mercredi 23 septembre 2015

samedi 19 septembre 2015

Père Onésime Lacouture - 2-8- La Visitation


SEPTIÈME INSTRUCTION
LA VISITATION.

«Or, Marie se levant en ces jours-là, s’en alla en diligence vers les montagnes, dans une ville de Juda, et étant entrée dans la maison de Zacharie, elle salua Elizabeth.» L.  I - 39.

Plan Remarque.  (Le Passé: Elizabeth figure la Synagogue.  Trois tableaux: (Le Présent: Jean-Baptiste le trait d’union.  (Le Futur: Marie et l’Eglise naissante.  (Dieu: Sa Gloire dans le Magnificat.  Les Motifs: (Jésus: La Sanctification du Précurseur.  (Marie: Sa Charité pour Elizabeth.  (La Sanctification de Jean-Baptiste.  Ses effets: (L’Inspiration d’Elizabeth.  (L’Inspiration de Marie.   

REMARQUE Voici la première manifestation de l’activité du Sauveur pas encore né et déjà agissant sur les âmes par sa grâce.  Le Saint-Esprit a pris soin de nous révéler ce mystère par une foule de petits détails très instructifs pour notre vie spirituelle.  Ce n’est encore que l’aurore du jour divin qui va bientôt luire sur le monde, mais déjà elle nous donne quelques lueurs de la doctrine que Jésus apporte au monde.  D’abord c’est notre bonne Mère qui est le centre visible de ce mystère, mais c’est Jésus qu’elle porte qui lui donne toute sa beauté nouvelle pour le monde.  C’est elle qui reçoit l’Incarnation, c’est elle qui porte Jésus pour faire son premier miracle de la grâce en Jean-Baptiste et c’est encore elle qui lui fera faire son premier miracle extérieur aux noces de Cana.  C’est donc la Sainte Vierge qui introduit Jésus au monde de toutes les façons. C’est encore elle qui introduira Jésus dans nos âmes et qui continuera de le faire pour toutes les grâces qui nous viendront pour continuer la croissance de Jésus en nous.  Dieu n’a pas plusieurs plans pour notre sanctification: tout ce qu’il fait pour Jésus il le fera pour ses membres mystiques et donc pour chacun de nous.  Mais, il ne le fera pas sans nous, sans notre volonté.  C’est pourquoi il est nécessaire que nous allions vers Marie pour qu’elle nous introduise son Jésus dans notre vie.  Il faut une dévotion spéciale et solide envers la Sainte Vierge pour progresser dans la sainteté.  Si le Saint-Esprit a eu besoin d’elle pour effectuer l’Incarnation du Verbe, il a encore besoin d’elle pour continuer l’Incarnation en chacun de nous comme c’est le plan de Dieu de faire en nous ce qu’il a fait en Jésus.  Tout chrétien est un porte-Dieu qui doit le faire rayonner comme Marie fait avec Jésus.  Il faut aller le donner aux autres qui ne le connaissent pas ou qui l’ont perdu.  Or pour être éclairé par le Soleil de Justice, il faut passer par l’Aurore qui est Marie.  On va à Jésus par Marie.  Commençons donc tout de suite de la mettre dans notre retraite et dans nos méditations.  Qu’on le fasse toujours dans son coeur même si on ne la signale pas explicitement chaque fois.  Comme Marie couvre toute la vie de Jésus, ainsi elle doit couvrir notre vie jusqu’à la mort… afin de la retrouver dans l’éternité pour être sûr d’être avec Jésus.

TROIS TABLEAUX.

Le Passé: Elizabeth représente la Synagogue.  Nous sommes à une époque de transition: un nouveau monde se lève sur les ruines de l’autre: la lumière longtemps annoncée va enfin luire sur le monde.  Ces trois personnages qui se rencontrent a Aïr Karim dans la maison de Zacharie représentent trois époques qui se touchent ici.  Arrêtons-nous un instant à chacune d’elles pour en tirer profit pour nos âmes.  Comme Elizabeth, la synagogue est stérile par elle-même; elle devient féconde qu’en vue de préparer la venue du Messie.  Elle résume toutes les figures et les promesses du passé et qui finissent en s’accomplissant maintenant.  C’est pourquoi elle est vieille comme tout ce qui va prendre fin.  Comme la synagogue recevait sa vertu du futur Messie ainsi Elizabeth devient féconde en vue de mettre au monde le Précurseur de Jésus.  Comme la synagogue a été la première à entendre la prédication de Jésus, ainsi Elizabeth est la première à éprouver les effets de la présence de Jésus en Marie.  Elle porte celui qui indiquera Jésus au monde comme la synagogue portait les figures, les promesses et les prophéties concernant Jésus.  Comme l’Eglise honore et respecte Elizabeth, nous devons Aussi honorer et respecter la Synagogue ou l’Ancien Testament.  Pendant plus de deux mille ans, elle a prépare les voies au Messie et Dieu, par les prophètes, lui a révélé les germes de la doctrine de Jésus et les secrets de ses voies pour nous sanctifier.  C’est pourquoi S.  Paul dit que l’Ancien Testament est pour notre instruction.  C’est là qu’on trouvé les preuves de la divinité du Messie.  Jésus en appelait là constamment pour prouver sa mission divine aux Juifs.  Surtout c’est là qu’on trouve cachée dans les psaumes et dans les prophètes ce qui se passait dans l’âme de Jésus, comme ses sentiments, ses peines intérieures, ses espérances, ses prières et les cris de son amour pour nous et pour son Père.  L’Humanité qui crie, qui pleure, qui gémit, qui prie, qui loue Dieu et qui l’adore, c’est l’humanité de Jésus.  Les Evangiles ne racontent que les gestes et les actes extérieurs de Jésus: si l’on veut connaître son intérieur, il faut aller dans l’Ancien Testament.  Les saints en appelaient là constamment dans les différentes phases de leur sainteté et dans les émotions par où ils passaient. 

On ne peut donc pas exagérer l’importance de l’Ancien Testament pour apprendre les voies de Dieu et de la sainteté.  Le Présent:

Jean-Baptiste est le trait-d’union entre les deux époques et il en incarne donc les principaux traits.  Comme sa mère, il reçoit toute sa vertu de Celui qu’il annonce; il est l’étoile du matin qui brille par la vertu du Soleil qui va se lever visiblement bientôt.  Un ange annonce sa sainteté à son père Zacharie: «Il sera grand devant le Seigneur; il ne boira point de vin ni d’aucune liqueur enivrante, et il sera rempli du SaintEsprit dès le sein de sa mère.  Il convertira beaucoup des enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu.» Il est le premier à ressentir les effets de la grâce de Jésus; les deux n’étaient pas encore nés!  Jean tressaille de joie à l’approche de son Sauveur et il est le premier à recevoir le Saint-Esprit et à être purifié du péché originel dans le Nouveau Testament et cela dès le sein de sa mère.  Il reçoit donc sa sainteté et du passé et de l’avenir: d’Elizabeth et de Jésus par l’entremise de Marie.  C’est notre modèle.  Nous aussi prenons notre sainteté dans les deux Testaments; ils ont été faits pour nous aider tous les deux: soyons des traits-d’union entre les deux et allons puiser dans chacun ce qu’il a de bon pour nous.  Ensuite, soyons des apôtres pour faire connaître Jésus aux foules; mais pour le donner commençons toujours par prêcher la pénitence absolument nécessaire pour préparer les voies à Jésus.  Le Futur: Marie est l’Eglise naissante, voilà pourquoi elle est jeune, car elle inaugure le nouveau règne de Jésus sur le monde.  Elle commence à sanctifier les âmes par Jésus qu’elle porte.  Si elle est mariée comme Elizabeth, ce n’est pas selon la chair, mais uniquement dans la foi et en gardant une parfaite virginité.  Elle coopère ici avec le St-Esprit pour la sanctification de Jean-Baptiste, non pas comme cause, mais comme condition tandis que c’est Dieu qui est la cause efficiente, comme dans l’Incarnation et comme dans notre justification, qui est l’Incarnation continuée dans les membres au corps mystique de Jésus.  Gardons-nous bien de ne jamais mettre Marie de côté comme ont fait les protestants et qui ont perdu Jésus en rejetant Marie.  Combien de chrétiens ne donnent pas assez d’importance à la Ste-Vierge dans leur vie spirituelle; aussi Jésus se tient loin.  Si nous voulons être de la famille de Jésus, il faut être d’abord bien accueilli par Marie, car elle est la Reine du ciel.  Nous devons faire une seule chose avec Jésus.  Or, on est bien sur que Jésus préfère sa Mère à toute autre créature au monde.  Eh bien, chacun de nous doit donc l’aimer plus que toute autre créature au monde.  Il ne suffit pas de savoir cela, il faut le pratiquer.  Par conséquent que chacun de nous s’efforce par tous les moyens possibles de développer une vraie dévotion fervente à Marie.  Les deux femmes qui s’embrassent signifient l’alliance des deux Testaments qui s’unissent pour l’amour de Jésus et en Jésus.  les motifs.  De Dieu sont sa gloire dans le Magnificat.  Dieu va fonder l’Eglise pour qu’elle le glorifie jusqu’à la fin des temps.  C’est Marie qui entonne ce sublime cantique de louanges que les Saints et les fidèles chanteront jusqu’à la fin du monde.  Ne regardons pas cette gloire comme du luxe que nous donnons à Dieu ou un présent gratuit que nous lui offrons; c’est la principale fin que Dieu avait en créant le monde.  Il y tient donc absolument et par essence, non pas comme par caprice.  C’est une dette que nous sommes tenus de lui payer pour ce qu’il a fait pour nous.  Ce n’est pas une aumône faite à Dieu, c’est un devoir strict que nous accomplissons.

De Jésus: c’est la sanctification de son Précurseur.  Il se hâte d’allumer le feu qu’il est venu apporter sur la terre.  C’est Jésus qui presse sa mère d’aller voir Elizabeth parce qu’il veut que son Précurseur soit le premier à ressentir les effets de sa grâce et de sa présence.  Il nous montre ainsi un caractère de son apostolat: le zèle des âmes.  En proportion qu’on est envahi par Jésus on veut faire du bien aux autres.  La charité extérieure est le résultat de l’intensité de son foyer: plus on est plein de Jésus et plus on veut le donner au monde.  Ceux donc qui n’ont pas de zèle montrent qu’ils n’ont pas de charité pour Jésus.  Quand le feu de l’amour est allumé dans un coeur il rayonne à l’extérieur ordinairement.  Il s’ingénie à trouver toutes sortes de moyens pour donner Jésus aux autres; c’est le ressort: l’Amour.  On remarquera que la Ste Vierge s’est préparée toute sa vie à recevoir Jésus et pour cela elle l’a reçu pleinement, totalement, plus qu’aucune autre créature.  Eh bien, nous aussi nous devons nous préparer d’abord à recevoir Jésus, à nous diviniser de plus en plus pour augmenter en nous la formation de Jésus, afin de pouvoir le donner aux autres.  On donne aux autres en proportion de ce qu’on a soi-même.  Remarquons que Marie devait étudier les Ecritures comme tous les Juifs le faisaient, mais ce n’était pas seulement de tête, mais surtout de coeur; c’était avec amour qu’elle les lisait et le St-Esprit l’éclairait dans la même mesure.  Voilà pourquoi le Verbe l’a choisie pour sa Mère, à cause de son amour.  Dans nos études d’Ecriture sainte et de théologie nous devrions faire de même: étudier surtout par le coeur ou par amour; alors le St-Esprit se ferait un plaisir de nous éclairer pour saisir le divin caché dans le texte.  De Marie.  C’est sa charité pour Elisabeth.  Elle ne savait pas ce que Jésus ferait à Jean Baptiste, mais pour elle c’était sa cousine qu’elle voulait voir parce qu’elle se trouvait dans la même condition qu’elle: elle avait conçu miraculeusement d’un Dieu.  Il y a de la charité quand on a les mêmes intérêts et les mêmes amours, quand on peut parler du fond du coeur et être compris, voilà ce que l’amour aime.  Quand les chrétiens auront la même mentalité chrétienne et qu’ils seront pleins du surnaturel, ils se rechercheront les uns les autres pour parler de Dieu et des choses de Dieu.  Ils s’ouvriront facilement les uns aux autres quand ils sentiront qu’ils vont être compris et qu’ils vont faire plaisir en parlant du même amour divin qui les remplit.  Comme c’est rare de trouver cela même dans les Communautés et dans le Clergé!  Combien ne veulent absolument pas parler des choses de Dieu?  C’est donc qu’ils ne vivent pas de Jésus, qu’ils ne l’ont pas dans le coeur, puisque la bouche refuse d’en parler.  Jamais ces chrétiens iront ailleurs dans le but de donner Jésus; personne ne donne ce qu’il n’a pas!

Est-ce qu’on ne voit pas les mondains qui aiment le monde à la folie chercher continuellement des gens avec qui parler de leurs amours, entendez les sports?  Ils se rassemblent pour parler de sport et comme ils sont intéressés!  C’est donc que leur coeur est là.  Jamais ces gens ne parleront de Jésus parce que leur coeur est déjà pris par les créatures.  On peut donc dire que le degré de zèle des âmes indique le degré de la charité pour Jésus.  Combien de prêtres doivent trembler pour leur salut même, quand ils ne se soucient pas de se sanctifier pour convertir les gens et les sanctifier aussi; c’est donc qu’ils vivent sans Jésus… et ils mourront bien sans Jésus.  Que de chrétiens sont comme tant de religieux et de prêtres qui ne sont pas du tout intéressés aux choses de Dieu, mais ils le sont des choses du monde comme de vrais païens.  Dans combien de pays on passe pour mal élevé et on aiguille la conversation sur les choses de la religion; même des chrétiens sont choqués et montrent vite qu’ils ne veulent pas de ce sujet.  Comme il est rare aussi chez les prêtres et chez les religieux de parler du bon Dieu!  Tout le monde fuit si on veut en parler.  Comme il faut être païen jusqu’au fond de l’âme pour agir de la sorte, et c’est la très grande majorité non seulement des fidèles, mais des prêtres et des religieux.  Comme le monde est païen!  Quelle formation maudite faut-il avoir reçue pour agir de la sorte?  Quelle formation diabolique qui traite Dieu comme son pire ennemi, comme le moins intéressant du monde, comme un sujet qui gâte la vie, qui gâte les récréations même chez des âmes consacrées à Dieu.  Quel camouflage dans toute cette formation religieuse; quelle farce et quelle hypocrisie… ou mieux quelle ignorance des voies de Dieu!  C’est cette philosophie maudite qui remplace la vraie théologie, qui corrompt toute cette formation, cette philosophie qui considère les choses seulement en elles-mêmes, et pas du tout en nous et en Dieu.  Alors elle ne réside que dans la tête, pas du tout dans le coeur ni par conséquent d’amour dont elle ne s’occupe pas du tout.  La Sainte Vierge n’était pas philosophe pour un sou!  Elle gardait tout ce qu’elle entendait dire de Jésus dans son coeur.  Imitons-la… donc!  Maintenant que nous connaissons le mystère de la Visitation, supposons que nous rencontrons la Ste-Vierge marchant vite vers les montagnes et que nous lui demandons où elle peut bien aller à cette allure.  Elle pourrait répondre: Je m’en vais porter Jésus à Elizabeth!  Je m’en vais parler de Jésus à ma cousine!  Je m’en vais pour que Jésus sanctifie son Précurseur!  Je m’en vais porter le bon Dieu!  Eh bon, mettons-nous sur les grandes routes du pays et voici qu’un prêtre s’amène dans une belle grosse automobile, faisant du 60 milles à l’heure.  Demandons-lui donc où il va si vite?  Combien vont vous répondre: nous allons porter le bon Dieu à un paroissien!  Nous allons faire du catéchisme à des ignorants!  Nous allons chez un confrère pour parler du bon Dieu!  Combien de ces coureurs des chemins ont un motif purement surnaturel de sortir ainsi?  Pourtant on avait acheté ce beau char, disait-on, pour aller voir les pécheurs de la paroisse!  visiter les malades!… et maintenant on néglige tous ses devoirs religieux tous ses paroissiens, pour courir à travers le pays pour toutes sortes de raisons de païen.  Demandez donc à ce vicaire qui rentre après minuit où il est allé?   Combien vont pouvoir vous dire: Je suis allé porter Jésus à un tel; je suis allé sanctifier une telle; je suis allé parler des choses de Dieu avec des confrères!  Combien de ces veilleurs de nuit ont un motif purement surnaturel de rentrer après minuit?  Voyez-vous tous ces sorteurs, tous ces coureurs de chemins dire aux autres où ils sont allés?   Ce qu’ils ont fait?  Jamais de la vie!  Ils ne veulent jamais en parler à ceux qui sont aux choses de Dieu.  Ils en parleront avec leurs pareils et encore très rarement.  Quand la conduite est louche on n’aime pas à l’étaler au grand jour.  Aussi quand un prêtre ou un religieux ne parle pas de ses visites au dehors devant la communauté ou devant les autres prêtres, c’est toujours mauvais signe.  Celui qui va administrer une malade n’a pas honte de le dire aux autres.  Comme ils sont rares les porteurs de Jésus!  Comme ils sont rares ceux qui veulent en parler!  Demandons donc à la Ste-Vierge de ne jamais sortir que pour aller porter le bon Dieu aux autres, jamais sortir que pour des motifs purement surnaturels!  Nous sommes des porte Dieu par vocation, les laïques comme les prêtres.  Eh bien, sortons pour aller porter Jésus à d’autres avec tact et charité.  Voilà la conclusion de ce mystère de la Visitation.

SES EFFETS.

La sanctification de Jean-Baptiste qui reçoit la grâce sanctifiante et est rempli du St-Esprit, comme l’avait dit l’ange à son père.  Il passe donc de l’ordre naturel à l’ordre surnaturel; il devient l’enfant de Dieu et héritier du ciel.  Dieu a voulu nous enseigner ce que nous devons faire quand nous recevons le divin: nous devons nous réjouir intérieurement et exprimer à Dieu notre foi et notre reconnaissance.  C’est pourquoi il fait tressaillir Jean dans le sein de sa mère et qu’elle nous le dit.  Evidemment il ne fera plus cela ni pour Jean ni pour nous.  Mais il attire notre attention sur cette joie exprimée par Jean afin que nous le fassions par la foi.  Par exemple: je viens de communier: je sais que je viens de recevoir Jésus en personne alors quand même je ne ressentirais absolument rien, tout de même la foi me dit que c’est mon Dieu.  Eh bien!  Je dois exciter en moi la joie et la reconnaissance comme si je voyais Jésus.  Voilà ce que c’est que d’agir selon la foi.  Dieu nous montre en Jean ce qu’il veut de nous dans les circonstances analogues.

Si c’est Jésus qui sanctifie Jean-Baptiste, on remarquera que c’est Marie qui le porte jusque là.  Quand nous voudrons convertir des pécheurs et que nous voulons leur donner Jésus, qu’on n’oublie pas de faire porter Jésus par Marie.  Qu’on lui confie cette conversion; elle a incomparablement plus de chance que nous de réussir.  Aux pécheurs eux-mêmes, parlons-leur de Marie d’abord, faisons-les prier Marie et elle préparera mieux le terrain pour qu’ils reçoivent Jésus.  La première conversion de Jésus ou la première sanctification est un modèle de perfection pour nous tous.  Jean Baptiste incarne toutes les conditions que Dieu veut voir dans ses chrétiens.  Il va pousser le mépris des créatures et le mépris de soi-même jusqu’à la limite extrême.  Il ne vit pas du tout pour la terre; son esprit et son coeur sont tout entiers aux choses de Dieu.  Comme il montre clairement à tous que la pénitence est nécessaire absolument à tous ceux qui veulent recevoir Jésus, parce que tous ont péché d’une façon ou d’une autre.  Et le bon Dieu nous donne ce modèle de pénitence dans un homme qui n’a jamais commis un seul péché personnel!  Combien plus devons-nous faire pénitence!  Mais surtout il ne s’occupera que du royaume de Dieu qu’il prêchera à des foules qui viendront l’entendre dans le désert, sur les bords du Jourdain.  Nous devons débarrasser notre coeur des créatures afin de le tourner complètement vers Dieu.  Cette partie positive est la plus importante.  L’inspiration d’Elisabeth suit immédiatement la sanctification de Jean-Baptiste et c’est par lui qu’elle reçoit l’inspiration du St-Esprit.  C’est au tressaillement de son enfant qu’elle est avertie de quelque chose d’extraordinaire dans cette visite de Marie.  Au même instant le St-Esprit lui révèle la maternité divine de Marie.  Elisabeth marque clairement que toute cette manifestation de divin est déclenché par Marie.  «Car dès que votre voix a frappé mes oreilles, lorsque vous m’avez saluée, mon enfant a tressailli de joie dans mon sein.»  Le St-Esprit attend la voix de Marie pour sanctifier Jean Baptiste, comme il a attendu sa voix pour opérer l’incarnation du Verbe en Marie.  Le fait qu’il inspire l’Evangéliste de donner ces détails montre qu’ils sont importants pour nous tous.  C’est donc Marie qui est la médiatrice des grâces que Dieu donne au monde.  Le St-Esprit prend la peine de signaler que c’est par la voix de Marie qu’il a opéré non seulement l’Incarnation, mais aussi les premiers miracles de la grâce de Jésus et de sa puissance.  S’il a fait cela au début de l’Eglise et continue de le faire encore de nos jours et c’est ce que l’Eglise approuve par la nouvelle fête instituée sous le titre de Marie Médiatrice de toutes grâces.  Le St-Esprit lui révèle que Marie est la Mère du Sauveur, car elle s’écrie: «Vous êtes bénie entre les femmes et le fruit de vos entrailles est béni et d’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne à moi?» L’Eglise répétera jusqu’à la fin des temps ces premières paroles.  Elle se sent indigne de tant d’honneur et exprime son humilité en disant: «D’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne à moi?»

