VINGT-SIXIÈME INSTRUCTION
TOUT CATHOLIQUE DOIT ÊTRE
SAINT.
«Comme Celui qui vous a appelés
est saint, vous aussi soyez saints dans toute la conduite de votre vie». I Pet.
1-15.
Nous avons suivi le divin
dans la Trinité, dans le Verbe Incarné, dans sa sainte Humanité, dans l’Eglise
et enfin nous voulons le voir agir dans les individus. C’est la partie la plus
personnelle et la plus pratique pour chacun de nous. C’est le but que Dieu se
proposait dans toutes ses œuvres grandioses qu’il a faites pour nous avoir avec
lui… dans ce monde par la foi et sa grâce et ensuite dans la gloire du ciel.
Les Apôtres ont reçu la
science infuse du plan divin dans ses détails avec les moyens pour le vivre.
Cette idée fait le fond de leur prédication: ils veulent que tous les fidèles
se préparent à voir Dieu face à face dans la vision béatifique. Mais, ils
insistent que pour cela il faut devenir semblable à Dieu dans une sainteté
parfaite comme celle de Dieu. Jésus dit carrément à tout le monde sans
exception: «Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait!». Evidemment
nous ne pouvons pas atteindre le même degré, mais nous devons avoir le même
genre de sainteté et vouloir toute la sainteté de Dieu! Comme il est le
souverain bien et notre fin dernière, nous ne devons pas mettre de limites à
notre vouloir par rapport à Dieu.
Les Ecritures inspirées
ne cessent de nous recommander de chercher la sainteté constamment et
ardemment. Comment se fait-il que si peu de chrétiens veulent sincèrement
devenir des saints dans toute la force du mot? Commençons par examiner les
causes de cette paresse spirituelle, afin de les enlever si possible avec la
grâce de Dieu.
Il ne s’agit pas
simplement de les connaître spéculativement pour en parler seulement; mais,
pour les faire disparaître en chacun de nous. Les prêtres surtout doivent
prendre tout ce que nous dirons ici: mais cela ne veut pas dire que les laïques
en ont moins besoin. Tous sans exception sont tenus de devenir des saints comme
le bon Dieu est saint. Par conséquent, tous sans exception doivent prendre pour
eux-mêmes tout ce que nous disons dans cette instruction adressée à tout le
monde sans exception.
LES OBSTACLES…
Sont très nombreux
évidemment, mais nous allons nous arrêter aux principaux et aux plus généraux
pour le temps que nous avons à notre disposition pour cette instruction. Chacun
pourra continuer ce travail dans ses méditations quotidiennes.
LA NATURE HUMAINE. Nous
avons été créés par nature pour l’usage des créatures de ce monde et pour y
trouer notre bonheur terrestre. Tout en nous, nous pousse vers les plaisirs des
choses créées: ce n’est pas étonnant que nous soyons tout aux choses de la
terre!
Or, pour acquérir la
sainteté de Dieu, il nous faut faire tout le contraire de ces tendances
naturelles que nous avons en nous. Il nous faut réagir contre notre amour
naturel pour les créatures et cela constamment pour mettre tout notre amour
uniquement en Dieu et en les choses de Dieu. Il faut aller contre tout ce qui a
fait sa vie dans le passé et tout ce qui fait son bonheur dans le présent.
C’est une lutte qui dépasse les forces humaines: personne ne peut faire cette
guerre contre lui-même sans la grâce de Dieu. La très grande majorité n’ont pas
même l’idée de se vaincre et donc encore moins de prier pour se vaincre. Alors
la plupart restent dans la vie naturelle où ils sont nés. Quand on leur parle
de sainteté, ils admettent bien qu’elle est enviable mais ils n’ont pas la
force de secouer le joug de la chair humaine avec ses tendances animales. Et
comme dans ce monde naturel où ils vivent, ils n’ont pas grand désir des choses
de Dieu, ils ne prient pas ou trop peu pour sortir de leur mentalité plus ou
moins païenne.
Une des raisons est que
d’après la prédication des prêtres philosophes ils n’ont qu’à éviter les péchés
et tout le reste est bon pour le ciel. Alors, la plupart des gens gardent toute
leur activité naturelle mentale bonne en soi comme si elle était méritoire pour
le ciel. Or, nous savons maintenant que toute cette activité naturelle
intentionnelle ne vaut rien devant Dieu au point de vue du mérite éternel.
