TRENTIÈME INSTRUCTION LE
SACRÉ-CŒUR.
«
Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné pour leur
témoigner son amour… » Jésus à Sainte Marguerite-Marie.
Nous
venons de méditer sur les principaux bienfaits de Jésus pour gagner l’amour des
hommes: la prédication de sa doctrine céleste, son sacrifice sur la croix pour
expier nos péchés, l’institution de la Messe, de l’Eucharistie et de la sainte
Communion. Qu’aurait-il pu faire de plus pour se donner à nous dans la foi?
Les hommes ont là tout ce qu’il faut pour augmenter en amour de Dieu constamment. Un grand nombre de saints ont montré ce fait par la grande sainteté qu’ils ont acquise en alimentant leur vie divine dans ces moyens merveilleux que Jésus nous a laissés. A force de participer à cette vie divine eucharistique, ils sont devenus vraiment semblables à Jésus en tout: ils pensaient comme lui, parlaient et agissaient comme lui: ils rayonnaient Jésus dans toute leur vie.
Les hommes ont là tout ce qu’il faut pour augmenter en amour de Dieu constamment. Un grand nombre de saints ont montré ce fait par la grande sainteté qu’ils ont acquise en alimentant leur vie divine dans ces moyens merveilleux que Jésus nous a laissés. A force de participer à cette vie divine eucharistique, ils sont devenus vraiment semblables à Jésus en tout: ils pensaient comme lui, parlaient et agissaient comme lui: ils rayonnaient Jésus dans toute leur vie.
Hélas!
Pourquoi sont-ils si peu nombreux comparés aux autres? Ces derniers se sont
laissés ensorceler par l’attrait des plaisirs terrestres, leur cœur en est
plein et il n’y a plus de place pour Jésus dans leur hôtellerie! Leur animal
est plus attiré par les plaisirs sensibles de ce monde que leur esprit ne l’est
par les biens invisibles mais incorruptibles du ciel. Il semble bien qu’à
chaque génération, il faut recommencer le travail d’instruction religieuse sur
le plan divin pour notre salut. Peu de parents sont capables de passer à leurs
enfants les vérités de la foi qu’ils ont reçues: surtout les deux fondamentales
du mépris des créatures et de la folie de la croix. C’est la pratique de ces
deux choses qui vide le cœur de nos deux amours naturels qui empêchent
absolument l’amour de Dieu d’y pénétrer. C’est inutile de parler de dévotion à
l’amour du Sacré-Cœur si on ne commence pas par rejeter du cœur ces deux amours
païens.
Comme
on a vu dans le cours de nos instructions, les prêtres philosophes n’ont pas ce
qu’il faut de doctrine pour pouvoir chasser des fidèles ces deux amours. Au
contraire, ils donnent une doctrine qui les protège comme on peut le voir par
leur propre vie en général toute aux choses de la terre.
A
travers les âges, Dieu a essayé de remettre devant les hommes le culte de son
amour divin en choisissant des saints qui ont été embrasés de l’amour de Dieu
et en particulier de l’amour du Sacré-Cœur, dans l’espérance qu’ils
communiqueraient leur feu sacré aux hommes. C’est ce mouvement que nous
appelons:
LA
DÉVOTION AU SACRÉ-CŒUR
Elle
consiste à honorer d’une façon spéciale l’amour que J.-C. a manifesté aux
hommes durant sa vie terrestre et, surtout, elle nous encourage à donner
beaucoup plus d’amour à notre Divin Sauveur, afin de l’imiter un peu dans son
amour pour nous.
Nous
allons méditer sur cette dévotion dans l’intention de nous embraser de cet
amour divin qui jaillit éternellement du Cœur Sacré de J.-C. en faveur des
hommes… qui y répondent si peu. Ne soyons plus de ces ingrats, mais consolons
le Sacré-Cœur en nous efforçant de mieux comprendre cette dévotion et mieux la
pratiquer. Dieu est amour et étudier l’amour, c’est étudier Dieu pour le mieux
aimer et le mieux servir.
SON
HISTOIRE, pas au point de vue critique, mais ascétique. Nous voulons simplement
jeter un coup d’œil sur les âmes privilégiées qui semblent avoir été choisies
pour faire ressortir l’amour du Sacré-Cœur pour les hommes, afin de les
embraser de ce même amour divin.
Durant
les premiers siècles, l’attention des fidèles se portait surtout sur la
compréhension des vérités révélées: il faut d’abord connaître avant d’aimer.
Evidemment, ces premiers chrétiens aimaient Dieu, mais le temps n’était pas
encore venu d’attirer l’attention des fidèles sur cet amour en particulier.
Après quelques siècles, Dieu attira l’attention de quelques bonnes âmes sur son
amour représenté ou mieux placé dans son divin Cœur. Comme le cœur est le foyer
de l’amour selon les idées, Jésus commença à inspirer le culte de son
Sacré-Cœur comme symbole de son amour divin pour nous. Citons quelques passages
des saints qui en parlent.
Un
jour Jésus prend le cœur de Sainte Mechtilde et le presse contre le sien si
bien qu’ils n’en font plus qu’un seul cœur. Un autre jour, il lui dit comment
il faut demander à son cœur tout ce dont on a besoin. Elle écrit: «S’il fallait
écrire tous les bienfaits que j’ai reçus du cœur tout aimant de Dieu, il y
faudrait un livre plus gros que celui de Matines».
Dans
le «Héraut de la tendresse divine», Sainte Gertrude révèle le rôle et l’action
du Sacré-Cœur dans l’économie de la gloire divine et de la sanctification des
âmes. En la fête de Saint Jean, elle le vit qui l’amena à Jésus et la plaça à
la droite de Jésus et lui dit: «Je t’ai placée à l’ouverture du Cœur divin,
afin que tu puisses en tirer plus aisément la douceur et la consolation que
dans le bouillonnement perpétuel, l’amour divin répand avec impétuosité sur
tous ceux qui le désirent». Il lui dit aussi «que sa mission à lui avait été de
faire connaître le Verbe au monde, mais que Jésus avait réservé de faire
connaître son amour plus tard».
Saint
Bernardin de Sienne dit dans serm. 51 pour le vendredi saint: «La lance cruelle
a pénétré jusqu’au fond, sans rien épargner. L’ouverture du côté nous fait
connaître l’amour du Cœur de Jésus jusqu’à sa mort et nous invite à marcher
vers cet amour ineffable qui l’a fait venir à nous.
Allons
donc à son Cœur, cœur profond, cœur secret, cœur qui pense à tout, qui sait
tout, cœur qui aime ou plutôt qui brûle d’amour: la porte est ouverte: « comprenons
par là la vivacité de son amour ».
Tauler,
dans Ex. sur vie et passion de N.S., dit: «Le côté du Christ a été percé non
loin du cœur pour nous ouvrir l’entrée de ce cœur… On voit son amour
incompréhensible; il se donne tout entier pour nous; il ne garde rien dans son
cœur qu’il ne nous le donne. Qu’a-til pu faire davantage pour nous? Son cœur
même, il nous l’a ouvert comme sa chambre secrète, pour nous y introduire comme
son épouse de choix… Il nous a donné son cœur cruellement blessé pour y faire
notre demeure, jusqu’à ce que pleinement purifiés, sans tache, conformes à son
cœur, nous soyons capables et dignes d’être emmenés avec lui dans le Cœur divin
du Père; il nous donne son cœur pour notre demeure et, en retour, il nous
demande le nôtre «pour s’y reposer».
A
Sainte Catherine de Sienne, Jésus dit un jour: «Mon désir concernant la race
humaine était infini et l’acte présent de la souffrance et des tourments était
fini. Par cette souffrance, je ne pouvais donc vous manifester combien je vous
aimais puisque mon amour était infini. Voilà pourquoi j’ai voulu vous révéler
le secret du cœur en vous le faisant voir ouvert, pour que vous compreniez bien
qu’il vous aimait bien plus que je n’avais pu vous le prouver par une douleur
finie».
Voilà,
à mon avis, la plus belle pensée que je n’ai jamais vu exprimée dans la
dévotion au Sacré-Cœur! L’amour de J.-C. déborde, donc sa passion et sa mort,
dépassent tout ce qu’il a pu nous montrer par son sacrifice épouvantable sur la
croix. Il nous avait dit pourtant que personne ne peut montrer plus d’amour
pour ses amis qu’en mourant pour eux. Eh bien! Lui, il en montre encore plus en
faisant ouvrir son côté pour manifester son Cœur et donc son amour infini qu’il
n’a pas pu nous donner! Mais qu’il nous insinue par la plaie de son cœur divin.
