La Sainte Famille ne resta pas
longtemps dans l'étable. L'humanité faisait aux gens de Bethléem un devoir de
ménager à la jeune mère et au nouveau-né une demeure plus convenable que la
grotte. Ils n'y manquèrent certainement pas, surtout quand on eut appris les
événements de la nuit miraculeuse. Mais Marie et Joseph, fidèles à l'esprit de
Dieu, ne durent accepter qu'un logis très modeste, peut-être la maison de l'un
des bergers. Là s'accomplit un acte de haute importance. « Lorsqu'au bout de huit
jours fut arrivé le temps de circoncire l'enfant, on lui donna le nom de Jésus,
ce nom qui avait été marqué par l'ange avant que sa mère le conçût. »
La circoncision, rite particulier
aux Israélites, était le signe de l'alliance que le Seigneur avait contractée
avec Abraham, quand il le fit père d'un peuple nouveau, au sein duquel naîtrait
le Messie. Ce signe, imprimé dans la chair, devait distinguer ce peuple des
nations profanes. Il était un gage des promesses divines dont la race élue
était devenue dépositaire. La circoncision marquait l'incorporation à la
nation, et, en conséquence, elle signifiait aussi l'acceptation de la loi et de
tous ses devoirs. Elle exprimait symboliquement, par l'incision pratiquée, la
mortification ou la circoncision du cœur, indispensable pour demeurer dans la
fidélité à Dieu. L'enfant recevait dans cette cérémonie le nom qu'il devait
porter, C'est à partir de ce moment qu'il commençait à faire partie réellement
de la société; il avait dès lors une existence légale et religieuse. La
circoncision avait donc une certaine analogie avec le baptême, qui n'efface pas
seulement le péché originel, mais nous introduit dans la société chrétienne,
nous soumettant à la foi et à la loi morale de l'Eglise. D'ordinaire, c'était
le chef de famille qui accomplissait le rite sacré et qui imposait le nom à
l'enfant. II était circoncis dans la demeure de ses parents. Pour rendre la solennité
plus grande, on invitait dix témoins, et l'un d'eux, qui répondait aux prières
prescrites, faisait en quelque sorte l'office de parrain.
Notre Seigneur Jésus-Christ
n'était point assujetti à la circoncision, et il aurait pu se dispenser de
cette douloureuse et humiliante cérémonie. Sa conception divine et sa naissance
étaient exemptes de toute souillure ; il ne portait point le péché d'Adam et
n'était pas sujet aux suggestions de la chair. En outre, un prince n'est pas
astreint aux lois qu'il impose à ses sujets en tant que tels, comme la loi de
l'impôt. Or l'Homme-Dieu était le législateur et le chef de l'Ancien Testament,
et n'était donc pas soumis aux obligations de ses lois ; et on le verra dans la
suite proclamer plus d'une fois son indépendance.
Cependant il ne voulut pas se
soustraire à celle-ci. Il était venu pour prendre sur lui nos infirmités et nos
misères, et nous racheter par ses humiliations, par ses souffrances et
l'effusion de son sang. Il ne pouvait donc lui convenir de s'affranchir de la charge
imposée aux autres. Il voulait, comme nous l’apprend saint Paul, prendre sur
lui la marque et l'apparence du péché, qui n'avait aucune prise sur lui, mais
qu'il venait expier, et s'assujettir volontairement à la loi, pour transformer
son joug pesant en celui dont il dira un jour qu'il est un joug suave. Il
voulut en môme temps nous donner une nouvelle preuve de la réalité de son
Humanité sainte, et aussi s'incorporer môme extérieurement au peuple choisi de
Dieu, se faire reconnaître pour descendant d'Abraham. Après avoir revêtu.la
nature humaine, choisi une patrie, une nationalité, il choisit aujourd'hui une
religion déterminée, et il ôte par là aux Juifs un prétexte de repousser sa doctrine,
ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire, eux qui regardaient les incirconcis
comme des profanes, réprouvés de Dieu.
En ce jour, ayant pris une chair
mortelle, le Dieu qui répondit à Moïse, quand le prophète lui demanda comment
l'appeler : « Je suis Celui qui est », se laissa donner un nom. Le nom adorable
de Jésus, choisi par le Seigneur lui-même, révélé à Marie et à Joseph, signifie
Sauveur, et, plus exactement, Dieu sauveur. Il dit la nature, l'être, la
mission de l'Homme-Dieu. D'autres l'avaient porté avant lui parmi son peuple,
mais à lui seul il était réservé d'en réaliser la signification. Jésus était le
nom hébraïque de Josué, figure du Christ, qui introduisit les Hébreux dans la
Terre promise. Le Sauveur véritable devait nous introduire dans l'Eglise et
dans la vraie Terre promise, le Paradis. Le nom de Jésus est le nom propre et
caractéristique de l’Homme-Dieu. Pour nous c'est un vrai sacramental. Tout ce
que le Sauveur a été pour nous, son Nom l’est aussi : c'est le gage du pardon
de nos péchés, l'assurance que nos prières sont exaucées, la consolation dans
les peines, un nom de toute bénédiction. Pour le Sauveur, le Nom de Jésus est un
instrument de gloire et de majesté, puisqu'il lui attire honneur, louanges,
confiance, adoration et amour. Il est aussi la récompense triomphante des labeurs
et des souffrances delà Rédemption : « Au nom de Jésus, tout genou fléchit au
ciel, sur la terre et dans les enfers. » L'homme-Dieu porta bien des noms
divers, mais aucun ne lui était plus cher que celui-ci, parce qu'il lui
rappelait sans cesse notre souvenir. Voilà pourquoi ce Nom retentit partout
dans sa vie : il est prononcé sur son berceau ; il sera inscrit sur sa croix au
Calvaire.
Jésus est donc le nom propre du
Sauveur. Les prophètes l'avaient désigné sous plusieurs autres, mais pas à ce
titre. Isaïe lui donne celui d'Emmanuel, non comme celui sous lequel il sera
connu, mais pour signifier ce que Jésus-Christ devait être, et en effet,
puisqu'il est en môme temps Dieu et homme, et qu'il a vécu parmi les hommes, il
a été véritablement ce que signifie ce nom : Dieu avec nous. C'est ainsi
que le même Isaïe dit encore : « Il s'appellera Admirable, Conseiller, Dieu
fort, Prince de la paix, Père du siècle futur. » Ce qui ne veut pas dire
qu'aucun de ces noms doive être son nom propre, mais qu'il sera tout ce que ces
noms signifient, et qu'il n'y eu a aucun de ceux-là qui ne lui convienne.
Abbé Emmanuel Barbier - Vie populaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ Tome I
Abbé Emmanuel Barbier - Vie populaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ Tome I
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