jeudi 26 mai 2016

Père Onésime Lacouture - 2-15 - Le baptême de Jésus


QUATORZIÈME INSTRUCTION
JÉSUS BAPTISÉ.

«Alors, Jésus, venant de Galilée, alla trouver Jean au
Jourdain pour être baptisé par lui.» Mat.  3-15
Plan Jésus quitte Nazareth.  (Sa vie.  Jean Baptiste: (Sa prédication.  (Son baptême.  (Accomplir son devoir.  (Ses motifs: (S’humilier.  (Faire pénitence.  Jésus est baptisé:

(Trinité se manifeste.  (Ses effets: (Sa mission confirmée. 

(Mépris du monde.  (Donne la vie divine.  Baptême chrétien: (Exige mentalité chrétienne.  (Mépris du monde.

JESUS QUITTE NAZARETH.  Pendant une trentaine d’années, Jésus a pratiqué dans l’ombre de la vie cachée les vertus qu’il veut voir en nous tous; maintenant le temps est venu de les prêcher au monde, d’établir son Eglise pour continuer son oeuvre après son ascension et enfin racheter le monde par sa passion et par sa mort.  Saint Joseph était mort depuis quelques années et Jésus vivait seul avec sa sainte Mère qui devait s’attendre à son départ.  Un jour, Jésus refuse, n’accepte plus de nouvelles commandes, il met de l’ordre dans sa petite boutique et avertit sa Mère que «les choses de son Père» l’appellent ailleurs; il faut qu’il commence sa mission divine de sauver le monde.  L’Evangile ne dit rien de ce départ; il laisse à l’amour de chacun de la repasser dans son coeur.  Il est certain qu’il n’y eut pas de crise de nerfs de part et d’autre; la volonté de Dieu comprime les manifestations extérieures de la nature, mais laissa le glaive de douleur transpercer le coeur de la Mère la plus aimante au monde à ce départ du plus parfait des fils au monde.  Marie se tint debout là comme elle le fera au pied de la croix plus tard.  Elle tient plus à la volonté de Dieu qu’à son bonheur avec Jésus.  N’allons pas croire que Jésus lui défile tout ce qu’il va faire et tout ce qui va lui arriver à elle.  Il la laisse dans la foi pure et donc dans l’ignorance de tout ce qui s’en vient.  Sans doute elle flaire des souffrances, mais rien dans le détail.  Personne au monde devait dépasser Marie dans la parfaite foi en Dieu; or, quand on connaît, il n’y a plus de foi, mais vision ou connaissance.  Une bonne preuve est qu’à Cana, elle ne savait pas que «son heure» n’était pas arrivée.  Si elle ignorait le début, elle ignorait bien le reste de la vie publique de Jésus.

C’est une bonne leçon pour nous tous.  Combien peu vivent dans l’abandon à Dieu!  Ils s’inquiètent sur ce que Dieu va leur envoyer ou s’il est content d’eux ou non; ils veulent savoir s’ils progressent ou non.  Dieu ne veut pas de ces inquiétudes du passé ou de l’avenir; il les condamne dans son sermon sur la montagne; il est clair qu’il ne les tolère pas dans sa Mère.  Marie ne cherche pas à connaître l’avenir; elle vit dans la soumission parfaite dans le présent.  Faisons donc les sacrifices que Dieu demande de nous en mettant tout notre coeur dans la soumission présente à la volonté de Dieu, et n’allons pas disperser nos forces morales sur les conséquences plus ou moins problématiques de ces sacrifices.  Toutes ces inquiétudes sur l’avenir ou dans les suites de ces sacrifices sont autant de perdu pour le mérite actuel.  Que de bonnes âmes vivent continuellement dans des appréhensions sur l’avenir de ce qu’elles font maintenant.  Qu’elles demandent à la Sainte Vierge de leur obtenir la grâce de concentrer sur le présent toute leur volonté pour l’unir à celle de Dieu dans n’importe quel sacrifice qu’il leur demande.

Jean-Baptiste Parce que Dieu avait envoyé Jean pour préparer les Juifs, par la pénitence, à la venue du Messie, Jésus commença sa nouvelle vie par ce baptême de pénitence.  Il s’en alla donc au Jourdain où se trouvait Jean.  Arrêtons-nous au précurseur.

Sa vie est la plus parfaite qu’on ait jamais vue au monde.  Il incarne en sa vie toutes les conditions que Dieu veut voir en nous pour nous donner sa grâce qui est la venue mystique de Jésus en nous.  Nous avons là un portrait vivant de la pénitence que nous devons pratiquer pour nos péchés.  Nous ne pouvons pas aller aussi loin que lui, mais au moins nous devons essayer d’aller dans la même direction que lui.  J’ai rarement vu d’endroits plus propices à la pénitence que le désert sur les bords du Jourdain à peu près là où Jean passa une trentaine d’années de mort continuelle à la nature.  Il est formé de collines abruptes ou de montagnes escarpées d’un aspect sauvage et austère; ces rochers sont brûlés par le soleil ardent et l’on ne voit que des touffes d’arbustes poussiéreux et quelques arbres au milieu de ces rochers; région idéale pour les serpents, les loups et les chacals.  La chaleur y est écrasante en mars, qu’est-ce que cela doit être en été?  Jean passa la plus grande partie de sa vie dans ce désert à ne manger que des sauterelles et du miel sauvage et les reins couverts d’une peau de chameau.  Sa vie est le mépris complet des créatures et des frivolités de ce monde.  Comme il condamne la vie de la plupart des chrétiens tout aux choses de ce monde et recherchant ardemment tous les plaisirs de la terre!  Or c’est son genre de vie qui prépare la vie de Jésus: ces chrétiens aux attaches de toutes sortes s’en vont dans une direction opposée à celle se Jésus; ils risquent leur salut.  Tous devraient confronter leur vie avec la sienne pour apprendre à retrancher une foule de jouissances qui les éloignent et non seulement les défendues, mais même parmi les permises.  Le coeur s’attache autant aux permises qu’aux autres et alors Dieu ne vient pas dans ces âmes pour les éclairer et les diriger.  Tant qu’elles auront ces attaches, elles n’auront pas l’intelligence des choses de Dieu, dit St Jean de la Croix.  Essayons d’imiter son amour de la solitude; allons dans les forêts méditer sur les grandes vérités de la foi, prier dans le silence des bois, rêvasser aux choses du ciel.  A force de le faire on y prend goût et c’est un gros point de gagné pour cultiver la présence de Dieu et développer son amour.  Mais que voit-on?  La plupart courent les foules, les places publiques, les amusements; or, Dieu dit qu’il n’est jamais là.  Mais il nous invite en nous disant: «Je te conduirai dans la solitude et là je parlerai à ton coeur.» Cherchons donc l’isolement afin d’être loin des créatures pour être plus proche du Créateur et pour recevoir ses lumières et ses grâces.  Par nature nous avons tous deux amours: celui des créatures; et celui de nous-mêmes; or, il faut détruire ces deux amours pour que Dieu nous donne son amour.  Eh bien, St-Jean Baptiste rejette par sa vie ces deux amours naturels et il ne vit que pour Dieu.  Il est l’incarnation de ce plan divin.  Tous les prêtres, les religieux, et les fidèles devraient l’imiter le plus possible en s’éloignant des plaisirs de la terre permis comme non permis et en humiliant leur amour-propre par le renoncement à leur jugement et à leur volonté.  Mais, que voit-on?  La plupart des prêtres et des religieux voudraient bien avoir l’amour de Dieu sans combattre les deux amours en eux; c’est absolument impossible.  Ce serait comme vouloir récolter du blé sans en semer.  La preuve que les deux clergés et séculier et réguliers ignorent ce plan divin est dans ce fait que dès qu’un prédicateur prêche le renoncement aux plaisirs permis, toute une armée de prêtres se lèvent pour dénoncer ce prédicateur qui ne prêche que le mépris concret du monde et de soi-même comme Jésus l’enseigne si clairement et St-Ignace dans les deux étendards.  Quel aveuglement dans ces deux clergés!  En pratique ils n’attaquent que le péché; en tout cas ce n’est que cela que les fidèles veulent et les prêtres les laissent faire; c’est donc qu’ils les approuvent.  Approchons-nous donc le plus possible de la vie de Jean-Baptiste qui incarne les meilleures dispositions pour recevoir Jésus.

