VINGT-DEUXIÈME
INSTRUCTION
LA
PAUVRETÉ DE JÉSUS.
«Les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids mais
le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.» Mt. 8-19 «Apprenez de moi que je suis doux et
humble de coeur.»
Mt.11-29
Plan Remarque (En pratique. La pauvreté de Jésus: (En doctrine. (Dans ses disciples. (Préserve du péché. Avantage pour nous: (Exerce les vertus. (Favorise l’amour de Dieu.
REMARQUE
Jésus ne vient pas seulement nous racheter, mais il vient aussi réformer
notre vie, guérir nos blessures, enlever les causes du péché et nous indiquer
les moyens de pratiquer les vertus surnaturelles. Pour mieux comprendre l’orientation de sa vie
si contraire à la sagesse humaine, il faut vous rappeler que, indépendamment de
la chute, nous naissons tous avec deux amours très forts et bien naturels qui
sont un obstacle à l’amour de Dieu qu’il exige pour nous donner son ciel. Le premier est l’amour des créatures et
l’autre l’amour de soi-même ou ce qu’on appelle l’amour-propre. Si nous étions destinés aux limbes nous
pourrions garder ces deux amours qui sont bons et naturels. Mais parce que nous sommes appelés non
seulement au ciel, mais à la participation à la vie intime de la Trinité par
Jésus-Christ, ces deux amours n’ont plus leur raison d’être dans notre fin
dernière. Au ciel, toute notre capacité
d’aimer sera concentrée uniquement sur Dieu: les créatures terrestres auront
disparu et notre amour-propre aussi, puisque nous serons complètement
transformés en êtres divins. Dieu sera
tout pour nous et ce n’est que lui que nous aimerons dans les élus et en
nous-mêmes.
Eh bien!
nous savons que nous devons commencer sur terre la même vie qu’au ciel
par la grâce et dans la foi en autant que notre condition terrestre nous le
permet. Donc il nous faut lutter
constamment contre ces deux amours naturels pour faire la place à l’amour de
Dieu. La question de péché n’entre pas
dans cette lutte. Nous serions purs
comme on peut l’être en ce monde, comme avant le péché originel, que nous
devrions nous débarrasser de ces deux amours qui ne sont que naturels pour
donner notre amour tout entier à Dieu seul selon le premier commandement.
Jésus en tant qu’homme a pratiqué à la
perfection le mépris des choses créées et le mépris de lui-même, par la
pauvreté et par l’humilité. Comme il est
Dieu il le fait avec la plus grande perfection possible. Nous aussi quelque purs que nous soyons de
tout péché, nous devons donner à Dieu absolument toute notre capacité
d’aimer. Or, nous naissons avec ces deux
amours extrêmement forts et qui nous tiennent dans toutes les fibres de notre
être. Et l’amour de Dieu n’entrera qu’en
proportion que l’on rejettera ces deux amours innés, qui ne sont pas du tout
péché, mais simplement qui accaparent notre coeur qui doit être tout à
Dieu. On voit tout de suite pourquoi les
démons même poussent tant les prêtres à attaquer les péchés: pendant ce
temps-là ils ne prêchent pas contre ces deux amours qui empêchent l’amour de Dieu
en nous. Dans cette première partie nous
allons voir comment Jésus combat l’amour des choses créées par sa pauvreté qui
se trouve à être le mépris concret et pratique des créatures. la pauvreté de jésus. Nous ne devons pas nous arrêter simplement à
sa pratique de la pauvreté, mais remonter aux motifs qu’il a de la
pratiquer. Notre clergé philosophe et
tous ceux qu’il a formé à son école ont du chemin à parcourir pour se faire une
idée de cette vertu en Jésus. Ils sont
saturés de ce principe que nous n’avons que le péché à rejeter et que tout le
