dimanche 5 août 2018

Père Onésime Lacouture - 3-23 - Contemplation pour obtenir l'amour de Dieu



VINGT-DEUXIÈME INSTRUCTION
CONTEMPLATION POUR OBTENIR L’AMOUR DIVIN.

« Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a faits? »

Comme toute cette troisième série de méditations concerne l’amour de Dieu, qu’on ne soit pas surpris qu’on revienne à cette idée constamment. Nous voulons en faire notre vie, notre bonheur: il faut qu’il pénètre absolument toutes les fibres de notre être et tous les brins de notre activité consciente. Son champ est immense: il est dans toute la création, et naturelle et surnaturelle; il est à notre portée partout. Mais nous sommes si bornés, si fermés aux choses divines que nous devons faire des efforts pour nous appliquer à le découvrir à travers la création où Dieu l’a semé abondamment. C’est le but de cette méditation. Nous voulons prendre tous les moyens possibles pour obtenir cette dilection de Dieu que Jésus nous recommande tant dans son discours après la Cène.

Quand même les différents points seraient vrais pour l’ordre naturel et qu’un païen pourrait arriver à un grand amour naturel de Dieu en les méditant, il est évident que nous ne voulons pas nous contenter de cet amour naturel de Dieu. Il est incapable de nous donner le ciel, alors nous ne nous y arrêterons pas, mais nous passerons tout de suite aux considérations qui sont capables de nous donner l’amour surnaturel.

Pour arriver à cet amour surnaturel de Dieu, il nous faut suivre la foi, seule lumière divine qui peut nous donner une connaissance surnaturelle de Dieu et un amour correspondant. Pour cela, il faut nous adapter au mode surnaturel d’agir dans les choses de la foi. Il ne faut pas compter sur notre façon ordinaire de comprendre les choses du monde.

Si on m’annonçait un don de cent mille dollars, cette nouvelle ne produirait rien dans mes sens, mais mon intelligence me montrerait les grands avantages de toutes sortes de recevoir une si grosse somme d’argent. Je tiendrais à cet argent quand même je ne l’ai pas encore.

Faisons quelque chose de semblable pour le monde surnaturel, Quand j’apprends que par mon baptême je deviens enfant de Dieu et hériter du ciel, mes sens ne trouvent rien là pour eux. Mais mon intelligence éclairée par ma foi me montre des biens éternels et divins qui vont faire mon bonheur au ciel. Alors quand même la nature n’a rien pour le moment, je tiens à ces biens célestes justement pour les jouissances immenses qu’ils vont me procurer dans l’éternité. Et déjà je me réjouis en espérance d’une jouissance solide et réelle d’une certaine façon.

Cette méditation doit produire dans la volonté une détermination ferme à chercher Dieu dans toutes les choses créées, afin de nous unir à son activité divine tout de suite sur la terre dans la foi comme au ciel plus tard dans la gloire. Puisque nous participerons au ciel à l’activité de la Trinité, il faut trouver moyen de le faire tout de suite dans la foi. Eh bien! Comment se manifeste Dieu ou la Trinité pour nous? Evidemment par toutes les créatures dans les deux ordres naturel et surnaturel. Eh bien! Dans cette contemplation, nous voulons découvrir ce divin, afin de nous y unir le plus étroitement possible, afin d’aimer Dieu davantage.

Parce que les choses créées dont nous jouissons ou qui nous sont données en particulier nous touchent davantage, essayons de nous arrêter surtout aux bienfaits de Dieu que nous avons reçus ou qui nous sont offerts.

BIENFAITS DE DIEU

Commençons par le monde naturel et matériel et que cette énumération ne soit pas seulement pour l’esprit mais surtout pour le cœur. Quand une mariée étale ses présents de noces et les énumère aux visiteurs, elle le fait d’une manière à manifester son amour pour ses donateurs. Eh bien! Faisons quelque chose de semblable pour nos cadeaux de «noces» que Dieu nous a faits. Lui aussi nous épouse dans son immense amour et il nous fait des cadeaux incomparables dans tous les ordres de la création.

D’abord, jetons un coup d’œil sur notre demeure merveilleuse au sein de l’univers. Il a pris des millions d’années pour élaborer la terre, afin de la rendre habitable pour nous. Examinons-la en dehors du péché avant qu’elle produise des ronces et des épines pour le châtiment de l’homme pécheur. Tout était uniquement pour le bonheur de l’homme que Dieu a créé immortel pour jouir du palais superbe qu’il lui avait bâti. Si un roi me bâtissait le plus beau palais du monde, est-ce que je ne serais pas porté à l’aimer?

Eh bien! Puisque Dieu nous a donné la terre pour demeure avec tout ce qu’elle contient pour le bonheur des hommes, nous devrions donner un bon coup de volonté pour aimer Dieu à cause de ce don précieux. N’attendons pas d’attrait sensible pour cet amour: le bienfaiteur nous reste invisible malgré ses dons visibles. Il faut donc mobiliser ce que notre foi nous dit de lui pour nous aider à l’aimer comme s’il était visible! C’est donc un amour de volonté que l’on doit exciter en nous. Disons nous sincèrement: il faut que j’aime Dieu pour cette belle demeure qu’il m’a construite par amour pour moi. Arrêtons-nous un peu pour goûter cette bonté immense de Dieu envers nous. Mais pour remonter au Bienfaiteur, il faut commencer par admirer la demeure elle-même. Combien peu d’hommes prennent le temps de considérer l’ensemble de ce beau monde que Dieu a créé pour eux! C’est le temps de le faire actuellement! •1209 Qui s’arrête à ce beau soleil, source de tant de confort pour l’homme qu’il éclaire, qu’il réchauffe et aide aux récoltes de toutes sortes pour faire vivre les hommes. Puis, la nuit, Dieu a semé dans l’espace des millions d’étoiles pour agrémenter les ténèbres de la nuit.

Quelle immensité dans le firmament, afin de nous faire penser à l’immensité divine qui, non seulement dépasse toutes les bornes, créées, mais qui est infinie comme l’essence divine.

Imaginons des astres des millions de fois plus gros que notre soleil et cependant à peine visibles avec les plus forts télescopes au monde. Ils sont donc à des trillions de trillions de milles de la terre et nous sommes sûrs qu’il y en a encore d’autres par millions qui sont absolument invisibles, même avec ces plus forts télescopes du monde.

Je sais que l’esprit humain est à peine touché par ces constatations de la science humaine et reste parfaitement à sec! Mais, c’est là que le chrétien doit ajouter la foi pour remonter jusqu’à Dieu et se dire: c’est pour mon bonheur surnaturel au ciel que Dieu me fait connaître ces merveilles de la création. C’est pour que je me dise: ce n’est qu’un échantillon de ce que Dieu fera pour moi dans son monde divin dans l’éternité. Quand même une femme ne pourrait rien faire avec un petit échantillon de beau drap qu’un voyageur lui montre, il suffit pour lui faire désirer toute la pièce qui lui servirait bien pour faire une robe.

Faisons de même pour l’échantillon du ciel éternel que Dieu a mis dans notre ciel stellaire et essayons de concevoir de l’amour pour Dieu qui nous prépare une demeure divine incomparablement plus belle que notre demeure terrestre. Faisons un acte positif d’amour de Dieu pour son amour pour nous sur ce point, peu importe qu’on ressente ou non cet amour dans les sentiments. Là est notre mérite à faire ces actes d’amour par la volonté seule. C’est alors qu’on agit avec la foi pure.

Disons-lui: «Mon Dieu, je veux vous aimer sans limite comme le bonheur sans limite que vous me préparez au ciel et pour l’amour infini que vous avez eu pour moi». Répétons cet acte plusieurs fois dans toute sa sécheresse pour les sentiments! Dieu veut des adorateurs en esprit et en vérité, dit Jésus à la Samaritaine. Eh bien! Exerçons-nous à ces actes de l’esprit pur et de la volonté pure selon la foi.
Si nous considérons le monde microscopique, les merveilles nous écrasent autant que les merveilles du monde télescopique En effet, les savants constatent que toutes les merveilles du monde télescopique se retrouvent dans une molécule et même dans un atome formé comme notre monde stellaire! C’est ce monde qui transforme notre nourriture en notre chair et qui entretient notre vie. Le premier monde nous éblouit par sa grandeur et sa splendeur, et l’autre nous écrase par sa petitesse et sa sagesse en nous faisant vivre notre vie naturelle. Que d’amour pour nous dans ces deux mondes merveilleux! Donnons-lui en donc en retour! Faisons encore là des actes positifs d’amour de Dieu. Disons-lui: pour toutes ces merveilles créées pour moi, je veux vous aimer de toutes mes forces et je vous demande votre grâce pour le faire comme vous le méritez.

Ce que Dieu a fait pour notre vie animale est autrement merveilleux. Quelle sagesse dans nos sens pour venir en contact avec les créatures extérieures et prendre en elles ce qui est nécessaire à notre vie propre et à son exercice. Quel fameux système de nerfs pour transmettre au cerveau toutes les impressions sensibles et qu’à son tour il réagisse pour le bien-être de tout l’organisme humain, en passant par l’imagination, l’intelligence et la volonté. Par cet organisme, il pourvoit aux nécessités de notre vie humaine et animale et nous protège contre les choses qui pourraient lui nuire.

Quand nous arrivons au monde intellectuel, on voit qu’il dépasse incomparablement toutes les merveilles du monde matériel et animal. C’est par nos facultés spirituelles que nous sommes créés à l’image de Dieu qui est esprit comme notre âme. Une seule âme vaut tout le monde visible. C’est par elle que l’homme découvre les lois qui régissent le monde matériel, afin de pouvoir mieux s’en servir pour son utilité générale, pour développer les sciences qui lui permettent de tirer profit de tout ce que Dieu a mis dans la nature. C’est par ces facultés spirituelles que l’homme peut même étudier Dieu pour le connaître et mieux le servir.

Arrêtons là cette énumération des bienfaits de Dieu dans l’ordre naturel, pour faire une constatation: comme elle nous laisse à sec! Froids. Encore une fois, il ne faut pas s’en étonner. Justement parce que nous sommes dans le monde naturel, nous restons froids par rapport à l’amour de Dieu. Ce dernier monde est un tout autre monde que le monde naturel. Pour éprouver les sentiments de l’amour divin, il nous faut monter dans le monde divin. Si on monte là seulement par l’esprit de la volonté, nous restons encore dans le monde naturel de notre activité naturelle.

Mais, pour monter dans le monde de l’amour surnaturel de Dieu, il nous faut encore suivre la foi. Or, elle est absolument obscure pour l’esprit humain. Elle n’est lumineuse pour lui qu’à condition qu’il consente à ne pas juger selon sa propre lumière Si j’étais perdu dans une forêt et qu’un guide se présente à moi; je bénéficierais de son jugement que si je mets le mien de côté. Je me suis perdu en suivant le mien: j’en sortirai si je renonce au mien et prends celui de mon guide. C’est exactement notre cas avec la foi. Pour suivre ses lumières dans son monde surnaturel, il faut que nous fermions notre esprit pour les suivre. Voilà ce qui explique cette sécheresse pour notre esprit devant cette énumération des bienfaits de Dieu dans l’ordre naturel.

Donc, pour être touché de l’amour de Dieu envers nous, il nous faut monter dans le monde surnaturel de Dieu d’où il a agi en notre faveur. Or, ce n’est que par la grâce de Dieu que nous pouvons monter dans le monde de l’amour divin. Il faut donc la demander a Dieu dans la prière fervente et humble. Nous faisons notre énumération partielle des bienfaits de Dieu simplement pour nous inciter à concevoir de l’amour surnaturel de Dieu. Mais pour le concevoir, il nous faut le Saint-Esprit comme il fallait cet Esprit à Marie pour qu’elle conçût J.-C. Alors, la consolation ou la ferveur de l’amour divin ne peut pas venir de cette seule énumération, mais uniquement de la prière. Voilà où il nous faut faire porter notre effort dans cette contemplation comme dans toutes les autres.

J’insiste sur ce point parce que tant de chrétiens ne sont pas capables de faire une méditation de ce genre parce qu’ils la trouvent sèche pour l’esprit. Bien oui, elle l’est comme l’esprit lui-même qui est bien sec dans le monde de l’amour. Il fait la même fonction que les yeux qui regardent une jolie personne: ils restent secs, mais c’est le coeur qui s’émeut, car c’est lui qui est le siège de l’amour au moins selon la façon de voir des humains et cela suffit pour notre exemple.

Quand l’amour de Dieu entrera dans le coeur, on trouvera du bonheur à énumérer ses bienfaits, comme un avare est heureux de compter ses piastres parce qu’il a mis son amour dans l’argent, ainsi le chrétien sera heureux d’énumérer les bienfaits de Dieu quand il aura mis son amour en Dieu et vice versa, cette énumération augmentera son amour de Dieu.

DIEU PRÉSENT DANS SES DONS

Voici une idée de nature à nous donner plus d’amour pour Dieu: notre Bienfaiteur est présent dans ses dons, évidemment de différentes manières, mais il y est quand même. Dans les choses matérielles, il est là par son essence: c’est lui qui unit toutes ces molécules et ces atomes pour leur donner leur consistance, et leur attraction particulière. C’est lui qui donne à l’eau ses qualités pour me désaltérer, pour me laver et pour préparer ma nourriture. C’est lui qui agence tous les éléments d’un être pour que je m’y complaise et fasse mon bonheur en partie du moins. Il est donc présent puisqu’il agit dans les êtres.

Si un millionnaire se dérangeait assez pour venir me porter lui-même un beau cadeau, n’est-ce pas que je l’apprécierais davantage? Eh bien! Le Créateur lui-même se présente à nous dans ses dons de toutes sortes. Comme c’est lui qui les maintient dans l’existence, on peut dire qu’il est présent en eux par son immensité.

Comme toute la bonté d’un être lui vient d’une communication de l’existence divine, on peut dire que Dieu est présent en eux pour les faire agir chacun selon le degré de bonté qu’il a reçu de Dieu. Il l’est d’autant plus que cet être a plus reçu de Dieu. Ainsi, une âme humaine a plus de la présence divine qu’un simple animal; Dieu est plus présent dans un ange que dans un homme et plus présent dans la Sainte Humanité de Jésus que dans le plus grand saint au monde.

Sa présence est la plus parfaite dans les êtres qui possèdent la grâce sanctifiante, parce qu’elle est une véritable participation créée à sa nature divine.

Le don de Dieu par excellence est l’Eucharistie où Jésus est réellement présent par son corps, son âme et sa divinité. Quelle source d’amour divin nous avons là à notre portée si nous le voulons. Un catholique devrait rechercher les dons de Dieu en proportion qu’ils ont plus de divin évidemment. C’est le meilleur moyen d’arriver à découvrir l’immense amour que Dieu a eu pour nous tous.

Eh bien! Puisque le degré d’amour pour chacun de nous se manifeste par le degré de bonté que Dieu a mis dans chacun de ses dons, si nous voulons arriver à cet amour divin, surveillons justement ce côté divin dans chaque être. Par nature, nous avons l’habitude de ne considérer que le côté matériel ou naturel des êtres et c’est pour cela que nous préférons les plaisirs naturels qu’ils nous apportent au divin que Dieu nous offrait par eux. Aussi dans quels nombreux péchés nous tombons plus ou moins tous les jours au contact des créatures.

Par exemple, quand le bon Dieu, pour éprouver les anges, leur présenta dans une vision le futur Messie à adorer, Lucifer regarda surtout la partie matérielle ou animale de cet Homme-Dieu et il ne voulut pas l’adorer. Mais Saint Michel s’arrêta à la partie divine: c’est Dieu qui le veut! Dieu est dans ce Messie! Je l’adore donc! Et du coup il mérita son ciel, tandis que Lucifer mérita l’enfer.
Remarquons que dans tous nos péchés c’est que nous avons surtout considéré la partie sensible ou animale ou naturelle et nous l’avons préférée à la volonté de Dieu. Si nous nous arrêtions surtout au côté divin, se dire que c’est Dieu qui le veut! On choisirait cette partie divine et l’on ferait la volonté de Dieu.

Voici un bon principe dans l’usage des créatures: c’est de voir dans chaque créature, comme en Saint Jean-Baptiste, une voix qui crie dans le désert: préparez les voies du Seigneur qui s’en vient. En effet, chaque créature annonce l’arrivée de quelque chose de divin pour nous, à condition que par la foi nous nous arrêtions au côté divin de cette créature. Alors nous entrons parfaitement dans le plan de Dieu et nous recevrons sa grâce qu’il nous avait préparée dans cette créature. Comme la voix fait penser à celui qui parle, rappelons-nous que Dieu nous parle par ses créatures et écoutons sa voix divine.

DIEU AGISSANT DANS SES DONS

Au point de vue de l’activité, on attribue à l’agent ce que fait son instrument. Personne n’attribue son opération à un scalpel, mais à tel chirurgien qui maniait le scalpel. Eh bien! C’est ce que fait Dieu avec tous les êtres qui lui servent d’instruments pour produire l’effet que lui, le Chirurgien divin, voulait produire. Tout est donc attribuable à Dieu en dehors du péché. Par exemple, c’est Dieu qui nous éclaire par son soleil et qui nous réchauffe par lui. C’est Dieu qui nous nourrit par nos parents, qui exerce notre activité par tous les êtres qui viennent en contact avec nous.

C’est Dieu donc qui agit pour nous dans les personnes, telles qu’elles sont avec leurs défauts et leurs qualités. Si un homme n’a qu’un talent, il ne peut pas agir avec dix et c’est Dieu qui en est responsable. Quand un lion mange un homme, c’est Dieu qui agit dans le lion pour manger cet homme. Quand un homme meurt de tuberculose, c’est Dieu qui l’a fait manger comme par autant de lions dans les microbes qui l’ont tué aussi efficacement qu’avec des lions!

Mais là où Dieu agit plus directement et plus efficacement, c’est dans les êtres surnaturels en proportion qu’ils participent à sa nature divine. Ainsi il agit plus dans les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité que dans les vertus morales et plus dans les vertus infuses que dans les vertus acquises. Il agit plus dans la sainte communion que dans un simple morceau de pain que l’on mange.

Par conséquent, plus les êtres sont surnaturels et plus Dieu agit en eux et par eux. Par conséquent, ces catholiques qui vivent habituellement dans le surnaturel sont donc en contact avec Dieu dans la même mesure. Dieu agit en sa faveur constamment, de sorte que ce chrétien devrait développer un grand amour surnaturel de Dieu.

Ainsi, dans la foi, c’est Dieu lui-même qui éclaire notre intelligence et fortifie notre volonté pour qu’elle comprenne les vérités surnaturelles et que la volonté les veuille de toute sa forme. De même dans les autres vertus théologales. Par conséquent, plus nous vivrons ces hautes vertus surnaturelles et plus nous subissons l’activité directe de Dieu. Or, rien ne peut faire naître et faire augmenter l’amour comme la familiarité dans l’action. Les Apôtres ont appris à aimer J.-C. en passant trois ans dans sa compagnie et en subissant son action directe pendant ces années. 

Eh bien, Dieu fait pour nous ce que Jésus a fait pour ses Apôtres; il nous instruit de plusieurs manières du royaume de Dieu, il prend soin de nous pendant tout ce temps, il nous donne sa grâce pour améliorer notre union avec lui et pour nous approcher davantage de lui dans la sainteté. Pourquoi tout cela si ce n’est pas pour exciter en nous son amour? Dieu fait tout par amour et pour l’amour, car il est amour. Pour lui, tout commence dans l’amour et finit dans l’amour. Faisons de même!

La conclusion est que tout le bien-être, toute la sagesse et tout le bonheur que nous procurent les êtres sont autant de bienfaits de Dieu directement. Si nous aimons tant les bienfaits, combien plus devrions-nous aimer le Bienfaiteur! Surtout quand nous savons que ce qu’il fait pour nous en ce monde n’est qu’un échantillon de ce qu’il fera pour nous dans l’éternité. De plus, si l’on pense à tous les autres bienfaits que Dieu nous aurait faits sans nos péchés, nous avons là encore une raison de plus de l’aimer davantage.

Si nous prenons l’habitude de toujours penser à cette action divine par tous les êtres qui viennent en contact avec nous, l’amour suivra rapidement car le coeur suit la pensée. Ce à quoi un homme pense habituellement indique ou est son amour. Essayons donc de penser à cette action divine et nous finirons par aimer Dieu dans la même proportion.

L’AMOUR EXIGE LA COMMUNAUTÉ DES BIENS

L’amour égalise tout. Un riche qui marie une personne pauvre tient à l’enrichir en proportion qu’il l’aime. Nous avons vu comment Dieu nous a enrichis de toutes sortes de biens par la création et que par Jésus surtout, il nous a enrichis de tous les biens de l’ordre surnaturel par la grâce en ce monde et plus tard dans la gloire du ciel.

Eh bien! Dans la mesure que nous l’aimons, nous devons lui donner de nos biens en retour de tout ce qu’il a fait pour nous. Le Père nous a aimés jusqu’à nous donner non seulement son ciel mais Celui en qui il avait mis toutes ses complaisances, son Fils unique. Il ne s’est donc pas contenté de paroles à notre égard, mais il nous a aimés en actes et il a été à la limite de ce qu’il pouvait faire pour nous.

Jésus se plaignait un jour à Sainte Angèle de Foligno que les hommes l’aimaient trop pour rire! «Je ne t’ai pas aimée pour rire, moi!», lui disait-il. Il était bien sérieux dans son amour pour nous quand il s’est fait pauvre de riche qu’il était, qu’il a souffert sa cruelle passion et qu’il a été crucifié pour nous avoir avec lui au ciel: c’était de l’amour sérieux et en acte! Il s’est livré entièrement en donnant jusqu’à sa vie pour l’amour de nous.

Eh bien! Devant cet amour infini et éternel, personne n’a le droit d’être mesquin avec Dieu. Que chacun commence par donner son activité personnelle à Dieu. Que tout ce qu’il fait, soit pour Dieu seul et totalement. Par exemple, si on donne à Dieu un voyage que l’on fait, que ce ne soit pas seulement le début de ce voyage qui soit pour Dieu, mais que tout le voyage jusqu’au terme et tout ce qu’on fait durant ce voyage soit sûrement pour Dieu. Combien commencent pour Dieu et ensuite ils se contentent dans toutes sortes de plaisirs comme de vrais païens pour leur propre satisfaction. Ce sont des demi-mesures que Dieu n’aime pas du tout. Ce n’est pas là l’aimer comme il nous a aimés… sans mesure.

Si on donne à Dieu nos travaux comme nous le devons faire, qu’ils soient faits avec la plus grande perfection que nous pouvons y mettre pour l’amour de Dieu. On n’offre pas à Dieu des travaux mal faits. On y met tous les talents que Dieu nous a donnés.

N’oublions pas que dans nos travaux il ne suffit pas de dire en soi et au début: je veux faire ce travail pour Dieu ou je vous offre ce travail et ensuite rechercher sa propre gloriole par des motifs naturels quelconques. Il faut que tous nos motifs soient absolument surnaturels. Autrement quel besoin Dieu a-t-il de nos oeuvres? Il ne les accepte qu’en autant qu’elles contiennent de l’amour divin. Or l’amour divin se manifeste par les motifs surnaturels. Les motifs indiquent le genre d’amour qui nous fait agir. Par conséquent, tout catholique doit s’assurer que ses motifs sont bien surnaturels s’il veut que ses travaux soient acceptables à Dieu. C’est l’amour qu’il veut. «Donne-moi ton coeur», ditil! Voilà qu’il veut en retour de tout l’amour qu’il nous a montré. Comme nous devons tous nous surveiller dans nos motifs. Les saints ont dû se surveiller sur ce point. Ils nous avertissent qu’on a beau commencer quelque chose pour Dieu, la nature est là au fond de l’être avec sa concupiscence et, si nous ne sommes pas sur nos gardes, c’est elle qui finit par nous suggérer nos motifs naturels et alors tout est perdu pour Dieu.

Si on assiste à la messe pour Dieu, que toute la messe soit pour Dieu et pas seulement la signe de croix au commencement… et ensuite surveiller tous les fidèles qui entrent et qui sortent, surveiller leurs habits, etc. Habituons-nous à donner absolument tout à Dieu. Toute la messe, tout un repas, pas seulement la prière du début, et ensuite s’empiffrer comme un païen et ne choisir que ce qui plaît au palais, etc. Que pas un motif naturel ne s’y glisse! Car alors c’est une affection naturelle qui vole l’offrande faite à Dieu.

Si un prêtre offre son sermon à Dieu, que tout ce qu’il dit et la manière de le dire soit tout pour Dieu. Qu’il n’aiguille pas son sermon à sa propre gloire pour faire plaisir aux fidèles plutôt qu’à Dieu.

Mais le don par excellence que nous pouvons et devons faire à Dieu est le don de soi-même, pas simplement par une formule d’offrande qui dure le temps qu’on la récite, mais un don complet et total pour la vie et l’éternité. Or, on sait que notre moi est fait de nos deux amours naturels: de soi et des créatures. Eh bien, se donner à Dieu comme il le veut, c’est faire mourir ces deux amours naturels en leur soustrayant tout ce que peut les alimenter et en acceptant de Dieu tout ce qui les contrarie. Ce qui veut dire qu’on ne s’impatiente plus du tout de rien! Qu’on ne murmure contre rien, qu’on ne cultive aucune attache même à une chose permise.

Ce moi est fait de tout ce que j’aime, de tout ce qui m’intéresse et qui m’occupe du matin au soir, dont j’aime à parler à tout le monde et que je voudrais enrichir de tous les biens du monde! Voilà le don de soi tel qu’il devrait être devant la foi. Je me suis si bien donné à Dieu que je n’existe plus! Je suis mort! Ce n’est plus moi qui vis, c’est J.-C. qui vit en moi! Combien de chrétiens seraient capables de parler de la sorte? Pourtant, c’est la volonté de Dieu expresse. Une fois mort mystiquement, rien au monde ne devrait m’inquiéter. Dans une épreuve, je ne dois pas me plaindre, c’est Dieu qui vient chercher simplement ce que je lui ai donné de plein coeur!

Disons donc avec Saint Ignace: « Prenez, Seigneur, toute ma liberté! Tout ce que je suis et tout ce que j’ai, je l’ai reçu de vous. Je vous remets le tout pour que vous en fassiez ce que vous voudrez. Je vous donne mon intelligence et ma volonté pour que vous vous en serviez uniquement pour votre gloire et le salut de mon âme! Donnez-moi votre grâce, cela me suffit! »

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