DIX-HUITIÈME
INSTRUCTION
LE
DISCOURS DE JÉSUS APRÈS LA CÈNE.
(PREMIÈRE
PARTIE).
« CELUI
QUI M’AIME GARDE MES COMMANDEMENTS »
Comme nous venons de
méditer sur le sacrifice total de notre personnalité naturelle ou de notre moi
païen en renonçant complètement à nos deux amours qui constituent notre moi
païen, tout chrétien qui prend cette vérité au sérieux éprouvera quelque chose
de l’agonie de Jésus avant sa mort. C’est pourquoi il est très utile pour nous
de méditer les paroles que Jésus donna à ses disciples avant d’aller à son
sacrifice suprême.
Il laissa déborder son
cœur et donna les avis qu’il jugea les plus utiles et nécessaires pour ses
disciples dans leur grande épreuve qui s’en vient pour eux. Notre vie doit être
un crucifiement prolongé et nous avons besoin de la doctrine et des
encouragements que Jésus donna à ses disciples avant de les quitter pour tout
de bon.
Comment mettre de l’ordre
dans ce débordement d’amour de Jésus pour nous? Nous allons simplement essayer
de le suivre dans ce discours suprême de notre divin Sauveur et nous nous
arrêterons à réfléchir sur ce que Jésus voudra bien nous suggérer à l’occasion
de ses paroles précieuses qu’il nous laisse avant de mourir. Puisse la Sainte
Vierge, qui les gardait dans son cœur, nous aider à les garder dans le nôtre
pour le plus grand bien de nos âmes et la gloire de Dieu!
Comme c’est un discours
surtout qui regarde la vie intime avec la Trinité et la persévérance dans cette
union divine, j’ai cru qu’il irait bien plutôt ici que dans la vie de Jésus; il
regarde spécialement la vie intérieure avec le Saint-Esprit.
« QUE VOTRE COEUR NE SE TROUBLE POINT! »
Les disciples sentent que
le moment critique est venu dans la vie de Jésus et par suite dans la leur
aussi et ils sont tristes et ont peur. Jésus veut les encourager devant la
grande épreuve de leur vie. Le Pasteur va être frappé et les brebis dispersées!
Peu de paroles de Jésus sont plus utiles pour les hommes que celles-ci. Nous
devons tous mourir à nous-mêmes, comme nous l’avons montré plusieurs fois. Or
tout être a l’instinct de sa préservation et il tremble devant sa destruction.
Voilà pourquoi tout chrétien a peur de se renoncer pour entrer dans la vie
surnaturelle comme Dieu le veut pour lui. Jésus le savait bien quand il dit que
celui qui veut le suivre, doit se renoncer… et il ajouta… porter sa croix tous
les jours! Or c’est sur la croix que notre païen doit être crucifié. Voilà
pourquoi tous ceux qui veulent suivre Jésus commenceront par avoir peur… s’ils sont
sérieux en voulant le suivre.
Moïse, Abraham et les
prophètes ont tous eu peur à l’approche du divin. Tous les saints ont eu leur
agonie quand ils se sont décidés pour tout de bon d’être tout à J.-C. Les
démons aidant, il se fait une lutte terrible dans l’âme entre le naturel et le
surnaturel, le païen veut vivre et le divin exige sa mort! Saint Paul a eu
tellement peur des sacrifices de sa vie d’Apôtre qu’il était tenté de tout
abandonner. Mais la peur de l’enfer encore plus grande l’a retenu dans le
devoir. Par pitié pour lui, Dieu intervint par une vision et lui dit: « Sois
sans peur, mais parle et ne te tais point; car je suis avec toi et personne ne
mettra la main sur toi pour te faire de mal; j’ai un peuple nombreux dans cette
ville ». Paul demeura un an et six mois à Corinthe y enseignant la parole de
Dieu. Actes 18.
Il est certain que les
démons nous font peur dès que nous voulons faire quelque chose pour le bien de
nos âmes et pour la gloire de Dieu. Combien de chrétiens communieraient tous
les jours, mais ils ont peur de ce que les gens vont dire. Une fille aimerait à
s’habiller modestement, mais elle a tellement peur de se faire critiquer
qu’elle est capable de suivre les modes scabreuses comme une vraie païenne. Un
prêtre voudrait bien prêcher le renoncement et la folie de la croix, mais il a
peur de ses confrères qui vont sûrement le blâmer de bouleverser les
consciences avec cette doctrine austère! Combien de catholiques ont peur de
prendre la voie de la sainteté; ils ont peur des critiques et des persécutions,
et avec raison! Comme les démons sont habiles à exploiter cette peur!
