VINGT-HUITIÈME
INSTRUCTION
L’EUCHARISTIE.
«Je suis le pain vivant
qui suis descendu du ciel; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra
éternellement; et le pain que je lui donnerai est ma chair pour la vie du
monde». Jean 6-51.
Nous venons de méditer
sur la Messe où le prêtre consacre le Corps et le Sang de N.S. en vue de sa
communion et de celle des fidèles: les Saintes Espèces demeurent donc après la
Consécration comme il est nécessaire pour porter la communion aux malades, aux
prisonniers et à tous ceux qui sont empêchés d’assister à la messe et qui
doivent communier pour une raison ou pour une autre.
Dès les premiers siècles
de l’Eglise, on sait que les prêtres envoyaient porter la communion aux
prisonniers par des enfants quand les païens ne permettaient pas aux prêtres
d’entrer. On croyait donc alors à la permanence de la Présence réelle de Jésus
dans les Saintes Espèces.
Ce fait montre aussi que
des ces premiers temps, on ne croyait pas la communion du précieux sang
nécessaire aux fidèles. Comme c’est le corps vivant de J.-C. qu’on reçoit, il
est certain qu’on reçoit son sang dans la communion du pain. Pour le prêtre, la
différence consiste en ce fait qu’il doit représenter la mort du Sauveur, ce qui
est signifié par la consécration du vin séparément d’avec la consécration du
pain.
Le mot Eucharistie
signifie: action de grâce. Pour ne pas scandaliser les païens qui entendaient
dire que les chrétiens mangeaient un enfant vivant, ils ont adopté ce mot qui
exprime une des principales fonctions des chrétiens à ce repas divin: rendre
grâce à Dieu.
Dans l’Eucharistie, Jésus
est présent par son corps, son sang, son âme humaine et par sa divinité. Tout
ce qu’il était durant sa vie terrestre, il l’est dans l’Eucharistie réellement.
S’il est monté au ciel dans son ascension, il est revenu sur terre mystiquement
mais réellement pour demeurer avec nous dans nos tabernacles.
Cette merveille est un
mystère si difficile à croire que même les chrétiens ont de la misère à
l’accepter pleinement. Quelle indifférence ou insouciance pour Jésus Hostie!
Comme on en voit peu aller l’adorer dans nos églises! Combien vivent près des
églises ou chapelles et ne songent même pas à aller faire une visite à leur Dieu
bien réellement présent là! Et quand ils y viennent comme ils montrent peu de
foi par leur attitude froide et distraite!
SES FIGURES
C’est justement à cause
de la difficulté d’y croire que Dieu a pris la peine de préparer les hommes à
cette foi par toutes sortes de figures et par un enseignement bien clair.
Pendant quarante ans il
nourrit les Hébreux dans le désert avec la manne, une espèce de farine qui
tombait du ciel chaque nuit et avec laquelle ils pouvaient faire des pains.
C’était donc une nourriture miraculeuse que Dieu leur fournissait pour la vie
du corps. Est-ce plus difficile pour Dieu de faire descendre du ciel une
nourriture spirituelle pour l’âme? Surtout quand on sait que Dieu a créé le
monde matériel pour le corps, afin de servir de figure au monde spirituel de
l’âme. Est-ce que pratiquement toutes les expressions de la vie spirituelle ne
sont pas empruntées à la vie du corps? On dit que l’âme voit, sent, goûte, etc. Elle doit donc manger comme le corps, pour vivre
comme le corps. Eh bien, si Dieu a donné une nourriture céleste aux Hébreux
pendant quarante ans au désert, il doit être capable de donner une nourriture
surnaturelle à l’âme pendant toute sa vie terrestre. Or, comme l’âme est invisible,
sa nourriture doit l’être aussi; c’est le divin caché sous les espèces
eucharistiques.
Une portion de cette
manne était gardée dans l’Arche d’Alliance et traitée avec le plus grand
respect. C’est de là que Dieu parlait à ses prophètes et aux Grands Prêtres.
C’est bien la figure de l’Hostie consacrée gardée dans nos Tabernacles et
devant lesquels nos prêtres enseignent le peuple.
Quand Jésus changea l’eau
en vin aux noces de Cana, il préparait les Juifs à croire qu’il pouvait changer
le vin en son sang. Ce miracle était donc une figure de l’Eucharistie.
Lorsque Jésus multiplia
quelques pains pour nourrir des milliers de personnes, il montrait bien qu’il
était capable de donner du pain surnaturel aux âmes pour les faire vivre
divinement. C’est à ce sujet que Jésus donne son enseignement le plus clair et
le plus catégorique qu’on puisse souhaiter. Ceux qui n’acceptent pas cette
doctrine montrent de la mauvaise volonté et ne méritent pas d’avoir la foi sur
ce point.
Le lendemain de la
multiplication des pains, les Juifs viennent trouver Jésus, évidemment pour
manger encore de ce pain qui ne leur coûtait rien! Jésus leur dit: «Vous me
cherchez non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que vous avez
mangé des pains et que vous avez été rassasiés…». Ils sont tellement
matérialistes que le miracle ne semble pas les toucher: c’est la matière seule
qui les intéresse. Jésus donne sa doctrine quand même, sachant qu’elle servira
aux générations futures, sinon aux Juifs.
Tous les chrétiens
devraient méditer ces paroles de J.-C. dans ce merveilleux chapitre, Saint Jean
6. Comment pourrait-il être plus net et plus distinct? Il répond aux objections
des Juifs et insiste de toute façon sur la nécessité de croire à sa présence réelle
dans l’Eucharistie. Il leur dit: «Travaillez non pour la nourriture qui périt,
mais pour celle qui demeure pour la vie éternelle et que le Fils de l’homme
vous donnera».
Il va donc donner une
nourriture spirituelle qui contient la vie éternelle et c’est celle-la qu’il
veut que nous cherchions et non pas la nourriture qui périt, la nourriture
matérielle.
Pour monter leur esprit
aux choses de Dieu, il leur dit: «Vos Pères ont mangé la manne dans le désert,
et ils sont morts. Voici le pain descendu du ciel, afin qu’on en mange et qu’on
ne meure point. Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un
mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c’est ma
chair pour le salut du monde».
Il affirme donc que
l’hostie consacrée contient vraiment le Verbe qui est descendu du ciel et que
ce divin se donne dans sa chair qu’on
doit manger pour recevoir ce divin. C’est dire que Jésus est dans l’Eucharistie
avec son corps, son sang, son âme et sa divinité: donc comme il était sur la
terre. Plus loin il dit: «Comme je vis par mon Père, de même celui qui me mange, vivra aussi par moi». C’est
donc la vie du Père que nous recevons dans la communion. Elle est donc dans
l’Eucharistie avant que nous la mangions.
Les Juifs protestent:
«Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger?». Jésus répond en
insistant sur l’absolue nécessité de manger sa chair pour avoir la vie
éternelle. Il le répète plusieurs fois. Puis les Juifs attaquent cette parole:
«Je suis descendu du ciel en disant: n’est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph,
dont nous connaissons le père et la mère?». Pour réponse, Jésus leur dit qu’il
faut que le Père les attire pour qu’ils croient. «Quiconque a entendu le Père
et a reçu son enseignement, vient à moi». C’est donc le Père qui choisit ceux
qu’il veut donner à Jésus… et ce sont ceux-là qui écoutent Jésus. Ceux qui sont
contre Jésus, n’ont pas été choisis par le Père. Quelle terrible parole au
sujet de notre prédestination! comme Saint Pierre nous le dit: «Rendez votre
vocation certaine par vos bonnes oeuvres». Comme personne ne sait s’il est
parmi ceux que le Père a donnés à Jésus, tous doivent faire tout ce qu’ils
peuvent pour se rendre dignes de cette vocation. Comme nous sommes déjà dans la
foi catholique, nous pouvons bien espérer que le Père nous a donnés à Jésus.
Nous devons donc agir en conséquence et vivre de façon à plaire à Jésus, afin
qu’il nous garde avec lui.
SA NATURE
Nous laissons ici la
figure pour entrer dans la réalité et la nature de l’Eucharistie. Nous voyons
qu’aux objections des Juifs, Jésus insiste encore plus sur ce qu’il veut que
nous croyions à ce sujet. Mais d’abord il dit une parole importante avant de
dire ce qu’il veut de nous. «Celui qui croit en moi, a la vie éternelle». C’est
donc encore ici comme partout dans le surnaturel la foi qui nous introduit dans
ce monde. Il faudra donc juger les paroles de N.S. uniquement selon la foi et
dans la foi. Il faudra que je crois que je mange sa chair, je ne la verrai pas,
je ne mordrai pas dans son corps de chair avec mes dents, mais avec ma Foi! Mes yeux ne verront pas son sang
vermeil que j’avalerai, mais ma Foi seule.
Si les Juifs avaient compris ce point de vue, leurs objections seraient tombées
automatiquement.
