dimanche 4 janvier 2015

Père Onésime Lacouture - 1-21 - La contrition

 
DIX-NEUVIÈME INSTRUCTION LA CONTRITION.
«Revenez à moi de tout votre cœur, avec des jeûnes, des larmes et des lamentations.  Déchirez vos cœurs et non vos vêtements et revenez à Yahvé, votre Dieu.» Joël, 2-12.
Plan Remarque: ses conditions.  (Les larmes Douleur intérieure : (Changement de fin dernière souveraine Détestation du péché Ferme propos.  
REMARQUE: ses conditions Pour illustrer le rôle de la confession, les Pères de l’Église comparent le péché à un abcès que le médecin ouvre pour en faire sortir le pus.  Les trois éléments essentiels du sacrement de pénitence sont là: la contrition est le glaive de douleur qui crève le coeur, la confession en fait sortir le pus, qui est le péché, et la satisfaction applique les remèdes convenables pour guérir la plaie faite à l’âme par le péché.
Commençons par la contrition qui est l’élément le plus important du sacrement de pénitence.  Le Concile de Trente, ses. 14-4, indique les éléments essentiels de la contrition: la douleur intérieure, la détestation du péché et le ferme propos.  Nous allons examiner ces trois éléments, non pas dans tous leurs détails théologiques, mais dans ceux dont on abuse ordinairement à cause de l’ivraie du philosophisme que les démons n’ont pas manqué de semer dans l’usage d’un sacrement si essentiel à la vie des chrétiens naturellement portés au péché.  Ce que nous exposons ici regarde les chrétiens en proportion qu’ils sont tout aux choses de ce monde et donc qui pèchent souvent.  Ce nombre augmente toujours de plus en plus avec la religion des philosophes qui se répand de plus en plus parmi les catholiques.  Les fidèles s’appuient de plus en plus sur les «strictement parlant» des prêtres pour offenser le bon Dieu à l’année et cependant recevoir les sacrements assez souvent sans changer de vie.  Combien vont être surpris en arrivant dans l’éternité de trouver leur âme encore chargée de tant de ses péchés!  Il vaut mieux dans cette affaire du salut prendre le côté le plus sûr; il n’y a pas de probabilisme là!  Examinons donc quelques aspects de la contrition bien rarement expliqués et peu pratiqués et pourtant d’une importance capitale.  la douleur intérieure La contrition n’est pas dans les paroles ni dans la pensée; elle doit être dans la volonté surtout, ou comme on dit, dans le coeur.  Comme l’homme a mis tout son coeur dans l’amour des choses créées qui a fait son péché, il doit maintenant aussi mettre tout son coeur pour regretter son offense envers Dieu.  Or c’est ordinairement le coeur qui met en branle toute l’activité de l’homme: comme il s’est tout donné pour commettre le péché, il doit maintenant tout se donner pour réparer le mal par sa contrition du coeur, appelée alors «intérieure».  Pour mieux comprendre cette contrition intérieure, examinons les trois questions suivantes: celle des larmes, du changement de vie et enfin le degré d’amour de Dieu nécessaire pour être pardonné.  Les larmes.
Les prophètes exhortent souvent les fidèles à pleurer leurs péchés et l’on sait que le peuple le faisait quand il voulait apaiser la colère de Dieu qui les fustigeait.  David a pleuré longtemps son crime, et pourtant même après son regret si sincère Dieu le punit encore bien sévèrement!  Jésus a pleuré pour nos péchés nous donnant l’exemple de la nécessité de pleurer nos propres péchés.  C’est ce qu’il recommande aux filles de Jérusalem qui le suivaient sur le chemin du Calvaire.  Une de ses premières béatitudes est: Bienheureux ceux qui pleurent!  St Paul dit de Jésus: «C’est lui qui dans les jours de sa chair, ayant avec de grands cris et avec larmes offert des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé pour sa piété, a appris tout fils qu’il était, par ses propres souffrances, ce que c’est qu’obéir.» Tous les saints ont souvent pleuré d’avoir offensé Dieu, même ceux qui n’avaient commis que des péchés véniels.  Que de larmes a versées St Pierre pour son triple reniement!  Et M.  Madeleine?  Plusieurs Pères de l’Église disent que les péchés qui ne sont pas lavés dans les larmes demeurent.  C’est que dans ces premiers siècles de l’Église, le philosophisme n’avait pas encore commencé ses ravages en théologie.  Depuis des siècles les démons n’ont pas manqué de semer leur ivraie dans le sacrement de pénitence, ce moyen par excellence de sauver son âme après être tombé dans le péché mortel.  En parlant de la contrition tous nos moralistes philosophes ne manquent pas d’avertir que la contrition «essentiellement parlant» ne consiste pas dans les larmes.  Soyons certains que cette distinction quoique bien vraie, couvre l’ivraie du démon comme toutes ces distinctions «strictement parlant».  Pas un prêtre, en expliquant le catéchisme aux enfants, n’oublie de mentionner qu’on peut regretter ses péchés sans les pleurer.  Tous les fidèles du monde savent que, «essentiellement parlant», la contrition est dans un acte de volonté.  Naturellement ils comprennent qu’il suffit de faire un acte de volonté, comme par exemple: je veux regretter mes péchés!… et tout est fini pour eux du moment qu’ils se confessent.  