ONZIÈME
INSTRUCTION
LA
FUITE EN ÉGYPTE.
«Un
ange du Seigneur apparut à Joseph dans son sommeil et lui dit: “Lève-toi,
prends l’enfant et sa mère et fuit en Egypte et reste là jusqu’à ce que je te
dise de revenir, car Hérode cherchera l’enfant pour le faire mourir.”» Mt. 2-13.
Plan
Remarque. (Leur obéissance. La fuite en Egypte:
(Leur
sacrifice. (Jésus leur suffit. (Leur isolement. Séjour en Egypte: (Leur pauvreté. (Vicissitude de la vie. Le massacre des Innocents.
REMARQUE Voici un mystère de l’enfance de Jésus où le
St. Esprit nous donne très peu de
détails: il indique le fait seul.
Comment méditer sur si peu de matière?
L’esprit est vite à sec! C’est
vrai. C’est justement pour cette raison
que Dieu nous a donné si peu de détails: il veut comme fermer la porte à
l’esprit pour que nous ouvrions celle du cœur.
Jésus est amour et il ne se révèle qu’à l’amour. Il s’en va dans la solitude inconnue
précisément pour se faire rechercher par ceux qui l’aiment plus que tout au
monde. Si on le suit dans cet inconnu,
c’est donc que nous le préférons à ce que nous laissons en arrière: voilà ce
qu’il veut.
Moins
il y a d’espèces sensibles dans un mystère et plus il contient d’amour divin
ordinairement. L’amour fuit le monde,
recherche la solitude pour être tout à son amant. Les curieux d’idées et de détails et donc qui
recherchent du nouveau simplement pour amuser l’esprit se trouvent exclus par
cette façon d’agir de l’amour. Les
souffrances de l’exil sont trop précieuses pour que Dieu les révèle au premier
venu: il les réserve pour ceux qui seront exilés comme lui. Toutes les peines qu’on éprouve alors rappellent
ce que la sainte Famille a dû éprouver en Egypte; ce n’est donc que par
l’expérience qu’on peut pénétrer dans ces épreuves du Cœur de Jésus. Mais avant de mériter l’exil, il faut méditer
quand même sur l’exil de Jésus. La bonne
volonté que l’on met à essayer d’approfondir les souffrances de l’exil attire
les lumières pour mieux vivre de façon à se l’attirer avec les lumières pour
l’apprécier devant Dieu. Jésus en son
exil comme en son éternité sera consolé de l’amour que nous lui manifestons en méditant
sur sa première persécution. Enfin, cet
amour, ce ne sont pas les idées qui comptent, mais les sentiments du cœur. Approchons-nous de la sainte Famille s’en
allant en exil et suivons-la avec amour: Nous sommes en compagnie des trois
plus saints personnages de la terre, dont l’un est notre Dieu et notre
rédempteur. Faisons comme ces mères
actuellement qui voient partir leur fils pour la guerre lointaine où ils
courront tant de dangers; elles ne savent pas où ils sont, mais quand même leur
cœur est avec eux sur les champs de bataille.
Eh bien, que nos cœurs soient aussi avec Jésus dans cette Egypte
inconnue, mais sûrement pleine de misères pour la sainte Famille… et alors
Jésus nous ouvrira son coeur. Ne
manquons pas de prier la Ste Vierge de nous obtenir la grâce de pratiquer les
leçons de sagesse divine que Jésus voulait nous donner dans cette première
épreuve de la part des hommes. Et comme
St. Joseph a reçu la mission spéciale de
protéger Jésus et Marie, prions-le qu’il protège encore Jésus en nous lorsque
le monde voudra nous le ravir par ses ensorcellements et ses pièges diaboliques
ou que nos passions voudront le chasser de notre âme. Les grands dévots à St. Joseph sont unanimes à proclamer le grand
secours qu’il leur apporte dans la vie spirituelle.
La
fuite : La joie et la gloire de la visite des Mages s’éteignent dans
l’angoisse d’une fuite précipitée au milieu de la nuit. C’est une loi du monde divin de ne se donner
qu’aux dépens de l’humain. Le divin est
la récolte de l’humain que l’on sacrifie ou que l’on sème. Tout pas fait vers le ciel exige des ruines
de quelque chose de naturel. L’un vit
aux dépens de l’autre. Si Dieu nous
donne quelque lumière spéciale ou quelque consolation surnaturelle, nous
pouvons être sûrs qu’il va les faire payer par des sacrifices de même
importance ou dans la même proportion.
