dimanche 21 octobre 2018

Père Onésime Lacouture - 3-31 - Le Sacré-Coeur



TRENTIÈME INSTRUCTION LE SACRÉ-CŒUR.

« Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné pour leur témoigner son amour… » Jésus à Sainte Marguerite-Marie.

Nous venons de méditer sur les principaux bienfaits de Jésus pour gagner l’amour des hommes: la prédication de sa doctrine céleste, son sacrifice sur la croix pour expier nos péchés, l’institution de la Messe, de l’Eucharistie et de la sainte Communion. Qu’aurait-il pu faire de plus pour se donner à nous dans la foi?
Les hommes ont là tout ce qu’il faut pour augmenter en amour de Dieu constamment. Un grand nombre de saints ont montré ce fait par la grande sainteté qu’ils ont acquise en alimentant leur vie divine dans ces moyens merveilleux que Jésus nous a laissés. A force de participer à cette vie divine eucharistique, ils sont devenus vraiment semblables à Jésus en tout: ils pensaient comme lui, parlaient et agissaient comme lui: ils rayonnaient Jésus dans toute leur vie.

Hélas! Pourquoi sont-ils si peu nombreux comparés aux autres? Ces derniers se sont laissés ensorceler par l’attrait des plaisirs terrestres, leur cœur en est plein et il n’y a plus de place pour Jésus dans leur hôtellerie! Leur animal est plus attiré par les plaisirs sensibles de ce monde que leur esprit ne l’est par les biens invisibles mais incorruptibles du ciel. Il semble bien qu’à chaque génération, il faut recommencer le travail d’instruction religieuse sur le plan divin pour notre salut. Peu de parents sont capables de passer à leurs enfants les vérités de la foi qu’ils ont reçues: surtout les deux fondamentales du mépris des créatures et de la folie de la croix. C’est la pratique de ces deux choses qui vide le cœur de nos deux amours naturels qui empêchent absolument l’amour de Dieu d’y pénétrer. C’est inutile de parler de dévotion à l’amour du Sacré-Cœur si on ne commence pas par rejeter du cœur ces deux amours païens.

Comme on a vu dans le cours de nos instructions, les prêtres philosophes n’ont pas ce qu’il faut de doctrine pour pouvoir chasser des fidèles ces deux amours. Au contraire, ils donnent une doctrine qui les protège comme on peut le voir par leur propre vie en général toute aux choses de la terre.

A travers les âges, Dieu a essayé de remettre devant les hommes le culte de son amour divin en choisissant des saints qui ont été embrasés de l’amour de Dieu et en particulier de l’amour du Sacré-Cœur, dans l’espérance qu’ils communiqueraient leur feu sacré aux hommes. C’est ce mouvement que nous appelons:

LA DÉVOTION AU SACRÉ-CŒUR

Elle consiste à honorer d’une façon spéciale l’amour que J.-C. a manifesté aux hommes durant sa vie terrestre et, surtout, elle nous encourage à donner beaucoup plus d’amour à notre Divin Sauveur, afin de l’imiter un peu dans son amour pour nous.

Nous allons méditer sur cette dévotion dans l’intention de nous embraser de cet amour divin qui jaillit éternellement du Cœur Sacré de J.-C. en faveur des hommes… qui y répondent si peu. Ne soyons plus de ces ingrats, mais consolons le Sacré-Cœur en nous efforçant de mieux comprendre cette dévotion et mieux la pratiquer. Dieu est amour et étudier l’amour, c’est étudier Dieu pour le mieux aimer et le mieux servir.

SON HISTOIRE, pas au point de vue critique, mais ascétique. Nous voulons simplement jeter un coup d’œil sur les âmes privilégiées qui semblent avoir été choisies pour faire ressortir l’amour du Sacré-Cœur pour les hommes, afin de les embraser de ce même amour divin.