Comment devenir saint avec cette activité naturelle? C’est impossible et voilà
pourquoi tant de chrétiens ne sont pas saints.
Saint Paul dit carrément
que les enfants de Dieu doivent être conduits par l’Esprit de Dieu; donc pas
par des motifs naturels. Mais, comme ces gens vivent de motifs naturels, le
Saint-Esprit ne peut pas les sanctifier dans le monde naturel où ils vivent.
Tant que les prêtres enseigneront que le bon naturel est bon pour le ciel, les
catholiques seront bien paresseux pour se sanctifier vraiment comme les saints
l’ont compris dans la vraie sainteté surnaturelle. Ils sont satisfaits de leur
bonté naturelle et les prêtres les laissent bien tranquilles là: ils y restent!
Par conséquent, non
seulement il faut prêcher contre les péchés, mais aussi et je dirais surtout
contre toute cette activité naturelle libre des motifs qui ne vaut pas plus que
le sable pour soutenir notre maison spirituelle dans les tempêtes. Ni Jésus, ni
la Sainte Vierge, ni les Apôtres n’ont agi pour des motifs naturels; donc ceux
qui veulent les suivre dans leur sainteté doivent les suivre dans leurs motifs
absolument surnaturels.
Puisqu’il faut mourir à
soi pour vivre en Jésus, qu’on cesse d’agir pour des motifs naturels qui
alimentent le païen en nous et nous empêchent de recevoir l’action du
Saint-Esprit. Personne ne pourra donc arriver à la sainteté de Dieu sans
renoncer à son moi païen ou à son activité naturelle intentionnelle.
LES SOPHISMES DE
L’INTELLIGENCE sont très nombreux. Comme l’amour est tout aux choses de la
terre par nature, c’est lui qui cherche des prétextes pour satisfaire cet amour
tout en paraissant travailler pour le ciel. On voudrait combiner les deux:
jouir de ce monde et après jouir de Dieu au ciel. Alors, toute la finesse
humaine est employée à assurer les jouissances dans les deux mondes. Jésus dit
que c’est impossible, mais les démons, aidant nos prêtres philosophes, ont
toutes sortes de sophismes pour essayer de jouir des deux. Ils font exactement
comme Satan a fait pour tenter Jésus. Il citait des textes vrais, mais il les
interprétait mal. Eh bien! Nos prêtres en ont de ces textes qu’ils font servir
à sauver leur vie plus ou moins païenne dans la mentalité et par la suite dans
le concret de la vie.
S’il y a une vertu sur
laquelle Jésus insiste dans sa vie et dans sa doctrine, c’est bien le
détachement des plaisirs de la terre et l’esprit de pauvreté. Mais les prêtres
opposent à la doctrine de Jésus leur doctrine abstraite des «in se» pour
permettre à tout le monde de jouir tant qu’ils veulent des plaisirs bons «en
soi». C’est vrai ce qu’ils disent, mais ce n’est pas la doctrine de J.-C. Il ne
prêche pas seulement contre l’usage des choses défendues, mais aussi contre
l’amour des choses permises, ce que la plupart des prêtres ne font pas.
Dans le Sermon sur la
montagne, Jésus dit que nos bonnes œuvres seront récompensées selon les motifs:
les philosophes disent qu’elles sont récompensées selon leur bonté «en soi» et
peu importe les motifs: qu’ils soient naturels ou surnaturels. Il y a du vrai
et il y a du faux: encore un sophisme donc!
Mais c’est inutile
d’allonger l’énumération: nous en avons signalé assez dans le cours de nos
instructions. C’est par centaines et par centaines que les prêtres en donnent
aux fidèles. voilà ce qui explique en bonne partie l’insouciance des
catholiques pour arriver à la sainteté. Ils trouvent même ridicule celui qui y
tend sincèrement et ils ne manquent pas de se moquer de lui et même de le
persécuter, pour le faire rentrer dans le rang du commun des mortels!
Si l’on veut découvrir
ces sophismes qu’on essaie de pousser tant soit peu quelqu’un à la sainteté et
tout de suite il nous sert un de ces sophismes des prêtres philosophes inspirés
par Satan qui nous tente comme il a tenté Jésus au désert. «C’est par orgueil
que tu veux te signaler au service de Dieu! La vraie humilité ne veut pas se
faire remarquer: elle suit la voie commune…», oui, des païens! Faire comme tous
les autres est le refrain des prêtres philosophes et des païens qui les
suivent. Or, comme pour être saint, il faut bien se séparer de la masse qui ne
veut pas de la sainteté, c’est un principe de paresse spirituelle.
Quand l’amour est aux
choses du monde, l’esprit est habile pour trouver des raisons de légitimer son
amour naturel. Or, comme la plupart des humains sont captivés par l’attraction
des choses créées, ils ont une foule de sophismes pour justifier leur poursuite
des choses créées. On les remarque parce qu’ils sont surtout tirés de la
raison, tandis qu’un chrétien doit prendre ses motifs uniquement dans la foi et
dans les textes des Ecritures bien compris, selon le sens de l’Eglise et des
saints qu’elle a canonisés.
LES ATTRACTIONS DE
L’IMAGINATION jouent un rôle très important dans la poursuite de nos amours,
soit naturel ou surnaturel. On sait que la volonté veut le bien de l’homme
selon qu’il lui est montré par les sens. D’avance on jouit d’un plaisir
sensible auquel on pense. On dit qu’on en rêve, ce qui veut dire qu’on se le
représente souvent à l’esprit et que l’imagination agit sur les sens pour les
exciter comme s’il leur était présent. Alors, on comprend que la volonté soit
fortement entraînée à ce plaisir.
N’est-ce pas la tactique
des démons et des mondains de faire miroiter devant l’imagination des hommes
par des tableaux, par des discours, des écrits, par la radio, tout ce qui peut
corrompre les mœurs en faisant penser aux choses impures? Tous ces méchants
agissent habilement sur l’imagination… et ils réussissent merveilleusement à
perdre la foule des humains. Dès qu’un homme se remplit l’imagination des
jouissances sensibles, il les veut… et adieu la poursuite de la sainteté! Les
biens célestes n’ont plus d’attrait pour lui. C’est le cas de la masse des
catholiques comme on peut le voir par leur conversation toute des choses des sens.
Le tort que fait
l’imagination est qu’elle grandit beaucoup les jouissances sensibles et alors
les fait vouloir par la volonté. Défions-nous donc de cette faculté.
Retirons-la des choses créées et appliquons-la aux choses surnaturelles comme
nous l’avons expliqué dans la première série au sujet des échantillons.
LES MOYENS…Pour désirer
la sainteté et s’appliquer sérieusement à l’acquérir sont tout le contraire des
obstacles que nous venons de signaler. Au lieu de suivre la nature humaine dans
sa première création dans l’ordre naturel, il faut bien se mettre dans l’esprit
notre deuxième création par la grâce dans le surnaturel. Or, là nous sommes
appelés à:
UN IDÉAL SUBLIME: LA
SAINTETÉ DE DIEU! Sortons donc pour tout de bon de l’ordre naturel et des
créatures qui faisaient notre bonheur humain ou nous vivions comme des païens,
pour nous jeter corps et âme dans le monde surnaturel avec tous les biens que
la foi nous montre dans cet ordre divin. N’oublions pas qu’il s’agit de deux
fins dernières différentes et donc de deux amours essentiellement opposés l’un
à l’autre comme Jésus le dit bien clairement: «Vous ne pouvez pas servir Dieu
et le monde: vous en aimerez l’un et vous haïrez l’autre». C’est donc tout l’un
ou l’autre d’après Jésus même. Quelle bêtise donc pour tant de prêtres et de
fidèles qui les suivent, de vouloir jouir des deux à la fois, de vouloir garder
une bonne portion de leur coeur pour les créatures et le reste pour Dieu.
Puisqu’ils mettent une partie des créatures à l’égal de Dieu dans leur coeur,
c’est clair qu’ils n’ont pas Dieu du tout… selon la parole de J.-C. Or, c’est
la très grande majorité des fidèles qui essaient de ménager les deux. Ils
veulent bien aller du côté de Dieu, mais pas trop loin! Ils veulent jouir le
plus possible des créatures… et quand ils ne pourront plus, ils consentent bien
à aller au ciel, faute de mieux! Les pauvres malheureux! Je ne voudrais pas
être à leur place dans l’éternité! Ils n’ont pas voulu sacrifier tout leur
amour des créatures pour n’aimer que Dieu selon le premier commandement: comme
ils vont payer cher cet amour des créatures!
La sainteté de Dieu
consiste dans l’adhésion de sa volonté pour ses perfections divines. Si donc un
catholique veut la sainteté de Dieu comme il y est tenu par le commandement
formel de Dieu, il doit donc tourner sa volonté totalement du côté des
perfections divines que Dieu nous fait ses enfants par la grâce sanctifiante et
qu’il nous donne ses grâces actuelles.
Nous avons donc l’ordre
formel de Dieu de nous sanctifier et il nous donne tous les moyens pour cette
fin: il ne reste donc plus que notre détermination ferme de vouloir le devenir.
Il nous faut donner ce coup de volonté un jour mais ça ne finit pas la.
Supposons que je me détermine aujourd’hui d’aller à Rome, c’est déjà beaucoup,
mais il me faut répéter cette détermination pour ainsi dire dans tous les
moyens particuliers qui vont finir par m’amener à Rome. Voilà ce qu il faut
faire pour devenir saint. D’abord se déterminer à le devenir. Puis ensuite
garder ou répéter cette détermination dans tous les détails de ma vie qui sont
des moyens pour arriver à la sainteté.
Il ne faudra pas se
contenter d’éviter les péchés: il faudra sacrifier une foule de plaisirs
honnêtes, il faudra me vaincre en acceptant toutes les croix que Dieu m’envoie,
il faudra aiguiller tout mon amour uniquement sur les choses de Dieu et donc le
retirer des créatures, mêmes bonnes en soi. Pourquoi ne pas me venger de telle
injure? Parce que Jésus ne le veut pas! Pourquoi faire du bien à cet ennemi?
Parce que Jésus le veut! Or, pour être saint, il faut vouloir comme Jésus en
tout.
Si l’on réfléchit que
nous devons commencer tout de suite notre vie du ciel, nous serions bien plus
tranchés dans notre façon surnaturelle de vivre. Au ciel, il n’y aura pas le
moindre mélange de motifs naturels et de motifs surnaturels: ils seront
absolument tous, sans exception, surnaturels. Eh bien! Dieu nous alloue
quelques années sur la terre justement pour nous exercer à notre vie céleste:
commençons-la donc tout de suite! Au moins sachons notre obligation de le faire
et ensuite essayons de la vivre de notre mieux.
Tous ces catholiques qui
veulent se tenir entre l’amour de Dieu total et l’amour des créatures n’ont
rien compris au plan de Dieu. Ce sont des gens qui raisonnent comme s’ils
étaient sur le chemin des limbes. Là il n’y aurait pas besoin de rien trancher:
du moment qu’on éviterait les gros péchés mortels de la Loi naturelle, on
aboutirait quelque part dans les Limbes. On pourrait se contenter des degrés
inférieurs. Mais pour le Ciel, c’est une question d’amour et l’amour est
jaloux, exigeant: il veut tout ou rien. Par conséquent, ceux qui ne veulent pas
aimer Dieu de tout leur cœur, risquent de tout perdre aussi.
Comme le bien est l’objet
propre de la volonté et que Dieu est le souverain Bien, la volonté doit le
vouloir de tout son poids. Personne n’a le droit de dire, je me contente d’un
certain degré et cela me suffit. Celui-là pèche directement contre le premier
commandement et risque son salut éternel.
C’est l’infini bonheur de
la vision béatifique au sein de la Trinité que Dieu nous offre pour fin
dernière: comment un catholique peut-il ne pas vouloir entièrement et
absolument ce bonheur éternel? Ou bien il n’y pense pas et alors il ne l’aura
certainement pas; ou bien il y pense et s’il est assez fou pour ne pas le
vouloir totalement, il n’en mérite pas du tout.
SAVOIR SITUER LE TRAVAIL
DE LA SAINTETÉ Que de temps et d’efforts perdus pour le grand nombre des
fidèles pour se sanctifier! Ils se démènent beaucoup, mais souvent en dehors de
la voie. Les prêtres philosophes avec leurs diaboliques «in se» mettent le
travail dans les actions en soi. Pour eux tout consiste à éviter les actions
défendues. Tous les catholiques sont convaincus qu’ils n’ont que les péchés à
éviter: le reste importe peu. S’ils ne sont pas des démons, ils sont divins!
Mais entre les deux, il y a les païens. Un catholique peut bien éviter les
péchés et vivre dans une mentalité naturelle et donc païenne et là sans aucun
mérite pour le ciel. Jésus nous met en garde de faire nos bonnes œuvres pour
être vus des hommes, car dans ce cas nous n’aurons aucune récompense de Dieu.
