VINGT-TROISIÈME
INSTRUCTION
LA
CHARITÉ.
« Tu aimeras le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toutes tes forces et
de tout ton esprit. » Luc. 10-27.
Dans notre première
série, nous avons médité sur l’amour de Dieu surtout en fonction de ses
échantillons. C’était un amour initial ou comme la genèse de l’amour. Un peu
comme si je montrais à un ami le portrait d’une jolie personne que je voudrais
lui présenter dans le but de la marier un jour. Cet amour est bien imparfait
comparé à celui qu’il concevrait quand il verrait de ses yeux cette personne
très parfaite. Eh bien! Dans la première série, nous avons montré seulement
comme le portrait de Dieu peint dans les créatures; ici, nous voulons nous
affectionner à Dieu lui-même pour ses propres perfections infinies. Cet amour
devrait être autrement parfait que le premier puisé dans le miroir des
perfections divines, la création.
Là Dieu s’offrait pour
ainsi dire à notre amour: ici, c’est nous qui nous portons vers lui de toutes
nos forces. C’est notre coopération à ses avances par ses échantillons. Ils
nous ont parlé assez de Dieu pour qu’à notre tour nous nous élancions de ce
tremplin jusqu’à vouloir l’aimer comme il mérite en lui-même. Si son oeuvre est
si belle, que doit être la beauté du Créateur? Nous allons donc beaucoup plus
loin ici: nous montons jusqu’à l’essence divine pour nous y attacher de toutes
les puissances de notre âme. Ce n’est plus le portrait ou le miroir que nous
voulons: c’est la Personne reflétée dans les créatures: Dieu.
SENS DU PREMIER
COMMANDEMENT
Dieu ne se contente pas
de nous donner les facultés pour découvrir son amour au moyen des créatures,
mais il nous fait un commandement formel de l’aimer. S’il nous laisse plus ou
moins libre d’user du «miroir» dans chaque cas concret, ici il nous en fait un
précepte catégorique qui ne laisse pas d’échappatoire pour personne. Nous
sommes tous tenus de lui obéir sous peine de damnation. Celui qui n’observe pas
ce premier commandement ne peut être sauvé. Pour montrer son importance, Jésus
dit qu’il contient la Loi et les Prophètes.
Malgré ce que Jésus en
dit, c’est étonnant comme il est peu exploité par les prêtres et même les
manuels de théologie. Comme ils passent vite aux péchés qui lui sont
contraires! La partie positive est très restreinte: nos philosophes ne voient
pas grand-chose de pratique dans sa partie positive. Pourtant à lui seul il
suffit à gagner le ciel! Au Scribe qui cite ce commandement seul comme pour
tenter Jésus, notre Seigneur dit: «Fais cela et tu vivras!».
Comparons cette réponse
de Jésus à celle qu’il fit au jeune homme riche, patron et modèle de nos
philosophes du clergé, quand il dit qu’il a observé les autres commandements,
car le premier n’est pas cité à ce jeune homme, Jésus lui dit en Saint Luc et
en Saint Marc: «Il te manque encore une chose», évidemment pour la vie
éternelle: c’était sa question. Donc d’après Jésus le premier commandement
suffit pour être sauvé… et les autres ne suffisent pas pour être sauvé!
Philosophes religieux et prêtres, choisissez-vous un autre patron et un autre
modèle!… Si vous voulez être sauvés!
La différence entre ce
premier commandement et les autres est dans ce fait qu’il mobilise absolument
toute notre capacité d’aimer, pour Dieu seul: il veut tout le coeur. Les autres
commandent un point particulier de cet amour ou défendent les actes qui sont
contraires à cet amour. C est un peu la même différence entre l’amour d’un mari
qui est amouraché de sa femme et l’amour détaillé de ne pas la blesser, ne pas
lui mentir, ne pas la voler, etc. S’il se contentait de cet amour négatif, personne
ne dirait qu’il aime sa femme d’après la façon ordinaire de parler. À un mari
qui m’étalerait son amour négatif pour sa femme, je lui dirais comme Jésus au
jeune homme riche: il te manque encore une chose: c’est d’aimer ta femme
positivement.
Que tous les prêtres
reviennent souvent sur l’obligation imposée par ce premier commandement qui
accapare absolument toute notre capacité d’aimer. II n’en reste donc pas pour
les créatures. Pour elles, il reste l’utile ou le nécessaire, mais pas d’amour!
«Que ceux qui sont mariés, soient comme s’ils ne l’étaient pas, que ceux qui
possèdent comme s’ils ne possédaient pas: enfin ceux qui usent des choses de ce
monde comme n’en usant pas: car la figure de ce monde passe!». Evidemment
l’Apôtre ne veut pas qu’on mette son coeur dans les choses du monde, comme
Saint Jean l’enseigne: «N’aimez pas le monde ni ce qui est dans le monde!».
C’est là une doctrine selon le premier commandement. «L’amour total de Dieu
exige le mépris des créatures». «Vous ne pouvez pas aimer Dieu et le monde:
vous en aimerez l’un et vous haïrez l’autre!».
On voit pourquoi nos
prêtres philosophes n’aiment pas à insister sur le premier commandement: il
leur faudrait insister aussi sur le mépris des créatures pour donner tout son amour
à Dieu… et c’est contraire à leur amour qu’ils permettent pour les créatures.
In se selon eux, ces deux amours ne sont pas contraires, mais en nous comme
Jésus le dit carrément, ils sont absolument opposés: «Vous en aimerez l’un et
vous haïrez l’autre!». Nos ignorants philosophes jugent ces amours en nous
comme ils le font in se. C’est là leur erreur universelle dans toute leur
théologie et qui tient le monde païen d’un travers à l’autre en général. C’est
cette application des conclusions de leurs «in se» abstraits qui les tient loin
de l’amour concret et réel de Dieu, mais à leur insu à cause de leur ignorance
de la théologie pratique.
Le sens de ce
commandement est clair: comme Dieu est le souverain Bien et Infini en toutes
ses perfections, il veut que nous l’aimions sans restrictions et sans
conditions, mais de toutes les puissances de notre âme. L’énumération que Dieu
en fait, ne fait que montrer comme il y tient. Quand il a dit de toute notre
âme, il est évident que tout le reste est compris. Mais, il énumère en plus le
coeur, l’esprit et toutes nos forces, pour indiquer que tout l’homme doit être
au service de l’amour de Dieu.
Or, par nature, tout
l’homme est aux choses de la terre: tous ses sens, toute son imagination, sa
volonté et son intelligence sont à la poursuite de son bonheur purement humain
et terrestre. Mais voilà que Dieu se présente à l’homme, à sa raison comme le
Créateur de tout l’univers, et donc comme possédant éminemment toutes les
perfections qu’il a mises dans les créatures et que par conséquent il mérite
incomparablement plus d’amour que toute la création ensemble, puisqu’il aurait
pu créer encore bien des mondes comme le nôtre. Par nature donc, l’homme doit
donner tout son amour à Dieu.
Maintenant par grâce, nous
avons toutes les révélations de la foi sur le monde divin lui-même qui est
infiniment mieux connu par cette lumière divine que par la raison. Cependant il
se révèle à nous en proportion de nos efforts pour mieux le connaître et mieux
l’aimer. Puisqu’il dépend de notre application à le rechercher, par son premier
commandement, Dieu veut indiquer que le chrétien doit déployer absolument toute
la capacité de comprendre et d’aimer dont il est doué et par sa raison et par
sa foi.
Toute son application pour
jouir de ce monde, le chrétien doit l’aiguiller maintenant pour jouir du monde
surnaturel ou de Dieu lui-même. Comme sa foi lui dit que les créatures ne sont
que des échantillons de Dieu, qu’il tourne vers Dieu toutes les forces de son
âme vers les biens célestes.
Par exemple, toute sa
curiosité pour voir de nouveaux échantillons devrait être orientée à l’avenir à
découvrir les beautés du monde surnaturel pour les mieux connaître et les plus
aimer. Mais au lieu des sens qui n’ont rien à voir dans ce monde, il faudra se
servir de son intelligence éclairée par la foi.
Mais il y a une grande
différence dans cette vue intellectuelle des vérités révélées comparée à la vue
des sens. Cette dernière activité est naturelle, facile et directe. Tandis que
l’activité de la raison dans les choses de la foi est double: l’application de
la raison et l’action de la grâce. La première dépend de nous et l’autre
entièrement de Dieu et là est notre difficulté. Pour exercer ma vue humaine, il
faut que j’ouvre l’oeil: c’est la première condition. Mais, ensuite il faut que
Dieu ait mis un objet quelconque devant mon oeil pour que je le voie. Eh bien!
Dans le monde surnaturel, j’ai beau ouvrir ma raison comme mon oeil aux vérités
révélées, il faut que le Saint-Esprit non seulement mette l’objet devant la
raison, mais qu’il agisse en plus dans ma raison pour produire une connaissance
surnaturelle de cet objet surnaturel. Or, le Saint-Esprit exige une grande
préparation et purification de notre part avant d’agir dans notre âme
surnaturellement. C’est la que la plupart des chrétiens manquent: ils ne
connaissent pas et n’essaient pas de connaître les exigences du Saint-Esprit
pour agir en eux.
Eh bien! Une des
premières conditions est que nous sacrifiions notre amour pour les choses
créées, que positivement nous retranchions des plaisirs que nous aimons. Car
l’amour du Saint-Esprit est le contraire de notre amour pour les créatures… et
sur ce point, il n’y a pas à faire de distinction entre défendu et licite, in
se. Ce n’est pas la chose qui est opposée au Saint-Esprit, mais notre amour
pour elle qu’elle soit défendue ou licite. C’est pourquoi tous ceux qui
cultivent une seule attache ou amour habituel pour une chose créée n’auront pas
les dons du Saint-Esprit et donc ne pourront pas aller bien loin dans l’amour
surnaturel de Dieu qu’il faut pour le salut.
Or, les prêtres
philosophes permettent ces attaches aux choses permises: voilà pourquoi ni eux
ni les fidèles qui les suivent ont un amour surnaturel de Dieu. Ils n’ont qu’un
amour naturel qui permet d’aimer Dieu et les créatures, ce qui serait permis
sur le chemin des limbes, mais pas du tout sur le chemin du ciel.
Dieu veut donc que toute
l’ardeur que nous avons mise pour jouir des créatures soit mise maintenant
uniquement pour les choses de Dieu. Que mes yeux ne cherchent que le divin à
travers les beautés de la nature, des personnes et des choses. Comme une femme
chercherait son mari perdu dans une immense foule, elle voit des milliers
d’hommes, mais aucun ne l’intéresse; son coeur cherche celui qu’elle aime et
les autres lui sont tous indifférents. Eh bien! À travers le monde, Dieu veut
que je fasse quelque chose de semblable: que toutes les puissances de mon être
soient affectées à la recherche de mon Dieu d’une façon ou d’une autre. Je
fuirai donc comme la peste tous les endroits qui sont hostiles à mon amour pour
Dieu comme les lieux d’amusements, de sports, les théâtres, les courses, les
cinémas, etc. Dieu n’aime pas les foules et le bruit: je les fuirai donc le
plus possible. Comme en proportion que je m’éloigne des choses créées, je
m’approche du Créateur, j’aimerai les solitudes et le calme, des bois, des
campagnes et surtout des églises et des chapelles où je puis prier avec
recueillement.
J’aiguillerai mes
lecteurs sur les livres qui me parlent des choses de Dieu, surtout la Bible. Je
rechercherai la compagnie des hommes surnaturels qui sont tout aux choses de
Dieu. Il faut que mon regard intérieur perce le voile des choses créées pour
fixer les vérités de la foi si obscures pour la raison, que ce regard domine
les foules et les bruits de la terre pour ne chercher que son amour divin qui
est dans ce monde, mais pas de ce monde. Il faut que ma bouche parle des choses
du ciel et déverse le trop plein de son coeur sur les personnes qu’il rencontre
en autant qu’elle le pourra avec la grâce de Dieu. Bref: ce premier
commandement veut dire que Dieu est ma vie et mon bonheur! C’est la seule chose
au monde qui m’intéresse! Voilà un peu le sens de ce commandement.
Dans mon plan, j’ai
séparé l’Objet, mais je me trouve à l’avoir suffisamment indiqué dans les
explications que je viens de donner pour le sens du commandement. Les deux sont
inséparables dans la pratique. Ce Dieu est évidemment la Sainte Trinité que
nous devons aimer pour elle-même et ses perfections infinies. Elle s’est assez
manifestée sur la terre pour que notre foi soit absolument solide et notre
amour ardent pour cette essence divine infinie et éternelle soeur de tous les
biens naturels et surnaturels et qui fera notre bonheur au ciel.
SORTE D’AMOUR
MÊME GENRE QUE LA FOI ET
L’ESPÉRANCE. Nous avons exclu souvent l’amour naturel de Dieu comme moyen pour
arriver au ciel. Notre destinée surnaturelle à la vision béatifique requiert
des moyens proportionnés et donc surnaturels. Or, la charité de Dieu
surnaturelle découle des deux autres vertus théologales: la foi et l’espérance.
Or, c’est le Saint-Esprit qui doit les produire dans l’âme comme Jésus l’a dit
à Pierre quand il fit sa profession de foi en la divinité de J.-C. Celui-ci lui
dit: «Ce n’est pas la chair ni le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui
est dans le ciel».
De même, l’espérance
surnaturelle est produite par le Saint-Esprit dans l’âme de celui qui croit
surnaturellement. Eh bien! Notre amour de Dieu suit ces deux vertus théologales
et il doit être produit par Dieu directement dans l’âme. Or, comme toutes les
choses surnaturelles, il ne tombe pas sous les sens, on ne le sent pas dans le
coeur et on ne le connaît pas directement.
Pourquoi Dieu nous
laisse-t-il ignorer l’existence et le degré de notre amour surnaturel de lui?
Evidemment pour que nous nous disposions le mieux possible à le recevoir et que
nous travaillions de toutes nos forces à nous en rendre de plus en plus dignes
et que nous le priions constamment pour ce don ineffable de l’amour divin.
Mais pour être sûr de ne
pas nous fier à notre amour naturel de Dieu qui nous vient de la raison, voici
une idée qui lui donne son coup de mort. La foi nous introduit au monde divin
infiniment au-dessus de notre monde: elle veut toute notre activité uniquement
pour ce monde divin. Le chrétien doit mourir au monde naturel pour ne plus
vivre que dans le surnaturel. Saint Paul nous l’enseigne de plusieurs façons.
Pour lui, c’est tellement une mort réelle qu’il parle de résurrection dans le
monde surnaturel. «Si vous êtes ressuscités avec J. -C., recherchez les choses
d’en haut et non celles qui sont sur la terre. N’ayez de goût que pour les
choses de Dieu… car vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu par J.C.».
Co. 3. La foi balaye donc de notre vie toute l’activité païenne libre au sujet
des créatures, puisqu’elles cessent d’exister quant à elles.
Par l’espérance, le
chrétien ajoute à sa foi un acte de volonté surnaturel très ferme avec un désir
intense pour ces biens célestes montrés par la foi. C’est toute l’âme qui doit
se porter de ce côté puisque les choses terrestres ne l’intéressent plus dans
sa vie nouvelle avec le Christ. Ces deux vertus nous soulèvent donc
complètement au-dessus du naturel intentionnel pour nous jeter totalement dans
le monde surnaturel de la foi et donc de Dieu.
En proportion que nous
correspondons aux avances divines par sa grâce, nous nous affectionnerons à ces
sublimes beautés surnaturelles, mais pas comme nous affectionnons les choses de
la terre. Il n’y aura rien dans les sentiments, mais uniquement dans la volonté
au moins ordinairement. Nous voudrons Dieu de tout le poids de notre volonté
avec la grâce de Dieu, mais sans rien ressentir dans les sentiments naturels.
Il est bon de remarquer la différence entre ces deux amours, afin de ne pas
chercher inutilement à se faire un amour sensible de Dieu qui ne vaut pas
grand-chose quand même on l’aurait.
Quand on comprend cet
amour surnaturel tout dans la volonté on est heureux seulement de le vouloir.
Du matin au soir, on le veut: en s’éveillant on le veut, on le veut dans sa
méditation, dans ses prières, à la sainte messe, durant ses travaux, dans ses
promenades et dans ses voyages, au fond de l’âme on à un désir intense d’être
avec Dieu d’une façon toujours de plus en plus parfaite. Mais on ne s’arrête à
ce désir, on ne se complaît pas dans ce désir: c’est Dieu que l’on veut et rien
autre chose, ni en soi ni en nous. Quand même que par sa grâce, Dieu est en son
âme, ce n’est pas ce séjour de Dieu que je veux, c’est Dieu en lui-même, ou
qu’il soit, dans l’âme ou dans le ciel, c’est Dieu tel qu’il est en lui-même,
dans son essence divine et infinie, dans son éternité. Car puisque ma foi et
mon espérance me portent vers Dieu en lui-même, c’est ce Dieu que je cherche et
que je veux partout et toujours… et rien autre chose.
Quelle paix cette façon
d’aimer laisse dans l’âme. Il n’est plus question de sécheresse ou de
consolation, de dégoût ou de joie, comme lorsqu’on s’arrête à ce que l’on
ressent dans l’âme. Peu importe ce qui se passe dans l’âme, je veux Dieu quand
il fait nuit dans mon âme comme quand il fait jour. Est-ce que la joie peut me
le ramener? Est-ce que Dieu est à la merci des nuages et des tempêtes de mon
âme? Comme ma foi et mon espérance me présentent Dieu au-delà de tout le monde
naturel, il faut que mon amour de Dieu ne soit aucunement influencé par quoi
que ce soit de naturel en dehors ou au dedans de moi. Quelle paix alors dans
l’âme ou plutôt dans mon amour de Dieu!
Que de pauvres âmes se
troublent par exemple quand elles sentent que Dieu les repousse! Quel
inconvénient peut-il y avoir devant la foi? Est-il moins Dieu quand il repousse
que quand il attire? Quelle perfection a-t-il perdue quand il repousse? Quelle
folie de s’arrêter aux effets que Dieu produit dans l’âme! C’est soi-même alors
qu’on aime plus que Dieu, puisqu’on met plus d’importance dans ses sentiments
que dans Dieu lui-même. C’est aussi insensé que de vouloir juger le soleil
d’après ce qu’on voit dans les nuages: ce sont eux qui varient, pas le soleil.
Eh bien! Sortons donc des nuages spirituels pour ne nous occuper que de Dieu en
lui-même! Que notre amour aille droit à Dieu en lui-même et non plus à ses
effets. On l’aimera autant alors quand il punit que quand il récompense, quand
il se cache que quand il se fait sentir à l’âme d’une façon ou d’une autre. Que
le Saint-Esprit donne cette divine lumière à tous les fidèles!
COMME DIEU S’AIME
LUI-MÊME.
D’ordinaire on commence à aimer Dieu pour les avantages qu’on peut en
tirer pour soi-même. Comme on sait qu’il donne en proportion qu’on l’aime, on
s’efforce d’augmenter en amour pour recevoir une plus grande récompense. C’est
là de l’amour intéressé et mélangé de beaucoup d’humain. Cependant il n’est pas
à dédaigner puisque Jésus lui-même dans les béatitudes nous promet des
récompenses pour les vertus pratiquées sur terre.
Mais, comme nous allons
au ciel pour participer à la vie divine de la Sainte Trinité, nous devons
commencer tout de suite à aimer Dieu comme nous le ferons au ciel. Or, là nous
l’aimerons comme il s’aime lui-même, pour ses propres perfections divines.
Notre amour ne dépendra plus du tout des variations des choses humaines comme
sur la terre. Essayons d’avoir cet amour tout de suite dans la foi par la grâce
de Dieu.
Il s’agit de se renoncer
le plus possible, même dans les choses surnaturelles pour ne pas s’y attacher
pour elles-mêmes. Ce qu’elles ont de bon vient de Dieu et il est plus parfait
de s’attacher au divin seul qu’elles recèlent. On s’habitue mieux ainsi à ne
chercher que Dieu seul partout et toujours. Est-ce que dans l’ordre naturel les
hommes ne sont pas portés à aimer les belles choses pour elles-mêmes? Eh bien!
Quand ils découvrent par la foi du divin dans n’importe quelle créature, qu’ils
s’attachent donc à ce divin pour lui-même et non plus aux espèces sensibles qui
le manifestent.
C’est là imiter Dieu.
Pourquoi aime-t-il les créatures? Uniquement pour ce qu’elles représentent des
perfections divines, et il les aime en proportion qu’elles contiennent du
divin. C’est donc le divin qu’il aime en elles. Eh bien! Faisons de même et
jamais nous n’aurons aucune attache pour une créature en particulier, puisque
le divin est le même en toutes les créatures, de même genre sinon de même
quantité.
Que trouve-t-on de beau
dans la lune? N’est-ce pas sa belle lumière? Or, nous savons que sa lumière est
celle du soleil qui se réfléchit sur la lune. De fait, c’est donc le soleil que
nous louons en louant la lune. Faisons de même pour la beauté des créatures.
Aimons-les en Dieu et Dieu en elles. Avec l’habitude de cette pratique
sanctifiante, nous arriverons à aimer Dieu pour lui-même en ses propres
perfections et c’est ainsi qu’il s’aime lui-même.
COMME IL NOUS AIME. C’est
une conséquence de ce qu’on vient de voir au sujet des créatures en général.
Dieu va nous aimer en proportion qu’il a mis du divin en nous, c’est évident.
Or, l’amour de Dieu pour
nous s’est manifesté en actes et en bienfaits de toutes sortes. Donc si nous
voulons aimer Dieu comme il nous a aimés, nous devons lui faire des dons qui
lui soient agréables. N’est-ce pas pour cela qu’il nous a donné tout le monde
naturel, en nous et en dehors de nous, pour nous donner de la matière pour nos
dons. Comme il commence par donner des grains de semence au cultivateur pour
ensuite lui donner une récolte s’il sème ces grains, ainsi il nous donne une
foule de biens naturels, afin de nous donner une chance de les lui offrir en
sacrifice pour qu’il nous donne des biens surnaturels à la place. Quand nous
lui donnons de nos biens, nous imitons donc son amour pour nous. C’est donc par
notre générosité envers Dieu que nous pouvons déduire la perfection de notre
amour pour Dieu, comme ceux qui jouissent le plus possible des plaisirs de la
terre peuvent conclure à la pauvreté de leur amour pour Dieu.
On peut voir maintenant
pourquoi les prêtres philosophes ont si peu de choses à dire sur l’amour de
Dieu. Comme ils ne considèrent jamais les créatures en rapport avec Dieu, mais
toujours «in se», elles ne leur aident pas à produire l’amour de Dieu en eux:
ils ne découvrent pas le divin en elles. Voilà pourquoi ils s’y attachent si
facilement et permettent aux fidèles de s’y attacher comme eux. Ils ne prêchent
jamais cette perfection aux fidèles qui manquent là une belle chance
d’apprendre à aimer Dieu au moyen des créatures. Aussi ils suivent leurs
prêtres tout aux choses de la terre comme leurs conversations le montrent bien
pour les deux groupes.
Comment voir si on aime
une créature uniquement pour le divin en elle? C’est quand on la perd et qu’on
reste bien calme. Mais, si on est bouleversé, froissé et impatient, c’est qu’on
l’aimait pour soi et non pour le divin, ni pour l’amour de Dieu.
C’est justement pour nous
punir d’aimer une créature pour elle-même que Dieu nous l’enlève. Ceux qui
s’aiment naturellement et pour des motifs naturels se chicaneront vite parce que
Dieu n’aime pas qu’on s’aime de cette façon. Il permet au diable de troubler
cette amitié qui n’est pas divine.
SES SIGNES
L’importance de cet amour
très parfait vaut la peine qu’on en connaisse quelques signes pour savoir si on
l’a. En voici quelques-uns.
ETRE TOUT AUX CHOSES DE
DIEU.
C’est l’amour qui dirige
l’activité des hommes: chacun cherche ce qu’il aime. Eh bien! Celui qui aime
Dieu comme nous venons de l’expliquer ne recherche que les choses de Dieu: il y
pense jour et nuit, il en rêve constamment, il voudrait en parler à tout le
monde et donc il en fait son bonheur. Ce que les mondains font pour les choses
du monde, il le fait pour les choses de Dieu. Les mondains ont toujours du
temps pour s’amuser; eh bien, lui trouve toujours du temps pour s’occuper des
choses surnaturelles. Il sacrifie une foule de vanités et il s’arrange pour
s’occuper constamment des choses de Dieu. Puisque Jésus est réellement présent
dans nos Tabernacles, il fait graviter toute sa vie autour de Jésus Hostie,
sachant que c’est le même Dieu qu’au ciel. Il ne trouve pas trop de faire son
heure d’adoration tous les jours en plus de ses autres exercices spirituels.
Quand on veut être avec Jésus éternellement, on ne doit pas trouver que c’est
perdre son temps que d’en passer le plus possible avec lui sur la terre. S’il
ennuie ici-bas, on sera bien loin de lui dans l’éternité. Il a pris la peine de
venir demeurer avec nous sur terre pour nous faciliter son amour; si on reste
indifférent à lui ici-bas, comment prétendre aller au ciel l’aimer
éternellement. La mort ne fait qu’immortaliser ce qu’elle trouve en nous. Le
degré de notre amour pour Jésus sera 1e même dans l’autre monde… et le ciel
n’est pas le séjour de l’indifférence pour Dieu!
LE MÉPRIS DES CHOSES
TERRESTRES est la contrepartie de l’amour total de Dieu. Si on a encore du goût
pour les plaisirs de la terre, si on entretient quelques attaches pour des
plaisirs même permis, qu’on sache bien que c’est autant d’enlevé sur notre
amour pour Dieu. C’est même plus que cela. Car Dieu est jaloux; dès qu’il voit
qu’on donne de l’amour aux créatures, il en est froissé et retire son amour
dans une mesure incomparablement plus grande que l’amour que nous donnons aux
créatures. Une seule attache met un mur infranchissable entre Dieu et l’âme.
ESPRIT DE PRIÈRE.
Quand on aime uniquement
Dieu et qu’on sait que tous ses dons surnaturels sont purement gratuits, que
nous ne pouvons jamais les mériter, il ne nous reste plus qu’une chose à faire:
c’est de prier! C’est notre seul moyen sur d’arriver à Dieu; c’est le plus
efficace puisque sans Dieu nous ne pouvons rien. Il nous faut poser toutes les
autres conditions au salut… et ensuite attendre tout de la prière comme si nous
n’avions rien fait. Jésus a tant insisté par ses exemples et par ses paroles
qu’il est inutile d’en dire plus long.
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