Durant les premiers siècles, l’attention des fidèles se portait surtout sur la compréhension des vérités révélées: il faut d’abord connaître avant d’aimer. Evidemment, ces premiers chrétiens aimaient Dieu, mais le temps n’était pas encore venu d’attirer l’attention des fidèles sur cet amour en particulier. Après quelques siècles, Dieu attira l’attention de quelques bonnes âmes sur son amour représenté ou mieux placé dans son divin Cœur. Comme le cœur est le foyer de l’amour selon les idées, Jésus commença à inspirer le culte de son Sacré-Cœur comme symbole de son amour divin pour nous. Citons quelques passages des saints qui en parlent.

Un jour Jésus prend le cœur de Sainte Mechtilde et le presse contre le sien si bien qu’ils n’en font plus qu’un seul cœur. Un autre jour, il lui dit comment il faut demander à son cœur tout ce dont on a besoin. Elle écrit: «S’il fallait écrire tous les bienfaits que j’ai reçus du cœur tout aimant de Dieu, il y faudrait un livre plus gros que celui de Matines».

Dans le «Héraut de la tendresse divine», Sainte Gertrude révèle le rôle et l’action du Sacré-Cœur dans l’économie de la gloire divine et de la sanctification des âmes. En la fête de Saint Jean, elle le vit qui l’amena à Jésus et la plaça à la droite de Jésus et lui dit: «Je t’ai placée à l’ouverture du Cœur divin, afin que tu puisses en tirer plus aisément la douceur et la consolation que dans le bouillonnement perpétuel, l’amour divin répand avec impétuosité sur tous ceux qui le désirent». Il lui dit aussi «que sa mission à lui avait été de faire connaître le Verbe au monde, mais que Jésus avait réservé de faire connaître son amour plus tard».

Saint Bernardin de Sienne dit dans serm. 51 pour le vendredi saint: «La lance cruelle a pénétré jusqu’au fond, sans rien épargner. L’ouverture du côté nous fait connaître l’amour du Cœur de Jésus jusqu’à sa mort et nous invite à marcher vers cet amour ineffable qui l’a fait venir à nous.

Allons donc à son Cœur, cœur profond, cœur secret, cœur qui pense à tout, qui sait tout, cœur qui aime ou plutôt qui brûle d’amour: la porte est ouverte: « comprenons par là la vivacité de son amour ».

Tauler, dans Ex. sur vie et passion de N.S., dit: «Le côté du Christ a été percé non loin du cœur pour nous ouvrir l’entrée de ce cœur… On voit son amour incompréhensible; il se donne tout entier pour nous; il ne garde rien dans son cœur qu’il ne nous le donne. Qu’a-til pu faire davantage pour nous? Son cœur même, il nous l’a ouvert comme sa chambre secrète, pour nous y introduire comme son épouse de choix… Il nous a donné son cœur cruellement blessé pour y faire notre demeure, jusqu’à ce que pleinement purifiés, sans tache, conformes à son cœur, nous soyons capables et dignes d’être emmenés avec lui dans le Cœur divin du Père; il nous donne son cœur pour notre demeure et, en retour, il nous demande le nôtre «pour s’y reposer».

A Sainte Catherine de Sienne, Jésus dit un jour: «Mon désir concernant la race humaine était infini et l’acte présent de la souffrance et des tourments était fini. Par cette souffrance, je ne pouvais donc vous manifester combien je vous aimais puisque mon amour était infini. Voilà pourquoi j’ai voulu vous révéler le secret du cœur en vous le faisant voir ouvert, pour que vous compreniez bien qu’il vous aimait bien plus que je n’avais pu vous le prouver par une douleur finie».

Voilà, à mon avis, la plus belle pensée que je n’ai jamais vu exprimée dans la dévotion au Sacré-Cœur! L’amour de J.-C. déborde, donc sa passion et sa mort, dépassent tout ce qu’il a pu nous montrer par son sacrifice épouvantable sur la croix. Il nous avait dit pourtant que personne ne peut montrer plus d’amour pour ses amis qu’en mourant pour eux. Eh bien! Lui, il en montre encore plus en faisant ouvrir son côté pour manifester son Cœur et donc son amour infini qu’il n’a pas pu nous donner! Mais qu’il nous insinue par la plaie de son cœur divin. C’est donc nous dire que nous ne pourrons jamais en faire assez pour contenter son amour qui n’a pas de limite. Puisque la vie est si courte, commençons tout de suite et le plus ardemment possible. Quel dommage que nos cœurs gelés ne puissent pas se réchauffer un peu à cette fournaise infinie d’amour divin! Nous ne prions pas assez pour cet amour infini!