Qu’on me permette un
exemple personnel. Quand j’étais aumônier en Europe durant la première grande
guerre, je me rappelle que la première fois que je voulus entrer dans les
casernes pour empêcher les soldats de blasphémer et de tenir des conversations
indécentes, j’ai éprouvé une si grande douleur que j’ai failli perdre
connaissance; j’ai dû m’accoter sur un arbre pour ne pas tomber de défaillance.
J’ai bien vu que ce n’était pas naturel, alors je me suis dit: « Mort ou en vie, j’entre! ». Et la peur me
laissa à la porte. Si j’étais entré là pour leur conter des histoires ou pour
jouer aux cartes, je n’aurais certainement pas éprouvé cette frayeur; mais
j’étais décidé de leur parler du plan de Dieu et leur expliquer le pourquoi des
épreuves dans la vie… et le démon ne voulait pas.
Voilà pourquoi Jésus a
voulu éprouver cette peur dans son agonie, afin de nous mériter la grâce
d’endurer nos épreuves et faire la volonté quand même de Dieu.
Que ceux qui n’éprouvent
jamais ces frayeurs dans l’apostolat examinent bien leurs motifs; s’ils veulent
simplement badiner avec les gens, parler de sports et des vanités de la terre,
les démons les laissent bien tranquilles. Mais s’ils veulent donner Dieu, ils
rencontreront les démons sur leur chemin! C’est quand on veut donner le divin
réel et en acte pour le faire vivre tout de suite que les démons suscitent les
obstacles. Si on veut simplement en parler comme d’une science, pas un démon ne
se dérange! Preuve que cela ne vaut rien devant Dieu, ni devant les démons.
Il est bon de parler de
cette peur à tous les catholiques, parce que chacun croit qu’il est le seul à
avoir la frousse et il s’excuse en disant qu’il est autrement que les autres et
qu’il a une bonne raison de ne rien faire pour Dieu ou trop peu. Ils concluent
qu’ils ne sont pas faits pour une haute perfection et ils restent en arrière.
Mais s’ils savaient que tous ceux qui veulent s’approcher de Dieu ont cette
peur, ils fonceraient quand même malgré cette peur.
Cette peur vient de ce
qu’on regarde trop le côté humain et temporel et donc naturel. On pense trop à
ce qu’on peut perdre. Jésus nous indique le remède en invitant à voir le côté
de la foi.
« VOUS CROYEZ EN DIEU, CROYEZ AUSSI EN MOI »
Il va insister sur les
trois vertus théologales pour nous fortifier contre la peur des sacrifices. Il
commence par la foi en lui comme au Père. Il affirme qu’il est la même chose
que son Père, que son Père est en lui et lui en son Père. La preuve est dans
les miracles qu’il a faits au nom de Dieu et en son propre nom.
« Si vous m’aviez connu,
vous auriez aussi connu le Père ». Philippe lui dit: « Seigneur, montrez-nous
votre Père et il nous suffit ». Jésus lui répondit: « Il y a si longtemps que
je suis avec vous et vous ne me connaissez pas? Philippe, celui qui me voit,
voit aussi mon Père. Comment-dites-vous: « Montrez-nous votre Père? ».
« Ne voyez-vous pas que
je suis en mon Père et mon Père en moi? Ce que je vous dis, je ne vous le dis
pas de moi-même, mais mon Père, qui est en moi, fait lui-même les œuvres. Ne
croyez-vous pas que je suis en mon Père et que mon Père est en moi? Croyez-le
au moins à cause des œuvres! ». Donc Jésus et le Père sont le même Dieu. Jésus
veut les convaincre qu’il est Dieu comme le Père, parce que dans quelques
heures il va s’abandonner aux hommes pour être crucifié comme le dernier des
hommes. Ils vont voir l’anéantissement de Jésus et de toute son œuvre! Quelle
foi il leur faudra pour croire quand même en la divinité de Jésus!
C’est dans l’épreuve que
nous avons tous besoin d’une foi profonde pour croire quand même à la bonté et
à la puissance de Dieu. Comme cette foi est rare! On voit la plupart des
chrétiens se plaindre, comme si Dieu les avait abandonnés. Tous ceux qui
s’impatientent ou se découragent, montrent une foi bien faible en Dieu. Ils
regardent comme un malheur ce que Dieu regarde comme de grandes faveurs. Ils ne
pensent donc pas comme Dieu! Ils n’ont donc pas confiance en sa bonté. Ils le
regardent comme une espèce de tyran qui les torture plus ou moins injustement.
