mardi 31 juillet 2018

Père Onésime Lacouture - 3-19 - Le discours après la Cène partie I



DIX-HUITIÈME INSTRUCTION
LE DISCOURS DE JÉSUS APRÈS LA CÈNE.
(PREMIÈRE PARTIE).

 «  CELUI QUI M’AIME GARDE MES COMMANDEMENTS  »

Comme nous venons de méditer sur le sacrifice total de notre personnalité naturelle ou de notre moi païen en renonçant complètement à nos deux amours qui constituent notre moi païen, tout chrétien qui prend cette vérité au sérieux éprouvera quelque chose de l’agonie de Jésus avant sa mort. C’est pourquoi il est très utile pour nous de méditer les paroles que Jésus donna à ses disciples avant d’aller à son sacrifice suprême.

Il laissa déborder son cœur et donna les avis qu’il jugea les plus utiles et nécessaires pour ses disciples dans leur grande épreuve qui s’en vient pour eux. Notre vie doit être un crucifiement prolongé et nous avons besoin de la doctrine et des encouragements que Jésus donna à ses disciples avant de les quitter pour tout de bon.

Comment mettre de l’ordre dans ce débordement d’amour de Jésus pour nous? Nous allons simplement essayer de le suivre dans ce discours suprême de notre divin Sauveur et nous nous arrêterons à réfléchir sur ce que Jésus voudra bien nous suggérer à l’occasion de ses paroles précieuses qu’il nous laisse avant de mourir. Puisse la Sainte Vierge, qui les gardait dans son cœur, nous aider à les garder dans le nôtre pour le plus grand bien de nos âmes et la gloire de Dieu!

Comme c’est un discours surtout qui regarde la vie intime avec la Trinité et la persévérance dans cette union divine, j’ai cru qu’il irait bien plutôt ici que dans la vie de Jésus; il regarde spécialement la vie intérieure avec le Saint-Esprit.

«  QUE VOTRE COEUR NE SE TROUBLE POINT!  »

Les disciples sentent que le moment critique est venu dans la vie de Jésus et par suite dans la leur aussi et ils sont tristes et ont peur. Jésus veut les encourager devant la grande épreuve de leur vie. Le Pasteur va être frappé et les brebis dispersées! Peu de paroles de Jésus sont plus utiles pour les hommes que celles-ci. Nous devons tous mourir à nous-mêmes, comme nous l’avons montré plusieurs fois. Or tout être a l’instinct de sa préservation et il tremble devant sa destruction. Voilà pourquoi tout chrétien a peur de se renoncer pour entrer dans la vie surnaturelle comme Dieu le veut pour lui. Jésus le savait bien quand il dit que celui qui veut le suivre, doit se renoncer… et il ajouta… porter sa croix tous les jours! Or c’est sur la croix que notre païen doit être crucifié. Voilà pourquoi tous ceux qui veulent suivre Jésus commenceront par avoir peur… s’ils sont sérieux en voulant le suivre.
Moïse, Abraham et les prophètes ont tous eu peur à l’approche du divin. Tous les saints ont eu leur agonie quand ils se sont décidés pour tout de bon d’être tout à J.-C. Les démons aidant, il se fait une lutte terrible dans l’âme entre le naturel et le surnaturel, le païen veut vivre et le divin exige sa mort! Saint Paul a eu tellement peur des sacrifices de sa vie d’Apôtre qu’il était tenté de tout abandonner. Mais la peur de l’enfer encore plus grande l’a retenu dans le devoir. Par pitié pour lui, Dieu intervint par une vision et lui dit: « Sois sans peur, mais parle et ne te tais point; car je suis avec toi et personne ne mettra la main sur toi pour te faire de mal; j’ai un peuple nombreux dans cette ville ». Paul demeura un an et six mois à Corinthe y enseignant la parole de Dieu. Actes 18.

Il est certain que les démons nous font peur dès que nous voulons faire quelque chose pour le bien de nos âmes et pour la gloire de Dieu. Combien de chrétiens communieraient tous les jours, mais ils ont peur de ce que les gens vont dire. Une fille aimerait à s’habiller modestement, mais elle a tellement peur de se faire critiquer qu’elle est capable de suivre les modes scabreuses comme une vraie païenne. Un prêtre voudrait bien prêcher le renoncement et la folie de la croix, mais il a peur de ses confrères qui vont sûrement le blâmer de bouleverser les consciences avec cette doctrine austère! Combien de catholiques ont peur de prendre la voie de la sainteté; ils ont peur des critiques et des persécutions, et avec raison! Comme les démons sont habiles à exploiter cette peur!