Sa prédication n’est que l’écho de sa propre vie.  Il prêche ce qu’il vit et ce qu’il aime à vivre.  Sont-ils nombreux les prêtres qui en font autant?  qui prêchent ce qu’ils ont dans le coeur?  C’est facile à constater.  De quoi parlent les prêtres entre eux ou avec les fidèles?  Vous avez là ce qu’ils ont dans le coeur habituellement.  Or très peu parlent des choses de Dieu; quand ils les prêchent, ils ne parlent donc pas de l’abondance du coeur.  C’est pour cela qu’ils sont plats et que les fidèles sont si ennuyés de la plupart des sermons.  Jésus dit que les brebis entendent volontiers la voix du Maître.  Quand les prêtres donnent la parole de Jésus qu’ils vivent, les fidèles écoutent sans jamais se lasser.  Ceux qui ennuient le peuple ne vivent donc pas la vie de Jésus ni celle de Jean-Baptiste; ils sont attachés aux créatures et ils sont orgueilleux et ne renoncent pas à leur idole, le moi païen.  St Jean Baptiste prêche la pénitence concrète ce qui attaque en même temps les deux amours naturels: celui des créatures et celui de l’égoïsme.  Il prêche le jeûne, l’aumône et la prière; il disait à ceux qui ont deux tuniques d’en donner une aux pauvres; aux publicains, de se contenter du prix fixé, aux soldats d’éviter toute violence et de se contenter de leur solde et il parlait souvent de l’enfer.  Il ne prêchait pas pour plaire à ses auditeurs, ni selon leurs goûts naturels, mais il leur donnait ce que le St.  Esprit lui inspirait et cela sans s’occuper du qu’en-dira-t-on.  Comme il était sévère pour les pharisiens; il les appelle: race de vipères!  C’étaient les philosophes du temps.  Ils étaient comme les nôtres les ennemis nés de tout surnaturel, car la philosophie ne s’en occupe pas.  Ce qui nuit n’est pas pour le surnaturel, il est contre par la force des choses.  Comme son extérieur rappelait celui des prophètes, ainsi sa prédication en était le fidèle écho par son austérité et son sérieux.  Il parlait évidemment comme un envoyé de Dieu et avec l’autorité de Dieu.  Sa vigueur et sa franchise frappaient les coeurs et une foule de pécheurs confessaient leurs péchés et venaient se faire baptiser par lui.  Les humbles seront comblés de bénédictions, mais les orgueilleux seront abaissés et les croches redressés pour préparer l’âme à recevoir Jésus.  Tous les prédicateurs devraient insister sur la nécessité de briser tout amour pour les créatures et tout amour propre, et en plus comme tous ont péché, il faut réellement expier ces péchés par de la vraie pénitence comme le jeûne et les autres mortifications qu’on peut pratiquer chacun selon ses forces.  Ce n’est qu’après tout cela qu’on peut espérer recevoir Jésus dans son coeur.  Chose curieuse, Jean Baptiste ne parle pas de la miséricorde divine, mais seulement de la justice de Dieu.  Pourtant il était sûrement inspiré du St-Esprit.  C’est qu’il parlait à des pécheurs qui péchaient encore et qu’il faut payer ses dettes avant de compter sur la miséricorde divine.  Les prédicateurs de la seule miséricorde divine font autant de tort à l’Eglise que les prédicateurs de la seule justice de Dieu.  Il ne faut jamais isoler une perfection de Dieu aux dépens d’une autre; c’est la détruire.  Il faut donc les deux: la justice à ceux qui pèchent encore et la miséricorde à ceux qui ont fini de pécher selon l’excellent conseil de St François Xavier au P.  Parzie des Indes.

Son baptême avait été institué par Dieu même comme Jean le dit: J.  1-33: «Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit: Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint.» Jésus l’approuve non seulement en s’y soumettant lui-même, mais plus tard par ces paroles où il reproche aux pharisiens de ne pas l’avoir reçu: «Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice et vous n’avez pas cru en lui; mais les publicains et les courtisanes ont cru en lui, et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas encore repentis pour croire en lui.» Mt.  21-32 C’est une loi de la Providence de préparer les hommes à recevoir le surnaturel.  Pour qu’ils comprennent mieux la signification du baptême chrétien.  Dieu a institué le baptême de Jean qui insistait surtout sur le côté négatif de s’avouer coupable et de faire pénitence pour ses péchés.  Mais il ne donnait pas la grâce sanctifiante.  St.  Jean le dit: «Pour moi je baptise dans l’eau, mais il en viendra un plus puissant que moi et je ne suis pas digne de dénouer le cordon de sa chaussure, il vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans l’eau».  L.  3-16 Dans une âme qui a péché, il faudra toujours que la pénitence enlève ces souillures avant que le divin n’entre en elle.  C’est donc une belle illusion que de vouloir avancer en vertu sans faire pénitence.  Combien de fidèles se dégoûtent des choses de la religion au lieu d’avancer!  C’est parce qu’ils n’ont pas le courage de faire des pénitences qui leur attireraient la grâce de Dieu et leur feraient goûter le divin.  Dans les Actes, il est dit clairement qu’il ne donnait pas le St.  Esprit.  19-5.  St Paul trouve des fidèles qui avaient été baptisés par Jean, mais qui n’avaient pas encore reçu le St-Esprit.  Il les baptise du baptême de Jésus et tout de suite ils reçoivent le St.  Esprit.  Mais il remettait les péchés ou était donné en vue de cet effet.  L.  3-3.  «Jean vint dans toute la région du Jourdain, prêchant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés.» Jésus est baptisé.  Ses motifs.

Pour que Jésus vienne ainsi au milieu des pécheurs et qu’il passe pour l’un d’eux, il faut qu’il ait de bonnes raisons.  Essayons de les comprendre afin de mieux l’imiter dans notre vie.  Accomplir son devoir.  Puisque Dieu avait institué ce baptême pour préparer les voies à Jésus, il se soumet comme un simple homme et simple juif tenu d’obéir à Dieu et pour ne pas scandaliser les Juifs quand quand il leur parlerait du baptême de Jean.  A Jean qui proteste par humilité, Jésus dit: «Laisse faire, il convient que j’accomplisse ainsi toute justice.» C’était donc la volonté de Dieu.  Quelque humiliante et pénible qu’elle soit Jésus va faire la volonté de son Père.  S’humilier.  La pureté infinie est au milieu des publicains et des courtisanes et des plus grands pécheurs et Jésus se soumet à ce baptême de pénitence comme s’il était vraiment pécheur.

Faire Pénitence, pas seulement «pour rire», comme on va le voir au désert après son baptême, mais avec le plus grand sérieux et la plus grande réalité.  Jésus approuve donc tout le plan de Jean pour faire pénitence et s’humilier avant de recevoir le divin puisqu’il s’y soumet lui-même.  Et nous qui sommes les vrais pécheurs nous devrions avoir le vrai courage de nous présenter au tribunal de la pénitence devant le monde et nous soumettre volontiers à la pénitence nécessaire pour effacer nos péchés.  Trop de chrétiens font du sacrement de pénitence une simple formalité extérieure.  A force d’entendre des prêtres vanter l’efficacité du sacrement «in se» ou «en soi», les fidèles pensent que le sacrement agit tout seul sans leurs propres dispositions intérieures.  Que de prédicateurs disent, par exemple, qu’on entre dans le confessionnal la conscience chargée de péchés, puis qu’on en sort la conscience blanche comme de la neige.  Cela est possible et c’est vrai à condition qu’on ait toutes les dispositions voulues pour que nos péchés soient effacés.  C’est sur ces dispositions concrètes et pratiques que les prédicateurs devraient insister.  Car à voir la façon de se confesser et surtout la vie d’une foule de pécheurs, il est bien certain qu’ils ne sont pas pardonnés du tout.  C’est le résultat de la prédication des philosophes où ils parlent des sacrements en eux-mêmes et non pas assez dans nos coeurs.  St-Jean Baptiste ne disait pas ce que la pénitence fait «in se».  Il disait à ses auditeurs qu’ils devaient faire pénitence, et cela sous peine de damnation.  «Dieu nettoiera son aire et il mettra le froment dans ses greniers éternels, mais la paille brûlera dans un feu qui ne s’éteint jamais».  Il ne leur a jamais donné comme un truc magique pour faire pardonner leurs péchés sans changer de vie, comme tant de nos prédicateurs font de nos jours.  Un Ave Maria, un acte de contrition, un signe de croix… et tous les péchés sont pardonnés; l’enfer est fermé pour eux, le ciel est ouvert.  Mais ni Jésus ni St.  Jean, ni les Apôtres ont prêché de ces manières faciles qui sauvent sans le mépris des créatures et l’amour de Dieu.  Ces choses sont possibles «en soi» ou dans l’abstrait.  Il est certain que Dieu est capable de faire ces miracles de sauver des pécheurs qui veulent continuer de pécher, mais qui peut assurer un tel, dans tel cas concret que Dieu va le faire pour lui?  Personne ne le peut et c’est insensé de le prêcher, comme une pratique sûre, ce n’est pas vrai.  C’est possible à Dieu, mais on n’en sait rien dans tel cas concret.  On doit prêcher selon la façon ordinaire d’agir des hommes et pas des cas exceptionnels et miraculeux.  Les pécheurs mettent tout leur coeur dans les plaisirs défendus, eh bien, il faut qu’ils mettent tout leur coeur dans l’expiation de ces péchés.  On ne peut pas assez exagérer le sérieux de la pénitence et de la justice de Dieu tant qu’on n’a pas fait une sérieuse pénitence.  «Si vous ne faites pénitence, vous mourrez dans vos péchés dit Jésus et il ne voulait pas dire comme les philosophes de nos jours: de simplement passer par le confessionnal pour dire ses péchés.