Il y a du vrai: autrement ce ne serait pas de l’ivraie du démon.  Il faut bien avouer qu’on peut poser un acte qui serait une vraie contrition parfaite.  Le tort des philosophes est de laisser croire que tous ces actes de volonté renferment une véritable contrition, ce qui est absolument faux dans un très grand nombre de cas et les prêtres n’ont pas le droit d’enseigner cela en général.  Que d’illusions dans cette contrition toute de tête ou dans un acte de volonté impéré par une morale purement spéculative, comme il arrive si souvent de nos jours.  N’oublions pas que tous les «in se» ne sont que dans la raison humaine, pas du tout dans le coeur.  Par conséquent un chrétien peut bien dire: puisque la contrition «in se» est dans un acte de volonté, voici que je pose un acte: je veux regretter mes péchés.  Je ne voudrais pas être à la place de celui qui se fierait à ce seul acte de volonté pour compter arriver au ciel après un péché mortel!  Que ce soit possible, c’est sûr!  Que ce soit ordinaire et normal et qu’on puisse se fier à cet acte de volonté c’est faux pour un si grand nombre de cas que ce serait téméraire de l’enseigner.  Malheureusement une foule de prêtres le font sans être blâmés parce que «strictement parlant» il y a du vrai, mais moralement c’est faux bien souvent.  En tout cas les fidèles s’appuient sur ces idées pour ne jamais pleurer leurs péchés; tous se disent qu’ils doivent avoir une contrition de volonté puisqu’ils ne pleurent jamais leurs péchés!  Mais on peut leur trouver bien des causes de cette absence de larmes au sujet de leurs péchés.
D’abord il faut dire que les larmes sont le résultat de deux choses dans l’homme: l’amour et la réflexion.  Quand une mère de famille meurt, les enfants qui l’aiment et qui réfléchissent sur la perte qu’ils font, pleurent.  Les autres ne pleurent pas.  Eh bien!  ces catholiques qui sont tout aux choses du monde et par conséquent qui n’ont pas cet amour surnaturel de Dieu qui s’achète aux dépens des plaisirs terrestres, ne sont pas touchés dans le coeur par la perte de Dieu qu’ils n’ont pas dans le coeur.  Comme ils ont l’esprit rempli des choses du monde, ils ne sont pas capables de réfléchir assez sur la perte qu’ils font quand ils perdent Dieu par un péché mortel.  Voilà pourquoi le grand nombre de fidèles ne pleurent pas leurs péchés.  Songentils sérieusement à l’énorme changement opéré dans leur âme, à savoir que le démon remplace Dieu dans leur coeur?  Évidemment non, puisqu’ils ne changent pas de vie et qu’ils s’exposent comme avant à toutes les tentations.  Une bonne preuve de leur peu d’amour de Dieu est dans ce fait qu’ils restent en état de péché mortel des jours, des semaines et des mois parfaitement à l’aise et dorment bien sur leurs deux oreilles!  S’ils mouraient dans cet état ils savent qu’ils iraient brûler éternellement en enfer et cela ne les inquiète pas ou très peu.  las auraient perdu leur chien qu’ils le rechercheraient; ils ont perdu leur Dieu… et ils ne le cherchent pas!  C’est que la plupart de nos catholiques ont fait très peu de sacrifices pour acheter Dieu, comme la doctrine de Jésus l’exige.  On estime un objet en proportion du prix qu’on le paie.  Or que de chrétiens jouissent de tous les plaisirs qu’ils peuvent prendre et il ne leur vient pas à l’esprit d’en sacrifier le plus possible pour acheter Dieu et le ciel.  Est-ce surprenant qu’ils ne l’estiment pas ou très peu?  et que par conséquent ils soient si peu affectés par sa perte?  Voilà des raisons pour le peu de larmes de nos catholiques.  La distinction de nos moralistes philosophes leur sert bien pour cacher leur manque d’amour de Dieu; ils aiment à croire que leur contrition est dans la volonté essentiellement et qu’elle leur suffit quand dans une foule de cas elle ne suffit pas du tout, comme nous allons le voir.  On peut avoir une idée essentielle de la contrition sans aucun amour de Dieu et alors elle ne vaut absolument rien devant Dieu.  Que tous nos bons catholiques s’efforcent d’exciter en eux une contrition assez grande et assez profonde pour verser des larmes.  Il faut les demander à Dieu à deux genoux!  Il vaut mieux pleurer ses péchés en ce monde que dans l’autre en enfer ou même dans le purgatoire.  Il vaut mieux être avec tous les saints qui ont tous abondamment pleuré leurs péchés, même les moindres fautes, que d’être avec les philosophes aux distinctions arides et abstractions sèches de leur «strictement parlant» où les démons opèrent habituellement.  Ceux qui disent qu’ils n’ont pas de larmes, qu’ils sont trop virils pour cette faiblesse, qu’ils examinent bien s’ils ont jamais fait de réels sacrifices pour l’amour de Dieu et qu’ils méditent au fond de leur coeur sur les vérités de la foi.  Souvent ce sont des gens égoïstes pleins de leurs seuls intérêts propres et qui n’ont aucun amour ni pour le prochain, ni pour Dieu.  Rien ne les touche en dehors de leur propre personne et leur propre intérêt personnel.  Que chacun de ces coeurs de pierre demande à Dieu un coeur de chair pour le prochain et pour Dieu.  Changement de fin dernière.
