mercredi 26 novembre 2014

Père Onésime Lacouture - 1-16 - L'amour de Dieu

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Quatorzième instruction: L'amour de Dieu
«Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit.» Luc.  10-27.
Plan Remarque (Connaître Dieu Procédé normal pour:
(Estimer Dieu (Aimer Dieu (Absolu Caractères de cet amour: (Exclusif (Urgent Conclusion: travailler sur la mentalité.  
REMARQUE Nous avons vu le plan divin en général; il reste à en étudier les détails qui doivent entrer dans notre vie spirituelle.  Nous allons méditer sur les subdivisions des moyens pour glorifier Dieu en commençant par la doctrine des Échantillons.  Puisque les créatures ne sont que des moyens pour nous conduire à Dieu, pour le posséder au ciel, il s’ensuit que nous devons donner à Dieu tout notre cœur pour ne laisser aux créatures que notre mépris, tout cela pas «in se», mais «in nobis» ou en vue de notre salut éternel.  En parlant des échantillons, nous avons expliqué comment ils nous servent à mieux connaître les perfections divines.  Ici nous voulons montrer comment ils doivent nous conduire à l’amour de Dieu pour nous assurer sa possession dans la vision béatifique.  Cette méditation est donc la pratique de la doctrine des échantillons.  Il faut donc s’attendre à quelques répétitions qui n’offenseront pas ceux qui aiment Dieu, elles seront fastidieuses pour les philosophes qui n’ont que l’idée de l’amour de Dieu, mais pas la chose elle-même.  Le grand obstacle à l’amour de Dieu est certainement l’ensorcellement des créatures qui fait que les hommes s’attachent aux plaisirs qu’ils y trouvent et font ainsi une fin de ce qui n’est qu’un moyen d’aller à Dieu.  Eh bien!  c’est à force de remettre devant l’esprit le plan divin au sujet de l’usage des créatures que nous arriverons à nous tourner pour tout de bon vers Dieu seul et à comprendre la folie de chercher son bonheur dans les échantillons.  Pour obtenir cette fin, suivons l’ordre de nos trois actes de nos facultés spirituelles: connaître et estimer, de l’intelligence, et aimer, de notre volonté.
Connaître est l’acte de l’intelligence qui est naturellement curieuse.  Elle veut toujours découvrir du nouveau dans tous les domaines et c’est Dieu évidemment qui lui a donné cette tendance naturelle.  Au lieu de gaspiller ce talent en allant d’un échantillon à l’autre selon la comparaison horizontale, il faut aller des échantillons aux choses divines correspondantes C’est pour cette fin que Dieu a créé les créatures, suivons donc ce plan divin, selon la verticale, et nous aboutirons toujours à quelque chose de divin, comme nous l’avons déjà expliqué dans la méditation: Échantillons.  Tout ce travail est nécessaire, mais il n’est pas encore l’amour de Dieu.  Estimer, c’est comprendre la beauté, la richesse et l’utilité d’un être.  Or c’est à force de mettre cet être devant l’esprit qu’on arrive à voir tout le bien qu’il recèle.  C’est la marche ordinaire des facultés humaines.  Les gens doivent commencer par connaître un jeu ou une personne avant de les estimer.  C’est le même procédé pour arriver à estimer les choses de Dieu.  La foi commence par nous les révéler; c’est déjà beaucoup, mais si les fidèles ne s’arrêtent pas ou peu à ces vérités, ils n’arrivent jamais à les estimer.  Il faut les ruminer dans la méditation, les étudier dans les Écritures ou dans les auteurs qui les expliquent et surtout si on en parle souvent avec les gens qui les connaissent bien… ce qui est fort difficile de trouver.
Alors on finit par les estimer et les préférer aux choses du monde.  Le bon Dieu pourrait bien nous donner une grande estime pour les choses du ciel directement par une grâce infuse, mais d’ordinaire il veut que nous suivions la marche ordinaire de nos facultés spirituelles.  C’est pourquoi nous acquérons l’estime des choses divines en fonction des choses terrestres qu’il a créées précisément pour nous faire connaître et estimer ses perfections divines.  Suivons donc cet ordre voulu de Dieu.
Comme on estime un paletot en fonction du prix qu’on demande, ainsi on estimera un bien céleste en le comparant avec les biens de la terre.  Ainsi quand on veut se faire une bonne idée de la grandeur et de la beauté des demeures éternelles nous pouvons considérer les beaux palais, les somptueuses demeures des riches que nous estimons tant!  Puis nous n’avons qu’à enlever les limites de ce que nous voyons pour estimer incomparablement plus la maison de Dieu infinie en tout.  Il faut bien noter la différence entre les choses sensibles et celles de la foi.  Les premières agissent directement sur notre sensibilité et nous apportent des plaisirs concrets et présents, tandis que les choses de Dieu ne se représentent à nous qu’à travers le voile de la foi et n’ont aucune influence sur notre sensibilité.  Ce n’est donc que par le raisonnement qu’on arrive à les estimer à leur valeur manifestée à notre intelligence par la foi.  Nous avons deux actes à faire: nous savons que les biens célestes sont incomparablement supérieurs à ceux de la terre et nous les voulons sans aucune tendance sentie.  Voici un exemple: supposons qu’on m’avertit que je deviens l’héritier d’un château magnifique valant des millions en Europe.  Je n’ai jamais vu ce château et il n’agit donc pas du tout sur mes sens, cependant je sais sa valeur et je puis le vouloir sans éprouver d’attrait sensible pour lui.  C’est exactement ce que nous devons faire pour les choses du ciel.  Pour des hommes intelligents, les actes de nos facultés spirituelles doivent bien valoir les actes de nos passions animales et de nos sens matériels.  Il est donc sage de suivre les conclusions qu’elles nous indiquent.  Cessons donc de nous guider par nos sens ou notre animal, mais suivons surtout nos facultés spirituelles, car c’est à elles que s’adresse la foi qui nous révèle les biens célestes.  St Paul, 2 Cor.  4-, se raisonne ainsi: «Car notre légère affliction du moment présent produit pour nous, au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire, nos regards ne s’attachant pas aux choses visibles mais aux invisibles, car les choses visibles ne sont que pour un temps, les invisibles sont éternelles.» C’est donc à force de comparer les biens de ce monde avec ceux du ciel que l’esprit viendra à se passionner pour les célestes, pas sensiblement, mais intellectuellement.  L’intelligence arrivera à s’en faire une grande idée et donc à les estimer de plus en plus… et tout cela aboutira à l’amour divin.
Aimer est un acte de la volonté qui se porte vers un bien pour le posséder afin de s’y unir et en jouir.  L’amour est divin quand le bien aimé est Dieu et les choses de Dieu.  Il faut absolument distinguer cet amour de l’amour humain qui réside surtout dans la sensibilité, comme lorsqu’on se sent attiré par une personne à première vue.  On ne peut pas sentir un attrait semblable pour un être invisible et connu seulement par des déductions intellectuelles.  Un chrétien doit donc faire son amour pour Dieu à l’aide de ses facultés spirituelles appliquées aux échantillons comme nous l’avons déjà expliqué.  Il faut qu’il gagne son amour à la sueur… de ses raisonnements, aidés de la grâce.  Plus on diminuera la vie des sens en aiguillant toute son affection vers les perfections divines correspondantes à ce que les sens présentent à l’esprit et plus on a des chances d’arriver à un amour de Dieu très sérieux.  Voilà pourquoi ceux qui ont commencé à goûter Dieu aiment à s’éloigner des plaisirs sensibles; ils affectionnent les solitudes, le calme des bois ou de la campagne et l’isolement.  Leur esprit s’envole plus facilement vers les choses invisibles quand il n’y a rien de distrayant autour de lui.  Car c’est l’amour qui attire l’esprit et vice versa.  Un chrétien qui se délecte dans les plaisirs, même les meilleurs, aura de la difficulté à monter vers Dieu par la contemplation et la prière.  Voyons le procédé mental qui décide une femme de s’acheter un beau manteau qu’elle a vu dans un catalogue ou porté par une personne.  Chaque fois qu’elle le voit, elle le regarde longtemps, l’examine attentivement et conçoit une grande estime pour ce manteau.  Ce n’est qu’après cela que la volonté entrera en jeu et que cette femme se décidera à se procurer un semblable manteau.  Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’on peut dire qu’elle aime ce manteau puisqu’elle veut le posséder pour en jouir.
Eh bien!  il faut que notre estime augmente tellement que nous nous décidions un jour de le posséder à tout prix même aux dépens de ce que nous aimons des choses de la terre.  Comme la perle précieuse, Dieu s’achète avec tout ce que nous possédons au monde et sans exception.  On aime donc Dieu en proportion que l’on commence à l’acheter en se privant des plaisirs terrestres.  Autrement ce n’est que de l’admiration vaine.
Ceux qui sont affectueux se délectent dans la lecture des romans d’amour.  Ils aiment à suivre le jeu des passions pour arriver à posséder une personne aimée et ces liseurs de romans finissent toujours par reproduire dans leur vie ce qu’ils ont lu avec passion.  Eh bien!  les chrétiens devraient lire les romans d’amour de Dieu qu’il a fait écrire dans l’Écriture sainte.  Par exemple, comment il s’est pris pour gagner l’amour d’Abraham.  Que de sacrifices il lui a demandés pour son corps et pour son âme.  Il l’a éloigné de son pays et de ses parents, il lui a enlevé sa femme deux fois et enfin il lui a demandé le sacrifice de son jugement et de son amour de père en exigeant le sacrifice de son fils Isaac.
Dieu a agi de la sorte avec tous ceux qu’il s’est choisis comme amis spéciaux.  Il les a séparés des choses créées autant que possible afin que leur coeur soit tout à Dieu.  Cela confirme donc bien la doctrine que nous donnons ici: que le divin s’achète aux dépens de l’humain et que l’amour se montre par les sacrifices faits pour lui.  Ces idées devraient désabuser ceux qui voudraient aimer Dieu sans qu’il leur en coûte et qui croient que Dieu les aime quand il leur fait des faveurs ou qu’il les laisse bien tranquilles, et que Dieu est choqué contre eux quand il leur demande des sacrifices.  Ces gens sont dans l’illusion; ils ignorent les voies de Dieu.  Est-ce que l’Écriture ne dit pas que Dieu châtie ceux qu’il aime et qu’il frappe de verges ceux qu’il reçoit au nombre de ses enfants?  C’est que son amour nous veut semblables à lui.  Or nous sommes humains et couverts de péchés et pétris de tendances naturelles; il faut qu’il nous purifie de tout cela et violemment puisque nous ne voulons pas le laisser faire.  Au lieu de nous plaindre nous devrions l’en remercier de nous émonder de la sorte afin que nous portions plus de fruits surnaturels.  Un autre bon moyen d’acquérir l’amour de Dieu est d’étudier tout ce qu’il a fait pour sauver les hommes de l’enfer et leur donner le ciel, ce que l’on trouve dans les saintes Écritures; qu’on lise assidûment la Bible et l’on arrivera vite à l’amour de Dieu et des choses de Dieu.  Comme nous méditons surtout dans cette instruction comment arriver à l’amour de Dieu, il est bon d’en étudier les caractères afin de savoir quand on a cet amour de Dieu qui donne le ciel.  Il ne s’agit pas seulement de cet amour naturel qui aurait suffi dans le chemin des limbes pour arriver à notre bonheur naturel.  Il s’agit de l’amour de Dieu qui seul donne le ciel.  Nous allons en considérer trois.