reste est bon «en soi», peut être gardé, y compris évidemment l’amour des
créatures et de soi-même. Comme la lutte
à ces deux amours naturels n’est jamais entrée dans leur tête selon leur
philosophie, ils ne peuvent pas comprendre la pauvreté de Jésus ni
l’estimer. Aussi ils n’ont l’intention
ni de la pratiquer ni de la prêcher. Ils
la regardent comme une sainte exagération en Jésus… comme il y en a bien
d’autres! Pour eux, ils règlent tout
avec leur «en soi». «En soi» il n’y a
pas de mal à se procurer un riche fauteuil, une très belle automobile,
etc. et ils se meublent des maisons
comme des richards. Comment ces prêtres
saisiraient-ils l’esprit de Jésus dans la pratique de la pauvreté? Tandis que lorsqu’on prend le point de vue
théologique, ou que l’on considère la pauvreté par rapport à Dieu, tout change
d’aspect. Dieu ne met pas son amour dans
les échantillons ni son bonheur. Or nous
sommes destinés à participer à l’esprit de Dieu et à son amour. Au ciel nous jetterons tout notre esprit dans
les perfections divines et tout notre coeur pour les aimer. Donc la pauvreté sur terre est justement la
conséquence logique de cet amour de Dieu au ciel. C’est le ciel commencé sur terre: C’est
arracher son esprit aux échantillons pour le jeter dans la source infinie des
échantillons; c’est arracher son coeur au catalogue des richesses divines pour
le donner tout aux trésors infinis des perfections divines! Comme elle devient autrement attrayante,
autrement facile avec ces motifs surnaturels dans la volonté! Voilà donc ce que Jésus va pratiquer avec la
dernière perfection. Il veut nous donner
l’exemple d’une vie céleste sur terre et de l’amour de Dieu pratique par un
mépris souverain de ses rivales à notre affection, les créatures. Surtout quand on songe que nous n’avons que
quelques années sur terre pour souffrir la pauvreté; car notre païen regimbe
toujours plus ou moins dans ces privations que nous nous imposons pour l’amour
de Dieu. Plus nous fixons les yeux sur
les richesses célestes que nous nous achetons par la pauvreté, plus elle
devient facile et aimable. Moins nous
sommes contaminés par les philosophes et plus nous comprenons l’esprit de Jésus
dans la pratique de la pauvreté.
Il aurait bien pu avoir un beau palais pour
vivre et des serviteurs sans pécher! Il
aurait pu jouir d’une foule de plaisirs sans aucun péché. Voilà ce que nos philosophes donnent au
monde. Ce n’est pas du tout ce que Jésus
a prêché ou pratiqué. Ils sont donc de
travers avec Jésus. Mais avec leur
esprit païen ils sont incapables de voir même leur erreur. Que Dieu les éclaire et qu’il nous préserve
de tomber dans un pareil aveuglement.
Pendant cette méditation prions le St-Esprit
qui est l’amour divin de nous éclairer par ses dons afin que nous le suivions
parfaitement dans l’imitation de la pauvreté de Jésus. C’est en vue de la pratiquer que nous la
méditons. Car l’amour de Dieu ne se
donne pas à la tête, mais au coeur de chair et vivant de l’homme.
Sa pratique.
Jésus n’est pas du tout philosophe comme la plupart des prêtres le
sont. Il ne se contente pas de mots ni
des vertus abstraites «in se». Il vit
dans le concret sa sainteté. Ce n’est pas
lui qui donnerait une conférence sur la pauvreté «en soi»! Il vit sa conférence dans la pratique réelle
de la pauvreté. Si elle est une bonne
chose elle vaut la peine d’être vécue et il la vit… et non pas à certaines
occasions ou époques de sa vie, mais dès son arrivée en ce monde jusqu’à sa
mort; personne ne sera plus pauvre que lui.
Les hommes naissent dans des maisons, mais Jésus naît dans une étable et
on le couche dans une mangeoire sur de la paille. Comme il vient pour sauver les hommes qui
sont descendus au rang des bêtes, il s’abaisse jusqu’à eux pour les élever jusqu’à
lui. Le Ps. 48, 21, dit: «L’homme même dans sa splendeur
ne comprend pas; il est semblable aux bêtes qui périssent.» Et St-Paul dit que
l’homme animal ne comprend pas les choses de Dieu. Aussi on parquait souvent les esclaves dans
les granges et dans les étables avec les animaux; or Jésus s’est fait esclave
pour nous racheter et il est traité comme tel.
Il est bien certain que ce n’est pas par nécessité qu’il naît ainsi,
mais par choix. Il aurait pu avoir une maison
et le plus beau palais du monde s’il avait voulu. Il choisit cette pauvreté librement et par
amour de Dieu et de nous. Il va montrer
dès son apparition en ce monde qu’il méprise souverainement tous ces
échantillons par rapport aux perfections divines.
Pour le premier homme Dieu créa un beau
paradis terrestre avec tout le confort possible, comment se fait-il que pour
son Fils unique il ne lui prépare rien du tout et l’abandonne comme un
exilé? C’est ce qu’est l’homme de fait;
à cause de son péché il est chassé de sa belle demeure que Dieu lui avait
préparée. Il faut que Jésus vive ce
châtiment puisqu’il est venu satisfaire son Père en expiant le péché de
l’homme. Adam a péché pour l’amour d’une
créature qu’il a préféré à Dieu, Jésus va préférer Dieu à toutes les créatures
sans exception. Il va montrer aux hommes
ce qu’ils doivent aimer; Dieu, et ce qu’ils doivent mépriser: les créatures
rivales de Dieu à l’affection de l’homme.
A peine né, il est exilé en Egypte où il vit dans la plus grande
pauvreté. J’ai vu à Matarich où la
tradition place son séjour; peu importe que ce soit exactement l’endroit, il
représente bien la pauvreté du pays.
Quelques petites maisons faites de terre cuite au soleil, sans plancher,
sans meubles, ni tables, ni chaises, où l’on couche sur des nattes à terre, où
l’on mange à terre. Les gens sont pauvrement
habillés et gagnent juste assez pour ne pas mourir de faim. Qu’est-ce que cela devait être il y a 19
siècles? A Nazareth, pendant une
trentaine d’années, Jésus aide St-Joseph à gagner la vie de la sainte Famille
par le métier de charpentier. Or il n’y
a presque rien en bois dans ce pays. Des
manches de hache, de marteaux, des jougs et des charrettes, et tout cela à des
prix ridicules. Il devait travailler
longtemps pour gagner sa vie. Il
exécutait la sentence de Dieu: «Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front.»
Il est certain qu’il le fit parfaitement et à la lettre. Pendant sa vie publique, il n’a rien à lui,
comme il le dit au scribe qui veut le suivre: «Les renards ont leurs tanières
et les oiseaux leurs nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.»
Ses disciples quêtent leur nourriture et celle de Jésus; parfois ils glanent
les épis de blé laissés sur le champ et même se passent de repas. Ils vivent comme les oiseaux du ciel aux dépens
de la Providence. Il insinue clairement
à ceux qui le suivent qu’ils doivent suivre la pauvreté. A tous il dit: Si quelqu’un ne renonce pas à
tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple. C’est donc que lui-même a renoncé à tout au
monde; il veut que ses amis soient comme lui.
Dans sa passion il perd même le peu qu’il avait; ses amis, sa
réputation, son honneur, son oeuvre et jusqu’à ses vêtements et il meurt nu
comme il était né. On ne peut pas
pousser la pauvreté plus loin. Voilà
donc comment Jésus a pratiqué la pauvreté réelle dans toute la force du
mot. Il ne l’a pas simplement admirée de
loin ou ne l’a pas simplement prêchée, mais il l’a vécue dans toute sa dure
réalité. Comme il a cassé l’amour
naturel pour les créatures dans son humanité, n’oublions pas qu’il nous faut jeter
dehors l’amour pour les échantillons si nous voulons avoir l’amour de Dieu; les
deux ne vont pas du tout ensemble. On ne
peut pas aimer Dieu et le monde, nous dit Jésus. Il a aimé Dieu, donc il a méprisé le monde
avec tout ce qu’il renferme.