Evidemment, sans la foi,
les paroles de Jésus étaient dures dans le sens qu’on ne pouvait pas les
admettre. Aussi, ils lui opposent objection sur objection. Ils se demandaient
comment un homme pourrait donner son corps à manger matériellement comme on mord dans un morceau de viande. Comme
c’était vrai selon la Foi, Jésus leur
répond en insistant qu’il faut le manger et boire son sang.
Jésus leur dit: «En
vérité, en vérité, je vous le dis: si vous ne mangez la chair du Fils de
l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous-mêmes. Celui
qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et, moi, je le
ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et mon
sang demeure en moi et moi en lui. Comme le Père qui est vivant m’a envoyé et
que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra aussi par moi. C’est là
le pain qui est descendu du ciel: il n’en est point comme de vos pères qui ont
mangé la manne et sont morts; celui qui mange de ce pain, vivra éternellement».
Comment Jésus pouvait-il
être plus clair et plus catégorique? Voilà des textes qui fondent notre foi sur
la présence réelle du corps, du sang, de l’âme et de la divinité de J.-C. Voilà
ce que les Apôtres et tous les saints ont prêché depuis J.-C. et que tous les
bons fidèles croient. Ce dogme est un des plus solidement établis et qui
contribue le plus à faire des saints. Combien ont appris à développer une
grande familiarité et un grand amour avec Jésus au Tabernacle!… A condition
qu’ils le reçoivent très souvent dans la sainte Communion et le visitent
souvent dans l’église. Ce que Saint Paul dit de Jésus: «Toute la divinité
habite corporellement en lui» est vrai de lui de nos jours tel qu’il est dans
nos tabernacles. Mais son corps est spiritualisé comme il l’est depuis sa
résurrection.
Essayons donc de nous
adapter à son mode d’existence. Il est invisible aux sens… À quoi bon essayer
de le voir de nos yeux corporels? Ou de le toucher de nos mains? Est-ce que
notre intelligence ne vaut pas tous nos sens? Dieu nous l’a donnée justement
pour qu’elle puisse saisir les choses spirituelles spirituellement: cela
devrait nous suffire. Quand, d’après la foi, mon intelligence sait que Jésus est dans l’Hostie
consacrée, ce devrait me satisfaire incomparablement plus que si mes sens
matériels le saisissaient. En tout cas, comme les yeux voient un objet sans le
toucher, notre esprit saisit le divin sans le toucher: ce devrait être assez
pour nous. Si on avait la sagesse de se plier aux exigences de nos facultés
d’appréhension que Dieu nous a données, nous pourrions nous sanctifier bien
davantage, et avec moins de difficulté.
Par exemple, combien
arrivent dans une église et instinctivement cherchent à saisir J.-C. par leurs
sens; comme ils seraient contents de le voir, de l’entendre leur parler, etc.
Mais, cela ne les avancerait pas pour la peine, car ils agiraient dans le monde
des sens qui n’est pas du tout celui de la foi, et qui lui est immensément
inférieur. Ils ont deux sens spirituels
pour ainsi dire: leur intelligence et leur volonté avec lesquelles ils peuvent
saisir Jésus. Je sais que mon Dieu
est là et je l’aime! La perfection par les sens n’apporterait aucun mérite: au
contraire, nous en ferait perdre en nous sortant de la foi qui est le monde divin
ou se trouve notre mérite.
On voit tout de suite
l’inutilité de ce désir qu’ont les gens d’avoir vécu au temps de J.-C. pour le
voir, l’entendre et le toucher. Mais, sachons bien qu’il faudrait autant de foi
pour voir le divin en lui que lorsqu’il est sous les espèces du pain: un corps
humain n’est pas plus divin que les espèces du pain. Par conséquent, il faut
nous résigner à connaître J.-C. ou Dieu uniquement par le moyen de la foi, ce
qui est tout différent des sens et qui est la mort des sens quant à l’objet de la foi. Contentons-nous de dire: «Je sais que Jésus est là et je l’aime! C’est ce qu’il veut:
donnons-le lui!».
Beaucoup de chrétiens ont
une foi bien superficielle en la présence réelle de J.-C. dans l’Eucharistie,
comme on peut le voir par leur manque de respect dans les églises, par leur
attitude distraite: ils cherchent quelque chose pour les intéresser en dehors
de Jésus qui est là devant eux: ils ont donc bien peu de foi. Combien peu
viennent souvent visiter Jésus dans le Tabernacle! Ils n’y voient donc pas ou
bien peu: ils s’ennuient en sa présence! C’est donc qu’ils voudraient un objet
sensible pour les intéresser… et ce n’est pas Jésus!
Si nous pouvions arriver
un jour à nous faire une vie surnaturelle uniquement d’après nos deux facultés
spirituelles! Ne nous servir que de l’intelligence pour pénétrer le monde
surnaturel et notre volonté spirituelle pour y adhérer! Comme notre vie
spirituelle s’améliorerait vite! Nous ne perdrions pas notre temps à chercher
de jouissances sensibles dans nos rapports avec Dieu qui ne tombe pas sous les
sens. Il nous est présenté par la foi à nos deux facultés spirituelles: restons donc là! Ce n’est que par notre
activité spirituelle que nous pouvons saisir un esprit.
Pensons
à Dieu et aimons Dieu!… Et laissons les sens tranquilles!
MOTIFS DE SON INSTITUTION
SON AMOUR POUR NOUS.
Antécédemment à tout péché, il est certain que Dieu a voulu avoir l’homme dans
sa société trinitaire au ciel. C’est pourquoi il a créé Adam et Eve dans l’état
de grâce, afin de les rendre dignes de participer à sa vie divine. Mais, pour
qu’ils aient du mérite et lui de la gloire, il les a éprouvés pour voir s’ils
préféraient son activité divine à leur activité humaine, comme pour leur faire
mériter la grâce sanctifiante après qu’ils l’avaient reçue. Quel amour Dieu
manifeste en voulant que nos premiers parents vécussent sa propre vie divine
pour jouir de son bonheur. divin un jour. Comme dit Saint Jean: «Dieu nous a
donc aimés de toute éternité».
Mais les hommes ont
préféré les choses créées à Dieu et ils se sont détournés du ciel et de la
société de Dieu. Alors, le Verbe est venu se faire homme comme pour rapprocher
la divinité de l’homme, afin de se faire plus aimer. Après son séjour de
trente-trois ans, le plan divin exigeait son retour au ciel.
Mais c’est là qu’apparaît
l’immense amour de J.-C. pour nous quand il institua l’Eucharistie, qui est sa
présence réelle de toute sa Personne, son corps, son âme et sa divinité. Par
là, il s’installe en permanence au milieu des hommes et à leur portée en
restant dans tant de tabernacles comme on trouve au monde et dans toutes les
parties de la terre. Ce n’est pas seulement un signe pour nous rappeler son
souvenir, mais il est là en Personne avec toute son Humanité. Comment
pourrait-il nous montrer plus d’amour? Il est là évidemment uniquement pour
nous. II nous attend là à coeur de jour et de nuit pour être à notre service si
nous avons besoin de lui. C’est là qu’il appelle tous ceux qui souffrent et qui
peinent dans la vie pour les soulager. C’est là qu’il attend tous ceux qui ont
soif de Dieu et du ciel. C’est là qu’il éclaire ceux qui cherchent la lumière
divine, qu’il embrase d’amour ceux qui veulent l’aimer et qu’il nourrit ceux
qui ont faim des choses de Dieu.
On sait que l’amour tend
à l’union: on veut vivre avec ceux qu’on aime pour donner et recevoir de
l’amour. Car l’amour est une fin où l’on trouve son bonheur: l’on ne cherche
pas à aller plus loin, ou se complaît en lui. Voilà pourquoi Jésus s’est mis
dans l’Eucharistie! Mais il se cache sous les apparences du pain afin de nous
laisser libres de l’adorer et de l’aimer. N’oublions jamais que la foi est une
condition nécessaire pour approcher Dieu. Nos sens sont incapables de le
saisir; il n’y a que la foi qui le peut. Voilà pourquoi Dieu se cachera
toujours aux hommes. Parce que Dieu nous destine à son propre bonheur, il nous
faut y arriver par sa propre lumière divine qu’est la foi.
Or, cette foi doit
suffire pour nous montrer que c’est par amour pour nous que Jésus reste dans
nos Tabernacles, afin d’exciter en nous quelque chose de l’amour qu’il à
lui-même pour nous. Mais ne nous attendons pas à ressentir une attraction
amoureuse pour lui comme on éprouve parfois dans l’amour humain. Dans le
surnaturel, tout commence par la foi et doit rester dans la foi. C’est de
l’amour de volonté que nous devons développer à mesure que notre foi augmente,
évidemment avec la grâce de Dieu. Mais elle aussi est invisible.
