Le
R.P. Dom Gaspar Lefebvre, O.S.B., écrivait ses souvenirs sur le Canada
catholique qu’il vient de visiter, les termine par cette légende, après son
départ de Québec pour l’Europe (Bulletin paroissial liturgique de Saint-André,
10 et 17 avril 1932).
…Tandis
que nous nous approchions de l’Océan, je croisai par la pensée les vaillants
missionnaires qui arrivèrent, il y a quelques siècles, par ce même chemin
mouvant et apportèrent à ce pays le Dieu de l’eucharistie et la foi catholique.
Je
me plongeai alors dans la lecture des jolies légendes qui restent encore
accrochées aux rives du Saint-Laurent et je m’attardai à ce dernier récit qui
renferme une si belle leçon :
On
voyait jadis sur la petite île du Pas, près de Sorel, une chapelle modeste
bâtie sur un terrain foulé autrefois par le pied de l’Iroquois. Or, les voisins
constatèrent un soir que la pieuse petite lampe du sanctuaire n’était plus
seule à y briller, sur le coup de minuit, mais qu’une autre lumière, plus vive
encore, s’y reflétait dans la nuit.
Après
bien des hésitations un groupe de paroissiens se décidèrent à aller voir et s’approchèrent
de l’une des fenêtres de la petite église. Or, que virent-ils au pied de l’autel,
sinon un prêtre revêtu des ornements sacerdotaux, immobile et semblant prier,
la tête penchée devant le tabernacle? Nos explorateurs n’en voulurent pas
savoir davantage ce soir-là et réintégrèrent à toutes jambes leurs foyers
respectifs.
Cependant
l’un deux, Jacques Valois, homme de courage et d’une grande piété, résolut de
pénétrer de nuit dans l’église en invoquant le secours de Dieu pour éclaircir
ce mystère.
-Je
verrai bien, dit-il, si ce prêtre est vivant ou trépassé, et si, parfois, il
aurait besoin de prières.
Qui
fut dit fut fait. Valois entra un soir dans la chapelle, pria dévotement et
attendit les événements.
Il
n’eut pas bien longtemps à attendre, car à minuit la porte de la sacristie s’ouvrit
et laissa passer un prêtre en soutane qui vient allumer un cierge de chaque
côté de l’autel et préparer celui-ci pour célébrer la messe. Puis il retourna
dans la sacristie, tandis que Valois, guère rassuré, égrenait son chapelet avec
confiance et curiosité. Puis le prêtre revint, revêtu de la chasuble et portant
avec respect le calice qu’il déposa sur l’autel. Jacques Valois s’approcha et
se prépara à répondre aux prières de la messe. Et celle-ci commença et se
déroula selon tous les rites de la liturgie.
Puis
le servant de messe vivant suivant à la sacristie le prêtre fantôme qu’il
venait d’assister. Celui-ci déposa ses ornements, s’inclina devant le Crucifix
et se tourna vers Valois, qui n’avait presque plus peur.
-Depuis
plusieurs années, dit le prêtre d’une voix lointaine, je suis venu ici chaque
nuit pour reprendre une messe que j’avais eu le malheur, un jour, de dire trop
vite. J’étais condamné à cette pénitence pour aussi longtemps qu’il ne
viendrait pas une personne courageuse pour me la servir. Ma pénitence est
terminée. Je vous laisse ma bénédiction.
Et
ce fantôme disparut à jamais…
Dom Gaspar LEFEBVRE, O.S.B.
N.D.L.R. – Pour avoir un jour, dit une Messe trop vite, a
dit ce prêtre fantôme! Alors, combien de prêtres fantômes seraient-ils obligés
d’accomplir cette même pénitence, avec toutes les Messes (des temps modernes)
qui sont expédiées (garrochées) au bout de quinze ou vingt minutes?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire