CINQUIÈME INSTRUCTION
APPARITION AUX APÔTRES DANS LE CÉNACLE.
Pendant qu’ils s’entretenaient ainsi sur le soir de ce même
jour, qui était le premier de la semaine, et que les portes du lieu où ils
étaient assemblés étaient fermées dans la crainte des Juifs, Jésus vint et,
debout au milieu d’eux, il leur dit: «La paix soit avec vous. C’est moi, n’ayez
pas peur!».
PLAN
REMARQUE.
LES APÔTRES ONT PEUR.
JÉSUS LEUR PROUVE SA RÉSURRECTION.
JÉSUS LEUR OUVRE L’ESPRIT AUX ECRITURES.
IL INSTITUE LE SACREMENT DE PÉNITENCE.
IL LEUR REPROCHE LEUR INCRÉDULITÉ.
LE CAS DE SAINT THOMAS.
REMARQUES
Comme nous n’avons pas le temps de parler de chaque
apparition, nous allons en fusionner quelques-unes pour fournir plus de matière
aux considérations. Aux deux disciples, Jésus leur reproche de n’avoir pas cru
aux Ecritures qui décrivaient sa passion et sa mort; dans celle-ci, Jésus
reproche aux Apôtres de ne pas avoir cru ceux qui l’avaient vu ressuscité. Il
veut donc que nous croyions aux Ecritures et aux témoins de sa résurrection.
Les Ecritures prophétisent la passion et la mort de Jésus et les témoins
montrent l’accomplissement de ces prophéties. Rien donc ne peut être plus
certain tout en laissant une certaine liberté à l’assentiment de la foi.
Nous devons surveiller les fondements de notre foi, car toute
notre vie dépend de la qualité de notre foi. Si elle est faible, notre vie sera
bien fade et vide de surnaturel; si elle est forte, notre vie sera surnaturelle
et fructueuse en bonnes œuvres. C’est elle qui nous préserve du péché. «Votre
victoire sur le monde viendra de votre foi». Tous ceux donc qui pèchent
manquent de foi sûrement; ils vivent ordinairement selon la raison humaine et
là, le démon peut tout dans cet ordre naturel.
C’est le plan divin de donner le ciel à ceux qui le préfèrent
à tout le monde. Voilà pourquoi Dieu enverra de formidables tentations à
ceuxlà, par exemple, une forte passion pour tel plaisir qu’on préférerait à
tout l’univers. Or, Dieu le lui défend sous peine de perdre le ciel et d’aller
brûler en enfer. C’est alors qu’il faut une foi solide et éclairée pour tout
comparer à ces deux alternatives et connaître les bons moyens pour éviter de
succomber dans cette tentation;
Demandons donc une foi solide dans la divinité de Jésus, afin
de tout faire pour lui plaire et ainsi mériter sa grâce pour ne jamais
l’offenser. C’est dans ce but que nous repassons ces apparitions de Jésus
ressuscité.
LES APÔTRES ONT PEUR…
Ils avaient barricadé les portes et les fenêtres par crainte
des Juifs qui venaient de crucifier leur Maître et ils en voulaient sûrement
aussi à ses disciples comme pouvant propager sa doctrine. Dieu permit ces
précautions pour fortifier notre foi, car Jésus entre quand même; son corps
ressuscité n’est plus soumis aux conditions matérielles de nos corps de la
terre.
Arrêtons-nous à cette peur qu’ont les disciples. Elle est
bien naturelle et générale chez les hommes de mentalité païenne. Ils sont
tellement habitués à juger de tout selon les sens que tout ce qui les dépasse
leur fait peur. Ils tiennent si bien à leur moi païen que tout ce qui pourrait
lui nuire leur inspire une crainte excessive.
Or, comme c’est le plan divin de détruire en nous ce moi
égoïste, il a ordonné sa Providence pour le tuer! Mais tout être a l’instinct
de sa préservation. Tout ce qui dépasse les forces de la nature fait peur aux
hommes qui s’aiment tant eux-mêmes. Ils craignent de perdre ce en quoi ils ont
mis leur bonheur: les créatures.
Ils ont peur de perdre leur réputation: aussi quelle force
dans leur respect humain! Que de mensonges pour la garder, la défendre et
l’augmenter! Ils ont mis leur cœur dans les biens de ce monde: aussi quelle
peur de les perdre! Ils sont capables de tous les crimes pour la garder. Ils
tiennent tant aux jouissances sensibles qu’ils peuvent commettre tous les péchés
pour se les procurer. Les femmes et les filles suivent la mode aveuglement dans
toutes ses folies et ses excentricités par peur des critiques des autres. Que
de jeunes font les fanfarons, parlent mal, font mal, négligent leurs devoirs
religieux de peur de faire rire d’eux. Toute cette peur se trouve chez les
prêtres et les religieux en proportion qu’ils vivent une mentalité païenne. Ils
ont peur de prêcher la folie de la croix et le mépris des créatures pour ne pas
se faire critiquer par les philosophes. Combien de religieux ont peur d’être
tout aux choses de Dieu parce qu’ils feraient rire d’eux par leurs confrères à
mentalité païenne! Les filles et les femmes suivent la mode sottement parce
qu’elles ont peur de faire rire d’elles par celles qui aiment le monde à la
folie.
Ces peurs diminuent en proportion qu’on tue son païen. On n’a
plus peur de ce qui peut produire ce résultat; c’est ce qu’on veut: un mort n’a
plus peur de rien perdre, il n’existe plus et ne possède rien. Avec ce critère,
on peut se faire une idée du nombre de «morts» parmi nos catholiques. Comme ils
sont rares dans le clergé, les religieux et les laïques! A tout instant et à
toute occasion, leur païen tremble: ils ont peur de tout. Voilà pourquoi il y a
si peu de «ressuscités» parmi les catholiques: leur païen est bien vivant
puisqu’il a peur de tout ce qui pourrait le faire mourir!
Après la Pentecôte, les Apôtres n’ont plus peur de rien,
excepté de déplaire à Dieu. Puisque Dieu remplace notre moi païen, nous n’avons plus peur pour nous-mêmes, mais uniquement
de perdre Dieu qui est toute notre vie et notre bonheur. Plus on vit de foi et
moins on a peur. Car la foi nous montre uniquement les biens célestes de
l’ordre surnaturel que rien au monde ne peut nous faire perdre, si ce n’est le
péché. Alors, la peur d’offenser Dieu est la seule qui reste dans la foi.
Ce que nous venons de dire ne s’applique pas à la peur
filiale des bons amis de Dieu, qui est un effet de leur amour. Cette peur
augmente avec la sainteté et n’est pas du tout pénible; au contraire, elle
contribue au bonheur du chrétien, qui voit un Père en Dieu qu’il aime
tendrement.
Il y a une autre peur qui est bonne et qu’il faut garder:
c’est celle de perdre son âme. Quelque saint qu’on soit, il faut toujours craindre
le péché mortel qui nous précipiterait en enfer. Même Saint Paul après avoir
été ravi au troisième ciel, a peur d’être réprouvé.
JÉSUS LEUR PROUVE SA RÉSURRECTION
Le souper était fini; ceux qui avaient vu Jésus étaient
débordants de joie, mais les autres étaient tristes et absolument incroyants.
Voici que les deux disciples d’Emmaüs surviennent et racontent avec un
enthousiasme débordant tout ce qui vient de leur arriver. Encore là ceux qui
l’ont vu se réjouissent avec les disciples, mais les autres ne bronchent pas
dans leur incrédulité.