Ici il ne s’agit pas
seulement de croire qu’il est Dieu, mais aussi d’avoir confiance en lui, assez
au moins pour accepter comme une faveur de souffrir avec lui quand notre tour
sera venu. Tout ce que Dieu nous veut, vient de sa bonté infinie; ce doit être
pour notre bien éternel, quand même il faut souffrir un peu en acte pour
mériter notre couronne éternelle.
Défions-nous d’une foi tout
de tête ou spéculative, qui consiste à savoir ce que croire veut dire et on ne
va pas plus loin! A la première épreuve, on dispute comme de vrais païens!
C’est donc que de fait on ne croit pas à la bonté de Dieu ni à sa sagesse,
puisque l’on regarde comme un mal ce qu’il nous envoie. C’est facile de dire: «
Je crois en J.-C. qui est mort autrefois à Jérusalem, mais il faut croire en
lui maintenant! tel qu’il est au milieu de nous et comme il agit pour nous ».
Prenons un exemple de la
triste foi que tant de chrétiens ont. Jésus est dans l’Eucharistie exactement
comme il était au milieu de ses Apôtres avec son corps, son âme, son sang et sa
divinité. Combien le croient réellement? Ce n’est qu’une idée vague dans la
tête. Combien peu vont l’adorer, le visiter, le recevoir dans la sainte
communion! Même parmi les prêtres, quelle insouciance pour Jésus au tabernacle!
Quelle froideur! Ces gens n’ont pas plus de foi dans les contrariétés. Comme
ces prêtres et ces laïques sont impatients, susceptibles, avides de louanges et
furieux contre ceux qui les blâment tant soit peu! Ils n’ont donc jamais de
vrais contacts avec J.-C. en personne: autrement leur païen serait plus
affaibli, plus humble, plus dompté!
Enfin tous ceux qui
regimbent contre les croix que la Providence leur offre ont besoin de la même
foi que Jésus voulait pour ses disciples. Si c’est Dieu qui nous les envoie, il
doit savoir ce qu’il fait! Ce doit être pour notre bien éternel! Ce doit être
pour effacer nos péchés, pas encore expiés! C’est pour tout cela que Jésus est
venu mourir sur la croix et c’est encore pour la même raison que Jésus se
présente encore à chacun de nous avec sa ou ses croix. Si nous avions la
moindre foi, nous les accepterions comme Jésus accepte la sienne et, s’il le faut,
nous irions mourir comme lui pour satisfaire la justice divine.
Eh bien! Fermons-nous
donc dans les épreuves! Ou plutôt, remercions donc Dieu de nous associer aux
souffrances de J.-C. pour nous associer à ses joies célestes dans l’autre
monde. Comme je dis souvent: allons-nous prendre cinquante ans pour accepter cette
doctrine qui saute aux yeux de n’importe qui avec une tête sur les épaules!
C’est un Dieu qui nous envoie les croix… Ce n’est pas le diable! Jésus dit: « Est-ce
que je ne dois pas boire le calice que mon Père me présente? ». Eh bien! Chaque
croix est une goutte du calice de Jésus que le Père nous présente. Acceptons-la
en union avec Jésus! Et que ce soit réglé pour toujours. Pour aujourd’hui, pour
demain et toute la vie!… avec la grâce de Dieu que nous devons demander tous
les jours. Tous les chancelants dans la vertu, tous les tièdes dans la vie
spirituelle, tous ceux qui pèchent dans les tentations, sont des gens qui n’ont
jamais raisonné ou médité sur ce qu’est la foi. Pour plusieurs, c’est comme
s’il suffisait de donner son nom à l’Eglise catholique, comme à une association
quelconque, et ensuite à faire sa vie comme si rien n’était.
La foi exige une nouvelle
vie! Il s’agit d’organiser sa vie uniquement et totalement selon les vérités
révélées dans l’Ecriture… et les vivre dans la pratique de la vie. Par exemple,
la foi nous enseigne qu’il faut aimer son prochain comme soi-même… et comme
Dieu! Tellement que tout ce qu’on fait au prochain, on le fait à Dieu.
Où sont les catholiques
qui pratiquent cette foi? Dieu le veut! Qu’on le fasse donc! Peu importe les
répugnances de la nature, il faut que Dieu l’emporte sur notre païen! Donc
avoir la foi, c’est traiter toute personne exactement comme si c’était J.-C. en
personne. « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à
moi que vous le faites ». Ce ne peut pas être plus clair, ni plus catégorique.