C’est donc nous dire que nous ne pourrons jamais en faire assez pour contenter
son amour qui n’a pas de limite. Puisque la vie est si courte, commençons tout
de suite et le plus ardemment possible. Quel dommage que nos cœurs gelés ne puissent
pas se réchauffer un peu à cette fournaise infinie d’amour divin! Nous ne
prions pas assez pour cet amour infini!
Saint
Jean Eudes a écrit un beau livre sur les amabilités du Cœur de Jésus et de
Marie. Il a ainsi contribué grandement à faire accepter cette dévotion.
Avec
les siècles, le nombre des dévots au Sacré-Cœur augmente considérablement et la
dévotion se précise de plus en plus. On peut les résumer tous dans ce que Notre
Seigneur dit un jour en 1675 dans une apparition devenue bien célèbre, à Sainte
Marguerite-Marie Alacoque.
« Etant
une fois devant le Saint Sacrement un jour de son octave, je reçus de mon Dieu
des grâces excessives de son amour et me sentis touchée du désir de quelque
retour et de lui rendre amour pour amour. Il me dit: « Tu ne peux m’en
rendre un plus grand qu’en faisant ce que je t’ai tant de fois demandé ». Alors,
me découvrant son Cœur: « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il
n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et consumer pour leur témoigner son amour;
et pour sa reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes et
sacrilèges et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce
sacrement d’amour.
Mais,
ce qui m’est encore plus sensible, c’est que ce sont des coeurs qui me sont
consacrés qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier
vendredi, après l’octave du Saint Sacrement, soit dédié à une fête particulière
pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là et en faisant réparation
d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues
pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon
Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin Cœur
et amour sur ceux qui lui rendront cet honneur et qui procureront qu’il lui
soit rendu».
L’Eglise
a approuvé cette dévotion en établissant la fête demandée et en canonisant
Marguerite-Marie. Nous développerons les paroles citées plus haut en expliquant
les différents points suivants. Examinons ce culte un peu dans le détail, afin
de le mieux comprendre et le mieux pratiquer.
SON
OBJET.
A
cause de l’union dans la Personne du Verbe, tout le corps de Jésus est adorable
et chacune de ses parties. Les Apôtres qui voyaient Jésus corporellement
pouvaient et devaient l’adorer comme au ciel. De même, chaque partie appartient
à Dieu et donc doit être adorée.
Mais
à cause de la concupiscence et des mauvais penchants des hommes, l’Eglise
n’encourage pas cette adoration: elle défend même de le faire en public,
excepté pour la Sainte Face. Alors, on comprend la répugnance des théologiens à
permettre la dévotion au Sacré-Cœur, par crainte qu’on veuille adorer d’autres
parties du corps moins convenables. Enfin, elle a fini par approuver ces deux
dévotions.
L’Objet
matériel est le cœur de chair de Jésus; celui-là même qui s’est dépensé pendant
trente-trois ans au salut du monde, qui s’est fatigué dans ses travaux manuels
et dans ses courses apostoliques pour instruire et guérir les hommes. C’est ce
Cœur qui a pleuré sur les malheurs des hommes et qui a tant prié pour le salut
du monde. Enfin, c’est ce cœur qui a été transpercé par la lance du soldat
après sa mort et qui a répandu tout son sang et de l’eau. Voilà le Cœur que
Jésus a montré dans ses apparitions à Sainte Marguerite-Marie. Il commence par
nous montrer quelque chose de sensible pour arriver ensuite à son amour
invisible et divin. Voilà l’objet matériel de la dévotion au Sacré-Cœur de
Jésus.
Pourquoi
le cœur? C’est parce que dans le langage courant des peuples, le cœur est le
symbole de l’amour. Peu importe ce que les physiologistes pourraient découvrir
au sujet de la fonction spéciale du cœur, il suffit que selon l’opinion
ordinaire des hommes il soit l’emblème de l’amour pour qu’il puisse servir
d’objet à cette dévotion.
L’objet
formel ou l’angle sous lequel on étudie le Cœur de Jésus est son amour qu’il
représente. Les deux objets sont signifiés par Notre Seigneur quand il dit:
«Voilà ce Cœur (Objet matériel) qui a tant aimé les hommes (objet formel)».
