VINGT-TROISIÈME INSTRUCTION
L’OBÉISSANCE
OU LE SOUVERAIN DOMAINE DE DIEU
DANS LES SUPÉRIEURS
«Serviteurs, soyez soumis à vos maîtres avec toutes sortes
de respects, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais encore à ceux qui
sont fâcheux…» 1 Pierre 2-18.
Plan (Exemple de Jésus-Christ Son Importance: (Sa doctrine
(Exercice des Vertus Surnaturelles Leurs qualités Personnes concernées: (Les Supérieurs…
Leur rôle Leur ignorance (Les inférieurs (Aux imparfaits Doctrine à donner:
(Aux parfaits…… Obéissance de Jugement Obéissance aveugle.
Nous avons considéré le Souverain Domaine de Dieu dans les
personnes en général, maintenant, nous allons le considérer dans une classe
spéciale de personnes: dans les supérieurs.
Nous allons donc parler de l’obéissance qui intéresse absolument tout le
monde puisque Dieu nous a tous soumis d’une façon ou d’une autre à l’obéissance
à des supérieurs. Comme nous sommes tous
les membres du corps mystique de Jésus-Christ, il est bon de voir ce qu’il
pensait de cette vertu puisque nous devons penser comme lui en tout et vivre
comme il a vécu lui-même.
SON IMPORTANCE
Nous est montrée d’une façon fort éloquente puisqu’il dit
que l’obéissance est tout pour lui. Il
vient dans le monde pour obéir; il en fait sa nourriture et il meurt pour
obéir; que pourrait-il faire de plus pour montrer son importance? Hébr.
10-5: «C’est pourquoi le Christ dit en entrant dans le monde: Vous
n’avez voulu ni sacrifice, ni holocauste pour le péché; alors, j’ai dit: Me
voici, car il est question de moi en tête du livre: Je viens, ô Dieu, pour
faire votre volonté!» Jean 4-32: Aux Apôtres qui lui offrent à manger lorsqu’il
venait de parler à la Samaritaine, Jésus répond: «J’ai une nourriture que vous
ne connaissez pas!» Les disciples se disaient l’un à l’autre: Quelqu’un lui
a-t-il apporté à manger? Jésus leur dit:
«Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir
son œuvre.» Phil. 2-8: enseigne qu’il
est mort par obéissance. «Il s’est
abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de
la croix.»
Donc l’obéissance a été toute la vie de Jésus, et cela dans
tous les moindres détails. Ailleurs, il
dit que toutes ses pensées, toutes ses paroles et toutes ses actions viennent
du Père: il les fait donc uniquement pour lui plaire et pour lui obéir Son Père
le mène comme il veut du premier instant de sa vie humaine jusqu’au dernier
sans exception!
La Doctrine de Jésus est l’écho de sa propre vie. Il veut que nous soyons soumis à Dieu
absolument en tout comme lui-même s’est soumis à son Père. Il revient constamment sur cette nécessité de
garder ses commandements. En Jean 15-9:
«Demeurez dans mon amour. Si vous gardez
mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi-même, j’ai gardé
les commandements de mon Père et comme je demeure dans son amour.» Après la
Cène il revient plusieurs fois sur cette obéissance: avant de mourir, il nous
donne ce qu’il trouve le plus important pour nous: Comme nous devrions méditer
ces paroles qu’il nous laisse comme son testament et surtout les
pratiquer! «Si quelqu’un m’aime, il
gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous
ferons en lui notre demeure!» J.
14-25. La Trinité vient donc
habiter en celui qui est obéissant!
C’est le ciel qui commence pour lui sur la terre, et elle se révèle à
lui dans la même proportion qu’il obéit.
Tous les chrétiens devraient l’avoir à cœur dans leur propre vie. Ce n’est pas pour rien que Jésus dit que
c’est sa vie: il y a de quoi exercer là.
Toutes les Vertus Surnaturelles.
En effet, on l’a dit plusieurs fois qu’il nous faut commencer sur terre
notre vie divine que nous mènerons au ciel dans la gloire. Mais, ici-bas, toute cette vie divine est
invisible afin d’exercer notre mérite.
Nous sommes comme dans une espèce de noviciat de la vie céleste: Dieu
veut que nous montrions notre bonne volonté et que nous nous exercions dans
cette vie sans la voir pour montrer de fait que nous croyons en sa parole. Puis, il nous faut le faire librement dans
les ténèbres de la foi, de cette liberté qui donne le mérite, parce que dans la
gloire du ciel, nous ne serons plus libres de faire le contraire, et donc nous
n’aurons plus de mérite à obéir là.
Alors, Dieu se cache dans nos supérieurs et veut que nous leur
obéissions comme si nous voyions Dieu.
Voilà pourquoi il a organisé toute notre vie pratiquement sous
l’autorité des autres pour nous donner des exercices de vie surnaturelle. Que de belles vertus l’obéissance exige et
développe en nous! D’abord, il faut une
grande foi, pour voir Dieu à travers l’écorce plus ou moins imparfaite des
supérieurs. Il faut de l’humilité, c’est
entendu, pour soumettre sa volonté à un homme comme soi, i, faut l’espérance en
la récompense céleste que Dieu nous donnera et enfin, il faut l’amour de Dieu
pour observer l’obéissance à ses représentants qui ont son autorité mais pas
toujours ses qualités! C’est inutile
d’insister sur ce point tant il est évident.
Que les prêtres parlent souvent de l’obéissance pas
seulement pour dire aux gens d’obéir, mais en leur expliquant tout ce qui
concerne cette vertu comme nous essayons de le faire ici. Il faut surtout en montrer le côté surnaturel
et les raisons que Dieu a de nous soumettre ainsi à d’autres hommes pas
meilleurs que nous en général et ayant comme nous toutes sortes de défauts.
Aux enfants, dans les écoles, les couvents et les collèges,
ne les fatiguons pas en parlant du règlement seulement. Au lieu de dire: Le règlement veut que vous
gardiez silence dans les rangs, dans les classes, etc. qu’on dise donc le bon dieu veut telle chose. Au lieu de disputer un élève qui a manqué au
règlement, qu’on lui dise: Vous avez désobéi à Dieu sur tel point! De même dans les familles: une mère dira à
son enfant: je t’avais défendu d’aller là!
Comment voulez-vous alors que l’enfant pense à Dieu? Il dira: c’est ma mère qui se met dans la
tête toutes sortes de défenses pour moi et il lui désobéira quand il pourra
sans trop se faire punir. Mais, qu’elle
dise: C’est le bon Dieu qui ne voulait pas que tu ailles là. Car quand maman parle, c’est le bon Dieu qui
se cache en elle. Alors l’enfant
apprendra à voir Dieu dans ses parents.
personnes concernées Puisque nous devons obéir à des hommes, il est bon
de nous arrêter à leur personne pour apprendre ce qui peut être utile en eux et
ce qui nous peut nuire. Examinons
quelques points pratiques à ce sujet.
les supérieurs
Leurs qualités. Tous
les prêtres philosophes et ceux qui sont formés par eux font beaucoup de cas
des qualités des supérieurs. Toutes les
instructions sur l’obéissance d’ordinaire roulent sur les vertus et les talents
des supérieurs et de la confiance que nous devons avoir en eux. Et que de supérieurs surveillent ensuite les
appréciations de leurs inférieurs au sujet de leurs bonnes qualités! Comme ils vont leur faire payer je ne dis
même pas leur mépris, mais même leur indifférence envers ces chères bonnes qualités! Que de froideur parfois entre les supérieurs
et les inférieurs simplement parce que ces derniers ne disent pas bien haut
leur admiration pour les talents du supérieur.