Commençons! C’est sous peine de damnation! Saint-Jean dit: « Si quelqu’un
n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas?
». Quand Saül persécutait les chrétiens, Jésus l’apostrophe du haut du ciel et
lui dit: « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu? ». C’était J. -C. déjà rendu
au ciel que Saül persécutait dans les chrétiens. Eh bien! Ceux et celles qui
disputent, qui se mettent en colère contre le prochain, le font contre Dieu!
Quelle sottise! Traiter J.-C. comme on traiterait le démon et on espère aller
au ciel? Imbéciles que nous sommes!
Eh bien! On voit la
nécessité de croire en J.-C. si nous croyons en Dieu. Croire, c’est vivre selon
les paroles de J.-C. Eh bien! Commençons pour tout de bon à les vivre dans le
concret de la vie quotidienne. Que pas un seul ne murmure contre quoi que ce
soit qui vient de Dieu. Prenons notre croix ou nos croix de tous les jours
comme Jésus a pris la sienne pour l’amour de son Père et de notre bonheur
éternel.
Ensuite Jésus passe à
l’espérance comme motif contre la peur. « Il y a beaucoup de demeures dans la
maison de mon Père. Si cela n’était, je vous l’aurais dit; car je vais vous
préparer une place. Et après que je m’en serai allé et que je vous aurai
préparé une place, je reviendrai et je vous retirerai à moi, afin que où je
suis vous aussi vous soyez ».
Il montre que la foi en
Dieu n’est pas vaine, que sa récompense est au ciel avec Dieu et J.-C. Si Dieu
nous a préparé un monde matériel pour le corps et que nous y trouvons notre
bonheur ici-bas, combien plus belle doit être la demeure de l’âme immortelle et
créée à l’image de Dieu? Pourquoi craindre alors de perdre les choses
matérielles de ce monde si nous devons hériter du palais éternel de Dieu au
ciel? Ici-bas, c’est la demeure des simples créatures; là-haut, c’est la
demeure de la Sainte Trinité et éternelle comme elle.
Remarquons que c’est
Jésus qui nous prépare une place; car sans lui le ciel était à tout jamais
fermé à cause du péché d’Adam. Il s’en va comme pour négocier avec le Père
éternel ses mérites infinis contre nos péchés innombrables. Il va lui offrir sa
vie et ses souffrances pour payer notre dette à la justice divine. Alors le
Père consent à nous recevoir au ciel à condition que nous soyons une seule
chose avec J.-C.
Les Apôtres vont voir le
plus grand fiasco jamais arrivé à un groupe d’hommes. Tout leur idéal, leurs
ambitions et tous leurs projets vont sombrer en un seul jour et leur Maître
qu’ils ont suivi et qu’ils ont cru Dieu va mourir misérablement, va être
enterré comme n’importe quel homme… et ils pensaient qu’il était Dieu! Quelle
déception!
C’est pourquoi Jésus leur
dit que tout ne finit pas ici-bas; il s’en va dans un autre monde leur préparer
un lieu éternel où ils seront avec lui pour toujours. Pour eux à ce moment,
comme ils n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit, ils n’y comprennent rien
évidemment. Mais Jésus le leur dit pour ceux qui viendront après la réalisation
de la promesse et donc pour nous actuellement.
Jésus en appelle donc à
leur foi à la divinité de sa personne; il en appelle à leur espérance en ce
bonheur du ciel; il en appelle à leur amour dans son union éternelle avec lui
au ciel. Il reviendra les chercher et ils seront avec lui dans son ciel. Voilà
donc les trois vertus théologales présentées comme motifs de consolation dans
les épreuves de la vie, surtout les séparations causées par la mort. Que chacun
les prenne pour lui-même dans ses épreuves quotidiennes et ses contrariétés.
C’est facile à dire, mais comme il faut de la volonté et de la foi pour les
appliquer à l’occasion!
Voici une remarque
importante: il s’agit de conserver ces trois vertus théologales comme pour la
fin de la vie. Il faut en vivre tout de suite. Cela veut dire que je dois
retirer de ce monde tout mon amour pour le faire converger uniquement sur
l’objet de ces vertus. Par exemple, la foi nous parle uniquement de l’autre
monde, du monde divin, des perfections divines, des œuvres de Dieu pour notre
bonheur éternel, de ce bonheur divin qui dépasse toute compréhension, avec les
moyens pour y arriver. Eh bien! Si je veux vivre ma foi, je dois me perdre dans
ce monde invisible de l’au-delà pour y faire toute ma vie actuelle et
quotidienne!