Donc les catholiques qui vivent avec des motifs naturels ne travaillent pas à
se sanctifier, quand même ils sont bons… et c’est la très grande majorité des
fidèles qui sont dans ce cas, à cause de la prédication des prêtres philosophes
qui consiste pratiquement à faire éviter les péchés, sans s’occuper du tout des
motifs.
La sainteté ne consiste
pas à éviter le mal et à faire le bien naturel. Les bons païens font justement
cela et ils ne sont pas saints devant Dieu. Il faut ajouter un troisième
élément: le divin. La sainteté consiste à éviter le péché et à faire le bien
divinement, ou surnaturellement. Or, pour cela il faut le faire pour Dieu d’une
façon ou d’une autre, ce qui se fait par les motifs surnaturels.
Donc, pour être saint, il
ne suffit pas de ne pas être un démon dans le péché, ni d’être un bon païen ou
d’être un bon catholique par la grâce sanctifiante et païen dans la mentalité,
mais il faut être surnaturel dans sa mentalité en plus d’avoir la grâce
sanctifiante et païen dans la mentalité, mais il faut être surnaturel dans sa
mentalité en plus d’avoir la grâce sanctifiante et être exempt de péché. En
d’autres termes, il ne suffit pas d’être enfant de Dieu, il faut agir comme
tel. Or cela se fait dans la partie libre de notre activité et donc dans nos
motifs qui doivent être tous absolument surnaturels.
Il est vrai que c’est
Dieu qui nous sanctifie, mais il est vrai aussi que je me laisserai sanctifier
si je veux! Je suis libre de travailler à ma sanctification ou non. C’est
justement pour cela que J.-C. et les Apôtres et les saints nous exhortent si
souvent à vouloir devenir saints: c’est donc parce que cela dépend de nous
d’une manière réelle. Eh bien! Ce ne peut être que là où notre liberté peut
agir: cela est dans la volonté et donc dans nos motifs ou intentions libres.
Même sur le chemin des
limbes nous serions obligés d’éviter les péchés graves: il est évident que nous
devons faire cela aussi sur le chemin du ciel. Nous devons aussi avoir la bonté
naturelle qui nous mènerait aux limbes. Mais, quelle absurdité que de se
contenter de la même bonté pour aller au ciel! Une bonté humaine ne peut nous
conduire au ciel; il nous faut une bonté surnaturelle. «Strictement parlant»
comme disent les philosophes, la grâce sanctifiante suffit pour entrer au ciel
si on meurt vite après l’avoir reçue. Mais si on vit tant soit peu, en plus
d’elle, il nous faut une mentalité surnaturelle pour plaire à Dieu et pour
mériter. N’oublions pas que recevoir la grâce sanctifiante ne donne aucun
mérite, mais simplement la condition essentielle pour commencer à mériter quand
on agira librement et donc dans nos motifs pour plaire à Dieu.
Est-ce qu’un enfant
mérite de ses parents par le fait qu’il est conçu? Pas du tout. Mais avec sa
nature humaine, il méritera devant eux quand il agira pour leur plaire. Il en
est de même dans la vie surnaturelle. Si nous sommes enfants de Dieu par la
grâce sanctifiante comme dit Saint Jean, pour rester enfants de Dieu, il faut
se laisser conduire par l’esprit de Dieu, dit Saint Paul. Donc les deux sont
absolument nécessaires. Le mérite est seulement quand on ajoute la deuxième
partie: les motifs surnaturels, implicites ou explicites, mais enfin
surnaturels.
Donc, essayer de se
sanctifier en surveillant simplement la nature de nos actes, comme pour voir
s’ils sont bons ou mauvais et se contenter de vouloir éviter les péchés, ne
vaut pas grand-chose! Il faut le faire, mais là n’est pas le vrai travail de la
sainteté. Dieu n’a jamais dit: donne-moi de bonnes actions, mais donne-moi ton
coeur ou ton amour. Fais tes bonnes actions par amour pour moi, pour me plaire!
Or, cela se fait par les motifs surnaturels. Jésus dit que l’intention est
l’oeil du cœur comme l’oeil du corps pour nous conduire. Tout dépend de
l’intention: une intention naturelle donne un mérite naturel; une intention
surnaturelle donne un mérite surnaturel. C’est ce dernier seul qui compte
devant Dieu.