Cet amour est absolu.  En effet puisque Dieu n’a créé les échantillons que pour nous donner une idée de ses perfections divines, il est évident que tout notre amour doit aller à Dieu seul.  Les créatures ne sont que des miroirs, que des moyens pour nous faire arriver à Dieu.  Or l’amour ne tombe jamais sur les moyens, mais sur la fin.  Donc tout notre amour doit aller absolument à Dieu seul.  C’est cet absolu que Dieu veut par le premier commandement où il mobilise absolument toutes nos capacités d’aimer pour lui seul.
St Paul avait cet absolu dans son coeur, dans son amour pour Dieu quand il dit: «Pour gagner J-C.  je me suis privé de toutes choses, les regardant comme du fumier!» Tout son amour allait donc absolument tout à Dieu.  De même tous les martyrs ont tout sacrifié pour l’amour de Dieu.  L’amour de Dieu ne souffre pas de condition ni de réserve: il faut tout lui donner comme Jésus l’enseigne dans les deux paraboles de la perle précieuse et du trésor dans le champ.  Qu’on remarque bien que cet absolu est dans la volonté ou dans l’ordre de l’intention.  On doit vouloir cet absolu; dans le concret chacun fera ce qu’il pourra pour l’exécuter selon ses forces actuelles. 
Avis aux scrupuleux et aux nerveux!  Qu’ils continuent de vouloir aimer Dieu d’une façon absolue et dans le concret qu’ils remercient Dieu de ce qu’il leur donne.  Dieu est le bien infini et la source de tous les biens créés: toute notre capacité d’aimer doit donc aller à lui seul.  Défions-nous de nos désirs d’amour divin dans tel poste, ou avec telle santé ou dans telle fonction.  Cet amour de condition ne vaut pas grand-chose devant Dieu.  On le fait dépendre de notre satisfaction d’abord; c’est donc qu’on s’aime plus qu’on aime Dieu.  C’est un amour très dangereux pour le salut et directement contre le premier commandement.  Mais combien fréquent même chez les bonnes âmes!  Un religieux veut bien se sanctifier mais dans telle maison en particulier; s’il est changé, adieu son travail de perfection.  Ou bien il aimera Dieu quand Dieu le débarrassera de tel compagnon qui lui pèse sur les épaules!  Ce n’est pas de l’amour de Dieu qui mène au ciel sûrement.  Ce chrétien peut déraper à tout instant de sa fin dernière.  Ayons donc un amour absolu pour Dieu!  «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit.»
Cet amour est exclusif.  C’est une conséquence du premier caractère.  Comme notre coeur est limité il ne peut pas se donner à une créature sans enlever cet amour à Dieu, à moins qu’il n’aime cette créature pour l’amour de Dieu; dans ce cas, c’est encore Dieu qu’il aime en elle.  Tout ce que nous avons dit plus haut s’applique donc ici.  Dans le sermon sur la montagne Jésus carrément affirme qu’on ne peut pas aimer Dieu et le monde: on aimera l’un et on haïra l’autre.  L’amour de Dieu exclut donc l’amour des créatures, Jésus le dit de bien des façons: «Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple.» C’est la même idée dans le premier commandement.  C’est l’enseignement des saints, comme par exemple St Ignace: «Qu’ils cherchent Dieu en tout, se dépouillant de l’amour de toutes les choses créées pour diriger toute leur affection sur le créateur, l’aimant dans toutes
les créatures et toutes les créatures en lui, selon sa très sainte et divine volonté.» Règle 17ème.  On trouvera des auteurs qui disent tout le contraire.  Ils disent que l’amour de Dieu n’est pas exclusif, puisque les créatures sont les reflets de Dieu, elles sont aimables.  Cela est vrai pour les philosophes qui parlent selon «in se» philosophique, tandis que nous parlons en théologiens et donc «in nobis».  Là un amour pour une chose créée en enlève autant à Dieu.
Quand St Paul dit qu’il s’est privé de toutes choses pour gagner l’amour de Dieu, il montre assez que cet amour est exclusif.  Il ne dit pas qu’il a aimé Dieu affectivement et les créatures effectivement.  Cette distinction est pour les philosophes; pour les saints comme pour Jésus, il n’y a que l’amour effectif qui se prouve dans les faits.  Cet amour est exclusif non pas dans la tête seulement, mais dans la pratique concrète de la vie.  Celui qui aime Dieu réellement méprise ses échantillons de fait.  Il use des créatures nécessaires et utiles parce que Dieu veut qu’il s’en serve, mais il n’y met pas son coeur, il ne les aime pas pour elles-mêmes, mais pour Dieu; dans ce cas il n’y a pas de rivalité entre ces deux amours puisqu’ils deviennent pratiquement le même.  Cela répond à l’objection qu’on entend souvent quand on explique cette doctrine.  Un mari dira: est-ce que je n’ai pas le droit d’aimer ma femme?  Pour comprendre la solution de cette objection, il faut remarquer que l’amour naturel et physique n’est pas libre et donc n’a ni mérite ni démérite devant Dieu.  La liberté n’est que dans la volonté et dans les motifs.  Ce mari, comme un païen, prend dans son amour physique ses motifs naturels d’aimer sa femme.  Comme chrétien, il doit aller en Dieu chercher son motif surnaturel libre pour aimer sa femme.  Ce motif surnaturel ne change en rien son amour physique qui demeure et il suffit pour satisfaire Dieu.  Si cet homme fait cela habituellement, quand sa femme deviendra désagréable par l’âge ou les infirmités ou lui deviendra antipathique, cet homme ne changera pas de conduite envers elle.  parce que dieu le veut, il la traitera comme J-C.  en personne, malgré qu’il ne ressente aucunement cet attrait naturel qu’il avait pour elle autrefois.
Ce n’est que dans nos motifs libres de la volonté que l’on peut aimer Dieu malgré l’attraction des créatures et acquérir du mérite dans toutes nos tentations.  Ce motif surnaturel ne nuit en rien à l’affection qu’on peut avoir pour une personne ou pour une chose.  Un chrétien a le droit de marier une fille qu’il aime de cette façon naturelle, pourvu qu’il aille en Dieu chercher son motif pour la marier.  On peut dire qu’il garde son motif naturel qui vient de son amour naturel et donc que les deux motifs s’ajoutent.  Remarquons bien que ces motifs s’ajoutent pour le fait de la marier, mais il n’y a que son motif surnaturel qui lui donne mérite pour le ciel.  L’autre motif naturel de la marier parce qu’elle est belle ne vaut rien du tout pour le ciel.  Voilà pourquoi les chrétiens doivent surveiller uniquement leurs motifs surnaturels dans tout ce qu’ils font; leur mérite éternel ne vient que de ces motifs, évidemment la grâce sanctifiante supposée.  Il ne faut donc pas confondre ces deux amours, autrement on ne comprend plus rien au renoncement à l’amour des choses créées.  En d’autres termes, Dieu ne s’occupe pas de ce qui se passe dans l’animal, mais uniquement de ce qui se passe dans la volonté libre et dans les motifs qui viennent d’elle.  Les chrétiens devraient donc uniquement travailler dans ce domaine des intentions ou des motifs pour leur sanctification.
Amour urgent veut dire qu’il faut préférer Dieu pendant que nous pouvons jouir des échantillons.  C’est pendant qu’on a de l’argent qu’il faut acheter ou qu’on a du blé pour semer, qu’il faut choisir entre cette semence et sa récolte.  C’est ici qu’on voit un effet désastreux du philosophisme si répandu dans le monde.  Les gens font leur choix de Dieu seulement de tête.  Évidemment cela peut se faire en un clin d’oeil à la fin de la vie.  Voilà pourquoi tant de chrétiens remettent à plus tard le soin de leur salut.  Dans leur coeur ils veulent dire qu’ils s’occuperont de sauver leur âme quand ils ne pourront plus jouir des créatures.  C’est aussi fou que de dire: Je m’achèterai une maison quand je n’aurai plus d’argent et je sèmerai mon grain quand je n’en aurai plus!  Car ce sont justement toutes ces jouissances qui sont la monnaie pour acheter le ciel ou des grains pour le récolter.  La plupart des chrétiens ne seraient pas affectés par ce que nous disons ici, car ils répondent qu’ils ne prennent que les plaisirs permis.  Mais cela ne fait pas de différence pour gagner le ciel.  Les choses permises sont de la monnaie comme les défendues.  Il y en a assez pour captiver complètement le coeur de l’homme et il se damne à cause de cet amour pour le créé.  Jésus n’a jamais fait cette distinction quand il s’agit de choisir entre le monde et Dieu.  Quand les prêtres et les fidèles vont-ils cesser de faire cette distinction?  Le choix des chrétiens n’est pas entre les choses permises et les choses défendues, mais entre dieu et toutes les créatures sans exception!  sans distinction!  Ceux qui se servent de cette distinction entre permis et défendu sont encore par leur mentalité sur le chemin des limbes dans l’ordre naturel.  Que tous nos chrétiens formés par nos philosophes changent leur tactique de vouloir jouir le plus possible des choses permises, puis ensuite faute de mieux de consentir à aller voir Dieu au ciel.  ce n’est pas le plan divin actuellement dans l’ordre surnaturel.  Ici il faut acheter Dieu pendant qu’on a de l’argent ou qu’on peut encore jouir des choses permises.  Exemple: un mari abandonne sa femme pour aller vivre avec d’autres et il lui écrit qu’il l’aime encore, qu’il ne l’oublie pas et que lorsqu’il sera près de mourir il reviendra avec elle, mais qu’il aime mieux vivre avec d’autres en attendant sa mort.  Qui dirait que cet homme aime sa femme?  Personne…
Eh bien!  que de chrétiens agissent de la sorte avec Dieu: ils protestent qu’ils ne l’ont pas abandonné, qu’ils pensent à lui souvent, qu’ils gardent leur religion, mais en attendant la mort ils s’amusent avec les choses créées.  Ce sera bien assez le temps de revenir à Dieu à la mort!  Quelle folie de penser ainsi!  Voici une parole terrible de St Augustin pour ces gens-là: «Ceux qui voudraient s’éterniser sur la terre pour jouir des créatures, s’il leur était possible, n’ont pas assez d’amour de Dieu pour être sauvés.» Ps.  30.  Toutes ces fameuses recettes données pour le salut à la dernière minute viennent des philosophes habitués à juger «in se» dans l’abstrait.  En théorie une seconde suffit pour regretter ses péchés, c’est vrai.  Il est