Voici donc ce que nous
devrions faire. Nous savons que l’Ecriture dit clairement comme nous l’avons vu
que J.-C. est dans l’Hostie consacrée. Notre part est d’adhérer à ce dogme de
toute notre volonté et d’agir en conséquence, peu importe ce que l’on ressent ou ne ressent pas quand on est en
présence de l’Eucharistie. C’est à nous de lui montrer que nous l’aimons par la
fréquence et la ferveur de nos visites et de nos communions. Le reste le
regarde! C’est en faisant comme si nous
le voyions que nous l’honorons, en croyant à sa parole. Parfois Dieu semble
donner un certain goût spirituel pour ces visites ou ces communions, mais il ne
faut pas compter là-dessus… Plus il y en a et moins la foi est parfaite. Aussi,
Dieu n’aime pas à en donner trop: les fidèles le recevraient pour ces
consolations pour eux-mêmes et cesseraient d’autant moins par amour pour lui.
Contentons-nous donc de savoir que
J.-C. est 1à et agissons en conséquence. Jésus nous dit carrément: «Celui qui
croit en moi, aura la vie éternelle!». C’est donc la foi qui compte ici.
NOUS DONNER DES EXERCICES
DE FOI.
Quand les disciples disent qu’il est difficile d’admettre qu’on puisse
manger la chair d’un homme, Jésus insiste qu’il faudra la foi encore bien plus
quand ils verront cet homme monter au ciel! Comment alors manger sa chair?
C’est alors qu’il leur dit: «C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de
rien». Toutes leurs objections venaient de ce qu’ils suivaient la sagesse de la
chair qui est matérielle et juge selon les sens. II est évident qu’elle ne vaut
rien dans les choses surnaturelles. Là, nous sommes dans le monde de Dieu et il
nous faut prendre la parole de Dieu pour comprendre quelque chose dans ce monde
divin.
Mais, pour nous exercer
souvent à la foi, Dieu devait choisir un moyen qui se répète souvent. Il a pris
la nourriture que nous devons manger tous les jours. Comme le corps doit manger
tous les jours, il s’est caché sous les espèces du pain évidemment pour nous
enseigner que nous devrions prendre notre nourriture surnaturelle tous les
jours comme notre nourriture corporelle. Si donc nous faisions cela souvent, ce
serait autant d’exercices de foi. Car pour aller visiter Jésus au Tabernacle ou
pour le recevoir dans la sainte communion, il faut pour ainsi dire se raisonner
chaque fois pour aller dans la foi chercher nos raisons de faire cela.
II faut du courage et une
certaine énergie pour aller prier devant ce «morceau de pain» comme devant Dieu
même. De fait, il faut se forger d’agir
selon la foi: ce ne se fait pas tout seul ou tout naturellement. C’est contre nature; donc il faut pousser sur
notre volonté pour qu’elle agisse comme si nous voyions Dieu face à face. On
peut très bien appliquer la parole de Notre Seigneur qui dit que le ciel
souffre violence et seuls les violents l’emportent. Il faut sûrement se faire
violence pour visiter et s’entretenir avec Dieu cache dans un morceau de pain!
N’oublions pas que le
plan divin veut que nous commencions à agir sur terre comme si nous étions dans
le ciel. Eh bien! L’Eucharistie nous fournit une foule d’occasions d’agir en
présence cachée de Dieu, mais réelle
quand même. C’est une habitude à prendre comme toutes les autres: par la
répétition des actes.
Un jour, qu’on aille à
l’église faire une assez longue visite à N.S., comme si on l’aimait! On essaie de lui parler, de le prier et de
lui dire qu’on l’aime et qu’on veut l’aimer davantage. Répétez ces visites
quelque pénibles qu’elles soient et, graduellement, Dieu vous récompensera par
plus de foi et plus d’amour. Est-ce que les médecins ne nous font pas souvent
attendre assez longtemps avant de s’occuper de nous? Eh bien! Notre Médecin
divin peut bien en faire autant pour voir si nous voulons sincèrement cultiver
sa compagnie et pour voir si c’est lui que nous aimons ou les consolations
qu’il pourrait nous donner.
Si nous pouvions
comprendre qu’agir selon la foi, c’est la mort de notre activité naturelle. Il
faut mourir à soi pour que Dieu vive en nous et agisse en nous par sa lumière
divine. Pourquoi tenons-nous tant à garder notre activité naturelle? Quelle
folie! Mais comme c’est difficile à comprendre à cause de notre mentalité si
païenne et si habituée à juger tout selon les sens. Mais, dans le monde de
Dieu, les sens ne valent plus rien. C’est
la foi seule qui nous ouvre ce monde divin. Adaptons-nous donc à ce mode d’agir!
Le danger de vouloir
jouir dans les sens ne diminue pas à mesure qu’on avance en vertu! Notre esprit
païen et le démon aidant, nous insinuent que nous sommes assez saints que nous
pourrions un jour voir J.C. nous apparaître… comme à Sainte Marguerite-Marie,
par exemple! Ou comme on a lu que des saints avaient entendu des paroles
mystiques sortant du Tabernacle, on se demande si le temps n’est pas venu pour
nous de ces communications mystiques. Eh bien, c’est le vieux païen qui revient
à la surface; il s’ennuie de son activité sensible et il en recherche même dans
les choses les plus surnaturelles. II faut absolument réagir contre cette
tentation, car c’en est une. La foi pure doit suffire à n’importe quel
catholique et là seul est notre mérite. Résignons-nous donc à laisser les sens
de côté quand on traite avec J.-C. au Tabernacle ou au ciel: la foi est notre
seul moyen pratique pour le saisir mystiquement. Ne cherchons plus jamais à le voir ou à l’entendre! Pensons à
lui, méditons sur lui et attachons-nous à lui par la volonté et aimons-le! Voilà ce qu’il veut de nous. Donnons-lui ce qu’il veut! Notre amour!
Cultivons l’Eucharistie
pour donner des preuves de notre amour de Dieu, pas pour goûter ses
consolations. Sur terre, c’est la foi obscure et pénible; au ciel, ce sera la
vision dans le bonheur éternel. N’essayons pas de renverser le plan de Dieu en
voulant jouir de lui sur terre. Ce n’est pas le temps. Dieu se cache pour nous
laisser libres de l’aimer ou non. Toute consolation diminue notre liberté dans
la même mesure. Voilà pourquoi Dieu en donne si peu!
Notre amour pour Jésus
Hostie honore grandement son Humanité que nous devrions tant aimer. C’est par
Elle qu’il est devenu l’un des nôtres, notre frère, celui qui a pris sur lui
toutes nos misères, excepté le péché. Il peut sympathiser avec nous dans nos
peines et dans nos souffrances; il a passé par là le premier. Comme ce point de
ressemblance devrait nous encourager à venir à lui, surtout après son
invitation expresse: «Venez à moi vous tous qui souffrez et qui peinez, et je
vous soulagerai!». Comment se fait-il que si peu répondent à cette invitation
de notre divin Sauveur qui s’est fait homme pour gagner notre amour? C’est
qu’ils ont trop d’attaches pour les créatures et, dans ce cas, ils ne reçoivent
pas l’intelligence des choses de Dieu. Leur amour pour le monde empêche le
Saint-Esprit de les éclairer sur les choses de Dieu.
Que tous les chrétiens
essaient donc de se débarrasser de leurs attaches, même aux bonnes choses. Pour
cet amour des créatures qu’ils sacrifieraient, Dieu leur donnerait son propre
amour divin! Mais la plupart préfèrent ses échantillons à Dieu même! Quelle folie!
POUR PARDONNER LES
PÉCHEURS.
Lui-même dit qu’il est venu en ce monde pour ceux qui sont malades et
pour les pécheurs. S’il les a tant affectionnés durant sa vie terrestre, il est
certain qu’il continue de le faire dans sa vie au Tabernacle. Il les attend
avec la même pitié, la même miséricorde et la même charité. Combien de pauvres
pécheurs ont trouvé la véritable contrition aux pieds de Jésus dans l’église
avant de trouver le pardon aux pieds du confesseur! Combien ont trouvé là des
larmes de repentir pour laver leurs péchés et pour revenir à l’amour de Jésus!
Mais il semble bien que
ce bonheur est réservé à ceux qui avaient déjà développé un certain amour pour
Jésus-Hostie. Dans ce cas, même après un péché mortel, cet amour leur obtient
plus facilement le pardon de Jésus. Quant à ceux qui ne viennent que rarement
visiter Jésus ou qui communient rarement, par conséquent qui montrent bien
qu’ils n’ont pas d’amour pour lui ou trop peu, ceux-là ordinairement resteront
froids devant Jésus au Tabernacle. Leurs péchés ne sont pas de nature à leur
donner plus d’amour de Dieu! Plaignons donc ceux qui n’ont pas d’amour de
Jésus-Hostie… comme il leur sera difficile de mettre de l’amour dans leur contrition!