Quel privilège pour Elisabeth!  Elle est inondée de divin!  Son enfant est rempli du St-Esprit; elle-même en déborde et elle a devant elle et dans ses bras la Mère du Messie qu’elle porte!  Toute la Trinité qui la pénètre et l’enflamme et qui l’entoure!  Tout le divin de l’Ancien et du Nouveau Testament se trouve dans sa maison et dans son coeur!  Que tous ceux qui veulent recevoir le St-Esprit avec ses grâces s’appuient toujours sur Marie; qu’ils l’intéressent d’abord à ce qu’ils veulent pour qu’elle dise un mot en leur faveur… et alors le St-Esprit agira.  Voici les paroles les plus importantes pour nous: «Vous êtes bienheureuse d’avoir cru, parce que ce qu’il vous a dit de la part du Seigneur s’accomplira.» Ce n’est donc pas le fait d’avoir conçu Jésus dans son sein qui donne du mérite à Marie, mais sa foi!  Voilà une des plus importantes leçons que le StEsprit nous donne par Elisabeth.  tout ce divin vient de la foi de Marie.  Un jour Jésus indiquera l’importance de la foi quand on lui dira que sa Mère est à la porte et l’attend; il dit: «Ma Mère, ce sont ceux qui croient en moi!  C’est par la foi que nous concevons Jésus dans notre âme et donc nous faisons comme Marie a fait: nous sommes donc comme sa Mère.  C’est donc la foi qui fait descendre Jésus dans nos coeurs… ce n’est pas le bon sens ni la volonté humaine!  Voilà pourquoi Dieu aime à nous demander tant de choses qui répugnent à nos deux facultés afin de nous faire monter plus haut qu’elles pour agir selon la lumière divine.  Soyons donc contents quand Dieu nous demande ces choses qui nous dépassent, pensons tout de suite qu’il se tient près de nous pour nous donner du divin en proportion que la chose est pénible à la nature.  Allons-nous prendre 50 ans pour le pratiquer?  St-Paul dit que ce sont ceux qui sont conduits par l’Esprit-Saint qui sont les enfants de Dieu.  Rom.  8-14.  Il ne dit pas que ce sont ceux qui se conduisent par leur jugement ni par leur volonté, mais par le Saint-Esprit!  et cela n’est pas pour une fois ou deux dans la vie, ce doit être dans tous les détails de la vie.  Notre destinée surnaturelle ne fait pas que s’ajouter à notre destinée naturelle pour que nous nous en servions le dimanche et les jours de fête et le reste du temps agir selon notre destinée naturelle.  Elle supplante la destinée naturelle, qui n’existe plus!  Par conséquent toute la vie dans tous ses détails doit être conduite par la lumière de la foi, influencée par des motifs surnaturels implicites ou virtuels, mais réels quand même.  Tous les prêtres et tous ceux qui sont chargés d’éducation des autres devraient donner cet enseignement bien clair et les exercer assez pour que tous agissent normalement selon la foi en toutes choses sans aucune exception.  Nous sommes les enfants de Dieu en tout temps; donc nous devons nous laisser conduire par l’Esprit de Dieu ou par la lumière de Dieu qui est la foi.  Plus nous agirons selon la foi et plus nous ressemblerons à la Ste Vierge, qui a conçu Jésus par la foi.  Quel honneur pour nous et quelle grâce que de devenir des «Mères» de Jésus.  Lui-même le dit, prenons-le sérieusement!  Le secret donc de faire descendre le divin en moi est de croire de plus en plus et plus parfaitement.  Travaillons donc notre moi avec soin et avec la grâce de Dieu tout nous vient par elle!  Inspiration de Marie.  Comme les eaux reviennent à la mer après avoir fécondé la terre, ainsi l’inspiration de Marie, après avoir sanctifié Elisabeth et Jean Baptiste, revient à elle.  Elle voit le plan de Dieu se dérouler devant elle pour la rédemption de l’humanité.  Elle dit son sublime cantique d’action de grâce envers Dieu pour ses magnificences envers les hommes, et envers elle surtout.


Ceux qui enseignent les voies de Dieu aux autres recevront un surcroît de lumière divine pour celle qu’ils ont donnée aux autres.  L’Ecriture dit qu’ils brilleront comme des soleils dans l’éternité.  Ils en auront donc reçu beaucoup pendant leur vie parce qu’ils l’ont donnée aux autres.  Plus on sème de foi, plus on récolte de foi, selon la doctrine du grain de blé: plus on sème plus on récolte.  Soyons donc des apôtres pour tout de bon afin de répandre autour de nous la doctrine de Jésus et les voies de Dieu.  Quel beau stimulant pour l’apostolat et pour l’action catholique.  Soyons apôtres convaincus!  Ce n’est pas facile d’analyser le Magnificat.  C’est un débordement de louange et de reconnaissance qui ne se canalise pas.  On sent que la Ste Vierge se sent incapable d’exprimer tout ce qu’elle ressent en son âme.  D’abord c’est la grandeur de Dieu qu’elle veut louer.  Son âme fait grand le Seigneur!  Remarquons que c’est son âme, pas seulement ses lèvres; elle n’est pas distraite en disant ces mots.  Elle pense à ce qu’elle dit et elle exprime ce qu’elle a dans son coeur.  Essayons donc de l’imiter quand nous récitons ou que nous chantons l’office, ou que nous disons la messe, et en général dans nos prières.  Non seulement son coeur, mais son esprit exulte de joie en Dieu son Sauveur.  Servons-nous de toutes nos facultés pour louer Dieu.  Que notre attention suive ce qui vient du coeur afin de le diriger vers Dieu.  Que de perroquets parmi les chrétiens qui pensent à toute autre chose qu’aux louanges qu’ils récitent par coeur sans le coeur!  Elle exprime son humilité en attribuant tout à Dieu, mais remarquons qu’elle a conscience des grandes choses que Dieu a faites en elle et que toutes les générations l’appelleront bienheureuse!  On peut donc être humble et reconnaître les grandes faveurs que Dieu nous fait.  Elle ne parle pas de pourriture ni de néant, pourtant c’est la plus humble des créatures.  C’est pour cela que son humilité est parfaite et cellelà consiste simplement à attribuer à Dieu les bonnes choses qu’on a ou qu’on fait.  Voilà notre modèle de l’humilité!  Ce n’est pas celle des anciens jansénistes qui ne parle que de pourriture et de néant.  Après avoir parlé de ce que Dieu a fait en elle, elle loue sa miséricorde sur le monde parce qu’il a déployé sa puissance pour accomplir les prophéties et donner le salut à Israël et à toute la terre.  Comme Dieu a dû surveiller les événements et renverser une foule d’ennemis du peuple juif qui les auraient détruits et empêché leur accomplissement.  Il a pu ainsi combler ceux qui soupiraient après le Messie et qui s’humiliaient devant Dieu pour mieux mériter sa venue.  Dieu a enfin fait tout ce qu’il avait promis aux Juifs pour le salut du monde.  La conclusion pour nous est que nous devons renvoyer à Dieu la gloire de tout le bien que nous faisons par lui.  Il en est le seul véritable auteur; nous ne sommes que ses instruments, par conséquent, c’est à lui que doit aller notre louange et notre reconnaissance.  Si nous avons le malheur de garder pour nous cette gloire qui lui appartient il nous renversera comme les puissants qui lui ont volé sa gloire et il élèvera les humbles qui lui attribuent tout.  Comme il est rare de trouver des apôtres dans tous les rangs de la société qui ne sont pas chatouilleux sur leur honneur!  Comme ils sont heureux quand on les loue!  Comme ils boudent quand on les humilie ou même qu’on ne leur donne pas les louanges qu’ils s’attendent de recevoir.  Mettons deux prêtres ensemble pour faire de l’apostolat et comme ils vont se chicaner vite justement à cause de leur susceptibilité sur celui qui mérite les louanges des sens.  Celui qui n’en a pas devient jaloux de l’autre.  De même parmi les laïques; que de rivalités sur le crédit qu’on veut recevoir des autres.  Combien sont tristes du fait que d’autres sont loués et qu’on les oublie!  Quel rare apôtre que celui qui ne travaille que pour Dieu et qui n’attend que de Dieu seul sa récompense!  Que Dieu nous en donne quelques-uns de plus!

