TRENTE-DEUXIÈME
INSTRUCTION
LA PERSÉCUTION.
«
Bienheureux ceux qui souffrent la persécution pour la justice parce que le
royaume des cieux est à eux. Vous êtes bienheureux lorsque les hommes vous
maudiront et vous persécuteront et qu’ils diront mensongèrement toute sorte de
mal de vous à cause de moi; réjouissez-vous et tressaillez d’allégresse parce
qu’une grande récompense vous est réservée dans les cieux». Mt 5-17.
Tout
le monde comprend que l’Eglise en général soit persécutée par les méchants et
par les hérétiques et par les païens. Quand on parle de persécution, on pense
aux grandes persécutions des premiers siècles sous les empereurs païens, ou des
persécutions par les ennemis de l’Eglise comme les protestants ou les
schismatiques.
Ici
nous voulons insister sur les persécutions entre catholiques et conduites par
des prêtres catholiques! La chose est assez générale et scandaleuse qu’elle
vaut la peine d’être examinée. C’est surtout le clergé qui a persécuté J.-C.:
ce sera encore le clergé qui persécutera les meilleurs amis de Jésus. En effet,
quand il s’agit de doctrine, ce sont les prêtres normalement qui peuvent en
juger. Or, comme les démons essaient de pervertir la doctrine de Jésus, il faut
bien qu’ils se servent de prêtres pour faire des hérésies comme aussi pour les
juger. Ils travaillent donc surtout sur les prêtres. Comme dans la tentation de
J.-C., ils citeront des textes à moitié vrais et à moitié faux pour qu’ils
soient acceptés pour la partie vraie et qu’ils fassent du tort par la partie
fausse. Donnons quelques exemples.
OPPOSITION
ENTRE NOS DEUX AMOURS ET L’AMOUR DE DIEU SURNATUREL. Je parle de l’amour
surnaturel de Dieu qui s’acquiert aux dépens de notre amour des créatures. Car
l’amour naturel de Dieu qui consiste dans l’admiration intellectuelle de Dieu
et que les païens peuvent avoir parce qu’il découle simplement de nos facultés
spirituelles. Sur le chemin des Limbes, dans l’ordre naturel, cet amour naturel
de Dieu s’accorderait bien avec nos deux amours naturels, pour soi et pour le
monde.
Nos
prêtres philosophes cultivent et protègent nos deux amours naturels parce
qu’ils sont bons en soi selon la raison et donc ils peuvent être gardés selon
eux, avec toutes leurs conséquences dans la vie pratique, comme les attaches
aux plaisirs permis avec leurs motifs naturels.
Ce
sont ces deux amours naturels qui alimentent la vie de notre moi païen: ils
sont comme nos deux yeux, nos deux bras et nos deux jambes tout au service de
notre moi. Comme ils viennent de Dieu, ils sont bons en soi. C’est pourquoi nos
prêtres philosophes les protègent comme leur vie.
Or,
ces deux amours sont les rivaux de notre amour surnaturel de Dieu. En
proportion qu’ils remplissent notre cœur, ils empêchent cet amour surnaturel de
Dieu d’y entrer.
Ce
moi naturel avec toute son activité naturelle est un échantillon de Dieu: il
veut pour lui tout ce que Dieu veut pour lui-même; c’est une espèce de petit
dieu rival par conséquent de Dieu. Pourquoi Dieu nous a-t-il fait ainsi? C’est
exactement selon son plan général que le surnaturel doit être la récolte du
naturel semé ou sacrifié. Si on sème son petit dieu, on récoltera le grand Dieu
du ciel!
Eh
bien! Dès qu’un prêtre veut enseigner cette doctrine si solide et si claire
dans l’évangile, ou dès qu’un chrétien veut la pratiquer, les démons soulèvent
une vraie persécution contre lui. Comme les prêtres philosophes favorisent la
jouissance de tous les plaisirs permis, ils trouvent exagérés ceux qui prêchent
le sacrifice de ces plaisirs licites et ceux qui veulent s’en priver. Alors,
ils leur font une grande opposition qui va aller vite à une véritable
persécution. Pour ces philosophes, les seuls sacrifices qu’ils prônent ce sont
les sacrifices des choses défendues, exactement comme si nous étions sur le
chemin des Limbes.
