QUATRIÈME INSTRUCTION
APPARITIONS AUX DISCIPLES D’EMMAÜS.
«O, insensés dont le cœur est lent à croire tout ce que les
prophètes ont dit! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et
qu’ainsi il entrât dans sa gloire?». Luc, 24-25.
PLAN
REMARQUE.
DÉCEPTION DES DISCIPLES.
MODÈLE DE CONVERSATION.
JÉSUS LEUR DONNE UNE FORTE LEÇON.
JÉSUS LES ENFLAMME D’AMOUR.
JÉSUS LES RÉCOMPENSE.
REMARQUE
Puisque le Saint-Esprit fait raconter cet épisode dans le
détail, c’est qu’il y a mis de bonnes leçons pour notre vie spirituelle.
Chacune des apparitions contient des leçons particulières et importantes pour
notre perfection surnaturelle. Ici c’est la nécessité de souffrir pour être
glorifié au ciel. Prenons-la tout de suite, non seulement de tête; mais de
cœur, afin qu’elle passe dans la pratique de la vie.
Que de projets n’avons-nous pas formés pour le bien des âmes
et la gloire de Dieu! Mais les années s’écoulent et notre idéal fuit comme le
mirage dans le désert! On arrive sur le déclin de la vie et l’on cherche encore
les œuvres accomplies selon nos rêves de jeunesse. Une certaine tristesse
assombrit la vie et l’on se demande si l’on n’a pas fait fausse route quelque
part! Nous avons donc tous besoin de nous instruire à l’exemple de ces deux
disciples que Jésus lui-même instruit si puissamment.
Après dix-neuf siècles de christianisme, nous devrions avoir
plus de foi qu’eux et mieux comprendre le pourquoi des fiascos de la vie et
l’utilité des épreuves. Mais comme nos chrétiens ne profitent pas des leçons
des autres! Dès qu’ils ne réussissent pas dans une entreprise quelconque, ils
s’attristent et perdent confiance en Dieu. Etudions cet exemple pour devenir
plus forts dans les épreuves de la vie et ne plus croire que Dieu est mort,
parce que nous ne le voyons plus ou que nous n’éprouvons plus sa présence.
LEUR DÉCEPTION
Ils avaient tout quitté pour suivre Jésus qu’ils croyaient le
Messie. Ils lui avaient consacré trois ans de leur vie comme ses familiers et
ses compagnons dans ses courses à travers les pays… Ils avaient été témoins de
ses nombreux miracles et de tout le bien qu’il avait fait au peuple… Ils
espéraient qu’il établirait son royaume en Israël pour la prospérité et la
gloire des Juifs… mais Jésus est mort et enterré!…
Que de belles promesses il leur avait faites: il soumettrait
toutes les nations à son règne; il ferait asseoir ses disciples à sa table dans
son royaume et il les servirait lui-même! Mais il est mort et enterré!
Les princes des prêtres et les anciens, choisis par Dieu
précisément pour faire connaître le Messie, n’ont pas voulu de Jésus de
Nazareth; ils l’ont condamné à être crucifié comme imposteur; est-ce possible
que tous les prêtres soient dans l’erreur? Et voici le troisième jour qu’il est
mort et enterré!
Leur cœur se révolte à ce mot d’imposteur! il était trop bon
et trop saint. Il a fait tant de miracles que Dieu aurait dû l’empêcher d’en
faire s’il était imposteur. Comme l’aveugle-né disait aux Pharisiens: «Personne
ne pourrait donner la vue à un aveugle-né si Dieu n’était pas avec lui… Mais il
est mort et enterré!
Ils marchent lentement, la tête baissée; ils n’ont pas hâte
d’arriver chez eux; ils vont être la risée de tous; ils vont passer pour fous
d’avoir perdu leur temps avec cet homme… mort et enterré!
Dans leur angoisse, ces braves gens repassent les principaux
événements de sa vie comme pour se cramponner à leur foi si durement éprouvée.
