DIX-NEUVIÈME INSTRUCTION
LE DISCOURS DE JÉSUS APRÈS LA CÈNE.
(DEUXIÈME PARTIE)
« JE SUIS LA VIGNE ET MON PÈRE EST LE
VIGNERON… ET VOUS ÊTES LES BRANCHES».
« MON PÈRE EST LE VIGNERON ».
« MON PÈRE RETRANCHERA TOUTES LES BRANCHES
QUI NE PORTENT PAS DE FRUIT EN MOI ».
« MON PÈRE ÉMONDERA CELLE QUI PORTE DES
FRUITS AFIN QU’ELLE DONNE PLUS ».
« JE SUIS LA VIGNE ET VOUS ÊTES LES BRANCHES.
CELUI QUI DEMEURE EN MOI ET EN QUI JE DEMEURE, PORTE BEAUCOUP DE FRUIT; CAR
VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE SANS MOI ».
« SANS MOI, VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE ».
« SI QUELQU’UN NE DEMEURE PAS EN MOI, IL SERA
JETÉ DEHORS COMME UN SARMENT INUTILE, IL SÉCHERA ET ON LE RAMASSERA POUR LE
JETER AU FEU ET LE BRÛLER ».
« COMME MON PÈRE M’A AIMÉ, JE VOUS AI AUSSI
AIMÉ. DEMEUREZ DANS MON AMOUR ».
« MON COMMANDEMENT EST QUE VOUS VOUS AIMIEZ
LES UNS LES AUTRES COMME JE VOUS AI AIMÉS. PERSONNE NE PEUT AVOIR UN PLUS GRAND
AMOUR QUE DE DONNER SA VIE POUR SES AMIS ».
« VOUS ÊTES MES AMIS SI VOUS FAITES LES
CHOSES QUE JE VOUS COMMANDE ».
« JE SUIS LA VIGNE ET MON PÈRE EST LE
VIGNERON… ET VOUS ÊTES LES BRANCHES».
Remarquons comment Jésus a toujours pris des
exemples concrets dans la nature pour illustrer sa doctrine divine. Car Dieu a
créé ce monde pour faire connaître l’autre; les prêtres devraient toujours
imiter J.-C. et expliquer leur doctrine avec des exemples pris dans la nature.
C’est respecter le plan divin qui veut que nos idées nous viennent par les sens
et donc par les choses visibles et tangibles de ce monde. Mais on a beau le
dire et insister, combien peu de prêtres vont changer leur tactique de
philosophes spéculatifs. Aussi les fidèles s’ennuient et trouvent les sermons
toujours trop longs, justement parce que les sens et l’imagination n’ont rien à
faire et donc ne donnent rien à l’intelligence. Personne ne devrait enseigner
une vérité sans l’illustrer par quelque chose de concret dans le monde. Jésus a
trouvé des exemples pour toute sa doctrine; que les prêtres l’imitent donc sur
ce point important! Est-ce qu’on ne dit pas en philosophie que rien n’entre
dans l’esprit sans passer par les sens? Alors donnons donc toujours quelque chose
aux sens pour expliquer une vérité.
La vigne est formée de son cep et de ses
branches. La même vie circule dans les deux. Eh bien! Dans l’ordre surnaturel,
Jésus est comme un cep et nous sommes les branches; c’est dire que la même vie
divine circule en Jésus et en nous quand nous sommes en état de grâce.
Or, en J.-C., c’est la vie de la Trinité qui
le fait vivre; donc la vie du Père, la sagesse du Fils et l’amour du
Saint-Esprit. Or, la vie du Père pour nous, c’est la grâce sanctifiante. Combien
de nigauds restent là et s’en contentent! Est-ce que Jésus s’est contenté de la
seule vie divine? Pas du tout. Il avait la sagesse du Verbe et l’amour du
Saint-Esprit. Eh bien! Nous tous aussi devons reproduire les activités (3) des
trois personnes divines.
Donc nous devons penser comme notre Cep,
juger comme lui, estimer les choses comme lui. Puis nous devons aimer comme lui
Dieu par le Saint-Esprit. Qu’on nous laisse donc la paix avec la seule grâce
sanctifiante: elle n’est que le tiers de Dieu pour ainsi dire. Il faut en plus
agir avec la sagesse du Fils et l’amour du Saint-Esprit.
Dans la vigne si une branche ne reçoit qu’une
partie de la vie du cep, elle se dessèche vite. Eh bien! Le chrétien en qui ne
coule qu’une partie de la vie divine va vite se séparer du Père. S’il n’en
pense pas, s’il n’en juge pas comme Jésus, il ne gardera pas longtemps la vie
du Père ou la grâce sanctifiante. Ceux qui ne sont pas conduits par l’Esprit de
Dieu ne sont pas ses enfants! Ils vont vite cesser de l’être!
« MON PÈRE EST LE VIGNERON ».
C’est lui qui plante sa vigne. C’est lui qui
lui donne ses branches. Il nous a choisis par pure bonté et librement. Quelle
ne devrait pas être notre reconnaissance pour cette élection divine sans aucun
mérite de notre part! Rendons donc notre vocation certaine par nos bonnes
œuvres, comme nous dit Saint Pierre. Car les branches peuvent tomber de la
vigne! Prions pour que cela ne nous arrive pas!
Personne ne sera enté sur J.-C. si Dieu ne
l’appelle pas. La foi qui nous est nécessaire pour appartenir à Jésus est un
pur don de Dieu absolument gratuit. Jésus le dit bien à Pierre quand il
professa ouvertement que Jésus était le Fils de Dieu vivant. Jésus lui dit que
ce n’était pas la chair ni le sang qui le lui avait révélé, mais son Père qui
est dans le ciel. Cela est vrai pour tout surnaturel.
Apprécions cette vie surnaturelle: Jésus a
été crucifié pour nous la mériter! Faisons donc les sacrifices nécessaires pour
ne jamais commettre de péché mortel qui la tue. Mieux que cela, évitons comme
le démon tout ce qui nous conduit au péché. Or la plus grande cause objective
des péchés en nous est dans les motifs naturels. C’est par là que le démon nous
prend: ce sont les filets de Satan.
« MON PÈRE RETRANCHERA TOUTES LES BRANCHES
QUI NE PORTENT PAS DE FRUIT EN MOI ».
Porter des fruits en Jésus, c’est évidemment
porter des fruits surnaturels de sainteté. Par conséquent, ceux qui ont la
grâce sanctifiante… et qui n’agissent pas en enfants de Dieu, mais comme des
païens, avec des affections naturelles et des motifs naturels, tomberont dans
le péché et ainsi seront retranchés de l’union avec Jésus dans la même
proportion.
Comment le Père nous retranche-t-il? Voici la
façon ordinaire. Un catholique qui agit avec des motifs naturels ne reçoit pas
de divin pour ces motifs. S’il agit de la sorte très souvent, il est comme un
homme qui se prive de nourriture longtemps, il finit par mourir. De même dans
l’ordre spirituel, si on agit de manière à ne pas recevoir la grâce pendant
longtemps, on finit par succomber de faiblesse et là c’est le péché véniel
d’abord, puis le péché mortel.
Jésus ailleurs enseigne cette même doctrine
quand il dit que la maison bâtie sur le sable tombera dans les tempêtes. Le
sable est le naturel des motifs et le roc est le surnaturel des motifs. Donc la
« branche » qui vit de naturel intentionnel finit par se dessécher et tombe.
Faisons donc la guerre à tous les motifs naturels qui vont finir par nous
séparer de J.-C.
« MON PÈRE ÉMONDERA CELLE QUI PORTE DES
FRUITS AFIN QU’ELLE DONNE PLUS ».