Tout à coup Jésus se trouve au milieu d’eux sans être passé
ni par les portes ni par les fenêtres, barricadées par peur des Juifs. Il leur
donne son salut ordinaire: «Que la paix soit avec vous!»; et il ajoute: «C’est
moi, ne craignez point». Mais ils sont saisis d’une grande frayeur croyant voir
un esprit. Alors Jésus leur dit: «Pourquoi vous troublez-vous et pourquoi ces
pensées s’élèvent-elles dans vos cœurs, regardez mes mains et mes pieds, c’est
moi-même; touchez et voyez: un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que
j’ai…». Après avoir dit cela, il leur montre ses mains et ses pieds. On peut
s’imaginer les voir venir à tour de rôle, chacun pour son propre compte,
toucher ses mains, ses pieds et la plaie de son côté.
Avec de si bonnes preuves, il nous semble que nous serions
tombés à genoux pour l’adorer comme Dieu. Mais, non, ces têtes dures ne croient
pas encore, dit Saint Luc, quoique très contents de le voir. Remercions Dieu de
cette dureté à croire, c’est une force de plus pour notre propre foi! Jésus les
a donc bien convaincus quand ils ont finalement accepté sa résurrection!
Pour mieux les convaincre, Jésus leur demande à manger! Ils
lui présentent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel. Il en mange
devant eux et pour montrer qu’il avait bien mangé comme eux, il leur donna les
restes; c’était donc la même nourriture pour eux comme pour lui. Il avait donc
réellement mangé et il était sûrement vivant! Ce n’était pas un fantôme, mais
un homme vraiment vivant comme les disciples.
Que pouvait-il faire de plus pour leur prouver qu’il était
ressuscité? Ils ont tous touché ses plaies. Ils l’ont entendu parler, ils l’ont
vu manger la même sorte de nourriture qu’eux. Cela doit nous suffire pour
croire en lui. Voilà donc les saintes femmes, Marie-Madeleine, Pierre et
maintenant les onze qui se sont convaincus que J.-C. est vraiment ressuscité.
Mais toutes ces preuves matérielles ne suffisent pas pour
leur faire voir la portée de la résurrection de Jésus; il leur manque encore
l’action du Saint-Esprit dans leur âme pour leur faire voir le plan divin pour
nous avoir dans le surnaturel. C’est pourquoi Jésus dit:
JÉSUS LEUR OUVRE L’ESPRIT AUX ÉCRITURES
«C’est là ce que je vous disais, étant encore avec vous,
qu’il fallait que tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les
Prophètes et dans les Psaumes, s’accomplît». Alors il leur ouvrit l’esprit pour
comprendre les Ecritures.
On voit là un bon exemple de l’absolue incapacité de l’esprit
humain de saisir le sens surnaturel des Ecritures. Ces disciples avaient été
avec lui pendant trois ans; il leur avait dit plusieurs fois qu’il devait être
crucifié et qu’il ressusciterait le troisième jour… et ils n’y comprennent
rien! Il vient à eux une fois ressuscité, ils le touchent, ils le voient manger
la même nourriture qu’eux… et ils ne vont pas plus loin, ils ne comprennent
rien aux Ecritures.
Il leur faut donc une intervention spéciale de Dieu pour
éclairer leur esprit, afin de comprendre le sens profond, surnaturel et réel
des Ecritures. Pourtant, ils étaient dans les meilleures dispositions et
conditions pour comprendre. Mais rien n’entre dans leur cœur sans une
intervention particulière de Jésus.
Quel dommage que tous nos prêtres ne soient pas convaincus de
cette vérité! Combien pensent qu’il leur suffit de lire les Ecritures, de lire
des commentaires et d’en avoir une connaissance de tête pour faire du ministère
auprès des âmes. Le Saint-Esprit ne se contente pas de ce travail matériel pour
ainsi dire. Si les prêtres sont satisfaits de cette connaissance, le
Saint-Esprit n’agit pas, ni dans les prêtres ni dans les fidèles. On le voit
bien par l’expérience; ces prêtres n’acquièrent pas le goût des Ecritures et
ils n’arrivent pas à donner aux fidèles ce qu’ils n’ont pas eux-mêmes. Où sont
les prêtres ou les fidèles qui vivent des Ecritures? Ils ne guident pas leur
vie d’après elles du tout. Quand est-ce qu’on entend des catholiques appuyer
leur conduite sur des textes de l’Ecriture?