Cette revue leur apporte quelques bribes de consolation vite évanouies devant
le fait qui les accable: il est mort et enterré.
Tous ceux qui se donnent à Jésus devront passer plus ou moins
par cette épreuve de la foi Au début du service de Dieu, on y met beaucoup
d’humain sans le savoir, on s’accroche aux consolations sensibles, aux
affections naturelles, soit pour les personnes soit pour les choses. On réussit
plus ou moins dans son travail pour les âmes et pour la gloire de Dieu.
Quand Dieu juge à propos de purifier notre âme de toute cette
activité naturelle dans les intentions, il sabre dans tout ce naturel par
toutes sortes de contrariétés et contradictions. Tout le monde semble ligué
contre nous, nos amis mêmes se tournent contre nous, les gens nous
ridiculisent, nous méprisent et nous abandonnent. Le vide se fait autour de
nous. Nous avons nos scribes et nos pharisiens pour nous persécuter comme J.C.
l’a été. Dieu semble se retirer aussi et le ciel est d’airain, pour nous!
Le démon profite de cet isolement pour nous décourager:
est-ce possible que tu aies raison contre tout le monde? Que les prêtres soient
dans l’erreur et toi seul dans la vérité? Le Saint-Esprit aurait-il abandonné
son Eglise pour toi? N’est-ce pas de l’orgueil de vouloir se singulariser de la
sorte? Fais donc comme tous les autres. Rien de plus dangereux que trop de
religion!
Dans cet abandon, il y a toutes les nuances à partir de celui
qui diminue ses communions parce qu’il n’y goûte plus les mêmes consolations
sensibles du début jusqu’à celui qui tombe dans le désespoir où il se croit damner.
Pour les disciples, Dieu a enlevé tous les fondements de la
foi, excepté la parole de J.-C. Voilà ce que Dieu veut de tous ses amis; il
veut qu’ils le croient sur parole! Rien autre chose! C’est l’exercice qu’il a
donné aux Juifs dans le désert pendant 40 ans. Il fait tout le contraire du bon
sens humain en tout et constamment. L’eau jaillit des rochers, le pain tombe du
ciel; il les guide par un nuage obscur le jour et lumineux la nuit. C’est lui
seul qui fait tout pour eux!…
Plus vite nous accepterons cette doctrine que c’est Dieu qui
fait tout et que sans lui nous ne pouvons rien, plus vite Dieu nous comblera de
ses bénédictions. La confiance en nous-mêmes est, un grand obstacle à l’action
de Dieu en nous. Que de déboires Dieu nous envoie parce que nous avons compté
sur nous-mêmes, sur nos forces naturelles! Ainsi pour les disciples, Dieu leur
enlève toutes les raisons naturelles qu’ils avaient de croire en la divinité de
J.-C., afin que leur foi ne repose en rien sur l’humain, mais uniquement sur la
parole de Dieu. Car pour tous ceux qui viendront après les Apôtres, il ne leur
restera que le témoignage divin. «Bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu».
Ainsi, d’après la raison, toute l’œuvre de Jésus est anéantie
et les disciples sont vis-à-vis de rien. Et comme ils comptaient sur des
raisons humaines pour croire en Jésus, cette foi naturelle est complètement
ébranlée puisque Jésus est mort et enterré! S’ils s’étaient appuyés uniquement
sur sa parole, ils auraient cru à sa divinité et à sa résurrection, malgré
toutes les apparences du contraire.
Habituons-nous donc à nous fier à sa parole. Par exemple,
Jésus dit que tout ce que nous demanderons à son Père en son nom nous sera
accordé. Eh bien! Prions de la sorte et ensuite ayons confiance d’être exaucés
d’une façon ou d’une autre… et nous le serons! Il nous dit: «Venez à moi et je
vous soulagerai». Dans les épreuves, allons donc à lui d’abord; allons le
consulter sur ce qu’il y a à faire, lui exposer nos misères et lui demander du
secours… et il nous en donnera sûrement. Sinon, il nous donnera d’autre chose
d’aussi bon ou même de meilleur.