N’oublions pas que c’est notre propre vie que nous méditons dans celle
de Jésus: nous appartenons au même corps mystique et ce que Dieu fait pour la
tête il le fait pour tout le corps.
C’est cette manifestation publique de Jésus qui lui a attiré cette
première persécution; il en sera de même pour nous. Dès que nous montrerons dans le concret quelque
chose de la vie divine de Jésus, le monde poussé par les démons sautera sur
nous pour nous persécuter d’une façon ou d’une autre. Qu’une fille méprise la mode pour l’amour de
Dieu, qu’elle essaie de s’habiller modestement, la tempête va s’élever autour
d’elle! Elles le savent bien… C’est pour
cela que la plupart sont esclaves de la mode même quand elle est absurde,
immodeste et nuisible à la santé. C’est
pour ne pas être critiqués que tant de jeunes gens prennent toutes sortes de
mauvaises habitudes pour faire comme les autres. Pourquoi tant de prêtres et de religieux ne
se compromettent-ils pas une bonne fois pour la sainteté? Ils ont une peur bleue du respect humain, de
faire rire d’eux et de se faire persécuter.
En restant humains dans leurs actions, le monde les approuve parce
qu’ils appartiennent alors au monde, mais ils s’éloignent de Jésus dans la même
mesure qu’ils veulent plaire au monde.
Leur obéissance est la plus parfaite au monde. Dieu montre qu’il veut être obéi par ces mots
brefs et impératifs: «Lève-toi et prends l’enfant, va-t-en en Egypte,
reste-là!» Aussi leur obéissance est prompte.
Ils se lèvent tout de suite et partent au milieu de la nuit. Ils n’ont pas le temps d’apporter grand
bagage, d’ailleurs ils n’en ont pas! Ils
partent à pied pour un pays inconnu pour eux et encore assez loin. Ils obéissent aveuglément; ils ne demandent
aucune explication, ne font aucune représentation; ils ne discutent pas entre
eux pour voir s’il est opportun de partir ou non; ils ne prennent pas le temps
de peser les pertes ou les inconvénients de l’exil. Dieu le veut!
cela leur suffit et ils partent!
Ils pratiquent l’obéissance de jugement.
Ils auraient pu suggérer à Dieu cinquante façons plus faciles de sauver
l’enfant Jésus de ses assassins sans fuir en Egypte! Il aurait été si facile de le rendre
invisible quand les persécuteurs viendraient pour le prendre ou de diriger les
assassins ailleurs, etc. Mais non, Dieu
prend le moyen le plus dur pour eux et le plus contraire au bon sens
humain. Nous voyons les trois plus
parfaits personnages au monde dans leur façon d’obéir à Dieu; voilà donc nos
modèles que le St. Esprit nous donne
dans le concret de la vie. Voilà comment
il veut que nous obéissions à nos supérieurs quels qu’ils soient. C’est encore Dieu qui nous commande par eux
de la même façon! Que de fois aussi nous
recevons des ordres sur le ton impératif:
Faites
cela, je vous défends telles choses, laissez-moi la paix. Je ne veux plus entendre parler de cette
affaire, etc. Quels seront nos
sentiments à l’avenir? Serons-nous
surpris de recevoir le même traitement que notre Maître? Il faut rester calme sous le coup de ces
impératifs mordants. Si quelqu’un vous
demande quelle sorte de réception le supérieur vous a faite, vous répondrez:
«comme l’ange de Dieu à St. Joseph, il
m’a dit: Allez-vous-en! et je suis sorti
de chez lui comme la Ste Vierge de sa maison!
avec la volonté divine dans les bras, mon trésor, ma vie et mon tout,
que puis-je désirer de plus»?
Leur
sacrifice est très grand. Qu’on demande
aux réfugiés de la guerre combien c’est pénible de quitter son chez-soi à
l’improviste pour s’en aller dans l’inconnu et parmi des étrangers, se refaire
une autre vie et un autre gagne pain.