Le péché ne met pas 1’amour de Dieu dans le coeur! Il est donc important pour
nous tous de développer un grand amour pour N. S. dans l’Eucharistie, afin que
si jamais nous avons le malheur de tomber dans un péché mortel, cet amour de
volonté puisse nous mériter le pardon de notre péché.
POUR NOUS DIVINISER.
A
force de visiter Jésus au Tabernacle, on devient de plus en plus semblable à
lui: on s’intéresse aux choses de Dieu comme lui, on méprise le monde de plus
en plus comme lui et l’on cherche son bonheur en sa compagnie dans le monde de
la foi. On s’habitue à vivre dans le monde surnaturel bien loin au-dessus des
sens et c’est là qu’on trouve de plus en plus la sainteté. Car la vie de Jésus,
là, n’est pas du tout la vie de la terre, mais du ciel. C’est là dans la
solitude et dans le recueillement que le Saint-Esprit aime à se donner à l’âme
qui le cherche dans ces conditions. On sait que le Saint-Esprit vient après
Jésus dans nos coeurs. Comme les Apôtres ont dû s’affectionner d’abord à Jésus et
vivre avec lui trois ans avant que le Saint-Esprit leur fut donne, ainsi quand
il verra une âme assidue à tenir compagnie avec Jésus au Tabernacle, le
Saint-Esprit éclairera cette âme de grandes lumières surnaturelles pour la
sanctifier davantage.
C’est là que la plupart
des saints ont reçu leurs plus grandes grâces, justement parce qu’ils
montraient beaucoup d’amour de Jésus en venant le visiter souvent pour
s’entretenir avec lui. Il aime à s’ouvrir à ses amis.
Mais la grande raison est
que c’est un exercice merveilleux de foi que de venir ainsi tenir compagnie à
Jésus que nous saisissons uniquement par la foi. Plus un chrétien avance dans
la foi et plus il avance vers le divin. Il faut être conduit par le
Saint-Esprit pour aimer à visiter Jésus au Tabernacle comme c’est le
Saint-Esprit qui a conduit Jésus au désert loin du monde. Eh bien! L’Eglise de
nos jours est bien un désert: comme il y a peu de catholiques qui vont adorer
J.-C.! Comme c’est tranquille dans nos églises! C’est là qu’on peut
s’entretenir seul à seul avec Dieu et ainsi apprendre à mieux le connaître et à
mieux l’aimer… et donc à nous diviniser davantage. On finit par penser comme
lui, par agir comme lui tout dans le divin.
Pour être un fervent de
l’Eucharistie, il faut remplir les conditions pour le salut éternel. C’est
pourquoi celui-li qui est dévoué à JésusHostie peut espérer d’arriver au ciel.
II faut être dégagé de la vie des sens, il faut mépriser le monde avec ses
plaisirs et être tout aux choses de Dieu: celui-là peut espérer arriver au
ciel. Voilà pourquoi les prêtres devraient insister beaucoup pour que les
fidèles soient des fervents de l’Eucharistie: ils seraient sûrs que ceux-là
sont sauvés. Mais il faudrait qu’ils commencent par donner l’exemple! Quand vont-ils
commencer? La meilleur prédication est toujours l’exemple à donner aux fidèles.
Les brebis suivent les bergers, ne les précèdent jamais!
VIE DE JÉSUS DANS LE
TABERNACLE
D’abord, en tant que
Verbe, Jésus continue là sa vie au sein de la Trinité avec son rôle essentiel
de glorifier le Père. En tant qu’Homme, il continue de rendre à Dieu ses
adorations, ses louanges, son amour et ses supplications pour le monde, pour
que la rédemption se continue jusqu’à la fin des temps. On peut être sûr que
Jésus pratique ce qu’il disait à la Samaritaine que son Père cherche des
adorateurs en esprit et en vérité. Toute la Sainte Humanité est occupée
uniquement au service de Dieu: pour l’adorer, le louer et l’aimer. Voilà un
Homme qui donne parfaite satisfaction à son Père dans tout ce qu’il demande des
hommes.
La vie toute divine que
son Humanité mène dans le Verbe par son union hypostatique ou dans la Personne,
nous pouvons et nous devons la mener par la grâce de Dieu. Nous n’avons qu’à
enlever les obstacles que nous connaissons bien à l’action du Saint-Esprit pour
qu’il agisse puissamment en nous et fasse de nous de véritables enfants de Dieu
en qui il trouverait ses complaisances comme en Jésus en proportion que nous
l’imitons.