Saint Jean Eudes a écrit un beau livre sur les amabilités du Cœur de Jésus et de Marie. Il a ainsi contribué grandement à faire accepter cette dévotion.

Avec les siècles, le nombre des dévots au Sacré-Cœur augmente considérablement et la dévotion se précise de plus en plus. On peut les résumer tous dans ce que Notre Seigneur dit un jour en 1675 dans une apparition devenue bien célèbre, à Sainte Marguerite-Marie Alacoque.

« Etant une fois devant le Saint Sacrement un jour de son octave, je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour et me sentis touchée du désir de quelque retour et de lui rendre amour pour amour. Il me dit: « Tu ne peux m’en rendre un plus grand qu’en faisant ce que je t’ai tant de fois demandé ». Alors, me découvrant son Cœur: « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et consumer pour leur témoigner son amour; et pour sa reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes et sacrilèges et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour.

Mais, ce qui m’est encore plus sensible, c’est que ce sont des coeurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi, après l’octave du Saint Sacrement, soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là et en faisant réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin Cœur et amour sur ceux qui lui rendront cet honneur et qui procureront qu’il lui soit rendu».

L’Eglise a approuvé cette dévotion en établissant la fête demandée et en canonisant Marguerite-Marie. Nous développerons les paroles citées plus haut en expliquant les différents points suivants. Examinons ce culte un peu dans le détail, afin de le mieux comprendre et le mieux pratiquer.

SON OBJET.

A cause de l’union dans la Personne du Verbe, tout le corps de Jésus est adorable et chacune de ses parties. Les Apôtres qui voyaient Jésus corporellement pouvaient et devaient l’adorer comme au ciel. De même, chaque partie appartient à Dieu et donc doit être adorée.

Mais à cause de la concupiscence et des mauvais penchants des hommes, l’Eglise n’encourage pas cette adoration: elle défend même de le faire en public, excepté pour la Sainte Face. Alors, on comprend la répugnance des théologiens à permettre la dévotion au Sacré-Cœur, par crainte qu’on veuille adorer d’autres parties du corps moins convenables. Enfin, elle a fini par approuver ces deux dévotions.

L’Objet matériel est le cœur de chair de Jésus; celui-là même qui s’est dépensé pendant trente-trois ans au salut du monde, qui s’est fatigué dans ses travaux manuels et dans ses courses apostoliques pour instruire et guérir les hommes. C’est ce Cœur qui a pleuré sur les malheurs des hommes et qui a tant prié pour le salut du monde. Enfin, c’est ce cœur qui a été transpercé par la lance du soldat après sa mort et qui a répandu tout son sang et de l’eau. Voilà le Cœur que Jésus a montré dans ses apparitions à Sainte Marguerite-Marie. Il commence par nous montrer quelque chose de sensible pour arriver ensuite à son amour invisible et divin. Voilà l’objet matériel de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus.

Pourquoi le cœur? C’est parce que dans le langage courant des peuples, le cœur est le symbole de l’amour. Peu importe ce que les physiologistes pourraient découvrir au sujet de la fonction spéciale du cœur, il suffit que selon l’opinion ordinaire des hommes il soit l’emblème de l’amour pour qu’il puisse servir d’objet à cette dévotion.

L’objet formel ou l’angle sous lequel on étudie le Cœur de Jésus est son amour qu’il représente. Les deux objets sont signifiés par Notre Seigneur quand il dit: «Voilà ce Cœur (Objet matériel) qui a tant aimé les hommes (objet formel)». Dans la pratique, il ne faut pas les séparer: ils sont comme le corps et l’âme de la dévotion.