Que chacun examine comment il prend les quelques privations que Dieu
ménage à tout le monde dans la vie de famille. Par exemple, combien se choquent s’il manque
une fourchette à leur couvert, si le café n’est pas assez chaud, si la maison
est froide, si le lit est dur, etc. Que
de plaintes chez la masse des chrétiens en une seule journée! Comme les prêtres et les religieux ont aussi
besoin de ces leçons! Comme on est
susceptible à la moindre privation, au moindre manque d’égard, à la moindre
contrariété! On se demande si ces gens
n’ont jamais médité la vie de Jésus sérieusement. Plusieurs le font mais le font mal. Ils s’arrêtent trop au beau côté de la vie,
au côté poétique, je dirais. Pendant
notre grande retraite on nous exposait les tableaux des maîtres sur les
différents mystères de la vie de Jésus.
Eh bien, on est exposé à voir justement que cette beauté que l’artiste
avait en vue. Ainsi je vois encore la
peinture de la Fuite en Egypte. On voit
la sainte Famille cheminant dans un magnifique crépuscule à travers les sables
de l’Egypte pendant que la lune se lève juste au-dessus des pyramides; c’est
splendide! et l’on se prend à désirer
s’en aller un jour loin de sa patrie par un beau clair de lune avec quelques
pyramides à l’horizon! De sa chambre
bien meublée et bien chauffée on se voit couchant à la belle étoile dans
quelque plaine solitaire loin de son pays!
Quelle illusion! et ce soir-là on
disputera parce qu’on n’a pas deux ou trois oreillers, ou qu’il manque un drap
de lit, ou qu’on a oublié de changer nos serviettes, etc. On a médité dans la lune… et l’on est encore
dans la lune. La vie spirituelle n’est
que dans l’imagination, mais de la vie païenne bien dans le concret!… On a ici
un tableau vivant de l’amour de Dieu et du mépris des créatures. Plus on aime Dieu et plus on méprise les
créatures. Eh bien! personne au monde aimera Dieu plus que la sainte
Famille; il fallait donc qu’elle montra son absolu mépris des créatures en les
abandonnant toutes pour sauver Jésus. Et
l’amour de Dieu et l’amour des créatures sont contraires; les hommes qui ne
vivent que pour les créatures veulent tuer Jésus qui est l’amour divin. Alors pour montrer cette opposition radicale,
la Ste Vierge et St Joseph sont obligés de fuir les créatures pour sauver leur
Créateur. Comme Jésus nous montre
clairement et en acte qu’on ne peut pas aimer Dieu et le monde; qu’il faut mépriser
l’un pour l’autre. L’amour que Marie et
Joseph ont pour Jésus les oblige à abandonner tout ce qu’ils ont! Voilà la préférence que Dieu veut que nous
ayons pour lui: il veut que nous méprisions absolument tout au monde pour
l’amour de Dieu. «Si quelqu’un ne
renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple»; Ce n’est
pas une parole dite en l’air! Jésus y
tient! C’est une question d’amour de
Dieu. Des disciples de Jésus devraient
s’attendre à ce que Dieu va leur demander des sacrifices de toutes sortes en
proportion qu’il veut les faire avancer dans l’amour de Dieu. Qu’on pense donc plus à ce qu’on gagne qu’à
ce qu’on perd. On perd des échantillons
et l’on gagne du divin! Comme les
sacrifices seraient plus faciles si nous voyions le côté divin dans tout
sacrifice. On voit dans quelle erreur
sont ces chrétiens qui veulent sauver leur âme et leurs biens terrestres dans
leur cœur. Ils ne peuvent pas aimer les
deux ensembles; ils doivent donc arracher de leur cœur tout amour du créé afin
de n’aimer que Dieu comme ils le feront au ciel. S’ils gardent l’amour des créatures, les
créatures tueront leur Jésus dans leur cœur aussi sûrement qu’Hérode aurait tué
Jésus s’il l’avait trouvé. «Si quelqu’un
aime le monde la charité du Père n’est pas en lui.» La vie des chrétiens
devrait être une fuite en Egypte continuelle!
Ils doivent se détourner des affections pour les créatures en fuyant
dans la solitude s du cœur pour y garder leur amour à Dieu.
Jésus
leur suffit. Ce qu’on a dit de leur
sacrifice est pour nos idées humaines, car pour la Ste Vierge et St. Joseph il n’y avait aucun sacrifice de fait:
du moment qu’ils emportaient Jésus, le reste n’était absolument rien pour eux
tant leur amour était grand pour Jésus.
