mardi 11 février 2014

Le prêtre fantôme

Le R.P. Dom Gaspar Lefebvre, O.S.B., écrivait ses souvenirs sur le Canada catholique qu’il vient de visiter, les termine par cette légende, après son départ de Québec pour l’Europe (Bulletin paroissial liturgique de Saint-André, 10 et 17 avril 1932).
 
…Tandis que nous nous approchions de l’Océan, je croisai par la pensée les vaillants missionnaires qui arrivèrent, il y a quelques siècles, par ce même chemin mouvant et apportèrent à ce pays le Dieu de l’eucharistie et la foi catholique.
Je me plongeai alors dans la lecture des jolies légendes qui restent encore accrochées aux rives du Saint-Laurent et je m’attardai à ce dernier récit qui renferme une si belle leçon :
On voyait jadis sur la petite île du Pas, près de Sorel, une chapelle modeste bâtie sur un terrain foulé autrefois par le pied de l’Iroquois. Or, les voisins constatèrent un soir que la pieuse petite lampe du sanctuaire n’était plus seule à y briller, sur le coup de minuit, mais qu’une autre lumière, plus vive encore, s’y reflétait dans la nuit.
Après bien des hésitations un groupe de paroissiens se décidèrent à aller voir et s’approchèrent de l’une des fenêtres de la petite église. Or, que virent-ils au pied de l’autel, sinon un prêtre revêtu des ornements sacerdotaux, immobile et semblant prier, la tête penchée devant le tabernacle? Nos explorateurs n’en voulurent pas savoir davantage ce soir-là et réintégrèrent à toutes jambes leurs foyers respectifs.
Cependant l’un deux, Jacques Valois, homme de courage et d’une grande piété, résolut de pénétrer de nuit dans l’église en invoquant le secours de Dieu pour éclaircir ce mystère.
-Je verrai bien, dit-il, si ce prêtre est vivant ou trépassé, et si, parfois, il aurait besoin de prières.
Qui fut dit fut fait. Valois entra un soir dans la chapelle, pria dévotement et attendit les événements.
Il n’eut pas bien longtemps à attendre, car à minuit la porte de la sacristie s’ouvrit et laissa passer un prêtre en soutane qui vient allumer un cierge de chaque côté de l’autel et préparer celui-ci pour célébrer la messe. Puis il retourna dans la sacristie, tandis que Valois, guère rassuré, égrenait son chapelet avec confiance et curiosité. Puis le prêtre revint, revêtu de la chasuble et portant avec respect le calice qu’il déposa sur l’autel. Jacques Valois s’approcha et se prépara à répondre aux prières de la messe. Et celle-ci commença et se déroula selon tous les rites de la liturgie.
Puis le servant de messe vivant suivant à la sacristie le prêtre fantôme qu’il venait d’assister. Celui-ci déposa ses ornements, s’inclina devant le Crucifix et se tourna vers Valois, qui n’avait presque plus peur.
-Depuis plusieurs années, dit le prêtre d’une voix lointaine, je suis venu ici chaque nuit pour reprendre une messe que j’avais eu le malheur, un jour, de dire trop vite. J’étais condamné à cette pénitence pour aussi longtemps qu’il ne viendrait pas une personne courageuse pour me la servir. Ma pénitence est terminée. Je vous laisse ma bénédiction.
Et ce fantôme disparut à jamais…
Dom Gaspar LEFEBVRE, O.S.B.
N.D.L.R. – Pour avoir un jour, dit une Messe trop vite, a dit ce prêtre fantôme! Alors, combien de prêtres fantômes seraient-ils obligés d’accomplir cette même pénitence, avec toutes les Messes (des temps modernes) qui sont expédiées (garrochées) au bout de quinze ou vingt minutes?

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