L’Eglise dit pourquoi le Cœur est représenté comme blessé. «Votre Cœur a été blessé pour signifier que votre amour était blessé par les ingratitudes des hommes: par la blessure visible, nous voyions la blessure invisible de l’amour».

La sainte explique elle-même le symbolisme de la couronne d’épines surmontée d’une croix. « Ce divin Cœur me fut présenté comme dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable. Il était environné d’une couronne d’épines qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient et une croix au-dessus qui signifiait que dès les premiers instants de son incarnation, la croix y fut plantée ».
L’amour et le sacrifice résument toute la dévotion. «Il nous a aimés et s’est livré pour nous». C’est toute l’œuvre de J.-C.

Comme Dieu est amour et que celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui, la dévotion au Sacré-Cœur nous jette en plein amour divin. C’est comme la porte de l’amour infini de Dieu pour nous. Si elle a été ouverte cruellement par la lance, c’est pour nous rappeler la nécessité de l’expiation avant d’arriver à l’amour. C’est le terme de cette dévotion.

Prenons garde de nous contenter de ces idées comme les philosophes ont coutume de faire. Il ne s’agit pas de savoir la nature de cette dévotion: il s’agit de la vivre, de la pratiquer dans le concret. Jésus ne nous a pas parlé seulement de son amour, mais il nous l’a montré par sa vie et par ses actes bien concrets. Il nous a aimés jusqu’à mourir sur la croix pour nous. Nous aussi, nous devons mourir mystiquement en tuant nos deux amours naturels qui constituent notre personnalité morale à laquelle Jésus veut que nous renoncions. Il faut que chacun puisse dire comme Saint Paul: «Ce n’est plus moi qui vis, c’est J.-C. qui vit en moi!». Voilà de l’amour concret! Combien se laissent traiter comme un cadavre ou comme une statue sans rien dire si on les insulte, si on les méprise, si on les frappe même! Tout chrétien doit être mort à tous les mauvais traitements que les hommes peuvent lui infliger. Voilà aimer comme Jésus nous a aimés! En êtes-vous tous?

SA FIN est indiquée par Sainte Marguerite-Marie: c’est de convertir les âmes à son amour. C’est normal: l’amour veut toujours de l’amour. Quel amour de Jésus est-ce? L’amour créé de sa nature humaine ou l’amour incréé du Verbe? La Congrégation des Rites du 4 avril 1900 dit: «Une solennité qui n’a pas seulement pour objet d’adorer et de glorifier le Cœur du Fils de Dieu fait homme, mais de renouveler symboliquement le souvenir du divin amour qui a poussé le Fils unique de Dieu à prendre la nature humaine…». Puisque c’est l’amour du Verbe Incarné que nous honorons, c’est donc l’amour de la Personne qui comprend ses deux natures et donc ses deux amours: humain et divin. Cette dévotion, d’abord, ce n’est pas dans les sentiments comme lorsqu’on nous mène tout naturellement à la Personne de J.-C.: c’est lui qui montre son Cœur, c’est lui qui demande l’amour des hommes pour honorer son amour pour les hommes. Comme nous adorons et honorons ses deux natures, c’est aussi ses deux amours que nous honorons par la dévotion au Sacré-Coeur.

En pratique, il est mieux de commencer par honorer son amour humain comme plus proche pour ainsi dire et plus semblable au nôtre. Puis de là, monter à son amour divin.

Car Jésus s’est fait homme précisément pour nous attirer plus facilement à son humanité et de là à sa divinité. Pour nous, comme nous n’avons qu’un cœur, c’est par ce cœur bien humain que nous devons aimer ses deux amours réunis dans la Personne du Verbe. Nous devons aimer Dieu comme nous nous aimons entre nous. Jésus nous dit: «Donne-moi ton cœur!». Il n’a pas dit: ta tête ou ton esprit. Un amour de tête ou intellectuel, comme tant de philosophes se contentent d’avoir pour Dieu, ne vaut pas grand-chose devant Dieu et ne suffit certainement pas pour le ciel. Donc savoir qu’il faut aimer Jésus ne suffit pas: il faut l’aimer de fait! Comment peut-on le faire?

