III. — Naissance de
Jésus-Christ.
Dom GUÉRANGER. - « Et comme ils étaient là, il arriva que les jours
de l'enfantement furent accomplis. Et Marte mit au monde son Fils Premier-Né ;
Elle L'enveloppa de langes et Le coucha dans une crèche. » 6, 7. A l'heure
de minuit la Vierge a senti que le moment suprême est arrivé. Son cœur maternel
est tout à coup inondé de délices inconnus ; il se fond dans l'extase de
l'amour. Soudain, franchissant par sa Toute-Puissance les barrières du sein
maternel, comme Il pénétrera un jour la pierre du Sépulcre, le Fils de Dieu,
Fils de Marie, apparaît étendu sur le sol, sous les yeux de sa Mère, vers
Laquelle Il tend ses bras. Le rayon du soleil ne franchit pas avec plus de
vitesse le pur cristal qui ne saurait l'arrêter. La Vierge-Mère adore cet
Enfant Divin qui lui sourit; Elle ose le presser contre son cœur ; Elle
L'enveloppe des langes qu'Elle Lui a préparés ; Elle Le couche dans la crèche.
« Le fidèle Joseph adore
avec Elle ; les saints Anges, selon la prophétie de David, rendent leurs
profonds hommages à leur Créateur, dans ce moment de son entrée sur cette
terre. Le Ciel est ouvert au-dessus de l'étable, et les premiers vœux du Dieu
Nouveau-Né montent vers le Père des siècles ; ses premiers cris, ses doux
vagissements arrivent à l'oreille du Dieu offensé, et préparent déjà le salut
du monde. » Année liturgique, Le saint
jour de Noël.
S. AUGUSTIN. - « Le Tout-Puissant
prend naissance, et sa Mère n'exhale aucun gémissement. Elle enfante, son Fils
paraît à la lumière et sa Virginité ne souffre aucune atteinte. Du moment que
c'est un Dieu qui naît, il fallait que la chasteté de la Mère reçut un nouvel
éclat, et Celui qui était venu pour guérir toutes les souillures ne pouvait
porter atteinte à la parfaite intégrité de sa Mère Marie dépouillée de son
précieux fardeau, se tient là, debout et se reconnaît Mère, avant de s'être
connue Epouse. Elle adore la Divinité de son Fils et tressaille de joie d'avoir
enfanté par le Saint-Esprit ; Elle ne frémit pas d'avoir enfanté en dehors du
mariage, mais Elle-se réjouit d'avoir donné naissance à un Dieu. L'Enfant, à sa
Naissance, est déposé dans une crèche ; ce sont là les premières bandelettes
d'un Dieu, le Roi du Ciel ne dédaigne pas ces entraves, après avoir trouvé bon
d'habiter dans un sein virginal. » Sermons
pour le propre du temps, 10e sermon, La Naissance de Jésus-Christ.
VÉN. BÉDÉ. Celui qui
revêt le monde de sa riche parure est enveloppé de pauvres langes, afin que
nous puissions recouvrer notre robe première ; Celui qui a tout fait a les
pieds et les mains dans des entraves, afin que nos mains soient agiles pour les
bonnes œuvres, et que nos pieds se dirigent dans la voie de la paix. » Hom. in Evang. Luc, II.
S. GRÉGOIRE DE NYSSE. — «
Apparaissant comme un homme, Il n'est point soumis en tout aux lois de la
nature humaine ; en effet, ce qui naît de la femme tient de l'humanité, tandis
que la virginité qui Lui donne naissance montre qu'Il est au-dessus de l'homme.
Ainsi sa Mère Le porte avec joie, son origine est immaculée, son enfantement facile,
sa Naissance sans souillure ; il ne commence point par les déchirements, il ne
sort point des douleurs. Celle qui par sa faute a attaché la mort à notre
nature ayant été condamnée à enfanter dans les douleurs, la Mère de la Vie
devait enfanter avec joie. Il entre par la pureté Virginale dans la vie des
mortels au moment où les ténèbres commencent à diminuer et où l'intensité de la
nuit est dissipée par l'exubérance de la lumière. La mort était le terme de la
gravité du péché, maintenant elle va être anéantie par la présence de la
Lumière véritable qui a éclairé tout l'univers de l'éclat de l'Evangile. » In Cat. grœc. Patr.
IV. -- Premiers actes que
fit Marie après la Naissance de son Fils.
MGR. GAY. — « Qu'a fait Marie
dans ce premier moment où Jésus, éclos de son sein, s'est pour la première fois
trouvé vis-à-vis d'Elle ? Ce qu'Elle a fait, sans nul doute, c'est ce que le
Saint-Esprit lui a inspiré de faire ; car si cet Esprit la possédait toujours
au point de régir souverainement et constamment ses actes, que dut-il en être à
l'heure de ce divin enfantement ? Jamais peut-être Dieu ne L’avait si
complètement envahie ; Elle n'était que sa forme très pure et son organe
docile. On devine d'ailleurs que ces premiers actes de la Sainte Vierge à
l'égard de l'Enfant Jésus ont une importance capitale ; qu'ils sont ici comme
autant de premiers principes, et que
leur beauté, leur bonté, leur valeur morale dépasse tout ce que l'on en peut
dire et penser.
1. « Avant tout nous
croyons que Marie adora extérieurement Jésus. Aucune perfection, aucun titre ne
manquaient à cet amour qu'Elle avait pour son Fils ; mais par-dessus tout, cet
amour était une religion. La foi l'éclairait et en déterminait la nature et le
caractère. Avant d'être son Fils, Jésus était son Dieu; avant d'être sa Mère,
Elle était sa créature, sa sujette, sa servante. Si haut que pussent monter la
liberté et l'ardeur de sa tendresse, cette tendresse restait appuyée sur son
humilité et comme saturée de respect. Marie a dû dire à Jésus toutes les
paroles enflammées du Cantique ; mais comme les fleurs si brillantes, si
délicates et si parfumées, prennent appui sur ces branches ternes et solides
qui les produisent, de même toute cette suave floraison de paroles saintement
passionnées avait pour base et pour racine en cette Vierge, la conviction
immuable signifiée par ces mots « Voici la
servante du Seigneur,»
« Elle a donc adoré son
Dieu paraissant dans la chair ; Elle L'a adoré en son nom propre ; Elle L'a
adoré au nom de la création entière : Dieu seul a pu mesurer la profondeur et
la sublimité de cette première adoration. Unie à celle que la très sainte Âme
de Jésus rendait simultanément à son Père et l'imitant d'aussi près que
possible, cette adoration de Marie réparait les déshonneurs sans nombre que les
faux cultes, les idolâtries et les impiétés de tout le Genre humain avaient,
depuis quatre mille ans, infligés à la Divinité et lui devaient infliger
jusqu'à la fin des siècles.
2. « Après que Marie eut
adoré Dieu dans cet Enfant, Elle Le regarda. On ne peut penser à ce regard sans
éprouver un impérieux besoin de s'agenouiller et de se taire. Marie regardant
Jésus pour la première fois I Ah t I quelle révérence t quelle piété, quelle
simplicité, quelle tranquillité, quelle candeur, quelle pénétration, quel amour
! Ce regard devait ressembler beaucoup à une caresse ; il devait faire
l'impression d'une onction. Il s'y écoula sans doute quelque chose du regard
ineffable de Dieu sur sa Création après qu'Il l’eut achevée, et que, y trouvant
« toutes choses très bonnes », Il s'y
complut amoureusement. Ce regard de la Vierge traduisait encore toutes sortes
d'admirations humbles et de transports paisibles, selon qu'il est naturel à
l'âme d'en ressentir, quand, étant sainte, elle est divinement émue. Depuis le
commencement du monde nul n'avait regardé Dieu ainsi. Jésus en fut touché
jusqu'au fond des entrailles. C'est de quoi il dit dans le Cantique : « Tu as blessé mon cœur,ô ma sœur, qui es
aussi mon Epouse ; tu as blessé et ravi mon cœur par tunique regard de tes
yeux. » Cant., IV, 9.