Aussi, les inférieurs savent bien exploiter cette faiblesse d’un
supérieur: il veut de l’encens, il en aura… et ces inférieurs en feront ce
qu’ils voudront au détriment des autres qui n’ont pas le talent de flatter
leurs supérieurs. Dans les communautés,
comme les supérieurs sont chatouilleux sur les appréciations de leurs inférieurs! Les cliques autour des trônes se forment et
se déforment en fonction de l’encens qu’on brûle devant eux.
Toute cette question des qualités des supérieurs est du plus
pur paganisme! On peut voir s’il y en a
encore dans le monde chrétien! Où sont
les supérieurs qui sont exempts du culte des qualités? Il y en a, mais combien rares! Dans les maisons de formation que de fois on
réchauffe cette fricassée: qu’il faut estimer nos supérieurs à cause de leur
bonté, de leur savoir-faire, etc. C’est
toujours la partie importante des conférences sur l’autorité, si on ne parle
que des supérieurs. Mais, quand on parle
d’obéissance, on devrait s’adresser aux inférieurs qui obéissent. Pour exhorter les inférieurs à obéir on
glisse toujours sur les grandes qualités des supérieurs. Encore une fois c’est du paganisme tout pur!
St Ignace dit en toutes lettres: «Si l’on doit obéir au
supérieur, ce n’est point en vue de sa prudence, de sa bonté ou d’autres
qualités que dieu pourrait lui avoir données, mais, uniquement parce qu’il
tient la place de dieu!» Qu’on nous laisse donc en paix avec les dons des
supérieurs! ce n’est pas du tout pour
cela qu’on doit leur obéir! Pourquoi
alors nous en parler? Autant vaudrait
vanter la grandeur de leurs pieds ou la couleur de leurs cheveux! Parlons donc de l’obéissance sans un seul mot
des qualités des supérieurs. Avec des
paroles si claires de St Ignace, c’est incompréhensible que tant de Jésuites fassent
si souvent ressortir les bonnes qualités des supérieurs en parlant de l’obéissance. Quand allons-nous suivre St Ignace? Les généraux insistent tant qu’on le suive,
eh bien, suivons-le au moins sur ce point!
et qu’on ne présente plus jamais de la vie les qualités des supérieurs
comme des motifs d’obéissance. C’est du
paganisme! et comme il y en a encore
chez les nôtres sur ce point! Je ne nie
pas ces qualités: c’est évident qu’ils doivent en avoir, mais il ne faut jamais
les présenter comme des motifs de leur obéir.
St Ignace ne le veut pas! Ni les
saints, suivant en cela Jésus-Christ et les Apôtres qui veulent qu’on leur
obéisse, comme dit St Ignace, uniquement parce qu’ils prennent la place de
Dieu. Leur rôle doit être considéré en
vue de notre destinée surnaturelle uniquement.
Or, dans cette destinée, faire la volonté de Dieu est l’essentiel de la
vie de tout chrétien comme ce l’était dans la vie de Jésus-Christ. Au ciel, nous ferons à tout instant la
volonté de Dieu: il faut donc la faire ici tout de suite comme nous le disons
si souvent dans le Notre Père: «Que votre volonté soit faite sur la terre comme
au ciel!» Eh bien, le rôle des supérieurs est donc de présider d’une façon ou
d’une autre à toute notre vie de chrétien en vue du ciel. C’est donc parfaitement inutile pour les
chrétiens d’essayer de se soustraire à l’obéissance comme tant le font. On n’a qu’à examiner la façon d’agir de tous
les hommes depuis leur tendre enfance jusqu’à la vieillesse. Comme chacun essaie d’échapper à ses
supérieurs tant civils que religieux, et cela chez nos catholiques comme chez
les païens. Le rôle des supérieurs est
d’instruire tout le monde, ou tous leurs inférieurs, sur la nécessité de leur
obéir parce que Dieu le veut. Les
prêtres devraient insister sur ce point de vue surnaturel dans
l’obéissance. On ne le fait pas assez
dans les écoles, les couvents et les collèges.
Que de motifs naturels on donne là pour cette vertu! Que de fois on fait appel à l’amour naturel
pour les inférieurs ou réciproquement pour les supérieurs. Ou bien, on le fait pour des récompenses ou
des punitions: tout cela laisse la mentalité des élèves païenne comme en
naissant.
Les hommes faits n’obéissent pas à leurs supérieurs
temporels comme les Apôtres l’enseignent à tous les chrétiens. Ainsi, que d’ouvriers ne font pas leur devoir
quand le contremaître n’est pas là. Ils
se font payer pour toute leur journée et ne font pas souvent la moitié de leur
ouvrage. Non seulement c’est de la
désobéissance, mais c’est un vol à ceux pour lesquels ils travaillent. Un grand nombre de ceux qui travaillent pour
les villes, les grosses compagnies et les gouvernements n’obéissent pas bien à
leurs supérieurs temporels comme des chrétiens devraient le faire et eux aussi
volent une bonne partie de leur salaire qu’ils n’ont pas gagné du tout. Les chrétiens ne suivent donc pas
Jésus-Christ: obéir n’est pas leur nourriture ni leur vie quotidienne, ni leur
idéal comme cela devrait l’être s’ils appartenaient à Jésus réellement.
Voilà donc une partie du rôle des supérieurs: fournir aux
inférieurs leur «nourriture» et leur «vie» de foi et de soumission à Dieu. La deuxième partie de leur rôle leur sourit
moins! Mais, elle est encore la plus
importante pour nous les inférieurs et il faut l’exposer malgré les répugnances
des supérieurs à mentalité païenne. Il
est en rapport avec tout ce que nous avons dit dans les deux instructions
précédentes. Dieu se sert des personnes
pour nous massacrer! Or, le principal
rôle de ce massacre doit venir surtout des supérieurs. Car, si une épreuve nous vient des inférieurs
ou des égaux, nous pouvons toujours nous y soustraire et les envoyer
promener! Il n’y a donc que les
supérieurs qui peuvent nous obliger à nous soumettre aux trois choses si
répugnantes qui remplissaient le calice de Jésus-Christ: la sottise,
l’injustice et la cruauté. Or, en
proportion que Dieu nous veut au ciel, il va nous en envoyer de ces choses, et
normalement il faut qu’elles nous soient imposées par nos supérieurs. Ils aiment à dire qu’ils prennent la place de
Dieu au point de vue de l’autorité, qu’ils prennent aussi la place de Dieu pour
nous crucifier. Car le Père éternel nous
destine à la croix exactement comme son Fils unique dans la mesure qu’il nous
veut au ciel. Or, pas plus que pour
Jésus, il ne viendra pas en personne, mais agira par ses représentants
officiels sur la terre, nos supérieurs et religieux et civils. Or, remarquons que ce crucifiement des
chrétiens doit être de tous les jours comme Jésus le dit: «qu’il porte sa croix
tous les jours!» Par conséquent avoir à souffrir de ses supérieurs n’est pas un
fait exceptionnel dans la vie, mais une affaire ordinaire et normale dans le
plan de Dieu.