Qu’on me permette un exemple personnel. Quand j’étais aumônier en Europe durant la première grande guerre, je me rappelle que la première fois que je voulus entrer dans les casernes pour empêcher les soldats de blasphémer et de tenir des conversations indécentes, j’ai éprouvé une si grande douleur que j’ai failli perdre connaissance; j’ai dû m’accoter sur un arbre pour ne pas tomber de défaillance. J’ai bien vu que ce n’était pas naturel, alors je me suis dit: «  Mort ou en vie, j’entre! ». Et la peur me laissa à la porte. Si j’étais entré là pour leur conter des histoires ou pour jouer aux cartes, je n’aurais certainement pas éprouvé cette frayeur; mais j’étais décidé de leur parler du plan de Dieu et leur expliquer le pourquoi des épreuves dans la vie… et le démon ne voulait pas.

Voilà pourquoi Jésus a voulu éprouver cette peur dans son agonie, afin de nous mériter la grâce d’endurer nos épreuves et faire la volonté quand même de Dieu.

Que ceux qui n’éprouvent jamais ces frayeurs dans l’apostolat examinent bien leurs motifs; s’ils veulent simplement badiner avec les gens, parler de sports et des vanités de la terre, les démons les laissent bien tranquilles. Mais s’ils veulent donner Dieu, ils rencontreront les démons sur leur chemin! C’est quand on veut donner le divin réel et en acte pour le faire vivre tout de suite que les démons suscitent les obstacles. Si on veut simplement en parler comme d’une science, pas un démon ne se dérange! Preuve que cela ne vaut rien devant Dieu, ni devant les démons.

Il est bon de parler de cette peur à tous les catholiques, parce que chacun croit qu’il est le seul à avoir la frousse et il s’excuse en disant qu’il est autrement que les autres et qu’il a une bonne raison de ne rien faire pour Dieu ou trop peu. Ils concluent qu’ils ne sont pas faits pour une haute perfection et ils restent en arrière. Mais s’ils savaient que tous ceux qui veulent s’approcher de Dieu ont cette peur, ils fonceraient quand même malgré cette peur.

Cette peur vient de ce qu’on regarde trop le côté humain et temporel et donc naturel. On pense trop à ce qu’on peut perdre. Jésus nous indique le remède en invitant à voir le côté de la foi.

«  VOUS CROYEZ EN DIEU, CROYEZ AUSSI EN MOI »

Il va insister sur les trois vertus théologales pour nous fortifier contre la peur des sacrifices. Il commence par la foi en lui comme au Père. Il affirme qu’il est la même chose que son Père, que son Père est en lui et lui en son Père. La preuve est dans les miracles qu’il a faits au nom de Dieu et en son propre nom.

« Si vous m’aviez connu, vous auriez aussi connu le Père ». Philippe lui dit: « Seigneur, montrez-nous votre Père et il nous suffit ». Jésus lui répondit: « Il y a si longtemps que je suis avec vous et vous ne me connaissez pas? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père. Comment-dites-vous: « Montrez-nous votre Père? ».

« Ne voyez-vous pas que je suis en mon Père et mon Père en moi? Ce que je vous dis, je ne vous le dis pas de moi-même, mais mon Père, qui est en moi, fait lui-même les œuvres. Ne croyez-vous pas que je suis en mon Père et que mon Père est en moi? Croyez-le au moins à cause des œuvres! ». Donc Jésus et le Père sont le même Dieu. Jésus veut les convaincre qu’il est Dieu comme le Père, parce que dans quelques heures il va s’abandonner aux hommes pour être crucifié comme le dernier des hommes. Ils vont voir l’anéantissement de Jésus et de toute son œuvre! Quelle foi il leur faudra pour croire quand même en la divinité de Jésus!

C’est dans l’épreuve que nous avons tous besoin d’une foi profonde pour croire quand même à la bonté et à la puissance de Dieu. Comme cette foi est rare! On voit la plupart des chrétiens se plaindre, comme si Dieu les avait abandonnés. Tous ceux qui s’impatientent ou se découragent, montrent une foi bien faible en Dieu. Ils regardent comme un malheur ce que Dieu regarde comme de grandes faveurs. Ils ne pensent donc pas comme Dieu! Ils n’ont donc pas confiance en sa bonté. Ils le regardent comme une espèce de tyran qui les torture plus ou moins injustement.