3. « Enfin, qui pourrait
en douter ? Marie baisa Jésus. Il me semble qu'Elle alla chercher ce baiser,
non pas' seulement au plus intime d'Elle-même, mais au-delà, dans ce Cœur même
de Dieu dont le sien était devenu le sanctuaire. Il me semble que, sans y
dépenser plus d'un instant, Elle le prépara, comme le parfumeur prépare un
baume exquis où il a résolu de faire entrer toutes les essences. Ce premier
baiser dut être comme la récolte toute ramassée de son jardin intérieur. Toutes
ses puissances y contribuèrent, toutes ses grâces s'y concertèrent et, pour
ainsi parler, s'y surpassèrent. Ce baiser était leur fruit. Rien de si
solennel, ni de si doux ne s'était encore extérieurement passé depuis l'origine
des choses.... La créature collait immédiatement ses lèvres à cette sainte Face
de Dieu dont l'éclat fait trembler les Anges. Jésus ne serait descendu ici-bas
que pour y recevoir ce baiser que sa Création lui donnait par les lèvres immaculées
et brûlantes de sa Mère, Il eût tiré une joie immense de son Incarnation et se
fût applaudi de l'avoir décrétée.
4. Après avoir rendu ses devoirs au Dieu
qu'Elle venait d'enfanter, Marie avait à son égard une charge à remplir. Elle
devait commencer, et commencer incontinent, le doux et sacré ministère de sa Maternité.
Elle avait besoin pour cela de lumières très particulières.
Dieu s'était réservé d'être l'unique Précepteur de la Vierge. Il L'avait
fécondée par son Saint-Esprit ce fut par le même Esprit qu'II Lui apprit
intérieurement ce qu'il était séant qu'Elle connût touchant les suites
pratiques de cette fécondité. En effet, il ne s'agissait pas seulement pour
Marie d'être Mère ; Elle allait être la Mère de Dieu. Or, ce que doit faire une
telle Mère, ni homme, ni Ange ne le savait. Cela ne s'était jamais vu nulle
part. Le secret en était caché au plus profond de la science divine et comme au
centre de l'amour infini. Dieu seul pouvait dès lors le révéler à une créature
; comme aussi il n'appartenait qu'à Lui d'élever cette créature au niveau d'une
si sublime tâche.
« Dieu le fit avec sa Sagesse et sa Magnificence accoutumées. Aussi, quand
le moment fut venu de commencer les œuvres de cette fonction inouïe, Marie
n'eut pas l'ombre d'une hésitation, ni d'un embarras. Elle vit qu'encore bien
que son Enfant fût la Vie en personne, et que, comme Il soutient par sa Vertu
tout cc qu'Il crée par sa Parole, Il pût de même, s'Il le voulait, soutenir,
sans appui humain, cette vie terrestre qu'Il lui avait empruntée, cependant il
se rangeait à la commune condition des enfants de la terre, et ne s'exemptait d'aucune
des servitudes auxquelles leur fragile existence est soumise. Elle comprit donc
qu'Elle Le devait allaiter ; que, posé l'ordre de Dieu, c'était pour son cher
Nouveau-Né une nécessité véritable que si Elle n'y pourvoyait pas, Jésus aurait
faim, souffrirait, gémirait. Elle trouva adorable que les choses fussent ainsi
réglées, puis, au dedans et au dehors, avec la même simplicité que son Divin
Enfant, Elle entra dans cet ordre. La candeur qu'eut Jésus en prenant le sein
de Marie, Marie l'eut dans son cœur en donnant son sein à Jésus.
« Ce sein, que Dieu seul et ses Anges avaient vu, Elle le découvrit donc à
Jésus, comme la rose, qui s'épanouit, se découvre au soleil levant et sous son
influence. Ce fut quelque chose de tranquille et de suave comme la première
apparition du jour à l'horizon. Une Vierge voilant son visage ne sera jamais
aussi chaste que cette Vierge dévoilant son sein. Elle était plus qu'un lis au
dehors et au dedans ; Elle était un champ de lis, ce champ dont il est dit que
l'Epoux, qui est l'Agneau de Dieu, « y a ses pâturages.» Et en effet cet Agneau
béni allait boire le lait merveilleux dont cette virginale mamelle était
pleine.
« Le lait de Marie fut comme la quintessence de tout ce qu'il y a de doux
et de bienfaisant dans le monde des corps...Ce fut comme l'Eucharistie humaine
de Jésus. » Elévalions sur la Vie et la
Doctrine de N.-S. 15e et 16e Elév.
Le mystère de Jésus-Christ, Extraits de la Sainte Écriture, des écrits des Saints Pères et des meilleurs Auteurs Ecclésiastiques
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