Or, le Saint-Esprit a ses exigences pour agir dans nos cœurs
et tous les prêtres et les religieux devraient le savoir! Il ne produit pas
cette connaissance surnaturelle qui va au cœur pour ceux qui ont des attaches,
comme les fumeurs, les priseurs, les passionnés du sport, des vues, de la mode,
etc. Or, comme il est bien rare de voir des prêtres sans attaches, il est bien
rare aussi d’en voir qui ont la connaissance surnaturelle des Ecritures. Dieu
n’attirera pas à lui un chrétien qui trouve déjà son amour dans une créature
quelconque, même permise en soi. Voilà pourquoi la masse des prêtres, des
religieux et des laïques sont pratiquement comme les disciples de Jésus avant
de recevoir le Saint-Esprit; ils sont épais
et bouchés sur les choses surnaturelles.
En veut-on la preuve? Quand est-ce que les fidèles ont
entendu la doctrine d’une foule de textes qui condamnent nos deux amours
naturels avec toutes leurs conséquences dans la vie pratique? Ce sont justement
ces textes que Saint Paul appelle: la force de Dieu et la sagesse de Dieu. Il
veut dire que Dieu nous aide puissamment quand nous essayons de les pratiquer.
Où sont les fidèles qui ont entendu nos philosophes du clergé
expliquer le texte où Saint Paul appelle les choses créées du fumier comparées à l’amour de J.-C.? Où
est le prédicateur ou le missionnaire qui a jamais dit aux fidèles que son
attache pour le tabac, pour le sport, les vues, etc. était du vrai fumier
comparé à l’amour de Dieu?
Où sont les chrétiens qui ont jamais entendu ce texte de
Saint Paul qui traite d’illégitimes tous
ces chrétiens qui ne veulent pas endurer la persécution ou les épreuves tous
les jours de leur vie?
Où sont ces chrétiens qui ont jamais entendu parler de ces
textes de Saint Pierre où il dit que c’est notre vocation de souffrir toutes
sortes de mauvais traitements injustement comme Jésus? C’est notre vocation, ce
n’est donc pas des exceptions quand les autres nous font souffrir. C’est donc
normal d’être maltraité comme Jésus l’a été. Où sont les catholiques qui ont
jamais entendu cette doctrine?
Où sont les fidèles qui ont jamais entendu dire que Dieu
choisit tout ce qui est fou, faible, pauvre pour nous sauver et donc pour nous
sanctifier dans la vie ordinaire de chaque jour? Comme tout le monde se révolte
quand ces moyens divins nous sont appliqués par la divine Providence! Combien
savent que lorsque Dieu voudra sanctifier une personne, il l’abandonnera à des
imbéciles, à des ignorants, à des méchants réellement ou apparemment? Comme
tout le monde se révolte contre ces moyens bien indiqués par Dieu dans les
Ecritures!
C’est donc que les prêtres n’y comprennent rien, puisqu’ils
ne prêchent jamais ces textes systématiques. Or, ils sont tous essentiels pour tuer notre païen, pour mépriser les
créatures et pour nous sanctifier… et les prêtres n’en savent rien! Voilà une
conséquence désastreuse des attaches même aux choses permises en soi, comme de
fumer, de suivre les sports, les cinémas, etc, etc. Le Saint-Esprit n’agit pas
dans ces «païens» de mentalité qui sont assez épais pour chercher leur bonheur
dans les échantillons de Dieu plutôt qu’en Dieu lui-même.
Nos philosophes prêtres sont donc bien de la race des
pharisiens d’autrefois qui n’ont pas voulu des textes qui enseignaient la
passion, la mort et la résurrection de J.-C. Nos philosophes s’opposent aussi à
ces textes qui donneraient Jésus dans le cœur pour nous le faire vivre dans
l’amour.