Leur coeur n’était pas du tout dans les biens périssables de ce monde,
mais uniquement en Dieu. Or, ils
emportaient leur Dieu avec eux: cela leur suffisait amplement. Ils sont les plus heureux du monde en fuyant
en exil. Celui en qui le Père éternel
met ses complaisances doit suffire à n’importe quel mortel! Celui en qui sont tous les trésors de la
sagesse et de la science de Dieu doit être capable de rendre les hommes
heureux! «Celui qui me suit ne marche
pas dans les ténèbres,» dira Jésus. Il
prouvera cette parole souvent dans ceux qui sont persécutés et exilés. Après les premiers mouvements pénibles de la
nature, la lumière divine vient éclairer l’âme sur les splendeurs du monde
surnaturel: elle oublie vite les chagrins des premiers jours d’épreuve. Le fait d’avoir été jugé digne d’avoir part
aux persécutions de Jésus et à son exil console plus que tout ce qu’on a
perdu. Il n’y a que l’expérience pour
faire goûter de bonheur profond de souffrir pour l’amour de Jésus… ce qui n’est
plus une souffrance du tout, mais un véritable bonheur… Dieu aime à nous
obliger de quitter notre pays afin de nous détacher des affections de toutes
sortes que nous entretenons sans nous en rendre compte. On dit ordinairement qu’un déménagement vaut
un feu. De fait nous jetons une foule de
choses qui encombrent la maison et qui occupent l’esprit. Nous sommes des pèlerins et nous n’avons pas
de demeure permanente ici-bas, mais seulement au ciel. Dieu veut nous faire pratiquer cette vérité
en nous exilant, en nous faisant voyager souvent. A force de se faire dépouiller, on finit par
comprendre la vanité des biens terrestres et l’on se tourne du côté des biens
célestes et de Dieu dans la même mesure que l’on s’éloigne des choses créées. C’est une grâce à demander souvent que nous
trouvions notre bonheur uniquement en Jésus.
leur séjour en Egypte. Comme Dieu
avait formé son peuple en Egypte et qu’il était la figure de Jésus, il envoie
Jésus en Egypte soit pour la figure soit pour la réalité. En même temps il montrait que Jésus descendait
bien du peuple persécuté en Egypte.
Leur
isolement, comme leur sacrifice, n’était rien pour eux, qui ne vivaient qu’en
Dieu. Mais pour nous qui aimons tant les
créatures, il est bon de nous arrêter à cette solitude terrible pour notre
nature humaine, qui cherche son bonheur dans les choses visibles. Comme ils sont pauvres et nouveaux venus dans
le pays, on comprend que les visiteurs soient rares. Si des voisins sont venus pour parler des
vanités du monde ou contre le prochain, ils n’ont pas dû trouver la sainte
Famille intéressante! Ils ont dû vite
passer pour des gens étranges et peu sociables de sorte qu’on n’est pas revenu
souvent. Mais pour des chrétiens
ordinaires, l’isolement est très pénible, parce que le coeur est tellement dans
les créatures, que de s’en voir privé est très pénible à la nature. Or c’est une des premières épreuves quand on
se donne à Dieu pour tout de bon. Dès
qu’on s’est compromis, carrément pour la sainteté ou pour la recherche de la
sainteté, le vide se fait autour de soi pour bien des raisons. Si on veut être tout à Dieu, il faut bien se
retirer des plaisirs de la terre pour se donner tout entier aux choses de
Dieu. Or la masse des hommes est toute à
ces plaisirs et très peu ou pas du tout aux choses de Dieu; on s’en va donc en
sens inverse avec la foule… qu’on délaisse et qui nous délaisse; les amours
sont contraires, alors pour être à Dieu, il faut s’éloigner du monde. Ceux qui aimaient à jouir à nos dépens se
retirent les
uns après les autres et en peu de temps c’est le désert. C’est alors que les démons viennent en grand
nombre pour nous tenter de toutes façons afin de nous faire retourner aux
plaisirs du monde. Que de choses ne sont
pas défendues! Il faut toujours bien
quelques distractions! Autrement tu vas perdre
la tête! Tu veux attirer l’attention du
monde sur toi: c’est de l’orgueil!