Pour nous, la pauvreté de Jésus comme pour
lui doit être une vie, pas une simple admiration. Il faut être une seule chose avec Jésus, pas
seulement dire qu’on l’est. Le signe
qu’on vit le plan divin sera quand on manque d’une chose utile et même
nécessaire et que l’on trouve cela normal, qu’on ne se plaint pas et même que
l’on remercie Dieu de cette faveur divine d’avoir une occasion de devenir riche
pour le ciel. C’est le propre de la
pauvreté de manquer de l’utile et même du nécessaire. C’est pour nous la faire pratiquer que Dieu
permet que même chez les gens à l’aise, par oubli de quelqu’un, il manque des
choses dans la maison, eh bien, comme chrétiens, sachons les accepter en esprit
de foi et en union avec la pauvreté de Jésus.
Pour être pratique n’attendons pas que le bon Dieu nous dépouille, mais
allons de l’avant; dépouillonsnous; le mieux est de commencer doucement; on
donne un objet de trop, par exemple, on a plusieurs plumes à écrire, donnons-en
une, puis goûtons un peu ce sacrifice.
Puis quand on a digéré celui-là, qu’on en fasse un autre, et ainsi de
suite. La grâce du premier sacrifice
nous aidera à faire le deuxième et celle du deuxième à faire le troisième et
ainsi de suite pour les autres.
Défions-nous de la tentation ordinaire du démon; il va dire: tu vas
donner absolument tout ce que tu as? Il
nous montre le dénuement extrême pour nous faire peur. On n’a qu’à lui répondre que ce n’est pas de
ses affaires! que vous donnerez ce que
vous voudrez au jour le jour. Si on est
troublé en donnant, eh bien, on arrête et l’on attend la grâce pour le faire
avec calme et contentement. Qu’on ne se
laisse pas prendre par ce trouble. Un
cultivateur ne sème pas la première année pour toute sa vie! Il sème une année et il s’arrête! Puis il sème une autre fois et il
s’arrête! Eh bien, faisons de même pour
nous dépouiller; faisons ce que nous pouvons avec joie pour l’amour de Dieu,
puis plus tard, pas à la fin de la vie, mais quand on sera calme et qu’on aura
la force de faire d’autres sacrifices, faisons-les alors! C’est un art comme un autre, on apprend par
l’exercice. Ce qui paraît une montagne
au début devient facile avec l’exercice.
Surtout avec les grâces que Dieu donne, on vient à aimer à faire
l’aumône, à savoir comment la faire avec le plus grand avantage pour les
pauvres et pour la gloire de Dieu. Que
de choses dont on pourrait se passer si on aimait Dieu et les pauvres! Combien ont des gardes-robes remplies de linge
que les mites mangent et qui feraient tant de bien aux membres souffrants de
Jésus! Que de nourriture parfois jetée
dont les pauvres se rassasieraient avec plaisir! Que d’argent gaspillé au jeu qui ferait vivre
bien des pauvres! Que chacun y voit!
Sa doctrine évidemment est l’écho de sa vie;
il prêche ce qu’il a pratiqué d’abord.
Sa prédication est pénétrée de l’idée de la pauvreté, il enseigne de
toutes les façons possibles le détachement des biens de la terre. Autant il veut nous donner l’amour de Dieu,
autant il faut qu’il nous enlève l’amour des créatures. Or on sait combien il tient à ce que nous
aimions Dieu de tout notre coeur comme le demande le premier commandement. La contre-partie est le détachement des biens
de ce monde; voilà pourquoi il insiste tant sur le mépris réel des choses de la
terre.
Les Pères disent que le sermon sur la
montagne contient la charte du christianisme.
Eh bien, Jésus commence par la pauvreté: «Bienheureux les pauvres
d’esprit, car le royaume des cieux est à eux»; s’ils rejettent l’amour des
choses créées, ils auront l’amour de Dieu et c’est là le royaume de Dieu. Là aussi il veut que nous n’ayons aucun souci
pour les besoins futurs ou même du lendemain, nous abandonner entièrement à
Dieu. Pour pratiquer esprit d’abandon,
il faut être complètement détaché des biens de ce monde. La parabole de la perle précieuse et celle du
trésor caché enseignent à donner tous ses biens pour se procurer le ciel et
donc elles veulent que nous pratiquions la pauvreté autant que possible. Une foule nombreuse marchait avec Jésus; il
se retourne et leur dit: «Si quelqu’un vient après moi et ne hait pas son père,
sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs et même sa propre vie,
il ne peut être mon disciple. Il veut
dire ceci: Comme tout notre amour de volonté doit aller à Dieu, il n’en reste
plus pour ses parents. Si on les aime il
faut que ce soit en Dieu et pour Dieu et dans ce cas c’est Dieu qu’on aime en
eux et alors cet amour n’est pas rival de notre amour pour Dieu.
Cet amour pour les parents est physique, dans
le sang et dans la nature; nous ne pouvons pas nous en défaire; il ne vaut
rien, ni pour, ni contre Dieu. Mais ce
qu’il ne veut plus c’est que nous agissions selon cet amour. Un chrétien doit tout faire pour Dieu seul
dans l’ordre de sa volonté libre. Alors
s’il ne suit pas les tendances naturelles vers ses parents, c’est comme s’il
les haïssait de fait. Car en amour faire
quelque chose pour plaire à un autre insulte, même quand cette chose est bonne
de sa nature. C’est pour cela que Dieu
ne veut pas du tout que nous fassions une seule chose pour l’amour d’un
autre. Jésus ajoute: «Car qui d’entre
vous, voulant bâtir une tour, ne suppute auparavant à loisir la dépense
nécessaire pour savoir s’il aura de quoi l’achever, de peur que lorsqu’il aura
jeté les fondements et qu’il ne pourra l’achever, tous ceux qui le voient ne
commencent à se moquer de lui en disant: cet homme a commencé à bâtir mais il
n’a pas achevé.» Ainsi ce qu’est l’argent pour construire, la pauvreté l’est
pour construire sa tour spirituelle ou sa sainteté. C’est comme Jésus le dit souvent: on achète
le divin avec de l’humain, du céleste avec du terrestre. Donc à mesure que la sainteté augmente, la
pauvreté doit aussi augmenter. En d’autres
termes, on augmente en amour de Dieu en proportion qu’on se détache des créatures
ou qu’on se dépouille d’elles. St-Paul
dit que Jésus s’est fait pauvre, de riche qu’il était afin de nous enrichir par
sa pauvreté. C’est dire que Jésus s’est
dépouillé de tout ce qu’il avait ou pouvait avoir afin de nous mériter le
ciel. C’est aussi ce qu’il veut de nous
tous. Son plan est le même pour tous
sans exception; on aura au ciel ce qu’on a semé en ce monde et l’on possédera
Dieu en proportion qu’on l’a payé avec les choses de ce monde.
Au jeune homme riche Jésus dit qu’il lui
manque encore une chose pour arriver au ciel: se détacher de ses biens. Il avait encore cet amour naturel que tout
homme a pour les choses créées en venant en ce monde. Il ne pouvait pas avoir l’amour de Dieu tant
qu’il gardait l’amour de ses biens. Or
ordinairement pour se débarrasser de cet amour le seul moyen pratique est de se
défaire de ses biens. C’est ce que Jésus
dit au jeune homme, mais il s’en alla triste parce qu’il avait beaucoup de ces
biens qu’il aimait.