Ici il ne s’agit pas seulement de croire qu’il est Dieu, mais aussi d’avoir confiance en lui, assez au moins pour accepter comme une faveur de souffrir avec lui quand notre tour sera venu. Tout ce que Dieu nous veut, vient de sa bonté infinie; ce doit être pour notre bien éternel, quand même il faut souffrir un peu en acte pour mériter notre couronne éternelle.

Défions-nous d’une foi tout de tête ou spéculative, qui consiste à savoir ce que croire veut dire et on ne va pas plus loin! A la première épreuve, on dispute comme de vrais païens! C’est donc que de fait on ne croit pas à la bonté de Dieu ni à sa sagesse, puisque l’on regarde comme un mal ce qu’il nous envoie. C’est facile de dire: « Je crois en J.-C. qui est mort autrefois à Jérusalem, mais il faut croire en lui maintenant! tel qu’il est au milieu de nous et comme il agit pour nous ».

Prenons un exemple de la triste foi que tant de chrétiens ont. Jésus est dans l’Eucharistie exactement comme il était au milieu de ses Apôtres avec son corps, son âme, son sang et sa divinité. Combien le croient réellement? Ce n’est qu’une idée vague dans la tête. Combien peu vont l’adorer, le visiter, le recevoir dans la sainte communion! Même parmi les prêtres, quelle insouciance pour Jésus au tabernacle! Quelle froideur! Ces gens n’ont pas plus de foi dans les contrariétés. Comme ces prêtres et ces laïques sont impatients, susceptibles, avides de louanges et furieux contre ceux qui les blâment tant soit peu! Ils n’ont donc jamais de vrais contacts avec J.-C. en personne: autrement leur païen serait plus affaibli, plus humble, plus dompté!

Enfin tous ceux qui regimbent contre les croix que la Providence leur offre ont besoin de la même foi que Jésus voulait pour ses disciples. Si c’est Dieu qui nous les envoie, il doit savoir ce qu’il fait! Ce doit être pour notre bien éternel! Ce doit être pour effacer nos péchés, pas encore expiés! C’est pour tout cela que Jésus est venu mourir sur la croix et c’est encore pour la même raison que Jésus se présente encore à chacun de nous avec sa ou ses croix. Si nous avions la moindre foi, nous les accepterions comme Jésus accepte la sienne et, s’il le faut, nous irions mourir comme lui pour satisfaire la justice divine.

Eh bien! Fermons-nous donc dans les épreuves! Ou plutôt, remercions donc Dieu de nous associer aux souffrances de J.-C. pour nous associer à ses joies célestes dans l’autre monde. Comme je dis souvent: allons-nous prendre cinquante ans pour accepter cette doctrine qui saute aux yeux de n’importe qui avec une tête sur les épaules! C’est un Dieu qui nous envoie les croix… Ce n’est pas le diable! Jésus dit: « Est-ce que je ne dois pas boire le calice que mon Père me présente? ». Eh bien! Chaque croix est une goutte du calice de Jésus que le Père nous présente. Acceptons-la en union avec Jésus! Et que ce soit réglé pour toujours. Pour aujourd’hui, pour demain et toute la vie!… avec la grâce de Dieu que nous devons demander tous les jours. Tous les chancelants dans la vertu, tous les tièdes dans la vie spirituelle, tous ceux qui pèchent dans les tentations, sont des gens qui n’ont jamais raisonné ou médité sur ce qu’est la foi. Pour plusieurs, c’est comme s’il suffisait de donner son nom à l’Eglise catholique, comme à une association quelconque, et ensuite à faire sa vie comme si rien n’était.
La foi exige une nouvelle vie! Il s’agit d’organiser sa vie uniquement et totalement selon les vérités révélées dans l’Ecriture… et les vivre dans la pratique de la vie. Par exemple, la foi nous enseigne qu’il faut aimer son prochain comme soi-même… et comme Dieu! Tellement que tout ce qu’on fait au prochain, on le fait à Dieu.