D’abord, ce n’est pas dans les sentiments comme lorsqu’on éprouve de l’amour pour une personne sur la terre. Comme Dieu est invisible, il nous faut nous conformer à cette condition. Il faut le faire par la volonté, où je suis toujours libre. Dès que je réfléchis sur ce qu’est J.C. pour moi, je puis toujours faire un acte de volonté et dire: «Je veux l’aimer!». Et sincèrement! Je l’aime! Et quand même mon cœur reste sec comme un morceau de bois, c’est du véritable amour de Dieu si j’agis ensuite dans ma vie selon cette parole ou cet acte de volonté. Estce que je ne pourrais pas me décider de vouloir du bien à une personne que je n’aime pas naturellement? Est-ce que Jésus ne nous commande pas d’aimer nos ennemis? Dans ce cas, faut-il sentir de l’attrait pour ces gens? Sûrement non. Mais, il faut vouloir leur faire du bien et de fait leur en faire, quand même on n’éprouve aucun sentiment doucereux à leur égard comme on fait pour ses amis. Combien plus devrions-nous agir de la sorte envers notre Dieu! Pour cet amour surnaturel, il nous faut la grâce de Dieu que nous devons demander souvent et avec ferveur si nous voulons ressembler à Jésus dans son amour pour nous.

Mais n’oublions-pas que la prière ne suffit pas. Est-ce qu’un cultivateur récolterait du grain s’il se contentait de prier pour une récolte? Sûrement non! Il faut qu’il coopère à sa façon avec Dieu, comme en semant du grain. Il en est exactement de même dans le monde spirituel. Il est bon de prier, mais il faut en plus faire des sacrifices de nos deux amours pour récolter l’amour surnaturel de Dieu. En proportion qu’on se mortifie donc, on recevra l’amour divin de Jésus. Trop de gens se contentent de prier: c’est absurde comme si les cultivateurs voulaient cultiver seulement en priant! Jamais ils ne récolteraient quoi que ce soit. Il faut donc les deux réunis: la prière et les sacrifices. Tout le monde manque surtout au second moyen. Qu’on y voit à 1’avenir! Savoir cultiver ne suffit pas pour récolter! Savoir qu’il faut se mortifier pour augmenter en amour divin ne donnera absolument rien sans les semailles des plaisirs terrestres… en proportion qu’on veut récolter du divin.

Comme la volonté s’affectionne à ce que l’esprit lui montre souvent, que tout chrétien essaie de penser souvent aux bienfaits qui nous viennent de Jésus, et graduellement, et avec la grâce de Dieu il viendra à saisir cet amour de Jésus pour lui et il voudra l’aimer en retour, surtout s’il fait des sacrifices pour mériter la grâce de Dieu. Une vue d’ensemble de ces bienfaits ne touche pas beaucoup d’ordinaire: il vaut mieux en considérer un en particulier et dans le détail. D’autant plus que chacun en particulier nous apporte tant de bonheur éternel qu’il devrait suffire à emporter notre amour pour J.-C.

La genèse de l’amour divin en nous est assez lente, comme la croissance du grain dans la terre l’est. Mais si le cultivateur fait bien sa part, Dieu fera la sienne aussi. Si un chrétien laboure son cœur par le repentir et la pénitence, s’il arrache les mauvaises herbes du péché et des attaches même permises, en hersant bien son cœur comme le cultivateur fait pour son terrain qu’il ensemence, il est certain que la prière Dieu aidant fera enfin germer l’amour divin dans ce cœur si bien préparé et avec la pluie de la grâce et la chaleur de l’Esprit Saint comme du soleil, Dieu fera croître l’amour divin dans ce cœur… mais en proportion qu’on sème son amour pour les échantillons… qu’on fait des sacrifices!
SES ÉLÉMENTS

LA RECONNAISSANCE vient en premier lieu devant l’interminable série des bienfaits de J.-C. envers nous. Mais il se plaint qu’il ne reçoit que des ingratitudes de la plupart des hommes et même de ses consacrés. La reconnaissance est une des premières manifestations de l’amour. Quand on aime, on estime tout ce que l’on reçoit et le donateur encore plus. C’est pour cet amour qu’on lui exprime sa gratitude.