Ses effets ont été merveilleux pour Jésus.  Ce fut d’abord la manifestation de la Trinité, pour la première fois dans l’histoire du monde.  Après que Jean eut versé de l’eau sur la tête de Jésus et que celui-ci fut sorti du Jourdain, en priant ardemment, le ciel s’ouvrit et une colombe descendit sur la tête de Jésus et vint se reposer sur lui.  C’était le St.  Esprit tel que Dieu l’avait dit à Jean.

La Trinité se manifeste.  En même temps une voix se fit entendre du haut du ciel disant: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances.» Voilà donc un témoignage de la Trinité en faveur de la divinité de Jésus.  Jamais aucun fondateur de religion n’a reçu un témoignage aussi clair et aussi retentissant du ciel que celui-là.  Nous ne devrions donc pas hésiter à jeter notre sort avec Jésus si clairement désigné comme Dieu par la Trinité.  Deux Personnes divines qui affirment que Jésus est bien le Fils de Dieu, cela devrait suffire à baser notre foi solide et vivace.

Saint Jean sait maintenant que sa mission achève puisque Celui qu’il annonçait est arrivé et qu’il va commencer bientôt sa prédication du Royaume de Dieu.  Aussi il conseille à ses disciples de s’en aller avec Jésus, que lui-même doit diminuer et Jésus augmenter, comme l’aurore disparaît devant le soleil qui se lève.  Remercions Dieu de nous avoir donné cette preuve visible de la Trinité où nous devons aller dans l’éternité.  Mais c’est quand Jésus s’humilie que le ciel se déverse en lui, non qu’il ait eu besoin de s’abaisser, mais il veut nous donner l’exemple de ce que nous devons faire pour recevoir la Trinité de plus en plus abondamment, même quand nous sommes en état de grâce.  Plus on s’humilie et plus on se mortifie et plus elle vient en nous.  N’oublions pas que la vie de Jésus doit être la nôtre.  Prêchons donc aux fidèles les conditions requises pour recevoir de plus en plus la Ste Trinité en nous.  Au lieu de tant parler des péchés, parlons donc de la vie positive de la Trinité que nous devons vivre plutôt que de la vie du péché que nous devons éviter.  Quand un homme se marie, est-ce qu’il pense plus à ne pas tuer sa femme qu’à lui faire plaisir?  Quand bien même que c’est vrai qu’il ne doit pas la tuer, son amour ne pense pas à cela du tout.  Il pense comment il pourra lui faire plaisir en toutes choses pour lui montrer son amour.  Eh bien, c’est aussi fou de tant parler d’éviter le péché mortel qui tue Dieu dans l’âme et si rarement parler de toutes les façons possibles de montrer notre amour à Dieu.  Cessons de penser à ne pas assassiner Dieu, pour penser comment lui plaire le plus possible Les hommes sont plus sages dans les choses humaines que dans les; choses divines.

Sa mission est confirmée.  Jésus va prêcher une doctrine si austère et si contraire à la nature humaine qu’il a besoin de nous prouver clairement qu’il vient de Dieu et qu’il est Dieu.  C’est pour cela que la Trinité vient mettre le sceau de son approbation sur toute sa vie.  Nous n’avons plus le droit de douter de sa mission: «Voici mon Fils en qui j’ai mis mes complaisances».  Ne craignons donc pas de le suivre et dans sa doctrine et dans sa vie, c’est Dieu qui nous le recommande.  C’est quand on veut le suivre dans sa vie mortifiée qu’on sent le besoin de croire fermement à sa mission divine.  C’est tellement dur qu’on se demande si on est bien dans le plan de Dieu d’aller ainsi contrairement à la nature.

Mépris du monde.  Aussitôt cette manifestation de la Trinité faite, le Saint Esprit pousse Jésus au désert.  Arrêtons un peu à cet effet du divin dans une âme.  Dieu veut nous montrer que la Trinité ne veut pas partager notre coeur avec les créatures qui sont les rivales de Dieu à notre affection.  Quand l’amour divin entre dans une âme, il faut que l’amour des créatures en sorte: c’est l’un ou l’autre, jamais les deux ensemble.  Jésus lui-même le dira dans le sermon sur la montagne: «Vous ne pouvez pas aimer Dieu et le monde; vous aimerez l’un et vous haïrez l’autre.» C’est bien clair et Jésus veut le montrer par sa conduite en s’en allant dans le désert après avoir reçu le Saint Esprit.  Ce n’était pas pour lui mais pour nous cette leçon.  Quel dommage que les prêtres ne prêchent pas tous cette opposition entre ces deux affections des créatures et de Dieu.  C’est que cette opposition ne se rencontre pas dans la philosophie de la théologie, la seule qu’ils aient apprise.  «En soi» les créatures ne sont pas les rivales de Dieu, et c’est toute la masse des prêtres imbus de cette conclusion de la philosophie.  Mais combien peu connaissent celle de la théologie vraie où les créatures sont considérées comme du fumier… tout l’opposé du désert des philosophes.  Jésus ne s’en va pas jouer au golf, ou fumer de bons cigares, ou aux joutes de toutes sortes comme tant de prêtres font… pour l’amour du Bon Dieu, disent-ils!  Ce n’est pas vrai en général, mais c’est uniquement pour contenter les tendance naturelles de leur païen encore extrêmement vigoureux en eux puisque là leur philosophie de la théologie n’attaque jamais le païen qui est bon «en soi».  Cette opposition entre ces deux affections fait le fond de la vie de Jésus… et la masse des prêtres ne l’a pas encore reconnu!  Que de prêtres essaient de combiner les deux.  Le démon leur met le nez uniquement sur les créatures «in se» pour les juger, mais ils en jouissent dans leur coeur quand même.  Ils ne voient pas leur sophisme.  Ils disent les créatures sont bonnes «en soi», donc elles sont bonnes en nous!  Ce n’est pas vrai!  En nous, ou dans l’ordre de l’amour, elles sont du fumier?  Du fumier et encore du fumier.  Jésus le dit et nous le montre par sa vie, et St.  Paul le dit et tous les saints.  Mais la philosophie l’emporte sur tous ces points de vue et sur ces témoignages… et les prêtres et les fidèles courent après les amusements comme de vrais païens… après dix-neuf siècles de christianisme!  Ils sont tous condamnés par Jésus dans sa vie et dans sa doctrine.  Si on me trouve sévère pour les philosophes de la théologie, qu’on voie un peu ce qu’ils font à Jésus par leur diabolique philosophie.  Ils le tuent aussi efficacement que les Juifs et les pharisiens.  Ils font même mieux: ils l’empêchent de naître dans les coeurs, ce qui les dispense de le tuer.  C’est du birth-control en spiritualité!  Et on va les laisser continuer ce crime épouvantable?  Il ne faudrait pas avoir de coeur pour Notre-Seigneur!  baptême chrétien Il est bien supérieur à celui de Jean-Baptiste parce qu’il donne:

La vie divine de la grâce sanctifiante avec l’habitation de la Sainte Trinité; nous devenons les enfants adoptifs de Dieu et les héritiers du ciel.  La Trinité ne vient pas en nous simplement comme un ornement, mais comme un principe nouveau de vie divine qu’elle veut nous voir vivre dans le concret.  Comme dans le ciel nous participerons à son activité, il nous faut commencer tout de suite à la vivre dans le concret.  Cette vie veut agir selon ses propres principes divins.  St.  Paul dit que nous sommes les enfants de Dieu quand nous nous laissons conduire par l’Esprit de Dieu.  Rom.  6-14.  Nous pouvons faire cela seulement dans nos facultés libres et spirituelles; c’est donc par la mentalité divinisée que nous pénétrons dans l’activité trinitaire.  Trop de fidèles croient que la grâce sanctifiante n’est que l’absence de péché mortel dans l’âme.  C’est en plus une vie divine.  Ce n’est pas non plus un billet pour le ciel, ni de la monnaie pour l’acheter; c’est la vie même de Dieu ou de la Trinité que nous devons reproduire en nous.  Les trois Personnes viennent en nous précisément pour continuer en nous leur vie trinitaire qui consiste en trois principales activités: Vivre, qui correspond au Père; Penser, qui est attribué au Verbe, et Aimer, qui appartient au Saint-Esprit; vie, sagesse et amour; voilà ce que nous devons passer notre vie à reproduire en nous divinement.  Il nous faut donc travailler constamment sur la mentalité.  Exige une Mentalité Chrétienne.  C’est bien triste d’être obligé d’insister tant sur ce point que n’importe quel nigaud devrait comprendre, mais, quand on voit la très grande majorité des prêtres absolument insouciants sur la nécessité de développer une attitude mentale ou une mentalité chrétienne, en plus de la grâce sanctifiante, on est bien forcé d’insister.  Que dirait-on de parents qui ne s’occuperaient pas d’éduquer et d’instruire leurs enfants, mais se contenteraient de les mettre au monde?  Eh bien, la majorité des prêtres agissent exactement comme ces barbares: ils donnent la grâce sanctifiante aux fidèles et ne s’occupent plus de les faire agir en tout comme des dieux.  Combien les laissent agir avec des motifs naturels et donc comme de vrais païens.  Combien peu leur enseignent comment se laisser conduire par le Saint-Esprit comme des enfants de Dieu devraient le faire en tout.  Combien peu insistent pour que les chrétiens agissent exactement comme dans le ciel.  Car la mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve en nous.  Or, au ciel nous agirons comme des dieux; faisons-le donc tout de suite en autant que notre condition terrestre le comporte.  Au ciel nous serons tout aux choses de Dieu; soyons le donc tout de suite.  Adieu donc les sports, les plaisirs sensibles, les affections naturelles; les motifs naturels, la recherche de ses propres intérêts, etc.


La Mort au monde est la conséquence logique que nous sommes transformés en enfants de Dieu.  Puisque nous ne sommes plus de la terre, mourons à tout ce qu’il y a sur la terre, au moins quant à nos affections.  «Usons des choses de ce monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe vite.» Jésus dit qu’il n’est pas de ce monde et il veut que nous soyons une seule chose avec lui: Nous ne devons donc plus être de ce monde, donc n’avoir aucune affection pour lui, mais toutes nos affections à Dieu seul.  Or, quand on est mort au monde, on ne parle plus de lui ni de rien de lui.  Est-ce le cas pour plusieurs chrétiens?  Quand on ne vit plus que pour le ciel, on ne parle que du ciel et de ce qui y conduit, est-ce le cas de plusieurs chrétiens?  Comme tous sont à cent lieues de Jésus!  S.  Paul dit que nous ne devons chercher que les choses d’en haut où Jésus-Christ est assis à la droite de son Père.  Tous les chrétiens devraient trancher nettement sur tous les non catholiques et sur les païens; ils devraient vivre dans un tout autre monde.  Or, que voit-on?  Est-ce qu’un corrupteur s’informe si une telle est catholique sachant que c’est inutile d’essayer si elle l’est?  Quand on fait affaire avec un autre, est-ce qu’il vaut la peine de demander s’il est catholique pour pouvoir se fier à lui parfaitement?  Jamais on agit de la sorte, sachant bien que nos catholiques sont aussi corruptibles que les païens.  C’est donc que les prêtres ne font plus leur devoir; ils ne donnent plus la «vie de Jésus à vivre»; ils ne donnent plus la vraie foi qui donne la victoire sur le monde, dit Jésus.  C’est donc que les prêtres laissent aux fidèles ce que Jésus appelle le sable dans le sermon sur la Montagne; c’est le naturel intentionnel qui n’a jamais été ou trop rarement attaqué par les prêtres.  Ces attaques ne sont pas enseignées dans leur philosophie de la théologie.  Prêchons donc plus souvent sur les conséquences pratiques du fait que nous sommes les enfants de Dieu par le Baptême et que nous devons vivre, dans tous nos motifs, comme au ciel.

lundi 9 mai 2016

Pie XII - Décret d'excommunication du Père Léonard Feeney

DÉCRET DU SAINT-OFFICE EXCOMMUNIANT
LE R. P. LEONARD FEENEY S. J.
(13 février 1953)[i]

Il y a quelques années un groupe d'étudiants et d'étudiantes de l'Université de Harvard se réunissaient régulièrement au Centre d'accueil Saint-Benoît, à Boston, dont l'aumônier était le R. P. Leonard Feeney

Trois professeurs laïques furent exclus du collège des Pères Jésuites par décision du recteur, parce que professant sur la thèse « Hors de l'Eglise pas de salut » des doctrines erronées.

Mais bientôt après le Père Feeney prenait fait et cause pour ces professeurs et il les intégrait dans le corps professoral de son Centre et se rebellait ainsi contre son supérieur. L'archevêque de Boston, S. Excellence Mgr Cushing, se voyait obligé de condamner le Père Feeney et de lui enlever à partir du 1er janvier 1949 les pouvoirs d'entendre les confessions.

Une lettre du Saint-Office dénonçait l'hérésie du Père Feeney, mais celle-ci ne fut pas rendue publique au moment de sa publication en août 1949.

Aussi nous donnons ici le texte de cette lettre du Saint-Office du 8 août 1949.

Cette Suprême Sacrée Congrégation a suivi très attentivement le commencement et le cours de la sérieuse controverse, soulevée par certains associés du St. Benedict Center et du Boston College, concernant l'interprétation de la maxime : « Hors de l'Eglise point de salut ».

Après avoir examiné tous les documents nécessaires ou utiles sur ce sujet — entre autres le dossier envoyé par votre chancellerie, les recours et rapports où les associés du St. Benedict Center exposent leurs opinions et leurs réclamations, et en outre beaucoup d'autres documents se rapportant à cette controverse recueillis par voie officielle, — la Sacrée Congrégation a acquis la certitude que cette malheureuse question a été soulevée parce que le principe « hors de l'Eglise point de salut » n'a pas été bien compris ni examiné et que la controverse s'est envenimée par suite d'un sérieux manquement à la discipline, provenant du fait que certains membres des associations mentionnées ont refusé respect et obéissance aux autorités légitimes.

En conséquence, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de notre Suprême Congrégation ont décrété en session plénière, le mercredi 27 juillet 1949, et le Souverain Pontife, en l'audience du jeudi suivant 28 juillet 1949, a daigné approuver l'envoi des explications doctrinales, de l'invitation et des exhortations suivantes

Nous sommes obligés par la foi divine et catholique à croire toutes les choses que contient la Parole de Dieu, Ecriture ou Tradition, et que l'Eglise proposé à la foi comme divinement solennelle, mais encore par son magistère ordinaire et universel[ii].

Or, parmi les choses que l'Eglise a toujours prêchées et ne cessera pas d'enseigner, il y a aussi cette déclaration infaillible où il est dit qu'il n'y a pas de salut hors de l'Eglise.

Cependant, ce dogme doit s'entendre dans le sens que lui attribue l'Eglise elle-même. Le Sauveur, en effet, a confié l'explication des choses contenues dans le dépôt de la foi, non pas au jugement privé, mais à l'enseignement de l'autorité ecclésiastique.

Or, en premier lieu, l'Eglise enseigne qu'en cette matière il existe un mandat très strict de Jésus-Christ, car il a chargé explicitement ses apôtres d'enseigner à toutes les nations d'observer toutes les choses qu'il avait lui-même ordonnées[iii].

Le moindre de ces commandements n'est pas celui qui nous ordonne de nous incorporer par le Baptême au Corps mystique du Christ qui est l'Eglise, et de rester unis avec lui et avec son Vicaire par qui lui-même gouverne ici-bas son Eglise de façon visible.

C'est pourquoi nul ne se sauvera sachant que l'Église est d'institution divine par le Christ, il refuse malgré cela de se soumettre à elle ou se sépare de l'obédience du Pontife romain, Vicaire du Christ sur la terre.

Non seulement notre Sauveur a-t-il ordonné que tous les peuples entrent dans l'Eglise, il a aussi décrété que c'est là un moyen de salut sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume éternel de la gloire.
Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que, puisqu'il s'agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l'homme non par nécessité intrinsèque, mais seulement par institution divine, leurs effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances, lorsque ces moyens sont seulement objets de « désir » ou de « souhait ». Ce point est clairement établi au Concile de Trente aussi bien à propos du sacrement de Baptême qu'à propos de la Pénitence[iv].

Il faut en dire autant, à son plan, de l'Eglise en tant que moyen général de salut. C'est pourquoi, pour qu'une personne obtienne son salut éternel, il n'est pas toujours requis qu'elle soit de fait incorporée à l'Eglise à titre de membre, mais il faut lui être uni tout au moins par désir ou souhait.

Cependant, il n'est pas toujours nécessaire que ce souhait soit explicite comme dans le cas des catéchumènes. Lorsque quelqu'un est dans une ignorance invincible, Dieu accepte un désir implicite, ainsi appelé parce qu'il est inclus dans la bonne disposition de l'âme, par laquelle l'on désire conformer sa volonté à celle de Dieu.