Où sont les catholiques qui pratiquent cette foi? Dieu le veut! Qu’on le fasse donc! Peu importe les répugnances de la nature, il faut que Dieu l’emporte sur notre païen! Donc avoir la foi, c’est traiter toute personne exactement comme si c’était J.-C. en personne. « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ». Ce ne peut pas être plus clair, ni plus catégorique. Commençons! C’est sous peine de damnation! Saint-Jean dit: « Si quelqu’un n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas? ». Quand Saül persécutait les chrétiens, Jésus l’apostrophe du haut du ciel et lui dit: « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu? ». C’était J. -C. déjà rendu au ciel que Saül persécutait dans les chrétiens. Eh bien! Ceux et celles qui disputent, qui se mettent en colère contre le prochain, le font contre Dieu! Quelle sottise! Traiter J.-C. comme on traiterait le démon et on espère aller au ciel? Imbéciles que nous sommes!

Eh bien! On voit la nécessité de croire en J.-C. si nous croyons en Dieu. Croire, c’est vivre selon les paroles de J.-C. Eh bien! Commençons pour tout de bon à les vivre dans le concret de la vie quotidienne. Que pas un seul ne murmure contre quoi que ce soit qui vient de Dieu. Prenons notre croix ou nos croix de tous les jours comme Jésus a pris la sienne pour l’amour de son Père et de notre bonheur éternel.

Ensuite Jésus passe à l’espérance comme motif contre la peur. « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Si cela n’était, je vous l’aurais dit; car je vais vous préparer une place. Et après que je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous retirerai à moi, afin que où je suis vous aussi vous soyez ».

Il montre que la foi en Dieu n’est pas vaine, que sa récompense est au ciel avec Dieu et J.-C. Si Dieu nous a préparé un monde matériel pour le corps et que nous y trouvons notre bonheur ici-bas, combien plus belle doit être la demeure de l’âme immortelle et créée à l’image de Dieu? Pourquoi craindre alors de perdre les choses matérielles de ce monde si nous devons hériter du palais éternel de Dieu au ciel? Ici-bas, c’est la demeure des simples créatures; là-haut, c’est la demeure de la Sainte Trinité et éternelle comme elle.

Remarquons que c’est Jésus qui nous prépare une place; car sans lui le ciel était à tout jamais fermé à cause du péché d’Adam. Il s’en va comme pour négocier avec le Père éternel ses mérites infinis contre nos péchés innombrables. Il va lui offrir sa vie et ses souffrances pour payer notre dette à la justice divine. Alors le Père consent à nous recevoir au ciel à condition que nous soyons une seule chose avec J.-C.

Les Apôtres vont voir le plus grand fiasco jamais arrivé à un groupe d’hommes. Tout leur idéal, leurs ambitions et tous leurs projets vont sombrer en un seul jour et leur Maître qu’ils ont suivi et qu’ils ont cru Dieu va mourir misérablement, va être enterré comme n’importe quel homme… et ils pensaient qu’il était Dieu! Quelle déception!

C’est pourquoi Jésus leur dit que tout ne finit pas ici-bas; il s’en va dans un autre monde leur préparer un lieu éternel où ils seront avec lui pour toujours. Pour eux à ce moment, comme ils n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit, ils n’y comprennent rien évidemment. Mais Jésus le leur dit pour ceux qui viendront après la réalisation de la promesse et donc pour nous actuellement.

Jésus en appelle donc à leur foi à la divinité de sa personne; il en appelle à leur espérance en ce bonheur du ciel; il en appelle à leur amour dans son union éternelle avec lui au ciel. Il reviendra les chercher et ils seront avec lui dans son ciel. Voilà donc les trois vertus théologales présentées comme motifs de consolation dans les épreuves de la vie, surtout les séparations causées par la mort. Que chacun les prenne pour lui-même dans ses épreuves quotidiennes et ses contrariétés. C’est facile à dire, mais comme il faut de la volonté et de la foi pour les appliquer à l’occasion!

Voici une remarque importante: il s’agit de conserver ces trois vertus théologales comme pour la fin de la vie. Il faut en vivre tout de suite. Cela veut dire que je dois retirer de ce monde tout mon amour pour le faire converger uniquement sur l’objet de ces vertus. Par exemple, la foi nous parle uniquement de l’autre monde, du monde divin, des perfections divines, des œuvres de Dieu pour notre bonheur éternel, de ce bonheur divin qui dépasse toute compréhension, avec les moyens pour y arriver. Eh bien! Si je veux vivre ma foi, je dois me perdre dans ce monde invisible de l’au-delà pour y faire toute ma vie actuelle et quotidienne!