Les hommes sont ingrats envers Dieu parce qu’ils ne savent pas apprécier les bienfaits surnaturels: ils sont tellement aux choses des sens qu’ils y mettent tout leur amour, de sorte qu’il ne leur en reste pas ou trop peu pour les choses de la foi. De plus, c’est que le Saint-Esprit ne donne guère sa grâce à ceux qui ont mis leur cœur dans les choses de la terre. Ils ne sont pas éclairés surnaturellement, alors ils ne comprennent rien aux choses de Dieu. Ils apprécient ce qui leur donne un plaisir momentané et ils sont insouciants pour ce qui les rendrait éternellement heureux au ciel! Voilà le mal que font les attaches même aux choses permises… et que nos prêtres philosophes tolèrent.

Voici une pensée qui augmente beaucoup notre reconnaissance envers J.-C. C’est que tous ses bienfaits sont absolument gratuits, il n’était pas tenu d’aucune façon de nous les octroyer, il l’a donc fait par pur amour pour nous! Montrons-lui donc de la reconnaissance.

De plus, ses bienfaits nous conduisent au bonheur éternel si nous les apprécions réellement. Il veut nous rendre heureux avec lui et comme lui au ciel. Pensons-y sérieusement et nous lui donnerons de la reconnaissance. Là encore, soyons reconnaissants dans la volonté et par la volonté, peu importe ce que l’on ressent en soi. La volonté est toujours libre et nous devrions nous habituer à nous en servir simplement parce qu’on veut! Est-ce que je ne puis pas dire même dans toute la sécheresse de mon âme: «Mon Dieu, je veux vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi, et je vous remercie de toute ma volonté libre et pour vous faire plaisir. Vous me donnez le ciel et je ne pourrais pas vous donner ma volonté? Encore une fois: merci pour vos bienfaits divins!».

Prenons donc l’habitude de remercier Dieu souvent durant le jour. Mais, pour cela, il ne faut pas repasser son temps à courir après les échantillons de Dieu qui ne valent rien pour le ciel. Si on les aime tant qu’on s’en occupe la plupart du temps, il est évident qu’on n’appréciera jamais les bienfaits surnaturels de Dieu et donc qu’on ne sera jamais reconnaissant pour eux.

LA RÉPARATION est essentielle à la dévotion au Sacré-Cœur. C’est pour nous l’indiquer qu’il se montre entouré d’une couronne d’épines et surmonté d’une croix. N’oublions pas que nous sommes les membres du corps mystique de Jésus et donc que nous formons un tout avec lui: ses membres doivent donc passer par où il a passé, souffrir comme il a souffert. Notre Chef a commencé notre rédemption et nous devons la continuer par nos sacrifices comme lui par les siens.

Son amour pour nous l’a poussé à se livrer à ses bourreaux pour expier nos péchés et nous mériter le ciel. Or, c’est nous qui sommes les vrais coupables: à plus forte raison devons-nous expier en nous-mêmes nos propres péchés. Défions-nous du sens protestant que nous sommes dispensés de souffrir, puisque Jésus a souffert pour nous. Ce «pour nous» ne veut pas dire: à notre place, mais en notre faveur. Jésus a satisfait la justice divine de telle sorte qu’elle accepte maintenant nos expiations qu’elle n’aurait jamais acceptées si elles n’étaient unies à celles de Jésus. Les siennes donnent de la valeur aux nôtres. Saint Paul nous avertit bien que nous régnerons avec lui, pourvu que nous souffrions avec lui, J.-C. Jésus le dit clairement à la mère des fils de Zébédée qui lui demande les premières places au ciel. Jésus lui répond qu’elles correspondent à la portion de son calice qu’ils devront boire.