J’entends les supérieurs philosophes crier au scandale! Quoi, nous serions choisis par Dieu pour
faire souffrir nos inférieurs? C’est
ridicule! Où voit-on cela? C’est vrai, on ne le voit pas beaucoup, mais
pourquoi? C’est parce que d’abord, les
inférieurs sont trop païens pour obéir dans les choses difficiles. Ils vont tellement se plaindre que pour avoir
la paix, les supérieurs majeurs vont avertir leur supérieur d’être plus doux,
de fermer les yeux un peu plus sur les défauts et sur les manquements aux
règles, etc. Alors, c’est une victoire
pour ses inférieurs qui en profiteront encore à la prochaine occasion. Ça ne prend pas de temps que les supérieurs
savent ce qu’il va leur arriver s’ils sont exigeants pour l’observation des
règles, et adroitement, ils laissent faire les choses de plus en plus prenant
soin de sauver les apparences à la visite d’un supérieur majeur… oh alors, tout
va sur les roulettes… et tout ce que nous disons ici est faux et exagéré. Mais, quand on veut obéir à tout prix Dieu
semble, et de fait il en profite, pour nous faire ce qu’il a fait à Jésus dans
une certaine mesure et c’est alors que se vérifie ce que nous disons ici sur
cette deuxième partie du rôle des supérieurs… qui est carrément de nous
crucifier.
D’abord ce sont des croix de paille et à coup d’épingle,
puis à mesure qu’on obéit, les croix s’alourdissent et les épingles deviennent
des clous… pour l’inférieur à qui Dieu met un microscope dans l’esprit par
pitié pour lui. C’est alors qu’une
épingle peut lui paraître un gros clou.
Comme il faut peu de chose pour nous faire souffrir un
martyre selon nous quand il n’y a rien pratiquement. Mais nous sommes des enfants et Dieu joue à
l’enfant avec nous! N’empêche que cet
enfantillage nous vient des supérieurs comme instruments de Dieu. Jésus nous a bien avertis: s’ils m’ont
persécuté, ils vous persécuteront. Qui
l’a persécuté? Ce sont ses supérieurs
ecclésiastiques, les Grands Prêtres et ses supérieurs civils Hérode et
Pilate. Eh bien! puisque la passion de Jésus doit se continuer
dans ses membres mystiques, c’est donc par les mêmes instruments que pour lui:
nos supérieurs, qui sont les représentants attitrés de Dieu. Si Jésus dit qu’il reçoit son calice de la
passion de son Père, quel déshonneur y a-t-il pour mes supérieurs quand je dis
que ce sont eux qui doivent me présenter mon calice? Sont-ils plus que le Père éternel? Toute cette doctrine en tout cas se vérifie
parfaitement dans ma vie comme tout le monde le sait maintenant. J’ai été écrasé littéralement et réduit à
néant par mes supérieurs… que Dieu soit béni jusqu’au fond de l’éternité!
Il n’y a pas de doute que nos supérieurs philosophes vont
hurler! C’est justement ce que faisaient
les Pharisiens autour de Jésus-Christ! À
les entendre parler habituellement de leur rôle, il consiste à rendre la vie
facile à leurs inférieurs, à leur adoucir leurs peines, en un mot, à servir de
tampon entre les inférieurs et Dieu qui veut les crucifier! Il n’est jamais question, ou très rarement,
de croix entre eux et leurs inférieurs; ils sont si bons pour eux! ils les aiment tant! ils sont prêts à tout faire pour leur
bonheur… selon le monde!
C’est une conception absolument païenne de l’autorité et
elle est à peu près générale dans l’Église… malgré son enseignement bien net du
contraire. Est-ce que les Pères de
l’Église et les bons auteurs ascétiques ne disent pas que l’obéissance est un
martyre, un holocauste, le sacrifice de tout l’homme. Or, qui préside à ce martyre sinon nos
supérieurs? La grande objection contre
cette conception de l’autorité dans les supérieurs vient du fait qu’ils
transfèrent sur les supérieurs ce que nous disons des inférieurs. Ainsi, ce qui est bêtise, injustice et
cruauté pour l’inférieur ne l’est pas nécessairement pour le supérieur. Ce qui était tout cela pour la nature humaine
de notre Sauveur d’après les Apôtres, n’était sûrement pas cela dans le Père
éternel quand même Jésus dit qu’il recevait son calice de lui. Alors, où est l’erreur de parler de la même
façon de nos supérieurs. Nous avons déjà
montré comment Dieu se sert des personnes pour nous massacrer sans aucune
culpabilité de ces bourreaux; appliquons cette même doctrine à nos
supérieurs. Dieu peut obtenir d’eux tout
ce qu’il y a de plus cruel et de plus insensé pour un inférieur sans qu’il y
ait l’ombre de blâme chez les supérieurs.
Comme nous l’expliquons dans… Leur ignorance de ce qu’ils nous font
souffrir. Voici un point que les
supérieurs ne digèrent pas facilement, mais qui est parfaitement vrai et sage
de la part de Dieu. Car si pour un acte
de renoncement dans les inférieurs Dieu l’obtenait par un péché dans le
supérieur, sa providence manquerait de sagesse.
Tandis qu’il a tout disposé pour obtenir un sacrifice d’un inférieur
avec une bonne intention dans le supérieur et donc du mérite pour les deux.
Les supérieurs ne voient que leurs actes extérieurs qui
agissent sur les inférieurs avec leurs résultats concrets et visibles: c’est
tout ce qui les concerne. Mais, ces
ordres des supérieurs ont des milliers de chances de heurter quelque tendance
naturelle, de frustrer son ambition de quelque bien convoité pour son bien
personnel. Or ces effets produits au
fond de l’âme des inférieurs par des ordres des supérieurs sont absolument
inconnus des supérieurs. Or, c’est là
que Dieu souvent veut agir pour dépaganiser son inférieur, et c’est là aussi
que les démons vont agir contre la grâce de Dieu. En d’autres termes, les supérieurs contrôlent
les actes extérieurs des inférieurs, tandis que Dieu s’en sert pour orienter la
vie intérieure des inférieurs; ils ne travaillent donc pas dans le même
monde. Dieu peut donc faire souffrir énormément
un inférieur intérieurement par des actes parfaitement légitimes et
raisonnables extérieurement. Voilà
pourquoi les supérieurs ignorent souvent complètement la guerre intérieure que
déclenchent leurs ordres aux inférieurs.
Où sont les supérieurs qui connaissent l’intérieur de leurs inférieurs? Ils sont bien rares. Comme ils ont de la peine à trouver pour un
poste justement l’homme qu’il faut. Il
n’y a que le véritable amour qui ouvre les cœurs; l’amour surnaturel seul fait
déverser ce qu’il y a dans le cœur, au moins en bonne partie. Or comme il est rare entre supérieurs et
inférieurs! Pour ma part, je suis bien
certain que pas un supérieur ne m’a jamais connu intérieurement… et ne me
connaîtra jamais! Et combien d’autres
pourraient dire la même chose! Pour cela
il faudrait un autre de mon espèce… et Dieu ne l’a pas encore créé!!! Pas un n’a jamais su ce qu’ils m’avaient fait
souffrir de différentes manières, mais sans même s’en douter, j’en suis sûr.
C’est un fait ordinaire que les saints n’ont pas été compris
par leur entourage. Que d’enfants se
plaignent que leurs parents ne les comprennent pas! Quel martyre pour ces enfants s’ils obéissent
parfaitement à cette mentalité toute différente de la leur! Mais, où sont ces enfants assez surnaturels
pour obéir ainsi parfaitement? Et cette
incompréhension se retrouve entre tous les rangs de la société. Par conséquent tous les inférieurs auront à
souffrir de l’ignorance de leurs supérieurs à leur égard. Ce n’est pas pour rien que l’Écriture dit que
Marie et Joseph ne comprirent pas les paroles de Jésus, et il descendit avec
eux à Nazareth et il leur était soumis!
Eh bien! il en est ainsi pour
tous les inférieurs: ils devront être soumis à des supérieurs qui ne les
comprennent pas.