mardi 15 septembre 2015

Légende de l'Exaltation de la sainte Croix - Jacques de Voragine

L'Exaltation de la sainte Croix se célèbre avec solennité dans l'Église. L'an du Seigneur six cent quinze, Dieu permit que son peuple fût frappé de la persécution des païens; et Cosroës, roi des Perses, soumit à son empire impie tous les royaumes de la terre. Venant à Jérusalem, il revint effrayé du sépulcre du Seigneur, et il emporta la sainte Croix que sainte Hélène y avait laissée. Voulant être adoré de tous comme un dieu, il fit construire une tour d'or et d'argent et de pierres précieuses, et il y plaça les images du soleil, de la lune et des étoiles. Par des conduits cachés, il amenait en haut de l'eau, qu'il faisait ensuite retomber en pluie; et, dans un souterrain, il avait placé des chevaux qui tournaient en traînant avec fracas des chariots, et en simulant le bruit du tonnerre. Ayant laissé l'empire à son fils, il résida clans cette retraite, et plaçant près de lui la Croix du Seigneur, il ordonna que tons lui donnassent le titre de Dieu. Et, se tenant sur son trône comme le Père, Cosroës plaça à sa droite, à la place du Fils, le bois de la Croix, et il mit un coq à sa gauche à la place du Saint-Esprit, et il ordonna de l'appeler Père. Alors l'empereur Héraclius réunit une puissante armée, et vint livrer bataille au fils de Cosroës, près du fleuve du Danube. Les deux souverains convinrent de se mesurer seuls, en combat singulier, sur un pont, et que celui qui resterait vainqueur prendrait, sans qu'on lui résistât, le commandement de l'une et l'autre armée. Il fut aussi réglé que si quelqu'un venait au secours de son prince, on lui couperait aussitôt les bras et les jambes, et on le jetterait dans le Danube. Héraclius s'offrit en entier à Dieu et se recommanda à la sainte Croix avec toute la dévotion dont il était capable. Les deux champions en étant venus aux mains, le Seigneur donna la victoire à Héraclius, et l'empereur soumit à son commandement l'armée ennemie, et le peuple entier de Corsoës se convertit à la foi chrétienne et reçut le saint baptême. Cosroës ignorait l'issue de la guerre, car tous le haïssaient, mais personne n'osait lui annoncer cette nouvelle. Héraclius vînt enfin jusqu'à lui, et le trouvant sur son trône d'or, il lui dit : « Comme tu as rendu hommage, selon ta manière, au bois de la vraie Croix, si tu reçois le baptême et la foi de Jésus- Christ, tu conserveras la vie et tes Etats, en me remettant quelques otages. Mais si tu t'y refuses, je te frapperai de mon glaive et je te couperai la tête. » Cosroës n'ayant pas voulu accepter ces propositions, l'empereur le frappa aussitôt et lui coupa la tête. Et comme il avait été roi, il ordonna de l'ensevelir. Héraclius fit ensuite baptiser un fils de Cosroës, âgé de dix ans, qu'il trouva avec ce monarque, et, le retirant lui-même des fonts sacrés, il lui remit le royaume de son père, détruisant la tour dont nous avons parlé, il distribua l'argent à son armée comme sa part du butin, et il réserva l'or et les pierres précieuses pour réparer les églises que le tyran avait détruites. Prenant ensuite la sainte Croix, il la reporta à Jérusalem. Lorsque, descendant du mont des Oliviers, il voulut passer à cheval, et revêtu des ornements impériaux, sous la porte par laquelle le Seigneur était entré pour se rendre au lieu de sa Passion., les pierres de la porte tombèrent à la fois et formèrent une muraille qui ferma le passage. Et, comme tous les assistants étaient frappés de surprise, un ange, qui portait dans ses mains une croix, apparut sur la porte, en disant : « Lorsque le Roi des cieux est entre par cette porte avant de souffrir, il n'était pas revêtu du faste royal, mais il était monté sur un âne, et il a laissé un exemple d'humilité à ses adorateurs. » Ayant dit cela, l'ange disparut. Alors l'empereur, versant des larmes, ôta sa chaussure et se dépouilla de ses vêtements jusqu’à la chemise, et prenant la Croix du Seigneur, il la porta humblement sur ses épaules jusqu'à la porte. Aussitôt la dureté des pierres céda au pouvoir céleste, et la porte, se relevant aussitôt, laissa le passage libre. Et une odeur suave se fit sentir de nouveau, après avoir cessé durant tout le temps que la sainte Croix avait été enlevée de Jérusalem pour être portée en Perse. Et l'empereur s'écria, dans la ferveur de sa dévotion pour la Croix : « O Croix plus splendide que tous les astres, chérie des hommes, sainte à tous, qui seule a été digne de porter la rançon du monde ! Doux bois, doux clous, douce pointe, douce lance; Croix qui as porté un si doux poids, sauve cette foule qui se réunit aujourd’hui autour de toi pour te célébrer dans un concert de louanges, et qui se décore de ton étendard. » C'est ainsi que cette précieuse Croix est remise en sa place, et les anciens miracles se renouvellent. Plusieurs morts sont rendus à la vie, quatre paralytiques sont guéris, dix lépreux deviennent purs, quinze aveugles recouvrent la vue ; les démons sont chassés. Et l'empereur, réparant les églises et les comblant de ses dons, revint dans ses États. Des chroniques racontent différemment ces événements. Il y est dit que lorsque Cosroës dominait sur tous les royaumes, il prit Jérusalem, et le patriarche Zacharie ainsi que le bois de la Croix tombèrent en son pouvoir. Héraclius voulait faire la paix avec lui, et il jura qu'il ne conclurait jamais la paix avec les Romains jusqu'à ce que l'empereur eût renié Jésus-Christ et eût adoré le soleil. Alors Héraclius, plein de zèle, conduisit une armée contre lui, et il vainquit les Perses dans divers combats, et il força Cosroës à s'enfuir jusqu'à Tésifonte. Ensuite Cosroês, attaqué de la dysenterie, voulut faire couronner roi son fils Medasas. Et son fils aîné Siroïs, apprenant son intention, fit un traité avec Héraclius ; et, attaquant son père avec les nobles, il le jeta en prison. Et après l'avoir nourri du pain de la tribulation et de l'eau d'angoisse, il le fit tuer à coups de flèche. Ensuite il remit à Héraclius tous les détenus avec le patriarche et le bois de la Croix. L'empereur rapporta à Jérusalem ce bois précieux, et revint ensuite à Constantinople. C'est ce qui se lit dans beaucoup de chroniques. Et, parmi les païens, la Sybille s'exprima en ces termes au sujet de ce bois, ainsi qu'on le lit dans l'Histoire tripartite : « O bois trois fois heureux sur lequel Dieu a été étendu! » — Un juif étant entré dans l'église, de Sainte-Sophie, à Constantinople, y vit une image de Jésus-Christ. Et voyant qu'il était seul, il tira son épée, et s'approchant, il frappa à la gorge l'image de Notre-Seigneur, et aussitôt il jaillit de cette blessure du sang, et la figure et la tête du juif en furent inondées. Rempli d'effroi, il saisit l'image, la jeta dans un puits, et il prit la fuite. Un chrétien le rencontra et lui dit : « D'où viens- tu, juif? tu as tué un homme, » Et le juif répondit « C'est faux. » Le chrétien lui répliqua « En vérité, tu as commis un homicide, et tu es tout couvert de sang. » Le juif répondit : « Le Dieu des chrétiens est grand, et sa foi est démontrée en toutes choses. Je n'ai point frappé un homme mais l'image de Jésus-Christ, et aussitôt il a jailli du sang de sa poitrine. » Le juif mena ensuite le chrétien au puits et ils en retirèrent la sainte image. La blessure faite à la poitrine du Sauveur est encore apparente aujourd'hui, à ce que l'on rapporte, et le juif se convertit aussitôt à la foi. — Dans la ville de Bérich, en Syrie, un chrétien qui était logé dans une maison moyennant un payement annuel, avait attaché une image de Jésus-Christ en croix sur la muraille, à la tête de son lit, et il priait assidûment devant. A l'expiration de l'année, il loua une autre maison, et, par oubli, il laissa l'image dans celle qu'il venait de quitter. Un juif vint occuper cette maison, et un jour il invita à dîner un de ses coreligionnaires. Pendant le repas, celui qui avait été invité, regardant autour de lui, vit l'image fixée sur le mur, et frémissant de colère contre celui qui l'avait invité, il lui fit de grandes menaces de ce qu'il osait garder chez lui l'image de Jésus-Christ de Nazareth. L'autre juif, qui n'avait pas encore vu l'image, affirmait, par tous les serments qu'il pouvait faire, qu'il ne savait de quelle image on lui parlait. Alors son convive feignit de s'apaiser, puis il prit congé, et il alla accuser auprès du chef de sa nation le juif chez lequel il avait trouvé l'image. Les juifs se réunirent et vinrent à sa maison, et ayant vu l'image, ils l'accablèrent d'outrages et ils le jetèrent à demi mort hors de la synagogue, et, foulant l'image aux pieds, ils renouvelèrent contre elle tous les mauvais traitements de la Passion du Seigneur. Lorsqu'ils lui percèrent le côté avec une lance, il en sortit aussitôt du sang et de l'eau, et un vase qu'on approcha en fut tout plein. Les juifs, frappés de stupeur, apportèrent ce sang à la synagogue, et tous les malades qui en furent frottés recouvrèrent aussitôt la santé. Alors les juifs allèrent raconter en détail tous ces miracles à l'évêque et ils reçurent tous le baptême, se convertissant à la foi de Jésus- Christ. L'évêque conserva ce sang dans des ampoules de verre et de cristal. Il fit aussi venir à lui ce chrétien, et il lui demanda qui avait fait une si belle image. Et le chrétien dit : « C'est Nicodème qui l'a faite, et en mourant, il l'a laissée à Gamaliel; Gamaliel à Zachée, Zachée à Jacques, Jacques à Simon. Elle est restée à Jérusalem jusqu'à la destruction de cette ville, et alors elle a été portée par les fidèles dans le royaume d'Agrippa, et de là clans ma patrie, et elle m'est venue de mes parents par droit d'héritage. Cela se passa en l'an du Seigneur sept cent cinquante. Alors tous les juifs changèrent leurs synagogues en églises. Et c'est alors que s'introduisit l'usage de consacrer les églises; précédemment, on ne consacrait que les autels. A cause de ces miracles, l'Église ordonna que le cinq des calendes de décembre il serait fait la mémoire de la Passion du Seigneur, ou, à ce qu'on lit ailleurs, le cinq des ides de novembre. Et l'on consacra à Rome l'église en l'honneur du Sauveur, où l'on conserve une ampoule de ce précieux sang, et l'on en célèbre encore la fête avec solennité. La vertu de la Croix se révéla aussi dans toute sa grandeur chez les infidèles. Car, ainsi que saint Grégoire le rapporte dans le troisième livre de ses Dialogues, André, évêque de Fondi, ayant permis à une religieuse d'habiter avec lui, le malin esprit commença à lui remettre sous les yeux la beauté de cette femme et à lui suggérer au lit des pensées impures. Un jour, un juif qui se rendait à Rome, voyant la nuit approcher, et ne trouvant pas d'endroit où il pût s'arrêter, entra dans un temple d'Apollon pour y rester jusqu'au matin. Et craignant le sacrilège, quoiqu'il n'eût point foi en la croix, il se munit du bois de la croix. En s'éveillant au milieu de la nuit, il vit une foule de malins esprits qui se tenaient dans l'attitude du respect devant un démon qui était au milieu d'eux, et il dit à chacun de rendre compte de ce qu'il avait fait de mal. Saint Grégoire a passé sous silence, pour motif de brièveté, le mode de cette discussion. Mais on peut imaginer ce qu'il fut, d'après un exemple semblable qu'on lit dans la Vie des Pères. Car quelqu'un étant entré dans un temple des idoles, y vit Satan qui était assis, et tous ses soldats l'entouraient. Et un des malins esprits survint et l'adora, et Satan lui dit : « D'où viens-tu? » Et il répondit « J'ai été en telle province, et là j'ai suscité de grands troubles et déchaîné des guerres furieuses, et j'ai fait verser beaucoup de sang, et je viens te l'annoncer. » Et Satan lui dit : « En combien de temps as-tu fait cela? » Il répondit : « En trente jours. » Et Satan répliqua : « Pourquoi as-tu mis tant de temps pour accomplir pareille chose ? » Et il dit aux assistants : « Prenez-le et flagellez-le, et battez-le bien fort. » Et il .vint un second démon qui adora Satan et qui dit : « Maître, j'ai été sur mer, et j'ai soulevé de furieuses tempêtes, et, faisant sombrer beaucoup de navires, j'ai fait périr beaucoup de monde. » Et Satan lui répondit : « En combien de temps as-tu fait cela? » Le démon répondit : « En vingt jours..» Et Satan ordonna de le flageller pareillement, disant : « Comment dans un pareil espace de temps as-tu pu faire si peu de chose ? » Et il vint un troisième démon qui dit : « J'ai été dans une certaine ville, et j'ai occasionné une grande querelle à des noces, et j'ai fait couler beaucoup de sang et l'époux a été tué, et je suis venu t'apporter cette nouvelle. » Et Satan lui dit : « Combien as-tu mis de temps à faire cela? » Le démon répondit « J'ai mis vingt jours. » Et Satan lui répliqua : « Est-ce qu'en un pareil espace de temps tu as fait si peu de chose ? » Et il ordonna aussi que celui-ci fût rudement fouetté. Un quatrième vint et dit : « J'ai été dans un désert, et je suis resté quarante ans auprès d'un moine, et je l'ai enfin fait tomber dans le péché de la chair. » Lorsque Satan l'entendit, il se leva de dessus son trône, et embrassant ce démon, il ôta sa couronne de dessus son front et il la lui mit sur la tête, et il le fit asseoir près de lui, disant « Tu as vraiment fait quelque chose de grand, et tu as plus travaillé que tous les autres. » C'est donc ainsi ou dans ce genre qu'a pu être le débat que saint Grégoire passe sous silence. Lorsque chacun des malins esprits eut dit ce qu'il avait fait, il en vint un qui dit de quelle tentation charnelle il avait agité l'évêque André au sujet de cette religieuse. Et il ajouta que la veille, à l'heure clos vêpres, il avait amené l'évêque à donner à cette femme un petit coup sur le dos en marque de caresse. Alors Satan l'engagea à accomplir ce qu'il avait commencé, et il dit que l'auteur de la chute de l'évêque mériterait la palme au-dessus de tous les autres. Et il ordonna ensuite aux démons de voir quel était cet homme qui avait eu l'audace de se coucher dans le temple. Le juif fut alors saisi d'épouvante; mais quand les esprits envoyés vers lui virent qu'il était muni du signe de la croix, ils se mirent à pousser de grands cris, et ils dirent: « C'est un vase vide, mais scellé. » Et cette troupe de démons disparut aussitôt. Et le juif alla trouver l'évêque, et il lui raconta tout ce qui était advenu. L'évêque, en l'entendant, se mit à gémir, et il renvoya loin de sa maison toutes les femmes, et il baptisa le juif. Saint Grégoire rapporte aussi, dans ses Dialogues, qu'une religieuse étant entrée dans un jardin, vit une laitue et la trouva de son goût, et, oubliant de la bénir en faisant dessus le signe de la croix, elle y mordit avec avidité ; mais elle tomba aussitôt, le démon s'étant emparé d'elle. Et un homme de Dieu étant venu vers elle, le démon commença à crier et à dire : « C'est moi qui l'ai fait, c'est moi qui l'ai fait; j'étais assis sur cette laitue, elle est venue, et elle m'a avalé. » Mais les prières du serviteur de Dieu le forcèrent bientôt à se retirer. On lit dans l'Histoire ecclésiastique, que les gentils avaient peint, à Alexandrie, les armes de Sérapis sur les murailles ; Théodose ordonna que l'on détruisît ces marques et que l'on y substituât le signe de la croix : ce que voyant, les gentils et les prêtres des idoles se firent baptiser, disant qu'ils avaient appris, par une tradition très ancienne, que ce qu'ils vénéraient devait subsister jusqu'à ce qu'il fût remplacé par le signe dans lequel est la vie. Et ils avaient dans leur alphabet une lettre à laquelle ils donnaient le nom de sacrée et qui signifiait la vie future, et qui avait la forme d'une croix.


Jacques de Voragine – La Légende dorée, Tome II

mardi 8 septembre 2015

Nativité de la Sainte Vierge



Est-il bien vrai qu'à la naissance de Marie, cette grande lumière ait été autre chose qu'un nouvel astre placé au firmament ?

M. F., ouvrez les yeux de votre foi, élevez vos cœurs et comprenez ce grand mystère. La naissance de Marie, la naissance de Jésus et la naissance du chrétien sont une seule nativité: la nativité de l'homme nouveau. Or ce grand jour a ses trois articulations comme tous les autres jours; il a son aurore, son lever du soleil et son midi indéfectible.

Le midi, c'est la perpétuelle naissance de l'Eglise par le baptême. Le lever du soleil a eu lieu à Bethléem, et l'aurore c'est la Nativité de Marie. Voilà pourquoi, à propos de la naissance de Marie, l'Eglise chante: Votre nativité,

Vierge, Mère de Dieu, annonça la joie au monde universel, car de vous est né le soleil de justice, le Christ notre Dieu, qui, abolissant la malédiction, a donné la bénédiction, et confondant la mort, nous a donné la vie éternelle.

Ainsi donc la naissance de Marie est l'aurore du jour divin qui devait inonder l'univers de lumière et de vie. C'est donc l'aurore de notre jour à nous, le moment à jamais mémorable, où nous sommes sortis de l'abîme des ténèbres et de la mort; c'est le commencement de la résurrection universelle. Et alors, Marie est l'apparition anticipée de nous-mêmes. En la voyant et en l'admirant, nous voyons et nous admirons notre glorieux avenir. Telle elle est, tels nous serons; car non seulement notre âme, mais ce misérable corps lui-même sera réformé et prendra la glorieuse figure du corps brillant du Christ. Cette magnifique réformation de l'humanité a commencé en Marie qui est en même temps, la première opération du Christ, et la preuve que cette opération doit s'étendre à la multitude des enfants de Dieu.

En effet, quand nous voyons Marie, qui n'est qu'une pure créature, enrichie de tant de gloire et de beauté, nous savons que Dieu n'a pas limité ses libéralités à la seule humanité unie personnellement à son Fils. En voyant la tête et le cœur du grand Corps chrétien si brillamment ornés, nous en concluons que tous les autres membres de ce corps immense entreront, à leur tour, dans la puissance, la richesse, la beauté et la joie de Marie. Donc, loin de nous ces sentiments pervers qui sont de véritables excroissances de l'infernale inimitié. Au lieu de nous offusquer des gloires de Marie, nous les aimerons comme le fils aime la beauté de sa mère. Comme l'avare aime son trésor, comme le fils de famille aime la gloire de ses aïeux.

Oui, ô Marie, nous sommes vos fils et nous sommes fiers des splendeurs de notre mère. Marie, nous sommes vos enfants, et nous sommes joyeux de ce que vous êtes la plus riche, la plus belle et la plus gracieuse des créatures. Avec notre cœur, bien plus qu'avec nos lèvres, nous chanterons le brillant mystère de votre nativité. Oui, cordialement et vivement, nous chantons au Christ un cantique de félicitations.


Nous le félicitons d'avoir une mère si belle, si grande et si bonne. Et puis, avec une joie pleine de suavité, nous célébrons cette nativité de la bienheureux Vierge Marie, car c'est notre bien et notre béatitude que nous célébrons, puisque cette nativité merveilleuse a illustré toutes les sociétés du ciel et de la terre.

Abbé Picus - Nativité de la Sainte Vierge

mercredi 2 septembre 2015

« Vous êtes la véritable Eglise, dont ils se séparent. » Saint Athanase



Lettre de Saint Athanase évêque d’Alexandrie à ses diocésains en 356

Deus quidem vos consoletur, novi autem quia non hoc solum vos contristat, sed contristat et illud, quia ecclesias quidem alii per violentiam tenuerunt, vos autem interim foris estis a locis ; illi enim loca, vos vero habetis apostolicam fidem. Illi in locis exsistentes, a vera fide sunt foris : vos vero a locis quidem foris estis, fides vero intus. Discutiamus quid sit majus, locus an fides : claret utique quia vera fides. Quis ergo amplius perdidit, vel quis amplius habet, qui locum tenet, an qui fidem ? Bonus quidem locus est, quando illic apostolica fides praedicatur : sanctus est, si ibi habitat sanctus.

Vos autem beati, qui fide in Ecelesia estis, in fidei fundamentis habitatis, et sufficientem satisfactionem habetis, fidei summitatem., quae in vobis permanet inconcussa ; ex apostolica enim traditione pervenit ad vos, et frequenter eam exsecranda invidia voluit commovere, nec valuit : magis autem per ea quae commoverunt sunt abscissi. Hoc est enim quod scriptum est : Tu es Filius Dei vivi, Petro per revelationem Patris confesso et audiente : Beatus es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in caelis est Matth. XVI-17, et coetera. Nemo igitur unquam vestrae fidei praevalebit, dilectissimi fratres : si enim aliquando ecclesias reddiderit Deus, credimus enim hoc ; verumtamen ne tanta ecclesiarum redditionem sufficit nobis fides. Et ne forte sine scripturis loquens, violentia dicam, bonum est vos ad Scripturarum testimonia trahere. Commemoramini enim quia templum quidem erat Jérusalem : templum non erat in eremo, alienigenae invaserant. Ex quo et templum vero Jerusalem ; illi ejecti Babylonia descenderunt, judicio probantis, sive etiam corrigentis Dei ; mainifestantis vero inimicorum sanguinem vorantium poenas ignaris. Et locum quidem habebant alienigenae ; loci vero Dominum nesciebant. In tantum vero, quia nec responsa dabat, nec loquebatur, sed a veritate desolati fuerunt. Quid igitur eos juvat locus ? Ecce enim locum babentes accusantur a diligentibus Deum, quia eum fecerunt speluncam latronum, et domum negotiationis, et domum veli locum sanctum fecerunt amentes sibi, quos illic non licebat intrare. Audivimus enim, dilectissimi, discentes ab his qui inde venerunt haec et deteriora his. Quando igitur labore videntur Ecclesiam tenere, tanto magis ejecti sunt. Et putantur esse infra veritatem,expulsi sunt autem et capti, et nullum lucrum sola Ecclesia quia rarum [rerum] veritas judicatur.

Lettre de Saint ATHANASE Patriarche d'Alexandrie 328-373 à son troupeau
PG. XXVI col. 1189

Vous êtes la véritable Eglise, dont ils se séparent. 

Que le Seigneur vous console dans les afflictions qu'il vous envoie. Une des plus sensibles pour vous, est la perte de vos Eglises, dont les ennemis de J. C. se sont emparés; & de vous voir sans temple, pour vous réunir. Vos ennemis occupent le lieu saint, mais vous avez la foi des Apôtres: ils ont les temples de l'Église, mais ils ne sont plus à elle; parcequ'ils ont renié sa foi: pour vous, vous n'avez pas cessé de lui appartenir. Quel est donc celui des deux partis qui a perdu le plus? Quel est celui qui possède plus qu'il n'avoit : celui qui s'est emparé des murs de vos temples, ou celui qui a conservé la foi de l'Eglise) Il est bon d'avoir des temples: niais c'est lorsque la foi de l'Eglise y est prêchée. Les temples ne sont saints, que lorsque l'auteur de toute sainteté, y habite. Cette privation ne sera que momentanée. Nous espérons que le seigneur nous les rendra un jour dans sa miséricorde. Les Juifs dans le désert n'avoient point de temple, pendant que Jérusalem étoit entre les mains des Infidèles. Quand ils furent mis en possession de cette ville, ils en bâtirent un. Mais par un jugement secret de Dieu, qui voulut les éprouver, ou les punir; ils perdirent leur temple & leur ville", & ils furent conduits en captivité à Babylone. Les Infidèles prirent alors possession de la ville & du lieu saint, mais ils ne connoissoient pas le Seigneur, & il ne répondoit pas à leurs voeux Quel avantage tirèrent-ils donc du lieu saint? Ceux qui occupent les vôtres sont accusés par ceux qui craignent le Seigneur, d'avoir fait de sa maison, une caverne de voleurs, une maison de commerce. Plus ils ont fait d'efforts pour s'emparer de vos temples, plus ils se sont éloignés de la sainte société de l'Eglise. La seule possession du temple n'est donc pas un avantage: car c'est la vérité des choses que nous jugeons, c'est à elle seule que nous attachons quelque prix…