Ces choses sont clairement exprimées dans la Lettre dogmatique publiée par le Souverain Pontife Pie XII, le 29 juin 1943, « sur le Corps mystique de Jésus-Christ »[v]. Dans cette Lettre, en effet, le Souverain Pontife distingue clairement ceux qui sont actuellement incorporés à l'Eglise comme membres et ceux qui lui sont unis par le désir seulement.

Parlant des membres qui forment ici-bas le Corps mystique, le même auguste Pontife dit: « Seuls font partie des membres de l'Eglise ceux qui ont reçu le Baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d'autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l'ensemble du Corps ou n'en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l'autorité légitime »[vi].
Vers la fin de la même Encyclique, invitant à l'unité, avec la plus grande affection, ceux qui n'appartiennent pas au corps de I'Eglise catholique, il mentionne ceux qui « par un certain désir et souhait inconscient, se trouvent ordonnés au Corps mystique du Rédempteur»[vii]. II ne les exclut aucunement du salut éternel, mais il affirme par ailleurs qu'ils se trouvent dans un état « où nul ne peut être sûr de son salut éternel »[viii], et même qu' « ils sont privés de tant et de si grands secours et faveurs célestes, dont on rte peut jouir que dans l'Eglise catholique »[ix].

Par ces paroles, le Pape condamne aussi bien ceux qui excluent du salut éternel les hommes qui ne sont unis à l’Eglise que par le désir implicite, que ceux qui affirment erronément que tous les hommes peuvent se sauver à titre égal dans toutes les religions[x].

Cependant, il ne faudrait pas croire que n'importe quelle sorte de désir d'entrer dans l'Eglise suffise pour le salut. Le désir par lequel quelqu'un adhère à l'Eglise doit être animé de charité parfaite. Un désir implicite ne peut pas non plus produire son effet si l'on ne possède pas la foi surnaturelle « car celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il existe et qu'il rémunère ceux qui le cherchent »[xi]. Le Concile de Trente déclare[xii] : « La foi est le principe du salut de l'homme, le fondement et la racine de toute justification. Sans elle, il est impossible de plaire à Dieu et de compter parmi ses enfants »[xiii].

Il est évident, d'après ce qui précède, que les idées proposées par le périodique From the Housetops (n. 3) comme l'enseignement authentique de l'Eglise catholique, sont loin de l'être et sont très dangereuses aussi bien pour ceux qui sont dans l'Eglise que pour ceux qui vivent en dehors d'elle

De cet exposé doctrinal découlent certaines conclusions touchant à la discipline et à la conduite que ne peuvent méconnaître ceux qui défendent avec vigueur la nécessité d'appartenir à la véritable Eglise et de se soumettre à l'autorité du Pontife romain et des évêques « que l'Esprit-Saint a désignés pour gouverner l'Eglise »[xiv].

C'est pourquoi il est inexplicable que le St. Benedict Center puisse prétendre être un groupe catholique et désirer être considéré comme tel et qu'en même temps il ne se conforme pas aux prescriptions des canons 1381 et 1382 du Code de droit canonique, et continue d'être une cause de discorde et de révolte contre l'autorité ecclésiastique, et de trouble pour beaucoup de consciences.

En outre, il est difficile de comprendre qu'un membre d'un Institut religieux, le P. Feeney, se présente comme « défenseur de la foi » et qu'en même temps il n'hésite pas à attaquer l'enseignement donné par les autorités légitimes et ne craigne même pas d'encourir les graves sanctions dont le menacent les sacrés canons pour les violations graves de ses devoirs de religieux, de prêtre et de simple membre de l'Eglise.

Enfin, il n'est pas prudent de tolérer que certains catholiques revendiquent pour eux-mêmes le droit de publier un périodique, dans l'intention d'y exposer des doctrines théologiques, sans la permission de l'autorité ecclésiastique compétente, que l'on appelle imprimatur et qui est prescrite par les sacrés canons.

Ceux, donc, qui s'exposent au grave danger de s'opposer à l'Eglise, doivent méditer sérieusement qu'une fois que « Rome a parlé », ils ne peuvent passer outre même pour des raisons de bonne foi. Leur lien à l'Eglise et leur devoir d'obéissance sont certainement plus stricts que pour ceux qui adhèrent à elle « seulement par un désir inconscient ». Qu'ils comprennent qu'ils sont les enfants de l'Eglise, affectueusement soutenus par elle avec le lait de la doctrine et les sacrements, et que, après avoir entendu la voix de leur Mère, ils ne peuvent donc pas être excusés d'ignorance coupable. Qu'ils comprennent que le prin¬cipe suivant s'applique à eux sans restriction : « La soumission à l'Eglise catholique et au Souverain Pontife est nécessaire au salut».

Ce document était rendu public le g septembre 1952.

Le Père Feeney, au lieu de se soumettre, se révolta davantage et commença une campagne de violence contre les autorités religieuses. Le 25 octobre 1952, le Père fut mandé à Rome ; il refusa de s'y rendre ; après un dernier avertissement, il fut excommunié.

Il continue à occuper le Centre Saint-Benoît et a une centaine d'adeptes qui, au milieu de leurs prières, lancent des invectives aux autorités religieuses. Ils se nomment « Esclaves du Coeur Immaculé de Marie ».

Comme le prêtre Léonard Feeney, résidant à Boston (Saint Benedict Center), lequel à cause du grave refus d'obéissance à l'Autorité ecclésiastique avait été déjà suspendu « a divinis », nonobstant les avertissements réitérés et l'instante menace d'excommunication à encourir ipso facto, n'est pas venu à résipiscence, les Eminentissimes et Révérendissimes Pères préposés à la sauvegarde de la foi et des mœurs, dans la séance plénière du mercredi 4 février 1953, l'ont déclaré excommunié avec tous les effets de droit.

Et le jeudi 12 février 1953, Sa Sainteté Pie XII, Pape par la Providence de Dieu, a approuvé, confirmé le décret des Eminentissimes Pères et ordonné qu'il fût rendu public.



Voir pour plus d'information un site ami : Notre Dame des Anges


[i] D'après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 100.
[ii] Denzinger, n.1792.
[iii] Matth., XXVIII, 19-20.
[iv] A. A. ., XXXV 1943, pp. 193 et s.
[v] Denzinger , n.797 et 807
[vi] Cf. Encyclique Mystici Corporis Christi.
[vii] Cf. Encyclique Mystici Corporis Christi.
[viii] Ibid.
[ix] Ibid.
[x] Cf. Pape Pie IX, Singulari quadam, Denzinger, n. 1641 s. ; Pie XI, Quanto conficiamur moerore, Denzinger, n. 1677.
[xi] Hébr., XI, 6.
[xii] Session VI, ch. VIII.
[xiii] Denzinger, n.801
[xiv] Act. XX, 28.

mercredi 4 mai 2016

Mgr Bourget - Le libéralisme - 1 février 1876

                                                                           Salut à Marie, conçue sans péché, l'honneur
de notre peuple.— Réjouissons-nous beau-
coup dans ce jour que le Seigneur a fait. 

LETTRE PASTORALE DE MGR. L'ÉVÊQUE DE MONTRÉAL CONCERNANT LE LIBÉRALISME CATHOLIQUE, LES JOURNAUX, ETC. 

IGNACE BOURGET, PAR LA GRÂCE DE DIEU ET DU SIÈGE APOSTOLIQUE, ÉVÊQUE DE MONTRÉAL, etc.

Au Clergé séculier et régulier, aux Communautés religieuses et à tous les Fidèles de Notre Diocèse, Salut et Bénédiction en Notre Seigneur.

Nos Très-Chers Frères,

Notre intention, dans cette Lettre Pastorale, est de vous indiquer quelques-unes des marques auxquelles vous pourrez reconnaître le libéralisme catholique, qu'il vous faut éviter à tout prix, afin de mettre votre salut en sûreté. Car, Nous avons la douleur de voir qu'il se fait d'incroyables efforts, pour vous ébranler dans vos bous sentiments, malgré toutes les instructions qui vous ont été données sur ce grave sujet. C'est aussi notre intention de vous prémunir contre certains scandales qui pourraient affaiblir vos sentiments religieux dans ces temps mauvais.

Nous n'en sommes pas surpris ; et c'est précisément ce qui Nous pénètre d'une vive douleur en vous écrivant la présente. Prêtez donc une oreille attentive à tout ce que Nous avons à vous dire, dans l'intérêt de vos âmes, des divers sujets qui font la matière de cette Lettre. Nous commençons par le libéralisme.

§ I. Qu'est-ce que le Libéralisme Catholique ?