La preuve de ce que nous venons de dire est dans ce fait que tous
nos philosophes persécutent n’importe quel prêtre qui prêcherait ces textes si
contraires à leur propre vie et à leurs idées païennes des «in se». Comme les
pharisiens étaient contre la doctrine de Jésus, ainsi nos prêtres philosophes
dans tous les rangs de la société ecclésiastique sont contre tous ces textes
qui nous donneraient Jésus dans le cœur.
Que chaque catholique se débarrasse donc de toutes ses
attaches pour mériter cette action du Saint-Esprit qui lui ouvrirait l’esprit à
la connaissance des Ecritures. Evidemment, les prêtres et les religieux en ont
encore un plus grand besoin puisqu’ils doivent les prêcher au monde. Guerre aux
attaches partout!
IL INSTITUE LE SACREMENT DE PÉNITENCE
Après avoir mangé, Jésus leur dit de nouveau: «La paix soit
avec vous. Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie». Or son Père l’a envoyé
dans le monde pour le racheter par le sacrifice de sa vie et la prédication de
sa doctrine. Or, pour racheter le monde, il fallait du sang, dit Saint Paul,
Jésus a donné tout le sien dans sa passion douloureuse et dans sa mort
ignominieuse sur la croix. Voilà donc ce à quoi Jésus envoie ses disciples.
Pour racheter le monde, il faut mourir à soi pour ne plus vivre qu’en Dieu et
de Dieu. Tout Apôtre doit donc faire la guerre à sa personnalité morale pour
que Jésus seul vive en lui. Il doit renoncer à l’amour de toutes les créatures
quelque bonnes qu’elles soient en elles-mêmes.
La vie de l’apôtre doit donc ressembler à celle de Jésus: ne
pas être de la terre, mais toute du ciel et pour le ciel. Il doit être tout aux
choses de Dieu comme Jésus l’était. Il doit enseigner le mépris du monde et
l’amour exclusif de Dieu. Jésus n’envoie donc pas ses apôtres, ses prêtres
séculiers ou réguliers, exploiter les fidèles le plus possible pour faire une
vie de millionnaire! pour courir les amusements, se promener en beau char et
faire bonne chère. Ces mercenaires auront un compte formidable à rendre à Dieu!
Ayant dit ces mots, il souffla sur eux et leur dit: «Recevez
le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez et ils
seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez». C’est là qu’il a donné aux
prêtres le pouvoir de pardonner les péchés ou de les retenir. Or, pour qu’ils
puissent exercer ce pouvoir, il faut bien que les fidèles leur confessent leurs
péchés. Il les constitue juges des consciences; il faut que les fidèles les
leur découvrent. Quand un gouvernement nomme un juge, il ne dit pas aux gens
d’aller plaider leur cause devant lui; c’est une affaire entendue. C’est la
réponse aux hérétiques qui soutiennent que nul texte n’enseigne d’aller dire
ses péchés à un prêtre; c’est vrai, mais notre texte rend clairement les
prêtres juges des péchés, donc cela suppose que les fidèles vont se confesser à
eux.
Pour les grands prédicateurs de la seule miséricorde de Dieu
et les prêtres qui ne retiennent jamais les péchés, ils ont la moitié de ce
texte contre eux. A quoi bon nous donner le pouvoir de retenir les péchés si on
ne refuse jamais l’absolution? Jésus supposait donc qu’il y aurait de bonnes
raisons pour refuser l’absolution dans certains cas dont le confesseur doit
être juge.
IL LEUR REPROCHE LEUR INCRÉDULITÉ
Saint Marc dit que Jésus se montra aux onze pendant qu’ils
étaient à table; il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur de
n’avoir pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité.
Il n’y a aucun mérite à croire parce qu’on a vu; ce n’est
plus de la foi, mais de la vision et c’est bien naturel de se fier à sa vue et
à ses autres sens. Or, la gloire de Dieu exige que dans le surnaturel nous
acceptions tout de Dieu seul. Dans le ciel, notre raison suivra sa lumière
divine et notre volonté voudra tout ce que Dieu voudra. Dieu obtient ce
résultat en nous obligeant à croire son témoignage sans voir ni toucher. Par
exemple, si je crois qu’il est ressuscité sur le témoignage de témoins
véridiques, j’agis comme dans le ciel: j’accepte la lumière qui vient de lui et
qui m’arrive indirectement, donc sans le secours de mes facultés naturelles,
quoique ce soient elles qui reçoivent ce témoignage. Je crois donc sans voir ni
comprendre: je me fie à Dieu et c’est là sa gloire et mon mérite.
Evidemment, j’ai le droit de m’assurer que mes témoins sont
bien instruits et bien convaincus, ce qui se fait pour nous par le récit des
évangélistes prouvé bien authentique et véridique. On peut le voir par le récit
de ces apparitions si nombreuses et si bien prouvées et par un bon nombre de
témoins qui ne se sont pas montrés crédules du tout, mais bien durs à croire,
ce qui est de nature à fortifier notre foi dans leur témoignage.
Quand on lit l’histoire de l’Eglise et qu’on voyage par le
monde, on constate combien toutes les générations méritent de reproches du
Maître. La plupart des chrétiens n’ont qu’une idée vague de la divinité de
J.-C. et ils n’ont jamais pris la peine de scruter les preuves des Ecritures
pour s’en convaincre personnellement. Ils l’ont accepté trop vite de tête
seulement sans en peser les conséquences pratiques dans la vie. Ils se disent
catholiques et vivent exactement comme ceux qui ne le sont pas. Ce manque de
foi solide se montre dans la façon de traiter les choses saintes.
Que de prêtres disent la messe comme s’ils n’y croyaient pas!
Comme J.-C. dans l’Eucharistie ne les intéresse pas! Leur prédication est
surtout spéculative et toute de tête et bien peu pour l’amour du cœur.
Justement la doctrine qui nous dépaganiserait et nous diviniserait ne les
intéresse pas non plus! Ils ne prêchent pas ou trop peu la folie de la croix et
le mépris des choses créées. La raison est qu’ils cultivent des attaches qui
empêchent l’action du Saint-Esprit dans leur cœur. Ils n’ont donc pas
l’intelligence surnaturelle des vérités de la foi. Alors il est évident que les
fidèles vont les suivre en général.
Ceux qui ont une foi solide en la résurrection de N. S.
veulent le suivre dans sa vie divine des choses surnaturelles. Or, ils savent
que pour cela il faut d’abord le suivre dans sa vie de renoncement et dans son
crucifiement en mortifiant leur païen de toutes les façons possibles avec la
grâce de Dieu. Saint Paul dit qu’il faut être crucifié au monde et le monde
pour nous. Voilà la conséquence de la foi en la résurrection de N. S. Il fait
mourir comme lui à soi et au monde pour ressusciter avec lui et comme lui à soi
et au monde. Ne prenons pas seulement l’idée abstraite de cette doctrine, mais
descendons dans le détail de la vie.
Un mort ne jouit pas du tout quand on lui offre un plaisir
terrestre, eh bien! un chrétien doit en refuser le plus possible pour mourir à
ce monde et vivre en celui de Dieu.
Être crucifié, c’est refuser une cigarette quand on pourrait
et qu’on aimerait à la fumer. C’est refuser un verre de bière, de vin, c’est
refuser d’aller au cinéma, d’aller à une joute quelconque, c’est ne pas écouter
la radio, ni suivre la télévision, etc., etc. Ce sont ceux enfin qui veulent
mourir à eux-mêmes qui espèrent en la résurrection de N. S. Il faut mourir pour
ressusciter.
Par conséquent, tous ceux qui ne sont pas mortifiés ne
croient pas aux Ecritures qui disent qu’il nous faut mourir à nous-mêmes pour
ressusciter avec J.-C.; tous ceux-là méritent le reproche de Jésus qu’il
adressait à ses disciples après sa résurrection.
Pauvre peuple, comment aura-t-il jamais ces textes qui
enseignent qu’il faut nous mortifier de toutes les façons pour vivre la vie
ressuscitée de Jésus? Les prêtres philosophes n’y croient pas et n’en parlent
jamais ou trop peu. Cette mort mystique ne se rencontre pas dans la religion abstraite
des «in se»; alors ils ne la prêchent jamais au peuple. Eh bien! que chaque
chrétien les cherche par lui-même, ces textes, dans la Bible, surtout dans les
Evangiles et les Apôtres!
Saint Luc dit que Jésus ajouta ensuite qu’on devait prêcher
la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations. Il venait de
dire qu’il fallait que le Christ souffrît comme il a souffert pour entrer dans
sa gloire. Or, il n’a pas souffert seulement dans les mots, mais dans sa chair.
Les premiers chrétiens faisaient pénitence pour tout de bon, pas par farce
comme nos philosophes l’enseignent. Ils ont inventé de si subtiles distinctions
qu’ils font sauter toute souffrance dans la pénitence.
Ils distinguent entre pénitence effective et affective,
tantôt condamnant l’une, tantôt l’autre et finalement les gens ne savent plus à
quoi s’en tenir et ils ne font plus rien. Comme pour le jeûne, ils ont réussi à
enlever tout ce qu’il y a de pénible: il suffit de manger un peu moins et
l’essence du jeûne est sauvé! Ils sont arrivés à pousser les fidèles à se
mortifier seulement en évitant les choses défendues. Ce n’est pas vrai que
Jésus et les Apôtres n’ont prêché que cette pénitence de païen! Car Jésus veut
que nous tuions nos deux amours
naturels; or, ce n’est pas vrai qu’on les détruit en ne se privant que des
choses défendues. Il y tant de choses permises qui peuvent les alimenter
parfaitement toute notre vie et cela s’enseigne par les prêtres philosophes.
N’écoutons pas les philosophes avec leur pénitence seulement
dans les mots ou toute de tête, mais rien dans le corps! Comme toute leur
religion qui n’est faite que de mots et de «strictement parlant» et
d’abstractions. Jésus et les Apôtres et les saints n’ont pas été martyrs
seulement en paroles, mais en fait; suivons-les plutôt que les philosophes du
clergé qui sont de vrais païens de mentalité.
LE CAS DE SAINT THOMAS
Quand les disciples lui dirent qu’ils avaient tous vu Jésus
ressuscité, Thomas leur dit: «Si je ne vois dans ses mains la marque des clous
et si je ne mets mon doigt dans le trou des clous et ma main dans son côté, je
ne croirai pas».
Or, huit jours après, les disciples étant encore dans le même
lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées et debout au
milieu d’eux, il leur dit: «La paix soit avec vous». Il dit ensuite à Thomas:
«Enfonce ici ton doigt et regarde mes mains; approche ta main et mets-la dans
mon côté et ne sois plus incrédule, mais croyant». Thomas répondit et dit: «Mon
Seigneur et mon Dieu». Jésus lui dit: «Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu;
heureux ceux qui qui n’ont point vu et qui ont cru».
Remercions Dieu d’avoir permis cet entêtement chez Thomas;
cela prouve qu’ils ont cru quand ils se sont tous bien assurés de la
résurrection de J.-C. Ils s’en sont si parfaitement convaincus tous comme on le
voit qu’ils l’ont prêché toute leur vie et qu’ils sont morts martyrs pour
l’attester de leur sang.
Voilà ceux que Jésus veut que nous croyions pour avoir une
foi véritablement surnaturelle avec la grâce de Dieu. Voilà notre mérite si
nous croyons fermement la divinité de J.-C., à cause de sa résurrection
surtout. Que notre vie montre la solidité de notre foi dans ce monde surnaturel
si bien illustré dans la glorieuse vie de J.-C. et durant les quarante jours de
ses apparitions à ses disciples. Pratiquons
donc les textes qui enseignent la nécessité de mourir à nous-mêmes et au
monde! Et que ce soit sans distinction de philosophe qui réduirait tout à des
mots ou des idées. Jésus a souffert dans sa chair! Faisons comme lui, souffrons dans notre chair!
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