Est-ce qu’un vigneron ne coupe pas de bonnes
branches quand il prévoit qu’elles ne porteront pas de fruit et parce qu’elles
vivent aux dépens des bonnes? Dieu fera de même. Il taillera dans toute cette
bonne activité des motifs naturels parce qu’il prévoit qu’elle ne produira rien
pour le ciel et parce que son activité naturelle vit aux dépens de l’autre.
Quelques exemples… autrement on ne prend pas
la doctrine! Voici un mari qui « adore » sa femme pour ses belles qualités
naturelles. Ce n’est pas péché, mais cet amour naturel devant Dieu ne vaut
rien. Alors Dieu va enlever ces bonnes qualités réellement ou apparemment pour
le mari. Dieu ne veut pas qu’il cesse d’aimer son épouse, mais qu’il cesse de
l’aimer pour ses qualités naturelles. Il va être obligé de dire: naturellement
je n’aime pas ma femme, mais uniquement pour Dieu; pour vous, mon Dieu, je vais
l’aimer de mon mieux! S’il avait désavoué ses motifs naturels dès le début,
Dieu lui aurait laissé ses bonnes qualités.
On peut dire que la plupart des épreuves sont
pour détruire les affections naturelles avec leurs motifs naturels. Dieu se
sert d’autres païens pour détruire le païen en nous. Un ambitieux rencontrera
d’autres ambitieux, qui lui feront de l’opposition; un orgueilleux recevra des
coups d’autres orgueilleux. Dès que des gens se plaignent des défauts des
autres, on peut être pas mal sûr qu’ils les ont eux-mêmes.
Avis aux parents qui aiment trop
naturellement leurs enfants; Dieu les rendra malcommodes et même méchants pour
détruire dans les parents cette affection toute naturelle qui déplaît à Dieu.
Qu’ils essaient de se dépouiller de cette affection naturelle pour ne les aimer
que pour Dieu et en Dieu et alors Dieu ne sera plus jaloux et il laissera les
enfants toujours beaux et bons. Que tous surveillent donc leurs affections
naturelles partout et toujours, autrement vous paierez pour!…
Plus que cela Dieu veut tellement sa gloire
qu’il émonde même les bonnes branches qui portent du fruit, afin qu’elles en
portent plus.
Les vignerons taillent leurs bonnes vignes
justement pour qu’elles produisent plus de raisins.
Si nos philosophes donnaient un peu de
spiritualité dans les séminaires, les jeunes prêtres sauraient tout de suite
pourquoi tant de curés les limitent et les arrêtent dans le ministère surtout
dans les débuts. Ils arrivent pleins de zèle et d’ardeur pour travailler
beaucoup. Voici que le curé s’oppose à peu près à toutes leurs initiatives.
S’ils avaient la foi, ils sauraient que Dieu entre justement dans leurs idées
et parce qu’il veut qu’ils produisent beaucoup de bien, il commence par les
émonder pour qu’ils portent plus de fruit. Ils devraient se jeter à plus de
prière, faire des heures d’adoration tous les jours, continuer leurs études
d’Ecriture sainte et commencer à écrire des instructions pour le peuple. Se
remplir de surnaturel, n’est pas du temps perdu pour celui qui a la foi!
Mais que font ces jeunes prêtres? Ils boudent
leur curé, ils se blasent et se jettent à toutes sortes de niaiseries pour tuer
le temps sans aucun avantage pour leur ministère plus tard.
Dieu voulait les émonder et ils ne se sont
pas laissés faire. Alors ils perdent leur récolte de mérite. Ils ennuieront
leurs fidèles quand ils seront curés et ne laisseront pas plus leurs vicaires
travailler pour cinquante motifs naturels comme ils vivent habituellement dans
le naturel.
Que tous les fidèles cessent donc de
déblatérer contre les « émondeurs ». C’est Dieu qui le fait en personne, peu
importe son instrument. Il le prend autour de la victime et les plus saints lui
serviront comme les païens. A quoi bon se plaindre des ciseaux? C’est le Père
éternel qui s’en sert comme il veut. Que de temps précieux perdu dans la
direction à cause de cette ignorance! On plaide avec la direction pour revoir
les consolations perdues, ou se plaindre des douleurs de l’émondage d’un
supérieur, ou d’une supérieure. On est découragé parce que Dieu met des bâtons
dans les roues, parce que les supérieurs restreignent notre activité. C’est
aussi imbécile que si la vigne se plaignait d’être émondée! Tout chrétien
devrait connaître cette parole de l’Evangile et s’y soumettre comme un homme!
Comme un chrétien! C’est pour nous faire produire plus de fruit! Où est le mal?
Pourquoi regimber contre l’émondage? Que d’aveugles!
Dieu agit de la sorte dans tous les degrés de
la vie spirituelle. Jusqu’à la fin de la vie et même dans les sommets avancés
de la sainteté, on garde toujours un fond d’activité naturelle intentionnelle
que Dieu ne peut supporter. C’est comme une gangrène insupportable pour lui!
C’est pourquoi à mesure que nous avançons dans la vertu, Dieu nous purifie de
plus en plus de ce paganisme latent et caché jusque dans les profondeurs du
cœur. Nous ne pourrions jamais les découvrir par nous-mêmes; alors Dieu nous
envoie des épreuves plus ou moins terribles pour nous purifier de cette
gangrène naturelle. Si nous étions plus fidèles à lutter contre tous nos motifs
naturels, nous nous épargnerions beaucoup d’épreuves.
« JE SUIS LA VIGNE ET VOUS ÊTES LES BRANCHES.
CELUI QUI DEMEURE EN MOI ET EN QUI JE DEMEURE, PORTE BEAUCOUP DE FRUIT; CAR
VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE SANS MOI ».
Il répète qu’il est la vigne pour nous
montrer encore que tous nos fruits de vertu viennent uniquement de Dieu comme
cause; notre part d’activité n’est qu’une condition pour qu’il agisse en nous.
Ainsi la récolte vient uniquement de Dieu, mais si le cultivateur n’avait pas
fait de semailles, Dieu ne lui aurait rien donné: les semailles sont la
condition pour que Dieu donne une récolte. Car sans Dieu il n’y aurait pas de
récolte, même si les semailles étaient faites.
Ceux qui veulent faire beaucoup de bien
devraient donc commencer par améliorer leur union avec Jésus. Il faut se
remplir de Dieu d’abord avant de vouloir le donner au monde. Personne ne donne
ce qu’il n’a pas. Le prêtre qui passe des heures devant le S.S. est plus
pratique que celui qui perd son temps dans toutes sortes d’organisations
extérieures pour amuser le monde. Celui qui étudie l’ascétisme et la mystique
pour mieux savoir comment se sanctifier est encore plus pratique que celui qui
lit les journaux, les revues, court les cinémas et les sports pour faire de
l’apostolat à la mode, qui n’en est pas du tout. Jésus dit que notre victoire
sur le monde viendra de notre foi et donc de ce que la foi nous montre. Il n’a
pas dit: des organisations pour amuser le peuple. En proportion que les prêtres
sont païens, ils font des organisations pour amuser le peuple.
Le Saint-Esprit a dit aux Apôtres de cesser
de perdre leur temps à distribuer des aumônes aux pauvres, mais de choisir des
laïques pour cela. C’est alors qu’ils ont institué les diacres pour ces
distributions d’aumônes. Et qu’est-ce qu’il leur dit de faire? Etre tout à la
prière pour se remplir de divin et ensuite le déverser aux fidèles par la
prédication. Voilà donc la vie des prêtres bien indiquée dès le début du
christianisme par le Saint-Esprit lui-même: se remplir de divin et ensuite le
donner aux fidèles par la prédication! Le reste doit être laissé aux laïques:
comme faire les quêtes dans les églises, ce n’est pas le rôle du prêtre et ceux
qui l’imposent aux vicaires seront punis par Dieu. Pas plus de compter les
quêtes.