Dans le surnaturel Dieu ne permettra jamais que l’homme
puisse s’attribuer quoi que ce soit. Il ne pourra jamais dire: c’est moi qui
ait fait telle chose. Quelle sagesse si nous pouvions vivre selon ce principe
d’humilité parfaite! Dans l’ordre naturel, Dieu laisse les hommes croire plus
ou moins qu’ils sont les auteurs d’une foule de choses, parce que cet ordre ne
conduit point à Dieu. Mais dans l’ordre surnaturel qui nous conduit à Dieu, il
ne tolérera jamais que l’homme puisse lui voler sa gloire.
A quoi bon alors s’appuyer sur son moi païen pour pénétrer
dans le monde surnaturel? Dieu va massacrer toute cette confiance en notre
personne morale ou notre moi. Qu’on n’essaie donc jamais de tirer quoi que ce
soit de notre moi pour nous faire avancer dans le surnaturel! Autrement notre
vie sera une déception après l’autre!
MODÈLE DE CONVERSATION
Ils ont tant aimé Jésus qu’ils sont intarissables à son
sujet; aussi il est au milieu d’eux selon sa parole que lorsque deux ou trois
se réuniront en son nom, il sera au milieu d’eux. Mais comme ils ont peu de
foi, Jésus ne se montre pas à eux. Mais tout de même il est content de les
entendre parler de lui et il les stimule en s’informant de quoi ils parlent
pour montrer l’intérêt qu’il prend à ces conversations spirituelles. Il leur
demande pourquoi ils sont si tristes, montrant qu’il sympathise avec eux.
Cléophas lui dit: «Etes-vous seul étranger à Jérusalem que
vous ne sachiez pas ce qui s’y est passé ces jours-ci?». «Et quoi?», leur
ditil… «Touchant Jésus de Nazareth qui fut un prophète puissant en œuvres et en
paroles devant Dieu et devant les hommes. Comme les princes des prêtres et les
Anciens l’ont livré pour être condamné à mort et qu’ils l’ont crucifié?».
Ces paroles montrent l’estime qu’ils avaient de lui et un
certain degré de foi en lui aussi. Mais ce qui suit est moins beau: «Nous
espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël; et cependant après tout
cela, voici déjà le troisième jour que ces choses se sont accomplies». Ils ont
donc perdu leur espérance en lui, puisqu’il est mort et enterré.
«Quelques femmes, il est vrai, de celles qui étaient avec
nous, nous ont effrayés, car elles sont allées avant le jour à son sépulcre et
n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues disant que des anges même leur
étaient apparus, qui les ont assurées qu’il est vivant. Et quelques-uns des
nôtres sont allés au sépulcre et ont trouvé toutes choses comme les femmes les
avaient rapportées, mais pour lui, ils ne l’ont pas trouvé». •195 Comme ils
étaient épais pour ne pas aller voir par eux-mêmes! Comme les hommes sont
fermés au surnaturel! Ils avaient passé trois ans avec lui, le croyant le
Messie et donc Fils de Dieu et il leur avait dit plusieurs fois qu’il serait
mis à mort sur la croix et qu’il ressusciterait le troisième jour… Ils n’ont
pas le cœur d’aller voir pour vérifier ce que les femmes leur disent de la
résurrection! Ils s’en vont chez eux, abandonnent tout sans s’occuper du corps
de Jésus qui est disparu du tombeau! Quel aveuglement! Dieu seul peut nous
éclairer dans le monde surnaturel. Voilà pourquoi nous devons prier beaucoup
pour obtenir cette lumière du Saint-Esprit qui nous donne l’intelligence des
choses de Dieu. Sans quoi nous sommes comme le bœuf devant la science! Nous n’y
comprenons rien!