Le libéralisme catholique est un ensemble de doctrines religieuses et sociales qui tendent à affranchir plus ou moins les esprits dans l'ordre spéculatif, et les citoyens dans l'ordre pratique de la règle que la tradition leur avait partout et toujours imposée.

Ou bien encore : Qu'est-ce que le libéralisme catholique ? Qu'est-ce que le catholicisme libéral !

C'est un sentiment faux et dangereux ; c'est un parti remuant qui conspire de fait contre l'Église et la société civile.

Un catholique libéral, c'est un homme qui participe à un degré quelconque à ce sentiment, ou à ce parti, ou à cette doctrine, d'autant plus malade qu'il est plus libéral, d'autant moins malade qu'il est plus catholique.

Le libéralisme tend toujours à subordonner les droits de l'Eglise aux droits de l'Etat par mesure de prudence et de haute sagesse, et même à séparer l'Eglise de l'Etat, ou il voudrait une Eglise libre dans un Etat libre.

Le libéralisme prétend que le clergé seul est appelé à défendre la Religion ; et que les laïques n'ont point cette mission, tandis que le Pape déclare, dans son Encyclique de 1853, que les laïques remplissent en cela un devoir filial, du moment qu’ils combattent sous la direction du clergé.

Le libéralisme moderne prétend que la Religion ne doit pas sortir de la sacristie, ni franchir les limites de la piété privée. Mais le Pape déclare que les catholiques ne peuvent défendre efficacement leurs droits et leurs libertés qu'en se mêlant activement à toutes les affaires publiques.

A ces traits caractéristiques, vous reconnaîtrez le libéralisme catholique. C'est pour cela que Nous avons cru devoir les signaler à votre sérieuse attention, pour que vous puissiez mieux comprendre la définition que Nous vous en avons donnée.

Pour vous le faire connaître encore plus clairement, Nous allons reproduire ici ce qu'en disent les Pères du cinquième Concile Provincial de Québec.

" Le libéralisme catholique, "disent-ils, "s'est introduit peu à peu dans la sainte Eglise et s'y est caché en usant d'adresse et de fourberie, comme l'ancien serpent dans le paradis (terrestre) afin de séduire les âmes imprévoyantes, en les poussant, par ses artifices, à manger du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal."

Nous laissons à vos sérieuses réflexions toutes et chacune des paroles de cette définition, qui vous fait remarquer que le libéralisme n'est autre chose que le démon qui, caché sous la forme de l'ancien serpent et armé de sa rage, de sa malice et de sa ruse, se trouve maintenant au milieu de nous, pour nous perdre, comme il perdit malheureusement nos premiers parents, en nous dépouillant de la robe de justice et d'innocence, et en nous faisant perdre cette foi pure et simple, qui ne raisonne pas avec Dieu et avec l'Eglise ; hélas ! c'est pour nous rendre coupables d'orgueil et de désobéissance et nous mériter le plus terrible des châtiments de la vengeance divine, celui d'être honteusement chassés de ce sanctuaire de toutes les vérités révélés, en perdant la foi, et d'être plongés dans l'abîme des plus grands maux. Pour le bien comprendre, il suffit de jeter un coup d'œil sur les maux horribles qui désolent les gouvernements et les peuples européens, frappés d'un inconcevable vertige, en punition de leur libéralisme.

Ainsi, N. T. C. F., la certitude que le libéralisme catholique est caché au milieu de nous et de la crainte que ce monstre affreux n'y cause tous les maux qu'il traîne nécessairement à sa suite, ont bien de quoi nous faire trembler et Nous forcer à élever la voix pour crier au danger.

§ II. Combien le libéralisme est à craindre.

C'est une chose bien connue que la vue d'un serpent fait trembler les hommes les plus intrépides. Aussi, la sainte Ecriture pour nous faire craindre le péché, nous recommande-t-elle de le fuir, comme à la vue d'un serpent : Quasi a fade colubri fuge peccatum.

Jugez-en par vous-mêmes, N. T. C. F., par quelques comparaisons naturelles.—Quelles ne seraient pas vos continuelles alarmes, si de bons amis vous avertissaient qu'un serpent vénimeux s'est glissé, sans être aperçu, dans vos maisons ; qu'il se cache tantôt dans vos salons, et tantôt dans vos salles à manger ou vos chambres à coucher ; qu'il va se réchauffer dans vos lits ou dans les berceaux de vos enfants ?—Une telle nouvelle ne suffirait-elle pas pour déchirer vos cœurs de trouble et d'inquiétude ?—Pour riez-vous demeurer un seul instant tranquilles ?—Vous viendrait-il même en pensée de ne faire aucun cas d'une telle information ou de contester avec les personnes sages et prudentes, qui vous la donneraient ?—Seriez- vous tentés d'ajouter foi à ceux qui voudraient vous persuader qu'il n'y a rien à craindre, ni pour vous ni pour vos enfants, du contact de ce redoutable animal ?—N'est-il pas vrai que vous ne seriez sans inquiétude que lorsque vous auriez la certitude pleine et entière que ce dangereux serpent .aurait été mis à mort ou chassé bien loin de vos demeures ?—Ne prendriez-vous pas alors de minutieuses précautions pour laver tout ce que cet animal vénimeux aurait infecté de son venin par son contact ?

Telles sont, N. T. C. F., les impressions de crainte que vos Evêques, réunis en Concile, inspirent du libéralisme catholique, en vous apprenant que c'est un serpent qui s'introduit dans tous les rangs de la société chrétienne et se glisse même dans le sanctuaire, pour y répandre le trouble et la désolation. Mais, remarquez-le bien, c'est un serpent mille fois plus dangereux que tous les serpents du monde, puisqu'il empoisonne les âmes.

§ III. Ce que pense de ce libéralisme N. S. Père le Pape.

Mais ce que nous dit de cette monstrueuse erreur le Chef Suprême de l'Eglise nous en doit inspirer encore une plus vive horreur.

'' Mes Chers enfants," disait-il, en 1871, à la dépuration des catholiques de France qui, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de son Pontificat, lui présentait une adresse, portant plus de deux millions de signatures, « mes chers enfants, il faut que mes paroles vous disent bien ce que j'ai dans mon cœur. Ce qui afflige votre pays et l'empêche de mériter les bénédictions de Dieu, c'est un mélange des principes. Je dirai le mot et je ne le tairai pas, ce que je crains, ce ne sont pas tous ces misérables de la Commune de Paris, vrais démons de l'enfer qui se promènent sur la terre. Non, ce n'est pas cela ; ce que je crains, c'est cette malheureuse politique, ce libéralisme catholique, qui est le véritable fléau. Je l'ai dit plus de quarante fois; je vous le répète, à cause de l'amour que je vous porte."

Le Saint Père pouvait-il parler de ce libéralisme en termes plus énergiques? C'est du fond du cœur qu'il tire les paroles qui tombent de ses lèvres ; et c'est pour l'amour de ses enfants qu'il parle ainsi. Ce qu'il craint, c'est plus les libéraux catholiques que les Révolutionnaires, qui ont bouleversé la France, ces années dernières, révolutionnaires qu'il dit être méchants comme des démons sortis de l'enfer et parcourant le monde, pour le remplir de maux ; car, il déclare que c'est un véritable fléau.

Or, remarquez-le bien, N. T. C. F., celui qui tient un langage si sévère, c'est un père et un père qui aime ses enfants. C'est le premier des Pasteurs qui chérit ses brebis jusqu'à se sacrifier jour et nuit, pour assurer leur bonheur dans ce monde et dans l'autre. C'est le docteur suprême de l'Eglise, qui ne fait entendre sa voix aux fidèles confiés à ses soins vigilants que pour les préserver de toute erreur. N’est-il pas évident qu'il réprouve ce libéralisme, comme souverainement préjudiciable et dangereux à l'Eglise?

§ IV. Le St. Père, en réprouvant le libéralisme, montre qu'il prend les dehors de la piété, pour mieux se propager.

Le libéralisme n'est si préjudiciable aux âmes que parce qu'il se couvre des dehors de la piété, comme le loup se cache sous la peau de brebis, pour dévorer plus facilement le troupeau. C'est là l'imminent danger que signale N. S. P. le Pape, par ces paroles remarquables et dignes de la plus sérieuse attention. Elles se lisent dans le Bref du 28 juillet, 1873.

" Les opinions libérales," dit-il, "sont accueillies par beaucoup de catholiques honnêtes d'ailleurs et pieux dont, par conséquent, la religion et l'autorité peuvent facilement attirer à eux les esprits et les incliner vers des opinions très-pernicieuses. "

Or, pour que de tels exemples ne puissent être pernicieux à personne, le Saint-Père croit devoir faire les déclarations suivantes :

" Dans les nombreuses occasions où Nous avons repris les sectateurs des opinions libérales, Nous n'avons pas eu en vue ceux qui haïssent l'Eglise et qu'il eût été inutile de désigner ; mais bien ceux que Nous venons de signaler, lesquels, conservant et entretenant le virus ou poison caché des principes libéraux qu'ils ont sucé avec le lait, sous prétexte qu'il n'est pas infecté d'une malice manifeste et n'est pas suivant eux nuisible à la Religion, l'innoculent aisément aux esprits et propagent ainsi les semences de ces révolutions dont le monde est depuis longtemps ébranlé."