Les curés ont remarqué que la quête est
meilleure quand ce sont les prêtres qui la font. Eh bien! Justement cela montre
quel païen de curé ils ont! Ils n’attaquent donc jamais les motifs naturels.
Quelle belle chance de le faire à l’occasion des quêtes! Si lui-même en
appelait aux motifs surnaturels partout et toujours, les gens seraient assez
surnaturels pour donner à l’église peu importe le collecteur. Comme ces curés
n’ont pas l’intelligence des choses de Dieu… à cause de leurs attaches de
toutes sortes: tabac, cinéma, etc…
Tous les prêtres devraient savoir qu’il n’y a
aucun bien surnaturel à attendre de tout ce qu’ils font pour des motifs
naturels comme ces organisations pour amuser le peuple. Jésus dit que notre
victoire sur le monde viendra de notre foi et donc de ce que la foi donne, donc
du surnaturel en tout et partout. Que les prêtres se sanctifient d’abord, puis
sanctifient leurs ouailles et ensuite peu importe qui fait des quêtes, les fidèles
ne donneront que pour le bon Dieu.
Que de prêtres, de religieux et de laïques
pourraient faire une heure d adoration tous les jours devant le S.S., s’ils
voulaient. Ils puiseraient là des flots de vie divine qu’ils pourraient ensuite
répandre sur leur entourage et même sur une foule d’inconnus. Est-ce que les
contemplatifs ne convertissent pas un grand nombre d’âmes qu’ils ne connaissent
pas? Que personne ne dise qu’il n’a pas le temps pour cette heure d’adoration!
Combien on en perd dans cinquante niaiseries à cœur de jour! D’ailleurs, le bon
Dieu se venge et il leur envoie des fatigues ou des maladies ou des
contrariétés qui leur font perdre plus de temps que leur heure par jour. Qu’on
l’essaie pendant un an! On s’apercevra qu’on a fait plus d’ouvrage que jamais!
Que d’exemples chez les saints qui ont fait énormément plus d’ouvrage que
n’importe qui de nos organisateurs de moyens et de motifs naturels pour occuper
le monde.
« SANS MOI, VOUS NE POUVEZ RIEN FAIRE ».
Il ne dit pas: peu; il dit rien. Puisque nous
sommes dans son monde divin qui nous dépasse infiniment, il est évident que
sans lui nous ne pouvons rien. Que pourrait faire un ver de terre en
philosophie? Eh bien! Le surnaturel nous dépasse encore plus. Le signe qu’on
est convaincu de son impuissance réside dans l’usage de la prière que nous
faisons.
Ces prêtres ou laïques qui font peu de prière
montrent que ce sont des païens qui vivent dans le monde naturel où ils se
croient capables de tout faire. Le bon Dieu ne bénit jamais ces naturels. Aussi
on les entend disputer contre leurs fidèles qui ne sont pas fervents, qui
pêchent beaucoup, etc… S’ils avaient des pasteurs surnaturels, ils auraient des
chances de les suivre! Sont dans ce groupe ces prêtres qui ne font pas de
méditation, pas d’action de grâce, pas de visite au S.S., qui n’étudient pas
l’ascétisme et la mystique, etc. Ils ne sont pas aux choses de Dieu et ils ne
sont pas capables de montrer à leurs gens comment se diviniser, puisqu’ils ne
le sont pas eux-mêmes.
La sainteté de l’apôtre est la source des
fruits qu’il fait, nous dit Jésus; donc que chacun travaille pour devenir le
plus saint possible, avec la grâce de Dieu. Pour cela, il faut étudier ces
matières, lire les meilleurs auteurs sur l’ascétisme et sur la mystique et
surtout prier pour avoir la grâce de vivre cette science divine.