Dans la pratique, il ne faut pas les séparer: ils sont comme le corps et l’âme
de la dévotion.
L’Eglise
dit pourquoi le Cœur est représenté comme blessé. «Votre Cœur a été blessé pour
signifier que votre amour était blessé par les ingratitudes des hommes: par la
blessure visible, nous voyions la blessure invisible de l’amour».
La
sainte explique elle-même le symbolisme de la couronne d’épines surmontée d’une
croix. « Ce divin Cœur me fut présenté comme dans un trône de flammes,
plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie
adorable. Il était environné d’une couronne d’épines qui signifiait les piqûres
que nos péchés lui faisaient et une croix au-dessus qui signifiait que dès les
premiers instants de son incarnation, la croix y fut plantée ».
L’amour
et le sacrifice résument toute la dévotion. «Il nous a aimés et s’est livré
pour nous». C’est toute l’œuvre de J.-C.
Comme
Dieu est amour et que celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en
lui, la dévotion au Sacré-Cœur nous jette en plein amour divin. C’est comme la
porte de l’amour infini de Dieu pour nous. Si elle a été ouverte cruellement
par la lance, c’est pour nous rappeler la nécessité de l’expiation avant
d’arriver à l’amour. C’est le terme de cette dévotion.
Prenons
garde de nous contenter de ces idées comme les philosophes ont coutume de
faire. Il ne s’agit pas de savoir la nature de cette dévotion: il s’agit de la
vivre, de la pratiquer dans le concret. Jésus ne nous a pas parlé seulement de
son amour, mais il nous l’a montré par sa vie et par ses actes bien concrets.
Il nous a aimés jusqu’à mourir sur la croix pour nous. Nous aussi, nous devons
mourir mystiquement en tuant nos deux amours naturels qui constituent notre
personnalité morale à laquelle Jésus veut que nous renoncions. Il faut que
chacun puisse dire comme Saint Paul: «Ce n’est plus moi qui vis, c’est J.-C.
qui vit en moi!». Voilà de l’amour concret! Combien se laissent traiter comme
un cadavre ou comme une statue sans rien dire si on les insulte, si on les
méprise, si on les frappe même! Tout chrétien doit être mort à tous les mauvais
traitements que les hommes peuvent lui infliger. Voilà aimer comme Jésus nous a
aimés! En êtes-vous tous?
SA
FIN est indiquée par Sainte Marguerite-Marie: c’est de convertir les âmes à son
amour. C’est normal: l’amour veut toujours de l’amour. Quel amour de Jésus
est-ce? L’amour créé de sa nature humaine ou l’amour incréé du Verbe? La
Congrégation des Rites du 4 avril 1900 dit: «Une solennité qui n’a pas
seulement pour objet d’adorer et de glorifier le Cœur du Fils de Dieu fait
homme, mais de renouveler symboliquement le souvenir du divin amour qui a
poussé le Fils unique de Dieu à prendre la nature humaine…». Puisque c’est
l’amour du Verbe Incarné que nous honorons, c’est donc l’amour de la Personne
qui comprend ses deux natures et donc ses deux amours: humain et divin. Cette
dévotion, d’abord, ce n’est pas dans les sentiments comme lorsqu’on nous mène
tout naturellement à la Personne de J.-C.: c’est lui qui montre son Cœur, c’est
lui qui demande l’amour des hommes pour honorer son amour pour les hommes.
Comme nous adorons et honorons ses deux natures, c’est aussi ses deux amours
que nous honorons par la dévotion au Sacré-Coeur.
En
pratique, il est mieux de commencer par honorer son amour humain comme plus
proche pour ainsi dire et plus semblable au nôtre. Puis de là, monter à son
amour divin.
Car
Jésus s’est fait homme précisément pour nous attirer plus facilement à son
humanité et de là à sa divinité. Pour nous, comme nous n’avons qu’un cœur,
c’est par ce cœur bien humain que nous devons aimer ses deux amours réunis dans
la Personne du Verbe. Nous devons aimer Dieu comme nous nous aimons entre nous.
Jésus nous dit: «Donne-moi ton cœur!». Il n’a pas dit: ta tête ou ton esprit.
Un amour de tête ou intellectuel, comme tant de philosophes se contentent
d’avoir pour Dieu, ne vaut pas grand-chose devant Dieu et ne suffit
certainement pas pour le ciel. Donc savoir qu’il faut aimer Jésus ne suffit
pas: il faut l’aimer de fait! Comment peut-on le faire?
D’abord,
ce n’est pas dans les sentiments comme lorsqu’on éprouve de l’amour pour une
personne sur la terre. Comme Dieu est invisible, il nous faut nous conformer à
cette condition. Il faut le faire par la volonté, où je suis toujours libre.
Dès que je réfléchis sur ce qu’est J.C. pour moi, je puis toujours faire un
acte de volonté et dire: «Je veux l’aimer!». Et sincèrement! Je l’aime! Et quand
même mon cœur reste sec comme un morceau de bois, c’est du véritable amour de
Dieu si j’agis ensuite dans ma vie selon cette parole ou cet acte de volonté.
Estce que je ne pourrais pas me décider de vouloir du bien à une personne que
je n’aime pas naturellement? Est-ce que Jésus ne nous commande pas d’aimer nos
ennemis? Dans ce cas, faut-il sentir de l’attrait pour ces gens? Sûrement non.
Mais, il faut vouloir leur faire du bien et de fait leur en faire, quand même
on n’éprouve aucun sentiment doucereux à leur égard comme on fait pour ses
amis. Combien plus devrions-nous agir de la sorte envers notre Dieu! Pour cet
amour surnaturel, il nous faut la grâce de Dieu que nous devons demander
souvent et avec ferveur si nous voulons ressembler à Jésus dans son amour pour
nous.
Mais
n’oublions-pas que la prière ne suffit pas. Est-ce qu’un cultivateur
récolterait du grain s’il se contentait de prier pour une récolte? Sûrement
non! Il faut qu’il coopère à sa façon avec Dieu, comme en semant du grain. Il
en est exactement de même dans le monde spirituel. Il est bon de prier, mais il
faut en plus faire des sacrifices de nos deux amours pour récolter l’amour
surnaturel de Dieu. En proportion qu’on se mortifie donc, on recevra l’amour
divin de Jésus. Trop de gens se contentent de prier: c’est absurde comme si les
cultivateurs voulaient cultiver seulement en priant! Jamais ils ne
récolteraient quoi que ce soit. Il faut donc les deux réunis: la prière et les
sacrifices. Tout le monde manque surtout au second moyen. Qu’on y voit à
1’avenir! Savoir cultiver ne suffit pas pour récolter! Savoir qu’il faut se
mortifier pour augmenter en amour divin ne donnera absolument rien sans les
semailles des plaisirs terrestres… en proportion qu’on veut récolter du divin.
Comme
la volonté s’affectionne à ce que l’esprit lui montre souvent, que tout
chrétien essaie de penser souvent aux bienfaits qui nous viennent de Jésus, et
graduellement, et avec la grâce de Dieu il viendra à saisir cet amour de Jésus
pour lui et il voudra l’aimer en retour, surtout s’il fait des sacrifices pour
mériter la grâce de Dieu. Une vue d’ensemble de ces bienfaits ne touche pas
beaucoup d’ordinaire: il vaut mieux en considérer un en particulier et dans le
détail. D’autant plus que chacun en particulier nous apporte tant de bonheur
éternel qu’il devrait suffire à emporter notre amour pour J.-C.
La
genèse de l’amour divin en nous est assez lente, comme la croissance du grain
dans la terre l’est. Mais si le cultivateur fait bien sa part, Dieu fera la sienne
aussi. Si un chrétien laboure son cœur par le repentir et la pénitence, s’il
arrache les mauvaises herbes du péché et des attaches même permises, en hersant
bien son cœur comme le cultivateur fait pour son terrain qu’il ensemence, il
est certain que la prière Dieu aidant fera enfin germer l’amour divin dans ce
cœur si bien préparé et avec la pluie de la grâce et la chaleur de l’Esprit
Saint comme du soleil, Dieu fera croître l’amour divin dans ce cœur… mais en
proportion qu’on sème son amour pour les échantillons… qu’on fait des
sacrifices!