Par conséquent, le champ
le plus important à exploiter dans la spiritualité, c’est le champ des
intentions ou des motifs. Il faut faire la guerre à tout motif qui n’est pas
absolument surnaturel ou à toute intention simplement naturelle. C’est là que
nous devons surveiller notre divinisation, parce que là seul se trouve notre
liberté et donc une des causes importantes de mérite. Que chacun surveille
constamment ses motifs pour qu’ils soient tous parfaitement surnaturels… et
uniquement surnaturels. Pas de mélange des deux comme tant de prêtres
enseignent. Dieu ne veut pas de mariage mixte entre les motifs naturels et les
motifs surnaturels.
Cette question est si
importante et si peu connue que je répète une explication déjà donnée. Le
naturel et le surnaturel sont mélangés dans l’ordre physique ou substantiel.
Par exemple, la grâce sanctifiante divinise tout mon être, mon corps et mon
âme: donc ici les deux vont nécessairement ensemble et se mélangent
physiquement.
L’erreur de la plupart
des prêtres est de vouloir faire le même mélange dans les intentions ou dans
les motifs. Comme ici c’est une question d’amour et que Dieu veut absolument
tout notre amour, le moindre amour donné à soi ou à une créature insulte Dieu.
Or, on montre son amour par les motifs, puisqu’un motif est mon amour agissant
sur ma volonté. Par conséquent, comme Dieu veut être aimé seul, il n’accepte
que des motifs faits pour lui et donc surnaturels. Alors, un motif naturel qui
est pour un être étranger lui déplaît souverainement. C’est pourquoi il ne veut
pas de mélange des deux sortes de motifs: en amour, c’est tout ou rien. C’est
pourquoi Jésus pouvait dire: «Celui qui n’est pas pour moi est contre moi».
Cela est vrai rien qu’en amour. Par conséquent, dans le monde des motifs il y a
opposition irréductible entre un motif naturel et un motif surnaturel. L’un est
pour le démon quelque bon qu’il soit naturellement et l’autre est pour Dieu.
Donc dans ce monde des motifs, se trouve la lutte entre Dieu et le diable pour
notre âme. Là c’est la guerre nécessairement et constamment.
Ceux donc qui veulent se
sanctifier doivent travailler surtout dans le monde des motifs, surveiller
leurs motifs et s’assurer que tous leurs motifs sont absolument surnaturels:
Dieu ne paie que ce qui est fait pour des motifs surnaturels. C’est
incomparablement mieux que de faire la lutte aux péchés. Car en se battant
contre les péchés, quand même on réussirait, si on ne s’occupe pas de ses
motifs surnaturels, on risque son salut. Car on peut éviter les péchés et
rester naturel dans sa mentalité et alors cette mentalité païenne va nous faire
retomber dans le péché. Situons bien tout le travail principal sur les motifs
et l’on progressera rapidement et sûrement. Que le Saint-Esprit vous éclaire
tous sur cette nécessité de toujours agir uniquement pour des motifs
surnaturels!
ETRE SAINT DANS TOUS LES
DÉTAILS DE LA VIE. Ceux qui n’ont pas l’amour surnaturel de Dieu ont beaucoup
de peine à comprendre pourquoi Dieu attache tant d’importance aux petites
choses de la vie. Ici encore c’est une question d’amour! Or, l’amour est très
méticuleux, parce qu’il prend tout le cœur et donc toute la vie. Il prend tout
le bonheur. Or la vie est faite de détails insignifiants et pour l’amour tout
prend des proportions énormes comme on peut le voir entre amoureux. Comme il
faut peu de choses pour plaire à l’autre, comme il faut peu de choses pour lui
déplaire. L’amour est fait des riens qui remplissent la vie d’une personne.
Voyons donc dans la vie
de la Sainte Vierge qu’elle a vécue dans le plus grand amour de Dieu et,
pourtant, peut-on trouver une vie plus insignifiante aux yeux du monde? Comme
l’amour veut tout le coeur, quand il l’a, il voit toujours et uniquement cet
amour dans toutes les actions de celui ou celle qu’il aime.
Par conséquent, les
fidèles qui veulent se sanctifier ne doivent pas surveiller seulement leur
assistance à la messe et leurs communions, puis ensuite ne plus s’occuper de
Dieu dans les détails de leur vie journalière. On doit mettre autant d’amour de
Dieu dans son travail des champs ou de l’usine, ou de la cuisine, ou du ménage,
ou de n’importe quel autre ouvrage qui entre dans le cours ordinaire de la vie
chrétienne. Une femme en pelant ses patates ou en faisant ses chambres peut
avoir autant de mérite devant Dieu que dans ses exercices spirituels, pourvu
qu’elle ait uniquement des motifs surnaturels pour ces travaux que Dieu lui
demande de faire pour l’amour de lui dans la vocation qu’il lui a donnée.
Si on vit de foi, tout
cela sera encore assez facile. Jésus veut que nous voyions Dieu dans toutes les
personnes au monde! Que chaque femme qui prépare des repas pour sa famille le
fasse uniquement pour J.-C. comme lorsque Marthe préparait le souper pour Jésus
en personne. Cette vue de foi va faciliter beaucoup les motifs surnaturels,
puisque l’on verra Dieu partout. On voit comme tout s’enchaîne dans le monde
surnaturel. C’est pourquoi il nous faut prendre toute la doctrine que Dieu nous
présente au jour le jour de tant de façons comme il le fait dans sa providence:
un sermon, une bonne lecture, une bonne conversation avec une personne
surnaturelle, etc.
Surtout, n’allons jamais
rejeter une bonne occasion de s’instruire dans le monde spirituel. Autrement on
peut payer chèrement cette négligence d’un seul point. Combien vont rester
aveugles dans les choses de Dieu parce qu’ils ont refusé d’entendre un sermon
ou de faire une lecture ou de converser avec une personne dévote. Quand on aime
Dieu, on prend tout ce qu’on peut pour mieux connaître et mieux l’aimer!
Quel dommage que les
catholiques, pratiquement dans tous les rangs de la société, même
ecclésiastique, soient si fermes et si peureux de progresser eux-mêmes et
d’exhorter les autres à la sainteté! Comme les prédicateurs de la sainteté sont
rares aussi! Comme ils sont vite à court d’haleine sur ce sujet! Ils ont
toujours peur d’en demander trop aux fidèles: preuve qu’ils vivent bien dans le
monde naturel où on est vite satisfait de sa bonté.
Les prêtres devraient
montrer aux fidèles le rôle qu’ils ont dans l’Eglise, un peu comme les prêtres.
Les Apôtres poussaient bien loin les conclusions de notre foi. Par exemple, en
voici un de Saint Pierre I, ch. 2: •1451 «Soyez vous-mêmes édifiés sur lui,
comme les pierres vivantes, pour composer une maison spirituelle (comme
l’Eglise) et un sacerdoce saint (comme celui des prêtres), afin d’offrir à Dieu
des sacrifices spirituels qui lui soient agréables par J.-C…. Mais vous, vous
êtes une race choisie, un sacerdoce royal, afin que vous annonciez les
grandeurs de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière».
Chacun doit donc non
seulement se sanctifier, mais sanctifier les autres selon les grâces que Dieu
lui donne. Tous doivent être les temples du Saint-Esprit où on offre des
sacrifices de l’humain, du naturel et notre païen! On doit mépriser les
créatures et donc les immoler à notre amour pour Dieu comme aussi nous renoncer
ou immoler son moi païen pour que Jésus seul vienne vivre dans son temple.
C’est par ces sacrifices que l’amour surnaturel de Dieu s’achète et leur mérite
devant Dieu dépend de l’intensité de notre amour divin.
Quelle source de sainteté
est le catholique qui vit selon la foi! Il a la vie du Père éternel par la
grâce sanctifiante; en suivant la foi, il suit la sagesse du Verbe et pour
montrer qu’il préfère l’amour du Saint-Esprit à l’amour des créatures, il les
sacrifie constamment sur l’autel de son cœur et en présence de la Sainte
Trinité qui habite en lui. Il nage donc dans le divin comme dans le ciel,
excepté qu’il ne le voit pas, mais il croit ce qui honore Dieu grandement.
C’est son amour de Dieu qui gouverne tout, qui oriente toute son activité
exactement comme dans le ciel. Voilà un catholique qui est mûr pour la vie du
ciel! Voilà la vie surnaturelle que les prêtres devraient commencer par vivre
eux-mêmes, puis l’enseigner aux fidèles qui l’ignorent à peu près complètement
par la faute de l’ignorance et de l’insouciance des prêtres dans ce domaine.
Saint Pierre dit que nous
sommes une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple
conquis, afin que nous annoncions les grandeurs de Celui qui nous a appelés du
paganisme au Christianisme. Un catholique a donc la même vocation que l’Eglise:
répandre la foi par le monde et faire connaître les merveilles du monde
surnaturel. Comment peut-il le faire s’il ne commence pas par en vivre
lui-même?
Comme Jésus s’est immolé
pour l’amour de nous, tout catholique doit s’immoler de son vivant pour l’amour
de J.-C. Or, quelle vie doit-il sacrifier? C’est sa vie païenne faite de ses
deux amours naturels: l’amour de soi et l’amour des créatures. En les tuant
autant qu’il le peut avec la grâce de Dieu, il meurt à lui-même pour
ressusciter dans la vie surnaturelle de J.-C. Et comme ces deux amours sont
extrêmement pénibles à la nature humaine, on peut dire qu’il est vraiment
crucifié avec J.C. pour revivre la vie divine avec lui.
Cette doctrine est
justement celle de Saint Ignace dans le Règne où il dit que pour faire régner
Jésus dans le monde, il faut faire la guerre à notre amour-propre et à l’amour
mondain: nos deux amours naturels. C’est le seul moyen efficace de vivre sans
péché et d’être comme Dieu veut son Eglise, pure et sans tache. Tout catholique
doit donc accomplir la fonction principale de l’Eglise: donner J.-C. au monde
par tous les moyens à sa disposition. Voilà la base de l’action catholique que
les derniers Papes veulent pour tous les fidèles. Car, après tout, l’Eglise
n’est pas une personne, elle est un corps moral composé de ses membres. Tout ce
que Jésus veut de son Eglise, il le veut de ses membres qui la composent. Quand
il la veut sainte et sans tache, ce sont ses membres qu’il veut saints et sans
tache et absolument saints.
On a vu que la sainteté
est dans l’amour de Dieu. Eh bien, quand un catholique lit dans Saint Paul que
pour l’amour de Dieu et pour gagner J.-C., il s’est privé de toutes choses, les
regardant comme du fumier, il trouve là un fameux moyen pour se sanctifier.
Qu’il regarde tous les plaisirs de la terre comme du fumier! Il en prendra donc
le moins possible! On ne remplit pas ses conversations de fumier! Qu’on cesse
donc de parler des amusements et des joies de la terre pour converser de
l’objet de notre amour: Dieu et des choses de Dieu. C’est le meilleur critère
pour voir si on est sur le chemin du ciel. Comme ils sont rares!
Quand on se donne à la
vie intérieure de sainteté, on est d’abord perdu: on ne sait pas comment
occuper le temps qu’on donne à Dieu: nos prières sont vite finies. Eh bien!
Voici un champ immense et inexploré. C’est d’essayer d’imiter Jésus dans sa vie
intérieure et dans ses prières si longues qu’il faisait même la nuit tout
entière.
Il est certain qu’il
demandait pardon à Dieu pour les péchés des hommes. Il se servait des paroles
inspirées par le Saint-Esprit que l’on trouve dans les psaumes et dans les
Prophètes. Que d’arguments on trouve là adressés à Dieu pour qu’il use de
miséricorde envers les hommes! Il fait valoir leur ignorance, leur faiblesse
naturelle et le sort affreux des humains en enfer. Il fait appel à sa bonté
infinie, à sa miséricorde, à sa puissance, à sa gloire sur terre et dans le
ciel, s’il pardonne aux hommes. •1460 Ensuite il lui offre des adorations, des
actions de grâce, des actes d’humilité et d’amour, que l’on trouve dans les
psaumes. Dans nos visites au Saint Sacrement, parcourons lentement les psaumes
et nous trouverons des expressions qui expriment parfaitement notre état d’âme
actuel. Habituons-nous donc à prier avec le Saint-Esprit et comme il nous le
suggère dans les psaumes. Les laïques devraient les exploiter constamment. Ce
sont ces actes libres de nos deux facultés spirituelles que Dieu surveille en
nous incomparablement plus que notre grâce sanctifiante… qui n’a pas de mérite,
mais est simplement la condition pour en avoir.
LES AVANTAGES
POUR SOI,
POUR LE PROCHAIN
ET POUR DIEU sont trop
évidents pour qu’on les développe: si on pratique les points précédents, ces
avantages suivront automatiquement pour notre plus grand bonheur en ce monde et
surtout en l’autre. Que le Saint-Esprit nous ouvre les yeux! Et que la Sainte
Vierge nous obtienne sa mentalité divine et sa sainteté incomparable!