C’est ce qui explique la
vie intérieure de Jésus et de Marie. Ils s’occupaient uniquement de ce que la
foi leur montrait, et non de ce que leurs yeux voyaient en ce monde. Ils ne
pouvaient pas s’empêcher de le voir, mais ils n’y mettaient pas du tout leur
cœur, ils voyaient donc sans voir, ils entendaient parler sans s’y arrêter,
comme les gens du monde font souvent au sujet des choses divines. Ils les
entendent sans les comprendre, sans s’en occuper, comme s’ils n’existaient pas,
comme des sourds.
Quand allons-nous
commencer à vivre dans l’autre monde et surtout de l’autre monde. La Sainte
Vierge gardait dans son cœur tout ce qu’elle entendait dire de Jésus. C’est ce
que nous devrions faire à l’année, à la journée! Ce qui semble difficile à
l’homme, est facile par la grâce de Dieu qu’il faut demander souvent.
On va dire que ce monde
est encore bien loin! Mais non! Par la foi, l’espérance et l’amour, ce monde
nous est rendu substantiel d’après une idée de Saint Paul qui la foi est la
substance des choses que nous devons espérer. Ces vertus nous donnent droit aux
choses du ciel et donc nous en sommes les propriétaires; nous pouvons et nous
devons donc nous en occuper tout de suite. Dieu nous donnera selon la
perfection de ces vertus que nous pratiquons actuellement. Nous pouvons donc
dire que nous les avons déjà.
Evidemment, cette vie
intérieure nous dépasse comme Dieu nous dépasse, mais rien ne nous dépasse avec
la grâce de Dieu! Demandons-la souvent dans nos prières et Dieu finira par nous
exaucer et alors ce sera une nouvelle vie dans un nouveau monde tout divin qui
fera notre mérite et notre bonheur. C’est cette vie recherchée par tous les
saints et si peu connue de nos catholiques!
Car nos philosophes du
clergé n’y comprennent pas grand-chose parce qu’ils cultivent des attaches qui
leur ferment le monde des choses de Dieu. Et comme ils permettent aux fidèles
d’avoir aussi des attaches de toutes sortes, eux aussi n’y comprennent rien.
Ils perdent la plupart de cette vie d’amour de Dieu qui fait le bonheur de
cette vie. Le Saint-Esprit ne se révèle pas à eux, car ils mettent leur amour
dans les échantillons qui ne sont que du fumier devant l’amour de Dieu. Ces
gens prient bien peu. Car lorsqu’on trouve sa satisfaction dans les choses de
la terre, comment aspirer aux choses de Dieu? On est satisfait, on est gavé des
jouissances de ce monde, on ne désire pas les autres. Que chacun examine
l’objet de ses prières; ceux qui aiment ce monde demandent des choses temporelles;
ceux qui aiment le ciel demandent des choses du ciel. Lesquelles demandez-vous?
« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice et le reste vous viendra
pour surcroît ». Suivons ce conseil de Jésus!
Si les catholiques
vivaient ces trois vertus théologales, ils parleraient volontiers des choses
spirituelles, ils seraient bien aisés d’en entendre parler. Est-ce le cas?
Combien rares sont ceux qui parlent des choses de Dieu! La bouche des chrétiens
est remplie des choses de la terre en général; c’est donc que leur cœur est là
aussi.
Eh bien! Il nous faut
changer notre façon de vivre tout de suite! Cessons de parler et surtout de
nous occuper des bagatelles de la terre et puisque nous sommes des habitants du
ciel au moins en espérance, parlons-en continuellement selon la charité que
nous devons avoir pour notre prochain. Faisons-le avec délicatesse, mais
faisons-le! ou taisons-nous sur les vanités des païens!
« Vous savez où je vais
et vous en savez la voie ». Thomas lui dit: « Seigneur, nous ne savons pas où
vous allez et comment pouvons-nous en savoir la voie? ». Jésus lui dit:
« JE SUIS LA VOIE, LA VÉRITÉ ET LA VIE, PERSONNE
NE VIENT AU PÈRE QUE PAR MOI. »
Quelles paroles pleines
de conséquences pratiques pour nous dans la vie spirituelle! Elles nous
indiquent notre part de travail pour nous sanctifier. Jésus ne nous sauvera pas
sans notre coopération insinuée par ces paroles. Jésus seul a expié nos péchés.
Jésus seul a satisfait à la justice divine et donc Jésus seul a droit d’entrer
au ciel. Alors comment pouvons-nous espérer y aller? Voici, il nous faut
devenir tellement semblables à Jésus que lorsque nous arriverons dans
l’éternité, le Père éternel puisse reconnaître J.-C. en chacun de nous. Si nous
faisons une seule chose avec Jésus, comme lui avec son Père, il nous acceptera
au ciel.
La vie est donnée pour
accomplir ce travail d’imitation ou de reproduction de J.-C. C’est ce que Jésus
indique par les paroles que nous étudions actuellement.
JE SUIS LA VOIE, en ce
sens que par ses mérites, il nous met sur la voie du ciel. Evidemment, elle est
très importante, mais c’est là la part de Jésus et nous ne pouvons rien faire
là.
Mais maintenant que Jésus
nous met sur le chemin du ciel, l’important pour nous est d’avancer sur ce
chemin que Jésus a suivi durant sa vie mortelle. Saint Jean dit que nous devons
marcher comme Jésus si nous l’aimons. Or quand Jésus lui-même nous dit de le
suivre, il dit que c’est en portant notre croix tous les jours, comme lui l’a
portée. Or nous savons maintenant ce que veut dire: la croix de Jésus. C’est
tout ce qui contrarie nos deux amours naturels, tout ce qui contrarie notre
païen et donc tout ce qui fait souffrir d’une façon ou d’une autre.
Si Jésus s’est fait
homme, c’est surtout pour nous apprendre à vivre comme Dieu: c’est donc le
divin de sa vie qu’il veut nous voir reproduire dans notre vie. Eh bien!
Qu’est-ce qui n’est pas humain en nous? Pour suivre Jésus, il faut renoncer à
nous-mêmes et donc à l’humain libre en nous, afin de nous diviniser. Comme les
anciens disaient: on avance dans le chemin de la vertu quand on se renonce.
Ce que Jésus résume en
disant: « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il
prenne sa croix tous les jours et qu’il me suive! ». Voilà ce que veut dire: Je
suis la voie!
JE SUIS LA VÉRITÉ. On dit
qu’une chose est vraie quand il y a équation parfaite entre la chose et la
parole qui l’annonce. Eh bien! Comme Jésus est la parfaite image de son Père,
qu’il en est le resplendissement substantiel, égal en tout à son Père, il est
donc la vérité essentielle et éternelle.
Si donc nous voulons être
avec lui au ciel, il nous faut participer à cette vérité divine et essentielle
et donc être semblable à Jésus aussi parfaitement que possible avec la grâce de
Dieu. Nous devons donc penser comme lui, parler comme lui et agir comme lui en
tout. Il juge de tout en fonction de l’éternité; faisons donc de même au lieu
de tout juger en fonction du monde et du temps.
Par exemple, quand Jésus
nous enseigne par Saint Paul que tous les plaisirs du monde par rapport à
l’amour de Dieu ne sont que du fumier, tout chrétien doit adhérer à ce jugement
de Jésus et agir en conséquence avec ces plaisirs. Celui qui les recherche
avidement ne les juge donc pas comme Jésus; il sort de la vérité divine, il
cesse de ressembler à Jésus sur ce point.
De même celui qui ne
traite pas son prochain comme Jésus en personne ne demeure pas dans la vérité,
puisque Jésus veut qu’on le traite comme lui-même. Faire la vérité dans sa vie,
c’est donc la faire accorder avec les actes et les paroles de Jésus. Voilà
pourquoi Jésus a dit que tout homme vit par la parole qui sort de la bouche de
Dieu. Lisons donc les Ecritures pour découvrir les pensées et les jugements de
Dieu, afin de les faire nôtres, peu importe ce que pense notre païen.
Forçons-le à penser comme Jésus et il finira par agir comme Jésus. Or c’est en
méditant constamment les Ecritures que nous découvrirons la vérité éternelle!
JE SUIS LA VIE. Il est la
vie divine, la vie surnaturelle, étant Dieu. Cette vie qu’il nous apporte et
qu’il nous a méritée par son sacrifice sur la croix. Notre degré de bonheur au
ciel correspondra au degré de cette vie divine que nous aurons à la mort. C’est
celle des trois personnes divines: la vie du Père, la sagesse du Fils et
l’amour du Saint-Esprit. Jésus les vit parfaitement; donc tout chrétien qui
veut être avec Jésus au ciel doit commencer par imiter ces trois vies
trinitaires. C’est le seul moyen de faire la vérité avec Jésus. Si je vis ma
vie naturelle et lui sa vie divine, il n’y a pas de vérité en moi, ni par
conséquent de vie divine non plus dans la même proportion.
Comment pouvons-nous
mériter un accroissement de cette vie divine en nous? Notre rôle consiste
surtout à éloigner les obstacles et à prier. C’est là une étude importante pour
tout catholique. Comme très peu de prêtres sont capables d’instruire le peuple
sur ces questions de sainteté, qu’il recherche les meilleurs auteurs spirituels
qui traitent de spiritualité et qu’il les lise assidûment et il finira par
comprendre comment agir pour se sanctifier.
Il n’y a pas que les
péchés qui empêchent la grâce de venir dans l’âme, il y a les attaches même aux
bonnes choses. Où est le prêtre qui attaque les bonnes attaches aux plaisirs?
Il se ferait dénoncer tout de suite par ses confrères philosophes et serait
vite réduit au silence par ses supérieurs. Aussi les fidèles ignorent le mal
que font les attaches même aux bonnes choses permises en soi. Une attache met
un mur infranchissable entre l’âme et Dieu, dit Saint Jean de la Croix, Docteur
de l’Eglise. Comment alors progresser dans la sainteté quand on met pareil
obstacle à la grâce?
Voici une comparaison.
Supposons que je demande à une mère ce que fait son fils. Elle me répond: « Sa
vie, lui, c’est la chasse! ». Je comprends tout de suite ce qu’il fait. Il
pense à la chasse continuellement, il en parle le plus possible et il y va tant
qu’il peut. C’est son bonheur en ce monde!
Eh bien! Tous les
catholiques devraient faire de même pour leur vie divine. Supposons que je
demande à un vicaire ce que fait son curé. Combien me répondraient: « Mon Curé
est tout aux choses de Dieu! ». Cela voudrait dire qu’il y pense constamment,
qu’il en parle à tout le monde et que son bonheur est de s’occuper des choses
spirituelles. Combien de Curés pourraient en dire autant de leurs vicaires?
Combien d’enfants pourraient le dire de leurs parents ou de parents de leurs
enfants? Pourtant ce devrait être général parmi les catholiques.
Malheureusement c’est
tout le contraire: la plupart sont tout aux choses du monde comme de vrais
païens. Leur vie est donc pour le monde et le monde est leur vie; ce n’est pas
Jésus qui est leur vie et leur bonheur, comme il devrait l’être si ces gens
veulent être avec Jésus au ciel. Entendez les conversations de nos catholiques:
elles sont toutes des plaisirs de toutes sortes; chacun raconte ce qu’il a fait
pour s’amuser et il parle de ses projets de jouir davantage prochainement. La
bouche est pleine des vanités de la terre, ces gens ne vivent donc pas de la
vie de Jésus, la vie de la Trinité qu’il nous a apportée.
Si on veut se débarrasser
d’un catholique, d’un prêtre ou d’un religieux, qu’on lui parle de religion et
l’on verra bientôt qu’il va se trouver une excuse pour s’en aller et ne plus
revenir. Dès qu’on veut être aux choses de Dieu, on reste complètement isolé de
tous les autres qui fuient… la peste! Ils n’ont donc pas l’amour de Dieu dans
le cœur, puisqu’ils ne veulent pas en parler! Je ne voudrais pas être à leur
place à l’heure de la mort! Cet amour de Dieu n’est pas une question de plus
grande perfection, mais de salut. Il faut aimer Dieu plus que tout au monde
pour aller au ciel; c’est le premier commandement que tous sont tenus
d’observer.
L’amour est une fin qui
entraîne toute l’activité de l’homme. Si donc nous aimons Dieu d’un amour
surnaturel comme il est nécessaire pour arriver au ciel, J.-C. sera tout pour
nous. Nous le suivrons pas à pas dans ses exemples et dans sa vie concrète pour
que les autres voient Jésus en nous; nous vivrons sa doctrine dans nos facultés
spirituelles et elle nous guidera dans toute notre vie; et enfin nous vivrons
une vie toute divine partout et toujours surtout dans nos motifs absolument
surnaturels.
Pour obtenir cette grâce,
il faut être un lecteur assidu des Saintes Ecritures et les méditer à cœur de
jour. Tout ce que Dieu veut que nous pratiquions est là; si nous ne voulons pas
nous donner la peine de prendre ce qu’il nous a déjà donné, comment espérer
qu’il va nous faire une nouvelle révélation des choses divines? Dieu ne fait
rien inutilement. Tout est là; allons le chercher, les laïques comme les
prêtres devraient lire à l’année l’Ecriture Sainte.
Malheureusement la
mentalité de nos gens à l’exemple de la plupart des prêtres est saturée des
échantillons. Alors les perfections divines et les œuvres divines ne les
intéressent pas beaucoup ou pas du tout. Le cinéma, la radio et les parties de
toutes sortes absorbent l’attention de nos gens. Jamais les prêtres philosophes
ne pourront réagir contre cette tendance naturelle, puisque leur religion et
leur théologie approuve tout ce qui n’est pas péché. Alors c’est la débandade
générale chez les chrétiens et une course folle aux plaisirs de toutes sortes.
Où est la différence entre les villes catholiques et les villes païennes? Qui
peut distinguer un catholique d’un païen ou d’un protestant simplement à le
voir agir? A l’entendre parler? Pratiquement personne! Il faut lui demander à
quelle église il va ou quelle est sa religion…
« CELUI QUI M’AIME GARDE MES COMMANDEMENTS »
Jésus répète cette parole
quatre fois: c’est donc qu’il y tient. Il veut que notre amour se manifeste par
des œuvres. Une admiration de tête comme la plupart ont, ne le satisfait pas.
Il veut un amour pratique qui vit ce qu’il croit. Si je crois que Jésus est
Dieu, je dois accomplir ses volontés partout, je dois lui obéir en tout, pas
seulement dans les choses agréables, mais dans tout ce qui contredit la nature!
Que de prêtres prennent
des Ecritures ce qui leur va et laissent de côté ce qui les mortifie; ils ont
donc bien peu de foi en la divinité de Jésus, puisqu’ils refusent plusieurs de
ses paroles! Par exemple, combien peu pratiquent et prêchent le mépris des
créatures et la folie de la croix! Ils ne disent pas qu’ils les rejettent, mais
en fait ils ne s’en servent pas pour leur vie ni pour leur prédication. Pour
avoir ce front, il faut manquer énormément de foi en la divinité de J.-C. Quand
on croit qu’il est Dieu, on fait tout ce qu’il demande. Voilà ce qu’il dit ici
lui-même: « Si quelqu’un m’aime, il gardera mes commandements ». Or, pour
l’aimer, il faut que l’on croie qu’il est Dieu.
Si on a cet amour
pratique, Jésus nous promet le Saint-Esprit qui demeurera éternellement avec
nous et qui nous éclairera dans la vérité. Il nous promet que lui-même viendra
en nous et se manifestera à nous évidemment comme Dieu et nous fera comprendre
sa doctrine céleste pour nous faire voir dans la foi les choses divines que
nous verrons un jour dans la gloire.
Plus loin, il promet que
le Père viendra en celui qui garde ses commandements et qu’il l’aimera. Enfin, «
nous viendrons en lui! ». C’est donc toute la Trinité qui viendra en celui qui
fait la volonté de Dieu et elle y demeurera toujours!
Quelles belles promesses
pour ceux qui observent les commandements de Dieu! Mais qu’on n’oublie pas le
premier commandement comme on a coutume de faire. Que de prêtres et de fidèles,
quand ils parlent des commandements, pensent aux commandements de la loi
naturelle, comme le jeune homme riche! Alors ils peuvent aimer leurs richesses
ou les créatures et Dieu en même temps. Mais c’est du paganisme tout pur! Pour
aller au ciel, il faut observer avec les autres le premier commandement qui
mobilise absolument toute notre capacité d’aimer pour Dieu seul… et donc ne
tolère pas un seul brin d’amour pour les créatures pour elles-mêmes. C’est à
cette condition que nous pouvons espérer que la Sainte Trinité demeurera en
nous pour toujours.
« ET QUELQUE CHOSE QUE VOUS DEMANDEREZ À MON
PÈRE EN MON NOM, JE LE FERAI, AFIN QUE LE PÈRE SOIT GLORIFIÉ PAR LE FILS ».
C’est
dire qu’il fera la volonté de ceux qui font la sienne. Si nous voulons que nos
prières soient acceptées de Dieu, commençons par lui obéir en tout pour lui
montrer notre amour et alors en retour il nous accordera ce que nous lui
demandons par amour pour lui. Il faut
que ce soit pour sa gloire et donc que ce soit des choses surnaturelles et pour
le bien de notre âme. Que chacun examine donc quelle sorte de prière il fait à
Dieu et quelle sorte d’amour il lui donne avant tout.
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