne et zélé prélat a prononcé le 1e septembre dernier, dans la séance de clôture de l'Académie de la Religion Catholique à Rome, un discours qui a été publié dans cette ville et que la Correspondance de Rome résume en ces termes :

 

"Nous ne surprendrons personne en disant que ce discours a produit sur l'auditoire une profonde impression. L'éloquent prélat a parlé de la maladie actuelle de la société et du remède le plus propre à y mettre un terme. Les caractères de cette maladie sont au nombre de quatre : le rationalisme, ou l'émancipation de la raison de toute autorité divine en matière doctrinale ; le sensualisme, ou l'émancipation de la chair de toute autorité divine en matière de morale publique et privée; le cesarisme, ou l'émancipation du pouvoir social de toute autorité divine en matière politique ; l’anti-catholicisme, ou la haine implacable et systématique que professent un si grand nombre d'hommes contre le catholicisme et ses institutions.

 

Après avoir montré que la maladie de notre époque, s'est produite dans le monde païen sous les mêmes caractères qu'aujourd'hui, a été guérie par le christianisme, et a reparu à l'époque connu dans l'histoire sous le nom de renaissance, l'orateur établit avec une vigueur de dialectique irrésistible que le remède consiste dans l'enseignement chrétien ; c'est en effet par la fausse direction de l'enseignement que le paganisme s'est infiltré de nouveau dans la société.

 

"Mgr l'évêque d'Aquila développe avec la hauteur de vues qui le distingue cette thèse qui a exercé et exerce encore les plus profonds penseurs de notre siècle. Il conclut en rappelant les sages dispositions de l'encyclique Inter multiplices, du 21 mars 1853.

 

Un extrait de cette encyclique a récemment paru sur le Courrier du Canada, à la suite d'un Communiqué tendant à blâmer fortement les allégués d'un correspondant au sujet de l'enseignement religieux dans les collèges, allégués que nous ne voulons ni soutenir ni défendre. A ce propos, il ne sera peut être pas inutile de constater ici que l'encyclique Inter multiplices ne contredit en rien les documents que nous avons cités et qui émanent de la même source qu'elle.

 

Cette encyclique, en effet, a été provoquée par M. L. Veuillot, qui en a appelé au Saint-Siège lorsque le Journal dont il était le Rédacteur en chef, l'Univers, a été condamné par Mgr Sibour, Archevêque de Paris, et par un certain nombre d'autres Evêques. Une verte semonce, donnée à M. l'abbé Gaduel par M. L. Veuillot, qui défendait Donoso Cortès, donna lieu à cette condamnation. Les partis s'échauffèrent, on prétendit que l'Univers s'aventurait en aveugle dans les questions de théologie dont il n'avait point à parler, qu'il ridiculisait et rendait méprisables les ministres de l'église, etc. Les Evêques de France prirent parti pour et contre l'Univers, et les choses en vinrent à ce point que le Pape fut obligé d'intervenir.

 

Mais comme on peut le voir en lisant l'encyclique en son entier, raison fut donnée à M. L. Veuillot. Sa Sainteté exhorta d'abord les évêques de France à la paix et à l'union, et ensuite Elle leur recommanda de favoriser de toute leur bienveillance et de toute leur prédilection les hommes qui, animés de l'esprit catholique et versés dans les lettres et dans les sciences consacraient leurs veilles à écrire et à publier des livres et des journaux pour la défense de I'Eglise. Elle leur disait de plus que si ces hommes manquaient en quelque chose, ils devraient les avertir avec des paroles paternelles et avec prudence.

 

Les quelques mots qui, dans cette encyclique ont trait à l'éducation de la jeunesse, sont tout à fait favorables à la thèse de Mgr Gaume, puisqu'il y est dit que les auteurs païens les plus célèbres ne doivent être mis entre les mains des élèves qu'après avoir été purifiés de toute souillure. Si ces derniers mots étaient bien compris, les livres païens seraient réduits à une très simple expression.

 

Je terminerai ici cette vue générale de la grande question des classiques, prise, pour ainsi dire à vol d'oiseau.Ce ne sont pas quelques dizaines de pages qu'il faudrait écrire sur cet inépuisable sujet, mais des ouvrages en plusieurs volumes. Ces ouvrages existent ; et ils sont fort bien écrits. C'est surtout pour exciter l'appétit des hommes qui aiment les choses sérieuses et solides que j'ai fait ce petit travail. J'ose espérer qu'on me pardonnera les nombreux défauts qui le déparent, et qu'on ne le regardera pais comme une attaque contre des individus en particulier ou contre nos institutions littéraires.

 

Mon but unique a été de faire valoir une thèse incontestable, suivant moi, ou qui du moins, si elle n'est pas encore évidemment vraie pour tout le monde, est infiniment respectable eu égard aux imposantes et nombreuses autorités alléguées en sa faveur.




[1] Les Lettres de Mgr Gaume â Mgr Dupanloup sont véritablement admirables pour le fond et pour la forme. Elles sont peut être plus concluantes encore que le Ver Rongeur. Nous exhortons fort tous ceux qui s'intéressent à la question à se procurer ce charmant petit volume.
 
[2] Il est bon de rappeler ici que Mgr Gaume a publié un cours complet de classiques pour les collèges, et qu'il n'est pas nécessaire pour les suivre de changer la distribution actuelle des classes. Dans ce cours on trouve un choix d'auteurs païens parfaitement expurgés, et de très nombreux extraits de l'Ecriture Sainte, des Saints Pères, des Actes des Martyrs, etc. On a aussi composé des dictionnaires en rapport avec ce nouveau cours