D’après les philosophes rien de plus facile que la contrition.  On vient de commettre un péché mortel, on n’a qu’à vouloir regretter son péché et c’est fini tout de suite!  On est pardonné en un clin d’oeil!  Ainsi on n’a qu’à faire un acte de volonté après chaque péché mortel et l’on peut ainsi rester en état de grâce tout en péchant aussi souvent qu’on veut!!!  las sortent des tracts pour montrer la facilité de se repentir.  «Strictement parlant» tout cela est vrai!  Ils insistent sur le côté divin et sur la miséricorde divine, qui peut évidemment faire tout ce qu’ils disent là.  C’est donc vrai essentiellement parlant.  Et comme les fidèles sont habitués à une religion toute de tête, enseignée par nos prêtres philosophes, ils n’ont aucune difficulté à croire à l’efficacité de cette contrition magique et instantanée… et ils comptent sur elle pour mieux offenser Dieu!  Que de prêtres disent aux fidèles qu’il suffit de réciter un acte de contrition et tout de suite ils sont pardonnés!  C’est possible si en le récitant on a une vraie contrition du coeur.  Or pour tous ces païens de mentalité qui sont tout aux choses du monde, comme la très grande majorité de nos fidèles le sont, nous allons montrer que tout ne marche pas si rondement avec Dieu à cause de nous, pas à cause de Lui!  On définit le péché mortel une conversion de l’âme avec les créatures: la contrition exige donc un changement radical: une conversion de toute l’âme vers Dieu.  C’est donc un revirement complet de l’âme dans sa fin dernière.  Celui qui la met dans une créature pèche mortellement; pour être sauvé, il faut qu’il mette sa fin dernière uniquement en Dieu.  La contrition exige donc un changement total et radical de fin dernière qui par sa nature entraîne tout l’homme, tout son amour.  Voilà le côté difficile de la contrition!  Ce n’est pas vrai que l’homme peut changer facilement son amour ou sa fin dernière.  Même quand Dieu le veut, que de fois l’homme ne veut pas de fait dans son coeur.  Nous n’avons qu’un coeur pour aimer Dieu et les créatures; nous pouvons donc prendre des exemples de notre amour humain pour l’appliquer à notre manière d’aimer Dieu.  Ainsi pas un homme n’est capable de changer son amour souvent et comme à volonté.  Peut-on trouver un politicien qui change de parti tous les jours, toutes les semaines?  tous les mois?  Non.  Voit-on un homme passionné pour les sports une semaine, puis les détester l’autre semaine, et ainsi de suite?  Jamais.  Voit-on un homme amouraché d’une femme cette semaine, la détester l’autre et ainsi de suite?  Jamais.  Pourtant Dieu pourrait changer le coeur de cet homme aussi souvent que cela; le ferat-il?  Non!… Que les prédicateurs de la contrition facile essaient donc de convertir un adultère qui n’aime plus sa femme et qui vit avec une autre qu’il adore!  Qu’ils disent à cet homme qu’il n’a qu’à faire un acte de volonté pour aimer sa femme et détester son idole!  Que Dieu est capable de lui faire faire cet acte!  Combien de ces prêtres ont-ils même essayé de ramener ces hommes à leur femme qu’ils n’aiment plus?  Si c’est si facile, qu’ils fassent donc le tour des paroisses pour les convertir!  Une autre preuve que la façon humaine d’agir du coeur est prise en sérieuse considération en pratique, se montre par ce fait que les Communautés refusent de reprendre deux fois ou trois fois un sujet qui les a quittées.  L’expérience montre que s’il n’aimait pas cette communauté quand il était là, il ne l’aimera pas plus s’il y revient.  Pourtant la toutepuissance de Dieu est capable de changer le coeur de ce religieux défroqué et de lui faire aimer sa communauté qu’il n’aime pas.  Le fera-t-il?  C’est possible, mais pas ordinairement… et toutes les communautés agissent d’après cette constatation de l’expérience humaine.