Vous ne vous étonnez donc plus, N. T. C. F., de voir les libéraux catholiques prendre ainsi les apparences de dévouement à la Religion et affecter de se montrer attachés aux principes de la foi et aux pratiques de la piété, vous qui savez que le démon, au commencement du monde, prit la ressemblance du serpent, qui est le plus rusé de tous les animaux, afin de séduire nos premiers parents, et que tous les jours, Satan, comme l'assure l'Apôtre, se transforme en Ange de lumière, pour tromper plus sûrement les malheureux enfants d'Adam. Car, n'est-il pas évident que personne ne voudrait être partisan de ce père du mensonge, s'il se faisait connaitre tel qu'il est en lui-même et s'il se montrait à nous avec toute sa laideur et sa malice ? Si donc cet esprit de ténèbres entraîne tant de malheureux à sa suite c'est qu'il réussit, par ses mensonges, à leur faire accepter l'erreur pour la vérité, car, dit J.-C., il est menteur et père du mensonge. Aussi, devons-nous nous écrier, tous les jours, avec le prophète à la vue de tant de fatales illusions : Enfants des hommes, jusqu'à quand aurez-vous le cœur appesanti? Pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge ? PS. IV.

§ V. Le Clergé ne fait que suivre la doctrine du Saint-Père.

Nous n’avons pas besoin de vous prouver ici que vos Pasteurs se sont inviolablement attachés à la doctrine du Vicaire de Jésus-Christ, et qu'ils vous out transmis fidèlement les oracles infaillibles qui sont tombés de sa bouche. Vous n'avez pour vous en convaincre autre chose à faire que de comparer les instructions que vous donnent les Curés et Prédicateurs avec les décrets des Conciles et les Mandements, Lettres Pastorales et Circulaires de vos Évêques qui eux-mêmes n'ont fait que proclamer les enseignements de l'Auguste Chef de la Sainte Église. Avec ces documents authentiques à la main, vous acquerrez l'intime conviction qu'en écoutant votre Pasteur c'est l'Église que vous écoutez ; puisque c'est l'Évêque, le Pape, Jésus-Christ lui-même qui vous parle par leur bouche, pour condamner le libéralisme qui se dit catholique, mais qui n'est qu'une erreur damnable.

§ VI. Sentiment de Mgr. de Ségur sur le libéralisme catholique.

" Le libéralisme catholique," dit un célèbre auteur de nos jours, en s'appuyant sur les décrets du Souverain Pontife, " est donc condamné, quoiqu'il ne le soit pas encore formellement comme hérétique. Oui, ajoute-t-il, il y a incompatibilité absolue entre le catholicisme et le libéralisme. Et désormais un chrétien tant soit peu instruit ne peut en sûreté de conscience  ni être, ni se dire catholique libéral."

§ VII Ce que pensent du libéralisme catholique les ennemis de la religion.

Mais il n'y a pas que les Pasteurs des âmes qui d'un commun accord, rejettent et réprouvent le libéralisme comme ennemi du catholicisme. Car, parmi les protestants il s'en trouve qui le considèrent comme un allié fidèle du protestantisme dans les combats incessants qu'il livre à la Religion catholique. N'est-ce pas, en effet, ce qui tout dernièrement a été publiquement proclamé, dans un comté de ce diocèse, et a été répété dans toutes les parties de la Puissance? N'y prédit-on pas que le moment d'une grande bataille est arrivé entre le catholicisme et le protestantisme? N'y annonce-t-on pas que la victoire ne sera pas difficile à gagner, si les protestants du Bas-Canada font alliance avec les Canadiens libéraux français, qui, assure l'orateur ont toujours été et sont encore partisans des institutions libres ? N'y met-on pas en avant qu'il ne s'agit, pour la population anglaise, que de montrer un peu d'énergie, et que, dans ce cas, tout ira bien ? A en croire l'orateur, ne suffirait-il pas, pour réduire au silence les canons de l'ennemi, c'est-à-dire, pour faire taire les voix de l'Ultramontanisme, de s'affirmer comme amis des libertés ? Après de semblables provocations de leurs amis et alliés. Les catholiques-libéraux n'ont assurément pas bonne grâce de se poser en public ou en particulier, comme de vrais amis de l'Eglise ; ils ne peuvent prétendre au droit de les représenter dans les Chambres et ailleurs; ils n'ont aucun titre à leur confiance ; loin de là, on ne peut les regarder que comme de faux frères et des traîtres ; il n'y a à rien conclure de leurs protestations de bonne volonté, sinon qu'ils cherchent à tromper, pour abuser ensuite de la confiance du peuple afin d'arriver à leurs fins.

C'est là un fait tout-à-fait significatif qui vous apprend, N. T.C. F., avec quelles sages précautions vous devez procéder, avant de donner votre confiance à qui que ce soit. Soyez de tout cœur pour ceux qui sont les amis sincères et vrais défenseurs de vos droits religieux, non pas de bouche seulement, mais de tout cœur.

§VIII. Ce qu'il y a à faire pour ne pas faire fausse route.

En traversant ces temps mauvais et en vivant dans ces Jours de scandales, attachez-vous de tout votre cœur aux règles pratiques que Nous vous traçons, en la présence de Dieu et dans l'unique but de procurez votre plus grand bien.

10. Ecoutez J. C. on écoutant l'Eglise. A cette fin, pénétrez-vous de ces oracles sacrés tombés de la bouche du divin Maître : Celui qui vous écoute, m'écoute : Celui n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit pour vous comme un payen et un publicain. Or, voici comment il faut mettre en pratique cette règle. Chacun de vous peut et doit se dire, dans l'intérieur de son âme: J'écoute mon Curé: mon Curé écoute l’Evêque; l’Evêque écoute le Pape ; le Pape écoute N. S. J. C, qui l'assiste de son divin Esprit, pour le rendre infaillible dans l'enseignement et le gouvernement de son Eglise. Avec cette règle si sûre, je ne puis pas m'égarer ; et je suis certain de marcher dans la voie de la justice et de la vérité.

2o. Portez un religieux respect à tous vos pasteurs, de crainte qu'en les méprisant, vous n'encourriez ce terrible anathème prononcé par Notre Seigneur : Celui qui vous méprise me méprise. Oh! que ces paroles: mépriser Jésus-Christ en méprisant ses prêtres, sont dignes d'attention e» qu'elles méritent bien d'être sérieusement considérées!

Comme il vient d'être observé, celui qui écoute le Prêtre écoute l'Evêque, et celui qui écoute l'Evêque écoute le Pape, et celui qui écoule le Pape écoute Jésus-Christ. Il écoute donc tout le clergé dont Jésus-Christ est le chef.

De même celui qui méprise le Prêtre méprise l'Evêque, celui qui méprise l’Evêque méprise le Pape, et celui qui méprise le Pape méprise Jésus-Christ. Il méprise donc tout le clergé dont Jésus-Christ est le chef.

D'après tout ce qui a été reproduit plus haut des instructions données par le Pape et les Evêques, contre le libéralisme catholique, il est visible que les prêtres, dans leurs instructions sur cette détestable erreur, s'attachent scrupuleusement aux principes qui leur sont dictés par les premiers pasteurs. C’est donc tout le clergé qui parle par la bouche de chacun de ses membres. Ainsi mépriser cet organe du Clergé, c'est mépriser tout le Clergé, c'est mépriser J-C, qui en fait ses ambassadeurs. C'est mépriser le Père Eternel, qui a envoyé J.-C, son Fils unique dans le monde, pour l'instruire et le sauver. Mais comment faut-il considérer celui qui, soit sur les hustings, soit aux polls, soit dans les tribunes, soit dans les Journaux, ose proférer des choses injurieuses à la personne et au caractère de ce prêtre, pour mépriser ou faire mépriser sa parole et sa conduite, afin de lui ôter, s'il est possible, tonte l'estime et la considération dont il jouit auprès du peuple, et comment doit-il être traité? Nous invoquons, pour y répondre, l'autorité du St. Siège, contre laquelle il n'est permis à personne de répliquer et de s'insurger.