Mais
on sait que cela est faux: Jésus et les saints ne se sont pas mortifiés
uniquement dans les choses défendues, mais aussi dans les licites. Saint Paul
dit que tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ souffriront
persécution. Or, pour vivre pieusement en Dieu, il ne suffit pas d’éviter
seulement le péché, mais il faut pratiquer la vertu et mettre tout son amour en
Dieu selon le premier commandement. Donc l’enlever à toutes les créatures sans
exception ou sans distinction de permises ou de défendues. Mais, dès qu’un
catholique fait cela, il s’attire les moqueries et les insultes des autres,
même des catholiques et même des prêtres philosophes. C’est justement cette
persécution que tous veulent éviter en faisant comme les mondains: ils savent
que dès qu’ils seront tout à Dieu, les autres vont leur faire toutes sortes de
misères… et ils ont peur! Est-ce que les filles ne se badigeonnent pas en rouge
de peur de faire rire d’elles si elles ne le font pas? Est-ce que les hommes ne
suivent pas les sports pour éviter de se faire ridiculiser s’ils ne le font
pas?
Jésus
nous avertit bien que le monde nous haïra uniquement parce que nous appartenons
à J.-C. Comme il m’a haï, il vous haïra et vous persécutera comme il m’a
persécuté. Or, Jésus a fui tous les plaisirs du monde sans distinction de
permis ou de défendus. Ceux qui font comme lui seront donc persécutés pour la
même raison. Les démons se serviront des Philosophes pour empêcher que les gens
se privent des biens permis. Ils veulent les empêcher d’arriver à l’amour
surnaturel de Dieu qui donne le ciel.
Saint
Thomas dit que notre cœur est entre le Créateur et les créatures, il n’a pas
dit: entre le Créateur et les créatures défendues; mais toutes les créatures
sans distinction. Cette erreur que font tant de prêtres philosophes est la
cause des persécutions entre les catholiques. Les catholiques qui suivent les
philosophes trouvent exagéré le fait de fuir les plaisirs permis et ils
persécutent ceux qui voudraient le faire. Ils ont les prêtres pour les soutenir
en général.
NOS
SCRIBES ET NOS PHARISIENS MODERNES sont formés exactement comme leurs
devanciers, selon la lettre qui tue, avec leurs «strictement parlant»,
«essentiellement parlant» ou «en toute rigueur des termes» ou «en soi». Or, nous
savons que les conclusions pratiques dans l’ordre surnaturel sont souvent le
contraire des conclusions de ce point de vue philosophique. A ce point de vue,
toutes les créatures sont bonnes et donc nous pouvons en jouir tant que nous
voulons du moment que nous évitons tout péché Mais, dans l’ordre surnaturel,
nous savons que nous devons mépriser les créatures et les sacrifier le plus
possible pour gagner le ciel. Devant l’amour de Dieu, elles sont toutes du
fumier, dit Saint Paul; donc elles doivent être rejetées pour aimer Dieu d’un
amour surnaturel qui seul donne le ciel.