Qu’on cesse donc de parler seulement de ce que Dieu peut faire dans notre contrition ou de tout ce qui est possible et facile en théologie et dans l’abstrait.  C’est parfaitement vrai qu’un homme peut obtenir le pardon de son péché mortel dans une minute.  Ce n’est pas vrai que ce soit facile et ordinaire.  Ce n’est pas vrai qu’on puisse se fier à cette contrition magique!  Que gagne-t-on à donner ces idées au monde?  Estce qu’ils vont arriver au ciel avec cette contrition toute de tête, s’ils ne l’ont pas dans le coeur?  Même s’ils ont été trompés par les prêtres philosophes?  Non.  L’Église ne supplée pas au manque de contrition ou d’amour de Dieu dans ceux qui ne l’ont pas.  Alors, pourquoi tant vanter cette contrition facile et du bout des lèvres?  On peut paraître populaire parmi les mondains qui aiment cette prédication à l’eau de rose, on passe pour large d’esprit, pour aimer les âmes en voulant leur rendre le salut facile.  J’aime mieux passer pour janséniste et donner une doctrine sûre et efficace pour sortir les hommes de leurs péchés, pour leur faire pleurer leurs péchés ici-bas et les expier par une solide pénitence.  D’ailleurs, les fidèles qui entendent notre point de vue voient bien qu’il est solide et que c’est le seul qui ressort de la doctrine de N.S.  et de la pratique des prêtres des premiers siècles de l’Église, comme nous allons le voir dans le point suivant.  Douleur intérieure souveraine .  Elle existe quand on déteste le péché mortel plus que tous les maux de la terre, ce qui veut dire dans le concret qu’on préfère Dieu à l’objet de sa passion.  En d’autres termes il faut autant d’amour de Dieu pour recevoir l’absolution que pour ne pas pécher quand on est tenté!  Cette doctrine empêche le pécheur de dire: je ne puis pas résister, alors je vais pécher et ensuite je me confesserai!  Ce qui veut dire: J’aime mieux cette créature que Dieu pour le moment, mais quand je me serai satisfait, alors je préférerai Dieu!  Comme si un péché mortel conduisait à l’amour de Dieu!  Les prêtres philosophes ont tellement prêché la facilité d’être pardonné que les fidèles sont encouragés à pécher.  Ils se contentent pour calmer leurs passions, puis se confessent pour calmer leur conscience: en quelques heures tout est fini et ils sont bons pour recommencer à la prochaine occasion!  C’est de l’ivraie toute pure du diable!  Quelle différence avec la façon d’agir des Apôtres et des premiers prêtres!  C’est curieux que le St Esprit ne leur ait pas découvert cette façon facile de se repentir prônée par les philosophes modernes.  Comme ils éprouvaient les pénitents longtemps et sévèrement comme on le sait par les pénitences qu’ils imposaient aux pécheurs avant de les absoudre!  Des années d’attente pour cette absolution!