SES
ÉLÉMENTS
LA
RECONNAISSANCE vient en premier lieu devant l’interminable série des bienfaits
de J.-C. envers nous. Mais il se plaint qu’il ne reçoit que des ingratitudes de
la plupart des hommes et même de ses consacrés. La reconnaissance est une des
premières manifestations de l’amour. Quand on aime, on estime tout ce que l’on
reçoit et le donateur encore plus. C’est pour cet amour qu’on lui exprime sa
gratitude.
Les hommes sont ingrats envers Dieu parce qu’ils ne savent pas apprécier les
bienfaits surnaturels: ils sont tellement aux choses des sens qu’ils y mettent
tout leur amour, de sorte qu’il ne leur en reste pas ou trop peu pour les
choses de la foi. De plus, c’est que le Saint-Esprit ne donne guère sa grâce à
ceux qui ont mis leur cœur dans les choses de la terre. Ils ne sont pas
éclairés surnaturellement, alors ils ne comprennent rien aux choses de Dieu.
Ils apprécient ce qui leur donne un plaisir momentané et ils sont insouciants
pour ce qui les rendrait éternellement heureux au ciel! Voilà le mal que font
les attaches même aux choses permises… et que nos prêtres philosophes tolèrent.
Voici
une pensée qui augmente beaucoup notre reconnaissance envers J.-C. C’est que
tous ses bienfaits sont absolument gratuits, il n’était pas tenu d’aucune façon
de nous les octroyer, il l’a donc fait par pur amour pour nous! Montrons-lui
donc de la reconnaissance.
De
plus, ses bienfaits nous conduisent au bonheur éternel si nous les apprécions
réellement. Il veut nous rendre heureux avec lui et comme lui au ciel.
Pensons-y sérieusement et nous lui donnerons de la reconnaissance. Là encore,
soyons reconnaissants dans la volonté et par la volonté, peu importe ce que
l’on ressent en soi. La volonté est toujours libre et nous devrions nous
habituer à nous en servir simplement parce qu’on veut! Est-ce que je ne puis
pas dire même dans toute la sécheresse de mon âme: «Mon Dieu, je veux vous
remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi, et je vous remercie de
toute ma volonté libre et pour vous faire plaisir. Vous me donnez le ciel et je
ne pourrais pas vous donner ma volonté? Encore une fois: merci pour vos
bienfaits divins!».
Prenons
donc l’habitude de remercier Dieu souvent durant le jour. Mais, pour cela, il
ne faut pas repasser son temps à courir après les échantillons de Dieu qui ne
valent rien pour le ciel. Si on les aime tant qu’on s’en occupe la plupart du
temps, il est évident qu’on n’appréciera jamais les bienfaits surnaturels de
Dieu et donc qu’on ne sera jamais reconnaissant pour eux.
LA
RÉPARATION est essentielle à la dévotion au Sacré-Cœur. C’est pour nous
l’indiquer qu’il se montre entouré d’une couronne d’épines et surmonté d’une
croix. N’oublions pas que nous sommes les membres du corps mystique de Jésus et
donc que nous formons un tout avec lui: ses membres doivent donc passer par où
il a passé, souffrir comme il a souffert. Notre Chef a commencé notre
rédemption et nous devons la continuer par nos sacrifices comme lui par les
siens.
Son
amour pour nous l’a poussé à se livrer à ses bourreaux pour expier nos péchés
et nous mériter le ciel. Or, c’est nous qui sommes les vrais coupables: à plus
forte raison devons-nous expier en nous-mêmes nos propres péchés. Défions-nous
du sens protestant que nous sommes dispensés de souffrir, puisque Jésus a
souffert pour nous. Ce «pour nous» ne veut pas dire: à notre place, mais en
notre faveur. Jésus a satisfait la justice divine de telle sorte qu’elle
accepte maintenant nos expiations qu’elle n’aurait jamais acceptées si elles
n’étaient unies à celles de Jésus. Les siennes donnent de la valeur aux nôtres.
Saint Paul nous avertit bien que nous régnerons avec lui, pourvu que nous
souffrions avec lui, J.-C. Jésus le dit clairement à la mère des fils de
Zébédée qui lui demande les premières places au ciel. Jésus lui répond qu’elles
correspondent à la portion de son calice qu’ils devront boire.
Qui
n’a pas eu un ami parfois humilié, insulté et peut-être blessé par des
méchants? Que fait-on alors? On tâche de lui faire tout le contraire pour lui
faire oublier ses outrages et sympathiser avec lui pour le consoler.
Eh
bien! A-t-on jamais eu un meilleur ami que Notre Seigneur et qui ait été plus
maltraité par ses ennemis? Ne pouvons-nous rien trouver dans notre cœur pour le
consoler des ingratitudes des hommes? Si on a un brin d’amour pour lui, peut-on
garder le silence? Rester indifférent? Est-ce qu’on n’éprouve pas un peu de
peine de ses horribles souffrances, un peu de dégoût de voir si peu de gens lui
en témoigner leur sympathie? Si on voyait un étranger traité de la sorte, on en
serait indigné… et c’est notre Dieu, Notre Sauveur, qui a donné son sang pour nous
donner le ciel… et nous n’avons rien à lui dire, rien à lui donner! Pas un cri
du cœur pour le consoler! Pas une larme pour lui montrer notre amour!… Et dire
que nous serions allés en enfer pour la plupart sans son sacrifice!
Même
la réparation qu’il a demandée lui-même est escamotée par un trop grand nombre
de catholiques. Que de routine s’y glisse! Combien prennent au sérieux les
beaux sentiments exprimés dans la formule ordinairement récitée le premier
vendredi du mois? Essayons à l’avenir d’être plus réfléchis dans cette
réparation.
Qu’on
passe aux actes concrets de réparation. Qu’on lui offre des sacrifices réels,
comme une heure d’adoration, un jeûne au pain et à l’eau comme les premiers
chrétiens jeûnaient; qu’on cesse de fumer pour l’amour de Jésus; d’aller aux
vues, aux amusements.
Qu’on
fasse souffrir le païen sérieusement par toutes sortes de manières que notre
amour pour Jésus Crucifié pourra nous suggérer sans excès tout de même. Alors,
nos communions et nos messes et tous nos actes de religion prendront une grande
valeur expiatrice devant Dieu pour le plus grand bien du monde et la gloire de
Dieu. Son Sacré-Cœur alors sera vraiment consolé et nous aurons bien mérité de
son divin Cœur qui nous en récompensera abondamment dans le ciel. Réparons
vraiment!
L’IMITATION.
Puisque la divine sagesse a choisi une vie de souffrances pour J.-C., il est
évident qu’elle veut la même sorte de vie pour les membres de son corps
mystique. Jésus nous l’enseigne de bien des façons: par ses exemples et par ses
paroles. «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il prenne sa croix tous les
jours et qu’il me suive!». Saint Paul dit que nous régnerons avec Jésus si nous
souffrons avec lui. Il dit aussi que le Seigneur châtie tous ceux qu’il aime et
qu’il frappe de verges tous ceux qu’il choisit pour ses enfants. Saint Pierre
dit que c’est notre vocation de souffrir les mauvais traitements à l’exemple de
Jésus: quand on le maudissait, il ne répondait point par des injures, quand on
le maltraitait, ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à ceux qui le jugeaient
injustement.
Il
n’y a rien de consolant pour le Sacré-Cœur que d’avoir des amis pour souffrir
avec lui et lui aider à porter le poids de la justice divine. Il dit qu’on ne
peut pas montrer plus d’amour pour ses amis qu’en mourant pour eux. Eh bien!
C’est une grande preuve d’amour de Jésus que de faire mourir son païen pour
l’amour de lui. Or, on tue son païen par la mortification et par la souffrance
acceptée pour l’amour de Dieu.
Comme
Jésus n’avait pas de personne humaine en lui, on lui montre un grand amour en
lui immolant notre moi païen qui est notre personnalité. Rien n’est plus dur
pour l’homme que de s’anéantir devant son Dieu. C’est comme Abraham immolant
son fils unique, Isaac, qu’il aimait tant. Que de sacrifices pratiques et bien
pénibles sont compris dans cette mort du moi! Qu’on en fasse l’expérience en ne
faisant jamais sa propre volonté, mais uniquement celle de Dieu toujours et
partout.
SES
MOTIFS
SA
SOLIDITÉ.