Il y a environ trois ans, la Sacrée Congrégation de la Propagande, chargée de la surveillance Apostolique sur ce pays, fut informée que certains journaux se permettaient d'écrire quelque chose d'injurieux contre les autorités ecclésiastiques. Le Préfet de cette Sainte Congrégation s'empressa d'écrire aux Évêques de cette Province, pour les presser de faire tout en leur pouvoir pour faire cesser ces discussions malheureuses qui ne pouvaient que faire triompher les Protestants. Son Eminence recommandait dans cette Lettre, aux Évêques, de forcer, au besoin, ceux qui se rendaient coupables en ce point, à se soumettre à cette injonction, en défendant aux fidèles de lire leurs journaux. " Curent (Episcopi) ne hujusmodi contentiones per ephemerides et libelles a catholicis exerceantur, utque eos qui in hoc deliquerint coercere, et si opus fuerit earumdem ephemeridum lectionem fidelibus prohibere non omittant." (Rescrit du 23 Mars 1873.)

Nous publions, par la présente, cette règle de conduite ; et Nous ordonnons à tous ceux qui] ont charge d'âme de s'y conformer exactement. ; Ainsi donc, ne pourront être admis aux Sacrements ceux qui liront ou encourageront efficacement les journaux dans lesquels on prend à tâche de couvrir d'injures les Pasteurs des âmes, parce qu'ils s'opposent à la propagation des principes erronés réprouvés par le Souverain Pontife ou par les premiers Pasteurs, chargés par Jésus-Christ d'enseigner au peuple les saines doctrines déposées dans le sein de l'Église. A plus forte raison, faudra-t-il refuser les sacrements aux éditeurs qui écriront de telles insultes, et à ceux qui les emploient pour rédiger les journaux, dont ils sont propriétaires.

3o. Appliquez-vous à bien étudier ces principes sacrés sur lesquels reposent le bonheur et la tranquillité de la religion et du gouvernement; écoutez avec attention les instructions qui vous sont données sur ces graves sujets, et lisez avec ardeur les bons livres qui en traitent.

4o. Priez avec ferveur et persévérance, en demandant le don d'intelligence qui vous fera discerner l'erreur de la vérité afin que vous ne soyez jamais flottants à tout vent de doctrine. Offrez à cette intention, les prières qui se font à la fin de chaque messe, par l'ordre de N. S. P. le Pape, aux Quarante-Heures, à l'exposition des saintes Reliques, et autres circonstances heureuses où Dieu se plait à faire éclater son infinie bonté. Redoublez de ferveur, en faisant ces prières pendant les sessions du Parlement, afin que le St. Esprit daigne éclairer nos législateurs, pour que toutes les lois tendent à l'honneur de la religion et au plus grand bien du peuple. N'oubliez pas que le Prêtre, à chaque salut et bénédiction du St. Sacrement, chante l'Oraison de la Reine. Or, en priant pour notre Gracieuse Souveraine, dans un moment si solennel, il prie en même temps pour tous ceux qui l'assistent dans le gouvernement de ses immenses domaines. Mais le peuple s’unit à la prière du Prêtre, pour demander la grâce d'être gouverné selon les règles de la sagesse, de la justice et de l'équité. Ah ! Nos Très Chers Frères, prions pour la Ste. Église, afin qu'elle jouisse de toute la liberté dont clic a besoin, pour le service de la divine majesté. Ut destructis adversitattbus et erroribus uni versis, secura tibi serviat libertate.

§ IX. Sacrilège horrible.

Nous ne saurions terminer cette lettre sans vous faire part d'une bien triste nouvelle, qui remplira sans doute vos cœurs d'une amère douleur. Nous l'empruntons à un journal de cette ville qui la raconte dans les termes suivants :

"La Messe à Russell Hall. -Hier au soir (c'est-à-dire, Dimanche, 30 Janvier courant), à Russell Hall, le Père Chiniquy a fait le sacrifice de la messe en vertu des droits que lui reconnaît encore l'Église de pouvoir consacrer des hosties. Il a donc consacré au moyen des cinq paroles latines réglementaires deux petites galettes, et pour mieux faire sentir au public que ces morceaux de pain n'avaient pas plus de vertu après qu'avant la consécration, il les a brisés en miettes, en a jeté en l'air, foulé aux pieds, et les galettes n'ont rien dit. M. Chiniquy a prononcé hier un de ses plus éloquents discours ; nous en avons sténographié les principaux passages que nous publierons avant peu. En même temps, il a prié ceux des Canadiens qui veulent devenir Protestants de ne plus aller chez lui, rue Peel, à partir d'aujourd'hui, mais de se présenter à lui à Russell Hall, tous les jours, à partir de neuf heures du matin. Le nombre en devient chaque jour si grand que la maison de M. Chiniquy est  trop petite pour contenir tous ceux qui se présentent."

C'est le Witness qui parle ainsi. Il n'y a donc pas à s'étonner s'il cherche à donner de l'importance à un malheureux qui sert si bien sa cause. Pour nous, c'est un puissant motif de redoubler d'efforts pour empêcher ce loup de dévorer une seule des brebis du Bon Pasteur.

Nous nous empressons d'annoncer cet horrible attentat, parce que, connaissant comme Nous le connaissons, votre foi et votre piété, Nous sommes bien convaincu que, dans votre juste douleur, vous allez faire tout en votre pouvoir pour faire à l'adorable sacrement de l'Eucharistie uni amende honorable qui réponde, autant que possible, à la grandeur et à l'énormité du sacrilège qui vient de ce commettre.

Un des bons moyens que vous avez à votre disposition, pour consoler Notre Seigneur, dans sa profonde douleur, c'est de faire régulièrement, au moins une fois par mois, la Communion Réparatrice, établie comme souvenir du Jubilé.

Nous avons, en vous donnant cette douloureuse nouvelle, cité le Witness, pour vous convaincre de plus en plus combien Nous avions raison de vous défendre la lecture de ce Journal, qui ne cesse de vomir les plus grossières injures contre ce que la Religion a de plus saint. Hélas ! il se met souvent de la partie avec nos journaux libéraux, pour outrager la religion et ses ministres ; e qui devrait suffire, pour faire comprendre à tous les Catholiques ce que sont et doivent être des journaux qui méritent les humiliants éloges du Witness. Quoiqu'il en soit, tenez bon à vous interdire la lecture de ce Journal, qui vous a été déjà si strictement défendue.

Au seul récit de cet horrible attentat, de ce sacrilège inouï et de cette affreuse profanation, il n'y aura, dans toutes les parties de ce diocèse, qu'un cri de douleur ; et des voix plaintives et gémissantes se feront entendre, non seulement dans les Communauté religieuses, mais encore dans tous les maisons chrétiennes. Car, partout l'aimable Sauveur adressera, du fond de ses tabernacles, à chacun de nous, ces émouvantes paroles: O vous tous qui passez par cette ville, et qui parcourez cette rue dans laquelle l'agneau de Dieu, plein de bonté, de douleur et de charité s'est laissé immoler, à la fureur d'un Prêtre apostat et sacrilège, voyez s'il peut y avoir une douleur semblable à la mienne. O vos omnes qui transitis per viam attendite et videte si est dolor sicut dolor meus.

O filles de Sion, âmes religieuses, prenez vos habits de deuil et faites entendre vos longs et lugubres gémissements, car le sang de l'innocente victime a été indignement versé dans un lieu profane; sa chaire adorable a été indignement foulée aux pieds ; son Cœur qui aime tant les hommes a été percé, couronné d'épines et rassasié d'opprobres. Mundus eum non cognovit Sui eum non receperunt. Le présent Mandement vous est adressé, pour que, connaissant mieux les nécessités de l'Église, vous vous fassiez victimes, pour lui venir en aide.

Sera la présente Lettre Pastorale lue et commentée dans toutes les Eglises et chapelles où se fait l'Office public, le premier dimanche après sa réception, ou selon que Messieurs les Curés le trouveront plus commode.

Donné à Montréal, sous notre seing et sceau, et le contre seing de notre Secrétaire, en la fête de St. Ignace martyr, le premier du mois de Février, en l'année mil huit-cent soixante-seize.

IG., ÉV. DE MONTRÉAL.

Par Monseigneur,
J.O. PARÉ, Chan. Secrétaire.

P. S. —C'est pour moi un véritable sujet de consolation et un puissant motif de confiance que la pensée qu'il se fait aujourd'hui, dans tout le diocèse, et spécialement dans les Communautés, des prières pour m'obtenir une participation aux dons et aux vertus de mon saint patron. Je n'ai pas manqué d'offrir ces ferventes prières pour demander, par l'intercession de ce grand saint, le zèle, la force, la prudence et les autres dispositions pour bien défendre l’Eglise et la faire triompher de toutes les erreurs qui l'assiègent afin que les portes de l'enfer ne puissent pas prévaloir contre elle. Nous remercions toutes ces bonnes âmes de ce secours dont Nous sentons le pressant besoin, et Nous les conjurons de vouloir bien Nous le continuer.


Ig, Ev. De M.