Qui n’a pas eu un ami parfois humilié, insulté et peut-être blessé par des méchants? Que fait-on alors? On tâche de lui faire tout le contraire pour lui faire oublier ses outrages et sympathiser avec lui pour le consoler.

Eh bien! A-t-on jamais eu un meilleur ami que Notre Seigneur et qui ait été plus maltraité par ses ennemis? Ne pouvons-nous rien trouver dans notre cœur pour le consoler des ingratitudes des hommes? Si on a un brin d’amour pour lui, peut-on garder le silence? Rester indifférent? Est-ce qu’on n’éprouve pas un peu de peine de ses horribles souffrances, un peu de dégoût de voir si peu de gens lui en témoigner leur sympathie? Si on voyait un étranger traité de la sorte, on en serait indigné… et c’est notre Dieu, Notre Sauveur, qui a donné son sang pour nous donner le ciel… et nous n’avons rien à lui dire, rien à lui donner! Pas un cri du cœur pour le consoler! Pas une larme pour lui montrer notre amour!… Et dire que nous serions allés en enfer pour la plupart sans son sacrifice!

Même la réparation qu’il a demandée lui-même est escamotée par un trop grand nombre de catholiques. Que de routine s’y glisse! Combien prennent au sérieux les beaux sentiments exprimés dans la formule ordinairement récitée le premier vendredi du mois? Essayons à l’avenir d’être plus réfléchis dans cette réparation.

Qu’on passe aux actes concrets de réparation. Qu’on lui offre des sacrifices réels, comme une heure d’adoration, un jeûne au pain et à l’eau comme les premiers chrétiens jeûnaient; qu’on cesse de fumer pour l’amour de Jésus; d’aller aux vues, aux amusements.

Qu’on fasse souffrir le païen sérieusement par toutes sortes de manières que notre amour pour Jésus Crucifié pourra nous suggérer sans excès tout de même. Alors, nos communions et nos messes et tous nos actes de religion prendront une grande valeur expiatrice devant Dieu pour le plus grand bien du monde et la gloire de Dieu. Son Sacré-Cœur alors sera vraiment consolé et nous aurons bien mérité de son divin Cœur qui nous en récompensera abondamment dans le ciel. Réparons vraiment!

L’IMITATION. 

Puisque la divine sagesse a choisi une vie de souffrances pour J.-C., il est évident qu’elle veut la même sorte de vie pour les membres de son corps mystique. Jésus nous l’enseigne de bien des façons: par ses exemples et par ses paroles. «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il prenne sa croix tous les jours et qu’il me suive!». Saint Paul dit que nous régnerons avec Jésus si nous souffrons avec lui. Il dit aussi que le Seigneur châtie tous ceux qu’il aime et qu’il frappe de verges tous ceux qu’il choisit pour ses enfants. Saint Pierre dit que c’est notre vocation de souffrir les mauvais traitements à l’exemple de Jésus: quand on le maudissait, il ne répondait point par des injures, quand on le maltraitait, ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à ceux qui le jugeaient injustement.

Il n’y a rien de consolant pour le Sacré-Cœur que d’avoir des amis pour souffrir avec lui et lui aider à porter le poids de la justice divine. Il dit qu’on ne peut pas montrer plus d’amour pour ses amis qu’en mourant pour eux. Eh bien! C’est une grande preuve d’amour de Jésus que de faire mourir son païen pour l’amour de lui. Or, on tue son païen par la mortification et par la souffrance acceptée pour l’amour de Dieu.

Comme Jésus n’avait pas de personne humaine en lui, on lui montre un grand amour en lui immolant notre moi païen qui est notre personnalité. Rien n’est plus dur pour l’homme que de s’anéantir devant son Dieu. C’est comme Abraham immolant son fils unique, Isaac, qu’il aimait tant. Que de sacrifices pratiques et bien pénibles sont compris dans cette mort du moi! Qu’on en fasse l’expérience en ne faisant jamais sa propre volonté, mais uniquement celle de Dieu toujours et partout.

SES MOTIFS

SA SOLIDITÉ. 

