lundi 28 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-13 - Les dons du Saint-Esprit partie 1



DOUZIÈME INSTRUCTION
LES DONS DU SAINT-ESPRIT.
(PREMIÈRE PARTIE)
«Un rameau sortira du tronc de Jessé et de ses racines croîtra un rejeton. Sur lui reposera l’Esprit de Yahveh: esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahveh; il mettra ses délices dans la crainte de Yahveh». Is. 11.
Toute cette activité du Saint-Esprit n’est pas facile à comprendre, et pourtant nous devons la connaître afin de nous mieux plier à ses exigences dans ses différentes manières d’agir dans l’âme.

L’ignorance, là, peut nuire considérablement à l’efficacité de cette action divine. C’est pourquoi il est bon de comparer l’action réciproque des vertus théologales avec celles des dons. Autrement, on est bien exposé à les confondre, surtout parce que leur champ d’opération est pratiquement le même et que tous deux sont des habitudes surnaturelles produites dans l’âme par le Saint-Esprit.
NATURE DES VERTUS THÉOLOGALES.

Ce sont des habitudes surnaturelles que Dieu infuse dans l’âme pour perfectionner nos facultés et leur permettre d’agir divinement. Elles se plient au mode humain d’agir de nos facultés. Nous devons agir selon la manière ordinaire de ces facultés, par exemple, réfléchir, discuter, chercher les meilleurs moyens pour nous conduire à notre fin selon les règles de la prudence humaine, éclairée par la grâce.

Par exemple, c’est comme un enfant qui marche parce que sa mère le tient par la main; c’est lui qui exerce son activité propre, mais aidé par l’activité de sa mère. Ainsi pour faire un acte de foi, c’est moi qui le fais avec un acte de mon intelligence et de ma volonté, mais par le moyen de la grâce que Dieu me donne Les vertus sont donc actives ou produites par notre activité personnelle sous l’influence de la grâce.

Les vertus sont donc produites par deux principes: l’un intérieur, qui est la raison et l’autre extérieur, qui est la grâce. Elles sont supérieures aux dons, mais elles reçoivent d’eux une perfection nouvelle. L’arbre est plus parfait que ses fruits, mais ces derniers lui apportent une perfection appréciable.

On voit tout de suite que l’activité des dons dépend en bonne mesure de la perfection des vertus théologales. Plus elles seront parfaites en nous et plus nous avons des chances de recevoir les dons du Saint-Esprit. Que chacun donc examine comment il pratique ses vertus théologales pour mieux se disposer à recevoir les dons.

Quand on veut récolter de bons fruits, on prend un grand soin des arbres; si donc on veut recevoir les dons, il faut cultiver soigneusement ses vertus théologales. Ceux qui n’ont pas le courage de se servir de leur propre activité pour développer leur vertu de foi, d’espérance et de charité avec la grâce de Dieu, ne doivent pas s’attendre à ce que le Saint-Esprit va encourager leur paresse en produisant lui-même toute l’activité des dons. Qu’ils fassent ce qui dépend un peu d’eux-mêmes, et ensuite ils pourront espérer que le Saint-Esprit viendra à leur secours pour les surnaturaliser davantage. Il nous faut vivre habituellement dans le monde surnaturel des trois vertus théologales pour être l’objet des dons. Ce n’est que dans ce monde que le Saint-Esprit agit. Allons donc nous présenter à lui dans le surnaturel des vertus pour recevoir ce complément merveilleux que sont les dons.
NATURE DES DONS.

Ils sont des habitudes surnaturelles qui donnent à nos facultés une telle souplesse qu’elles obéissent promptement aux inspirations de la grâce. Ils ne sont pas des motions de la grâce ni des actes passagers du Saint-Esprit, mais des qualités permanentes ou des dispositions qui rendent le chrétien docile aux inspirations de la grâce. Ils sont produits directement par le Saint-Esprit dans l’âme qui est plutôt passive, mais par eux elle reçoit une grande énergie pour agir divinement. Elle devient plus active pour faire l’œuvre de Dieu.

En parlant de l’action du Saint-Esprit, Jésus dit: «Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va; ainsi en est-il de quiconque est né du Saint-Esprit». J. 3-8. L’Esprit agit donc d’une façon qui dépasse notre mode humain. Sans nous consulter, pour ainsi dire, il prend les devants et agit de lui-même, sans que nous ayons le temps de consulter la raison; ce sont des inspiration soudaines qui opèrent en nous sans aucune délibération, mais avec notre consentement. C’est comme un instinct divin qui nous indique comment agir promptement selon l’indication divine.

Par les dons, on voit que l’âme participe d’une façon merveilleuse à la vie intime du Saint-Esprit ou de l’Amour divin. C’est tout ce qu’il y a de plus parfait dans notre vie surnaturelle. C’est un mode qui nous rapproche beaucoup du mode d’agir dans le ciel. C’est l’amour divin qui illumine notre intelligence, fortifie notre volonté et enflamme notre amour pour Dieu et les choses de Dieu. Avec ces dons l’âme est capable de faire des actes héroïques et sublimes pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

C’est encore par les dons que l’âme est dans une disposition prochaine pour recevoir la contemplation infuse. C’est donc un moyen très parfait pour arriver à la plus haute sainteté.

Tous ceux qui sont en état de grâce ont les dons comme des facultés surnaturelles, mais tous ne les ont pas en exercice. Cela dépend de leur développement surnaturel surtout dans la charité. Plus celle-ci est parfaite et plus les dons s’exercent dans l’âme habituellement unie à Dieu. Les dons croissent avec les vertus théologales et ils sont connexes avec la charité et solidaires les uns des autres. C’est tout un organisme surnaturel qui se soutient ensemble comme l’organisme humain; si une partie est malade ou fait défaut, tout le reste s’en ressent.
MOYENS DE DÉVELOPPER LES DONS

Il ne suffit pas de vouloir les dons, il faut suivre la marche ordinaire que Dieu a fixée dans son plan pour nous diviniser totalement. Comme il ne suffit pas de vouloir être en santé pour l’être, mais il faut prendre les moyens que Dieu a mis à notre dispositions pour le devenir.

Nous savons que Dieu greffe le surnaturel sur l’organisme naturel de l’homme. Par exemple, la foi doit s’adapter à la façon de comprendre de l’intelligence. Alors plus l’intelligence est développée et plus la foi pourra agir dans l’homme. On peut donc s’attendre que les dons trouveront un sol d’autant plus propre à leur développement qu’il aura été mieux cultivé. Est-ce qu’un cultivateur récolterait quelque chose s’il se contentait de vouloir une récolte et de prier pour l’avoir? Sûrement non! Eh bien! Il en est de même dans la vie spirituelle dans un composé complexe comme l’homme. Plus son naturel sera parfait et plus le surnaturel a de chances de croître en lui.
VERTUS MORALES.
Pour être souple à l’action du Saint-Esprit dans les dons, il faut que l’homme ait dompté ses passions et se soit débarrassé de ses vices. Car ces tendances animales sont aveugles et ne suivent pas du tout les inspirations divines que Dieu peut donner à l’âme. Elles poussent l’homme justement dans le sens opposé à l’amour de Dieu. Il faut pratiquer une saine ascèse, il faut se mortifier, pratiquer la chasteté, l’humilité et l’obéissance, avoir appris à se renoncer pour n’avoir plus d’attaches aux choses créées, afin d’être libre de suivre les directives du Saint-Esprit.

Trop de directeurs spirituels lancent les âmes dans les sommets de la perfection sans prendre les moyens établis par Dieu pour y parvenir. Aussi après bien des années, on les retrouve encore bien impatients, irritables, susceptibles comme des païens! Et quel orgueil encore! Ils ne sont pas capables de prendre le moindre reproche sans faire des colères insensées. Ils ont brûlé les étapes, sans aucun profit spirituel.

On fait la même erreur au sujet de la communion fréquente.

Combien pensent qu’elle dispense de la pratique des vertus morales! Que d’élèves dans les collèges et les couvents communient tous les jours pendant des années… et comme ils sont imparfaits encore! Comme ils ont acquis peu l’amour de Dieu comme on peut le voir pendant les vacances où très peu vont encore communier ou après leurs études finies. Il leur a manqué la pratique de l’ascèse ou des vertus.

On peut ramener ces vertus morales ou pratiques aux quatre vertus cardinales: prudence, justice, force et tempérance. Voilà les moyens établis par Dieu pour préparer l’âme à recevoir la vie surnaturelle correspondant à ces vertus. Ainsi comment se donner aux choses de Dieu si on n’est pas tempérant dans les plaisirs de la terre? Comment un gourmet peut-il désirer la communion fréquente?… Un passionné pour les jeux aimera la prière et la solitude qui préparent à l’union avec Dieu? Tous devraient donc commencer par se purifier de toutes ces passions, non seulement charnelles, mais intellectuelles, comme l’orgueil, l’amour-propre, l’ambition, le respect humain, etc. Perfectionnons donc notre nature humaine le plus possible pour la rendre apte à mieux subir l’influence du surnaturel et même son action directe.

Ces quatre vertus mettent de l’ordre dans tout notre système rationnel: la prudence perfectionne l’intelligence, la justice règle la volonté, la force domine l’appétit irascible et la tempérance l’appétit concupiscible. Mais comme ces deux derniers appétits ne sont susceptibles de moralité que par la volonté, on dit que ces vertus résident dans la volonté. Il faut donc que tout cela soit parfaitement réglé en nous avant de compter sur l’exercice des dons. Or comme cette formation fait lamentablement défaut dans le clergé! Où est le prêtre qui enseigne la pratique de ces vertus dans le détail? Où sont les fidèles qui cultivent ces vertus? Que dirait-on d’un cultivateur qui ne travaille pas sa terre du tout et qui y fait ses semailles? On ne rencontre pas de pareil nigaud dans le peuple! Mais dans le clergé, c’est par milliers ceux qui ignorent comment préparer une âme à recevoir les familiarités de Dieu. Pourtant, Jésus nous donne une très belle parabole à ce sujet dans celle du semeur. Il dit carrément que la semence produit en proportion qu’on a travaillé la terre, qu’on l’a débarrassée des épines, des mauvaises herbes et qu’on sème dans la bonne terre profonde et non sur le bord des chemins ou sur la pierre. La parole de Dieu se sème dans les cœurs exactement comme le grain dans la terre. Il faut donc arracher du cœur tout ce qui est contraire à ce divin. Or, c’est par les vertus morales qu’on nettoie son cœur; commençons par là!
TUER NOS DEUX AMOURS NATURELS.
Dieu est amour et pour aller participer à sa vie divine, il faut avoir son amour. Or son plan est qu’il nous faut semer les biens de la terre pour récolter ceux du paradis. Pour nous permettre de récolter son amour divin, Dieu nous a donné deux amours naturels: l’amour de soi et celui des créatures, qui sont bons en soi évidemment, mais que nous devons semer quand même et précisément pour cela.