Par exemple qui peut leur jeter la pierre de n’avoir pas eu
la foi en la divinité de Jésus? Après dix-neuf siècles de christianisme
sont-ils nombreux les chrétiens qui croient vraiment à la présence réelle de
Jésus dans le tabernacle? Si on en juge par les actes des chrétiens, ils sont
très rares ceux qui y croient fermement. Combien peu font des visites aux
églises et combien peu le reçoivent dans la communion! Il veut que nous
traitions tout le monde sans exception, même nos ennemis, comme si c’était
J.-C. en personne. Eh bien! Combien peu le font! Ils ne croient donc pas à la
parole de Jésus, pas plus que les disciples avant la Pentecôte, ou pas beaucoup
mieux même que les gens instruits comme les prêtres et les religieux qui
n’agissent pas selon la foi qu’ils devraient connaître; ils ne s’en occupent
pas ou très peu… et agissent comme de vrais païens en une foule de choses de
leur vie.
Cela prouve qu’on ne prie pas assez le Saint-Esprit pour avoir
le don de vivre de foi; on a beau connaître la religion, il faut une grâce bien
spéciale pour la vivre dans le monde dans le concret. Voilà ce que trop de
catholiques négligent de demander à Dieu. A l’avenir, insistons sur cette
grâce!
En tout cas, c’est parce que ces disciples parlaient de Jésus
qu’il s’est joint à eux, qu’il les a accompagnés et finalement qu’il s’est
montré à eux. On voit l’importance et l’avantage de parler des choses de Dieu.
Ce que Jésus a fait là visiblement, il le fait mystiquement pour ceux qui
aiment à parler des choses divines. Dieu remplira leur cœur de son amour
surnaturel.
Le secret de pouvoir parler des choses divines, c’est d’en
avoir l’amour; la bouche parle de l’abondance du cœur, dit Jésus. Il est donc
facile de savoir où est l’amour d’un homme: c’est ce qui fait le sujet
ordinaire de ses conversations. L’expérience est facile à faire. Qu’on aiguille
la conversation sur les choses de Dieu et l’on verra vite la réaction. S’il
garde le silence, cela veut dire: ces choses ne l’intéressent pas! La plupart
se lèvent et s’en vont; ils montrent bien leur aversion pour ces sujets
spirituels. Evidemment leur amour est tout aux choses du monde: tout les
intéresse là. Que de prêtres et de religieux ne parlent jamais des choses de
Dieu et ne veulent pas en parler. Leur amour n’est donc pas là… et comment
peuvent-ils être sauvés? Ce triste état de mentalité dans le clergé vient de
son philosophisme. Leur religion toute spéculative et abstraite des «in se» se
tient en dehors de l’amour pratique et concret de Dieu. C’est un amour tout
naturel qui n’influence pas le cœur. Or, c’est le cœur qui alimente les
conversations.
L’amour divin, qui alimente les conversations spirituelles,
doit être un amour surnaturel qui ne s’acquiert que par le sacrifice de l’amour
des créatures. Comme il y en a peu qui font ces sacrifices des plaisirs permis,
il y en a peu qui ont cet amour surnaturel de Dieu qui est le seul qui passe
dans la vie pratique. Voilà pourquoi si peu parlent des choses de Dieu.
JÉSUS LEUR DONNE UNE FORTE LEÇON
«O, insensés et lents à croire ce que les prophètes ont dit:
ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et qu’ainsi il entrât dans
sa gloire?». «Et commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur expliquait
dans toutes les Ecritures ce qui avait été dit de lui».
Evidemment cette leçon est pour tout le monde. Que de
chrétiens dans la suite des âges ont mérité et méritent encore ce reproche
sévère de N.S.! Comme nous sommes lents à croire ce qui est écrit dans la Bible
pour notre instruction! D’abord combien peu la lisent! Que dirait-on d’un jeune
homme qui ne lirait jamais les lettres de sa fiancée? Evidemment, il ne l’aime
pas! Eh bien! Dieu nous a écrit des lettres d’amour depuis le commencement du
monde; si nous ne les lisons pas, c’est donc que nous ne l’aimons pas. Nous
savons que les Ecritures saintes contiennent tout ce qu’il faut pour nous
éclairer et nous sanctifier; pourquoi ne les lisons-nous pas plus souvent et
avec plus de soin?
Qu’il y ait des passages obscurs, cela n’excuse personne. Il
y en a assez de clairs pour nous sanctifier; cela doit suffire pour nous. A
force de la lire, une partie de la Bible explique une autre et surtout le
Saint-Esprit nous récompense pour nos efforts en nous donnant des lumières
particulières pour la mieux comprendre selon l’Esprit de l’Eglise toujours. Car
nous ne devons jamais nous écarter de l’interprétation de l’Eglise.
Les prêtres et les fidèles devraient se faire des collections
de textes sur les vérités les plus importantes de la doctrine de Jésus, surtout
sur les points qui répugnent le plus à la nature humaine afin de les faire
entrer davantage dans l’esprit et ensuite dans le cœur pour de là en vivre
constamment.
Par exemple qu’ils se fassent une liste de textes qui exigent
la guerre à nos deux amours naturels: l’amour de soi et l’amour du monde, qui
sont des obstacles à notre salut. Aussi les textes qui enseignent le mépris
même des bonnes choses permises. De même sur la nécessité de faire des œuvres
de miséricorde temporelle et spirituelle.
Autrement, à l’heure de la mort, J.-C. pourra dire ce qu’il
disait aux deux disciples: «Insensés et lents à croire ce que les Ecritures
disaient de la nécessité de pratiquer la folie de la croix et le mépris des
créatures…». Et il repassera tous ces textes qui confondront les malheureux qui
ne les ont pas pratiqués, faute de lire l’Evangile et d’étudier la doctrine de
Jésus. Les prêtres ont une grande responsabilité de ne pas expliquer l’Evangile
intégral. S’ils n’ont pas le temps durant les messes, qu’ils le fassent les
jours de semaine.
En tout cas, tant pis pour ceux qui auront ignoré par leur
faute tout ce qui concerne la lutte à faire contre nos deux amours naturels
avec toutes leurs conséquences pour la vie surnaturelle.
Les disciples d’Emmaüs étaient les victimes des prêtres du
temps, scribes et pharisiens qui ne donnaient que la philosophie des Ecritures
comme nos prêtres philosophes, et cependant Jésus les traite d’insensés et
d’épais de ne pas avoir mieux connu les Ecritures. Nos chrétiens actuels sont
donc responsables aussi de leur ignorance des Ecritures. Qu’ils les lisent et
les relisent pour mieux les comprendre, même si les prêtres ne leur en parlent
pas ou trop peu. Ils doivent savoir que là est toute la doctrine de Jésus;
qu’ils aillent la chercher pour leur propre compte! Que chaque famille ait sa
Bible et que tous la lisent dans leurs loisirs, et qu’ils en trouvent pour
cela!
Remarquons le point important: «Ne fallait-il pas que le
Christ souffrît ces choses pour entrer dans sa gloire?». Or nous savons que
Jésus a enseigné que nous devons le suivre en portant notre croix. C’est l’idée
que Saint Paul donne en disant que nous devons souffrir ce qui manque à la
passion du Christ. Porter notre croix tous les jours est donc la vie du
chrétien. Jésus le dit et les Apôtres le disent. Que tous cessent donc de se
plaindre à la moindre croix que Dieu leur donne! C’est le chemin du ciel et il
n’y en a pas d’autre. Allons-nous être de ces insensés et de ces épais qui
n’ont rien compris à ces paroles si claires dans l’Evangile.
Voici une des causes de cet aveuglement pour les choses
spirituelles dans l’Ecriture: c’est que la plupart sont absorbés dans la
poursuite des plaisirs sensibles du monde. Ils y mettent leur amour, leur temps
et leur argent… Il ne leur reste pas de temps pour s’occuper des choses de leur
âme. Or, quand on met son amour dans les choses naturelles, on devient
l’esclave du démon qui peut faire ce qu’il veut avec des païens. Il n’est pas
pour les pousser à l’amour de Dieu!
La conclusion est que chacun doit mettre son amour, tout son
cœur, pour étudier les évangiles, afin de bien connaître tout ce que Dieu exige
pour nous donner la vie du ciel. Mais ce travail est impossible pour ceux qui
ont déjà mis leur cœur dans les plaisirs du monde. Il faut donc qu’ils
retranchent de leur vie tous ces amusements qui consument leur amour bien
limité et il n’en reste plus pour les choses de Dieu. Ce n’est donc qu’en
proportion qu’on sacrifie une jouissance quelconque que Dieu donne un peu de
grâce pour mieux aimer ses choses. Au lieu d’aller aux vues, qu’on reste chez
soi et qu’on lise la Bible et alors le Saint-Esprit donnera plus de goût
spirituel pour en lire davantage.
JÉSUS LES ENFLAMME D’AMOUR
Pendant que Jésus leur déroule les textes concernant la
nécessité de souffrir pour sauver le monde, les disciples sentent leur coeur
embrasé d’amour de Dieu et ils sont heureux comme jamais de leur vie. C’est que
là se trouve le plus grand amour que Jésus peut montrer pour ses amis en
mourant pour eux. Alors ces textes ont une force extraordinaire pour susciter
l’amour dans les cœurs. Tout ce qui nous pousse à reproduire ses souffrances
nous pousse à son amour par le fait même. Nous-mêmes nous ne pouvons pas montrer
un plus grand amour pour Dieu qu’en sacrifiant notre amour naturel et nos aises
naturelles et nos jouissances naturelles pour mieux posséder Dieu dans le monde
surnaturel. C’est donc en repassant les souffrances de J.-C. que nous
découvrirons son amour pour nous, comme c’est en souffrant pour lui que nous
lui montrerons notre amour sincère.
Ce que Jésus produit sur ses disciples, les prêtres le
produiraient sur les fidèles s’ils leur parlaient plus souvent des souffrances
de la passion de Jésus, s’ils leur citaient tous ces textes comme Jésus le
fait. Ils ont une vertu merveilleuse pour toucher le cœur des fidèles. Que de
saints se sont enflammés d’amour de Dieu par la méditation de ces mêmes textes!
Qu’on les prenne souvent pour sujet de méditation quotidienne!
Voici une autre cause qui touche le cœur des disciples: c’est
que Jésus parle lui-même du cœur et des choses vécues par lui-même. L’esprit va
à l’esprit et le cœur au cœur. Tous ces prêtres qui ne parlent que de la tête,
qui exposent une doctrine spéculative, sont incapables de toucher les cœurs.
Mais quand un prêtre vit l’évangile et donc qu’il l’aime, les
fidèles s’en aperçoivent bien et le Saint-Esprit aussi! Il agit alors
puissamment dans le cœur des auditeurs pour les sanctifier, Dieu est amour et
pour approcha de lui, il faut de l’amour, mais de l’amour surnaturel de Dieu
que s’achète aux dépens de l’amour des créatures. Il nous faut sacrifier nos
deux amours naturels pour gagner l’amour surnaturel de Dieu.
Ainsi, parce que les disciples d’Emmaüs avaient tout sacrifié
pour Jésus, ils sont ouverts à l’amour surnaturel de Jésus même avant qu’ils
aient reçu le Saint-Esprit. L’amour de Jésus passe dans leur cœur pendant qu’il
leur explique les Ecritures au sujet de sa passion.
Si nous étudions les textes qui nous prêchent le renoncement
à nos deux amours naturels, il est certain que nous sentirons nos cœurs
embrasés de l’amour de Dieu, qui vient prendre la place de ces deux amours
païens. Voilà le bon moyen de recevoir l’amour de Dieu tout indiqué dans ces
textes qui nous enseignent à détruire ces deux amours païens en nous.
Profitons-en!