Les autres dévotions sont pour nous conduire à l’amour de Notre Seigneur, mais celle-ci est la dévotion à l’amour même de J.-C. Elle est indépendante des révélations à Sainte Marguerite-Marie qui n’ont été que l’occasion de cette dévotion. Elle découle naturellement de l’Incarnation et son objet nous a été indiqué du haut de la croix quand son cœur a été transpercé par la lance du soldat. Il devance même l’Eglise signifiée par le sang et l’eau qui sortirent de son côté ouvert pendant sa mort sur la croix comme Eve fut tirée du côté ouvert du premier Adam pendant son sommeil.

Cette dévotion nous met devant l’esprit pratiquement tout le plan divin pour notre salut comme tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu qui sont renfermés dans J.-C. Or, la porte d’entrée à toutes ces grâces est évidemment son amour divin ou son Sacré-Cœur. C’est donc une dévotion solide.

DÉSIR DE NOTRE SEIGNEUR. 

Il suffira d’apporter un texte qui résume tous les autres déjà cités. «Je suis venu apporter le feu sur la terre et que désiré-je sinon qu’il s’enflamme». On sait que ce feu est son amour. Il est venu nous apporter Dieu, et Dieu, c’est l’amour. Par le premier commandement, il immobilise toutes les forces de notre âme en faveur de l’amour divin: il veut donc que nous l’aimions.

Que de fois il s’est plaint à ses saints qu’il ne recevait pas l’amour des hommes qu’il méritait pour tout ce qu’il a fait pour nous!

Quel mystère que l’amour même qui quête de l’amour de ses créatures! Donnons-lui en donc!

PROMESSES DE NOTRE SEIGNEUR À CEUX QUI LUI SONT DÉVOUÉS.

Elles montrent combien il tient à notre amour et combien il nous récompense même en ce monde de la foi.

1)         Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires dans leur état.
2)         Je mettrai la paix dans leur famille.
3)         Je les consolerai dans toutes leurs peines.
4)         Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à la mort.
5)         Je répandrai d’abondantes bénédictions sur leurs œuvres.
6)         Les pécheurs trouveront là la source et l’océan de miséricorde.
7)         Les âmes tièdes deviendront ferventes.
8)         Les âmes ferventes s’élèveront à une grande perfection.
9)         Je bénirai les maisons où l’image de mon cœur sera exposée
10)       Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs endurcis.
11)       Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom inscrit dans mon cœur et il n’en sera jamais effacé.
12)       Je te promets dans l’excessive miséricorde de mon cœur que son amour tout puissant accordera à tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis du mois de suite la grâce finale de la pénitence: ils ne mourront point de ma disgrâce, ni sans recevoir leurs sacrements; mon divin cœur se rendant leur asile assuré en ce dernier moment.

Voici un bon résumé de ce que Jésus veut de nous tous pour lui montrer notre amour. On peut en garder le souvenir en nous rappelant trois montagnes où Jésus a révélé son plan pour nous avoir avec lui au ciel.

Le Thabor où Jésus manifesta sa divinité avec ses deux meilleurs témoins: Moïse qui représente la Loi et Elie qui représente les prophètes et le Père qui dit du haut du ciel qu’il met toutes ses complaisances en lui. La foi en la divinité de Jésus est le fondement de tout notre amour de Jésus.

Le Mont des Béatitudes nous rappelle sa doctrine contre nos deux amours naturels et nous prêche le renoncement à soi-même et le mépris des créatures: condition absolue pour gagner l’amour de Dieu et ne jamais plus l’offenser comme Jésus le dit par ses dernières paroles de ce sermon.

Le Calvaire où il offrit son sacrifice qui nous sauve. C’est un holocauste parfait offert à son Père pour satisfaire sa justice et nous mériter le ciel.

Eh bien! Imitons-le en acceptant toutes les croix que Dieu met sur notre chemin sans murmurer et même sans amour. Portons notre croix tous les jours de la vie en union avec Jésus et nous consolerons le divin Cœur de Jésus et nous deviendrons semblables à lui dans la foi et finalement nous irons avec lui le glorifier éternellement au ciel!

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