Défions-nous
de ce détachement de volonté tout en
gardant ses biens; que
d’illusions là! Devant la foi ce n’est
pas facile de trouver des motifs pour garder ses biens superflus selon la
foi. Car il est facile à l’amour naturel
des créatures de se trouver des excuses pour ne pas avoir de superflu. On n’a qu’à acheter de plus beaux habits,
plus d’ameublements, des maisons de campagne plus riches, changer d’auto plus
souvent, faire des voyages dispendieux, etc.
et on n’a jamais de superflu avec ce régime de païen. Alors pour la mentalité païenne de la plupart
des chrétiens cette question de superflu ne se pose pas. Il faut prendre une autre règle de conduite
pour ces gens. Le mieux est de les
instruire sur le plan divin pour gagner le ciel qui consiste à l’acheter aux
dépens des échantillons ou le récolter en semant des créatures par le
sacrifice. Qu’on demande à ces gens ce
qu’ils ont donné pour acheter le ciel ou pour le récolter. Qu’ils le marquent en blanc et en noir sur le
papier. Ils montrent où est leur coeur
par la sorte de biens qu’ils tiennent à avoir… et cela se montre par ce qu’ils
sacrifient pour l’amour de Dieu. Que les
riches comme en Amérique où l’on défend aux pauvres de quêter ne se fassent pas
prendre par cette excuse que personne ne leur demande l’aumône; c’est à eux à aller
à la recherche des pauvres, créés par Dieu pour donner le ciel aux riches. Les pauvres sont les porteurs des biens des
riches pour le ciel. Comme dit St. J.
Chrysostome, le rôle des pauvres est incomparablement supérieur à celui
des riches. Ceux-ci ont été établis par
Dieu pour donner la vie temporelle aux pauvres, mais les pauvres sont établis
pour donner la vie éternelle aux riches.
Voilà pourquoi c’est aux riches à aller supplier les pauvres de vouloir
bien accepter leur aumône afin d’avoir une place au ciel avec eux. C’est le désordre que les pauvres aillent
quêter, c’est aux riches à aller les découvrir avec les moyens faciles qu’ils
ont de se déplacer, de beaux équipages ou de nos jours de belles machines. Qu’ils les chargent de provisions et qu’ils
aillent les distribuer aux pauvres chaque semaine, par exemple. Quand les riches veulent voyager il faut
qu’ils aillent à un agent établi pour vendre des billets; eh bien, qu’ils
aillent chez les pauvres acheter leur billet pour le ciel! en le payant avec des provisions et des
habits. Commençons vite. Dieu ne nous a pas promis encore bien des
années pour avoir notre billet pour le ciel.
Jésus a fait pratiquer sa pauvreté par les
deux plus saints personnages au monde après lui: Marie et Joseph. Il les voulait tout près de lui au ciel;
alors il les a tenus dans la plus grande pauvreté au monde comme lui. Eh bien, en proportion que nous voulons être
près de Jésus au ciel, aimons et pratiquons la pauvreté. On comprend que St. Ignace nous recommande d’aimer la pauvreté
comme une mère. Sont-ils nombreux ceux
qui ont de l’affection pour elle? qui
lui font des caresses fréquentes en se dépouillant de quelque chose aussi
souvent que possible avec la grâce de Dieu?
Ceux qui prétendent aimer Jésus et qui n’aiment pas la pauvreté sont
dans l’illusion, car Jésus et la pauvreté c’est la même chose au point de vue
de l’amour de Dieu et donc du mépris du créé.
Quand on veut progresser en amour de Jésus qu’on se rappelle ce qu’on
demande à Dieu! C’est aller du côté de
la pauvreté du coeur au moins et le plus possible à la pauvreté effective ou de
fait.