Quel dommage que les martyrs n’aient pas connu cette doctrine moderne des philosophes!  Les pauvres ignorants auraient pu si facilement éviter le martyre et se sauver quand même!  Ils n’avaient qu’à apostasier puis courir tout de suite chez un confesseur pour être absous; Tout se serait arrangé en le disant et ils auraient continué de vivre!  Jamais les Apôtres n’ont agi de la sorte.  On voit qu’ils différaient l’absolution des années.  Le pécheur devait montrer clairement par ses bonnes dispositions qu’il ne pécherait plus jamais.  Ils exigeaient des preuves de son changement radical dans son amour et donc dans le coeur.  Les fidèles savaient alors qu’ils devaient aimer Dieu autant pour recevoir l’absolution que pour résister au péché dans la tentation.  Voilà pourquoi ils ne comptaient pas sur l’absolution prochaine pour pécher tout de suite.  Prenons l’exemple de St Laurent mis en demeure de brûler ou d’apostasier.  Pourquoi n’a-t-il pas agi comme nos finauds: ça n’a pas de sens de brûler à vingt ans: je n’ai pas la force; alors j’apostasie… et ce soir j’irai me confesser!  De fait, il va se confesser ce soir-là.  Il doit promettre au prêtre qu’il n’apostasiera plus même s’il faut brûler.  Il faut donc qu’il soit décidé à brûler tout de suite exactement comme si les bourreaux l’attendaient au sortir du confessionnal.  Voilà les seules dispositions qui vont rendre son absolution valide et fructueuse.  La conséquence est que tant qu’un catholique ne peut pas résister au péché, il n’est pas dans les conditions pour recevoir avec fruit l’absolution.  Il n’est plus question ici des «strictement parlant» où ce serait possible.  Nous parlons «moralement parlant», c’est-à-dire, selon les dispositions ordinaires de nos catholiques à mentalité païenne, comme il y en a tant de nos jours.  Nous parlons aussi toujours des pécheurs habituels comme ceux qui empêchent la famille, qui vivent maritalement tout en étant célibataires, qui s’enivrent régulièrement et qui pèchent contre le sixième souvent, etc.  Pour ces sortes de pécheurs, les confesseurs devraient leur refuser l’absolution au moins jusqu’à ce qu’ils puissent résister à la tentation de fait.  C’est la seule façon pratique de leur montrer cette doctrine qu’il leur faut autant d’amour de Dieu pour recevoir l’absolution que pour résister à la tentation.  Jamais ils n’auront le ciel s’ils ne préfèrent pas Dieu à tous les plaisirs du monde et Dieu leur envoie une grande passion précisément pour leur donner de montrer cet amour de préférence de Dieu sur ses créatures.  Quand ils tombent dans le péché, ils manquent donc de donner ce témoignage d’amour à Dieu qu’il exige pour leur donner le ciel.  Les philosophes de plus en plus ne parlent que de miséricorde, aussi ils ne refusent plus d’absolution.  Ils disent que le fait de se présenter au confessionnal est un indice suffisant de leurs bonnes dispositions et on doit leur donner l’absolution.  Il n’y a pas de doute pour ces catholiques sincères et qui vivent suffisamment de foi pour éviter en général les péchés mortels.  Ceux qui pèchent rarement doivent être pris au sérieux quand ils se présentent au confessionnal.  Très bien.  Mais que ce soit vrai pour ceux qui pèchent habituellement comme ceux qu’on a signalés plus haut, nous le nions carrément.  À ceux-là on doit refuser l’absolution, évidemment en les y préparant et en leur expliquant justement la nécessité d’avoir la contrition souveraine et ce que cela veut dire dans le concret, comme nous le faisons ici.  Ces gens sont contents que nous les sortions de leur aveuglement et même de leur hypocrisie plus ou moins consciente.  Pour juger le cas de nos philosophes qui en appellent constamment à la miséricorde pour ne jamais refuser l’absolution, voyons ce que cette tendance produit avec le temps.  Nous avons le cas de la France.  On ne peut pas pousser plus loin, disons le mot, l’abus de la miséricorde.  Pour le clergé français, il n’y aura pas de Français à gauche de Jésus au jugement général!  La miséricorde divine les aura tous mis à droite!  Ainsi un prêtre français donne pour pénitence à une adultère de 25 ou 30 ans, un Pater et un Ave… pour ne pas l’éloigner des sacrements!!!  Les prédicateurs ne parlent plus de l’enfer.  Nous avons même missionné avec un Père qui n’y croyait pas, comme il nous l’a avoué lui-même.  On ne prêche plus sur l’enfer…
Eh bien!  Quel est le résultat de cette mollesse du clergé français?  Plus de 30 millions ne pratiquent plus!  et la faute est aux prêtres!  Jamais les Français n’ont entendu parler de la justice de Dieu depuis des années!  Le clergé américain en est un autre qui ne parle que de miséricorde.  Encore une nation qui ne sera pas représentée à gauche de J-C.  au jugement général!  Les prêtres ne parlent plus de l’enfer et ne refusent plus l’absolution en général.  Alors les catholiques deviennent comme ceux de France: de nom seulement.  Nous parlons de 30 millions qui se disent catholiques et qui ne font rien.  Au Canada, jusqu’à ces dernières années, les prêtres ont parlé de la justice de Dieu, ont prêché sur l’enfer et refusaient souvent l’absolution avec le résultat que nos Canadiens ont été les meilleurs catholiques du monde pendant longtemps.  Mais nos prêtres se sont laissés tellement former et influencer par les prêtres français qu’ils sont en train de les imiter dans leur ministère de la confession.  Dans la même proportion nos gens perdent la foi et vivent de plus en plus dans le péché.