Quand Jacob envoya Joseph voir ses frères, il ne savait
sûrement pas à quoi il l’envoyait! Quand
le père de Saül l’envoya chercher ses ânes perdus, il ne savait pas qu’il
trouverait un royaume! Pourtant ces deux
supérieurs savaient ce qu’ils demandaient à leurs inférieurs directement mais
ils ignoraient ce que Dieu ferait à ces deux inférieurs. Il en est ainsi pour tous nos supérieurs:
sans doute, ils savent ce qu’ils commandent actuellement, mais ils ne savent
pas ce que Dieu veut en tirer pour l’inférieur… et tout de même l’inférieur
verra que cela vient de l’acte du supérieur.
Voilà pourquoi le «pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font» de
Jésus s’applique absolument à tous les supérieurs par rapport aux
inférieurs. les inférieurs
Toute cette instruction est surtout pour leur bénéfice: ce
sont eux qui doivent obéir. Examinons
leur cas tels qu’ils sont quand ils commencent à obéir et donc qu’ils ne
connaissent pas encore le plan divin pour les diviniser. Ils arrivent en religion avec leur mentalité
païenne même quand ils sont bien disposés comme de jeunes enfants dans la
famille. Maintenant tout ce que nous
disons de l’obéissance en religion s’applique aux gens du monde de la même
façon, car le vœu ne fait qu’urger une obligation qui existe déjà. S.
Pierre l’enseigne formellement:
1 Pierre 2-13: «Soyez soumis à toute institution humaine à
cause du Seigneur, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs, comme
délégués par lui pour faire justice des malfaiteurs et approuver les gens de
bien. Car, c’est la volonté de Dieu, que
par votre conduite, vous fermiez la bouche aux insensés qui vous
méconnaissent.» Par conséquent cette instruction sur l’obéissance regarde
absolument tous les chrétiens, dans le monde comme en religion.
Les inférieurs sont grandement induits en erreur par ces
supérieurs qui recommandent l’obéissance pour les bonnes qualités qu’ils
pourraient avoir. Car, quand ils
entendent dire que les supérieurs sont bons et sages, ils l’entendent comme
tout païen l’entendrait: que ces supérieurs seront bons pour eux et donc qu’ils
leur feront plaisir habituellement, et s’ils sont sages, ils ne contrediront
jamais ou rarement leur jugement… et des supérieurs assez païens pour parler de
la sorte le sont bien assez aussi pour croire la même chose! Mais, voici que Dieu va vite entrer en scène
pour dépaganiser ces inférieurs comme nous l’avons déjà expliqué en les
contrariant en tout par leurs supérieurs évidemment. Alors, quel bouleversement chez les
inférieurs qui n’ont jamais été préparés pour ces «opérations»! Ils concluent tout de suite que ce supérieur
qui n’est pas bon ni sage pour eux n’est donc pas à sa place! Que de critiques et de mauvais sang ils se
font à cause de l’idée païenne que leurs supérieurs leur ont donnée. Ils vont le payer par ce malaise de leurs
inférieurs et le mauvais esprit qu’ils mettent dans la maison. À qui la faute? Pas un supérieur ne leur a dit ce qu’était le
plan divin pour les massacrer par leurs supérieurs! Alors, les inférieurs continuent de se
plaindre de leurs supérieurs… et pour eux ils ont raison!
Ces supérieurs ne savent pas plus comment éclairer leurs
inférieurs qui se plaignent d’eux ou d’autres.
Alors, quand ce n’est pas le temps, ils vont leur donner tout ce qu’il y
a de plus parfait dans l’obéissance. Ils
leur diront: un bon inférieur ne critique jamais les supérieurs! Il les trouve toujours bons et sages! C’est de l’orgueil, qu’il s’humilie: s’il
était parfait il ne verrait que de bonnes qualités chez ses supérieurs! Tout cela est vrai en soi, mais pas pour
l’inférieur à mentalité païenne… qu’ils ont formé eux-mêmes! Qu’on lui donne un remède pour un imparfait,
pour un commençant!
Voici un exemple.
Supposons qu’un médecin se fait l’idée qu’un homme parfait n’est jamais
malade. Mais, voici Pierre qui vient le
trouver avec une attaque d’appendicite aiguë.
Le médecin le dispute en lui disant qu’un homme parfait n’est jamais
malade! C’est vrai, mais cela ne
s’applique pas du tout à Pierre qui n’est pas parfait puisqu’il est
malade. Alors que ce médecin oublie son
homme parfait pour soigner l’imparfait qui est là devant lui.
Voilà donc ce que devrait faire un Père spirituel pour un
inférieur qui se plaint de son supérieur.
Peu importe ce qu’il devrait être ou penser de son supérieur; de fait il
le trouve imbécile et méchant, qu’on lui donne un remède adapté à sa condition
présente! Or, le remède est justement ce
que nous expliquons dans ces trois dernières instructions. Laissons le supérieur être bête pour lui,
expliquons-lui que c’est à cause de son besoin spirituel que cela est comme
nous l’avons fait déjà. Eh bien! voilà ce qui calme la plupart des inférieurs
fâchés contre leurs supérieurs: c’est de laisser le supérieur tel qu’ils le
trouvent et leur montrer que cela est une nécessité dans le plan de Dieu pour
les dépaganiser dans leurs trois foyers d’activité: l’être, l’esprit et le cœur.
S’il y a de l’odieux dans cette doctrine elle est toute pour
l’inférieur. Car plus il trouve ses
supérieurs insensés et plus il montre que Dieu veut le dépaganiser. Si quelqu’un me disait qu’il a subi des
douzaines d’opérations, que serait ma conclusion? Que les chirurgiens lui en voulaient? Pas du tout!
Mais qu’il était donc bien avarié pour avoir besoin de tant
d’opérations! De même s’il dit que son
épreuve est bien longue, c’est comme s’il me disait qu’il est resté quatre ou
cinq heures sur la table d’opération: c’est donc qu’il était bien gangrené! Que les inférieurs à l’avenir tirent donc
cette conclusion pour eux-mêmes en proportion qu’ils ont des supérieurs
malcommodes. En plus de nous
dépaganiser, Dieu veut aussi nous sanctifier.
Dans la proportion donc qu’il nous donne des supérieurs scalpels il veut
insinuer le degré de sainteté qu’il veut nous donner. Par conséquent, pour ces deux raisons, nous
devons regarder comme une grande grâce de Dieu de nous donner des supérieurs
chirurgiens. Une autre raison qui fait
que les supérieurs ne s’aperçoivent pas de ce qu’ils font souffrir aux
inférieurs et que ceux-ci se font du mauvais sang avec des riens, Dieu le
voulant ainsi. Il leur met un microscope
dans le cerveau et alors tout est magnifié au centuple. C’est bien humiliant pour la sagesse humaine
de voir que les hommes souffrent tant pour des enfantillages. Voici quelques exemples:
Une fois, je rencontre un religieux prêtre exaspéré au
dernier degré, il était sur le point de tout abandonner, la prêtrise et la
foi. Eh bien! ce n’était qu’une série de niaiseries
d’enfant! Son supérieur était un homme
distrait: il le nommait pour dire la messe à tel autel et le lendemain c’est le
supérieur qui avait pris sa place! Ce
qui avait mis le comble à sa colère est que le supérieur l’envoie vite à un
appel au malade à tel numéro. Il arrive
là, une dame vient le recevoir à la porte tout étonnée de le voir avec son sac
au malade. C’était bien le numéro, mais
personne n’était malade là et la dame ajoute: justement l’an dernier à cette
date, j’avais failli mourir! Il retourne
furieux à son supérieur pour lui dire ce qui lui était arrivé. De fait, dit le supérieur, c’est l’an passé à
cette date qu’elle avait demandé le prêtre!
