TRENTIÈME INSTRUCTION
JUDAS.
«Le soir venu il se
mit à table avec ses douze disciples et lorsqu’ils mangeaient, il dit: Je vous
le dis en vérité, un de vous doit me trahir.
Judas, prenant la parole dit: Est-ce moi,
Maître? Il lui répondit: Tu l’as
dit.» Mt. 26-20.
Plan Remarque. {L’apostolat.
L’appel à: {La familiarité avec Jésus. {La grâce. ({Pas de foi.
L’infidélité: {Une attache. {Aveuglement. {Rejette avertissement de Jésus. La réprobation: (Se repent sans amour. {Désespoir. (Trop confiant en lui-même. {Manque de prière. Pierre: {Mauvaise compagnie. {Son repentir est sincère.
REMARQUE Le cas de Judas est considéré avec tant
d’horreur qu’on le considère comme très exceptionnel dans l’histoire de
l’Eglise. Mais le nombre des judas est
légion parmi les chrétiens: tous ceux qui ont commis le péché mortel ont vendu
Jésus pour un plaisir bien éphémère, et comme il est toujours possible pour
nous tous, nous avons tous intérêt à étudier cette triste chute afin de mieux
l’éviter. Car le démon suit toujours ses
mêmes trucs pour perdre les âmes. C’est
donc pour notre instruction que Dieu nous a laissé tant de détails sur ce
traître, afin de nous ouvrir les yeux sur ses causes pour nous les faire
éviter. Considérons trois points de sa
vie: sa vocation, son infidélité et sa réprobation.
L’appel.
Sans
mérite de sa part, Dieu l’appelle comme nous tous à notre destinée surnaturelle
dans la vision béatifique. Comme moyen
pour la lui faire gagner, il l’appelle à… L’apostolat: pour être un des douze
Apôtres et fondateurs de l’Eglise catholique.
Chose curieuse on ne connaît rien sur son appel: aucune circonstance
n’est signalée. Il était le seul juif,
les autres étaient galiléens. On sait
comme ils se détestaient. Cela explique
peut-être son isolement et le peu d’influence que les autres ont eu sur
lui. A cause de son crime les Evangélistes
n’étaient pas portés à parler de lui, excepté de sa trahison et tout ce qui la
concernait. Comme il y avait deux Judas
parmi les Apôtres, le traître était appelé: Judas l’Iscariote, parce qu’il
venait de Kériot, dans la tribu de Juda.
Est-ce parce qu’il était juif qu’on lui confia la bourse ou l’aurait-il
prise de lui-même? En tout cas, c’est
lui qui a soin de l’argent qu’on donnait aux Apôtres pour leur entretien. Sa vocation est indépendante de son crime;
Jésus ne l’a pas choisi pour qu’il commette son péché, il est évident. Aucun péché ne peut entrer dans le plan divin
puisqu’il arrive contre sa volonté. La
perte de Judas suscite souvent des objections contre la prédestination. La solution des objections est basée sur ce
fait qu’il y a deux prédestinations: une qui vient de l’intelligence divine qui
sait ce qui va arriver, et celle de la volonté qui veut qu’une chose
arrive. Jamais Dieu veut la perte d’une
âme, mais il sait celles qui se perdront par leur faute en refusant les moyens
que Dieu met à leur disposition, comme la prière, les sacrements, etc. La familiarité avec Jésus. Pendant trois ans il vit la même vie que
Jésus et les autres Apôtres. Il a
entendu les mêmes instructions sur le royaume de Dieu; il a été témoin de
nombreux miracles de son Maître, de ses prières si fréquentes, de sa bonté
immense pour les pécheurs et pour les hommes en général et en particulier. Il a entendu les exhortations de Jésus à la
pauvreté, au détachement, au mépris de l’argent et des biens de ce monde. Il voyait les prophéties s’accomplir en Jésus
et il a dû faire des miracles comme les autres quand ils y furent envoyés en
mission. Quelle immense grâce d’avoir
vécu ainsi trois ans dans l’intimité de Jésus!…
La
grâce sanctifiante d’abord et ensuite une foule d’autres grâces particulières
lui furent données selon sa belle vocation, puis plus tard celle de s’asseoir
sur un trône au ciel pour juger les douze tribus d’Israël comme les autres
Apôtres, avec la vision béatifique comme terme de tant de bonté. Il a donc reçu comme les autres tous les
moyens pour se sauver. Jésus a pris la
peine de montrer à Judas qu’il connaissait son crime futur dans l’espérance de
l’en détourner. Il l’appelle même son
ami quand il lui donne le baiser qui le trahit.
Il nage dans le divin comme les autres, mais son âme est fermée au
surnaturel par son attache à l’argent et donc aux biens de ce monde. On ne peut pas aimer les deux! Voyons donc quelques causes de cette
lamentable chute puisque tant de chrétiens ont déjà fait pire que Judas et sont
encore capables d’en faire autant. ses
infidélités Manque de foi.
Il semble bien que Judas n’a jamais cru à la divinité de
Jésus. Il l’a suivi pour des raisons
humaines, espérant qu’il deviendrait puissant en ce monde et qu’il pourrait
faire fortune avec Jésus. St. Jean, 6-65, a une phrase significative: en
parlant de l’Eucharistie, Jésus dit: «Il y en a parmi vous quelques-uns qui ne
croient pas. Car Jésus savait dès le
commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le
trahirait.» Il semble donc bien que celui qui le trahirait était du nombre de
ceux qui ne croyaient pas. Quand
Marie-Madeleine répand son parfum précieux sur les pieds de Jésus, Judas ne
voit que la perte matérielle de cet argent.
Les Evangélistes ne racontent pas un seul fait de Judas qui montre de
l’estime pour le surnaturel. Ses
ambitions étaient pour les choses de la terre.
Le jour des Rameaux il a pu avoir une lueur d’espérance que ses
ambitions se réaliseraient, mais elle fut de courte durée. C’est alors qu’il résolut de sortir de son
aventure avec Jésus en gagnant au moins un peu d’argent en le vendant trente
pièces d’argent. S’il avait eu la foi,
il aurait eu l’espérance aussi et ne se serait pas suicidé par désespoir. Les deux vont ensemble logiquement. Il est bien certain qu’il manque d’espérance,
donc il est certain aussi qu’il manque de foi.
Le reste s’en est suivi; il ne prie pas ou peu ou mal, demandant des
choses terrestres. En tout cas, il est
évident que les choses de l’autre monde ne l’ont pas intéressé du tout.
Une
attache est une conséquence de son manque de foi. Il faut donner son affection à quelque chose;
quand on ne croit pas à celles de l’autre monde, on s’affectionne à celles de
ce monde-ci. Il a commencé comme tout le
monde graduellement; il comptait avec plaisir ses sous, il les multipliait en
imagination et il pensait à tout ce qu’il pourrait se procurer avec cet
argent. Il contemplait son argent. Il s’y est donc affectionné au point d’en
voler un peu tous les jours, dit St.Jean -10: «Alors, un des ses disciples,
Judas l’Iscariote, celui qui devait le trahir, dit: “Pourquoi n’a-t-on pas
vendu ce parfum trois cent deniers pour les donner aux pauvres?” Il dit cela,
non qu’il se souciât des pauvres, mais parce qu’il était voleur et ayant la
bourse, il dérobait ce qu’on y mettait.»
Son amour s’en alla donc de plus en plus à son argent et
il se ferme dans la même mesure aux choses de Dieu. Tous les efforts de Jésus pour le convertir
échouèrent devant cet amour naturel, ses regards d’amour ne rencontrèrent pas
d’amour dans le coeur de Judas, qui ne comprenait rien aux choses de Dieu. Que les moralistes réfléchissent sur leur
fameux principe que les péchés véniels ne s’ajoutent pas pour faire un péché
mortel. Cela n’est vrai que formellement
et «in se», mais dans le concret il y a toujours quelque chose qui s’ajoute
dans les dispositions subjectives et dans les habitudes. Ainsi Judas ne volait que quelques sous, ce
n’était que véniel sûrement au début. Mais
il a fini par tomber dans le péché mortel à cause de tous ces péchés véniels
qui se sont ajoutés d’une certaine façon, dans son coeur sinon
formellement. Quand on se donne des
baisers, chacun peut bien n’être que véniel mais dans le concret pour les deux
animaux qui se caressent, ces baisers s’ajoutent tous pour exciter les passions
et ainsi commettre le péché mortel. Des
prêtres inexpérimentés dans le ministère ont eu la sottise d’aller donner ce
principe qui n’aurait jamais dû sortir des classes de morale… et qu’il aurait
été mieux de ne jamais donner, même là!
Alors combien de péchés mortels se commettent par des gens qui font leur
petit moraliste. Ils commettent un péché
véniel, puis un autre, puis encore un autre, en se disant: ils ne s’ajoutent
pas pour faire un péché mortel. Mais
leur animal s’est excité avec ces péchés véniels qui s’ajoutent en lui sinon
«in se» et il en est rendu si loin qu’il finit par pécher mortellement. Les péchés se commettent dans le concret, et
dans le concret tous les péchés véniels s’ajoutent d’une façon ou d’une autre
dans les personnes qui les commettent.
Cessons donc de prêcher cette sottise au monde!
On
voit là aussi, comme disent les bons auteurs spirituels, le mal de garder une
attache quelque insignifiante qu’elle puisse être. Elle va nous faire tomber dans des péchés
véniels répétés et avec le temps dans quelque péché mortel. Tout péché mortel a commencé par des attaches
même aux choses permises. C’est le
premier pas de tout péché et tout chrétien devrait le savoir. Tous les prêtres devraient prêcher contre les
attaches comme contre le péché mortel.
Elles sont la cause principale du mortel, comme on l’a déjà expliqué
ailleurs.
Aveuglement. St-Jean de la Croix dit bien que celui qui a
une attache n’aura pas l’intelligence des choses de Dieu. Eh bien!
Judas n’a certainement pas eu l’intelligence des choses de Dieu. Il était absolument fermé aux choses
surnaturelles. Quand une fille est
amourachée d’un homme, il est impossible de lui en faire admirer un autre, ni
l’intéresser. Il en est ainsi pour tout
chrétien qui a son coeur dans les choses ou une chose de la terre; il n’est
plus intéressé aux choses du ciel. Il
est aveuglé pour le surnaturel qui ne lui dit rien au coeur.
La
réprobation.
Judas
rejette les avertissements de Jésus.
Plusieurs fois Jésus montre à Judas qu’il connaît son projet infâme afin
de le faire réfléchir sur son crime, mais rien n’y fait. Il avait dû même lire ou entendre lire la
prophétie de Zacharie, 11-12, où il aurait dû se reconnaître? «Et ils pesèrent mon salaire, trente pièces
d’argent. Et Yahweh me dit: “Jette-le au
potier, ce prix magnifique auquel j’ai été estimé par eux.” Et je pris les trente
sicles d’argent et je les jetai dans la maison de Yahveh au potier.» A sa
dernière entrevue avec Judas, Jésus l’appelle mon ami! «Est-ce que c’est par un baiser que tu trahis
le Fils de l’homme?» Il voit les deux miracles que Jésus opère en étendant par
terre les soldats par une parole et en guérissant l’oreille de Malchus. L’amour ne prend pas sur l’égoïsme.
Il
se repent sans amour. Quand Judas vit
que Jésus était condamné, il fut touché de repentir. Il alla trouver les prêtres dans le temple,
il confessa son crime en disant: «J’ai livré le sang innocent!» Ils lui
répondirent: «Que nous importe: cela te regarde.» Quelle responsabilité pour
ces prêtres! S’ils avaient encouragé
Judas dans son repentir, ils l’auraient peut-être sauvé. Mais ils «ont le démon pour père et ils
veulent accomplir les désirs de leur père, qui fut homicide dès le
commencement.» Judas s’en alla se pendre sur une petite colline en face de
Jérusalem, qu’on appelle Haceldama.
Voilà une leçon terriblement pratique pour nous. Combien de chrétiens commettent des péchés
mortels comme Judas, mais sont-ils nombreux ceux qui ont un repentir aussi
grand que le sien? Sa peine a été
immense! Il confessa son crime
publiquement aux prêtres dans le temple, il défit son contrat en jetant
l’argent dans le temple. Qu’est-ce qui a
donc manqué à la contrition de Judas? Ce
qui manquait avant: l’amour de Dieu! A
cause de son attache, il n’avait pas d’amour de Dieu, pourtant c’était si peu
de chose! Combien de chrétiens avec
leurs attaches souvent à des choses permises au début finissent par tomber dans
le péché mortel. Parmi ces pécheurs
sont-ils nombreux ceux qui approchent même la douleur intense de Judas, d’avoir
vendu Jésus pour un plaisir passager?
Ils sont certainement rares! Ces
gens peuvent passer par le confessionnal mais qui peut assurer qu’ils sont
pardonnés? Il faut préférer Dieu à tout au
monde pour être pardonné, et ces gens n’avaient pas ou peu d’amour de Dieu
avant leurs péchés, puisqu’ils avaient des attaches et péchaient véniellement
souvent… C’est la route ordinaire du péché mortel. On ne tombe pas là d’un seul coup. Un homme qui tuerait sa femme l’a souvent
insultée et maltraitée avant. Qui dirait
qu’il aime sa femme s’il la bat souvent, l’insulte, etc. quoique ces choses ne soient pas mortelles? Personne au monde ne dirait qu’il aime sa
femme dans ces cas. Eh bien! ceux qui offensent Dieu véniellement souvent
n’ont pas plus d’amour pour Dieu. Seuls
les philosophes en trouveraient «strictement parlant», comme on pourrait dire
qu’un mari aime sa femme quand même il la maltraite tous les jours du moment
qu’il ne la tue pas. Mais jamais les
hommes parlant «humainement» diraient qu’il l’aime. Eh bien!
Dieu ne juge pas selon les «strictement parlant» des philosophes
pharisiens de nos jours. Par conséquent
ces pauvres chrétiens qui pèchent souvent sont bien à plaindre s’ils croient
d’être pardonnés en confession. Comment
auront-ils l’amour de Dieu par-dessus toutes choses exigé pour le pardon, quand
ils n’aimaient pas Dieu avant leur péché mortel? Tous les philosophes du monde auraient laissé
passer Judas dans son extrême douleur… et Dieu ne l’a pas laissé passer! Si un homme ne peut pas préférer Dieu à
l’objet de sa passion avant la confession, comment va-t-il le faire après un
péché mortel? Tant qu’il n’a pas résisté
à sa passion, il peut douter de ses dispositions pour l’absolution.
La
conclusion est qu’il faut rejeter absolument l’enseignement des philosophes sur
la confession comme sur bien d’autres points.
Parce que c’est possible «en soi» qu’aussitôt après un péché mortel un
pécheur préfère Dieu à l’objet de sa passion, ils concluent que c’est le cas
général et cet enseignement bête est passé dans le peuple. Combien de pécheurs arrivent au confessionnal
disposés de tête. C’est une formalité
pour eux. Vous regrettez votre
péché? Oui. Vous ne le commettrez plus? Non!
Ils savent ce que le confesseur veut et ils le lui donnent. Rien de plus, rien du tout n’a effleuré le
coeur. Aussi ils recommencent le
lendemain, quand ce n’est pas le jour même.
Pour un grand nombre la confession est une farce. Ils se confessent, pas pour arrêter de
pécher, mais pour se débarrasser d’une charge d’après ce que les philosophes
leur ont dit. Quelle illusion! Que de bons prêtres sont dégoûtés,
découragés, voyant bien que les confessions n’améliorent pas ou peu leurs
fidèles! C’est devenu une formalité
extérieure pour plusieurs à cause de cette maudite doctrine des philosophes qui
n’ont absolument rien, pour le coeur, qui est seul considéré par Dieu. C’est du pharisaïsme tout pur qui prétend mener
les fidèles à Dieu en les dispensant de l’amour de Dieu. Ils vont arriver au ciel sur des «in se» et
des «strictement parlant»!… Désespoir de Judas.
Satan qui cachait à Judas l’horreur de son crime fait maintenant le
contraire; il lui en montre l’abomination et l’inutilité d’en espérer le pardon
et il le pousse au suicide. Il va dans
un bois se pendre: indigne du ciel et de la terre, il meurt entre les deux, la
gorge, d’où sont sorties ses paroles de trahison, étranglée. Jésus avait dit: «Malheur à celui par qui le
Fils de l’homme sera trahi; il vaudrait mieux qu’il ne fut pas né», ce qui
indique assez clairement qu’il va souffrir éternellement.
Voici quelques prédictions concernant Judas. Ps 69: «Que sa demeure devienne déserte et
que personne ne l’habite», et 109: «Qu’un autre prenne sa charge». Ps.
40-10: «Même l’homme qui était mon ami et qui mangeait mon pain, lève le
talon contre moi.» Comme tous les vices, le désespoir a des degrés et sans
aller jusqu’au suicide beaucoup de chrétiens en ont des attaques. C’est quand ils regardent trop ce qu’ils
perdent dans les épreuves, au lieu de regarder ce qu’ils gagnent en la foi et
en espérance. Par exemple ceux qui
abandonnent leurs exercices spirituels parce qu’ils continuent de pécher ou
qu’ils
n’ont pas de consolations. Combien remarquent
qu’ils sont plus tentés, depuis qu’ils veulent bien vivre, qu’auparavant. C’est clair!
Jésus nous dit que lorsque le démon est chassé d’une âme il va en
chercher sept autres plus forts que lui et ils reviennent tous pour forcer la
place. Tandis qu’auparavant; ce n’était
pas nécessaire de foncer dessus. Dans
les épreuves des purifications passives de l’âme qui sont très grandes, les
âmes se sentent repoussées par Dieu et elles ont déjà tout quitté pour lui, de
sorte qu’elles ne savent plus que faire.
Là les démons les tentent de désespoir et même de suicide parce que ni
le ciel ni la terre ne veulent d’elles.
Un bon directeur serait très utile en ces moments pour leur expliquer
que Dieu ne fait cela que pour éprouver leur amour. C’est un grand signe d’amour de Dieu, quand
on connaît ses voies.
Pierre
Voici
encore un sujet de grande douleur pour Jésus: le reniement de Pierre. Arrêtons-nous ici seulement aux différences
avec Judas afin d’en tirer des leçons pratiques pour notre conduite spirituelle. Les causes de sa chute semblent être les
suivantes: il est trop confiant en lui-même; il se tient en mauvaise
compagnie. Il est trop confiant en
lui-même comme tous ceux qui sont bons naturellement mais qui n’ont pas assez
de foi pour savoir que leur suffisance ne vient que de Dieu. Pierre prenait sa bonne volonté pour la force
qui fait accomplir le bien. Pourtant
Jésus leur avait dit à tous: «Sans moi vous ne pouvez rien». Que de jeunes chrétiens se font prendre par
cette confiance en leurs bonnes dispositions naturelles. Ils disent en acte comme en parole: je suis
capable de me bien conduire!… et Dieu leur montre avec le temps qu’ils ne sont
pas capables, sans lui, de se bien conduire et ils tombent misérablement. Manque de Prière. Il avait l’exemple de Jésus qui priait si
souvent et les recommandations spéciales et réitérées au jardin des Oliviers:
«de veiller et de prier afin de ne pas entrer en tentation»; et on dirait que
Jésus pensait surtout à Pierre quand il ajoute: «car l’esprit est prompt mais
la chair est faible». Il a dormi au lieu
de prier aussi quelques heures après il reniait honteusement son Maître et cela
trois fois de suite!… La conclusion est claire pour nous tous. En proportion qu’on tombe dans le péché,
c’est qu’on n’a pas prié ou pas assez.
On a beau courir au confessionnal, si on ne prie pas plus, on retombera
dans ses fautes. Que chaque chrétien
donc augmente ses prières jusqu’à ce qu’il ne pèche plus du tout. Augmenter ne veut pas dire multiplier les
mots mais les améliorer en intensité, en sérieux et en attention. Qu’on ajoute en plus le jeûne et quelques
mortifications et Dieu exaucera les prières encore plus.
Le
manque de prière vient du fait aussi qu’on est resté, de coeur, dans l’ordre
naturel où tout nous vient à peu près sans prière. Mais on devrait savoir que pour obtenir des
choses du monde surnaturel il faut montrer à Dieu qu’on y tient par l’ardeur de
nos prières. Sortons donc de cette
attitude mentale que nous aurions sur le chemin des limbes où nous n’aurions
qu’à nous laisser aller comme à la dérive sur le courant naturel. C’est tout différent pour arriver au bonheur
de la Trinité! Il faut la prière
persévérante à tout prix!
La
mauvaise compagnie. L’Ecriture dit que
Pierre suivait Jésus de loin. Quand les
chrétiens suivent Jésus de loin, ils sont tièdes dans le chemin de la vertu,
ils sont sur le point de tomber dans le péché.
Saint Jean lui le suivait de près.
Après qu’il eut fait entrer Pierre dans-la cour, il alla auprès de Jésus
tout de suite, tandis que Pierre lambina autour du feu parce qu’il faisait
froid. Cette satisfaction sensible lui a
coûté bien cher!… D’abord en entrant il nia qu’il était l’ami de Jésus quand la
portière l’accusa de l’être. Une fois
compromis, il continua à le renier auprès des gardes autour du feu. Ces gens n’étaient pas les amis de
Jésus. Pierre n’aurait pas dû aller se
joindre à eux. Cela a fait son malheur. Les deux premiers reniements pouvaient n’être
que véniels mais le troisième, avec serment, était sûrement mortel. Péchés véniels d’abord, puis péché mortel;
l’un suit l’autre ordinairement. Comme
on va vite aux excès une fois parti dans le mal! Il renia Jésus devant une personne, puis
devant plusieurs; il le renia comme par distraction, puis il le renia avec
serment … «Je ne connais point cet individu!» Pour cet «individu» il avait tout
quitté! Il avait confessé sa divinité à
deux genoux! Il avait vu cet «individu»
resplendissant de la gloire divine sur le Thabor! Il avait entendu le Père dire du haut du ciel:
Celui-ci est mon Fils bienaimé! Cet
«individu» l’avait fait marcher sur les eaux et lui avait donné les clefs du
paradis et en avait fait le fondement de son Eglise! Juste à ce moment Jésus était conduit du
palais d’Anne à celui de Caïphe; il jeta un regard de compassion à Pierre qui
réalisa ce qu’il venait de faire. Il
éclata en sanglots et sortit pleurer son péché.
Jésus lui avait prédit qu’avant que le coq chante deux fois il l’aurait
renié trois fois. On est porté à croire
que le cas de Pierre est un «spécial» comme celui de Judas. Pas du tout.
C’est un cas bien ordinaire et même très fréquent chez les
chrétiens. Tous ceux qui pèchent d’une
façon ou d’une autre renient Jésus.
Jésus nous dit la même chose qu’à Pierre et aux autres Apôtres: Veillez
et priez afin de ne pas tomber en tentation!
Si nous tombons c’est que nous n’avons pas assez prié. Il est bon de prendre sur son sommeil pour la
prière: Veillez, veut dire cela directement.
On sait combien souvent Jésus prenait sur la nuit du temps pour
prier. Jésus voulait les faire prier
précisément pour éviter le péché. Prions
donc pour cette intention. Demandons
nuit et jour la grâce de ne jamais offenser Dieu d’aucune façon. C’est une grâce à demander et combien peu le
font! Combien le font mal! Mais quand on a des attaches, comme c’est
difficile de demander à Dieu de nous les enlever, de ne pas en jouir! C’est aller contre sa nature directement. Quand même il faut le faire sérieusement en
se disant que le ciel vaut mieux que cette jouissance que je pourrais prendre
mais en perdant le ciel. Prions contre
nature. Disons à Dieu: «Mon Dieu, quand
je vois ou que je pense à l’objet de ma passion, je suis tout bouleversé, et je
ne me possède plus et vous seul pouvez me retenir; je compte sur vous et je
vous demande de tout mon coeur, malgré ma répugnance, de mourir plutôt que de
vous offenser. Donnez-moi la grâce de
vaincre cette tentation! Puis l’on offre
à Dieu quelque sacrifice pour obtenir cette grâce. Son repentir est profond; il pleurera le
reste de sa vie son péché. Mais il n’a
pas mérité comme Jean d’assister à toute la passion de Jésus ni d’être aux
pieds de la croix à sa mort.
Par son péché mortel Pierre perdit la grâce sanctifiante,
mais par son amour de volonté pour Jésus il a mérité le pardon de son
péché. Pierre avait aimé sérieusement
Jésus; quand il se réveilla de son péché, cet amour était encore là et c’est
cet amour qui l’a fait revenir humblement mais amoureusement à Jésus. Voilà cette charité du coeur que tout chrétien
devrait cultiver. Or on sait qu’elle
s’achète au prix des choses créées sacrifiées pour l’amour de Dieu. On estime Dieu en proportion qu’on le paie
aux dépens des créatures. C’est cet
amour qui peut rester même quand on perd la grâce sanctifiante comme
Pierre. Voilà la différence d’avec
Judas. Combien de chrétiens n’ont pas
encore payé un sou pour ainsi dire pour avoir Dieu.
Ils
ne sèment aucun échantillon librement et par amour pour Dieu; ils n’achètent
pas Dieu aux dépens de ses créatures.
Alors quand il leur arrivera de pécher, comment vont-ils en sortir? Comment vont-ils avoir cet amour de Dieu qui
le fait préférer à tout au monde et qui est absolument nécessaire pour obtenir
l’absolution de ses fautes? C’est
possible, mais qui peut l’affirmer?… Chose curieuse: St-Pierre n’eut pas
recours à ce fameux principe des philosophes de la morale, à savoir, que la
contrition «strictement parlant» n’est pas dans les larmes. Il pleura amèrement le reste de sa vie. Quel dommage qu’il n’ait pas eu la science de
nos pharisiens! Une pensée de remords,
un «clic» de la volonté et tout était pardonné et il se serait épargné toutes
ces larmes! Mais dans ce temps-là on ne
faisait pas de savantes études comme de nos jours!… et les pécheurs pleuraient
à l’exemple de Jésus qui ignorait lui aussi les «essentiellement parlant» de
nos philosophes. St-Clément dit que
St-Pierre se levait toujours au chant du coq pour pleurer sa faute, et que les
larmes avaient creusé des sillons dans ses joues. Ces deux épreuves de Jésus nous viendront à
nous aussi en proportion que nous en valons la peine. Nous serons trahis par nos amis qui seront au
courant de tous nos secrets et qui s’en serviront pour leur propre bénéfice et
à notre détriment. Au lieu de gémir
sachons prendre cet échantillon de la passion de Jésus en véritables chrétiens
pour expier nos propres péchés.
Les
hommes cherchent leur propre intérêt. Si
vous avez des amis, sachez que c’est parce qu’ils tirent parti de vous. Quand vous ne pourrez plus les avantager, ils
vous planteront là et même parleront et agiront contre vous. Souvent même Dieu prendra quelque membre de
la famille pour trahir les autres. Que
c’est pénible pour ceux qui ne voient pas les choses selon la foi! Cela arrive et arrivera dans n’importe quelle
famille, dans le clergé et chez les religieux, en proportion qu’on veut suivre
Jésus, on aura des Judas à sa suite. On
aura aussi des gens qui imiteront la faute de Pierre, qui nous renieront après
que nous les aurons favorisés de toutes les façons. Des enfants qui renieront leurs parents parce
qu’ils sont pauvres ou ignorants ou malades.
Des membres d’une famille ne se parleront plus; c’est se renier.
Quant aux victimes de ces trahisons ou de ces reniements,
qu’elles ne se découragent pas et ne perdent pas leur mérite par des jérémiades
de païens. C’est normal pour elles
d’avoir des occasions de ressembler à Jésus et c’est parce que Dieu les aime
qu’il veut qu’elles lui ressemblent: le bonheur du ciel sera d’autant plus
grand. Que les prêtres remarquent que
toute la différence de ces deux hommes est dans ce qui précède leur péché mortel;
les attaches pour Judas et la négligence pour prier de Pierre. Ce qui prouve qu’il ne suffit pas d’éviter le
péché, mais qu’il faut en plus prier beaucoup.
Combien de prêtres ne savent rien demander à ceux qui ne pèchent pas,
ils ont tort; si ces gens ne prient pas, ils vont tomber dans le péché. Qu’on les avertisse comme Jésus avant leurs
chutes en exigeant d’eux les veilles et la prière. Combien de chrétiens ont cette idée que du
moment qu’ils ne pèchent pas ou peu, il n’est pas nécessaire pour eux de
prier. Aussi ils ont des surprises
regrettables parfois et une fois commencé le péché se multiplie vite. De plus, que les prêtres voient la nécessité
de cultiver l’amour de Dieu en l’achetant par le sacrifice des créatures ou en
le récoltant par les semailles des échantillons, même dans les choses
permises. Voilà ce qui manque beaucoup
dans l’enseignement des prêtres. Puisque
c’est cet amour qui va leur obtenir leur pardon si jamais ils tombent dans le
péché mortel, les prêtres devraient tout faire pour l’inculquer aux fidèles et
voir à ce qu’ils le pratiquent sincèrement.
Voilà de l’enseignement pratique que nous devrions tous donner à
l’avenir en pensant à la différence de ces deux fins dans ces hommes qui ont eu
la même vie pendant trois ans en compagnie de Jésus…
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