« SI QUELQU’UN NE DEMEURE PAS EN MOI, IL SERA
JETÉ DEHORS COMME UN SARMENT INUTILE, IL SÉCHERA ET ON LE RAMASSERA POUR LE
JETER AU FEU ET LE BRÛLER ».
Donc celui qui n’aura pas la grâce
sanctifiante à l’heure de la mort, sera jeté au feu de l’enfer. Mais comme nous
pouvons mourir à n’importe quel moment, nous devons tout faire pour toujours
être en état de grâce. Or, nous l’avons dit souvent, les microbes qui rongent
notre vie surnaturelle sont les motifs humains que nous fournissent nos
affections humaines et naturelles. Jésus nous dit carrément que tout ce naturel
libre de notre activité est le sable qui fera crouler notre maison spirituelle.
Que chacun donc fasse la guerre à tous ses motifs naturels qui le conduiront au
péché mortel tôt ou tard. Or ce n’est pas toujours aussi facile qu’on le pense
d’entrer en grâce avec Dieu. Dieu envoie des tentations justement pour savoir
le degré de notre amour pour lui. Si on préfère la créature dans cet examen,
qui nous assure que la préférence de Dieu après la tentation vaut quelque chose
devant lui? Après qu’on s’est contenté, c’est facile de dire à Dieu que
maintenant on l’aime plus que ce plaisir qu’on vient de prendre, mais qui peut
affirmer que cela est l’amour qui donne le ciel?
« SI VOUS DEMEUREZ EN MOI ET QUE MES PAROLES
DEMEURENT EN VOUS, VOUS DEMANDEREZ TOUT CE QUE VOUS VOUDREZ ET IL VOUS SERA
ACCORDÉ ».
Dieu dit qu’il fera la volonté de ceux qui
font la sienne. « Demeurez » en moi, veut dire non seulement être en état de
grâce, mais vivre comme Jésus, avoir ses pensées, parler comme lui et agir
comme lui en être divin; c’est avoir le cœur débordant d’amour de Dieu. C’est
donc la même mesure que nous vivons comme lui qu’il exaucera nos prières. Il ne
suffit pas de faire les fervents seulement quand on prie, puis ensuite être
tout au monde comme tant de chrétiens. « Demeurer » veut dire toujours être là
avec Jésus comme son ami intime.
Par exemple que de dévotes communient tous les
jours et ensuite passent la journée à disputer contre leur entourage; elles ne
seront pas exaucées facilement. Il faut voir Jésus dans les personnes comme
dans l’hostie consacrée, quoique pas de la même manière. Si on a de l’amour
pour l’hostie, on doit en avoir aussi pour les personnes. Suivons donc la foi
partout et toujours! Pas seulement dans l’église. Aimons Dieu partout où il se
montre et tel qu’il se montre. Jésus n’était pas beau à voir tout couvert de
crachats et de sang durant sa passion, mais c’était Dieu quand même! Pour
exercer notre foi, il se présente sous les espèces du pain dans l’Eucharistie
et sous les espèces de toutes sortes de personnes dans le monde; respectons-le
partout!
Quand on a des faveurs à solliciter d’un
homme, est-ce qu’on l’insulte avant? Qu’on le méprise? Eh bien! Si on veut des
faveurs de Dieu, faisons-lui plaisir partout et toujours puisque nous avons
besoin de lui partout et toujours. N’allons jamais enfreindre une seule de ses
lois et de ses bons plaisirs et alors nos prières auront des chances d’être
exaucées. Jésus dit: « Si mes paroles demeurent en vous ». Or, ses paroles sont
dans les Ecritures et elles ne comprennent pas seulement les commandements de
la loi naturelle! Elles comprennent aussi le mépris des créatures et la folie
de la croix ou le renoncement à soi-même avec toutes ses conséquences pratiques
pour la vie. Quand on aime, on aime toutes les paroles et toutes les volontés
de la personne aimée. Qu’on applique le même principe à Jésus!…
« COMME MON PÈRE M’A AIMÉ, JE VOUS AI AUSSI
AIMÉ. DEMEUREZ DANS MON AMOUR ».