vrai aussi que toutes les conversions sont possibles à Dieu.  On dit: «Dieu veut sauver le pécheur et il est infiniment miséricordieux, donc il peut et il sauve les mourants qui se repentent.» Mais je réponds: Dieu veut aussi sérieusement la conversion du pécheur pendant qu’il est en santé et qu’il pèche, pourquoi ne le change-t-il pas alors?  Il est aussi fort là qu’à la mort du pécheur?  Sa miséricorde est sans limite pendant que le pécheur est en santé, pourquoi ne lui pardonne-t-il pas ses péchés?  Pourquoi ne le convertit-il pas?  Tous les arguments apportés pour la conversion du pécheur à la mort valent pendant la vie et la santé du pécheur.  Pourtant combien ne se convertissent pas?  On va dire qu’à la mort le pécheur change d’idée; il regrette sa vie.  C’est possible sûrement, mais montrons que c’est un gros risque à prendre.  Jésus a pris la peine de nous avertir que ce ne sont pas ceux qui crient: Seigneur, Seigneur, qui entrent au ciel, mais ceux qui font la volonté de son Père.  Or le pécheur ne l’a pas fait très souvent.  À la mort, à quoi le pécheur va-t-il préférer Dieu?  Aux plaisirs?  Il ne peut plus en prendre!  Je gaspille follement mon argent et quand je n’en ai plus, je m’en vais au magasin pour m’acheter un beau paletot; vont-ils me le donner quelque bien disposé que je sois, quelque regret que j’aie d’avoir gaspillé mon argent?  Comment puis-je dire que je préfère ce paletot à mon argent que je n’ai plus?  C’est de la sottise toute pure!
Sans doute les pécheurs préfèrent tous aller au ciel au lieu d’aller en enfer, mais qui peut prouver que la seule préférence du ciel à l’enfer à l’heure tragique de la mort constitue un amour suffisant pour mériter la vision béatifique?  Le plan divin est de préférer Dieu aux plaisirs de la terre pendant que nous pouvons en jouir.  Les prédicateurs du salut à la dernière minute vont dire qu’il peut faire le sacrifice de sa vie: c’est possible sûrement.  Mais quelle garantie peut-on avoir que ce pécheur est capable de cette préférence à l’heure de la mort quand il n’a jamais pu le faire de son vivant ou mieux lorsqu’il était en pleine vigueur?  Un mari qui a vécu avec une autre toute sa vie peut-il à l’heure de la mort dire à sa femme qu’il la préfère à sa maîtresse?  Il peut le dire, mais qui le croira?… Le mourant peut être sérieux quand il dit qu’il préfère Dieu aux plaisirs de la terre, mais le sérieux n’est pas de l’amour de Dieu.  Quand Judas s’est repenti de son crime, il était sérieux et extraordinairement repentant; sa peine était immense.  Où sont les pécheurs qui ont une plus grande contrition que Judas?  Qu’est-ce qui a donc manqué à son repentir?  Ce qui avait manqué toute sa vie: l’amour de Dieu de préférence aux créatures.  Judas avait une attache; il aimait l’argent et il volait tous les jours un peu… quelques sous par jour.  Ce n’était pas grand-chose en soi comme dirait un philosophe.  Il n’avait donc pas d’amour de Dieu avant son crime; ce n’est pas ce crime qui lui en donna!  Judas a eu sa bonne pensée, il a confessé son crime devant tous les prêtres du temple et il a eu une peine énorme et il s’est damné quand même!  Quelle douche froide sur les facilités des philosophes du salut à la dernière minute!
La parabole des vierges folles est de nature à faire frémir ceux qui remettent à plus tard leur conversion.  Ces vierges étaient bonnes, avaient la foi et voulaient sérieusement aller aux noces puisqu’elles étaient là une bonne partie de la nuit.  Elles ont dû voir qu’elles n’avaient pas d’huile dans leurs lampes, mais elles raisonnèrent comme nos retardataires: nous en aurons quand le temps sera venu.  Cependant l’époux n’a pas voulu accepter leur préparation tardive de la dernière heure.  Pourquoi?  parce qu’en prenant un risque elles montraient qu’elles ne préféraient pas l’époux à tout le monde.  Quand on tient à une chose mordicus on ne prend pas de risque à son sujet.  C’est un amour absolu et exclusif qui donne le ciel et elles ne l’avaient pas.  Ces vierges étaient sincères quand elles frappaient à la porte pour entrer aux noces; elles le voulaient pour tout de bon.  Ces bonnes dispositions ne valaient rien parce qu’elles avaient été insouciantes pendant la veillée.  Que de chrétiens ont ces vierges folles pour patronnes!  et modèles!  Ils ont conscience qu’il leur manque la vertu pour être sauvés actuellement; ils risquent donc leur salut; ils n’aiment donc pas Dieu plus que leurs plaisirs terrestres.  Ils auront beau être sincères, sérieux et frapper à la porte du paradis, ils peuvent bien entendre les mêmes paroles de l’époux aux vierges folles: «Il fallait être prêt pendant que vous attendiez mon arrivée… et cela est toute la vie…» Qu’on nous fournisse donc des textes où Jésus dit qu’on peut attendre à la dernière heure pour se convertir.  On n’a que l’exemple du bon larron qui n’est pas le patron des retardataires, puisque c’était la première fois qu’il rencontrait Jésus et il s’est converti tout de suite.  Un sur deux!  Si on dit que la miséricorde est infinie, on répond que la justice l’est aussi.  S’il y a cinq vierges sages, il y en a cinq folles qui ne sont pas sauvées.
Ces changements faciles en amour viennent de la tête des philosophes.  «In se», c’est toujours facile, mais ce n’est pas vrai que ce soit facile dans le concret.  On ne change pas son coeur comme sa chemise!  Voit-on souvent un homme amouraché d’une femme qui l’aime une semaine et la déteste l’autre et ainsi de suite plusieurs fois?  Non, jamais!  Or la conversion est justement un changement de cette nature.  Un homme pèche quand il met sa fin dernière dans une créature et il se convertit quand il la met en Dieu.  Ce n’est pas vrai que cela puisse se faire et se fait facilement et souvent pour la même personne.  Voit-on souvent un pécheur se convertir pour de bon une semaine, puis pécher une autre semaine, puis revenir à Dieu encore à la troisième, etc.  Ce phénomène n’existe pas!
Ce serait différent pour un (pécheur) chrétien qui pèche par accident pour ainsi dire et rarement.  Celui-là aime vraiment Dieu quand même et à l’heure de la mort il a vraiment des chances sérieuses que son repentir soit du véritable amour de Dieu.  En d’autres termes, qui a de l’amour véritable pour Dieu durant sa vie peut espérer que Dieu lui pardonne ses péchés à la fin de sa vie à cause de son amour qu’il a toujours gardé dans sa volonté.  C’est le cas de St Pierre.  Mais les autres qui pèchent habituellement et donc qui n’aiment pas Dieu et qui comptent sur la fin de leur vie pour revenir à Dieu sont des Judas qui risquent fort d’avoir le même sort que ce sans-coeur durant sa vie.  L’amour de Dieu est donc urgent et il faut que tous essaient par tous les moyens à leur disposition de préférer Dieu à tous les plaisirs terrestres pour continuer de la faire dans la vision béatifique.  Surtout qu’on ne suive plus la doctrine des philosophes sur la facilité de se sauver.  C’est justement cette même doctrine que les prêtres donnent à peu près partout avec le résultat désastreux que nous constations dans tout le monde.  Plus les fidèles suivent nos philosophes et plus ils restent païens et dans leur mentalité et dans leur conduite.  Si leur doctrine de miséricorde exclusive ne peut empêcher le débordement des moeurs païennes, elle ne doit pas valoir mieux pour l’heure de la mort.  Alors qu’on prenne toutes ces recettes faciles de salut magique avec un grain de sel… Nous ne sommes sûrs que d’une chose: nous devons suivre un Sauveur crucifié qui nous dit sur tous les tons qu’il faudra souffrir comme lui, se renoncer comme lui tous les jours de sa vie et porter sa croix tous les jours de sa vie.  Voilà ce qui est certain.  Il ne dit pas à la dernière heure ou minute, jamais il ne l’a dit, jamais il ne dit qu’une bonne pensée sauve à la dernière minute.  Ce n’est pas une idée qu’il veut, ni une pensée, c’est de l’amour et de l’amour de préférence, non pas à l’enfer ou aux démons, mais à ses bonnes créatures sur la terre.  Encore une fois et qu’on y pense sérieusement: Puisque la façon de présenter la religion par les philosophes du clergé se montre extraordinairement inefficace, inutile pour la très grande masse des chrétiens, c’est donc qu’elle ne vaut rien non plus pour l’heure de la mort.  Sous un extérieur de charité, en voulant sauver tout le monde sans amour de Dieu, c’est une doctrine cruelle puisqu’elle est responsable de la perte de millions d’âmes qui vivent loin de J-C.  comme on le voit par leurs conversations, jamais de Dieu ni des choses de Dieu.
Dans une affaire de cette importance on doit prendre le côté le plus sûr.  On ne prend pas de risque pour son salut éternel.  C’est une aussi grande hérésie de faire Dieu toute miséricorde que de le faire toute justice comme les Jansénistes.  La doctrine orthodoxe est de mettre autant de justice de Dieu dans sa vie et dans sa mentalité que de miséricorde.  Par conséquent avoir une peur d’être damné aussi grande que la confiance d’être sauvé.  Les saints nous donnent tous cet exemple.  Leur vie si mortifiée montrait bien qu’ils avaient une peur bleue d’être damnés et en même temps leur amour de Dieu leur donnait une grande confiance en la miséricorde divine.  Ne soyons donc ni jansénistes ni philosophes!  Soyons de vrais théologiens chrétiens qui laissent en Dieu toutes ses perfections.  C’est détruire Dieu aussi sûrement de le faire rien que miséricorde que de le faire rien que justice.
conclusion: travailler sur la mentalité Pour faire ce choix de Dieu à travers toutes ses créatures, il faut exercer ses facultés spirituelles constamment; il faut abstraire le divin du sensible par l’intelligence et y adhérer par la volonté.  Les Apôtres à l’exemple de J-C.  exhortent constamment les fidèles à se transformer intérieurement, non seulement à éviter les péchés, mais aussi les motifs naturels.  «Renouvelez-vous donc dans l’intérieur de votre âme et revêtez-vous de l’homme nouveau qui est créé à la ressemblance de Dieu dans une justice et une sainteté véritable.» Éph.  4-24.  «Que chacun ait en vue non ses propres intérêts, mais ceux des autres.» Phil.  2-4.  Donc pas de motifs naturels.  «Ce sont ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu qui sont enfants de Dieu.» Rom.  8.  C’est dans nos facultés que nous pratiquons les trois vertus théologales nécessaires au salut et toutes les vertus surnaturelles qui en découlent.  Là seul est notre liberté, donc là seul est notre mérite aussi.  La grâce sanctifiante n’est que la condition du mérite, il faut la liberté pour le mérite et donc la volonté.  Pour aller à Dieu par l’amour, il faut orienter vers Dieu toute l’activité, ce qui doit se faire par nos deux facultés spirituelles.  Tous les professeurs et les prédicateurs devraient donc orienter leurs instructions à fournir de l’aliment à l’activité de ces deux facultés.  Ce n’est pas des «in se» qui vont stimuler cette activité, mais des «in nobis» pratiques.
C’est d’autant plus nécessaire que nous ne ressentons pas d’attraction naturelle pour les choses de Dieu; il nous faut donc faire cette attraction par un travail pénible et constant de comparaison des choses créées avec le créateur afin d’aiguiller sur Dieu nos deux facultés, qui à leur tour finiront avec la grâce de Dieu de nous conduire à l’amour de Dieu.  C’est par le travail personnel de la contemplation, de l’étude et de la prière que nous arriverons à nous attacher à Dieu surnaturellement: la seule façon qui donne le ciel.  Remarquons que nous ne voulons parler dans cette méditation que du procédé pour arriver à l’amour de Dieu; plus tard nous parlerons de l’amour de Dieu en nous ou acquis au moins en partie.
 

 

lundi 24 novembre 2014

Père Onésime Lacouture - 1-15 - Résumé du plan

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TREIZIEME INSTRUCTION RÉSUMÉ DU PLAN. 

«Je ne fais jamais ma volonté, mais toujours celle de celui qui m’a envoie.»

Plan Nécessité d’un plan (Notre transformation surnaturelle 4 idées principales: (La gloire de Dieu ou l’ intention (Échantillon, Souverain domaine: le moyen (Folie de la croix: résultat en nous. (La Trinité Correspondance avec: (Le Notre Père (Les Exercices de St Ignace

NÉCESSITÉ D’UN PLAN
 
Plusieurs pensent que dans le travail de la perfection il est mieux de laisser l’esprit libre de s’envoler à sa guise dans les régions de la foi; ce serait le gêner que de lui imposer un cadre plus ou moins fixe d’un plan bien déterminé. Cet amour de la liberté est bien naturel; il se manifeste surtout chez les hommes, depuis les enfants d’école qui détestent tout règlement jusqu’aux hommes âgés qui regimbent contre toute entrave à leur liberté.


Dieu est logique; s’il a soumis les hommes aux lois de la nature dans tous les domaines comme nous le savons, il est certain qu’il impose des lois aux hommes qui veulent pénétrer dans son monde divin. Nous avons comme modèle Jésus dont toute la vie fut de se conformer aux exigences de son Père dans l’oeuvre qu’il lui avait confiée. Il dit que toutes ses pensées, ses paroles et ses actions ne sont pas de lui, mais de son Père qui les fait en lui et avec lui. Il suit donc un cadre bien tracé d’avance dans toute son activité libre d’homme. Ses dernières paroles seront: «J’ai accompli l’oeuvre que vous m’aviez donnée à faire.» Il a donc exécuté à la lettre toutes les volontés de son Père et non les siennes propres.

Est-ce que les saints n’ont pas passé leur vie à essayer de conformer la leur à celle de Jésus comme modèle? Ils ne se disaient pas libres d’en suivre un autre. Tous disent qu’on se sanctifie d’autant plus qu’on est plus conforme à la volonté de Dieu. Puisque nous nous en allons participer à la vie de la Trinité au ciel en passant par l’humanité de Jésus, il nous faut donc nous adapter aux exigences de cette vie toute divine. Car notre vie terrestre doit être une reproduction exacte de la vie du ciel: à la mort nous continuerons dans la gloire la même vie que nous menions dans la foi excepté que nous verrons ce que nous aurons cru sur terre. Mais au ciel notre (gloire) sera en proportion de ce qu’elle a été sur la terre dans la foi par la grâce, un peu comme le chêne est déjà contenu dans le gland. Or au ciel nous verrons de la Trinité ce que Jésus nous en montrera, car il est la porte pour entrer à Dieu, en Dieu.


Dans la Trinité les trois personnes divines viennent avant l’humanité de Jésus, mais pour nous, c’est elle qui vient avant la Trinité, parce que nous sommes en dehors de la Trinité.

Ainsi mon intelligence vient avant mes pensées et mes paroles, mais pour un autre, ce sont mes paroles qui manifestent mes pensées et celles-ci mon esprit. Nous devons donc commencer par l’humanité de Jésus qui nous manifeste le Verbe et Lui nous manifeste le Père et enfin le St Esprit. Tout notre travail doit donc être de nous unir le mieux possible à l’humanité de Jésus pour l’imiter en tout afin que par elle nous puissions arriver à la divinité cachée en elle pour nous. Nous avons donc à opérer en nous quatre opérations, transformations radicales pour devenir une seule chose avec Dieu comme Jésus le veut pour nous tous dans son discours d’adieu, et que cela paraisse au dehors d’une certaine façon afin que le monde glorifie son Père. Voyons donc ces… quatre idées fondamentales 1.- Notre transformation surnaturelle est le changement total de notre être humain en être divin à l’image de la sainte humanité de Jésus, qui tout en restant humaine, était divinisée dans toute son activité aussi parfaitement qu’on peut l’être. Une partie de cette transformation se fait par Dieu sans nous consulter: c’est la grâce sanctifiante qui est une participation créée de la nature divine infusée en nous ordinairement par le baptême et qui suffit pour nous faire vraiment les enfants de Dieu et les héritiers du ciel. Mais elle ne suffit pas pour satisfaire Dieu quoiqu’elle soit un bon commencement de divinisation. Un enfant reçoit la nature humaine de ses parents, ce qu’on peut dire même si son âme est créée directement par Dieu. Les parents sont déjà fort contents d’avoir cet enfant dans leur famille. Cependant, si l’enfant n’agit pas intelligemment et qu’il n’a que la nature humaine, comme un idiot, les parents en seraient très peinés. Ils exigent son développement intellectuel et moral pour avoir un homme complet et parfait.


Il en est ainsi dans l’ordre surnaturel. Dieu serait fort peiné pour parler humainement, s’il ne voyait dans son chrétien que la grâce sanctifiante, sans les actes divins libres et intellectuels du chrétien. Il ne veut pas plus d’idiots dans l’ordre surnaturel que dans l’ordre naturel. Or la grâce sanctifiante ne change pas la tournure d’esprit du chrétien ou sa mentalité. Elle reste païenne dans toute son orientation tant que par l’ascèse et la mystique le chrétien n’a pas transformé cette activité libre de son être en activité surnaturelle quant à l’orientation, car il faut dire que la grâce sanctifiante divinise nos facultés dans leur entité. Mais là n’est pas le mérite puisqu’il n’y a pas de liberté là. Dieu surveille donc notre divinisation dans l’orientation libre de cette activité spirituelle de nos facultés.

La nécessité de diviniser cette partie de notre âme est à peu près ignorée des prêtres philosophes. Pour eux la grâce sanctifiante fait tout ce travail automatiquement et le chrétien n’a plus rien à faire que de rester en état de grâce et son progrès spirituel se fait automatiquement, sans aucun effort de sa part. C’est une ignorance des plus lamentables et qui fait un tort immense dans le monde chrétien. Elle explique la paresse générale des chrétiens à vouloir se sanctifier; on leur dit si souvent qu’ils n’ont qu’à rester en état de grâce et tout le reste marche tout seul. Leur effort se réduit à vouloir rester en état de grâce et donc qu’à éviter le péché mortel. C’est la mentalité générale de nos chrétiens. C’est absolument faux et dangereux. Même en état de grâce il y a toute notre personnalité morale à rejeter pour y substituer la personnalité de J-C., afin de ressembler à son Humanité qui n’était pas une personne, mais seulement une nature humaine. C’est là le vieil homme qu’il faut détruire pour que le nouvel homme créé dans le Christ prenne la place de ce «païen» en nous tous, comme l’enseigne St Paul. C’est ce que veut dire Jésus quand il dit: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.» Il ne dit pas de renoncer à un fruit, à un dessert, mais à soi-même. Cette idée est encore facile à comprendre, mais combien difficile dans la pratique! Au début de nos retraites sacerdotales, nous ne donnions qu’une seule instruction sur le renoncement, mais nous avons vite constaté que les prêtres ne comprenaient pas facilement la pratique du renoncement. Nous avons dû finalement prendre six instructions, pour l’expliquer et ce n’est pas trop. Il nous faut aller enlever de l’activité naturelle qui se cache et se faufile à travers nos trois activités animale, intellectuelle et surnaturelle. Si les chirurgiens étudient des années de temps pour savoir comment opérer dans le corps humain, combien plus il faut étudier pour nous défaire de notre activité naturelle qui reste dans la mentalité même quand nous sommes en état de grâce. C’est là que les démons et les bons esprits se font la guerre pour nous gagner chacun à son étendard ou à son monde. C’est justement le champ le plus ignoré des prêtres du monde entier et le plus négligé par eux. Ces six instructions sont le développement du titre des Exercices de St Ignace, que si peu de commentateurs ont jamais expliqué dans le détail et tous les exercices en dépendent. Elles enseignent comment se vaincre soi-même afin de saper par la base toutes nos affections désordonnées: l’idée essentielle des exercices de St Ignace. Détruire le moi en chacun de nous, n’est pas un travail agréable ni intéressant. Aussi il faut voir comme tous les démons ont poussé nos philosophes à attaquer ces premières méditations destinées à leur donner la mort. Tout être a l’instinct de sa préservation et nos «païens» flairent dans toute cette doctrine des six premières instructions une condamnation de toute leur vie, en même temps qu’une lumière qui expose leurs sophismes et leurs trucs pour éviter la pratique de la folie de la croix et du mépris des créatures, si nécessaire au salut.


En donnant cette doctrine nous rencontrons les pires ennemis de Dieu en nous: l’amour de soi et l’amour naturel ou l’orgueil avec l’amour des choses créées. Voilà pourquoi même chez les prêtres ils ont tant d’objections contre elle et tant de difficultés intérieures à la recevoir. Les démons aidant, nos philosophes ont recours à toutes les subtilités possibles pour éluder les conclusions logiques et pratiques qui en découlent clairement. Les pharisiens ont attaqué Jésus et les Apôtres qui donnaient cette doctrine; ce n’est pas étonnant s’ils attaquent quand nous la donnons aussi. C’est normal pour celui qui parle au nom de Jésus d’être attaqué par les ennemis de Jésus qui sont les mêmes de nos jours que de son temps. Nos pharisiens modernes ne le cèdent en rien aux anciens. Que tous les prêtres qui veulent prêcher le véritable renoncement pratique et concret s’attendent donc à la persécution des prêtres exactement comme Jésus l’a été par les prêtres Juifs.


Malgré cette guerre des démons et des philosophes, espérons qu’il se trouvera un bon nombre de prêtres assez courageux pour expliquer dans tous les détails et donner toutes les conclusions pratiques du renoncement à soi-même et aux choses du monde comme Jésus le veut absolument. Même s’il faut aller en exil et être bâillonné dans son pays, que peut-on faire de mieux pour la gloire de Dieu? Si le Maître a été écrasé sous l’opposition du clergé de son temps, pourquoi le disciple ne le serait-il pas à son tour et par le clergé aussi de nos jours qui peut tout aussi bien servir d’instrument aveugle à Dieu pour enterrer son Apôtre comme le grain de blé afin d’assurer une bonne récolte de disciples nouveaux.
 
2.- La gloire de Dieu.


En proportion que nous sortons de notre paganisme mental, nous entrons dans le monde de Dieu pour y vivre réellement et constamment. Il nous faut donc nous orienter tout de suite selon les exigences de ce monde divin. Quand un homme vient travailler dans une usine il faut qu’il prenne l’intention du chef qui dirige toute cette usine et qu’il fabrique ce que le chef veut. Eh bien! dans le monde surnaturel tout ce qui se fait là est pour la gloire de Dieu. Les chrétiens donc qui entrent dans le surnaturel doivent y travailler à procurer la gloire de Dieu.


On va dire que même dans l’ordre naturel on doit travailler à la gloire de Dieu; c’est vrai, mais cette gloire naturelle ne donne pas le ciel; elle ne suffit donc pas. Nous parlons donc ici uniquement de la gloire surnaturelle qui donne seule du mérite au ciel. Voilà pourquoi nous donnons une méditation spéciale juste au moment où nous sortons du naturel mental pour entrer dans le surnaturel intentionnel. L’idée de la gloire de Dieu devra diriger toute notre activité dans le monde de la foi et de la grâce. Glorifier Dieu surnaturellement doit donc être le but de la vie de tout chrétien et diriger toute son activité libre. Ce doit donc être la deuxième idée directrice dans l’ordre du temps, après celle de notre dépaganisation.

3.- Les échantillons et le souverain domaine de Dieu est le moyen de glorifier Dieu pour nous en ce monde-ci. En effet Dieu a mis ses perfections dans les créatures et dans leur activité. C’est donc par elles que nous pourrons donner de la gloire à Dieu tant que nous serons en ce monde-ci.


Voilà pourquoi nous donnons sept instructions sur l’usage des créatures pour glorifier le bon Dieu. Nous expliquons d’abord l’intention divine en créant les créatures pour se faire connaître et aimer. Donc nous parlons de l’amour de Dieu et de sa conséquence: le mépris des échantillons, puis des échantillons défendus ou des péchés et de leurs conséquences désastreuses pour les hommes.


Mais il ne suffit pas de reconnaître les perfections divines à travers les créatures, il faut aussi reconnaître son action divine. Alors nous méritons sur le souverain domaine de Dieu qui indique le contrôle que Dieu exerce sur toutes les créatures que le chrétien doit reconnaître afin de glorifier Dieu en lui. Nous donnons six instructions sur ce sujet afin d’entrer dans tous les détails et détruire les idées fausses que les hommes ont sur l’action divine et qui les empêchent de glorifier Dieu dans tout ce qui leur arrive de Dieu par les créatures. Celui qui comprend comment Dieu agit au moyen de toutes ses créatures, des désagréables même, a plus de chance de pouvoir glorifier Dieu dans tout ce qui lui arrive dans la vie, même de pénible et de contraire. Ce n’est pas de trop que ces six instructions pour expliquer ce point de doctrine si ignoré des prêtres et des fidèles qui l’entendent si rarement expliquer. Comme nos chrétiens ne voient pas facilement Dieu dans les évènements qui leur arrivent ou dans les personnes qui les entourent, surtout quand elles sont malcommodes! Pourtant dans le ciel nous verrons Dieu dans tous les élus, il faut donc commencer tout de suite à pratiquer cette vie de foi pour la pratiquer dans la gloire au ciel.


Tous les saints ont insisté sur la nécessité de nager dans le divin même au milieu des créatures de ce monde; c’est l’unique moyen de pratiquer les trois vertus théologales nécessaires au salut. Rien comme cet esprit de foi pour détruire en nous nos affections désordonnées que St Ignace condamne si sévèrement et si absolument. 4.- La folie de la croix est comme la conséquence logique de ce qui précède. Si on doit tout faire pour Dieu et qu’on ne doit s’arrêter qu’au divin dans les choses créées, même en soi-même, il s’ensuit que c’est comme la mort du moi et de toute son activité naturelle, même quand on est en état de grâce, ce qui s’appelle: la folie de la croix, qui vient de l’expression de Jésus quand il dit que celui qui veut le suivre doit se renoncer et porter sa croix, qui est ce renoncement total à soi-même. sa correspondance avec… 1.- La Trinité.


Un mot d’abord sur les relations avec les Personnes divines. Dieu est une intelligence infinie qui produit une pensée qu’on appelle: Verbe, comme si le Père l’avait parlée en dehors de lui-même, selon notre façon humaine de comprendre. En Dieu il est évident que cette pensée reste dans l’intelligence divine. On l’appelle aussi le Fils, comme engendré par le Père. Ce Fils est une Personne et donc capable de connaître et d’aimer son Père. C’est cet amour réciproque qui est le St Esprit. Or tout cela nous est révélé par l’Homme-Dieu, qui vient en premier lieu pour nous, puisque c’est par Lui que nous venons au Père. Nous n’entrerons en communication avec les trois Personnes divines qu’en proportion que nous ressemblerons à l’humanité de Jésus. Or elle est absolument parfaite, pure non seulement du péché, mais de toute attache naturelle et totalement surnaturalisée non seulement dans son entité, mais aussi dans toute son activité libre des intentions et des motifs.


Voilà donc notre premier but à atteindre: donc nous devons nous purifier de nos péchés et ensuite de toutes nos affections naturelles avec leurs motifs naturels, qui constituent notre moi païen et ennemi de Dieu. Toute cette purification de notre humanité est donc la condition de notre entrée dans le surnaturel ou de notre participation à l’activité divine des trois Personnes de la Trinité. Voilà notre première idée fondamentale: notre dépaganisation dans tout notre être et surtout dans l’orientation de notre activité libre et mentale. Notre deuxième idée: la gloire de Dieu, nous fait reproduire l’activité du Verbe qui est le reflet de la splendeur divine et donc la gloire (surnaturelle) substantielle du Père. St Paul dit qu’il est le «rayonnement de sa gloire, l’empreinte de sa substance.» Héb. 1-2. Quand il s’incarne, le Verbe continue de faire dans son humanité ce qu’il faisait au sein de la Trinité: glorifier son Père. Voilà donc la fonction de tout chrétien. glorifier Dieu. Comme nous l’avons dit: le moyen pour faire cela est de voir dans les créatures des reflets des perfections divines et dans leur activité un échantillon de la sienne ou encore mieux la sienne même. C’est notre troisième idée fondamentale. Elle correspond à l’activité du Père qui agit dans ses créatures et qui les contrôle directement. La quatrième correspond à l’activité du St Esprit. Car si nous méprisons les créatures et que nous renonçons à notre moi, c’est parce que nous préférons le divin à l’humain. C’est donc de l’amour de Dieu. Ce n’est pas tirer les choses par les cheveux. Puisque nous nous en allons au ciel pour participer à l’activité trinitaire à travers celle de l’humanité de J-C., il nous faut donc commencer tout de suite cela dans la foi et par la grâce sur la terre pour aller le continuer dans la gloire au ciel. On peut mettre ces idées en tableau pour mieux voir cette correspondance:

Dans la Trinité Dans notre plan de retraite La condition: l’Humanité de Jésus: … notre Transformation surnaturelle L’intention: Le Verbe: …………… la gloire de Dieu Le double moyen: L’activité du Père: … échantillons et souverain domaine Le résultat: Le St Esprit: ………… la folie de la croix.


On voit la force d’une spiritualité qui suit l’ordre établi par Dieu entre l’humanité de Jésus et la Trinité. On se trouve à travailler directement pour notre vie divine au ciel. On a bien plus de chances d’avoir la coopération divine en suivant le plan établi par Dieu. Tout ce que l’on fait dans cette direction est solide et fructueux. 2.- Avec le Notre Père. «Qui êtes aux cieux», indique que Dieu n’est pas de ce monde tout en étant dans le monde et que pour l’atteindre il nous faut renoncer à nos forces naturelles d’agir pour aller le trouver dans le monde de la foi. Pour cela il nous faut nous renoncer, nous dépaganiser et nous élever au-dessus des sens et même de nos facultés spirituelles pour tout juger selon la foi. «Que votre nom soit sanctifié.» Pour qu’il le soit, il faut que l’homme s’efface devant le divin, qu’il renonce à lui-même, comme nous l’avons montré.


«Que votre règne arrive» veut dire que Dieu règne en Maître sur toutes ses créatures et que tous reconnaissent le souverain contrôle que Dieu exerce sur l’univers. C’est le double moyen des échantillons et du souverain domaine de Dieu. «Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.» Pour faire cela il faut vivre comme au ciel et donc cesser de vivre pour la terre et pour l’humain; c’est la folie de la croix.


Nous suivons donc l’ordre que Jésus indique dans les demandes du Pater; c’est une bonne note pour ce plan.


On voit que ce n’est pas une découverte, mais une simple constatation de ce plan que Dieu suit partout parce qu’il reproduit l’ordre de son activité divine au sein de la Trinité unie à l’Humanité du Verbe incarné. Que chacun essaie de garder cet ordre dans toute sa vie spirituelle. Qu’il mette ces quatre idées bien en avant dans son esprit et alors il pensera toujours à la nécessité d’enfiler pour ainsi dire dans la Trinité en passant par l’Humanité de Jésus. Il n’oubliera rien d’essentiel comme la plupart font habituellement parce qu’ils ne se sont pas donné la peine de comprendre l’ordre qu’ils doivent reproduire dans leur vie pour être en correspondance avec l’activité de Jésus. Qu’ils sachent que Dieu veut que nous formions Jésus en nous jusqu’à sa stature parfaite et cela d’un Jésus vivant et non pas d’un corps seulement. Comme la croissance d’un enfant se fait selon l’ordre qu’il aura une fois adulte, ainsi le chrétien doit grandir selon l’ordre qu’il suivra une fois au ciel dans la Trinité. 3.- Avec les Exercices de St Ignace, je ne dis pas avec ses commentateurs! D’abord St Ignace dit que nous pouvons exploiter une idée tant que nous trouvons de la matière utile pour le bien de notre âme. De plus il ne développe pas son fondement, laissant à chacun la liberté de la faire à sa guise et selon les circonstances. C’est ce que nous faisons. Nous prenons six instructions pour développer le titre et pour expliquer exactement en quoi consiste le renoncement qui est à la base des exercices spirituels. Si les commentateurs n’ont rien vu là, c’est leur affaire. J’ai le droit de sortir de là tout ce que je peux pour le bien des âmes. Nous avons jugé à propos de donner une méditation spéciale sur les mots de St Ignace: L’Homme a été créé pour louer Dieu, dans notre méditation: La gloire de Dieu! Là encore, si aucun commentateur n’y a vu d’importance ça le regarde, mais nous avons le droit d’insister sur ces mots si nous le voulons!


«L’homme a été créé pour servir Dieu» est développé dans


la méditation sur le Souverain Domaine de Dieu. «L’indifférence» est abondamment développée dans les deux instructions sur «la mentalité païenne et la mentalité chrétienne.» L’usage des créatures est expliqué dans les méditations sur les Échantillons et sur la Folie de la croix. De là nous passons aux échantillons défendus et au péché et à ses conséquences: la contrition, la confession, l’enfer. Nos autres méditations ne sont que de plus grands développements pratiques des idées principales comme celle du Souverain domaine de Dieu et celle du renoncement. L’idée de St Ignace dans la première semaine est de purifier l’âme de ses péchés et de ses attaches pour qu’elle puisse ensuite dans la deuxième semaine comprendre la vie de J-C., pour mieux l’imiter et mieux l’aimer. Ceux qui ont fait nos retraites sacerdotales ont montré suffisamment que notre méthode était bonne. Les changements radicaux dans leur vie et les sacrifices que ces prêtres faisaient, tranchaient tellement avec les autres prêtres, dont un grand nombre avaient déjà suivi des retraites données par des Jésuites selon les commentateurs, que les autres en étaient jaloux. Ils ont suscité une vraie persécution contre nous parce que nous mettions des divisions dans le clergé. Quelles divisions? Nos retraitants en général brisaient avec toutes leurs attaches païennes et se livraient tout aux choses de Dieu. Les autres prêtres en étaient grandement humiliés et les fidèles ne manquaient pas de leur dire qu’ils étaient païens comparés aux retraitants. Le fait que les démons ont suscité une pareille persécution indique clairement que nos retraites leur faisaient un grand tort. Notre conception des Exercices de St Ignace était donc la bonne, puisqu’elle produisait justement les fruits que St Ignace voulait produire dans ses retraitants… ce que les autres Pères ne sont pas capables de faire avec leur façon piètre de comprendre les Exercices.


Ce qui déroute un grand nombre de Jésuites c’est que nous attaquons à fond de train tous les bons motifs naturels, ce que les commentateurs ne font jamais. C’est qu’ils donnent un sens purement naturel à l’expression de St Ignace «Affection désordonnée». Comme de bons philosophes qu’ils sont en général, ils prennent désordonné dans l’ordre naturel seulement. Là est désordonné qui est contre la raison. Évidemment avec ce sens, les bons motifs naturels, étant conformes à la raison, ne sont pas désordonnés. Mais nous montrerons ailleurs et plus longuement que St Ignace inclut sûrement les bons motifs naturels dans son expression «affection désordonnée». Le Père Nonell le montre bien dans son livre sur les Exercices de St Ignace, pg. 135. Celui qui comprend bien St Ignace dans cette expression acceptera toute notre retraite bâtie totalement pour faire la guerre aux bons motifs naturels, les pires ennemis de Dieu, pas «in se», mais in nobis, en nous.


Nos Pères habitués à mettre les quatre semaines dans huit jours, sont déroutés encore davantage par notre façon de donner huit jours exclusivement sur la première semaine. Nous aurons une autre série pour la vie de Jésus et une troisième pour l’activité du St Esprit. Pas un Jésuite rempli de l’esprit de St Ignace ne peut condamner notre façon de traiter les Exercices. L’extraordinaire succès de nos retraites sacerdotales nous justifie suffisamment, grâce à Dieu!

dimanche 23 novembre 2014

Pour en finir avec 40 ans de lefebvrisme ! - Petrus

Suite à la lecture de cette article, qui fera très certainement scandale, nous vous recommandons de vous mettre à lire les bons auteurs antilibéraux principalement du 19ième siècle, le cardinal Pie, cardinal Gousset, monseigneur Gaume, l'abbé Rohrbacher, l'abbé Aubry, l'abbé Alexis Pelletier, Jules-Paul Tardivel, Louis Veuillot, les encycliques de Grégoire XVI à Pie XII, etc.

Quarante ans. Voilà tout juste quarante ans que Mgr Lefebvre publiait sa célèbre déclaration du 21 novembre 2014. Dans Itinéraires, Jean Madiran était allé jusqu’à écrire qu’elle était « la charte de l’Eglise militante ». Elle est en réalité le principal acte fondateur du lefebvrisme et tous ceux qui se réclament du fondateur d’Ecône aujourd’hui encore font totalement leur cette déclaration. C’est le cas de Suresnes et de Menzingen qui ont commémoré le quarantième anniversaire de cette déclaration en la relayant sur les sites Internet de La Porte latine et de Dici. Les dissidents anti-fellaysiens de l’Union sacerdotale Marcel Lefebvre (USML) se réclament, eux aussi, ouvertement, de cette déclaration. Le Père Bruno, coordinateur national de l’USML, a placé ce même texte sur le site officiel de l’Union, France fidèle, et écrit que « ce texte magnifique est la charte de notre combat. (…) Nous faisons nôtre (cette déclaration) ».

De prime abord l’on pourrait s’étonner : comment se fait-il que des frères ennemis qui ont une vision diamétralement opposée sur le principe d’un accord avec la « Rome moderniste » puissent se réclamer, avec un même enthousiasme et une belle unanimité, de la déclaration du 21 novembre 1974 ? La réponse est simple : c’est que dans cette déclaration, acte fondateur du lefebvrisme, on trouve résumée, concentrée toute l’incohérence fondamentale du mouvement et de la pensée lefebvristes. Dans ce document Mgr Lefebvre reconnaît en Paul VI et dans ceux qui l’entourent au Vatican à la fois la Rome moderniste (à laquelle il faut désobéir) et la Rome éternelle (à laquelle il faut être fidèle). On ne peut en effet comprendre autrement cette déclaration car ceux qui pensaient et disaient que la Rome moderniste n’était en rien la Rome éternelle et qu’elle était donc illégitime, hérétique, apostate et sans aucune autorité ont été systématiquement chassés de la FSSPX. Cela vaut toujours aujourd’hui car expulser tous les prêtres ou séminaristes convaincus de sédévacantisme est vite devenu un sport national (et même international) au sein de ladite Fraternité. Au reste, dans cette déclaration que les esprits superficiels et faux jugent magnifique alors qu’elle est théologiquement nulle et absurde, tout à fait à l’image de son auteur, Mgr Lefebvre reconnaît publiquement l’autorité de Paul VI qu’il qualifie de « saint Père » , de « Souverain Pontife » de « successeur de Pierre » Par trois fois, dans cette déclaration, le fondateur de la FSSPX reconnaît publiquement en Montini le vicaire du Christ. Chapeau bas ! Pis (si l’on puit dire), dans ce texte, Mgr Lefebvre introduit le principe du libre-examen protestant consistant à trier dans les discours et les actes de celui qu’il reconnaît comme successeur de Pierre : « si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes (ceux de Paul VI reconnu par lui comme pape)  ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église. » Autrement dit Mgr Lefebvre s’érige en magistère parallèle tout en reconnaissant l’autorité de Paul VI. C’est à lui que revient désormais le soin de trier (au nom de quelle autorité ? de quelle infaillibilité ? de quelle légitimité ?) ce qui est catholique, ce qui est acceptable, ce qui est conforme à la Tradition et ce qui ne l’est pas dans les paroles et les actes de ceux qu’il reconnaît comme vicaires du Christ. Il s’agit là d’une revendication exorbitante car quel est le garant infaillible de la Tradition sinon le magistère, sinon le pape qui est, rappelons-le, la règle vivante et prochaine de la foi. C’est au pape qu’il appartient de dire avec autorité ce qui est conforme à la Tradition et ce qui ne l’est pas, ce qui est catholique et ce qui ne l’est pas. Si l’on pense et agit autrement, on n’est plus catholique.  Là où est Pierre, là est l’Eglise.

On voit donc que le lefebvrisme s’en prend aux fondements mêmes de l’Eglise, vicie gravement l’acte de foi. Car si nous croyons les vérités de foi (objet de la révélation), c’est parce que Dieu les a révélées (auteur de la révélation) et que l’Eglise nous les enseigne (règle de la foi). L’Eglise jouit donc d’une infaillibilité doctrinale. Faire sien le discours lefebvriste, ce n’est rien moins que s’en prendre à la pierre sur laquelle repose l’Eglise. Il faut vraiment que les traditionalistes soient relativistes et se désintéressent complètement des questions doctrinales pour avoir sans cesse à la  bouche du saint Marcel par-ci, du saint Marcel par-là (rappelons d’ailleurs que Mgr Williamson a fondé une initiative Saint Marcel, que l’abbé Philippe Laguérie, une fois exclu de la FSSPX en 2004 et auquel Suresnes avait envoyé des vigiles et des chiens pour le chasser du prieuré de Bruges, avait fondé une cultuelle saint Marcel, que ses partisans avaient animé un site nommé Fraternité canal historique et que ceux qui entourent aujourd’hui Richard Williamson sont regroupés dans l’Union sacerdotale Marcel Lefebvre. Comme s’il s’agissait déjà d’un saint canonisé par la sainte Eglise ! Même l’abbé Abrahamowicz a créé en Italie une Domus Marcel Lefebvre. Décidément on n’en sort pas ! ) Comme me le confiait plaisamment un vieux prêtre sédévacantiste, il ne faut pas trop attendre des prêtres qui quittent aujourd’hui la FSSPX (ou qui en ont été chassés) car après avoir été 10, 20, 30 ou 40 ans dans une fosse septique ou une fosse à purin, c’est normal qu’ils sentent mauvais ! Ou, comme me le disait pareillement une dame à la pointe du combat sédévacantiste ultra (ça j'adore !) depuis un demi-siècle « que vouliez-vous qu’il sortît de bon d’une source empoisonnée comme Lefebvre ? » Difficile de lui donner tort.

Nous l’avons déjà souvent écrit : Monseigneur Lefebvre, c’est comme le Bazar de l’Hôtel de Ville de Paris : on y trouve tout… et son contraire ! C’est pourquoi, dans les divisions actuelles de la FSSPX et des communautés amies, l’on se lance à la figure des déclarations contradictoires, mais toutes parfaitement authentiques, de Mgr Lefebvre pour justifier sa position. Chacun s’érige ainsi en disciple authentique du défunt fondateur de la FSSPX, en gardien de l’Ordre du temple lefebvrien sans jamais se poser la question de savoir si ces divisions fratricides n’ont précisément pas pour origine les incohérences, les atermoiements et, disons-le, la duplicité de Mgr Lefebvre dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas un modèle d’invariance. En avril 2012 les évêques de la FSSPX se sont envoyés sans aménité des lettres cinglantes avec des citations contradictoires mais authentiques de Mgr Lefebvre. Les accordistes mettent en avant les nombreuses déclarations et prises de position du fondateur d’Ecône en faveur des accords avec les occupants du Vatican, les anti-accordistes mettent en exergue les déclarations, aussi nombreuses, du même Mgr Lefebvre contre les accords. Mais tous restent inconditionnellement lefebvristes sans se poser de questions ! C’est t’y pas beau !

Si Mgr Lefebvre a dit tout et son contraire, c’est qu’il n’a pas osé franchir le Rubicon. Par tempérament diplomate, libéral et consensuel, par lâcheté, par crainte des conséquences, bref pour des raisons essentiellement mondaines. Or il n’est rien de pire que ceux qui ne vont pas au bout de leur combat. Dieu vomit les tièdes. La tiédeur, c’est déjà une forme de trahison, peut-être la pire qui soit. Il faut rappeler que Mgr Lefebvre n’a réagi que très tardivement à la révolution dans l’Eglise. Il a ainsi refusé d’apposer sa signature au Bref examen critique des cardinaux Ottaviani et Bacci (en fait le texte avait été rédigé par le père Guérard des Lauriers autrement plus doctrinal que le fondateur de la FSSPX, même si sa thèse ne nous convainc nullement !), il a signé tous les textes de Vatican II contrairement à ce qu’il avait affirmé mensongèrement pendant des années (il a fallu attendre la biographie de Mgr Tissier de Mallerais pour mettre fin à cette légende) et il a demandé (et obtenu) les autorisations nécessaires à de (pseudo-) autorités conciliaires pour la création de la Fraternité et du séminaire en 1970. Mgr Lefebvre n’était donc pas un briseur de barrage, un valeureux combattant de la foi. Là où nous aurions eu besoin d’un athlète de la foi, nous avons eu un diplomate. Là où il aurait fallu un confesseur de la foi, nous avons eu un prélat pragmatique et naviguant à vue. Là où il aurait fallu un pourfendeur infatigable de l’hérésie et de l’apostasie, nous avons eu un politicien essayant de négocier une place au sein de l’église conciliaire. Là où il aurait fallu former des âmes de feu, des âmes qui brûlent, prêtes à tous les sacrifices, toutes les persécutions, n’ont été promues que des lavettes énamourées devant Monseigneur (Mgr a dit, Mgr a fait, Mgr pense…), des tartuffes, des hommes sans consistance, sans conviction, sans colonne vertébrale, des Lorans, des Schmidberger, des Simoulin, des Bouchacourt, des de La Rocque, digne héritier du défunt colonel de La Rocque connu pour son modérantisme et son strict légalisme à l’égard de la IIIe République maçonnique, des Fellay qui, dans le civil, n’aurait pas pu espérer mieux qu’être chef de rayon à la Migros !

Si tous ces gens n’étaient pas aveuglés par le culte sectaire qu’ils vouent à un simple évêque sans juridiction et qu’ils étaient un tant soit peu capables d’esprit critique, de distance critique à l’égard de leur maître à penser,  ils auraient compris que les crises à répétition de la FSSPX depuis quarante ans n’ont d’autre origine que les incohérences doctrinales de Mgr Lefebvre, que sa versatilité. Selon ses intérêts du moment, selon ses interlocuteurs, selon ses auditeurs, il était capable de dire tout et son contraire. Y compris à l’intérieur d’un même discours, d’une même homélie. Il serait d’ailleurs instructif de faire un livre sur les contradictions permanentes du ci-devant archevêque de Dakar. Sur la page de droite on mettrait les déclarations de rupture avec le modernisme et avec le Vatican, sur la page de gauche celles en faveur d’un accord pratique. Le résultat serait édifiant. Et il est faux de dire que ces contradictions ne seraient que l’effet d’un retard à l’allumage, de l’obscurité de la situation et qu’elles se seraient dissipées peu à peu, le temps l’aidant à voir plus clair. En septembre 1987 il déclare que Rome est dans l’apostasie, que tous ces gens ont quitté ou quittent l’Eglise, qu’on ne peut pas collaborer avec eux, même s’ils donnent un évêque, même s’ils lèvent les sanctions contre la FSSPX. Et presque aussitôt après cette déclaration apparemment très ferme, il s’engage dans des discussions avec le Vatican qui aboutissent à la signature du protocole d’accord le 5 mai 1988. Lequel n’est guère moins lamentable que le protocole signé 24 ans plus tard par Mgr Fellay.

Dans les deux déclarations on reconnaît et on approuve explicitement le nouveau code de droit canon de 1983, la validité de la nouvelle messe et de tous les nouveaux sacrements, l’autorité de l’occupant du siège de Pierre et même Vatican II. Dans le document signé par Mgr Lefebvre, il est ainsi écrit : « Nous déclarons accepter la doctrine contenue dans le numéro 25 de la Constitution dogmatique Lumen Gentium du concile Vatican II  sur le Magistère ecclésiastique et l’adhésion qui lui est due ». Dans la déclaration de Mgr Fellay, on peut lire : « le concile Vatican II à son tour éclaire — c’est-à-dire approfondit et explicite ultérieurement — certains aspects de la vie et de la doctrine de l’Eglise, implicitement présents en elle ou non encore formulés conceptuellement. » Certes Mgr Lefebvre a retiré sa signature dès le lendemain (6 mai 1988) mais, comme Mgr Fellay après lui, il ne s’est jamais vraiment rétracté sur le fond. Il aura même plusieurs déclarations ultérieures où il affirme que ce préambule n’était pas vraiment mauvais ni inacceptable car sinon il ne l’aurait pas signé. Ce qui a finalement empêché l’accord à l’époque, c’est le manque de confiance envers ses interlocuteurs romains et nullement la doctrine, la foi, les principes intangibles. Le désaccord s’est fait sur la composition des membres de la commission romaine qui devait être chargée de la « tradition » et à cause des doutes qu’avait Mgr Lefebvre dans la volonté de ses interlocuteurs de lui accorder un évêque issu de la FSSPX pour assurer la survie de son œuvre. Pour justifier qu’il soit quand même passé à l’acte en faisant des sacres sans mandat tout en reconnaissant publiquement l’autorité de Jean Paul II et en se disant en communion avec lui au canon de la messe, c’est-à-dire dans la partie la plus importante, la plus sacrée du saint sacrifice, et alors même qu’un an plus tôt il confiait dans un entretien avec Michel Reboul dans Monde et vie que s’il sacrait des évêques sans mandat pontifical il serait schismatique, Mgr Lefebvre eut une argumentation lamentable digne de sa personnalité : « les tentes sont louées », « les gens ont payé l’hôtel », bref on ne peut plus faire marche arrière.

Le jour des sacres, dans son homélie, Mgr Lefebvre avait demandé que soient gravés sur sa tombe ces fameux mots de saint Paul : « Tradidi quod et accepi » J’ai transmis ce que j’ai reçu. Ses disciples ont évidemment obéi à sa recommandation. Et ses sectateurs encore aujourd’hui se pâment devant cette déclaration. Or là encore il s’agit d’une imposture : où Mgr Lefebvre a-t-il appris qu’un concile œcuménique promulgué par un vrai pape pouvait être faillible et seulement pastoral ? Où a-t-il lu que l’on pouvait sacrer des évêques contre la volonté explicite et publique de celui que l’on reconnaît comme le vicaire du Christ ? Où a-t-il appris que le magistère ordinaire et universel de l’Eglise n’était pas nécessairement infaillible ou que, pour qu’il le soit, il faut un consensus non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps ? Où a-t-il appris que l’on pouvait maintenir un séminaire, former et ordonner des prêtres contre l’ordre formel de l’autorité que l’on considère comme légitime ? Où a-t-il appris que l’on pouvait conférer le sacrement de confirmation dans n’importe quel diocèse du monde sans même en référer à ceux que l’on reconnaît comme évêques résidentiels légitimes ? Où a-t-il appris que l’on pouvait se dire catholique et désobéir en tout à celui que l’on reconnaît publiquement comme vicaire du Christ ? Dans quel manuel de théologie catholique a-t-il appris que les canonisations faites par un vrai pape pouvaient ne pas être infaillibles, qu’une messe, qu’un code de droit canon, qu’un catéchisme, qu’un rituel de sacrements promulgués par le pape pour l’Eglise universelle pouvaient être nocifs et dangereux pour la foi ? Où a-t-il appris que l’on pouvait chasser à vie de sa prétendue fraternité et sans aucune hésitation des prêtres, des diacres que l’on a soi-même ordonnés au seul motif qu’en conscience ils ne peuvent se dire en communion au canon de la messe avec des occupants du siège de Pierre qui détruisent l’Eglise ? Où a-t-il appris que l’on pouvait sans aucun problème de conscience les jeter à la rue sans se soucier de leur survie, de leur couverture sociale, de leur détresse, de leur déréliction ? En cela, soit dit en passant, Mgr Fellay est un digne héritier de Mgr Lefebvre. Et c’est cet homme misérable que l’on présente comme un saint, comme un héros et un athlète de la foi, comme le sauveur de l’Eglise et de la Tradition. Alors qu’il en a été le plus redoutable et efficace fossoyeur.

Comme l’écrivait avec sévérité mais avec justesse feu le père Barbara : après Jean XXIII, Paul VI et Jean Paul II (et, ajouterions-nous aujourd’hui, Benoît XVI et François), Mgr Lefebvre a été l’un des principaux destructeurs de l’Eglise militante, le plus redoutable adversaire du sédévacantisme et donc de la vérité catholique. Combien de prêtres et de laïcs m’ont déclaré qu’ils seraient devenus sédévacantistes sans Mgr Lefebvre auquel ils faisaient, à tort, toute confiance ? Il n’y a certes pas de quoi se vanter de ce bilan calamiteux. Chaque fois qu’il fallait faire un choix crucial, Lefebvre fit le mauvais : sur la validité de la messe et des nouveaux sacrements, sur l’autorité des occupants illégitimes du siège de Pierre, sur l’acceptation de la liturgie et du bréviaire de Jean XXIII, sur le choix des hommes aux postes-clés.


La Fraternité Saint-Pie X, c’est un peu comme le Parti communiste de la grande époque. Il faut suivre inconditionnellement la ligne du parti, même quand celle-ci change (et elle change souvent). Si l’on n’obéit pas, on est expulsé sans pitié. Faire l’histoire de la Fraternité depuis quarante ans, c’est écrire l’histoire de ses purges, de ses exclusions. Il n’est donc pas étonnant que tout ce milieu soit de moins en moins crédible sur le plan humain, intellectuel et doctrinal. Un édifice ainsi construit sur du sable ne peut donner de bons fruits. Ce qui maintient encore en vie la FSSPX, c’est la force de la structure et la tyrannie de sa direction. De sorte qu’elle peut durer encore un certain temps : après tout, les partis politiques eux-mêmes, malgré leurs trahisons, leurs crimes, les scandales multiples qui les éclaboussent, se maintiennent durablement en vie et traversent les décennies. Mais si la structure demeure sur le plan légal, on peut s’interroger : que restera-t-il dans vingt ou trente ans du lefebvrisme, une fois que la FSSPX et les communautés amies auront été complètement absorbées par l’église conciliaire, lorsque ce seront les faux prélats conciliaires qui conféreront les ordinations, les confirmations ? Rien probablement. Ou si peu. Mgr Lefebvre n’aura rien sauvé du tout. Pas même la messe puisque ce seront des « évêques » conciliaires invalides qui assureront demain les ordinations au sein de la FSSPX. Et même s’ils utilisent le rite traditionnel, cela ne sera d’aucun effet puisque ces “évêques” conciliaires ne sont ni prêtres ni évêques ayant été ordonnés et sacrés dans le cadre du nouveau rituel des ordinations et des sacres du 18 juin 1968 de Montini.

Un certain nombre de prêtres à la base ne sont pas en phase avec l’actuelle politique de Menzingen mais ils suivent quand même car ils ne savent pas où aller. Ils sont perdus et le courage n’est pas leur vertu première. Il faut dire qu’avec un tel fondateur ils ont été, si j’ose dire, à bonne école. Et que dire des quatre évêques, plus lamentables les uns que les autres, y compris Richard Williamson qui accorde le plus grand crédit à de pseudo-apparitions mariales à une fidèle illuminée de la FSSPX et qui multiplie dans ses Kyrie eleison les attaques stupides et absurdes contre le sédévacantisme montrant ainsi une fois de plus que s’engager à ses côtés est une totale impasse. Mgr Lefebvre, c’est clair, a bien choisi ses évêques. Ils sont et mourront lefebvristes, qu’on se le dise, même s’ils se détestent entre eux ! Quant aux prêtres hostiles à la politique de Menzingen, ils préfèrent se soumettre à la terreur plutôt que de subir les simulacres de procès qu’a ainsi connu un abbé Pinaud ou un abbé Salenave. Comme dans les procès staliniens il fallait que le “coupable” reconnût sa faute, demandât pardon au tyran de Menzingen, à l’associé de l’affairiste milliardiaire et sioniste Maximilien Krah. On n’essaie pas de convaincre l’accusé qu’il se trompe, qu’il a tort sur le plan doctrinal, qu’il est dans l’erreur. Non, il doit confesser sa faute, demander publiquement pardon au grand timonier, promettre de ne plus recommencer et obéir en tous points à la ligne du parti. C’est ainsi que Mgr Lefebvre procédait à son époque : il refusait de rencontrer ceux qui  l’avaient quitté ou qu’il avait exclu avant qu’ils ne fassent repentance et lui demandent pardon. L’abbé Seuillot nous a affirmé par exemple que c’est ainsi que Mgr Lefebvre avait procédé dans son cas. De sorte que l’entretien n’eut jamais lieu. Avec l’abbé Zins c’est encore pire : il avait fait croire à ce dernier qu’il accepterait de le rencontrer ; l’abbé Zins, désargenté, avait fait un long voyage pour le voir et finalement il s’est arrangé pour ne jamais le rencontrer, le faisant longuement poireauter. Mais à part ça, c’est sûr, Marcel Lefebvre est un saint qui est au paradis !

On notera d’ailleurs que dans la si mal nommée Fraternité les procédés sont les mêmes à gauche qu’à droite : on a chassé sans ménagement l’abbé Aulagnier en 2003 (par un simple fax, difficile d’aller plus loin dans la sécheresse administrative) parce qu’il approuvait les accords de Campos. C’est d’autant plus un comble que c’est Menzingen qui a demandé aux prêtres de Campos de s’asseoir à ses côtés à la table des négociations avec le Vatican en 2000-2001. Et l’accord que l’abbé Aulagnier voulait faire sincèrement avec le Vatican, tout le monde sait aujourd’hui que Mgr Fellay y travaillait déjà à l’époque. Mais Paul Aulagnier avait simplement eu le tort de se déclarer trop tôt et trop ouvertement accordiste. Mgr Fellay, lui, voulait arriver au même objectif par la ruse, le mensonge et la duplicité. D’où l’orchestration pendant quinze ans d’un double discours : un discours ad intra contre les accords dans ses homélies, ses conférences, dans Cor unum. Et un discours ad extra (à travers notamment sa discrète et efficace courroie de transmission, le GREC) en faveur d’un rapprochement et d’un accord avec la “Rome moderniste”. Il est difficile d’aller plus loin dans la manipulation. Naturellement, pendant de longues années, les troupes lefebvristes n’y ont vu que du feu. Et maintenant que Fellay est débarrassé de Mgr Williamson, des dominicains d’Avrillé, des bénédictins de Nova Friburgo et des prêtres les plus remuants contre toute perspective d’accord, tout indique que la FSSPX va se rallier dans les mois ou, plus probablement, dans les quelques années qui viennent à la secte conciliaire.


On le voit : la Fraternité Saint-Pie X n’aura servi historiquement qu’à canaliser et à neutraliser la résistance catholique à Vatican II et aux détestables réformes qui en sont issues. Comme le Front national aura réussi à neutraliser la résistance française au mondialisme et à la destruction de la France. Il faut vraiment avoir une cervelle de colibri pour ne pas le voir.


Que faut-il donc faire pour ceux qui veulent rester intégralement catholiques dans les ténèbres actuelles ? Prier, se sanctifier, garder la foi dans toute son intégrité, voir clair sur l’hérésie moderniste et sur l’imposture du lefebvrisme. En résumé l’église conciliaire n’est pas l’Eglise catholique, les occupants du siège de Pierre depuis Jean XXIII ne sont pas les vicaires du Christ, Mgr Lefebvre n’est pas le sauveur de la tradition mais son fossoyeur. Tout le reste n’est que balivernes.

Petrus.