On sait que le Verbe s’est
fait homme pour nous enseigner à vivre divinement dans la chair. Eh bien! Plus
nous étudierons sa vie dans le Tabernacle où son Humanité est présente, plus
nous apprendrons nous aussi à vivre divinement tout en étant encore dans la
chair. Le seul fait de nous tenir en sa présence là nous oblige de renoncer aux
plaisirs du monde et de nous jeter davantage dans le monde de la foi pure, car
il n’y a rien là pour les sens. Tout est uniquement dans la foi et de la foi:
donc tout est divin pendant ce temps que nous nous occupons de J.-C.-Hostie.
Apprenons là à mener la vie que nous mènerons au ciel: louer, remercier et
aimer Dieu et jouir de la Sainte Trinité par la grâce méritée par Jésus et en
union avec Lui.
NOTRE VIE DEVANT LE
TABERNACLE
Nous avons déjà indiqué
la sorte de vie que nous devons mener devant le Tabernacle: c’est une vie toute
de foi seule. Si on peut arriver à se transporter tout de suite comme aux pieds
de J.-C. dans le ciel et agir de la même façon devant Jésus-Hostie: c’est le
même dans les deux cas. Que ferions-nous devant lui au Ciel? Faisons-le tout de
suite dans nos églises et chapelles. Nos chrétiens en général sont trop chiches
de leurs visites au Saint Sacrement: ils sont toujours trop pressés pour
s’entretenir avec Jésus… le monde les attire encore trop.
Pour couper court à ces
visites de simple politesse et les remplacer par des visites d’amour, je
conseille fortement à tous les catholiques du monde et dans tous les rangs de
la société et civile et ecclésiastique:
UNE HEURE SAINTE PAR
JOUR!
Combien vont sursauter!
Ou trouver le temps? Je réponds tout de suite en sabrant dans votre vie païenne! Que de temps perdu à bavarder
des choses du monde, du temps, des vanités de toutes sortes qu’on est habitué de
regarder comme des nécessités de la vie justement parce qu’on aime le monde et
ses folies. Dès qu’on développe tant soit peu d’amour pour les choses de Dieu,
comme on économise du temps sur les bagatelles de la terre! Il n’y a que
l’expérience pour nous en convaincre. Que ceux qui sont trop loin des églises
ou des chapelles, fassent leur heure d’adoration chez eux dans une chambre et
ils feront un immense plaisir à N.S. qui les récompensera abondamment pour
cette preuve évidente d’amour de Dieu.
Les prêtres et les
religieux en ont autant besoin que les laïques et cela en plus de leurs autres
exercices spirituels. Ceux qui vont crier plus fort qu’ils n’ont pas le temps,
sont justement ceux qui en ont le plus besoin. D’ordinaire, ce sont des gens qui
se jettent à corps perdu dans les affaires, ou dans des organisations nécessaires dans leur imagination ou
dans leur amour des choses de la terre. Jésus dit à tous ces affairés ce qu’il
disait à Marthe: «Tu t’excites pour rien!». Pourtant elle préparait le souper
pour Jésus! Mais, il lui dit que Marie a choisi la meilleure part qui ne lui
sera pas enlevée. Jésus préfère donc la part de Marie qui faisait son heure d’adoration devant Jésus! Voyons dans le cours
des années quels sont ceux qui ont fait le plus de bien. C’est sûrement les
contemplatifs comparés aux actifs. Saint Jean de la Croix dit que le temps
passé devant Jésus en contemplation vaut mille fois plus que le travail.
Que de fatigués,
d’énervés et d’excités trouveraient là le meilleur remède à leur épuisement
nerveux! Pour cette heure qu’on sème pour l’amour de Dieu, il nous donne une
bonne récolte et de temps et de forces pour accomplir plus que jamais. On voit
que Dieu bénit ceux qui font leur heure sainte tous les jours? Ils ont bonne santé,
ils sont calmes et finissent par faire plus de travail que les autres trop fous
pour semer justement ce dont ils ont besoin: du temps! Gardez votre temps imbéciles et Dieu garde sa récolte de
temps: vous piétinerez sur place, vous serez souvent malades ou indisposés,
vous serez dérangés par toutes sortes de niaiseux et vous vous impatienterez,
vous vous fatiguerez… et vous ne ferez pas grand-chose de bon! Les saints qui
ont tant fait pour Dieu étaient tous des fervents de très longues visites
devant le Saint Sacrement! Imitons-les donc!
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