JÉSUS LES RÉCOMPENSE
Comme ils arrivaient au terme du chemin, Jésus fait mine de
continuer sa route, mais les deux disciples ont été si heureux avec cet
étranger, qui leur a expliqué le plan divin pour notre rédemption, qu’ils
l’invitent et insistent pour qu’il reste à souper avec eux, vu que le jour est
sur son déclin. Alors Jésus accepte pour leur faire plaisir.
On voit ici ce que Jésus aime dans la prière; il aurait passé
outre si les disciples n’avaient pas insisté pour le garder. C’est donc une
bonne tactique à prendre dans nos prières: insister beaucoup, c’est un signe
que nous apprécions bien les faveurs que nous demandons. Or, pour apprécier les
biens célestes, il faut les comparer souvent avec les biens terrestres qui ne
sont que des échantillons des choses divines. C’est dans la méditation qu’on
doit faire ces comparaisons pour monter aux choses de Dieu.
Ainsi c’est à force d’entendre Jésus expliquer les Ecritures
que les disciples ont appris à apprécier Jésus et à l’aimer sans le connaître.
Parce qu’ils écoutaient des choses spirituelles, la grâce agissait dans leur
cœur pour les attirer à l’amour divin.
Dans sa parabole de l’homme qui vient la nuit chez son ami
pour emprunter un pain, Jésus nous exhorte positivement à importuner Dieu dans
la prière. Lui-même dans son agonie, est-ce qu’il ne demandait pas toujours la
même chose? Lui qui n’avait pas besoin de tant répéter sa prière; c’était pour
nous donner l’exemple de ce que nous devons faire. Ce n’est pas que Dieu soit
sourd, mais c’est nous qui ne voulons pas assez sérieusement; nous demandons du
bout des lèvres parce que nous ne tenons pas assez aux biens surnaturels. Dieu
veut une volonté ferme dans le bien. Pierre avait déjà dit qu’il aimait Jésus,
puis il le renia quand même. C’est pourquoi après sa résurrection Jésus lui
demande trois fois s’il l’aime plus que les autres. Pierre voit alors que Jésus
veut qu’il soit bien sérieux cette fois-ci.
Pourquoi Jésus se montre-t-il seulement à la fraction du
pain? C’est évidemment pour nous rappeler sa présence réelle dans
l’Eucharistie. C’est quand nous le mangeons là qu’il ouvre les yeux de notre
âme à la foi en la divinité, comme il a ouvert les yeux de ses disciples à la
fraction du pain. Cherchons donc Jésus avec la foi en Jésus dans la sainte
communion; c’est là qu’il se manifestera à l’âme d’une façon surnaturelle.
Enfin Jésus récompense leur amour et leur prière pour le
garder à souper en se montrant à eux un instant seulement, parce que leur foi
n’est pas encore assez forte. Mais cet éclair céleste les comble de joie et
transforme leur vie. De tristes et découragés qu’ils étaient, les voilà pleins de
vie et de bonheur. Ils en sont si pleins qu’ils ne peuvent garder leur faveur
pour eux seuls; ils partent à l’instant pour retourner dire aux autres ce qui
leur est arrivé. Il est donc ressuscité! Ce que les femmes avaient dit, était
donc vrai! Ils ont marché longtemps et ils ont parlé avec lui et l’ont entendu
expliquer les Ecritures, ils ont mangé avec lui! Il est donc vivant dans
l’autre monde et il ne fait qu’apparaître un peu en ce monde pour leur montrer
qu’il n’est plus de ce monde! Il a triomphé de ses ennemis, de la mort et de
Satan. Personne ne peut plus le faire souffrir!
Ce mystère est l’image de la vie des chrétiens. Que de choses
on entend du ciel et des conditions pour les gagner! Mais pour plusieurs
raisons, nous ne les prenons pas au sérieux; nous nous amusons trop avec les
vanités de la terre. Puis, vers la fin de la vie, on s’en va vers la mort la
tête baissée et tristes d’avoir si peu profité des grâces de la vie! Que par la
prière nous puissions réparer, racheter le temps perdu et gagner la grâce
suprême de mourir en état de grâce et les mains pleines de mérites!
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