En ses disciples. Il est bon de voir comment ils ont compris la
pratique et la doctrine de Jésus au sujet de la pauvreté. Est-ce qu’ils ont pratiqué seulement la
pauvreté de détachement et qu’ils ont prêché seulement la pauvreté du
coeur? Quoique nos philosophes diraient
«strictement parlant» elle suffit pour être sauvé, les Apôtres comme Jésus
étaient plus pratiques; ils connaissaient le coeur humain qui s’attache à tout
ce qui peut flatter la nature, et ils ont prêché de fait la pauvreté réelle et
effective. C’est aussi la pratique des
Saints. Act. 244: «Ceux qui croyaient étaient ensemble et
possédaient tout en commun; ils vendaient leurs terres et leurs biens et ils
les distribuaient à tous selon le besoin de chacun.» Ces distributions réelles
augmentèrent tellement que les Apôtres ont dû établir des diacres pour faire
ces distributions. I Cor. 9-25: «Tous ceux qui combattent dans l’arène,
s’abstiennent de toutes choses, eux pour gagner une couronne corruptible, mais
nous une couronne incorruptible.» Phil.
3-8: «Tout me semble perte au prix de l’éminente science de
Jésus-Christ, mon Seigneur, pour l’amour duquel je me suis privé de toutes
choses, les regardant comme du fumier afin de gagner Jésus-Christ.» Il s’est
donc privé effectivement de toutes choses et donc a pratiqué la pauvreté réelle
dans le concret. Tous ces textes et bien
d’autres qu’on pourrait citer montrent que les disciples de Jésus ont compris
dans tous ces textes sur la pauvreté, la pauvreté réelle, effective. Quand on méprise une chose réellement, on la
rejette au loin. Eh bien; les disciples
ont appris qu’il faut mépriser réellement les échantillons et ils les ont
rejetés loin d’eux. Leur amour pour Dieu
était bien réel; il fallait que le mépris de ses rivales à notre affection fût
aussi réel. A mesure qu’une âme monte
vers Dieu, elle se détourne de l’affection des choses créées. L’amour de Dieu réel est en raison inverse de
l’amour des créatures. Si donc nous
voulons être avec Jésus, les Apôtres et les Saints, nous devons rejeter le plus
possible les choses créées et dans le concret autant que possible, pas
seulement par le détachement du coeur, qui n’est pas facile à mesurer et à
peser. On peut se faire grandement
illusion sur ce détachement intérieur.
On s’en aperçoit quand de fait on commence à se dépouiller de fait. Comme il en coûte: c’est donc qu’on n’était
pas aussi détaché qu’on le pensait.
Toute cette doctrine est en parfaite harmonie avec nos dispositions dans
le ciel. Là il est certain que nous ne
voudrons pas autour de nous des échantillons de la terre, mais uniquement les
perfections divines. Eh bien! on dit souvent que la mort ne fait
qu’immortaliser ce qu’elle trouve dans le coeur; si nous voulons les
dispositions du ciel, il faut donc les cultiver tout de suite sur terre. Eh bien!
Jésus, les Apôtres et les Saints nous l’indiquent clairement au sujet de
la pauvreté; c’est de la pratiquer dans le concret et pas seulement l’admettre
et l’admirer de loin.
Est-ce que tout confesseur intelligent
n’exigerait pas le renvoi effectif d’une maîtresse qu’un pénitent aurait? Est-ce qu’il devrait le laisser la fréquenter
s’il promettait de s’en détacher de coeur? Cela n’aurait aucun bon sens. S’il n’a pas le droit de l’aimer, eh bien,
qu’il l’éloigne de lui absolument. Or,
il est certain que le coeur de l’homme est aussi sensible aux plaisirs créés
que l’homme l’est pour une femme qu’il aime.
Voilà pourquoi Dieu exige le
renvoi effectif et réel pour ses meilleurs amis. «Strictement parlant» un docteur dirait qu’on
peut aimer Dieu en étant riche. C’est
vrai. Mais moralement parlant ces
phénomènes sont assez rares dans l’Eglise.