Les autres dévotions sont pour nous conduire à l’amour de Notre
Seigneur, mais celle-ci est la dévotion à l’amour même de J.-C. Elle est
indépendante des révélations à Sainte Marguerite-Marie qui n’ont été que
l’occasion de cette dévotion. Elle découle naturellement de l’Incarnation et
son objet nous a été indiqué du haut de la croix quand son cœur a été
transpercé par la lance du soldat. Il devance même l’Eglise signifiée par le
sang et l’eau qui sortirent de son côté ouvert pendant sa mort sur la croix comme
Eve fut tirée du côté ouvert du premier Adam pendant son sommeil.
Cette
dévotion nous met devant l’esprit pratiquement tout le plan divin pour notre
salut comme tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu qui sont
renfermés dans J.-C. Or, la porte d’entrée à toutes ces grâces est évidemment
son amour divin ou son Sacré-Cœur. C’est donc une dévotion solide.
DÉSIR
DE NOTRE SEIGNEUR.
Il suffira d’apporter un texte qui résume tous les
autres déjà cités. «Je suis venu apporter le feu sur la terre et que désiré-je
sinon qu’il s’enflamme». On sait que ce feu est son amour. Il est venu nous
apporter Dieu, et Dieu, c’est l’amour. Par le premier commandement, il
immobilise toutes les forces de notre âme en faveur de l’amour divin: il veut
donc que nous l’aimions.
Que
de fois il s’est plaint à ses saints qu’il ne recevait pas l’amour des hommes
qu’il méritait pour tout ce qu’il a fait pour nous!
Quel
mystère que l’amour même qui quête de l’amour de ses créatures! Donnons-lui en
donc!
PROMESSES
DE NOTRE SEIGNEUR À CEUX QUI LUI SONT DÉVOUÉS.
Elles
montrent combien il tient à notre amour et combien il nous récompense même en
ce monde de la foi.
1) Je leur donnerai toutes les grâces
nécessaires dans leur état.
2) Je mettrai la paix dans leur famille.
3) Je les consolerai dans toutes leurs
peines.
4) Je serai leur refuge assuré pendant la
vie et surtout à la mort.
5) Je répandrai d’abondantes bénédictions
sur leurs œuvres.
6) Les pécheurs trouveront là la source et
l’océan de miséricorde.
7) Les âmes tièdes deviendront ferventes.
8) Les âmes ferventes s’élèveront à une
grande perfection.
9) Je bénirai les maisons où l’image de
mon cœur sera exposée
10) Je donnerai aux prêtres le talent de
toucher les cœurs endurcis.
11) Les personnes qui propageront cette
dévotion auront leur nom inscrit dans mon cœur et il n’en sera jamais effacé.
12) Je te promets dans l’excessive
miséricorde de mon cœur que son amour tout puissant accordera à tous ceux qui
communieront neuf premiers vendredis du mois de suite la grâce finale de la
pénitence: ils ne mourront point de ma disgrâce, ni sans recevoir leurs
sacrements; mon divin cœur se rendant leur asile assuré en ce dernier moment.
Voici
un bon résumé de ce que Jésus veut de nous tous pour lui montrer notre amour.
On peut en garder le souvenir en nous rappelant trois montagnes où Jésus a
révélé son plan pour nous avoir avec lui au ciel.
Le
Thabor où Jésus manifesta sa divinité avec ses deux meilleurs témoins: Moïse
qui représente la Loi et Elie qui représente les prophètes et le Père qui dit
du haut du ciel qu’il met toutes ses complaisances en lui. La foi en la
divinité de Jésus est le fondement de tout notre amour de Jésus.
Le
Mont des Béatitudes nous rappelle sa doctrine contre nos deux amours naturels
et nous prêche le renoncement à soi-même et le mépris des créatures: condition
absolue pour gagner l’amour de Dieu et ne jamais plus l’offenser comme Jésus le
dit par ses dernières paroles de ce sermon.
Le
Calvaire où il offrit son sacrifice qui nous sauve. C’est un holocauste parfait
offert à son Père pour satisfaire sa justice et nous mériter le ciel.
Eh
bien! Imitons-le en acceptant toutes les croix que Dieu met sur notre chemin
sans murmurer et même sans amour. Portons notre croix tous les jours de la vie
en union avec Jésus et nous consolerons le divin Cœur de Jésus et nous
deviendrons semblables à lui dans la foi et finalement nous irons avec lui le
glorifier éternellement au ciel!
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