DIX-NEUVIÈME
INSTRUCTION LA CONTRITION.
«Revenez à moi de tout
votre cœur, avec des jeûnes, des larmes et des lamentations. Déchirez vos cœurs et non vos vêtements et
revenez à Yahvé, votre Dieu.» Joël, 2-12.
Plan Remarque: ses
conditions. (Les larmes Douleur
intérieure : (Changement de fin dernière souveraine Détestation du péché Ferme
propos.
REMARQUE: ses conditions
Pour illustrer le rôle de la confession, les Pères de l’Église comparent le
péché à un abcès que le médecin ouvre pour en faire sortir le pus. Les trois éléments essentiels du sacrement de
pénitence sont là: la contrition est le glaive de douleur qui crève le coeur,
la confession en fait sortir le pus, qui est le péché, et la satisfaction
applique les remèdes convenables pour guérir la plaie faite à l’âme par le
péché.
Commençons par la
contrition qui est l’élément le plus important du sacrement de pénitence. Le Concile de Trente, ses. 14-4, indique les
éléments essentiels de la contrition: la douleur intérieure, la détestation du
péché et le ferme propos. Nous allons
examiner ces trois éléments, non pas dans tous leurs détails théologiques, mais
dans ceux dont on abuse ordinairement à cause de l’ivraie du philosophisme que
les démons n’ont pas manqué de semer dans l’usage d’un sacrement si essentiel à
la vie des chrétiens naturellement portés au péché. Ce que nous exposons ici regarde les
chrétiens en proportion qu’ils sont tout aux choses de ce monde et donc qui
pèchent souvent. Ce nombre augmente
toujours de plus en plus avec la religion des philosophes qui se répand de plus
en plus parmi les catholiques. Les
fidèles s’appuient de plus en plus sur les «strictement parlant» des prêtres
pour offenser le bon Dieu à l’année et cependant recevoir les sacrements assez
souvent sans changer de vie. Combien
vont être surpris en arrivant dans l’éternité de trouver leur âme encore
chargée de tant de ses péchés! Il vaut
mieux dans cette affaire du salut prendre le côté le plus sûr; il n’y a pas de
probabilisme là! Examinons donc quelques
aspects de la contrition bien rarement expliqués et peu pratiqués et pourtant
d’une importance capitale. la douleur
intérieure La contrition n’est pas dans les paroles ni dans la pensée; elle
doit être dans la volonté surtout, ou comme on dit, dans le coeur. Comme l’homme a mis tout son coeur dans
l’amour des choses créées qui a fait son péché, il doit maintenant aussi mettre
tout son coeur pour regretter son offense envers Dieu. Or c’est ordinairement le coeur qui met en
branle toute l’activité de l’homme: comme il s’est tout donné pour commettre le
péché, il doit maintenant tout se donner pour réparer le mal par sa contrition
du coeur, appelée alors «intérieure».
Pour mieux comprendre cette contrition intérieure, examinons les trois
questions suivantes: celle des larmes, du changement de vie et enfin le degré
d’amour de Dieu nécessaire pour être pardonné.
Les larmes.
Les prophètes exhortent
souvent les fidèles à pleurer leurs péchés et l’on sait que le peuple le
faisait quand il voulait apaiser la colère de Dieu qui les fustigeait. David a pleuré longtemps son crime, et
pourtant même après son regret si sincère Dieu le punit encore bien
sévèrement! Jésus a pleuré pour nos
péchés nous donnant l’exemple de la nécessité de pleurer nos propres péchés. C’est ce qu’il recommande aux filles de Jérusalem
qui le suivaient sur le chemin du Calvaire.
Une de ses premières béatitudes est: Bienheureux ceux qui pleurent! St Paul dit de Jésus: «C’est lui qui dans les
jours de sa chair, ayant avec de grands cris et avec larmes offert des prières
et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été
exaucé pour sa piété, a appris tout fils qu’il était, par ses propres
souffrances, ce que c’est qu’obéir.» Tous les saints ont souvent pleuré d’avoir
offensé Dieu, même ceux qui n’avaient commis que des péchés véniels. Que de larmes a versées St Pierre pour son
triple reniement! Et M. Madeleine?
Plusieurs Pères de l’Église disent que les péchés qui ne sont pas lavés
dans les larmes demeurent. C’est que
dans ces premiers siècles de l’Église, le philosophisme n’avait pas encore
commencé ses ravages en théologie.
Depuis des siècles les démons n’ont pas manqué de semer leur ivraie dans
le sacrement de pénitence, ce moyen par excellence de sauver son âme après être
tombé dans le péché mortel. En parlant
de la contrition tous nos moralistes philosophes ne manquent pas d’avertir que
la contrition «essentiellement parlant» ne consiste pas dans les larmes. Soyons certains que cette distinction quoique
bien vraie, couvre l’ivraie du démon comme toutes ces distinctions «strictement
parlant». Pas un prêtre, en expliquant
le catéchisme aux enfants, n’oublie de mentionner qu’on peut regretter ses
péchés sans les pleurer. Tous les
fidèles du monde savent que, «essentiellement parlant», la contrition est dans
un acte de volonté. Naturellement ils
comprennent qu’il suffit de faire un acte de volonté, comme par exemple: je
veux regretter mes péchés!… et tout est fini pour eux du moment qu’ils se
confessent. Il y a du vrai: autrement ce
ne serait pas de l’ivraie du démon. Il
faut bien avouer qu’on peut poser un acte qui serait une vraie contrition
parfaite. Le tort des philosophes est de
laisser croire que tous ces actes de volonté renferment une véritable
contrition, ce qui est absolument faux dans un très grand nombre de cas et les
prêtres n’ont pas le droit d’enseigner cela en général. Que d’illusions dans cette contrition toute
de tête ou dans un acte de volonté impéré par une morale purement spéculative,
comme il arrive si souvent de nos jours.
N’oublions pas que tous les «in se» ne sont que dans la raison humaine,
pas du tout dans le coeur. Par
conséquent un chrétien peut bien dire: puisque la contrition «in se» est dans
un acte de volonté, voici que je pose un acte: je veux regretter mes péchés. Je ne voudrais pas être à la place de celui
qui se fierait à ce seul acte de volonté pour compter arriver au ciel après un
péché mortel! Que ce soit possible,
c’est sûr! Que ce soit ordinaire et
normal et qu’on puisse se fier à cet acte de volonté c’est faux pour un si
grand nombre de cas que ce serait téméraire de l’enseigner. Malheureusement une foule de prêtres le font
sans être blâmés parce que «strictement parlant» il y a du vrai, mais
moralement c’est faux bien souvent. En
tout cas les fidèles s’appuient sur ces idées pour ne jamais pleurer leurs
péchés; tous se disent qu’ils doivent avoir une contrition de volonté
puisqu’ils ne pleurent jamais leurs péchés!
Mais on peut leur trouver bien des causes de cette absence de larmes au
sujet de leurs péchés.
D’abord il faut dire que
les larmes sont le résultat de deux choses dans l’homme: l’amour et la
réflexion. Quand une mère de famille
meurt, les enfants qui l’aiment et qui réfléchissent sur la perte qu’ils font,
pleurent. Les autres ne pleurent
pas. Eh bien! ces catholiques qui sont tout aux choses du
monde et par conséquent qui n’ont pas cet amour surnaturel de Dieu qui s’achète
aux dépens des plaisirs terrestres, ne sont pas touchés dans le coeur par la
perte de Dieu qu’ils n’ont pas dans le coeur.
Comme ils ont l’esprit rempli des choses du monde, ils ne sont pas
capables de réfléchir assez sur la perte qu’ils font quand ils perdent Dieu par
un péché mortel. Voilà pourquoi le grand
nombre de fidèles ne pleurent pas leurs péchés.
Songentils sérieusement à l’énorme changement opéré dans leur âme, à
savoir que le démon remplace Dieu dans leur coeur? Évidemment non, puisqu’ils ne changent pas de
vie et qu’ils s’exposent comme avant à toutes les tentations. Une bonne preuve de leur peu d’amour de Dieu
est dans ce fait qu’ils restent en état de péché mortel des jours, des semaines
et des mois parfaitement à l’aise et dorment bien sur leurs deux oreilles! S’ils mouraient dans cet état ils savent
qu’ils iraient brûler éternellement en enfer et cela ne les inquiète pas ou
très peu. las auraient perdu leur chien
qu’ils le rechercheraient; ils ont perdu leur Dieu… et ils ne le cherchent
pas! C’est que la plupart de nos catholiques
ont fait très peu de sacrifices pour acheter Dieu, comme la doctrine de Jésus
l’exige. On estime un objet en
proportion du prix qu’on le paie. Or que
de chrétiens jouissent de tous les plaisirs qu’ils peuvent prendre et il ne
leur vient pas à l’esprit d’en sacrifier le plus possible pour acheter Dieu et
le ciel. Est-ce surprenant qu’ils ne
l’estiment pas ou très peu? et que par
conséquent ils soient si peu affectés par sa perte? Voilà des raisons pour le peu de larmes de
nos catholiques. La distinction de nos
moralistes philosophes leur sert bien pour cacher leur manque d’amour de Dieu;
ils aiment à croire que leur contrition est dans la volonté essentiellement et
qu’elle leur suffit quand dans une foule de cas elle ne suffit pas du tout,
comme nous allons le voir. On peut avoir
une idée essentielle de la contrition sans aucun amour de Dieu et alors elle ne
vaut absolument rien devant Dieu. Que
tous nos bons catholiques s’efforcent d’exciter en eux une contrition assez
grande et assez profonde pour verser des larmes. Il faut les demander à Dieu à deux
genoux! Il vaut mieux pleurer ses péchés
en ce monde que dans l’autre en enfer ou même dans le purgatoire. Il vaut mieux être avec tous les saints qui
ont tous abondamment pleuré leurs péchés, même les moindres fautes, que d’être
avec les philosophes aux distinctions arides et abstractions sèches de leur
«strictement parlant» où les démons opèrent habituellement. Ceux qui disent qu’ils n’ont pas de larmes,
qu’ils sont trop virils pour cette faiblesse, qu’ils examinent bien s’ils ont
jamais fait de réels sacrifices pour l’amour de Dieu et qu’ils méditent au fond
de leur coeur sur les vérités de la foi.
Souvent ce sont des gens égoïstes pleins de leurs seuls intérêts propres
et qui n’ont aucun amour ni pour le prochain, ni pour Dieu. Rien ne les touche en dehors de leur propre
personne et leur propre intérêt personnel.
Que chacun de ces coeurs de pierre demande à Dieu un coeur de chair pour
le prochain et pour Dieu. Changement de
fin dernière.
D’après les philosophes
rien de plus facile que la contrition.
On vient de commettre un péché mortel, on n’a qu’à vouloir regretter son
péché et c’est fini tout de suite! On
est pardonné en un clin d’oeil! Ainsi on
n’a qu’à faire un acte de volonté après chaque péché mortel et l’on peut ainsi
rester en état de grâce tout en péchant aussi souvent qu’on veut!!! las sortent des tracts pour montrer la
facilité de se repentir. «Strictement
parlant» tout cela est vrai! Ils
insistent sur le côté divin et sur la miséricorde divine, qui peut évidemment
faire tout ce qu’ils disent là. C’est
donc vrai essentiellement parlant. Et
comme les fidèles sont habitués à une religion toute de tête, enseignée par nos
prêtres philosophes, ils n’ont aucune difficulté à croire à l’efficacité de
cette contrition magique et instantanée… et ils comptent sur elle pour mieux
offenser Dieu! Que de prêtres disent aux
fidèles qu’il suffit de réciter un acte de contrition et tout de suite ils sont
pardonnés! C’est possible si en le
récitant on a une vraie contrition du coeur.
Or pour tous ces païens de mentalité qui sont tout aux choses du monde,
comme la très grande majorité de nos fidèles le sont, nous allons montrer que
tout ne marche pas si rondement avec Dieu à cause de nous, pas à cause de
Lui! On définit le péché mortel une
conversion de l’âme avec les créatures: la contrition exige donc un changement
radical: une conversion de toute l’âme vers Dieu. C’est donc un revirement complet de l’âme
dans sa fin dernière. Celui qui la met
dans une créature pèche mortellement; pour être sauvé, il faut qu’il mette sa
fin dernière uniquement en Dieu. La
contrition exige donc un changement total et radical de fin dernière qui par sa
nature entraîne tout l’homme, tout son amour.
Voilà le côté difficile de la contrition! Ce n’est pas vrai que l’homme peut changer
facilement son amour ou sa fin dernière.
Même quand Dieu le veut, que de fois l’homme ne veut pas de fait dans
son coeur. Nous n’avons qu’un coeur pour
aimer Dieu et les créatures; nous pouvons donc prendre des exemples de notre
amour humain pour l’appliquer à notre manière d’aimer Dieu. Ainsi pas un homme n’est capable de changer
son amour souvent et comme à volonté.
Peut-on trouver un politicien qui change de parti tous les jours, toutes
les semaines? tous les mois? Non.
Voit-on un homme passionné pour les sports une semaine, puis les
détester l’autre semaine, et ainsi de suite?
Jamais. Voit-on un homme
amouraché d’une femme cette semaine, la détester l’autre et ainsi de
suite? Jamais. Pourtant Dieu pourrait changer le coeur de
cet homme aussi souvent que cela; le ferat-il?
Non!… Que les prédicateurs de la contrition facile essaient donc de
convertir un adultère qui n’aime plus sa femme et qui vit avec une autre qu’il
adore! Qu’ils disent à cet homme qu’il
n’a qu’à faire un acte de volonté pour aimer sa femme et détester son
idole! Que Dieu est capable de lui faire
faire cet acte! Combien de ces prêtres
ont-ils même essayé de ramener ces hommes à leur femme qu’ils n’aiment
plus? Si c’est si facile, qu’ils fassent
donc le tour des paroisses pour les convertir!
Une autre preuve que la façon humaine d’agir du coeur est prise en
sérieuse considération en pratique, se montre par ce fait que les Communautés
refusent de reprendre deux fois ou trois fois un sujet qui les a quittées. L’expérience montre que s’il n’aimait pas
cette communauté quand il était là, il ne l’aimera pas plus s’il y
revient. Pourtant la toutepuissance de
Dieu est capable de changer le coeur de ce religieux défroqué et de lui faire
aimer sa communauté qu’il n’aime pas. Le
fera-t-il? C’est possible, mais pas
ordinairement… et toutes les communautés agissent d’après cette constatation de
l’expérience humaine.
Qu’on cesse donc de
parler seulement de ce que Dieu peut faire dans notre contrition ou de tout ce
qui est possible et facile en théologie et dans l’abstrait. C’est parfaitement vrai qu’un homme peut
obtenir le pardon de son péché mortel dans une minute. Ce n’est pas vrai que ce soit facile et
ordinaire. Ce n’est pas vrai qu’on
puisse se fier à cette contrition magique!
Que gagne-t-on à donner ces idées au monde? Estce qu’ils vont arriver au ciel avec cette
contrition toute de tête, s’ils ne l’ont pas dans le coeur? Même s’ils ont été trompés par les prêtres
philosophes? Non. L’Église ne supplée pas au manque de
contrition ou d’amour de Dieu dans ceux qui ne l’ont pas. Alors, pourquoi tant vanter cette contrition
facile et du bout des lèvres? On peut
paraître populaire parmi les mondains qui aiment cette prédication à l’eau de
rose, on passe pour large d’esprit, pour aimer les âmes en voulant leur rendre
le salut facile. J’aime mieux passer
pour janséniste et donner une doctrine sûre et efficace pour sortir les hommes
de leurs péchés, pour leur faire pleurer leurs péchés ici-bas et les expier par
une solide pénitence. D’ailleurs, les
fidèles qui entendent notre point de vue voient bien qu’il est solide et que
c’est le seul qui ressort de la doctrine de N.S. et de la pratique des prêtres des premiers
siècles de l’Église, comme nous allons le voir dans le point suivant. Douleur intérieure souveraine . Elle existe quand on déteste le péché mortel
plus que tous les maux de la terre, ce qui veut dire dans le concret qu’on
préfère Dieu à l’objet de sa passion. En
d’autres termes il faut autant d’amour de Dieu pour recevoir l’absolution que
pour ne pas pécher quand on est tenté!
Cette doctrine empêche le pécheur de dire: je ne puis pas résister,
alors je vais pécher et ensuite je me confesserai! Ce qui veut dire: J’aime mieux cette créature
que Dieu pour le moment, mais quand je me serai satisfait, alors je préférerai
Dieu! Comme si un péché mortel
conduisait à l’amour de Dieu! Les
prêtres philosophes ont tellement prêché la facilité d’être pardonné que les
fidèles sont encouragés à pécher. Ils se
contentent pour calmer leurs passions, puis se confessent pour calmer leur
conscience: en quelques heures tout est fini et ils sont bons pour recommencer
à la prochaine occasion! C’est de
l’ivraie toute pure du diable! Quelle
différence avec la façon d’agir des Apôtres et des premiers prêtres! C’est curieux que le St Esprit ne leur ait
pas découvert cette façon facile de se repentir prônée par les philosophes
modernes. Comme ils éprouvaient les
pénitents longtemps et sévèrement comme on le sait par les pénitences qu’ils
imposaient aux pécheurs avant de les absoudre!
Des années d’attente pour cette absolution!
Quel dommage que les
martyrs n’aient pas connu cette doctrine moderne des philosophes! Les pauvres ignorants auraient pu si
facilement éviter le martyre et se sauver quand même! Ils n’avaient qu’à apostasier puis courir
tout de suite chez un confesseur pour être absous; Tout se serait arrangé en le
disant et ils auraient continué de vivre!
Jamais les Apôtres n’ont agi de la sorte. On voit qu’ils différaient l’absolution des
années. Le pécheur devait montrer
clairement par ses bonnes dispositions qu’il ne pécherait plus jamais. Ils exigeaient des preuves de son changement
radical dans son amour et donc dans le coeur.
Les fidèles savaient alors qu’ils devaient aimer Dieu autant pour
recevoir l’absolution que pour résister au péché dans la tentation. Voilà pourquoi ils ne comptaient pas sur
l’absolution prochaine pour pécher tout de suite. Prenons l’exemple de St Laurent mis en
demeure de brûler ou d’apostasier.
Pourquoi n’a-t-il pas agi comme nos finauds: ça n’a pas de sens de
brûler à vingt ans: je n’ai pas la force; alors j’apostasie… et ce soir j’irai
me confesser! De fait, il va se
confesser ce soir-là. Il doit promettre
au prêtre qu’il n’apostasiera plus même s’il faut brûler. Il faut donc qu’il soit décidé à brûler tout
de suite exactement comme si les bourreaux l’attendaient au sortir du
confessionnal. Voilà les seules
dispositions qui vont rendre son absolution valide et fructueuse. La conséquence est que tant qu’un catholique
ne peut pas résister au péché, il n’est pas dans les conditions pour recevoir
avec fruit l’absolution. Il n’est plus
question ici des «strictement parlant» où ce serait possible. Nous parlons «moralement parlant», c’est-à-dire,
selon les dispositions ordinaires de nos catholiques à mentalité païenne, comme
il y en a tant de nos jours. Nous
parlons aussi toujours des pécheurs habituels comme ceux qui empêchent la
famille, qui vivent maritalement tout en étant célibataires, qui s’enivrent
régulièrement et qui pèchent contre le sixième souvent, etc. Pour ces sortes de pécheurs, les confesseurs
devraient leur refuser l’absolution au moins jusqu’à ce qu’ils puissent
résister à la tentation de fait. C’est
la seule façon pratique de leur montrer cette doctrine qu’il leur faut autant
d’amour de Dieu pour recevoir l’absolution que pour résister à la
tentation. Jamais ils n’auront le ciel
s’ils ne préfèrent pas Dieu à tous les plaisirs du monde et Dieu leur envoie
une grande passion précisément pour leur donner de montrer cet amour de
préférence de Dieu sur ses créatures.
Quand ils tombent dans le péché, ils manquent donc de donner ce
témoignage d’amour à Dieu qu’il exige pour leur donner le ciel. Les philosophes de plus en plus ne parlent
que de miséricorde, aussi ils ne refusent plus d’absolution. Ils disent que le fait de se présenter au
confessionnal est un indice suffisant de leurs bonnes dispositions et on doit
leur donner l’absolution. Il n’y a pas
de doute pour ces catholiques sincères et qui vivent suffisamment de foi pour
éviter en général les péchés mortels.
Ceux qui pèchent rarement doivent être pris au sérieux quand ils se
présentent au confessionnal. Très
bien. Mais que ce soit vrai pour ceux
qui pèchent habituellement comme ceux qu’on a signalés plus haut, nous le nions
carrément. À ceux-là on doit refuser
l’absolution, évidemment en les y préparant et en leur expliquant justement la
nécessité d’avoir la contrition souveraine et ce que cela veut dire dans le concret,
comme nous le faisons ici. Ces gens sont
contents que nous les sortions de leur aveuglement et même de leur hypocrisie
plus ou moins consciente. Pour juger le
cas de nos philosophes qui en appellent constamment à la miséricorde pour ne
jamais refuser l’absolution, voyons ce que cette tendance produit avec le
temps. Nous avons le cas de la
France. On ne peut pas pousser plus
loin, disons le mot, l’abus de la miséricorde.
Pour le clergé français, il n’y aura pas de Français à gauche de Jésus
au jugement général! La miséricorde
divine les aura tous mis à droite! Ainsi
un prêtre français donne pour pénitence à une adultère de 25 ou 30 ans, un
Pater et un Ave… pour ne pas l’éloigner des sacrements!!! Les prédicateurs ne parlent plus de
l’enfer. Nous avons même missionné avec
un Père qui n’y croyait pas, comme il nous l’a avoué lui-même. On ne prêche plus sur l’enfer…
Eh bien! Quel est le résultat de cette mollesse du
clergé français? Plus de 30 millions ne
pratiquent plus! et la faute est aux
prêtres! Jamais les Français n’ont
entendu parler de la justice de Dieu depuis des années! Le clergé américain en est un autre qui ne
parle que de miséricorde. Encore une
nation qui ne sera pas représentée à gauche de J-C. au jugement général! Les prêtres ne parlent plus de l’enfer et ne
refusent plus l’absolution en général.
Alors les catholiques deviennent comme ceux de France: de nom
seulement. Nous parlons de 30 millions
qui se disent catholiques et qui ne font rien.
Au Canada, jusqu’à ces dernières années, les prêtres ont parlé de la
justice de Dieu, ont prêché sur l’enfer et refusaient souvent l’absolution avec
le résultat que nos Canadiens ont été les meilleurs catholiques du monde
pendant longtemps. Mais nos prêtres se
sont laissés tellement former et influencer par les prêtres français qu’ils
sont en train de les imiter dans leur ministère de la confession. Dans la même proportion nos gens perdent la
foi et vivent de plus en plus dans le péché.
Voici la meilleure
solution au sujet de cette question.
Elle nous est donnée par St François-Xavier qui écrit à un Père aux
Indes: «Prêchez la justice de Dieu à ceux qui pèchent encore et la miséricorde
à ceux qui ont fini de pécher!» Voilà une parole d’or que tous les prêtres du
monde devraient suivre fidèlement. Qu’on
la passe aux confrères, qu’on la répande dans les revues religieuses et qu’on
s’en serve soi-même. voilà la solution
dans l’usage de la justice et de la miséricorde. Eh bien!
à ceux qui continuent de pécher, à quoi bon parler de miséricorde? Il faut leur parler de justice et s’en
servir, donc refuser l’absolution avec tact et charité… et les fidèles seront
reconnaissants à ces prêtres qui leur ouvrent les yeux sur leurs tristes
dispositions d’âme en face de Dieu.
Exemple terrible de Judas. Que
les philosophes nous suivent ici. Voici
un pécheur qui se présente aux prêtres dans le temple, qui confesse son crime,
qui en a une peine épouvantable, qui est aussi sincère qu’on peut l’être, qui
défait son contrat en jetant son argent dans le temple. Est-ce que tous les philosophes du monde en
demandent autant des chrétiens? Comme
ils sont satisfaits pour beaucoup moins chez nos catholiques au confessionnal…
Judas n’avait qu’à faire un acte de volonté et il avait la contrition
suffisante, il était pardonné! Dieu
pouvait lui pardonner; sa miséricorde est infinie, elle l’était ce jour-là
comme toujours! Dieu ne voulait pas la
condamnation de Judas! Y a-t-il un
philosophe au monde qui n’aurait pas pardonné à Judas? Pourtant Dieu si miséricordieux ne lui a pas
pardonné!… Qu’est-ce donc qui a manqué à la contrition de Judas? Ce qui manquait avant son péché: l’amour surnaturel
de Dieu acquis aux dépens des sacrifices faits pour l’amour de lui. Or Judas avait fait sa théologie avec des
philosophes de son temps; il était attaché à l’argent, il est vrai mais ce
n’était pas mortel! Il volait tous les
jours quelques sous dans la bourse bien mince des Apôtres. «Strictement parlant» les péchés véniels ne
s’ajoutent pas! Judas pouvait se sauver
quand même! Mais cette attache
l’empêchait de recevoir l’amour de Dieu qui débordait de J-C. Il est resté dans cet amour. Eh bien!
quand il a commis son péché mortel il n’avait rien pour se cramponner,
pour ainsi dire, au divin. Son péché
mortel n’était pas de nature à lui donner cet amour divin! et c’est l’amour de Dieu qui sauve!… La
sincérité ne suffit pas! Comparons le
repentir de St Pierre avec celui de Judas.
Lui avait de l’amour de Jésus dans le coeur; il n’avait pas d’attache
aux choses créées. Après son péché
mortel, cet amour qu’il avait pour Jésus et qui était réel, lui a mérité le
pardon de son péché. Quand Jésus le
regarda le coeur de Pierre fut transpercé de douleur à cause de son amour et il
obtint la grâce d’un vrai repentir.
Tandis que lorsque Jésus essaya de toucher Judas en lui disant: Mon ami,
est-ce par un baiser que tu trahis le Fils de l’homme, il ne rencontra pas
d’amour dans le coeur de Judas… et il n’en rencontra pas plus après son
péché. Eh bien! les mondains sont exposés à avoir le même
sort que Judas, il leur arrivera de pécher mortellement. Comme ils n’ont pas d’amour de Dieu ou très
peu avant leur péché, sur quoi peut-on se baser pour espérer qu’ils auront cet
amour après leur péché? Ils auront beau
confesser leur péché, être sincère, vouloir être pardonnés: tout cela n’est pas
nécessairement de l’amour de Dieu qui sauve!
Il n’y a pas de doute qu’un grand nombre ne seront pas pardonnés à cause
de leur manque d’amour habituel. Tandis
que les bons catholiques qui ont vraiment l’amour de Dieu seront bien plus
facilement pardonnés justement à cause de cet amour de Dieu qu’ils ont
habituellement.
Un homme se fait voler sa
montre qui ne lui coûte rien, il ne s’en afflige pas. Mais en proportion qu’il l’a payée cher, il
va s’affliger de sa perte. Il en est de
même pour la perte de Dieu dans le péché; c’est bien difficile pour les
mondains qui n’ont jamais fait de sacrifice pour posséder Dieu, d’être assez
contrits pour être pardonnés. Nous ne
disons pas que c’est impossible, nous disons que c’est bien difficile à cause
de leur manque d’amour de Dieu habituel.
La preuve est dans ce fait que peu de ces «païens» de mentalité se
convertissent pour tout de bon et fuient les occasions de péché. détestation du péché
Le Conc. de Trente déclare que «cette contrition ne
comprend pas seulement la cessation du péché et la résolution du commencement
de vie nouvelle. (Sont-ils nombreux de
nos jours les fidèles qui remplissent même ces deux conditions?) mais aussi la
haine de la vie passée suivant cette parole de l’Écriture: «Rejetez loin de
vous toutes vos iniquités par lesquelles vous avez violé ma loi et faites-vous
un esprit nouveau et un coeur nouveau».
Ezéch. 18. Et certainement qui considérera ces
transports des saints: J’ai péché contre vous seul et j’ai fait le mal devant
vos yeux; je me suis épuisé à force de soupirer, toutes les nuits j’ai baigné
mon lit de larmes. Ps. 50. Je
repasserai devant vous toutes les années de ma vie dans l’amertume de mon
âme. Is.
38, et autres expressions semblables, comprendra aisément qu’elles
procédaient d’une violente haine de la vie passée et une forte détestation du
péché… On déteste tout ce qui gâte la vie: des mets qui rendent malade, des
événements qui contrarient nos projets, des voleurs qui dérobent nos biens, les
calomniateurs qui ruinent notre réputation, etc. Combien plus devrait-on haïr le péché qui
nous fait perdre tous nos biens éternels et nous mérite les supplices de l’enfer! Exemple: un homme vous demande de contribuer
pour une somme de $10,000.00 à une entreprise quelconque et il vous les vole
tout simplement. Plus tard, il revient
pour une autre contribution, qu’allez-vous faire? Vous le mettrez dehors avec colère… Eh bien! c’est une personne qui vous a fait perdre la
grâce sanctifiante et qui revient la semaine suivante dans le même but. Si vous avez vraiment regretté votre péché
mortel, vous la jetez dehors comme votre pire ennemie en lui disant de ne plus
revenir. Voilà ce que tout pécheur doit
faire avec l’objet de sa passion! Cette
haine de la vie de péché correspond à notre amour pour Dieu. Pour en acquérir l’une il faut croître dans
l’autre. Or nous savons que l’amour
surnaturel de Dieu s’achète par le sacrifice des plaisirs. C’est au pécheur donc de s’abstenir le plus
possible des plaisirs de toutes sortes en autant que sa santé peut le
permettre. Plus il aura payé cher pour
Dieu et plus il l’estimera quand il le perdra et comme conséquence plus il
haïra le péché qui lui vole son Dieu et son amour. Celui qui ne se mortifie pas montre bien
qu’il aime encore les plaisirs et même ceux qui ont fait ses péchés
passés. le ferme propos
C’est une conséquence du
point précédent. Quand on haît quelqu’un
on ne veut jamais le recevoir: c’est du ferme propos. Or il est assez difficile pour les pécheurs
mondains de l’avoir, car ils gardent habituellement l’amour des plaisirs
terrestres. Cet amour naturel est le
même pratiquement pour tous les plaisirs: quand même ils diraient qu’ils ne
prendront plus jamais telle satisfaction, s’ils prennent les autres, ils
prendront encore celle-là. Quelles
illusions chez nos chrétiens mondains quand ils disent qu’ils ne commettront
plus tel péché! surtout quand ils se
confessent à certaines occasions, comme pour faire les Pâques, les 40-Heures,
la Mission. Ils cessent de pécher juste
quelques jours d’avance pour satisfaire le confesseur quand il leur demandera
s’ils ont cessé de pécher de la sorte.
Ces gens jouent au plus fin avec Dieu, mais ils ne sont pas pardonnés
dans ces dispositions.
Voici un point où le
démon en joue plusieurs. La morale dit
qu’il suffit d’être bien disposé dans le présent. Combien concluent que du moment qu’ils ne
pécheraient pas à cette heure-ci ou ce jour-là ils sont bien disposés. N’oublions pas que pour être bien disposés
dans le présent, il faut mettre l’éternité dans ce présent! Actuellement ils doivent être déterminés à ne
plus jamais pécher de la vie! Il est bon
aussi d’expliquer aux pécheurs la différence entre l’ordre de l’intention et
l’ordre de l’exécution. Ce que nous
venons de dire s’applique à l’ordre de l’intention: ils doivent vouloir tout
cela, quand même qu’ensuite dans la pratique, ils pécheraient encore, leur
ferme propos actuel serait bon devant Dieu.
Certains pénitents refusent de promettre qu’ils ne commettront plus tel
péché précisément parce qu’ils prévoient qu’ils vont tomber encore de
fait. Quand on leur explique que cette
promesse regarde la volonté de ne plus jamais pécher, ils consentent facilement
à faire cette promesse. Les prêtres
devraient se rappeler que le sacrement de pénitence ne suffit pas à transformer
les pécheurs. Il faut absolument la
pratique de l’ascèse, l’effort personnel pour mortifier ses mauvaises tendances
et acheter l’amour de Dieu, comme on l’a souvent dit, par toutes sortes de
sacrifices, même dans les plaisirs permis.
Ce sacrement ne peut pas dispenser un chrétien de se renoncer et de
porter sa croix tous les jours de sa vie.
Trop de prêtres semblent ignorer l’absolue nécessité de la pratique de
l’ascèse ou de la mortification des appétits de toutes sortes et la pratique
des vertus solides et parfaites. L’
absolution efface les péchés, mais ne détruit pas les défauts ni la sensualité,
ni les occasions de péché. Avis aux
prêtres et à tant de prédicateurs qui poussent à la confession sans exiger le
sacrifice des plaisirs même permis. Ils
ne feront aucun bien solide. «C’est une
erreur commune à beaucoup de chrétiens que de vouloir pécher et se sauver en
même temps. Sans doute il n’est point de
pécheurs assez insensés pour dire: Je veux me damner. Mais il s’en trouve un grand nombre qui
disent: la miséricorde de Dieu est grande, ce que je fais est mal, mais j’en
ferai plus tard pénitence. Ils ne
sentent pas que c’est un piège tendu par le démon, piège où déjà tant d’âmes
sont tombées… La miséricorde de Dieu diffère de sa compassion. La miséricorde est infinie, mais les actes de
miséricorde, qui sont les actes de compassion, sont finis. Dieu est miséricordieux mais il est
juste. Les pécheurs, dit St Basile, ne
veulent considérer en Dieu que la moitié de ses attributs. Il est miséricordieux et il pardonne,
disent-ils; ils n’ajoutent pas: il est juste et il punit.» S. Alphonse.
Oeuv. asc. Vol.
XIV, p. 390. Edition Mallier.
Il faut combattre contre
les conclusions des philosophes dans le sacrement de pénitence comme partout
ailleurs dans la théologie. Ils prennent
l’homme dans l’abstrait et comme s’il était un pur esprit et tout se règle
uniquement dans l’esprit. Qu’on cesse de
donner au peuple comme une vérité ordinaire ce qui n’est que «strictement
parlant» vrai. «Ce peuple m’honore des
lèvres, mais son coeur est loin de moi» s’applique aux philosophes et à ceux
qui les suivent… Dieu ne donnera pas son ciel à des «essentiellement parlant»,
mais aux pécheurs qui sont foncièrement changés dans leur coeur, qui ont
arraché leur amour des choses du monde pour le donner entièrement à Dieu. C’est un changement de vie que Dieu veut en
eux; pas simplement des formules savantes ou des distinctions philosophiques.
Les philosophes disent
que «strictement parlant» la petite pénitence que les confesseurs ont coutume
de donner suffit pour que les péchés soient pardonnés. Bien fou celui qui se fierait à ce
«strictement parlant»! Dieu a toujours
beaucoup exigé de pénitence pour pardonner et même après le pardon il en a
imposé encore beaucoup. On le sait par
la pratique des Apôtres et des premiers prêtres. La coutume était de jeûner au pain et à l’eau
plusieurs jours et de faire des aumônes abondantes et d’autres oeuvres de
miséricorde. Or il est certain que la
justice de Dieu ne change pas parce que les philosophes ergotent sur des
distinctions savantes. Tous les saints
ont compris qu’il fallait se faire souffrir pour ses péchés. Mieux vaut les suivre que nos pharisiens
modernes et philosophes. Ce n’est pas
vrai que la petite pénitence suffit pour effacer des péchés mortels ou la peine
qui reste après en avoir obtenu de
fait le pardon. Quel terrible purgatoire se réservent ces
pauvres pécheurs qui ne font pas pénitence comme les premiers chrétiens! même s’ils ont une chance d’être sauvés! Gardonsnous bien de ne faire de la confession
qu’une énumération de nos péchés. Même
si le confesseur n’exige pas d’autre chose, c’est à nous à nous imposer de la
vraie pénitence, des souffrances quelconques pour satisfaire à la justice
divine. C’est absolument nécessaire pour
montrer à Dieu notre sincère repentir et pour obtenir la grâce de n’y plus
retomber. Nous ne gagnons rien à nous
épargner en ce monde; tout nous reste pour l’autre où il n’y aura plus de
miséricorde mais de la justice seule.
Suffit-il de cesser de faire des dettes pour être quitte avec un
débiteur? Il reste de même à payer ses
dettes envers Dieu, même quand on cesse de pécher, et même quand on est déjà
pardonné. Il peut rester de grandes
peines temporelles à payer. Alors ne
manquons pas cette autre partie du sacrement: la satisfaction. «Faites pénitence et convertissez-vous afin
que vos péchés soient effacés.» Act.
2-38. C’est faux qu’on éloigne
les fidèles du confessionnal en exigeant des sacrifices. Les mondains peut-être; ils iront aux
philosophes. Mais les vrais pénitents
continueront de venir. Exemple du Curé
d’Ars.
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