Il n’y a que Dieu pour jouer des tours pareils aux païens!!! Son supérieur avait eu une distraction! Un autre prêtre religieux vint me trouver pour
me dire qu’il était rendu à bout de patience avec son supérieur. Depuis six mois que son supérieur le
regardait fixement partout et toujours quand il le pouvait. En récréation, à la table, en entrant et en
sortant de la maison, son supérieur le fixait constamment mais sans rien lui
dire. À-t-on jamais vu une pareille
manie? Je lui dis, vous avez dû demander
à Dieu de vivre en sa présence? De fait,
je lui demande cette grâce depuis longtemps!
Eh bien, c’est votre réponse: cet œil ouvert n’est qu’un échantillon de
l’oeil de Dieu désormais toujours sur vous!
Je lui dis d’accepter cela avec reconnaissance et soumission à
Dieu. Il me téléphona deux jours après
que le supérieur avait fini de le regarder.
Quel dommage que les supérieurs ne connaissent pas mieux cette façon de
faire de Dieu pour éprouver les inférieurs: ils pourraient rendre de plus
grands services à leurs inférieurs mécontents d’eux.
Voilà donc une doctrine toute à l’avantage des supérieurs
s’ils sont assez intelligents pour la donner sans crainte aux inférieurs. Plusieurs évêques, quatre au moins, m’ont dit
que lorsqu’il s’agissait de changer de mes retraitants, ils n’avaient pas du
tout à les consulter comme les autres, mais ils les envoyaient à tel poste et
ils y allaient tout de suite. Une
provinciale m’a dit après sa visite canonique de sa province composée de cinq
cents religieuses, pas une seule ne s’était plainte d’une seule autre ni
d’aucune supérieure. Elle considérait
cela comme un vrai miracle de la grâce.
Or, toutes ces Sœurs avaient fait ma retraite et avaient reçu cette
instruction sur les supérieures comme toutes les autres. Combien de mes retraitants m’ont dit que
cette doctrine avait calmé un bon nombre d’inférieurs exaspérés contre leurs
supérieurs dans toutes sortes de communautés.
C’est donc bien une doctrine du ciel puisqu’elle calme les cœurs si
bien. Celle qui montre les supérieurs
comme des tampons est fausse, et diabolique et ne produit que du mauvais esprit
partout. Quand vous rencontrerez des
inférieurs mécontents de leurs supérieurs vous saurez qu’ils n’ont jamais reçu
cette doctrine de l’obéissance selon le plan divin de nous crucifier et de se
servir de ses représentants pour le faire!
Puisque Dieu nous massacre pour détruire en nous le païen,
un bon moyen d’éviter les coups de la providence est de rejeter de nous-mêmes
tous nos motifs naturels dans l’obéissance; ils sont la source de beaucoup de
nos épreuves. St Pierre dit que Dieu
éprouve notre foi comme on éprouve l’or dans le feu. Or, les motifs naturels sont un alliage que
Dieu rejette avec horreur. Il nous
jettera dans le feu des épreuves pour nous débarrasser de nos motifs naturels,
comme par exemple, obéir parce qu’on aime le supérieur, parce qu’on le trouve
bon et sage ou pour gagner ses faveurs.
Dieu nous enverra de grandes contrariétés pour nous faire perdre ces
motifs naturels. Que les supérieurs donc
ne donnent jamais plus leur bouillie ordinaire sur leurs bonnes qualités pour
exciter la confiance de leurs inférieurs: c’est tout le contraire que le diable
va produire avec la permission de Dieu pour punir ces supérieurs païens de
mentalité. Dieu ne veut pas que les
inférieurs servent les supérieurs pour des motifs naturels d’aucune sorte: les
supérieurs n’ont donc pas le droit de donner ces motifs païens. St Paul le défend aux Colossiens 3-22:
«Serviteurs, obéissez en tout à ceux qui sont vos maîtres selon la chair, ne
les servant pas seulement lorsqu’ils ont l’œil sur vous, comme si vous ne
pensiez qu’à plaire aux hommes, mais avec simplicité de cœur et crainte de
Dieu. Tout ce que vous faites, faites-le
de bon cœur, comme le faisant pour le Seigneur, et non pour les hommes. Sachant que c’est du Seigneur que vous
recevrez l’héritage du ciel pour récompense, servez le Seigneur Jésus-Christ.»
Il enseigne donc clairement que nous serons payés par celui pour qui nous
travaillons. Alors, au diable tous les
motifs naturels à l’avenir! Que les
supérieurs nous laissent la paix avec leurs bonnes qualités et leurs bonnes
dispositions envers nous: ce n’est pas du tout pour cela que nous devons leur
obéir: Pourquoi nous les exposer alors?
Qu’on surveille à l’avenir les instructions ou les traités sur
l’obéissance! Qu’on passe le fameux
chapitre sur les bonnes qualités des supérieurs, c’est de la paille pour le
feu! À quoi serviront leurs bonnes
dispositions ou bonnes qualités quand Dieu se servira d’eux pour remplir nos
petits calices des trois choses qui remplissaient celui de Jésus: de la
sottise, de l’injustice et de la méchanceté?… et encore une fois, ce n’est pas
une exception, c’est une affaire normale, quotidienne et ordinaire: «Qu’il
porte sa croix tous les jours!» Ce peut être une exception pour des païens et
des philosophes qui refusent les contrariétés que Dieu leur envoie: ils ne
trouvent pas la croix lourde puisqu’ils ne la portent pas. Mais, celui qui obéit parfaitement pensera
comme je pense ici, et parlera de même.
aux parfaits.
Ce que nous avons expliqué jusqu’ici est pour aider les
commençants ou les imparfaits à tirer profit de leur point de vue païen pendant
qu’ils le sont. Avec le temps, ils
viendront vite à voir le côté surnaturel; ils passeront vite sur ce qu’il y a
de visible dans le supérieur pour aller tout de suite à Dieu qui se cache
là. Alors dans la même proportion toutes
les difficultés de l’obéissance s’évanouiront au moins quant aux critiques et à
l’amertume des débuts. Ce n’est que
lorsqu’on a un peu l’habitude de voir Dieu seulement dans le supérieur qu’on
peut pratiquer les deux sortes d’obéissance parfaite:
L’Obéissance de Jugement qui fait accorder notre jugement
avec celui du supérieur parce que nous savons que Dieu lui a mis dans la tête
ce qui sera pour notre plus grand bien surnaturel. Comme c’est le seul que l’on veut, les cris
du jugement propre sont étouffés par ce plus grand bien que la foi montre. St Ignace dit: «dans les choses qui ne sont
pas évidentes.» Car il peut arriver que notre jugement ne puisse se conformer à
celui du supérieur qui s’éloignerait par exemple de la doctrine sûre de l’Église. Ainsi, St Paul n’a pas accordé son jugement
avec celui de Pierre, son supérieur, quand celui-ci céda aux judaïsants
contrairement à ce que le Saint Esprit avait inspiré aux Apôtres. L’Obéissance Aveugle consiste à ne pas
s’arrêter du tout aux raisons que peut avoir le supérieur pour donner tel
ordre. Du moment qu’on constate qu’il
parle au nom de Dieu, on se soumet à tout aveuglément, lui laissant le soin
d’exercer sa prudence et se fiant totalement à Dieu.
Comme les parfaits sont rares, inutile de développer ces
deux sortes d’obéissance très parfaites.
exercices pratiques d’obéissance en Alaska La doctrine que je viens de
donner sur l’obéissance m’a été enseignée par la Divine Providence d’une façon
pratique durant mes trois années de séjour au pays des Esquimaux sur les bords
du Yukon en Alaska. Je suis allé là en
1910 après ma première année de régence au collège Ste-Marie. J’avais donc huit ans de vie religieuse et,
triste à dire, il me restait tout à apprendre sur l’obéissance au point de vue
des inférieurs. On m’avait bien donné
tout le point de vue des supérieurs selon l’ordre spéculatif comme on a
l’habitude de le faire dans toutes les maisons de formation religieuse. On avait insisté sur le fait que les
supérieurs sont toujours sages et bons puisqu’on les choisit parmi les
meilleurs, et comme tous les autres inférieurs, j’avais compris cela au point
de vue naturel; que de fait, j’approuverais les décisions pleines de bon sens
et qu’ils me feraient une foule de bontés pour rendre ma vie agréable.
Déjà dès ma régence à Ste-Marie, j’étais renversé de
constater tout le contraire dans notre Recteur à mon point de vue. C’est certainement la plus dure année de ma
vie… et pourtant depuis lors j’en ai passé de biens pénibles! J’étais accablé d’ouvrage comme une bête de
somme et ne recevais que des reproches et jamais un bon mot d’encouragement de
personne ni un regard de sympathie.
J’étais trop assommé pour même voir si j’avais tort ou raison!… et mes 56
élèves me demandaient tout mon temps et tous mes efforts si constamment que je
n’avais pas le temps de trouver des expédients pour améliorer mon sort. Tout de même sans trop m’en rendre compte
j’offrais mon esclavage au bon Dieu sans trop me plaindre, autant parce que je
n’avais personne à qui m’ouvrir ou qui se serait intéressé à mon mal, que par
esprit de foi. J’étais tellement
submergé que je n’avais pas le temps de réfléchir sur ma misère et j’aurais
passé des année-là sans jamais plus comprendre le plan divin dans
l’obéissance. Dans sa grande miséricorde
Dieu m’envoya en Alaska pour me donner un aussi bon exercice d’obéissance avec
du temps pour réfléchir et méditer sur sa façon d’agir. Parce que j’avais demandé les missions du
Japon, le Père Lecompte, Provincial, jugea que j’accepterais celles des
Esquimaux. Trois heures après ma
nomination, j’étais en route pour mon noviciat sur l’obéissance! Mon année à Ste-Marie m’avait préparé pour
accepter n’importe quel poste au monde: ce serait toujours une belle délivrance
de ma servitude où je faisais des briques et du mortier sous mon Pharaon! sans même avoir le temps de les arroser de
mes larmes! Eh bien Dieu était pour me
donner et le temps de réfléchir et le temps de pleurer à mon goût! Il m’envoya loin des civilisés dans les
immenses solitudes d’Alaska comme il a coutume de faire quand il veut
dépaganiser quelqu’un pour en faire son ami plus intime. Comme Isaac fut conduit dans la solitude pour
être immolé par Abraham son père, ainsi Dieu me conduisit dans les déserts
blancs d’Alaska pour immoler mon païen afin qu’il n’y eût personne pour
entendre mes gémissements et m’enlever au sacrifice. D’abord les conditions matérielles de notre
vie étaient pénibles par notre pauvreté et surtout la saleté pour laquelle
j’avais une répugnance naturelle extrême.
Comme tout être a l’instinct de sa destruction prochaine, dès les
premiers jours j’éprouvai une tristesse épouvantable; j’allais passer des
heures dans les bois à sangloter de me voir pris dans ce pays affreusement
ennuyant, et si loin de tout confort. Je
ne pouvais pas manger tant la peine m’étouffait. J’avais honte de moi mais rien ne pouvait
m’arrêter pour quelques jours… et le dernier bateau pour le monde extérieur
était parti: l’autre viendrait dans dix mois.
Dans mes années de formation, comme tous les autres, j’
avais entendu parler surtout du point de vue de l’obéissance qui favorise les
supérieurs, qui avaient toujours raison contre les inférieurs et que si
l’accord manquait, c’était toujours la faute de l’inférieur. C’est vrai quand on prend toute l’obéissance
uniquement selon la foi et dans des inférieurs parfaits, vivant aussi seulement
de foi. Ce que les supérieurs disent de
la vertu d’obéissance est donc vrai devant Dieu. Cela ne veut pas dire que lorsque les
supérieurs disent ces choses aux inférieurs qu’ils voient eux-mêmes tout cela
au seul point de vue de la foi. Mais
tous savent que cela les élève aux yeux des inférieurs et cela leur
suffit. Mais il y a bien peu de
psychologues parmi les hommes et nos supérieurs devraient savoir que nous
sommes païens de mentalité même quand on est bien disposé envers la perfection
et que l’on comprend les choses en païens à moins qu’on nous mette sur nos
gardes. Ainsi quand on entend dire que les
supérieurs sont bons et sages, on interprète cela comme on fait dans le monde
naturel où nous vivons encore bien des années même dans la vie religieuse. Alors on conclut que nos supérieurs feront
toujours ou habituellement des choses qui nous paraîtront pleines de bon sens
et des choses agréables pour nous. Voilà
la source de toutes les difficultés dans l’obéissance, ce malentendu: ce que
les supérieurs nous disent n’est vrai que dans l’ordre surnaturel, mais ce
n’est pas vrai pour nous dans l’ordre naturel où nous vivons encore mentalement
et pour bien des années! Voici pourquoi
quand le Bon Dieu voudra nous dépaganiser, il est obligé de nous contrarier
dans le jugement et dans la volonté.
Donc il faut que ce soit par nos supérieurs, comme on l’a montré dans l’instruction
précédente. Il faut donc qu’ils soient
ou qu’ils me paraissent, peu importe, insensés et méchants pour moi. Alors pour mon païen ce n’est plus vrai
qu’ils sont sages et bons: je les trouve fous et méchants! Évidemment si j’étais plus surnaturel, je
verrais tout de suite le côté divin et je l’accepterais. Mais je suis encore païen et je les trouve
insensés et cruels. Cependant à ce
moment-là, je ne comprends pas encore la distinction entre la mentalité païenne
et chrétienne, précisément parce que personne ne m’en a parlé. Alors pour moi ce qu’on m’a dit des
supérieurs n’est pas vrai: les miens sont bel et bien tout le contraire de ce
qu’on m’avait laissé entendre. Le tort
des Pères formateurs est de ne pas expliquer le point de vue des commençants et
tous le sont tant qu’ils n’ont pas été éprouvés longtemps par des supérieurs
malcommodes. Ils devraient nous
expliquer ce que nous avons expliqué dans nos méditations sur l’obéissance que
tant de philosophes pas du tout psychologues vont condamner sûrement. Mais que d’inférieurs vont bénir le ciel
d’avoir enfin une explication de leurs nombreuses épreuves venant de la part
des supérieurs qui les renversent tant et qui leur font perdre leur vocation à
un si grand nombre.
Pour une fois dans l’histoire de l’Église, à ma connaissance
les inférieurs vont avoir leur point de vue expliqué! Quand même que c’est parce qu’ils sont
imparfaits qu’ils trouvent leurs supérieurs insensés il faut toujours bien leur
donner un remède adapté à leur mentalité actuelle… et ce remède est justement
celui que nous donnons dans l’instruction sur l’obéissance, que nous avons
appris à nos dépens en Alaska et uniquement du bon Dieu qui a eu pitié de mon
ignorance et de ma misère… et des larmes!
Je voudrais en faire bénéficier tous les inférieurs du monde entier… si
le bon Dieu veut bien protéger ce manuscrit contre les orgueilleux philosophes
qui n’ont jamais rien compris à la mentalité des inférieurs puisque pas un ne
leur a jamais donné ce remède merveilleux qui calme tant les cœurs et qui fait de
véritables obéissants selon la foi.
D’abord Dieu nous rendait l’obéissance d’autant plus dure qu’elle ne
venait pas du vrai supérieur, mais du second qui menait le premier. Le Père Lucchési était la bonté même et avait
un bon jugement: Dieu le mit de côté pour un vrai scalpel! Notre Ministre était le Père Perron, un
Italien d’Aoste, du nord de l’Italie. Il
était profès et donc bien doué intellectuellement au point de vue des études
spéculatives où une bonne mémoire et une certaine perspicacité suffisent, mais
elles ne constituent pas le jugement, comme on pourra le constater par notre
récit des faits et gestes en Alaska. Il
était pieux et disait son chapelet très souvent, lisait les livres spirituels
et était bon causeur en récréation. Il
ne supportait aucune contradiction, pas même du supérieur de sorte que pour
avoir la paix, le Père Lucchési cédait toujours devant le P. Perron; nous étions sacrifiés pour le plus
entêté… Il était tellement convaincu de la supériorité de son esprit sur le
nôtre qu’il ne s’arrêtait même pas à nos critiques, les considérants comme de
purs enfantillages, de sorte qu’il ne donnait guère de prise aux chicanes, car
il nous ignorait complètement. Jamais il
n’a soupçonné ce qu’il m’a fait souffrir personnellement ni aux autres, quoique
quelques-uns soient sortis de la Compagnie à cause de lui, que d’autres ont dû
demander des changements pour l’éviter.
Toutes mes souffrances de l’ennui, des longs mois d’hiver, de la saleté
ou de la pauvreté ne sont rien comparés à celles que j’ai reçues de ce bon et
savant Jésuite! Je ne savais pas dans le
temps qu’il est normal d’avoir à souffrir plus des siens que des
étrangers. Je l’ai appris sur les bords
du Yukon et le reste de ma vie devait singulièrement confirmer cette
constatation. Le bon Dieu a attendu
quelques mois pour me donner le temps de m’acclimater un peu à mes nouvelles
conditions de vie missionnaire. Il
trouvait que j’en avais assez d’être mangé tout rond par les maringouins, de me
résigner au sacrifice total de mes ambitions de devenir un grand savant dans
les grands centres intellectuels du monde.
Quelle déception! chez les
Esquimaux pour le reste de mes jours!
J’avais bien besoin de tout l’hiver pour enfin me résigner à mon sort
dans les tristes conditions de vie en ces temps-là. Notre vie était si insignifiante qu’il n’y
avait rien de spécial pour nous contrarier.
Je restais avec mes grands Esquimaux dans une cabane à part et je ne
prenais pas même mes repas avec les Pères, excepté quelques jours de fête de
sorte que j’étais rarement avec les nôtres et j’en étais bien aise! Le P.
Perron trouvait moyen de contredire tout ce que les autres
affirmaient. Les discussions étaient
souvent très vives de sorte que j’aimais autant être seul dans ma cabane et
manger après les autres. On me donna
comme besogne la charge du bureau de poste et celle de maître d’école. J’enseignais cinq heures par jour aux jeunes
Esquimaux de dix à dix-sept ans à peu près; il y en avait une trentaine;
ceux-là restaient dans une maison spéciale avec mon compagnon, le P. Sigouin, encore scolastique comme moi. Après les classes, lui en était chargé et moi
je m’en allais dans ma petite cabane où je vivais avec 16 à 20 grands Esquimaux
autour de 20 ans, comme leur surveillant, après leur travail fini avec les
Pères, qui consistait surtout à nous approvisionner de bois et de poisson.
C’est au sujet de l’école que j’eus ma grande épreuve
d’obéissance. Il pleuvait tellement dans
cette vieille cabane que les enfants devaient mettre leur imperméable et ils ne
pouvaient pas s’asseoir, les bancs étant couverts d’eau et moi je devais tenir
un parapluie pour lire dans un livre ou pour écrire au tableau! Comme nous avions du papier goudronné et des
bardeaux, je demande au P. Supérieur de
réparer mon toit; je m’offre de le faire avec mes grands. Il me permet tout de suite et je me mets en
frais de le faire. Le P. Perron arrive: Que faites-vous là? — J’ai la permission de réparer mon toit et
je le fais! — Il m’avait d’abord refusé
son menuisier pensant de m’arrêter par là.
Quand il me vit à l’oeuvre, il va chez le P. Lucchési et dispute tellement que le P. Lucchési vient me dire de cesser le
travail. Et dire que dans deux heures je
finissais! J’aurais bien pu me mettre en
grève et refuser de faire la classe dans des conditions si absurdes, mais je
remercie d’avoir eu le courage de continuer pour l’amour de Dieu seul! Voici ce qui était exaspérant. Dans le temps, je ne comprenais pas toute la
finesse de Dieu pour casser mon jugement.
Je ne voyais que la bêtise phénoménale de notre Ministre. Il avait lu dans une revue qu’il était
question d’avoir un Évêque en Alaska.
Tout de suite il met son menuisier à lui orner une chambre qu’il ferait
dans la nouvelle maison qu’il était question de bâtir un jour. Il lui faisait faire des rosaces, des
corniches sculptées et des meubles artistiques.
Ça ne pressait pas; Mgr Grimont a été nommé sept ans après et il ne
devait jamais vivre à Ste-Croix… et pendant deux étés je faisais la classe à la
pluie! avec tout le matériel nécessaire
à la portée de la main… et dans deux ou trois heures nous pouvions réparer le
toit suffisamment! Et Dieu mettait cet
imbécile en travers de mon chemin! Que
c’est dur d’obéir dans ces circonstances!
J’aurais bien voulu avoir avec moi mes maîtres qui nous répétaient que
les supérieurs ont toujours raison.
Peut-on imaginer une sottise plus grande que celle-là? Mais les bois seuls entendirent mes plaintes
à Dieu et mes gémissements. Je disputais
d’abord, je demandais à Dieu comment il pouvait faire du monde si bête!… Puis,
je priais, lui faisait des excuses, je me calmais un peu et souvent je
recommençais la même kyrielle de plaintes et de prières. Il faut dire que nous gardons les enfants à
l’année là-bas et que même pendant les mois d’été on leur fait la classe. Or la saison des pluies commence à la fin de
juillet et dure jusqu’aux gelés en septembre.
Mais j’avais besoin de trois années de ces exercices spéciaux
d’obéissance avant de comprendre le plan divin parfaitement dans cette
vertu. Ils n’ont pas manqué! Pendant l’hiver une dame riche nous donne
$16,000.00 pour notre nouvelle maison dont on avait sûrement besoin car la
vieille n’était qu’en bois rond et très froide et trop petite. Quel mauvais sang nous ont fait faire ces
milliers de piastres! C’est presque
incroyable toutes les sottises qui se sont faites pour bâtir cette maison! Je ne crois pas vraiment qu’il y ait une
seule chose dans cette maison que j’aurais approuvé et tous les autres étaient
de mon avis. Qu’il suffise de montrer
les grandes lignes de cette série interminable de manques de jugement!
D’abord la vieille maison était dans la partie la plus basse
de la cour des élèves de sorte que notre petite cave de 4 pieds était souvent
pleine d’eau au printemps. Il y avait à
trente pieds de là une petite élévation assez grande pour mettre la nouvelle
maison. Nous voulions tous la mettre là
où l’eau n’aurait jamais pénétré dans la cave.