C’est ce qui explique la vie intérieure de Jésus et de Marie. Ils s’occupaient uniquement de ce que la foi leur montrait, et non de ce que leurs yeux voyaient en ce monde. Ils ne pouvaient pas s’empêcher de le voir, mais ils n’y mettaient pas du tout leur cœur, ils voyaient donc sans voir, ils entendaient parler sans s’y arrêter, comme les gens du monde font souvent au sujet des choses divines. Ils les entendent sans les comprendre, sans s’en occuper, comme s’ils n’existaient pas, comme des sourds.
Quand allons-nous commencer à vivre dans l’autre monde et surtout de l’autre monde. La Sainte Vierge gardait dans son cœur tout ce qu’elle entendait dire de Jésus. C’est ce que nous devrions faire à l’année, à la journée! Ce qui semble difficile à l’homme, est facile par la grâce de Dieu qu’il faut demander souvent.

On va dire que ce monde est encore bien loin! Mais non! Par la foi, l’espérance et l’amour, ce monde nous est rendu substantiel d’après une idée de Saint Paul qui la foi est la substance des choses que nous devons espérer. Ces vertus nous donnent droit aux choses du ciel et donc nous en sommes les propriétaires; nous pouvons et nous devons donc nous en occuper tout de suite. Dieu nous donnera selon la perfection de ces vertus que nous pratiquons actuellement. Nous pouvons donc dire que nous les avons déjà.

Evidemment, cette vie intérieure nous dépasse comme Dieu nous dépasse, mais rien ne nous dépasse avec la grâce de Dieu! Demandons-la souvent dans nos prières et Dieu finira par nous exaucer et alors ce sera une nouvelle vie dans un nouveau monde tout divin qui fera notre mérite et notre bonheur. C’est cette vie recherchée par tous les saints et si peu connue de nos catholiques!

Car nos philosophes du clergé n’y comprennent pas grand-chose parce qu’ils cultivent des attaches qui leur ferment le monde des choses de Dieu. Et comme ils permettent aux fidèles d’avoir aussi des attaches de toutes sortes, eux aussi n’y comprennent rien. Ils perdent la plupart de cette vie d’amour de Dieu qui fait le bonheur de cette vie. Le Saint-Esprit ne se révèle pas à eux, car ils mettent leur amour dans les échantillons qui ne sont que du fumier devant l’amour de Dieu. Ces gens prient bien peu. Car lorsqu’on trouve sa satisfaction dans les choses de la terre, comment aspirer aux choses de Dieu? On est satisfait, on est gavé des jouissances de ce monde, on ne désire pas les autres. Que chacun examine l’objet de ses prières; ceux qui aiment ce monde demandent des choses temporelles; ceux qui aiment le ciel demandent des choses du ciel. Lesquelles demandez-vous? « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice et le reste vous viendra pour surcroît ». Suivons ce conseil de Jésus!

Si les catholiques vivaient ces trois vertus théologales, ils parleraient volontiers des choses spirituelles, ils seraient bien aisés d’en entendre parler. Est-ce le cas? Combien rares sont ceux qui parlent des choses de Dieu! La bouche des chrétiens est remplie des choses de la terre en général; c’est donc que leur cœur est là aussi.

Eh bien! Il nous faut changer notre façon de vivre tout de suite! Cessons de parler et surtout de nous occuper des bagatelles de la terre et puisque nous sommes des habitants du ciel au moins en espérance, parlons-en continuellement selon la charité que nous devons avoir pour notre prochain. Faisons-le avec délicatesse, mais faisons-le! ou taisons-nous sur les vanités des païens!

« Vous savez où je vais et vous en savez la voie ». Thomas lui dit: « Seigneur, nous ne savons pas où vous allez et comment pouvons-nous en savoir la voie? ». Jésus lui dit:

«  JE SUIS LA VOIE, LA VÉRITÉ ET LA VIE, PERSONNE NE VIENT AU PÈRE QUE PAR MOI. »

Quelles paroles pleines de conséquences pratiques pour nous dans la vie spirituelle! Elles nous indiquent notre part de travail pour nous sanctifier. Jésus ne nous sauvera pas sans notre coopération insinuée par ces paroles. Jésus seul a expié nos péchés. Jésus seul a satisfait à la justice divine et donc Jésus seul a droit d’entrer au ciel. Alors comment pouvons-nous espérer y aller? Voici, il nous faut devenir tellement semblables à Jésus que lorsque nous arriverons dans l’éternité, le Père éternel puisse reconnaître J.-C. en chacun de nous. Si nous faisons une seule chose avec Jésus, comme lui avec son Père, il nous acceptera au ciel.

La vie est donnée pour accomplir ce travail d’imitation ou de reproduction de J.-C. C’est ce que Jésus indique par les paroles que nous étudions actuellement.

JE SUIS LA VOIE, en ce sens que par ses mérites, il nous met sur la voie du ciel. Evidemment, elle est très importante, mais c’est là la part de Jésus et nous ne pouvons rien faire là.

Mais maintenant que Jésus nous met sur le chemin du ciel, l’important pour nous est d’avancer sur ce chemin que Jésus a suivi durant sa vie mortelle. Saint Jean dit que nous devons marcher comme Jésus si nous l’aimons. Or quand Jésus lui-même nous dit de le suivre, il dit que c’est en portant notre croix tous les jours, comme lui l’a portée. Or nous savons maintenant ce que veut dire: la croix de Jésus. C’est tout ce qui contrarie nos deux amours naturels, tout ce qui contrarie notre païen et donc tout ce qui fait souffrir d’une façon ou d’une autre.
Si Jésus s’est fait homme, c’est surtout pour nous apprendre à vivre comme Dieu: c’est donc le divin de sa vie qu’il veut nous voir reproduire dans notre vie. Eh bien! Qu’est-ce qui n’est pas humain en nous? Pour suivre Jésus, il faut renoncer à nous-mêmes et donc à l’humain libre en nous, afin de nous diviniser. Comme les anciens disaient: on avance dans le chemin de la vertu quand on se renonce.

Ce que Jésus résume en disant: « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix tous les jours et qu’il me suive! ». Voilà ce que veut dire: Je suis la voie!

JE SUIS LA VÉRITÉ. On dit qu’une chose est vraie quand il y a équation parfaite entre la chose et la parole qui l’annonce. Eh bien! Comme Jésus est la parfaite image de son Père, qu’il en est le resplendissement substantiel, égal en tout à son Père, il est donc la vérité essentielle et éternelle.

Si donc nous voulons être avec lui au ciel, il nous faut participer à cette vérité divine et essentielle et donc être semblable à Jésus aussi parfaitement que possible avec la grâce de Dieu. Nous devons donc penser comme lui, parler comme lui et agir comme lui en tout. Il juge de tout en fonction de l’éternité; faisons donc de même au lieu de tout juger en fonction du monde et du temps.

Par exemple, quand Jésus nous enseigne par Saint Paul que tous les plaisirs du monde par rapport à l’amour de Dieu ne sont que du fumier, tout chrétien doit adhérer à ce jugement de Jésus et agir en conséquence avec ces plaisirs. Celui qui les recherche avidement ne les juge donc pas comme Jésus; il sort de la vérité divine, il cesse de ressembler à Jésus sur ce point.

De même celui qui ne traite pas son prochain comme Jésus en personne ne demeure pas dans la vérité, puisque Jésus veut qu’on le traite comme lui-même. Faire la vérité dans sa vie, c’est donc la faire accorder avec les actes et les paroles de Jésus. Voilà pourquoi Jésus a dit que tout homme vit par la parole qui sort de la bouche de Dieu. Lisons donc les Ecritures pour découvrir les pensées et les jugements de Dieu, afin de les faire nôtres, peu importe ce que pense notre païen. Forçons-le à penser comme Jésus et il finira par agir comme Jésus. Or c’est en méditant constamment les Ecritures que nous découvrirons la vérité éternelle!

JE SUIS LA VIE. Il est la vie divine, la vie surnaturelle, étant Dieu. Cette vie qu’il nous apporte et qu’il nous a méritée par son sacrifice sur la croix. Notre degré de bonheur au ciel correspondra au degré de cette vie divine que nous aurons à la mort. C’est celle des trois personnes divines: la vie du Père, la sagesse du Fils et l’amour du Saint-Esprit. Jésus les vit parfaitement; donc tout chrétien qui veut être avec Jésus au ciel doit commencer par imiter ces trois vies trinitaires. C’est le seul moyen de faire la vérité avec Jésus. Si je vis ma vie naturelle et lui sa vie divine, il n’y a pas de vérité en moi, ni par conséquent de vie divine non plus dans la même proportion.