Dans ce « comme », il n’y a pas que le fait
d’aimer, mais aussi la manière et le degré. Il nous a aimés de toute éternité
et d’un amour infini. Son Père a voulu dans son Fils incarné une créature qui
lui donnerait une gloire infinie et un amour infini à cause de son union dans
la personne du Verbe. Le Père a voulu donner un bonheur infini et éternel à
cette même créature.
Eh bien! Jésus nous aime de la même façon: il
veut faire de nous des enfants de Dieu qui lui donneraient une gloire et un
amour multipliés dans chaque catholique qui se laisserait diviniser par Jésus.
C’est l’amour que son Père a eu pour lui que Jésus nous donne en se donnant à
nous. Il a mis toutes ses complaisances en Jésus, nous aussi nous devons mettre
toutes nos complaisances en Jésus. Nous devons chercher notre bonheur
uniquement en lui et dans les choses qui l’intéressent. N’oublions pas que
c’est un amour surnaturel qu’il nous a donné et donc c’est un amour surnaturel
que nous devons lui donner. Or l’amour surnaturel s’acquiert par le sacrifice
de l’amour naturel pour les créatures. En proportion qu’on aime Dieu de l’amour
qu’il a eu pour nous, on se sépare des créatures pour donner tout son cœur à
Dieu seul.
Comme Jésus nous a aimés jusqu’à donner sa
vie pour l’amour de nous, ainsi nous devons aimer tellement Jésus que nous
soyons prêts à donner notre vie pour lui. Combien le font? Ce ne sont pas ceux
qui pêchent dans les tentations qui aiment Jésus. Ils lui préfèrent un
échantillon passager, un plaisir d’un instant au bonheur éternel avec Jésus.
Ils ne l’aiment donc pas. Si on est prêt à donner sa vie pour l’amour de Dieu,
on devrait être capable de lui donner n’importe quel plaisir qui se présente à
tout instant de la vie. Le Père éternel nous a donné non seulement le droit au
ciel, mais aussi le roi du ciel, donc tout ce qu’il avait de meilleur. Eh bien!
Si nous voulons aimer Dieu comme il nous a aimés, donnons-lui aussi tout ce que
nous avons de meilleur: notre vie humaine, notre bonheur naturel et tout notre
amour pour les créatures!… Alors nous aimerons Jésus un peu comme il nous a
aimés!
Pour nous, il manifeste son amour en donnant
sa vie pour nous; si donc nous voulons l’aimer comme il nous a aimés, nous
devrions donner notre vie pour le prochain. Ce n’est pas probable que Dieu nous
donne l’occasion d’être crucifiés pour le prochain, mais que de petits
sacrifices il nous demande au jour le jour pour la conversion du monde. Chaque
fois qu’on lui offre une peine, une douleur, une souffrance en union avec
Jésus, c’est notre part du crucifiement de Jésus qui va au salut du prochain.
C’est souffrir ce que Saint Paul dit qui manque à la passion du Christ. Que
chaque chrétien se lève tous les jours avec l’idée bien arrêtée qu’il doit
faire sa part pour le salut du monde en endurant les petites croix que Dieu va
mettre sur son chemin aujourd’hui. Cela donne un but merveilleux à la vie! Le
chrétien se sanctifie lui-même, afin d’avoir plus d’accès aux trésors célestes
de grâce pour aider à sauver le monde avec la grâce de Dieu.
Ceux-là seuls qui ont ce zèle de sauver leurs
frères ont l’amour que Jésus a eu pour nous. Seuls ils ont la vie que Jésus a
menée sur la terre, la vie d’un sauveur pour ses frères. Comme ils sont rares!
Que Dieu les multiplie davantage pour sa plus grande gloire et le salut du
monde!
« MON COMMANDEMENT EST QUE VOUS VOUS AIMIEZ
LES UNS LES AUTRES COMME JE VOUS AI AIMÉS. PERSONNE NE PEUT AVOIR UN PLUS GRAND
AMOUR QUE DE DONNER SA VIE POUR SES AMIS ».
Il répète encore comment nous devons nous
aimer: comme il nous a aimés en donnant notre vie pour le prochain. Il l’insinue
ici, mais Saint Jean le dit carrément: que nous devons nous aimer jusqu’à
donner notre vie pour le prochain comme Jésus a fait pour nous. Ceux donc qui
veulent bien aimer le prochain à condition qu’il ne leur en coûte rien n’ont
pas l’amour que Jésus a eu pour nous. Pensons-y sérieusement. Ce n’est pas une
ressemblance de luxe, mais absolument nécessaire pour le salut. Ce n’est pas
facile de mettre le doigt sur tel acte, mais une raison de plus d’en faire une
vie de sacrifice pour sauver le prochain comme la vie de Jésus a été un long
sacrifice pour nous sauver.
Dieu nous a aimés lorsque nous étions ses
ennemis et en état de péché; eh bien! nous aussi nous devons aimer tous les
hommes sans exception et malgré leurs défauts et leurs vices. Ce n’est pas si
difficile qu’on ne le pense si on monte dans l’ordre surnaturel. Là la foi nous
dit que Jésus l’aime et qu’il est un membre du corps mystique de Jésus, qu’il
faut l’aimer sous peine de damnation! Comme ces considérations facilitent
l’amour des ennemis! J’aime bien mon bras, mais s’il était question de me
l’amputer sous peine de mort, je sacrifierais volontiers ce bras que j’aime
tant. Mais j’aime ma vie encore plus. Je n’aime pas un tel, mais je n’aime pas
non plus l’enfer! Entre les deux je préfère aimer cet homme que d’être damné
éternellement…
« VOUS ÊTES MES AMIS SI VOUS FAITES LES
CHOSES QUE JE VOUS COMMANDE ».
Que de fois Jésus répète que l’amour est dans
les œuvres! Il ne suffit pas de savoir cette vérité, de l’accepter de tête,
comme font tant de philosophes et ceux qui les suivent. Il ne suffit pas non
plus d’observer le premier commandement qui mobilise absolument tout notre
amour pour Dieu seul. Or, pour lui montrer cet amour, il faut retirer
absolument tout notre amour des créatures et de soi. Ce point seul fait
pratiquer une bonne partie de l’Evangile ordinairement négligée par nos
philosophes: l’évangile du renoncement à soi et le mépris des créatures, ce que
les prêtres prêchent rarement!
Remarquons que ces recommandations de Jésus à
l’heure de sa mort roulent surtout sur l’amour de Dieu d’une façon concrète et
pratique. Nos philosophes n’ont rien saisi ici. Ils en font une question de
justice et de péché. Ils se contentent de faire éviter le péché et tout finit
là. C’est absolument insuffisant; c’est de l’amour positif que Dieu veut. Jésus
ne s’est pas contenté d’effacer nos péchés, il nous a donné en plus sa vie
divine et son bonheur divin. Eh bien! Cet amour céleste doit commencer dans la
foi sur terre pour se continuer là-haut. La beauté de Jésus ne consiste pas
seulement dans l’absence de péché mortel, mais dans ses perfections divines que
nous devons tous essayer de reproduire autant que possible avec la grâce de
Dieu. Il exige un amour absolument divin et surnaturel de Dieu et du prochain,
après qu’on s’est débarrassé de ses péchés. Qu’on ne croie donc plus que la
grâce sanctifiante est l’absence de péché mortel, comme certains enfants du
catéchisme disent sottement.
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