Comme un mari fait un acte d’amour envers sa femme en rejetant les
avances d’une autre femme, ainsi le chrétien fait un acte d’amour de Dieu quand
il rejette loin de lui les avances des créatures qui pourraient le captiver ou
qui le captivent. avantages pour
nous. Préserve du péché.
La pauvreté, acceptée pour l’amour de Dieu,
préserve du péché. Ce sont les créatures
qui alimentent la concupiscence et les passions. Moins on en a et moins on est exposé au péché. On voit que lorsque Dieu veut convertir des
pécheurs riches, il commence par leur envoyer la perte de leur position ou de
leurs biens, afin de leur enlever les moyens de se satisfaire, ou encore la
maladie. On voit aussi qu’une foule de
Saints ont été élevés très pauvrement; c’est donc un milieu plus favorable pour
la sainteté. La pauvreté favorise aussi
l’humilité qui préserve d’une foule de péchés en attirant les grâces de Dieu,
comme la richesse favorise l’orgueil qui éloigne de Dieu et conduit ainsi au
péché. Elle exerce les vertus, au moins
elle est de nature à leur fournir un aliment a leur exercice. Elle fait réfléchir sur le plan de Dieu. Les pauvres se demandent pourquoi Dieu en a
fait de si riches et d’aussi pauvres et s’ils ont un peu de foi ils essaient de
justifier la Providence divine infinie et sage et qui veut le bien de
l’homme. Cette méditation les jette dans
l’autre monde où on peut seul justifier Dieu de l’inégalité sur terre. Elle favorise l’amour de Dieu. Comme les pauvres n’ont rien sur terre, ils
devraient se jeter dans le monde de la foi qui leur parle d’une autre vie
autrement belle que celle-ci où Dieu se donne d’autant plus qu’il a donné peu
en ce monde. Quel changement dans leur
mentalité s’ils avaient la chance de lire tout ce que Jésus et les Apôtres ont
dit en faveur de la pauvreté! Ils
remercieraient Dieu de la grande faveur qu’il leur a faite par la pauvreté.
Elle exerce aussi à l’espérance dans les
biens célestes que Dieu promet aux pauvres s’ils veulent bien le servir. Comme les affamés pensent souvent à des
banquets, ainsi les pauvres devraient souvent penser au banquet éternel où Dieu
les inondera de ses délices. Elle les
exerce à l’amour de Dieu en leur enlevant les rivales de Dieu à notre
affection, les créatures. Evidemment il
faut que ces pauvres aient un commencement de foi pour croire tout ce que le
bon Dieu dit de l’autre monde.
Même pour ce monde Jésus promet le centuple
de mérite et de bonheur à ceux qui abandonnent leurs biens pour l’amour de
Dieu. Cela veut dire que pour le plaisir
qu’on aurait trouvé dans un échantillon Dieu nous donnera des consolations
spirituelles qui dépassent cent fois les plaisirs de la terre. Car on doit savoir que les plaisirs des sens
ne sont que des échantillons des plaisirs de l’âme dans le monde
surnaturel. Donc plus nous aimons à
jouir et plus nous devrions rejeter les plaisirs des sens si éphémères, tandis
que lorsque nous les semons en pratiquant la pauvreté et la mortification, on
les récolte éternellement dans le ciel.
Ce devrait être un bon motif pour nous en priver un peu de temps en ce
monde. Tout chrétien devrait tenir les
yeux sur la pauvreté de Jésus; il est Dieu et infiniment sage; puisqu’il a tant
aimé et si bien pratiqué la pauvreté, c’est donc qu’elle est une source
extraordinaire de bénédictions pour l’homme.
Cela devrait être assez pour nous la faire pratiquer le plus possible avec
la grâce de Dieu et la prêcher autour de nous par le contentement dans la
pauvreté et par de bonnes paroles en sa faveur.
elle est la mort du premier amour naturel en nous, qui empêche l’amour
de Dieu d’entrer en nous!…
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