Comment pouvons-nous mériter un accroissement de cette vie divine en nous? Notre rôle consiste surtout à éloigner les obstacles et à prier. C’est là une étude importante pour tout catholique. Comme très peu de prêtres sont capables d’instruire le peuple sur ces questions de sainteté, qu’il recherche les meilleurs auteurs spirituels qui traitent de spiritualité et qu’il les lise assidûment et il finira par comprendre comment agir pour se sanctifier.

Il n’y a pas que les péchés qui empêchent la grâce de venir dans l’âme, il y a les attaches même aux bonnes choses. Où est le prêtre qui attaque les bonnes attaches aux plaisirs? Il se ferait dénoncer tout de suite par ses confrères philosophes et serait vite réduit au silence par ses supérieurs. Aussi les fidèles ignorent le mal que font les attaches même aux bonnes choses permises en soi. Une attache met un mur infranchissable entre l’âme et Dieu, dit Saint Jean de la Croix, Docteur de l’Eglise. Comment alors progresser dans la sainteté quand on met pareil obstacle à la grâce?

Voici une comparaison. Supposons que je demande à une mère ce que fait son fils. Elle me répond: « Sa vie, lui, c’est la chasse! ». Je comprends tout de suite ce qu’il fait. Il pense à la chasse continuellement, il en parle le plus possible et il y va tant qu’il peut. C’est son bonheur en ce monde!
Eh bien! Tous les catholiques devraient faire de même pour leur vie divine. Supposons que je demande à un vicaire ce que fait son curé. Combien me répondraient: « Mon Curé est tout aux choses de Dieu! ». Cela voudrait dire qu’il y pense constamment, qu’il en parle à tout le monde et que son bonheur est de s’occuper des choses spirituelles. Combien de Curés pourraient en dire autant de leurs vicaires? Combien d’enfants pourraient le dire de leurs parents ou de parents de leurs enfants? Pourtant ce devrait être général parmi les catholiques.

Malheureusement c’est tout le contraire: la plupart sont tout aux choses du monde comme de vrais païens. Leur vie est donc pour le monde et le monde est leur vie; ce n’est pas Jésus qui est leur vie et leur bonheur, comme il devrait l’être si ces gens veulent être avec Jésus au ciel. Entendez les conversations de nos catholiques: elles sont toutes des plaisirs de toutes sortes; chacun raconte ce qu’il a fait pour s’amuser et il parle de ses projets de jouir davantage prochainement. La bouche est pleine des vanités de la terre, ces gens ne vivent donc pas de la vie de Jésus, la vie de la Trinité qu’il nous a apportée.

Si on veut se débarrasser d’un catholique, d’un prêtre ou d’un religieux, qu’on lui parle de religion et l’on verra bientôt qu’il va se trouver une excuse pour s’en aller et ne plus revenir. Dès qu’on veut être aux choses de Dieu, on reste complètement isolé de tous les autres qui fuient… la peste! Ils n’ont donc pas l’amour de Dieu dans le cœur, puisqu’ils ne veulent pas en parler! Je ne voudrais pas être à leur place à l’heure de la mort! Cet amour de Dieu n’est pas une question de plus grande perfection, mais de salut. Il faut aimer Dieu plus que tout au monde pour aller au ciel; c’est le premier commandement que tous sont tenus d’observer.

L’amour est une fin qui entraîne toute l’activité de l’homme. Si donc nous aimons Dieu d’un amour surnaturel comme il est nécessaire pour arriver au ciel, J.-C. sera tout pour nous. Nous le suivrons pas à pas dans ses exemples et dans sa vie concrète pour que les autres voient Jésus en nous; nous vivrons sa doctrine dans nos facultés spirituelles et elle nous guidera dans toute notre vie; et enfin nous vivrons une vie toute divine partout et toujours surtout dans nos motifs absolument surnaturels.

Pour obtenir cette grâce, il faut être un lecteur assidu des Saintes Ecritures et les méditer à cœur de jour. Tout ce que Dieu veut que nous pratiquions est là; si nous ne voulons pas nous donner la peine de prendre ce qu’il nous a déjà donné, comment espérer qu’il va nous faire une nouvelle révélation des choses divines? Dieu ne fait rien inutilement. Tout est là; allons le chercher, les laïques comme les prêtres devraient lire à l’année l’Ecriture Sainte.

Malheureusement la mentalité de nos gens à l’exemple de la plupart des prêtres est saturée des échantillons. Alors les perfections divines et les œuvres divines ne les intéressent pas beaucoup ou pas du tout. Le cinéma, la radio et les parties de toutes sortes absorbent l’attention de nos gens. Jamais les prêtres philosophes ne pourront réagir contre cette tendance naturelle, puisque leur religion et leur théologie approuve tout ce qui n’est pas péché. Alors c’est la débandade générale chez les chrétiens et une course folle aux plaisirs de toutes sortes. Où est la différence entre les villes catholiques et les villes païennes? Qui peut distinguer un catholique d’un païen ou d’un protestant simplement à le voir agir? A l’entendre parler? Pratiquement personne! Il faut lui demander à quelle église il va ou quelle est sa religion…

«  CELUI QUI M’AIME GARDE MES COMMANDEMENTS  »

Jésus répète cette parole quatre fois: c’est donc qu’il y tient. Il veut que notre amour se manifeste par des œuvres. Une admiration de tête comme la plupart ont, ne le satisfait pas. Il veut un amour pratique qui vit ce qu’il croit. Si je crois que Jésus est Dieu, je dois accomplir ses volontés partout, je dois lui obéir en tout, pas seulement dans les choses agréables, mais dans tout ce qui contredit la nature!

Que de prêtres prennent des Ecritures ce qui leur va et laissent de côté ce qui les mortifie; ils ont donc bien peu de foi en la divinité de Jésus, puisqu’ils refusent plusieurs de ses paroles! Par exemple, combien peu pratiquent et prêchent le mépris des créatures et la folie de la croix! Ils ne disent pas qu’ils les rejettent, mais en fait ils ne s’en servent pas pour leur vie ni pour leur prédication. Pour avoir ce front, il faut manquer énormément de foi en la divinité de J.-C. Quand on croit qu’il est Dieu, on fait tout ce qu’il demande. Voilà ce qu’il dit ici lui-même: « Si quelqu’un m’aime, il gardera mes commandements ». Or, pour l’aimer, il faut que l’on croie qu’il est Dieu.

Si on a cet amour pratique, Jésus nous promet le Saint-Esprit qui demeurera éternellement avec nous et qui nous éclairera dans la vérité. Il nous promet que lui-même viendra en nous et se manifestera à nous évidemment comme Dieu et nous fera comprendre sa doctrine céleste pour nous faire voir dans la foi les choses divines que nous verrons un jour dans la gloire.

Plus loin, il promet que le Père viendra en celui qui garde ses commandements et qu’il l’aimera. Enfin, « nous viendrons en lui! ». C’est donc toute la Trinité qui viendra en celui qui fait la volonté de Dieu et elle y demeurera toujours!

Quelles belles promesses pour ceux qui observent les commandements de Dieu! Mais qu’on n’oublie pas le premier commandement comme on a coutume de faire. Que de prêtres et de fidèles, quand ils parlent des commandements, pensent aux commandements de la loi naturelle, comme le jeune homme riche! Alors ils peuvent aimer leurs richesses ou les créatures et Dieu en même temps. Mais c’est du paganisme tout pur! Pour aller au ciel, il faut observer avec les autres le premier commandement qui mobilise absolument toute notre capacité d’aimer pour Dieu seul… et donc ne tolère pas un seul brin d’amour pour les créatures pour elles-mêmes. C’est à cette condition que nous pouvons espérer que la Sainte Trinité demeurera en nous pour toujours.

« ET QUELQUE CHOSE QUE VOUS DEMANDEREZ À MON PÈRE EN MON NOM, JE LE FERAI, AFIN QUE LE PÈRE SOIT GLORIFIÉ PAR LE FILS ».

C’est dire qu’il fera la volonté de ceux qui font la sienne. Si nous voulons que nos prières soient acceptées de Dieu, commençons par lui obéir en tout pour lui montrer notre amour et alors en retour il nous accordera ce que nous lui demandons par amour pour lui. Il faut que ce soit pour sa gloire et donc que ce soit des choses surnaturelles et pour le bien de notre âme. Que chacun examine donc quelle sorte de prière il fait à Dieu et quelle sorte d’amour il lui donne avant tout.

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