Il décida de la bâtir exactement à la même place où il creuserait une
cave de huit pieds. Nous avions beau lui
dire que cela ferait huit pieds d’eau au lieu de quatre, il tint bon contre
tous. Un autre avantage pour nous c’est
que nous pourrions continuer d’habiter là jusqu’à ce que la nouvelle maison fût
finie. Alors il fallait «mouver» cette
maison faite en deux tronçons et de gros bois rond, calfeutrée de bouse de
vache. Les Frères plaidaient qu’ils
n’avaient pas assez de vis ni d’autres instruments pour soulever cette masse
disjointe et toute d’une pièce, comme il le voulait absolument. Ils auraient pu la démonter en un jour et la
remonter dans un autre jour, il ne consentit jamais! Ils passèrent six semaines à niaiser autour
de cette vieille baraque sans aucun résultat.
Or c’était les seules belles semaines de beau temps qu’on pouvait avoir
en été, car la saison des pluies commence à la fin de juillet, le jour de
Ste-Anne pour les trois années que je fus là.
Enfin, en voyant la pluie arriver, il consentit à la défaire et en 2
jours elle était transportée ailleurs.
Pendant ce temps il mit la communauté sous la tente… où elle était
encore à Noël par des froids de plusieurs degrés sous zéro! J’étais content d’avoir ma cabane pour
coucher et y vivre dans mes temps libres.
Quelles protestations de tout le monde quand on vit ses plans! Pour 5 ou 6 Jésuites il fit un plan de son
scolasticat de Chieri, en Italie, à trois étages et demi avec de grands
corridors de sept pieds de large et un grand escalier tournant de 5 ou 6 pieds
de large coupant les trois étages. Elle
avait 50 pieds de long sur 30 de large et 40 de haut. Il mettait ses poêles dans les corridors pour
chauffer les chambres! On ne peut pas
être plus bête au monde! On lui dit que
la chaleur monterait par son escalier avant d’aller dans les chambres
d’à-côté. Non. La chaleur irait dans les chambres où il la
voulait!!! J’ai vu les fenêtres des
Frères sous le toit ouvertes par des froids de 45° sous zéro parce qu’ils
avaient trop chaud… et le P. Perron avec
son gros paletot de fourrure passant son temps à mettre du bois dans ses deux
gros poêles dans le corridor et gelant tout rond, le misérable! Il ne l’avait pas volé, l’imbécile. Quand je vis les dimensions de la maison, je
pensais qu’il me mettrait dedans avec mes Esquimaux; mais pas du tout! Je devais rester dans ma vieille cabane et j
y suis resté, pendant que nos six Jésuites se perdaient dans leur «scolasticat»
colossal! Un jour je le vois mesurer
l’endroit de la nouvelle chapelle et je remarque qu’elle n’est pas plus grande
que la vieille où 15 à 20 Esquimaux seuls pouvaient entrer. J’attire son attention; il connaissait son
affaire et il y aurait de la place pour tous les Esquimaux!… Eh bien, il n’y en
avait pas assez! Et il la mit de travers
dans la maison pour qu’on ne puisse pas l’agrandir. Il la fit un demi étage plus haute que les
chambres; il se trouvait à avoir des chambres au-dessus qui n’avaient que 6
pieds et donc 4 pieds au-dessus du corridor où il fit des espèces de balcons
pour arriver aux chambres.
Un jour le Frère Joseph Côté finissait la rampe de
l’escalier qui conduisait à la cave absolument obscure et où seul le cuisinier
irait chercher ses légumes. Il pensait
bien qu’un poteau par marche suffisait.
Le Père lui fait tout défaire et mettre deux poteaux par marche car
c’était plus artistique!!! et le Frère
s’exécuta sans maugréer! Il en fallait
de la foi pour travailler pour un tel homme!
Moi, je n’étais témoin que de ses bêtises et je trouvais cela bien
dur. Les pauvres Frères devaient les
exécuter à la journée!… Une autre fois, le même Frère finissait de poser une
moulure autour de la chapelle sculptée à la main et qui lui avait demandé
beaucoup de travail. Le Père arrive,
regarde et lui crie d’en bas: Frère, un 13e de pouce trop court! arrachez-la et faites-en une autre! Le Frère plaide pour boucher cette petite
fente invisible, rien ne paraîtra! Le
Père en exige une autre d’un 13e de pouce plus longue!!! Mieux que cela. Les menuisiers avaient travaillé à la main
plusieurs semaines une grosse moulure de 3 pieds de haut pour mettre à
l’extérieur autour de la maison. Il
manquait un quart de pouce: descendez-la et faites-en une autre. Une soudure d’un quart de pouce à trente
pieds du sol aurait défiguré la maison!… et les Frères obéirent comme toujours…
Nous avions un moulin à scie, avec du bouleau et de la pruche en quantité; il
nous semblait à tous qu’un plancher fait de ces bois était assez bon pour des
vieux missionnaires d’Esquimaux, vivant habituellement dans la saleté. Mais non, il fit venir de Chicago le plus
beau bois dur possible, en belles petites languettes, comme dans les plus beaux
couvents de Soeurs. Le «fret» seul nous
coûta plusieurs centaines de dollars!
Terminons cette liste qui serait interminable, par un bijou! Il lui prend l’idée de mettre les toilettes
dans l’intérieur de la maison, sachant que nous ne pouvions pas encore avoir
l’eau courante. Encore une fois tout le
monde protesta à cause de l’odeur inévitable.
Il dépassa nos prévisions! Il mit
un grand réservoir vide de 50 gallons, six pouces au-dessus du four de la
boulangerie. On eut beau crier que sa
marmite bouillirait et nous empesterait tous.
C’était faux, puisqu’il ne le voulait pas, lui! Il nous empoisonna un bon mois avant de se
résigner à sortir sa barrique infernale!… On peut imaginer un peu ce qui
sortait de cette tête habituellement par ces échantillons de son manque de
jugement. Quelques-uns sortirent de la
Compagnie et d’autres revinrent au pays les nerfs épuisés par la lutte
constante contre les sottises de ce Père qui avait été supérieur plusieurs
années et qui continuait de l’être de fait après que son successeur avait été
nommé. Il est sûrement un de mes plus
grands bienfaiteurs: je devais être le seul au monde pour avoir la tête plus
dure que lui! J’avais absolument besoin
de ces trois années d’exercices continuels de contradiction pour arriver enfin
à comprendre un peu le renoncement à mon jugement et le plan providentiel de
Dieu dans l’obéissance à des supérieurs malcommodes.
Quand le coeur était trop plein je m’en allais dans les bois
environnants ou sur les montagnes pour le déverser devant Dieu en plaintes et
en pleurs mélangés de prières pour mieux comprendre la sagesse de Dieu dans
cette sorte de supérieurs. Il me semble
que j’ai été exaucé en bonne partie: je le comprends et ces sottises ne me
surprennent plus. Qu’on n’aille pas
croire qu’elles sont exceptionnelles; peut-être pour les païens de mentalité
qui refusent de s’y soumettre quand Dieu leur en envoie. Mais pour ceux qui veulent obéir à tout prix,
elles sont ordinaires et normales; qu’en disent les philosophes ce qu’ils
voudront! Les supérieurs ne l’admettent
pas parce qu’à l’exemple du P. Perron,
ils ne savent ce qu’ils font. Il n’a
jamais soupçonné tout ce qu’il nous a fait souffrir. Qu’on me trouve quelqu’un qui obéit sans rien
dire à une sottise de son supérieur et il verra sa vie remplie de ces manques
de jugement pour lui de la part de ses supérieurs. Quant à moi, le reste de ma vie devait
confirmer la doctrine que j’ai apprise en Alaska et que j’expose dans mon
instruction sur l’obéissance! Que Dieu
en soit béni jusqu’au fond de l’éternité!
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