Or,
les prêtres ne donnent presque plus cette doctrine du sacrifice des choses
permises et licites: ils se contentent de prêcher le sacrifice des choses
défendues. Aussi, quand un prêtre ose prêcher le sacrifice de toutes les
créatures sans distinction de permises ou de défendues, les fidèles sont
renversés, n’ayant jamais entendu cette doctrine austère. Ils vont s’en
plaindre aux prêtres qui condamnent aussi ce prédicateur «nouveau genre» comme
ils disent. C’est sûr qu’il paraît étrange à ces pharisiens des «strictement
parlant» qui permettent la jouissance et l’amour de tout ce qui est licite en
soi. Ils ont raison dans les cas pris individuellement. Il est évident qu’on
peut jouir de n’importe quelle créature licite dans un cas isolé. Les
philosophes concluent qu’on peut en jouir de toutes et tant qu’on veut. Cette
généralisation est contraire à la loi du sacrifice des bonnes créatures que
l’amour surnaturel de Dieu exige. En effet, on acquiert cet amour surnaturel de
Dieu uniquement aux dépens de notre amour naturel des créatures. Je n’avance en
cet amour surnaturel de Dieu qu’en me privant de l’amour d’une créature
quelconque bonne en soi même. Eh bien! C’est justement ce que nos scribes
modernes ne permettent pas dans leur ignorance des conclusions de la théologie
pratique qu’ils n’ont jamais étudiée. Pour eux, seul le péché empêche d’entrer
au ciel et le péché dans des actes isolés. Ils ne connaissent pas ce péché
mortel général qui se trouve dans l’amour naturel des bonnes choses permises
qui a damné le riche de l’évangile selon Jésus. Le seul reproche que lui
adresse Abraham du haut du ciel est: «Toi, tu avais tout ce que tu voulais, et
maintenant tu n’as plus rien!». Combien de Philosophes du clergé vivent
exactement comme ce riche et combien de chrétiens formés par nos Philosophes
l’imitent! Donc tous ces gens sont convaincus que nous n’avons qu’à éviter les
choses défendues pour arriver au ciel.
Eh
bien! Quand ils entendent prêcher la nécessité de sacrifier les bonnes choses
permises, non pas une par une, mais dans l’ensemble, ils crient à l’exagération
et à l’hérésie. Les démons aidant, ils dénoncent et attaquent ces prédicateurs
«outrés» et «exagérés» d’après eux. Bien des fidèles se mettent de la partie
pour persécuter ces prêtres «trop austères» ou ces chrétiens qui les suivent.
Ils feront tout ce que les pharisiens ont fait à Jésus, excepté les mettre à
mort parce que les lois modernes ne le permettent pas.
Ce
qui choque nos philosophes et ceux qui les suivent est le fait que les vrais
chrétiens fuient les amusements et les plaisirs comme la peste comme le fumier
selon Saint Paul. Ils se trouvent à condamner tacitement la vie «païenne» de
ces philosophes et ils sont furieux contre ceux qui méprisent ce qu’ils se
permettent si facilement.
Tous
les moyens employés par les démons pour persécuter J.-C. seront appliqués par
nos scribes et nos pharisiens modernes pour persécuter les véritables amis de
J.-C. Comme ils ne suivent plus le monde, le monde commence par s’en éloigner,
puis à les dénoncer, puis à les persécuter de toutes les façons. Comme les amis
du monde sont plus nombreux, ils ont une victoire facile sur les amis de Jésus
ordinairement isolés des autres et personne pour les défendre. Comme ces
prédicateurs par leur doctrine de renoncement et les fidèles qui les suivent
troublent la conscience des mondains, victimes des philosophes, les supérieurs
prennent peur et ont vite condamné ces amis de Jésus au silence et à l’exil
dans quelque coin éloigné du monde. Quant aux fidèles du renoncement dans le
monde, ils sont totalement abandonnés par les autres et passent pour des
excentriques et des gens étranges qui ont des idées noires sur le monde et qui
sont peu sociables. Les gens les fuient comme la peste! Dieu dispose tout ainsi
pour les avoir pour lui seul!
C’est
d’autant plus dur que ces persécutés n’auraient qu’à cesser d’attaquer nos deux
amours naturels et tout entrerait vite dans l’ordre naturel: les philosophes et
les démons les laisseraient parfaitement tranquilles.
La
preuve que ces persécutions sont bien réelles est dans cet instinct qu’ont tous
les fidèles de faire comme tout le monde. Ils ont une peur bleue de lui
déplaire pour ne pas s’attirer ses attaques. Comme ils obéissent tous au monde!
Quand le monde veut du rouge sur les lèvres, comme toutes les filles et les
femmes se soumettent vite à lui! Quand il veut des robes courtes, comme il est
bien obéi par toutes en général! Elles souffriront le froid et la honte d’être
si écourtées, mais leur «chéri» le veut et elles se soumettent comme des
esclaves qu’elles sont.
Les
hommes sont moins outrés dans leurs habits, mais comme eux aussi obéissent à
leur dieu, le monde! Combien fument pour faire comme les autres! Combien se
passionnent du sport pour ne pas se faire disputer s’ils ne suivent pas les
autres! Comme ils suivent toutes les parties du pays, comme s’ils assistaient!
Par les journaux, la radio et la télévision, ils font comme les autres: ils se
livrent tout à ces jeux d’enfants. Comme le diable les tient occupés à des
niaiseries toute leur vie… et qu’emporteront ils de ces folies à la mort, sinon
leur châtiment d’avoir gaspillé leur vie dans des bagatelles d’enfant et de
païen. Quelle bêtise que de se passionner pour des jeux qu’ils ne voient même
pas! Ils ne peuvent pas prétendre que c’est un exercice pour le corps: ils ne
jouent pas!
LES
DÉMONS, dit Jésus sont les princes de ce monde, ils en sont les dieux et les
maîtres, pas par nature, mais parce que Dieu le leur abandonne. L’Archange
Raphaël dit à Tobie que le démon peut tout faire à ceux qui entrent dans le
mariage pour des motifs naturels qui ne sont pas péchés du tout. Il peut tuer
ces époux! Alors, on comprend que nos prêtres philosophes qui pataugent dans le
naturel par-dessus la tête sont facilement les victimes des démons. Ils les
possèdent vite pour faire persécuter ceux qui vivent de motifs surnaturels. De
même, ils peuvent se servir des fidèles qui suivent la doctrine des philosophes
pour persécuter les amis de Jésus. «Parce que vous m’appartenez, le monde vous
haïra comme il m’a haï et il vous persécutera comme il m’a persécuté. Si vous
étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui!». Donc les démons connaissent
bien les vrais disciples de Jésus et ils se servent des prêtres philosophes et
des fidèles de même calibre pour persécuter les amis de J.-C.
C’est
normal que les démons persécutent les amis de Jésus comme ils ont persécuté
Jésus. Nous sommes les membres de son corps mystique et ceux qui vivent de
surnaturel reproduisent la vie de Jésus dans la leur; alors les démons les
haïssent comme ils ont haï J.-C. Alors, ils essaient de leur faire ce qu’ils
ont fait à Jésus lui-même. Les prêtres philosophes sont tout désignés pour leur
servir d’instruments dociles, puisqu’ils vivent dans le monde pour lequel Jésus
n’a pas prié à l’heure de sa mort. Est-ce que Jésus ne nous avertit pas qu’il
est venu dans le monde pour le juger, pour le contredire, pour le condamner et
pour diviser les familles pour être un objet de contradiction dans le monde?
Alors, que tout bon chrétien s’attende donc à être persécuté par le monde
dirigé par les philosophes, instruments des démons exactement comme les
pharisiens d’autrefois.
Jésus
vient nous apporter une nouvelle vie toute divine pour remplacer la nôtre toute
humaine et toute naturelle. Il faut donc que le surnaturel fasse la lutte à
cette vie toute naturelle que nous aimons tant. On ne peut pas continuer de
vivre une vie surnaturelle en vivant une vie naturelle dans l’orientation des
motifs ou des intentions. Si ma vie doit être surnaturelle, elle ne peut pas rester
naturelle au point de vue qu’elle est surnaturelle.
Dieu
veut que nous nous attachions uniquement aux choses de Dieu, que nous vivions
comme dans le ciel… et les démons vont laisser diviniser les hommes de la sorte
sans leur faire une guerre à mort? Et sans persécuter ceux qui sont
responsables de cette transformation? Ils vont remuer ciel et terre et
mobiliser tous les démons pour empêcher ce résultat qui est tout à la gloire de
J.-C. qu’ils détestent tant.
Voici
un bon témoignage de la doctrine que nous donnons ici. Saint Grignion de
Montfort écrit pour ses missionnaires: «A peine de mille prédicateurs… je
dirais dix mille sans mentir, y a-t-il un seul qui ait ce grand don du
Saint-Esprit». La plupart n’ont que la langue, la bouche et la sagesse des
hommes; c’est pourquoi peu d’âmes sont éclairées, touchées et converties par
leurs paroles. Comme ils ne battent que l’air, et ne frappent que les oreilles,
il ne faut pas s’étonner si personne ne les attaque, si l’esprit de mensonge ne
dit mot. Comme le prédicateur à la mode ne frappe point au cœur qui est la
citadelle où ce tyran est renfermé, il ne s’étonne pas beaucoup du grand bruit
qu’on fait au dehors
Mais
qu’un prédicateur plein de la parole et de l’esprit de Dieu vienne seulement à
ouvrir la bouche, tout l’enfer sonne l’alarme et remue ciel et terre pour se
défendre. C’est pour lorsqu’il se fait une sanglante bataille entre la vérité
qui passe par la bouche du prédicateur et le mensonge qui sort de l’enfer,
entre ceux des auditeurs qui deviennent par leur foi les amis de cette vérité
et toute une ville et toute une province par la guerre qu’il y suscite…
Il
ne faut donc pas que l’on s’étonne des étranges persécutions et calomnies qu’on
lance contre les prédicateurs qui ont reçu le don de la parole éternelle… Il
faut qu’un bon prédicateur se regarde dans la chaire comme un innocent sur la
sellette où il faut qu’il souffre, sans se venger, les faux témoignages de tout
un auditoire indisposé contre lui, les censures et les mauvaises
interprétations que les savants orgueilleux font de ses paroles, les
railleries, les moqueries et les mépris que font les impies de sa personne et
enfin toute la calomnie de tout un peuple, résistant à la vérité…».
Voilà
un saint qui connaissait bien les philosophes du clergé de son temps: il y a
déjà trois siècles. Ces pharisiens se trouvent toujours dans l’Eglise pour
détruire l’œuvre de J.-C. comme les anciens pharisiens ont tué Jésus. Ne soyons
donc pas étonnés si le christianisme avance de peu dans le monde: la très
grande majorité des prêtres appartiennent à cette race de théologiens purement
spéculatifs qui sont tout à la lettre qui tue, qui marchent uniquement par la
tête, par leur esprit païen de la seule raison et qui n’ont pas le cœur dans
l’amour de Dieu! Ils n’ont que l’intelligence de l’esprit, mais non
l’intelligence du cœur comme parle Saint Paul.
SES
AVANTAGES
Nous
n’aurions pas si peur de la persécution si nous pensions moins au mal qu’elle
nous fait et plus au bien céleste qu’elle nous apporte. Repassons un peu ses
avantages pour notre âme.
ELLE
EXPIE NOS PÉCHÉS et nous les fait expier. Combien oublient vite leurs péchés et
pensent que Dieu les oublie aussi vite. Est-ce qu’il suffit de cesser de faire
des dettes pour qu’elles soient payées? De même, il ne suffit pas de cesser de
pécher pour qu’ils soient pardonnés. Les fidèles font si peu pénitence qu’il
faut croire que la plupart ont encore leurs péchés à expier, même s’ils sont
pardonnés en confession.
Nos
philosophes avec leur doctrine purement spéculative de l’absolution font croire
aux fidèles que dès qu’ils la reçoivent, tout est pardonné et tout est fini au
sujet de leurs péchés. C’est absolument faux: ils reçoivent le pardon de leurs
péchés par l’absolution, mais il leur reste toujours une bonne expiation à
faire. Elle fait partie intégrante du sacrement de pénitence. Dans les premiers
siècles, on imposait toujours une forte pénitence tout en donnant l’absolution;
c’est qu’ils savaient que les péchés doivent être expiés, même après
l’absolution.
Eh
bien! Très peu de fidèles ont le courage de s’imposer des pénitences pour leurs
péchés, alors Dieu y supplée par la persécution qui est souvent très pénible à
supporter. Ces pénitences choisies par Dieu sont bien plus efficaces pour
expier nos péchés que celles que nous nous imposons nous-mêmes. Il sait mieux
que nous ce qu’il faut punir et expier en nous.
La
persécution est surtout efficace pour nous aider à détruire en nous nos deux
amours naturels, surtout l’amour de soi. Tout homme est porté à s’estimer
beaucoup: les calomnies et les mauvais traitements des autres finissent par le
convaincre qu’il n’est pas aussi parfait qu’il se croyait.
La
persécution ne se fait pas toujours au nom de la foi. Combien de gens se
chicanent et font souffrir de bien des façons. C’est Dieu qui dispose tout pour
qu’ils aient une chance d’expier leurs péchés. Combien ont à côté d’eux une
personne qui agit comme un vrai bourreau pour les faire souffrir et cela des
années de temps. Qu’ils l’endurent pour l’expiation de leurs péchés! Au lieu de
perdre son temps à vouloir convertir son bourreau, il vaut mieux se convertir
soi-même à la volonté de Dieu qui veut qu’on expie nos péchés. Dieu tient notre
bourreau là tant que nous en avons besoin pour nous purifier complètement.
Remercions Dieu et aimons notre bourreau selon le commandement formel de Jésus.
Quand
même que la persécution serait injuste actuellement, il faut l’accepter pour
expier nos péchés qui n’ont pas encore été expiés. Nous ne voyons que dans le
présent, mais Dieu voit le passé aussi bien que le présent. Il voit nos péchés
à expier encore.
AMORTIT
LE PAÏEN EN NOUS.
Voici
un point généralement ignoré par les fidèles: ils pensent qu’il suffit de détruire
le péché en nous. C’est tout ce que les philosophes laissent entendre partout
en ne prêchant que contre les péchés. Ils ont tort.
Pour
aller aux limbes, cela suffirait, mais c’est absolument faux que cela suffise
pour arriver au ciel. Après qu’on s’est débarrassé de ses péchés, il reste
toute notre activité naturelle libre des intentions et des motifs à sacrifier.
Qui n’a pas entendu cette parole de J.-C.: «si quelqu’un veut venir après moi,
qu’il se renonce lui-même!». Donc il faut renoncer à son païen, même après
avoir renoncé à ses péchés. Se renoncer, voilà le grand travail de tout
chrétien quelque parfait qu’il soit. Se renoncer veut dire amortir nos deux
amours naturels et donc renoncer aux jouissances qui alimentent ces deux amours
naturels. Or, il n’y a pas que les choses défendues qui procurent de la
jouissance, mais les bonnes aussi. Or, très peu d’hommes sont capables de se
renoncer par eux-mêmes: il faut que Dieu vienne à notre secours. Ce qu’il fait
par toutes sortes de persécutions qu’il nous envoie de la part des personnes
avec lesquelles on vit. C’est pour nous aider à faire la guerre à notre païen,
le pire ennemi de Dieu en nous.
NOUS
DIVINISER.
D’après
l’évangile, le divin entre en nous en proportion que l’humain ou le naturel en
sort. Saint Paul dit que le vieil homme doit périr en nous pour que le nouvel
homme se forme. Or, les persécutions sont envoyées par Dieu précisément pour
faire mourir ce vieil homme naturel ou païen. Jésus dit que nos places dans le
ciel dépendent du calice que nous buvons. Or, il veut dire par là que nous
régnerons au ciel dans la mesure que nous aurons participé à la passion de
Jésus et donc à ses persécutions.
Suivons
donc tous J.-C. et peu importe la persécution des ennemis de Jésus: qu’ils soient
démons, païens, méchants ou prêtres philosophes. Adhérons à Jésus dans sa vie
et dans sa doctrine: c’est là que nous nous divinisons. Et le signe que nous
lui faisons plaisir est justement la colère des démons et de leurs instruments
quels qu’ils soient. Le monde vous haïra parce que vous m’appartenez! La
persécution nous rend donc plus semblables à Jésus et donc nous divinise. Elle
n’est pas seulement un signe que nous appartenons à Jésus, mais elle nous rend
semblables à lui.
Que
tous ceux qui ont peur de suivre de près Jésus sachent bien qu’ils perdent une
bonne chance de lui ressembler. Quand les filles refusent si jamais il y en a!…
de mettre du rouge sur les lèvres, et qu’elles sont persécutées par les autres,
quel bonheur devrait être le leur de souffrir quelque chose pour l’amour de
leur Sauveur! De même, ceux qui s’éloignent des amusements et des vanités des
païens ne devraient pas craindre les sarcasmes des autres: c’est justement là
qu’ils ressemblent à J.-C. Quelle folie que de vouloir l’amour du monde au lieu
de l’amour de Dieu! De vouloir plaire au monde plutôt que de plaire à Dieu! La
ressemblance qu’il nous faut est celle de Jésus souffrant de la persécution des
scribes et des pharisiens et donc c’est quand nous souffrons pour notre
religion, pour suivre la doctrine de l’évangile et pour imiter notre divin
Sauveur que nous devenons plus semblables à J.-C. et donc que nous nous
divinisons.
LES
NON-PERSÉCUTÉS SONT À PLAINDRE
D’après
ce que nous venons de dire, on voit combien ceux qui ne sont pas persécutés
pour leur religion sont à plaindre! C’est donc qu’ils appartiennent au monde et
qu’ils le suivent dans ses idées et dans ses mœurs. C’est donc que les démons
ne voient pas des ennemis en eux et qu’ils font bon ménage ensemble! Jésus dit
carrément: «Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartient!
Mais parce que vous n’êtes pas du monde et que vous m’appartenez, le monde vous
hait comme il m’a haï et il vous persécutera comme il m’a persécuté». Quelle
parole terrible pour ces prêtres qui n’ont jamais de luttes avec les démons ni
avec les mondains, mais qui jouissent d’une paix parfaite avec les pires
ennemis de Jésus! Malheur à vous dit Jésus quand le monde dira du bien de vous!
C’est donc que vous lui faites plaisir et que vous suivez ses maximes.
Que
de prêtres prêchent justement pour ne pas contrarier le monde, mais pour
s’attirer les louanges du monde. Ce n’est pas nécessaire de le vouloir exprès:
cet amour des louanges est tellement ancré dans le cœur humain que plusieurs le
font sans même s’en rendre compte. Comme ils évitent habilement les passages de
l’évangile qui pourraient troubler les consciences des fidèles à mentalité
païenne! Comme ils évitent de les expliquer dans le détail et dans le concret de
la vie; par exemple, tous les textes sur le renoncement et le mépris des
créatures même bonnes en soi Où sont les fidèles qui ont jamais entendu un
prêtre exploiter les textes de Saint Pierre et de Saint Paul qui enseignent la
nécessité d’endurer les outrages, les insultes et les persécutions de toutes
sortes chaque jour de la vie et que c’est notre vocation de le faire… que sinon
nous n’appartenons pas à la famille de J.-C.? Voilà des textes qui exciteraient
la colère des démons et des mondains… et qui attireraient des reproches des
supérieurs et même des condamnations de leur part.
Les
prêtres ont bien plus peur des reproches du monde et de leurs confrères que de
Dieu: ils sacrifient volontiers la doctrine austère de l’évangile pour ne pas
déplaire aux fidèles et ils ne craignent pas de déplaire ainsi à Dieu. Ils
imitent Judas et trahissent Jésus pour sauver leur réputation devant les
mondains.
La
plupart des prêtres comprennent si peu l’esprit de Jésus qu’ils prennent pour
signe d’hérésie l’opposition que l’on rencontre des gens du monde. Dès qu’ils
se plaignent de la sévérité de la doctrine qu’un vrai disciple de Jésus prêche,
les supérieurs de ce prédicateur prennent peur et l’admonestent vite d’avoir à
prêcher comme tous les autres prêtres, ce qui veut dire de façon à ne pas
troubler les gens dans leur vie païenne toute aux choses de la terre.
Jésus
dit que ceux qui prêchent comme lui seront persécutés comme lui, les supérieurs
devraient d’abord examiner si leur inférieur est dans ce cas ou s’il prêche des
hérésies. Mais la plupart sont tellement ignorants sur cette doctrine qu’ils
jugent leur inférieur hérétique par le seul fait qu’il suscite beaucoup
d’opposition de la part des gens du monde. Comme ils sont loin de Jésus qui dit
que tous ceux qui le suivent de près seront persécutés comme lui.
La
conclusion est que ceux qui ne sont pas persécutés dans la prédication ou dans
la pratique de leur religion sont à cent lieues de la doctrine de J.-C. et donc
de J.-C. lui-même. Que chacun examine bien s’il va à la dérive avec le monde ou
s’il remonte le courant des gens du monde. comme leur Maître, tous devraient
être des signes de contradiction!
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