La gloire de Dieu exige que nous préférions son amour à quelque chose de bon.

D’abord il faut renoncer à l’amour des créatures même bonnes en soi; je ne dis pas aux créatures, mais à l’affection des créatures. Les créatures ne sont pas rivales de Dieu, mais mon amour pour elles est rival de mon amour pour Dieu.

Nous n’avons qu’un cœur pour aimer Dieu et les choses créées: ce que je donne aux créatures est donc autant d’enlevé à mon amour pour Dieu. Par son premier commandement, Dieu accapare absolument toute notre capacité d’aimer pour lui seul; il n’en reste donc plus pour le créé.

Or les dons sont tout ce qu’il y a de plus parfait dans l’amour divin pour nous. Comment le Saint-Esprit nous les donnerait-il si nous aimons ses rivales à notre affection? Aussi tous les Saints sont d’accord pour nous dire que toute affection ou toute attache pour la moindre créature empêche l’amour de Dieu, empêche l’intelligence des choses de Dieu et met un mur infranchissable entre l’âme et Dieu.

Or les prêtres en général permettent toutes les attaches aux plaisirs créés bons en soi. Mais quand même ils sont bons, l’amour qu’on leur donne est d’autant moins pour l’amour de Dieu. Où sont les chrétiens qui luttent contre ces attaches? Où sont les prêtres qui leur enseignent à faire la guerre à tout amour naturel même bon en soi? Ils sont très rares…

Alors comment le Saint-Esprit donnerait-il ses touches merveilleuses de son amour intime à des hommes qui conservent des amours étrangers au sien? Non, jamais ceux qui ont des attaches n’éprouveront les effets des dons du Saint-Esprit! Or la masse des prêtres comme des fidèles ont des attaches de toutes sortes, comme le tabac, les jeux, les cinémas, la télévision, les courses, la bourse, le luxe, les chiens, les chats même! Ces gens ne recevront pas l’activité des dons. Au contraire ils ont encore une foule de défauts et de mauvaises tendances qu’ils auraient dû corriger par la pratique des vertus morales et le renoncement aux affections des créatures.

L’amour de soi est encore un bien plus grand obstacle aux dons que l’amour des créatures. Encore là, nos philosophes n’enseignent pas aux fidèles de le combattre, pas plus qu’ils ne le font eux-mêmes parce qu’il est bon en soi. Ces gens se donnent à eux-mêmes tout ce qu’ils devraient donner à Dieu; ils travaillent pour leur propre gloire; ils recherchent leurs satisfactions en tout, étant pleins d’eux-mêmes. C’est donc impossible que l’amour divin se donne à eux dans ces conditions.

C’est par le Saint-Esprit que nous suivons J.-C. Or Jésus dit: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive!». Il dit de même pour l’amour du monde: «Si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui».

Donc tout chrétien doit combattre absolument ces deux amours naturels pour se disposer à recevoir les dons du Saint-Esprit. Ce n’est pas une question de fuir le péché, mais de cesser d’aimer une créature quelconque pour elle-même. Qu’on ne dise donc pas: fumer une cigarette n’est pas mal en soi. Cela ne fait aucune différence: du moment qu’on la fume par affection. Elle empêche l’amour divin de se donner dans la même proportion.

De même ceux qui écoutent avec amour la radio ou la télévision le font aux dépens de leur amour de Dieu et donc n’auront pas l’exercice des dons. Ne donnons donc aucun amour aux créatures; gardons-le tout pour Dieu comme le veut le premier commandement. «N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; si quelqu’un aime le monde, la charité du Père n’est pas en lui». Or les dons vont avec la charité du Père…
RECUEILLEMENT INTÉRIEUR.
Il est absolument nécessaire aussi pour l’exercice des dons. Il faut que l’âme ait l’habitude de s’entretenir avec Dieu dans le silence intérieur et dans le calme de l’âme. Car si le cœur est pris avec l’affection des créatures, le Saint-Esprit ne se donnera pas à l’âme d’une façon intime. L’amour de Dieu est exclusif et il aime que nous le sachions, que nous nous éloignions de ses rivales, les créatures. Il nous le fait dire par son prophète Osée: «Je te conduirai dans la solitude et là je te parlerai au cœur». L’amour aime à être seul.

Ceux donc qui courent les places publiques, les foules et les bruits du monde n’ont aucune chance d’entendre la voix du Saint-Esprit dans leur cœur. Tous les Saints ont affectionné la solitude et le calme justement pour être seuls avec Dieu et alors ils entendaient les inspirations de Dieu et ils recevaient l’exercice des dons du Saint-Esprit.

Que chacun se fasse une solitude dans le cœur même au milieu du bruit des villes ou du travail. Il suffit de penser que Dieu nous est toujours présent surtout lorsque nous sommes en état de grâce. Est-ce qu’on ne peut pas bien converser avec un ami intime même au milieu des foules, dans les trains, les places publiques et à l’ouvrage? Quand on aimera le bon Dieu, on fera de même pour lui. On pourra converser avec lui au fond du cœur en tout temps et en tout lieu. Cette intimité avec le bon Dieu est une excellente préparation à l’exercice des dons. C’est de l’amour qui appelle l’amour.

Le prophète Ezéchiel se promenait dans la solitude sur les bords du fleuve Chobar quand le Saint-Esprit est descendu sur lui pour en faire son prophète et pour lui révéler les secrets de la Providence divine au sujet du peuple d’Israël. De même Daniel s’abreuvait de divin dans la solitude des bords du Tigre quand le Saint-Esprit lui donna sa fameuse vision de la venue du Messie.

Ce que Dieu a fait en grand pour ces grands prophètes, il le fera en petit pour tous ceux qui fuient le brouhaha du monde pour s’unir à Dieu et converser avec lui dans les déserts loin des hommes. C’est là que tout à coup il nous vient une lumière spéciale sur un point de la religion qui illumine toute la vie. Une vérité qu’on avait entendue souvent sans en être frappé se présente avec une clarté merveilleuse avec toutes ses conséquences pour la vie pratique. C’est le Saint-Esprit qui a agi par ses dons. Combien de Saints se sont donnés à Dieu par une de ces lumières soudaines du Saint-Esprit!

Ce sont les dons qui font voir le point de vue surnaturel dans le plan divin et dans la religion comme dans notre vie. Que peut-on désirer de plus sur la terre que de voir clair dans tout ce que Dieu a fait pour nous avoir avec lui? Ça vaut bien la peine de tout faire pour nous disposer à recevoir ces dons du Saint-Esprit, qui nous transportent au sein de la Trinité dans la foi, il est vrai, mais encore bien réellement.

On voit comment toute cette préparation revient à détruire nos deux amours naturels qui sont la vie de notre moi païen. Quand ce n’est plus moi qui vis, mais J.-C. qui vit en moi, alors dans la même proportion, c’est le Saint-Esprit qui se charge pour ainsi dire de toute notre activité libre pour l’orienter vers lui. C’est là qu’il aime à agir directement par ses effusions des dons. Il nous fait commencer notre vie au sein de la Trinité avec un mode divin d’agir à la place du mode humain dans les régions inférieures de la vie spirituelle.

Nous ne voulons pas dire que les dons nous font faire des actes miraculeux ou extraordinaires comme des extases ou des prophéties. Nous voulons parler des actes es plus ordinaires de la vie, mais faits dans la foi pure et avec des motifs absolument surnaturels. Les dons du Saint-Esprit agissent là comme dans les états extraordinaires. Ainsi la Sainte Vierge faisait des choses bien ordinaires mais avec un amour et une intention extraordinairement divine. Tout le divin se trouve non pas dans l’acte lui-même, mais dans le mode ou l’intention et dans le degré de grâce sanctifiante. Plus un acte a de divin en lui et plus il est méritoire devant Dieu.

On comprend combien importante est la mort à soi pour laisser le champ libre au Saint-Esprit! Plus je m’efface et plus il prend ma place pour faire par lui-même ce que je faisais moi-même. Cependant je garde assez de liberté pour acquiescer à son action et ainsi avoir du mérite devant Dieu.

Saint Jean de la Croix dit que l’âme doit se tenir dans un silence recueilli et une solitude absolue pour que le Saint-Esprit puisse réaliser ses désirs sur elle. Il la porte comme une mère qui prend son enfant dans ses bras et il se charge lui-même de sa direction intime. Il règne en elle par l’abondance et la tranquillité de la paix qu’il y répand.

Que tous ceux donc qui veulent vivre des dons se retirent des plaisirs du monde et de tout ce qui peut capter leur attention en dehors des choses de Dieu. Ils doivent faire le vide au fond de l’âme pour que le Saint-Esprit ne trouve aucun rival à son amour. L’amour veut tout ou rien! Car c’est une fin. A plus forte raison l’amour infini!
LA PRIÈRE est nécessaire ici encore plus que jamais pour montrer notre amour pour les dons. Comme il s’agit de faveurs immenses pour nous sanctifier, Dieu fait dépendre ses dons de la prière. Il faut les demander constamment et humblement. Demandons-les en union avec J.-C. qui nous a promis de nous envoyer son Saint-Esprit et en invoquant celle qui est le temple du Saint-Esprit et qui a prié avec les Apôtres pour recevoir le Paraclet à la Pentecôte.

Apprenons par cœur les hymnes et les prières de la liturgie concernant le Saint-Esprit et récitons-les souvent: le Veni, Creator Spiritus, le Veni, Sancte Spiritus, etc.

Il ne faut pas oublier aussi de faire les sacrifices que la Providence divine nous demande au jour le jour. Si personne ne peut montrer plus d’amour pour ses amis qu’en mourant pour eux, nous montrons un grand amour pour J.-C. en mourant un peu dans tous les sacrifices qu’il nous demande. Participer à sa croix, c’est participer à son amour et cela d’une façon bien concrète et pratique.

C’est le complément de la prière. Puisqu’on demande les biens célestes, il est bon en même temps de montrer qu’on méprise les biens terrestres en les sacrifiant pour l’amour de Dieu. Ces deux bonnes choses sont une préparation à la réception des dons si l’on remplit les autres conditions aussi que nous avons déjà indiquées plus haut.

D’après Saint Thomas, les dons sont nécessaires au salut. 1-11, q. 68, ad 2. Car la Sagesse dit, 7-26: «Dieu n’aime que celui qui habite avec la sagesse». Et dans l’Ecclésiastique, 1-28: «Celui qui n’a pas la crainte de Dieu ne pourra devenir juste». Or la sagesse est le plus élevé des dons et la crainte est la moins élevée. Donc tous sont nécessaires au salut.

Léon XIII, Encyc. sur le Saint-Esprit, écrit: «Le juste qui vit de la vie de la grâce et qui agit par les vertus comme par des facultés a absolument besoin des sept dons du Saint-Esprit».

Les prêtres devraient le savoir et donc les expliquer souvent aux fidèles, afin qu’ils se disposent mieux à les recevoir et qu’ils prient plus pour cette faveur.

Tous ces dons sont connexes avec la charité et en dépendent. Ils se développent et se manifestent selon le degré de charité qu’on a. Ils sont aussi solidaires les uns des autres. Pour augmenter en l’un, il faut augmenter en tous. Cependant il arrive que chaque chrétien brille surtout dans quelques-uns plus que dans les autres, selon son tempérament et la grâce de Dieu.
LEUR DIVISION

Leur division en sept leur vient de la nature des facultés qu’ils perfectionnent. Comme la lumière blanche en passant à travers un prisme se divise en différentes couleurs et nuances, ainsi l’action simple du Saint-Esprit passant par nos facultés se divise en sept dons différents. Les trois moins parfaits: la crainte, la piété et la force perfectionnent la volonté et les quatre autres, l’intelligence.

Supposons qu’on amène à une belle pièce de théâtre un homme presque aveugle, sourd et peu intelligent; que va-t-il prendre de cette pièce? A peu près rien. Ces choses ne l’intéresseront pas. Eh bien! Il en est un peu ainsi dans la vie spirituelle: ceux qui n’ont pas les dons comprennent peu et goûtent encore moins les choses de Dieu; ils restent bien indifférents à leur égard.

Par l’insouciance à peu près générale des fidèles pour les choses spirituelles, on peut en conclure que très peu remplissent les conditions exigées par le Saint-Esprit pour recevoir le dons. C’est guère mieux chez les prêtres et les religieux. Quel dommage que d’avoir fait tant de sacrifices pour être catholique et arrêter justement au moment de recevoir les plus grandes faveurs de Dieu dans ces dons du Saint-Esprit! C’est surtout par eux que nous vivons la vraie vie de Dieu comme dans le ciel, où Dieu produira en nous toute son activité divine et avec nous. Il se réserve toutes nos initiatives et nous conduit comme une mère conduit son enfant par la main… C’est là qu’on devient parfait comme le Père céleste en agissant comme lui, en lui et par lui. Le travail de la perfection consiste à se défaire du mode humain dans les vertus pour prendre le mode divin qui se réalise surtout par les dons. Car même dans la foi, on est exposé à voir les choses à la façon des hommes et donc très imparfaitement. Par exemple, la foi me dit que J.-C. est présent au Tabernacle; je le crois, mais que de nuances dans cette croyance parmi les chrétiens! Quelle indifférence chez la plupart pour ce Jésus! Mais à mesure qu’ils se disposent pour recevoir les dons, ils voient des merveilles dans ce sacrement qu’ils ne voyaient pas avant. De même au sujet de l’amour du prochain, il faut les dons pour voir J.-C. dans son prochain d’une façon pratique et méritoire pour le ciel.

Enfin, en proportion qu’on veut commencer sur terre la vie du ciel en société des trois Personnes de la Trinité, on doit tout faire pour acquérir les dons du Saint-Esprit. Ce sont eux qui donnent le couronnement à notre vie spirituelle dans la grâce sanctifiante. Ce sont eux qui l’illuminent des clartés divines comme prélude de notre vie au ciel.

«Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils verront Dieu»! Demandons les dons et recherchons-les de toutes nos forces pour notre plus grand bonheur et la plus grande gloire de Dieu! Que Marie Médiatrice de toute grâce nous obtienne ces dons divins!

Père Onésime Lacouture - 3-12 - Le Saint-Esprit



ONZIÈME INSTRUCTION
LE SAINT-ESPRIT.

«Quand cet Esprit de vérité sera venu; il vous enseignera toute vérité; car il ne parlera pas de lui-même mais il dira tout ce qu’il aura entendu et il vous annoncera les choses à venir». Jo. 16-13.

Pour la plupart des catholiques, le Saint-Esprit est le grand Inconnu. Ils ont une idée bien vague de sa nature et de sa fonction au sein de l’Eglise. A quoi attribuer cette insouciance envers la Troisième Personne de la Sainte Trinité? Toutes les causes peuvent se résumer en celle-ci.

Comme le Saint-Esprit procède du Père et du Fils dans la Trinité, il faut aussi qu’il procède de ces deux Personnes en nous. C’est en proportion que nous vivons la vie de la grâce sanctifiante, qui est la vie du Père et que nous vivons la mentalité de Jésus dans nos facultés spirituelles, que le Saint-Esprit viendra en nous pour nous sanctifier et nous donner l’amour de Dieu qui est sa fonction propre et essentielle.

Or la plupart des chrétiens ne vivent pas suffisamment la vie propre des deux premières personnes divines. Ils estiment si peu la grâce sanctifiante qu’ils la perdent pour des riens. Comme ils commettent le péché mortel facilement! Comme ils restent longtemps dans cet état si triste! C’est donc qu’ils ne tiennent pas beaucoup à la vie du Père dans leur âme. Tous savent que la communion en est la nourriture par excellence et cependant comme ils communient rarement!

Où sont ceux qui ont la mentalité de Jésus? Qui pensent comme lui, parlent comme lui et agissent comme lui? Si peu l’étudient dans la Bible, si peu méditent sur les Evangiles et les Epîtres, qu’ils les connaissent peu. Ils ne l’ont donc pas dans le cœur. On le voit bien puisqu’ils n’en parlent à peu près jamais.

Ils sont tout aux choses du monde et lui donnent le meilleur de leur cœur et de leur temps. Ils s’affectionnent si bien aux bagatelles de la terre qu’ils n’ont plus de place dans leur cœur pour Jésus. Ce qui le concerne ne les intéresse pas ou trop peu.

Or Notre Esprit Saint à nous est celui qui procède de notre vie divine du Père et de notre vie de J.-C.: il ne peut donc pas être plus fort ou plus vivant que les deux premières personnes le sont en nous. Tout chrétien doit donc s’efforcer d’augmenter en lui la vie divine et la mentalité de Jésus, afin d’augmenter son amour pour Dieu ou l’activité du Saint-Esprit en son âme. Ça devrait être là le but de toutes nos prières et de nos désirs. Demandez et vous recevrez.

N’attendons pas de sentir de l’attrait pour lui; il dépasse la vie des sens et même la raison, c’est la foi seule qui nous le révèle, alors il faut le vouloir selon la foi. Nous savons qu’il est Dieu et que c’est lui seul qui va nous sanctifier: c’est assez pour supplier Dieu constamment pour qu’il nous donne son Esprit Saint.

Voici le bon moyen pratique pour augmenter la vie du Saint-Esprit en nous. Saint Paul dit que le nouvel homme créé dans le Christ par l’opération du Saint-Esprit se renouvelle à mesure que le vieil homme créé en Adam et donc l’homme naturel dépérit en nous. Que chacun s’efforce donc de tuer en lui le «païen» en lui soustrayant ce qui l’alimente: les plaisirs sensibles et naturels, donc en pratiquant la mortification et le renoncement à soi-même. Il ne suffit pas d’éviter le péché, il faut en plus détruire toute affection pour les choses créées. Le malheur est que tant de prêtres philosophes se contentent de prêcher contre les péchés et tolèrent et même encouragent les attaches aux plaisirs sensibles. Mais cet amour pour les créatures empêche l’amour divin ou le Saint-Esprit de se donner aux fidèles qui cultivent ces affections naturelles même pour les bonnes choses.

Les trois personnes divines sont nécessaires à notre salut. C’est le Père qui nous a créés, c’est le Fils qui nous a rachetés, mais c’est le Saint-Esprit qui nous sanctifie. Ce dernier est donc aussi important pour nous que les deux autres. Respectons cet ordre et occupons-nous de chacune des personnes comme si elle était seule pour nous sauver. Or, un grand nombre de chrétiens ne s’occupent pas assez du Saint-Esprit. Faisons donc cette méditation pour augmenter notre dévotion envers notre sanctificateur. Etudions d’abord… fonction du Saint-Esprit dans…

SA FONCTION DANS LA TRINITÉ

La fonction essentielle d’un être le suit dans toute son existence. Si donc nous découvrons la fonction essentielle du Saint-Esprit au sein de la Trinité, nous saurons qu’il vient en nous pour exercer la même fonction. Il nous faut bien expliquer un peu le mystère de la Trinité pour nous faire une idée du Saint-Esprit. Dieu lui-même nous a révélé assez de ce mystère pour nous ravir d’admiration et nous enflammer de son amour.

Puisque Dieu nous a créés pour participer à cette activité trinitaire, il a dû nous créer un peu à son image. Commençons donc par examiner cette image de la Trinité en nous et de là nous monterons plus facilement au mystère lui-même dans le ciel. Faisons cette étude en priant le Saint-Esprit de nous éclairer de sa lumière divine.

Notre âme est un esprit vivant et immortel, correspondant à la substance du Père. Cet esprit agit et produit des pensées distinctes de lui, puisque ces pensées vont et viennent tandis que l’esprit demeure On admire ses pensées et on les veut: c’est de l’amour; Nous avons donc en notre âme une substance spirituelle, des pensées intellectuelles et une volonté ou de l’amour: ces trois choses constituent notre âme agissante. En Dieu nous retrouvons ces trois choses d’une façon infiniment plus parfaite. Dieu est la vie essentielle, la sagesse infinie et l’amour substantiel. En Dieu ce sont des Personnes formant un seul Dieu, parce qu’elles ont la même essence divine et infinie, distinctes cependant l’une de l’autre.

Le Saint-Esprit est comme le trait d’union entre le Père et le Fils et on l’appelle: l’amour. Il est aussi la sainteté de Dieu ou l’adhésion de la volonté divine pour toutes ses perfections infinies. Cela correspond en nous à notre amour-propre. En Dieu, comme tout est infini et essentiel, son amour-propre est parfaitement légitime et infiniment parfait comme toutes ses autres perfections. Il est aussi le bonheur divin, puisque le bonheur consiste dans l’amour. Les deux premières Personnes trouvent leur amour réciproque dans le Saint-Esprit.

Voilà les grandes lignes de la fonction du Saint-Esprit dans la Trinité. On peut en déduire des conséquences très pratiques pour notre vie spirituelle, comme nous le verrons à mesure que nous avancerons dans cette série.

C’est déjà assez pour montrer que nous devons donner autant d’importance à la troisième personne de la Trinité qu’aux deux autres. Nous avons tort de toujours nous arrêter seulement aux deux premières Personnes; c’est arrêter juste aux portes de l’amour divin! Et de la sainteté! Et du bonheur! Comme en nous, c’est l’abondance de la vie et de la sagesse qui contribue à notre bonheur, ainsi dans la Trinité c’est la vie du Père et la Sagesse du Fils qui constituent les deux éléments qui contribuent à former le Saint-Esprit. Plus nous lui serons dévoués et plus il nous introduira dans l’activité propre des deux premières Personnes: la vie divine et la sagesse divine.

C’est pourquoi il est dit des Apôtres, remplis du Saint-Esprit, qu’ils parlaient des grandeurs de Dieu: c’est que le Saint-Esprit qui les pénètre parfaitement les leur révélait. Il en sera de même pour nous; plus nous serons pleins de cet Esprit et plus nous pénétrons dans les profondeurs du mystère de la divinité.

Si Jésus dit que nous devons être une seule chose avec lui, afin d’être une seule chose avec son Père, il est clair que nous devons faire une seule chose aussi avec le Saint-Esprit. Or il passe son éternité à scruter les profondeurs des perfections infinies de Dieu; il trouve là toutes ses complaisances. Eh bien! Tout chrétien doit faire de même; il doit s’efforcer de scruter les perfections divines que la révélation nous a manifestées. On les trouve dans les saintes Ecritures que nous devrions lire assidûment et avec amour, afin d’y trouver la vie éternelle.

Quel dommage que les chrétiens recherchent tant la vie naturelle du corps et la science des hommes, qu’ils soient si indifférents pour la vie éternelle et la sagesse infinie de Dieu!

Nous savons maintenant ce que nous trouverons dans la Sainte Trinité et surtout dans l’Esprit Saint: l’amour, la sainteté et le bonheur. Ce devrait être assez pour nous encourager à étudier le Saint-Esprit et à vivre sa vie d’amour divin. Toute son activité est divine. Rien d’humain là. Eh bien! Plus nous nous dégagerons de notre activité naturelle intentionnelle pour n’agir qu’avec des motifs purement surnaturels et plus nous sentirons les effets de son amour divin en nous. Il ne s’agit pas ici simplement de parler de lui, mais de le vivre exactement comme il le fait dans la Sainte Trinité, tout occupé aux perfections divines. Faisons de même!

DANS L’EGLISE.

Jésus nous indique souvent le rôle du Saint-Esprit dans l’Eglise. «J’ai encore beaucoup de choses à vous dire que vous ne pouvez porter maintenant; le Saint-Esprit y pourvoira quand le moment sera venu». Jo. 14-26. «Il vous enseignera toute vérité». Jo. 16-13. «Il vous suggérera et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit» «…Il demeurera avec vous». Jo. 14-17 C’est donc lui qui fera comprendre le plan et la doctrine de Jésus et les leur fera pratiquer. Il continuera donc l’œuvre de J.C. d’une façon invisible mais bien réelle.

Les Actes des Apôtres attribuent au Saint-Esprit tous les faits merveilleux et les conversions qui se font par le ministère des Apôtres. «Ils se mirent à parler diverses langues selon que le Saint-Esprit les inspirait». C’est lui qui choisit ceux qui doivent prêcher et les endroits où ils doivent aller, comme dans le cas de Paul et de Barnabé. «Pierre parlait encore quand le Saint-Esprit tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole de Dieu». Act. 10-40. Il envoie Paul et Barnabé à Chypre; il leur défend de parler à Bythinie comme ils en avaient l’intention. Act. 22-22. C’est lui qui fait établir les prêtres et des évêques où il en faut. C’est donc le Saint-Esprit qui conduit l’Eglise naissante d’une façon manifeste dans les paroles et les actes. C’est donc encore ce qu’il fait puisqu’il doit la diriger jusqu’à la fin des temps.

La conclusion pratique est que nous devons respecter l’action du Saint-Esprit dans le travail de l’Eglise. A quoi bon trouver à redire contre le choix des prêtres et des évêques; il prend la matière qu’il a sous la main pour ainsi dire, comme il a pris les Apôtres avec leurs défauts naturels, tels qu’ils étaient.

Appliquons donc ici la doctrine de Saint Paul lorsqu’il dit que Dieu a laissé tomber dans l’infidélité les Juifs et il est allé chercher les païens dans l’infidélité pour que tous éprouvent les effets de sa miséricorde divine. Eh bien! C’est encore pour la même raison que le Saint-Esprit choisit des hommes souvent très imparfaits pour ses ministres, afin que la vertu de sa grâce soit plus manifeste et donc sa gloire plus grande. Il veut que tous s’améliorent constamment dans la vertu; tant pis pour celui qui ne le fait pas! Ce n’est pas la faute du Saint-Esprit!

Ne nous arrêtons donc plus aux éléments humains dans les prêtres ou les évêques. Mais surveillons l’action du Saint-Esprit à travers leurs imperfections et avec leurs imperfections. Faisons de même dans les événements civils, dans les guerres et les bouleversements des gouvernements. Le Saint-Esprit saura tirer du bien pour nos âmes si nous avons foi en lui.

Par exemple, lorsque Dieu enleva le Canada à la France catholique pour le jeter dans les bras de l’Angleterre protestante, les contemporains étaient navrés de ce qu’ils considéraient comme un immense malheur pour la colonie catholique. Cependant l’histoire montre que ce fut pour le plus grand bien des Canadiens. Quelques années après éclatait la Révolution française qui paganisa la France et ses colonies; nous aurions subi le même sort. Mais elle n’avait plus d’influence sur nous. Et comme nous nous défions de l’Angleterre protestante nous sommes restés unis à nos prêtres qui nous protégèrent contre le protestantisme de nos conquérants. C’était donc pour le plus grand bien du Canada quand Dieu envoya ce grand malheur à notre pays selon le jugement des Français du temps.

Nous pourrions appliquer ici une parole de Saint Paul qui dit que tout ce qui est arrivé dans l’Ancien Testament était une figure du nouveau et pour notre instruction. Or dans l’histoire du peuple de Dieu, l’action divine est très évidente. Par exemple, tous les faits qui ont contribué à la délivrance du peuple de l’esclavage des Egyptiens pour le conduire en Terre Promise sont presqu’un miracle continuel. Ce qui apparaît surtout dans les quarante années de leur marche dans le désert. Tout était contraire au bon sens humain et tout très pénible à la nature humaine. Aussi les Juifs n’ont pas cru en cette action divine et ils ont murmuré comme de vrais païens contre Dieu. Qu’ont-ils gagné? A part deux hommes, ils sont tous morts en route pour leur châtiment. S’ils s’étaient soumis à Dieu, ils auraient été soutenus par lui-même d’une façon miraculeuse et ils auraient été parfaitement heureux même dans ce désert.

Eh bien! Dieu tient autant à sa gloire pour nous conduire à la vraie Terre Promise du ciel; il va donc le faire par des moyens que réprouve le bon sens humain. Mais si nous vivons de foi malgré toutes ces épreuves, elles ne nous nuiront en rien et nous serons heureux même en ce monde.

Par exemple, on trouve que son curé agit en païen et n’a pas de vertu, une raison de plus pour mieux servir Dieu selon l’enseignement de la foi que nous devrions connaître. Dieu ne nous demandera pas compte de la conduite de notre curé mais de la nôtre. C’est justement pour que nous servions Dieu uniquement pour son amour que Dieu nous donne des prêtres imparfaits. S’ils étaient tous des saints, on serait bon chrétien pour l’amour de notre curé… et Dieu ne le veut pas! Si nous agissons selon la foi, les fautes de nos prêtres ne pourront jamais nous nuire. Comme le baptême ne dépend pas de la vertu de celui qui le confère, ainsi la pratique de notre religion ne dépend pas de la vertu des prêtres. Dieu le fait exprès pour nous laisser apparemment seuls quand nous voulons bien le servir, afin que nous le fassions uniquement par amour pour lui et pas pour faire comme les autres.

Cessons donc de critiquer contre nos supérieurs et contre les prêtres, autrement nous serons punis sévèrement comme les Juifs autrefois quand ils ont murmuré contre Moïse et Aaron. Nous le serons encore plus parce que nous avons plus d’instruction religieuse que les Juifs en avaient et que nous devons avoir plus de foi. Tous ceux qui murmurent montrent qu’ils vivent de raison naturelle et non de foi. Or Dieu nous conduit selon sa lumière divine de la foi; jugeons donc selon la même lumière. Rappelons-nous donc que Dieu aime à faire tout le contraire du bon sens humain précisément pour nous obliger à reconnaître que c’est sa sagesse seule qui mène le monde.

Est-ce que ce n’est pas sagesse divine que de nous faire crucifier tous les jours pour expier comme Jésus nos péchés et pour mériter le ciel? Est-ce que Jésus ne dit pas que nous devons tous porter la croix tous les jours de notre vie? Eh bien! Quoi d’étonnant qu’il nous vienne des croix des personnes avec lesquelles on vit, soit supérieurs, soit égaux, soit inférieurs? Eh bien! Toutes ces contrariétés nous sont envoyées par Dieu justement pour nous faire imiter Jésus dans le portement de sa croix et dans sa passion. «Nous régnerons avec lui, pourvu que nous souffrions avec lui».

Ce qui est dit qu’au commencement du monde, «le Saint-Esprit se mouvait sur les eaux», peut se dire aussi de nos jours. Le Saint-Esprit couvre toute l’Eglise de son action divine et de son influence continuelle pour la protéger contre l’enfer et la conduire au ciel. Il n’a de limites que dans la volonté humaine qui s’oppose souvent à son action divine par ses péchés, ses mauvaises tendances et ses attaches aux créatures.

De nos jours, le pire obstacle à l’action du Saint-Esprit est certainement le philosophisme que nous avons attaqué déjà bien souvent. Comme cette ivraie tient toute la religion dans la tête seulement, le Saint-Esprit qui est amour n’agit pas là. Il veut agir dans les cœurs; c’est donc là qu’il faut mettre notre religion si nous voulons qu’il agisse avec amour en nous. Cet Esprit n’a rien à faire avec la religion abstraite des «in se». C’est le cœur qu’il veut, mais les philosophes tiennent les fidèles uniquement dans la tête avec leur religion abstraite.

Que Dieu nous accorde la grâce de massacrer ce philosophisme diabolique qui infecte tout le clergé en général! Que Dieu nous donne son Saint-Esprit et le monde sera recréé et la face de la terre renouvelée! Cette religion squelette du philosophisme ne nourrit pas les âmes, tandis que la religion du cœur et de l’amour de Dieu ferait des merveilles pour améliorer le monde. Puisse Dieu débarrasser l’Eglise de cette engeance infernale qui est d’autant plus dangereuse qu’elle n’est pas dans ce que les prêtres disent, mais dans ce qu’ils ignorent et donc qu’ils ne disent pas! Que toutes les bonnes âmes prient et se mortifient pour obtenir de Dieu la grâce que les évêques arrivent à voir cette ivraie subtile et néfaste, afin de lui faire une guerre à mort!

DANS L’ÂME.

Evidemment, tout ce que nous venons de dire de la fonction du Saint-Esprit dans l’Eglise s’applique en petit à toute âme chrétienne ou même païenne dans une certaine mesure. Cependant, il est utile de descendre dans quelques détails de la fonction du Saint-Esprit dans chaque homme en particulier.

Pour comprendre cette fonction, il est bon de nous arrêter à notre fin dernière. Nous avons été créés dans l’ordre naturel, mais Dieu nous destine à l’ordre surnaturel. De nous-mêmes, nous ne pouvons rien faire pour nous transformer de simples humains en êtres divins. C’est là le but de l’action du Saint-Esprit en nous: elle est double: nous purifier du péché et nous paganiser parfaitement, puis ensuite nous diviniser parfaitement aussi. En d’autres termes, comme il veut se substituer à nos deux amours naturels pour que nous vivions d’amour surnaturel, il dirige toutes ses grâces à produire ces deux effets en nous.

Il faut à tout prix qu’il nous enlève nos attaches même aux bonnes créatures, car son amour divin ne peut supporter de rival. Or nous avons tous des attaches. Voilà pourquoi il nous faut faire la guerre à ces attaches de toutes les façons possibles. Car les saints enseignent qu’une seule attache même met un mur infranchissable entre Dieu et l’âme et que cette âme n’aura pas l’intelligence des choses de Dieu.

Trop de chrétiens pensent qu’il leur faut seulement sortir de leurs péchés pour recevoir les grâces du Saint-Esprit avec son union intime dans l’amour. Comme on vient de le dire: tout amour étranger l’empêche de se donner. Jésus nous a bien dit que nous ne pouvions pas aimer Dieu et le monde: que si on aime l’un, on déteste l’autre. Par conséquent, pour avoir l’amour divin, il faut nous débarrasser de tout amour pour les créatures.

Comme il n’y a pas de bonheur pour des époux dont l’un entretient une affection étrangère, de même le Saint-Esprit boude ceux qui ont des attaches pour quelque créature que ce soit. Le moindre fil empêche un oiseau de voler tant qu’il ne brise pas cette attache, de même la moindre attache empêche l’âme de s’envoler vers Dieu, dans le monde de l’amour.

Voilà pourquoi le Saint-Esprit agit si peu dans nos chrétiens et qu’ils n’ont pas de dévotion pour l’amour divin: leur cœur est déjà pris par l’amour naturel des créatures. Nos prêtres philosophes sont responsables de ce triste état de choses, puisqu’ils permettent ces affections naturelles pour les bonnes choses créées.

Tout ce que nous venons de dire n’est qu’une préparation négative pour recevoir le Saint-Esprit. Est-ce qu’une épouse serait satisfaite si son mari se contentait de ne pas la tuer ni de la blesser? Sûrement non! Elle s’attend à des actes positifs d’amour de toutes sortes dans les petits détails de la vie journalière. Eh bien! Après s’être purifié de ses péchés et de ses attaches, tout catholique doit s’efforcer de faire plaisir constamment au Saint-Esprit dans tous les petits détails de sa vie spirituelle: il doit penser comme Dieu, il doit parler comme J.-C. et il doit aimer comme le Saint-Esprit. Donc il doit vivre habituellement dans l’ordre surnaturel et tout faire uniquement pour des motifs absolument surnaturels.

Il doit parler des choses de Dieu à tout le monde autant que possible, comme on parle à tout le monde de ceux qu’on aime. Qu’il agisse comme en véritable enfant de Dieu, s’efforçant de faire tout ce qu’il sait, lui être agréable, comme de visiter les malades, les pauvres et les secourir, visiter J.-C. au Tabernacle, le recevoir dans la Sainte Communion: en un mot il doit être tout aux choses de Dieu.

Jamais on ne récompense un homme parce qu’il ne tue pas ou ne blesse personne, mais pour des actes de charité, pour des œuvres méritoires et pour son amour qu’il manifeste envers les autres. Qu’on cesse donc de croire en règle en Dieu parce qu’on ne pèche plus mortellement ni véniellement: il faut en plus des actions positives d’amour de Dieu et du prochain. En proportion qu’on fait des actes agréables à Dieu, on éprouvera les effets de la bonté divine en recevant les grâces et les lumières abondantes du Saint-Esprit pour nous sanctifier. Dieu dit qu’il donnera la même mesure que nous lui donnons.

Si nous savions ce que le Saint-Esprit peut faire avec une âme qui s’abandonne parfaitement à son action, nous ferions tout au monde pour lui être agréable en tout, après nous être purifiés de nos péchés et de nos attaches, Jésus lui-même dit que nous ferions même plus que lui avec la grâce.à Dieu.

Que de bien à faire dans ce triste monde livré à la vie animale et au paganisme intellectuel avec tous les maux qui affligent l’humanité sous le règne de Satan! Tout remède à ces misères nous dépasse absolument, mais si nous nous unissons à la vie d’amour divin du Saint-Esprit, nous pourrons renouveler la face de la terre et créer un monde nouveau. Où sont les généreux et les anges pour se livrer à l’amour divin comme instruments dociles dans ses mains pour accomplir ces merveilles? Quel est le prix? Le sacrifice des plaisirs des échantillons pour jouir des joies ineffables de l’amour divin dans la contemplation des perfections divines!

LA SOIF DU DIVIN

Comme l’essence du Saint-Esprit est un soupir d’amour réciproque des deux premières personnes divines, si nous voulons participer à son essence nous devons essayer de faire souvent de ces soupirs d’amour vers Dieu. Au début surtout, le Saint-Esprit attend que nous fassions notre petite part en montrant notre bonne volonté d’avances davantage dans le divin. Il ne faut pas s’attendre à sentir de l’attraction pour ces désirs vers l’amour divin. Ils doivent être formés d’après la lumière de la foi. Par elle, nous savons que c’est le Saint-Esprit seul qui nous sanctifie… et qu’il se donne en proportion que nous le désirons. Avec cela, c’est assez pour que nous désirions ardemment recevoir ce divin Esprit dans nos cœurs, afin qu’il nous divinise davantage par ses grâces. Notre éternité va consister à nous abreuver aux sources infinies de la divinité dans l’amour de Dieu. Commençons tout de suite pour continuer dans l’éternité.

Quand Jésus veut exciter la soif de la grâce dans l’âme de la Samaritaine, il commence par lui faire mépriser l’eau naturelle qu’elle est venue chercher. «Ceux qui boivent de cette eau auront encore soif; mais ceux qui boiront de l’eau que je leur donnerai n’auront plus jamais soif! Et la Samaritaine lui demande tout de suite de cette eau merveilleuse… et il lui en donne!

Remarquons que la quatrième béatitude: «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice» vient après les trois premières qui demandent le détachement de tout.

Par conséquent pour exciter la soif du divin en nous, il ne suffit pas de la désirer ni de la demander dans la prière, il faut en plus diminuer notre amour pour les choses créées et donc en sacrifier le plus possible. Alors le Saint-Esprit remplacera cet amour naturel par son amour surnaturel de Dieu. Les prêtres devraient toujours exiger des sacrifices en plus de la prière; autrement elle n’est guère efficace. Que d’illusion à croire qu’on préfère Dieu aux choses créées quand on se contente de le lui dire dans la prière! C’est l’amour naturel qu’il faut tailler par des sacrifices; alors on montre vraiment que c’est l’amour divin qu’on veut… et on l’aura dans la même mesure.

Si le cultivateur ne faisait que prier pour une récolte et qu’il ne sème rien, il n’aurait rien! Mais quand il sème justement le grain qu’il aime, son amour passe de sa semence à sa récolte future. Il en sera de même pour nous. Notre amour pour les choses créées passera à l’amour de Dieu à mesure que nous la sèmerons pour l’amour de Dieu.

N’écoutons pas les philosophes qui nous permettent et même nous encouragent à jouir des plaisirs permis sous prétexte qu’ils ne sont pas péchés. Quand même cela est vrai, on ne sème pas alors son amour naturel pour ces choses et l’on ne récoltera pas d’amour surnaturel.

Excitons donc notre soif pour les biens célestes en les contemplant souvent; à force de les avoir dans l’esprit, ils descendront dans le cœur et de là passeront dans la vie. On les voudra de plus en plus et le Saint-Esprit nous les donnera dans la même mesure. «Cherchez et vous trouverez! Demandez et vous recevrez!». Prenons donc ces deux moyens efficaces: désirons le divin et récoltons-le en semant notre amour pour les plaisirs terrestres! Que Dieu nous exauce!

dimanche 27 mai 2018

Lignée épiscopale de la hiérarchie catholique avant et après Vatican II


*Décès de Mgr Francis Słupski, CSSR le 14 mai 2018

Père Onésime Lacouture - 3-11 - La Pentecôte



DIXIÈME INSTRUCTION
LA PENTECÔTE.

«Et ils virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent et s’arrêtèrent sur chacun d’eux. Aussitôt ils furent tous remplis du Saint-Esprit et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit leur donnait de parler». Actes, 2.

En partant pour le ciel, Jésus dit à ses disciples qu’il leur enverrait le Saint-Esprit qui leur rappellerait tout ce qu’il leur avait dit. Sans bien comprendre, ils obéissent à Jésus et s’en vont au cénacle pour prier en l’attendant. Ils sont dociles comme des orphelins qui ont tout perdu et qui se cramponnent à tout espoir qui leur promet une amélioration de leur sort.

Dans cette méditation, nous allons nous arrêter à l’action extérieure du Saint-Esprit telle que décrite dans l’Ecriture. Etudions comment le Saint-Esprit s’est donné ouvertement aux disciples et les conditions qu’il a exigées pour se donner. Quand il voudra se donner à nous mystiquement et invisiblement, il exigera les mêmes conditions en proportion qu’il veut se donner à nous. Etudions-les.

COMMENT LES APÔTRES S’Y PRÉPARENT

PAR L’ÉTUDE DE JÉSUS. Le Saint-Esprit est descendu sur les disciples qui avaient été avec Jésus pendant sa vie publique et qui avaient entendu sa doctrine, vu ses miracles et sa sainte vie. Ils mangeaient avec lui, voyageaient en sa compagnie et ne vivaient que pour lui. Il est vrai qu’ils ne comprenaient pas au point de vue surnaturel, mais cela montre qu’ils aimaient Jésus et qu’ils voulaient être tout à lui.

Essayons de faire de même avec les moyens que Dieu nous a laissés pour cultiver la familiarité avec Jésus et vivre sa vie en nous. Le Saint-Esprit ne nous viendra que par Jésus comme pour les Apôtres. Il s’agit donc pour chacun de nous de reproduire le plus possible la vie de Jésus en nous est c’est Jésus en nous qui nous donnera le Saint-Esprit. On peut objecter que c’est le Saint-Esprit qui reproduit en nous la vie de Jésus. C’est vrai, c’est par sa grâce que Jésus est formé en nous, mais ensuite il reste à vivre divinement avec le divin qui est en nous et ainsi l’augmenter: l’un aide l’autre et réciproquement.

C’est le Saint-Esprit qui va mettre en branle cette vie divine de Jésus que nous aurons en nous; c’est lui qui nous fera agir divinement dans notre activité libre des intentions et des motifs. Par exemple, les Apôtres vivaient pour ainsi dire matériellement la vie de Jésus; mais ils n’y comprenaient rien et ne pouvaient pas agir divinement dans leur mentalité ou activité libre. Le Saint-Esprit leur à ouvert l’intelligence à tout ce que Jésus avait mis en eux.

Nous devons faire quelque chose de semblable. Qu’on en ait le goût ou non, qu’on cultive la vie et la familiarité de Jésus, je dirais matériellement: agissons comme si nous aimions Jésus, cultivons-le de toutes les façons qui sont à notre disposition… et après un certain temps le Saint-Esprit viendra en nous comme pour les Apôtres, mais d’une façon invisible.

En d’autres termes, travaillons pour avoir une connaissance acquise par notre industrie et après un certain temps, le Saint-Esprit nous donnera une connaissance infuse de Jésus. Il récompense ainsi notre travail personnel, même s’il est fait avec sa grâce, comme il doit l’être. C’était une grande grâce pour les Apôtres d’avoir vécu trois ans en compagnie de Jésus, mais c’est une autre grâce autrement précieuse que celle que le Saint-Esprit donne dans la mentalité pour comprendre cette vie divine.

Voici quelques moyens à notre disposition et pour tout le monde sans exception: ce n’est pas seulement pour les religieux et les prêtres, c’est aussi pour les laïques.

1.—LE PLUS IMPORTANT EST DE LIRE LA BIBLE ASSIDÛMENT. C’est là qu’on apprend ce que Dieu a fait pour préparer les Juifs à recevoir le Messie. Quand même que par leur faute ils l’ont mal reçu, ce n’est pas la faute de Dieu; il avait fait sa part pour cette préparation. Dans le Nouveau Testament, on trouve les paroles de Jésus que les Apôtres ont entendues pendant trois ans. Quand même nous ne comprendrions rien ou peu, ce contact matériel avec la doctrine de Jésus nous attirera un jour les lumières du Saint-Esprit pour les comprendre. Ce n’est que lorsque le Saint-Esprit verra que nous aimons Jésus, que nous voulons le connaître et le vivre, et que notre bonheur est dans l’Ecriture sainte, qu’il nous donnera notre petite Pentecôte, qu’il échelonnera sur tout le cours de notre vie.

Chaque famille catholique devrait avoir une Bible, la mettre à la portée de tout le monde et en lire très souvent et en parler entre eux. Les prêtres sont grandement responsables de cette négligence des fidèles à lire la Bible. Eux-mêmes n’en ont pas le goût en général. Comment pourraient-ils le donner aux fidèles?

Que ni les prêtres ni les fidèles ne disent qu’ils n’ont pas le temps; qu’ils le prennent! Qu’ils sabrent tous dans cinquante niaiseries qui occupent leurs loisirs! Qu’ils cessent la lecture des journaux, remplis de nouvelles parfaitement inutiles pour nous et si souvent contredites le lendemain. On commence par lire les grandes lignes de la première page, puis à peu des autres et finalement on lit tout d’un bout à l’autre. Toutes les sottises sont publiées et prennent une importance capitale parce que tous ces liseurs en parlent partout et constamment. On tombe facilement dans ce piège de Satan pour perdre son temps dans des bagatelles.

Qu’ils cessent tous de se passionner pour les parties, les vues, la télévision, etc., etc.! Pas seulement les prêtres et les religieux, mais même les laïques aussi doivent avoir une aversion entière pour tout ce que le monde aime et embrasse pour mettre tout leur amour uniquement dans les choses de Dieu comme l’Evangile l’enjoint à tout le monde.

2.—LE DEUXIÈME MOYEN AUSSI IMPORTANT QUE LE PREMIER EST DE VIVRE UNE VIE EUCHARISTIQUE AVEC JÉSUS réellement présent dans le Tabernacle, comme il l’était pour les Apôtres, excepté qu’ils voyaient son Humanité et nous ne la voyons pas dans l’Hostie consacrée. Ce n’est que par la foi que nous pouvons développer une certaine familiarité avec Jésus dans l’Eucharistie, et c’est justement là notre mérite: de croire qu’il est là sans le voir. Saint Paul dit que ce n’est que par la foi que nous pouvons approcher de Dieu: c’est la même foi pour approcher Jésus dans l’Eucharistie que la foi pour l’approcher dans le ciel.

Par conséquent, que tout catholique: prêtre, religieux ou laïque cultive cette présence de Jésus le plus qu’il peut. Quand même ce contact ne lui dirait rien, qu’il le laisserait aussi froid que les Apôtres avant d’avoir reçu le Saint-Esprit, qu’il persiste à le visiter, à le recevoir dans la communion, et après des années de cette fréquentation froide, le Saint-Esprit finira par se donner à eux en proportion de leur persévérance. Qu’on ne s’occupe pas du tout des sentiments, mais qu’on agisse envers Jésus comme si on était tout feu pour lui. Un jour il allumera le feu de l’amour divin dans le cœur et alors on comprendra la vie divine comme les Apôtres après la Pentecôte. Il faut du courage et de la volonté; eh bien! Dieu peut nous donner les deux; servons-nous en… et prions pour recevoir le Saint-Esprit. En plus de leur vie avec Jésus, il a exigé d’eux dix jours de prières. Ajoutons donc nous aussi à nos études de Jésus la prière, comme dans notre vie de société avec lui.

Tout chrétien, surtout les prêtres et les religieux, devrait tenir compagnie à Jésus au Tabernacle au moins une bonne heure par jour, en dehors de la messe, de la communion et de leurs autres exercices spirituels. Moins on a de temps et plus on devrait semer cette heure pour en récolter plus; c’est le plan divin, quand un cultivateur veut plus d’avoine, il en jette en terre et Dieu lui donne beaucoup plus. C’est exactement le même plan pour le temps, cela se récolte comme de l’avoine à condition d’en semer pour l’amour de Dieu. Ceux qui ne veulent pas faire leur heure d’adoration en perdent plusieurs à fumer, à badiner sur les vanités du monde, à suivre les sports, etc. Ces gens n’aiment pas Jésus dans l’Eucharistie ou très peu et alors ils ne recevront pas ou très peu le Saint-Esprit. On remarque que ces égoïstes ne comprennent pas grand-chose aux vérités surnaturelles et les aiment encore moins. Si une heure passée avec Jésus les ennuie sur la terre, il les ennuiera dans l’éternité… et ce ne sera pas au ciel!

Encore une fois qu’on fasse comme les Apôtres qui ne comprenaient rien aux choses divines, mais parce qu’ils ont persisté dans la prière et à rester avec Jésus, il leur a envoyé l’Esprit Saint pour les éclairer sur ce qu’ils avaient entendu dire par Jésus. Restons matériellement avec Jésus et il finira par nous éclairer de son Esprit et alors tout sera intéressant et sanctifiant.

3.—ENFIN, UN AUTRE MOYEN DE FRÉQUENTER JÉSUS EST DE LIRE LA VIE DES SAINTS. Ils ont été spécialistes dans l’union avec Jésus et à force de les lire, on prend leur mentalité qui est justement celle de Jésus. Combien de ces Saints le sont devenus par la lecture de la vie des Saints! Ils finissent par être éclairés par le Saint-Esprit sur les voies de Dieu et par les pratiquer.

Qu’on fasse l’expérience de ces moyens et l’on sera surpris de voir comme on s’intéresse vite aux choses de Dieu. Si les échantillons sont si captivants, combien plus les perfections divines le seront! En tout cas, rappelons-nous ce principe pratique: que la mort ne donne rien, mais ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve en nous. Si donc nous voulons jouir de la société de J.-C. au ciel, il faut commencer tout de suite sur la terre. Qu’on pratique donc ce que nous venons de dire!

L’ISOLEMENT est une condition ordinaire pour que le Saint-Esprit se donne à une âme. Il est l’amour divin et il ne veut aucun amour naturel avec le sien. C’est pourquoi il éloigne ses amis des créatures pour les empêcher de leur donner leur amour. C’est ainsi que Dieu éloigna de son pays et de ses amis, Abraham, Joseph, Moïse, Judith et les prophètes. Ainsi c’est pendant qu’Ezéchiel se promenait sur les bords du fleuve Chobar que le Saint-Esprit s’empara de lui pour en faire son prophète. De même, c’est pendant que Daniel méditait sur les bords du fleuve Tigre qu’il eut ses plus belles visions.

De même Jésus appelle à lui ses Apôtres et les sépare du monde et de leurs familles pour les garder avec lui tout le temps. Puis il leur recommande de se retirer à l’écart et de prier, afin de recevoir le Saint-Esprit.

Voilà une condition de sanctification que les prêtres devraient prêcher aux fidèles… en commençant par leur donner l’exemple. Avec leur philosophisme, ils n’ont dans la tête que de faire éviter le péché; alors ils les poussent même à se livrer aux amusements simplement pour s’amuser. Quand même ce serait un moyen d’éviter le péché, ce qui est très contestable, un chrétien doit se diviniser. Or, l’affection pour ces plaisirs terrestres empêche le Saint-Esprit de les diviniser. C’est aussi important de reproduire la vie de Jésus que d’éviter le péché.

Les Apôtres prêchaient la fuite du monde le plus possible, des bonnes choses comme des mauvaises, en ce sens, de ne leur donner aucun amour, mais de les prendre par nécessité ou utilité, mais jamais par affection. On sait que Jésus s’isolait souvent des foules pour aller prier dans la solitude. Voilà ce que les prêtres devraient commencer par faire eux-mêmes, puis ensuite le prêcher aux fidèles.

Non seulement nous devons nous séparer des foules physiquement, mais aussi mentalement, en ce sens, de ne même pas penser aux plaisirs du monde, mais ne rechercher que les choses d’en haut et non celles de la terre, comme dit Saint Paul. N’allons donc pas nous remplir l’esprit et le cœur des vanités de la terre en lisant les journaux et les revues, les magazines de toutes sortes que le monde et les démons répandent partout. Occupons-nous des choses de Dieu et le Saint-Esprit nous en donnera l’amour, alors nous aurons le dégoût des folies de la terre. Saint Thomas (Ia, IIæ, q. 108, 4) dit que Dieu a placé notre cœur entre les créatures et le Créateur; en proportion qu’il va d’un côté il s’éloigne de l’autre. Allons donc du côté des choses de Dieu, puisque nous voulons aller en jouir un jour au ciel!

La familiarité avec Jésus est donc impossible pour ceux qui goûtent les plaisirs de la terre et qui ont des attaches même aux choses permises, comme à un chien, à un chat, aux sports, aux cinémas, au tabac fumé ou prisé, à la radio, etc. Tout l’amour gaspillé là suffit pour empêcher le Saint-Esprit de donner son amour divin. Saint Jean de la C. dit qu’une seule attache met un mur infranchissable entre l’âme et Dieu et empêche l’intelligence des choses divines. Ca devrait suffire pour que les prêtres et les fidèles fassent une guerre à mort à toutes leurs attaches. Ils n’auront jamais l’intimité avec Jésus tant qu’ils cultiveront une seule attache et alors jamais le Saint-Esprit ne leur ouvrira l’intelligence des choses de Dieu.

LA PRIÈRE devient facile dans la mesure qu’on pratique les deux points précédents. Dégagés de l’amour des créatures et connaissant bien J.-C., nous avons tout ce qu’il faut pour bien prier. Le cœur s’élèvera facilement vers Dieu quand il ne sera plus pris par l’amour des créatures.

Ne perdons pas de temps à demander des choses terrestres, mais uniquement celles du ciel selon l’enseignement clair de Jésus: «Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît». Ne manquons pas de prier souvent pour recevoir le Saint-Esprit avec ses dons. C’est ce que Jésus recommande aux disciples de faire en l’attendant.

Une bonne manière de prier est de demander les mêmes grâces que Jésus et la Sainte Vierge demandaient dans leurs prières. Quand même on ne sait pas ce qu’ils demandaient, Dieu le sait lui et il sera content de nous voir demander justement ce que les deux personnes les plus aimées par lui, lui demandaient. Tous les jours les catholiques devraient demander le Saint-Esprit, il y en a trop qui n’y pensent jamais ou trop peu. Les fidèles ne s’occupent pratiquement pas de lui. Est-ce surprenant qu’ils n’avancent pas ou si peu en vertu? Si Jésus nous a rachetés, c’est le Saint-Esprit qui nous sanctifie: prions-le donc souvent et ardemment!

LA SIGNIFICATION DES SIGNES

Puisque Dieu a manifesté son opération d’une façon visible en donnant le Saint-Esprit aux disciples, il est évident qu’il voulait nous enseigner les voies du Saint-Esprit et ses propriétés par ces signes visibles. Saint Paul dit que Dieu a créé les choses visibles, pour nous faire connaître les invisibles. Servons-nous donc de cette idée pour mieux comprendre ce qu’est le Saint-Esprit.

UN VENT IMPÉTUEUX.

L’ancienne Loi avait été donnée sur le Sinaï au milieu des éclairs et des tonnerres pour montrer aux Juifs dans la plaine la puissance et la majesté de Dieu. La nouvelle Loi devait aussi indiquer la puissance et la majesté de Dieu, quoique d’une façon moins terrible que la première parce que celle-ci est la loi de l’amour surtout.

Ce grand coup de vent soudain attirait l’attention sur une intervention divine spéciale et les disposait ainsi à recevoir le divin, qui allait suivre. Mais pourquoi un coup de vent?…

Ce coup de vent souligne les caractères de l’amour qui est prompt, ardent, même violent et ne souffre pas d’opposition. On voit ces notes de l’amour des gens pour les choses du monde. Quelle fièvre! Quelle ardeur pour se les procurer! Combien plus devrions-nous rechercher les biens célestes qui durent éternellement! Notre amour des choses de Dieu devrait balayer toutes les vanités de la terre de notre cœur comme le vent fait pour la paille.

Avis aux paresseux dans les choses de Dieu: ils ne sont pas poussés par le Saint-Esprit. Ceux qui communient rarement, qui arrivent en retard à la messe, qui sortent les premiers de l’église, qui ne s’intéressent pas à la lecture de la Bible et des livres spirituels quand ils pourraient le faire, ne sont pas poussés par le souffle du Saint-Esprit; de même ceux qui ne vont pas à la messe sur semaine quand ils le pourraient!

Mais comme ces gens sont actifs pour les choses du monde! Ils prennent tout ce qu’ils peuvent des plaisirs qui sont à leur portée. Ils ne recevront pas le souffle de l’esprit Saint, comme les disciples qui étaient en prière et séparés du monde dans le Cénacle.

Il est dit que le vent venait du ciel parce que c’était le plus grand don que Dieu devait faire aux hommes. Saint Jacques dit que tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des lumières. Il vint tout d’un coup pour signifier que la grâce ne dépend en rien de la terre; Dieu la donne comme il veut et quand il veut. Quand les trois jeunes gens furent jetés dans la fournaise de Babylone, le Saint-Esprit descendit avec eux comme un vent rafraîchissant pour empêcher que les flammes ne leur fassent du mal. Il fera de même pour éteindre dans les hommes les feux des passions… s’ils ont rempli les conditions que Jésus a posées pour nous envoyer le Saint-Esprit.

LES LANGUES évidemment signifient la prédication qui serait la fonction principale des Apôtres et de leurs successeurs. «Allez, enseignez toutes les nations». Ils vont prêcher toute leur vie et le plus possible, comme on peut voir d’après les Actes; ils prêchent dans le Temple, dans les synagogues, sur les places publiques et dans les maisons privées: partout ils parlent constamment de Jésus et de sa doctrine. Ils en ont le cœur plein et ils parlent de l’abondance du cœur. Aussi le Saint-Esprit coopère avec eux et il se fait un grand bien. C’est qu’ils donnent J.-C. à manger comme une nourriture et une vie à vivre tout de suite. Dans ce cas, les fidèles écoutent volontiers la parole de leurs pasteurs. Comme ils sont tout aux choses de Dieu, elles constituent leur vie et leur bonheur: alors ils prêchent ce qu’ils vivent et ce qu’ils aiment; ils sont donc très intéressants et les gens les écoutent bien.

A un moment donné, ils sont tellement débordés par les œuvres de charité que le Saint-Esprit les éclaire pour confier la distribution des aumônes aux diacres et ils se réservent la prière pour se remplir de divin, et la prédication pour la déverser sur les fidèles.

Quel dommage que les prêtres de nos jours ne les imitent pas mieux! Puisqu’ils trouvaient indigne d’eux de distribuer des aumônes aux pauvres, combien plus ils repousseraient les organisations païennes de nos prêtres, comme les bingos, etc., et toutes ces organisations des loisirs de païens pour nos fidèles où les prêtres perdent tant de temps qu’ils devraient donner aux choses de Dieu.

Comme nos prêtres philosophes sont tout aux choses de la terre avec leur fameux principe: Qu’il n’y a pas de mal à cela! Leur vie, leur amour et leur bonheur sont dans les vanités de la terre; ils sont bien exposés à parler de ces niaiseries ou bien à parler des choses de Dieu purement de tête, puisqu’ils ne les ont pas dans le cœur. Alors ils étalent leur science théologique purement spéculative et abstraite, qui ne vient pas du cœur et qui ne peut pas aller au cœur. Ils l’exposent comme en l’air et elle reste là! Le Saint-Esprit n’a rien à faire là: aussi les gens s’ennuient et les prêtres eux-mêmes s’ennuient d’ennuyer les autres. Les prêtres n’aiment pas à prêcher et les fidèles n’aiment pas à les entendre parce qu’ils ne leur donnent que de la paille à manger!

Voilà pourquoi on abrège les sermons et qu’on les supprime même le plus possible. Aux Etats-Unis et ailleurs de plus en plus on ne prêche plus pendant trois ou quatre mois de l’été à cause de la chaleur. Quelle honte pour le clergé! A Jérusalem et dans toute l’Asie mineure, il fait terriblement chaud en été, mais cela n’a pas empêché les Apôtres de prêcher partout et toujours tant qu’ils le pouvaient. Est-ce que les théâtres et les cinémas sont fermés en été? Est-ce que les jeux cessent en été? Des milliers passent des heures et des heures en plein soleil à se faire rôtir pour voir du sport! Des milliers vont exprès sur les plages ou ailleurs pour s’exposer au soleil tout nu pour se faire chauffer et griller comme de vrais pourceaux! C’est bien le même démon de l’impureté qui tenait son homme nu au temps de Jésus. Il chassa ces deux mille démons qui étaient en lui et ils s’en allèrent dans des pourceaux près de là et tous allèrent se précipiter dans le lac. Ceux qui se mettent nus en public méritent donc bien le nom de pourceaux! Et dire que les prêtres ont supprimé les sermons à cause de la chaleur dans l’église, à l’ombre! Tas de païens!…

Un prêtre me disait un jour qu’après avoir fait ma retraite il voulut expérimenter ma façon de prêcher. Il avait coutume d’ennuyer son monde pendant un quart d’heure de sermon. Le dimanche suivant, il prêche comme de coutume un sermon spéculatif sur ses «in se» païens et les gens étaient nerveux, agités et n’écoutaient pas bien. Après un quart d’heure, au lieu de descendre de chaire, il aiguille son sermon sur la nécessité de vivre la doctrine de Jésus. Il se fit un calme si subit et si grand qu’il entendait le tic tac de sa montre sur la chaire. Il faillit éclater en larmes en constatant ce grand changement. Il prêcha un autre quart d’heure et il me dit qu’il aurait pu les tenir encore plus longtemps, s’il avait voulu! Voilà la différence de parler de Jésus et de le donner comme une vie à vivre tout de suite. Pour réussir là, il faut commencer par le vivre soimême pour en parler du cœur!

LE FEU est le signe de l’amour. Jésus dit qu’il est venu apporter le feu sur la terre et que son ardent désir est qu’il s’allume. Le voici le feu qui doit embraser les cœurs de la charité divine. Or le feu vit aux dépens de la matière qu’il consume. Le feu de l’amour divin a besoin aussi de matière pour l’activer. Cette matière est tout ce qui est humain dans notre personne libre, et donc nos affections et nos motifs dans l’ordre naturel qui alimentent l’amour divin en nous, mais en se consumant. Le surnaturel vit aux dépens du naturel libre.

On ne peut pas augmenter en amour de Dieu sans sacrifier quelque chose de notre amour naturel. Chacun peut donc savoir d’une certaine façon s’il augmente en amour de Dieu en surveillant les sacrifices qu’il fait des plaisirs terrestres. Défions-nous de l’amour de parole; c’est facile à dire à Dieu: je vous aime, mais cela ne vaut rien s’il n’est pas accompagné de quelque privation d’un plaisir quelconque.

Les langues de feu signifient que la prédication des prêtres doit être saturée et pénétrée de l’amour de Dieu et de l’amour surnaturel de Dieu qui consiste comme on sait dans l’amour de Dieu qu’on a acheté aux dépens de nos deux amours naturels. Or, la plupart des prêtres se contentent de prêcher le bien de préférence au mal. Cela suffirait sur le chemin des limbes, mais dans l’ordre surnaturel, c’est l’amour de Dieu de préférence pas au péché, mais au bien naturel qu’il faut prêcher… et la masse des prêtres ne le fait pas! Toute leur prédication consiste à faire éviter le péché et pratiquer les vertus morales naturelles. C’est du paganisme tout pur! Voilà pourquoi nos gens restent païens avec la prédication qu’ils entendent en général. Evidemment, les philosophes qui se contentent des motifs naturels et de la bonté naturelle vont trouver cette assertion exagérée, mais elle ne l’est pas quand on se met au seul point de vue surnaturel accepté de Dieu.

Pour prêcher l’amour de Dieu surnaturel, il ne suffit pas d’attaquer les péchés; il faut attaquer toute notre activité naturelle des intentions, ce que les prêtres ne font pas. Ils prêchent la bonté naturelle de préférence aux péchés: ce n’est pas du christianisme, mais du paganisme. Le christianisme exige qu’on préfère Dieu à ses bonnes créatures! Voilà ce qui serait de l’amour de Dieu! Voilà ce que les langues de feu signifient.

QUELQUES EFFETS DANS LES DISCIPLES

ILS REÇOIVENT L’INTELLIGENCE DU DIVIN, avec les dons en pleine activité. Comme ils n’ont aucune attache, les dons agissent librement en eux et efficacement. Ils comprennent tout de suite le plan de Dieu dans l’ordre surnaturel et toutes ses exigences pratiques pour nous. Ils jugent tout en fonction de l’amour de Dieu et du salut des âmes. Ils disent que leur conversation, c’est-à-dire leur manière de vivre est dans le ciel. Ils agissent comme s’ils étaient déjà là. Ils disent aux chrétiens: «Soyez saints parce que Dieu est saint».

Jamais il n’ont parlé d’une vérité «en soi», comme nos prêtres, mais toujours «en nous», comme Jésus faisait et donc en vue du salut. Qui veut un poulet «en soi»? Il le veut pour en manger et en vivre. Ayons donc cette sagesse élémentaire dans les choses de Dieu. Aussi jamais ils n’ont divisé les créatures en permises et défendues: dans le plan surnaturel, cette distinction n’est pas nécessaire ni utile. Là, on oppose l’amour de Dieu à l’amour des créatures, de toutes sans distinction, elles sont toutes du fumier par rapport à l’amour de Dieu, comme dit Saint Paul. Mais les philosophes permettent de faire ses délices avec les créatures permises, ce qui contredit l’Evangile et Saint Paul.

Les Apôtres prêchent l’absolue nécessité de reproduire la vie de J.-C. dans la nôtre et cela jusque dans sa passion inclusivement. Ils n’ont pas peur d’insister sur la nécessité de souffrir avec J.-C. pour régner avec lui au ciel.

Cette compréhension du divin est un pur don de Dieu. Pas un homme avec sa seule lumière de la raison n’est capable de pénétrer dans les voies de la sagesse divine dans l’ordre surnaturel. Car la raison ne pourrait jamais découvrir les trois personnes en Dieu, ni leur activité réciproque qui entre dans le plan divin. Or, cette sagesse dépasse la raison comme le ciel dépasse la terre, et Dieu, l’homme.

Quelle pitié que les hommes se privent de cette sublime connaissance des choses de Dieu pour l’amour d’un échantillon si insignifiant comme la cigarette, le cinéma, le sport, etc.! Quel aveuglement! Pour l’amour de Dieu que tous essaient sérieusement de se défaire de toutes ces attaches. Quelle bêtise que d’être affectionné à un chien! Combien de prêtres le sont? Ce n’est pas mieux pour des laïques non plus. En tout cas, tous ceux qui liront ces lignes sauront qu’une seule attache leur ferme l’intelligence des choses de Dieu. Ils vont rester comme de vrais païens devant Dieu. Ils parleront de ces choses, mais «en soi», jamais en eux-mêmes. Ils n’en auront jamais le goût.
L’AMOUR DE DIEU que les Apôtres ont reçu dans les Evangiles et dans les Epîtres qu’ils ont laissés. D’abord, on sait qu’ils sont morts martyrs pour l’amour de Dieu et pour attester leur foi en la divinité de J.-C. Pas un d’eux n’est philosophe! Ils sont tous bien pratiques et parlent de Jésus et de sa doctrine comme d’une vie à vivre tout de suite.

Saint Jean surtout parle beaucoup de l’amour de Dieu qu’il a pour nous et que nous devons avoir en retour pour lui. «Mes petits enfants, n’aimons ni de parole ni de langue, mais par les œuvres et en vérité. C’est par là que nous connaissons que nous sommes enfants de la vérité.» 1 Jo. 3-17.

Les Apôtres veulent que nous montrions notre amour pour Dieu en gardant ses commandements, en aimant nos frères en actes, en leur faisant du bien, en supportant leurs défauts et en voyant J.-C. en eux. «Si quelqu’un n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas?», dit Saint Jean, 1, 14-20. Il va jusqu’à dire que nous devons être prêts à mourir pour nos frères comme Jésus est mort pour nous.

Tous ceux qui travaillent contre la charité fraternelle, qui ont l’esprit de contention, qui murmurent et critiquent, etc. sont du diable et ils n’aiment pas Dieu.

Ils [les Apôtres] sont tellement remplis de l’amour de Dieu que leurs écrits en sont pleins comme leur cœur. Que d’exhortations à aimer Dieu! Surtout ils veulent des œuvres d’amour de Dieu. Ils veulent que toute la vie suinte le surnaturel, que les chrétiens soient des images parfaites de J.-C., afin que les autres glorifient Dieu dans le ciel. Quels beaux modèles pour nous! Ils sont débordants de l’amour de Dieu et en parlent constamment.

Cet amour n’est pas seulement dans les joies spirituelles, mais aussi dans les pires épreuves, dans les souffrances de la part des hommes et des démons. Ils aiment Dieu quand il les châtie comme lorsqu’il les bénit. Saint Paul énumère toutes les misères possibles et il fuit en disant que rien au monde ne pourra le séparer jamais de la charité de Dieu. Tous évidemment ont ces mêmes dispositions Ils sacrifieront absolument tout au monde jusqu’à leur vie pour ne pas offenser Dieu et pour le glorifier, pour lui gagner des âmes. Leur vie, c’est Jésus; c’est l’amour de Dieu!

LE MÉPRIS DU MONDE est la contrepartie du point précédent. Comme les Apôtres sont remplis d’amour de Dieu, ils n’en ont pas du tout pour les créatures. Ils comprennent si bien maintenant les grandeurs des perfections divines, qu’ils n’ont que le mépris le plus souverain pour les créatures. Saint Paul dit qu’elles ne sont que fumier en comparaison de l’amour de Jésus. Il résume là le sentiment des autres Apôtres comme on peut le voir par l’effet de leur prédication. Les premiers chrétiens se dépouillaient de leurs biens pour en distribuer le prix aux pauvres. Les Apôtres ne connaissaient pas le truc de nos prêtres philosophes pour jouir de leurs biens et en accaparer le plus possible, se disant «strictement parlant», ce n’est pas mal en soi! Ou bien, notre renoncement est affectif sinon effectif! Ils ignoraient ces distinctions vraies mais païennes dans l’usage que nos philosophes en font!

Le Saint-Esprit leur a fait comprendre la pauvreté de Jésus et donc son mépris pour les créatures. En les refusant toutes, il les condamne toutes! «Il n’a pas où reposer sa tête!». Or ce n’est pas parce qu’il ne pouvait pas s’en procurer, mais simplement pour nous montrer que tout notre cœur doit aller à Dieu et pas du tout aux créatures… Les Apôtres ont imité leur Maître dans leur grande pauvreté et donc dans leur mépris des choses créées.

A mesure qu’une âme se sanctifie, elle s’éloigne instinctivement des plaisirs de la terre. Elle garde tout son cœur pour Dieu seul. C’est ce que Dieu veut pour nous tous. Par l’ardeur que tous les gens mettent en général à rechercher les plaisirs du monde, on peut bien conclure qu’il y a très peu d’amour de Dieu parmi les chrétiens. La faute est aux prêtres philosophes avec leurs «in se» diaboliques par l’usage qu’ils en font, comme on l’a montré plusieurs fois.

Le Saint-Esprit vient nous enseigner à vivre sur terre comme dans le ciel. Or là tout notre amour sera sûrement pour Dieu seul: commençons tout de suite sur terre à ne vivre que pour Dieu et les choses de Dieu. Voilà ce que font ceux qui ont reçu la Pentecôte privée! Que le Saint-Esprit vienne nous éclairer et nous embraser de son amour! Que la Sainte Vierge Médiatrice de toute grâce nous obtienne celle de recevoir le Saint-Esprit avec l’abondance de ses dons en activité pour nous mieux guider dans le chemin de la perfection!