L’humilité s’efface, fais comme les autres pour ne pas t’attirer des
louanges. Tu veux passer pour un saint,
mais les gens disent en arrière que tu dois être fatigué pour agir d’une façon
si étrange. Fais attention, la folie
religieuse est incurable Finalement tous nous abandonnent comme des entêtés
incorrigibles. Quand on pense qu’on
n’aurait qu’à faire comme les autres et nous serions considérés tout de suite
et nous pourrions jouir des plaisirs permis comme eux. Un tel est aussi bon que toi et il prend bien
des distractions; il va aux vues parfois, à une partie, puis il fume un bon
cigare et prend son petit coup; aussi vois comme il est tranquille et jamais
persécuté! Fais donc comme lui! Aussi très peu persistent dans leurs bonnes
résolutions. Adroitement, ils aiguillent
leur vie un peu plus selon le bon sens.
Ils se jettent à l’humilité pour ne pas se faire remarquer en faisant
comme les autres… et dans la même mesure Dieu s’éloigne avec ses dons et ses
lumières. Mais ceux qui persévèrent à ne
vouloir que Dieu, finissent par recevoir des lumières qui les consolent
grandement dans leur exil. Dieu leur
ouvre des horizons sur son plan divin pour le salut du monde et ils commencent
alors d’être heureux dans leur isolement et plus ils en reçoivent et moins ils
regrettent le monde avec ses vanités.
C’est ce bonheur avec Dieu qui a fait peupler les solitudes de l’Egypte
par tant d’ermites et de moines qui fuyaient l’ensorcellement des créatures
pour mieux connaître et servir Dieu dans le silence et les déserts de ces pays.
De
nos jours la plupart des chrétiens font la course aux plaisirs terrestres pour
chercher le bonheur. C’est bien clair
qu’ils ne le trouvent pas puisqu’ils courent après tout le temps. Le bonheur est dans le repos d’une chose
possédée. Ce n’est certainement pas le
cas de ces énervés en quête de plaisirs.
Celui qui a goûté aux douceurs de l’isolement avec Dieu seul est
parfaitement heureux dans son isolement; il ne cherche plus rien en ce monde,
il trouve en lui tout ce qui peut rendre l’homme heureux en ce monde et en
l’autre: son Dieu! Que de délices intérieurs
inondent l’âme quand son regard se porte sur les régions sereines du ciel où la
Trinité l’attend avec un bonheur éternel.
Les touches secrètes de la grâce font tressaillir l’âme d’un bonheur qui
la dédommage vite de tout ce qu’elle a quitté pour l’amour de Dieu. L’exil est une immense grâce de Dieu parce
qu’il prépare bien l’âme pour recevoir les communications de Dieu. Il la débarrasse de la plupart des obstacles
aux communications divines. Que de
saints ont été préparés à jouer un grand rôle pour la sanctification des hommes
dans la solitude de l’exil! Dieu donne
des échantillons d’exil dans l’ennui que tout homme éprouve parfois. Plusieurs font toutes sortes de sottises pour
se distraire, pour sortir de cet ennui.
S’ils connaissaient les voies de Dieu, ils béniraient Dieu de
s’ennuyer. C’est qu’ils ont perdu
quelque créature qui occupait leur coeur.
Dieu la leur enlève pour qu’ils aient une petite ouverture dans leur
coeur. Mais ils la ferment tout de suite
en se jetant à quelque autre affection.
Que chacun, à l’avenir, tourne donc son coeur du côté de Dieu quand il
s’ennuiera; qu’il prie pour que Dieu vienne remplir ce vide qu’il a fait exprès
pour cela. A l’occasion de la mort d’un
être chéri, tout chrétien devrait demander à Dieu de venir prendre la place
dans son coeur. Il en éprouverait une
grande consolation et Dieu lui donnerait des lumières qui le rendraient encore
plus heureux. L’ennui est très précieux;
il nous avertit que le coeur est privé de quelque amour humain et que Dieu
demande se remplir ce vide. Tous les
prêtres devraient avertir les fidèles sur les avantages de l’ennui! Il en faudra pour que Dieu vienne remplir le
coeur; c’est une condition pour que l’amour divin vienne en nous. C’est donc un grand bien. Or, la plupart, pour ne pas dire tous les
chrétiens, le regardent comme un mal insupportable. On voit dans la vie des prophètes que le
St-Esprit s’est emparé d’eux quand ils étaient dans quelque solitude, sur le
bord de quelque fleuve, comme Ezéchiel sur le fleuve Chobar ou Daniel sur les
bords du Tigre. Que de saints ont
affectionné la solitude des bois et les charmes de la nature loin des hommes et
c’est pendant qu’ils étaient là que Dieu s’est manifesté à eux d’une façon
spéciale et les a attirés à lui pour tout de bon.
Leur
pauvreté entre dans le plan divin comme leur isolement, c’est pratiquement la même
idée. La pauvreté les prive des biens du
monde et donc de l’ensorcellement des créatures; c’est un grand bien pour l’âme
qui est ordinairement détachée des biens de la terre quand elle n’en a pas ou
très peu. On ne peut pas imaginer plus
grande pauvreté que celle de la Sainte Famille en exil quand elle était déjà la
plus pauvre au monde dans son pays!
Jésus n’a pas attendu trente ans pour pratiquer ce qu’il dit au scribe
qui veut le suivre, qu’il n’a pas une pierre pour reposer sa tête! C’est encore une fameuse condition pour aimer
Dieu qui ne peut tolérer d’affection pour les créatures dans ceux qu’il se
choisit pour amis. La tradition rapporte
que la sainte Famille vécut à Matarieh, un tout petit village semblable à une
foule d’autres de ce pays extrêmement pauvre; les gens vivent dans des petites
cabanes de terre sans meubles, couchent à terre, s’assoient à terre et mangent
à terre. C’est juste un abri contre le
soleil et la pluie. Ils font quelques
sous par jour, juste assez pour ne pas mourir de faim. Il n’y a pas un pauvre au monde qui ne puisse
dire en toute vérité:
Jésus
était encore plus pauvre que moi! Son
plan exige qu’il soit pauvre puisqu’il vient apporter l’amour de Dieu qui est
contraire à l’amour des créatures. Quand
on en possède c’est bien difficile de ne pas s’attacher. Voilà pourquoi Jésus insiste tant sur les
bénédictions de la pauvreté. Elle
empêche le coeur de se passionner pour les créatures et le laisse libre de se
tourner vers Dieu. C’est la faute des
hommes si les pauvres ne sont pas des amis de Dieu. Vicissitudes de la vie. Il faut que Jésus pratique cette vérité qu’il
prêchera plus tard, à savoir que nous n’avons pas de demeure permanente
ici-bas, mais que nous cheminons vers notre patrie céleste, la seule qui demeure
éternellement et pour laquelle nous devons vivre sur terre. Voilà pourquoi Dieu aime à faire déménager
les gens. Parfois des nations entières
sont amenées captives dans d’autres pays, d’autres fois ce sont des familles
qu’il oblige à immigrer ou émigrer. Dans
les deux dernières guerres mondiales que de gens ont perdu leur demeure et tous
leurs biens! L’idée de Dieu est de leur
faire tourner leur coeur vers le ciel et vers lui. Les seuls biens que personne ne peut nous
ravir, ce sont ceuxlà. Cette idée est
souvent enseignée dans l’Ecriture.
Jer. 35-7: «Vous ne bâtirez pas
de maisons, vous habiterez sous des tentes dans la suite de vos jours, afin que
vous viviez longtemps sur la terre où vous êtes comme des étrangers.» Heb. 11: «C’est dans la foi que ces patriarches
sont tous morts, sans avoir reçu l’effet des promesses; mais ils ont vu et
salué de loin, confessant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.»
2 Cor., 5-6: «Sachant que aussi longtemps que nous habitons ce corps, nous voyageons
loin du Seigneur.» l Cor. 7-29: «Le
temps est court… il faut que ceux qui usent de ce monde soient comme n’en usant
pas, de ce monde passe.» Voilà pourquoi l’exil est un si grand bienfait; il
fait vivre d’une façon pratique la vocation de tout Chrétien en ce monde: qu’il
est sur terre uniquement pour gagner le ciel et qu’il doit organiser toute sa
vie en conséquence. C’est pourquoi Dieu
nous fait passer par tant de vicissitudes afin de nous détacher de ce monde et
nous en montrer la vanité afin que nous finissions par le mépriser pour ne
chercher que le seul bonheur qui demeure éternellement: celui du ciel. Un autre bon effet des changements de la vie
est qu’on se fie plus à sa Providence.
Ainsi la sainte Famille ne savait pas si elle devait se bâtir une
maison, si elle devait faire des semailles, si elle devait se fixer là: elle
était comme l’oiseau sur la branche. Eh
bien! Dieu veut que nous nous
abandonnions à lui pour le lendemain.
Jésus le prêchera d’une façon très forte dans le sermon sur la montagne:
c’est commencer à vivre tout de suite comme dans le ciel où Dieu pourvoira à
tous nos besoins, sans que nous ayons à nous en occuper. Des chrétiens devraient toujours penser alors
non pas à ce qu’ils perdent, mais à ce qu’ils gagnent au ciel… le massacre des
innocents. Voilà encore un effet désastreux
de la visite des Mages: elle finit par le sang et la mort de ces pauvres
innocents qu’Hérode fait tuer dans l’espérance de faire mourir Jésus parmi
eux. Jér. 31-15, avait prédit ce fait: «Une voix a été
entendue dans Rama: des plaintes et des cris lamentables, Rachel pleurant ses
enfants et elle a refusé d’être consolée parce qu’ils ne sont plus». Quand Hérode vit qu’il s’était fait jouer par
les Mages avertis par un ange, il crut qu’il tuerait Jésus en faisant tuer tous
les enfants de la région de deux ans en descendant. Il faut rechercher l’explication de ce fait
dans la nécessité pour toute la nature humaine d’expier le crime d’Adam. Il faut du sang pour effacer le péché et Dieu
peut demander à ces enfants même à leur insu de donner leur sang et leur vie
pour participer à la rédemption faite par Jésus. Il a tout ce qu’il faut dans son ciel pour
les dédommager d’avoir à donner leur vie pour le péché d’un autre. Jésus apporte la croix non seulement pour lui-même,
mais pour tous ses membres du corps mystique.
Que de bonnes personnes ont dû souffrir beaucoup, évidemment pour les
péchés des autres, c’est normal dans le plan divin. La Ste Vierge n’avait aucun péché à expier et
pourtant elle a souffert un véritable martyre en union avec les souffrances de
son divin Fils. C’est un grand honneur
que Dieu nous fait de nous associer ainsi aux souffrances rédemptrices de
Jésus. «Nous régnerons avec lui pourvu
que nous souffrions avec lui», dit St. Paul.
L’Eglise considère ces enfants comme les premiers martyrs pour l’amour
de Jésus, sinon selon leur intention, au moins de fait. Cette façon de faire de Dieu montre qu’il ne
demande pas seulement le sacrifice des choses défendues, mais même ce qui est
bon «en soi» et permis.
Tous
ces terribles sacrifices que Dieu exige devraient nous montrer combien
épouvantable est la malice du péché, puisque Dieu le poursuit même chez les
innocents. Cela montre aussi que nous
sommes solidaires avec Jésus dans l’expiation comme nous étions avec Adam dans
le péché. La conclusion de toute cette
doctrine est que Jésus vient nous enseigner à massacrer notre païen! L’homme naturel doit être transformé
complètement en homme surnaturel. Or il
ne le fera pas de lui-même, il faut donc que Dieu use de violence en se servant
des créatures pour le persécuter et pour le faire cesser d’agir en homme, afin
qu’il agisse comme un Dieu. Voilà
pourquoi quand Jésus entre dans un coeur ou qu’il veut y entrer, tout de suite,
c’est la guerre, les contrariétés, les épreuves de toutes sortes, c’est le
glaive, les divisions dans la famille, la persécution et l’exil souvent jusqu’à
la mort. C’est ce qu’il a apporté à la
sainte Famille, ses meilleurs amis les plus saints personnages au monde. Que ne fera-t-il pas à des pécheurs qui ne
veulent pas se laisser diviniser? C’est
normal pour tout chrétien d’être persécuté!
C’est le signe qu’on commence à appartenir à Jésus et qu’il vient en
l’âme. Plus ça va mal et plus ça va
bien! Plus le païen est massacré et plus
Jésus entre dans l’âme; où est le mal?
Quel inconvénient? Il n’y en a
que pour le païen! Prions donc la sainte
Famille de nous obtenir la grâce d’être courageux dans les épreuves et de ne
voir que le divin qui prend la place de l’humain qui périt. Soyons reconnaissants envers Dieu de vouloir
bien nous traiter comme son Fils en qui il a mis toutes ses complaisances. Demandons à la Ste Vierge de nous aider par
sa puissante intercession à nous laisser diviniser par les vicissitudes de la
vie.
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