Voici la meilleure solution au sujet de cette question.  Elle nous est donnée par St François-Xavier qui écrit à un Père aux Indes: «Prêchez la justice de Dieu à ceux qui pèchent encore et la miséricorde à ceux qui ont fini de pécher!» Voilà une parole d’or que tous les prêtres du monde devraient suivre fidèlement.  Qu’on la passe aux confrères, qu’on la répande dans les revues religieuses et qu’on s’en serve soi-même.  voilà la solution dans l’usage de la justice et de la miséricorde.  Eh bien!  à ceux qui continuent de pécher, à quoi bon parler de miséricorde?  Il faut leur parler de justice et s’en servir, donc refuser l’absolution avec tact et charité… et les fidèles seront reconnaissants à ces prêtres qui leur ouvrent les yeux sur leurs tristes dispositions d’âme en face de Dieu.  Exemple terrible de Judas.  Que les philosophes nous suivent ici.  Voici un pécheur qui se présente aux prêtres dans le temple, qui confesse son crime, qui en a une peine épouvantable, qui est aussi sincère qu’on peut l’être, qui défait son contrat en jetant son argent dans le temple.  Est-ce que tous les philosophes du monde en demandent autant des chrétiens?  Comme ils sont satisfaits pour beaucoup moins chez nos catholiques au confessionnal… Judas n’avait qu’à faire un acte de volonté et il avait la contrition suffisante, il était pardonné!  Dieu pouvait lui pardonner; sa miséricorde est infinie, elle l’était ce jour-là comme toujours!  Dieu ne voulait pas la condamnation de Judas!  Y a-t-il un philosophe au monde qui n’aurait pas pardonné à Judas?  Pourtant Dieu si miséricordieux ne lui a pas pardonné!… Qu’est-ce donc qui a manqué à la contrition de Judas?  Ce qui manquait avant son péché: l’amour surnaturel de Dieu acquis aux dépens des sacrifices faits pour l’amour de lui.  Or Judas avait fait sa théologie avec des philosophes de son temps; il était attaché à l’argent, il est vrai mais ce n’était pas mortel!  Il volait tous les jours quelques sous dans la bourse bien mince des Apôtres.  «Strictement parlant» les péchés véniels ne s’ajoutent pas!  Judas pouvait se sauver quand même!  Mais cette attache l’empêchait de recevoir l’amour de Dieu qui débordait de J-C.  Il est resté dans cet amour.  Eh bien!  quand il a commis son péché mortel il n’avait rien pour se cramponner, pour ainsi dire, au divin.  Son péché mortel n’était pas de nature à lui donner cet amour divin!  et c’est l’amour de Dieu qui sauve!… La sincérité ne suffit pas!  Comparons le repentir de St Pierre avec celui de Judas.  Lui avait de l’amour de Jésus dans le coeur; il n’avait pas d’attache aux choses créées.  Après son péché mortel, cet amour qu’il avait pour Jésus et qui était réel, lui a mérité le pardon de son péché.  Quand Jésus le regarda le coeur de Pierre fut transpercé de douleur à cause de son amour et il obtint la grâce d’un vrai repentir.  Tandis que lorsque Jésus essaya de toucher Judas en lui disant: Mon ami, est-ce par un baiser que tu trahis le Fils de l’homme, il ne rencontra pas d’amour dans le coeur de Judas… et il n’en rencontra pas plus après son péché.  Eh bien!  les mondains sont exposés à avoir le même sort que Judas, il leur arrivera de pécher mortellement.  Comme ils n’ont pas d’amour de Dieu ou très peu avant leur péché, sur quoi peut-on se baser pour espérer qu’ils auront cet amour après leur péché?  Ils auront beau confesser leur péché, être sincère, vouloir être pardonnés: tout cela n’est pas nécessairement de l’amour de Dieu qui sauve!  Il n’y a pas de doute qu’un grand nombre ne seront pas pardonnés à cause de leur manque d’amour habituel.  Tandis que les bons catholiques qui ont vraiment l’amour de Dieu seront bien plus facilement pardonnés justement à cause de cet amour de Dieu qu’ils ont habituellement.
Un homme se fait voler sa montre qui ne lui coûte rien, il ne s’en afflige pas.  Mais en proportion qu’il l’a payée cher, il va s’affliger de sa perte.  Il en est de même pour la perte de Dieu dans le péché; c’est bien difficile pour les mondains qui n’ont jamais fait de sacrifice pour posséder Dieu, d’être assez contrits pour être pardonnés.  Nous ne disons pas que c’est impossible, nous disons que c’est bien difficile à cause de leur manque d’amour de Dieu habituel.  La preuve est dans ce fait que peu de ces «païens» de mentalité se convertissent pour tout de bon et fuient les occasions de péché.  détestation du péché
Le Conc.  de Trente déclare que «cette contrition ne comprend pas seulement la cessation du péché et la résolution du commencement de vie nouvelle.  (Sont-ils nombreux de nos jours les fidèles qui remplissent même ces deux conditions?) mais aussi la haine de la vie passée suivant cette parole de l’Écriture: «Rejetez loin de vous toutes vos iniquités par lesquelles vous avez violé ma loi et faites-vous un esprit nouveau et un coeur nouveau».  Ezéch.  18.  Et certainement qui considérera ces transports des saints: J’ai péché contre vous seul et j’ai fait le mal devant vos yeux; je me suis épuisé à force de soupirer, toutes les nuits j’ai baigné mon lit de larmes.  Ps.  50.  Je repasserai devant vous toutes les années de ma vie dans l’amertume de mon âme.  Is.  38, et autres expressions semblables, comprendra aisément qu’elles procédaient d’une violente haine de la vie passée et une forte détestation du péché… On déteste tout ce qui gâte la vie: des mets qui rendent malade, des événements qui contrarient nos projets, des voleurs qui dérobent nos biens, les calomniateurs qui ruinent notre réputation, etc.  Combien plus devrait-on haïr le péché qui nous fait perdre tous nos biens éternels et nous mérite les supplices de l’enfer!  Exemple: un homme vous demande de contribuer pour une somme de $10,000.00 à une entreprise quelconque et il vous les vole tout simplement.  Plus tard, il revient pour une autre contribution, qu’allez-vous faire?  Vous le mettrez dehors avec colère… Eh bien!  c’est une personne qui vous a fait perdre la grâce sanctifiante et qui revient la semaine suivante dans le même but.  Si vous avez vraiment regretté votre péché mortel, vous la jetez dehors comme votre pire ennemie en lui disant de ne plus revenir.  Voilà ce que tout pécheur doit faire avec l’objet de sa passion!  Cette haine de la vie de péché correspond à notre amour pour Dieu.  Pour en acquérir l’une il faut croître dans l’autre.  Or nous savons que l’amour surnaturel de Dieu s’achète par le sacrifice des plaisirs.  C’est au pécheur donc de s’abstenir le plus possible des plaisirs de toutes sortes en autant que sa santé peut le permettre.  Plus il aura payé cher pour Dieu et plus il l’estimera quand il le perdra et comme conséquence plus il haïra le péché qui lui vole son Dieu et son amour.  Celui qui ne se mortifie pas montre bien qu’il aime encore les plaisirs et même ceux qui ont fait ses péchés passés.  le ferme propos
C’est une conséquence du point précédent.  Quand on haît quelqu’un on ne veut jamais le recevoir: c’est du ferme propos.  Or il est assez difficile pour les pécheurs mondains de l’avoir, car ils gardent habituellement l’amour des plaisirs terrestres.  Cet amour naturel est le même pratiquement pour tous les plaisirs: quand même ils diraient qu’ils ne prendront plus jamais telle satisfaction, s’ils prennent les autres, ils prendront encore celle-là.  Quelles illusions chez nos chrétiens mondains quand ils disent qu’ils ne commettront plus tel péché!  surtout quand ils se confessent à certaines occasions, comme pour faire les Pâques, les 40-Heures, la Mission.  Ils cessent de pécher juste quelques jours d’avance pour satisfaire le confesseur quand il leur demandera s’ils ont cessé de pécher de la sorte.  Ces gens jouent au plus fin avec Dieu, mais ils ne sont pas pardonnés dans ces dispositions.
Voici un point où le démon en joue plusieurs.  La morale dit qu’il suffit d’être bien disposé dans le présent.  Combien concluent que du moment qu’ils ne pécheraient pas à cette heure-ci ou ce jour-là ils sont bien disposés.  N’oublions pas que pour être bien disposés dans le présent, il faut mettre l’éternité dans ce présent!  Actuellement ils doivent être déterminés à ne plus jamais pécher de la vie!  Il est bon aussi d’expliquer aux pécheurs la différence entre l’ordre de l’intention et l’ordre de l’exécution.  Ce que nous venons de dire s’applique à l’ordre de l’intention: ils doivent vouloir tout cela, quand même qu’ensuite dans la pratique, ils pécheraient encore, leur ferme propos actuel serait bon devant Dieu.  Certains pénitents refusent de promettre qu’ils ne commettront plus tel péché précisément parce qu’ils prévoient qu’ils vont tomber encore de fait.  Quand on leur explique que cette promesse regarde la volonté de ne plus jamais pécher, ils consentent facilement à faire cette promesse.  Les prêtres devraient se rappeler que le sacrement de pénitence ne suffit pas à transformer les pécheurs.  Il faut absolument la pratique de l’ascèse, l’effort personnel pour mortifier ses mauvaises tendances et acheter l’amour de Dieu, comme on l’a souvent dit, par toutes sortes de sacrifices, même dans les plaisirs permis.  Ce sacrement ne peut pas dispenser un chrétien de se renoncer et de porter sa croix tous les jours de sa vie.  Trop de prêtres semblent ignorer l’absolue nécessité de la pratique de l’ascèse ou de la mortification des appétits de toutes sortes et la pratique des vertus solides et parfaites.  L’ absolution efface les péchés, mais ne détruit pas les défauts ni la sensualité, ni les occasions de péché.  Avis aux prêtres et à tant de prédicateurs qui poussent à la confession sans exiger le sacrifice des plaisirs même permis.  Ils ne feront aucun bien solide.  «C’est une erreur commune à beaucoup de chrétiens que de vouloir pécher et se sauver en même temps.  Sans doute il n’est point de pécheurs assez insensés pour dire: Je veux me damner.  Mais il s’en trouve un grand nombre qui disent: la miséricorde de Dieu est grande, ce que je fais est mal, mais j’en ferai plus tard pénitence.  Ils ne sentent pas que c’est un piège tendu par le démon, piège où déjà tant d’âmes sont tombées… La miséricorde de Dieu diffère de sa compassion.  La miséricorde est infinie, mais les actes de miséricorde, qui sont les actes de compassion, sont finis.  Dieu est miséricordieux mais il est juste.  Les pécheurs, dit St Basile, ne veulent considérer en Dieu que la moitié de ses attributs.  Il est miséricordieux et il pardonne, disent-ils; ils n’ajoutent pas: il est juste et il punit.» S.  Alphonse.  Oeuv.  asc.  Vol.  XIV, p.  390.  Edition Mallier.
Il faut combattre contre les conclusions des philosophes dans le sacrement de pénitence comme partout ailleurs dans la théologie.  Ils prennent l’homme dans l’abstrait et comme s’il était un pur esprit et tout se règle uniquement dans l’esprit.  Qu’on cesse de donner au peuple comme une vérité ordinaire ce qui n’est que «strictement parlant» vrai.  «Ce peuple m’honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi» s’applique aux philosophes et à ceux qui les suivent… Dieu ne donnera pas son ciel à des «essentiellement parlant», mais aux pécheurs qui sont foncièrement changés dans leur coeur, qui ont arraché leur amour des choses du monde pour le donner entièrement à Dieu.  C’est un changement de vie que Dieu veut en eux; pas simplement des formules savantes ou des distinctions philosophiques.
Les philosophes disent que «strictement parlant» la petite pénitence que les confesseurs ont coutume de donner suffit pour que les péchés soient pardonnés.  Bien fou celui qui se fierait à ce «strictement parlant»!  Dieu a toujours beaucoup exigé de pénitence pour pardonner et même après le pardon il en a imposé encore beaucoup.  On le sait par la pratique des Apôtres et des premiers prêtres.  La coutume était de jeûner au pain et à l’eau plusieurs jours et de faire des aumônes abondantes et d’autres oeuvres de miséricorde.  Or il est certain que la justice de Dieu ne change pas parce que les philosophes ergotent sur des distinctions savantes.  Tous les saints ont compris qu’il fallait se faire souffrir pour ses péchés.  Mieux vaut les suivre que nos pharisiens modernes et philosophes.  Ce n’est pas vrai que la petite pénitence suffit pour effacer des péchés mortels ou la peine qui reste après en avoir obtenu de
fait le pardon.  Quel terrible purgatoire se réservent ces pauvres pécheurs qui ne font pas pénitence comme les premiers chrétiens!  même s’ils ont une chance d’être sauvés!  Gardonsnous bien de ne faire de la confession qu’une énumération de nos péchés.  Même si le confesseur n’exige pas d’autre chose, c’est à nous à nous imposer de la vraie pénitence, des souffrances quelconques pour satisfaire à la justice divine.  C’est absolument nécessaire pour montrer à Dieu notre sincère repentir et pour obtenir la grâce de n’y plus retomber.  Nous ne gagnons rien à nous épargner en ce monde; tout nous reste pour l’autre où il n’y aura plus de miséricorde mais de la justice seule.  Suffit-il de cesser de faire des dettes pour être quitte avec un débiteur?  Il reste de même à payer ses dettes envers Dieu, même quand on cesse de pécher, et même quand on est déjà pardonné.  Il peut rester de grandes peines temporelles à payer.  Alors ne manquons pas cette autre partie du sacrement: la satisfaction.  «Faites pénitence et convertissez-vous afin que vos péchés soient effacés.» Act.  2-38.  C’est faux qu’on éloigne les fidèles du confessionnal en exigeant des sacrifices.  Les mondains peut-être; ils iront aux philosophes.  Mais les vrais pénitents continueront de venir.  Exemple du Curé d’Ars.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire