mercredi 21 février 2018

Père Onésime Lacouture - 2-36 - La vie de Jésus, fin


TRENTE-CINQUIÈME INSTRUCTION
JESUS CRUCIFIÉ.
«C’est ainsi qu’ils crucifièrent Jésus-Christ, et avec lui les deux larrons, l’un à droite et l’autre à gauche, Jésus au milieu.» Jo.  19-18
Plan  Jésus, dépouillé de ses vêtements.  Jésus cloué à la Croix.  Triomphe de ses ennemis.  Sentiments de Jésus.  Les sept paroles de Jésus.  sa mort.  L’angoisse des amis de Jésus.  Le deuil de Marie.
Conclusion pour nous: la mort mystique pour tous.
JÉSUS, DEPOUILLÉ DE SES VETEMENTS
Saint Paul, aux Héb.  13-12: «Jésus pour nous purifier dans son sang a consommé son sacrifice hors la porte de la ville; parcourons donc le même chemin en portant la croix avec lui.» Et Paul parle au point de vue moral.  Mais pour la contemplation, essayons de le suivre en esprit et avec le coeur jusqu’au Calvaire.  Heureux ceux qui ont la faveur insigne de parcourir le même chemin réellement en faisant le chemin de la croix à Jérusalem, un vendredi saint!  Que Dieu soit béni de me l’avoir accordé en 1938!
Nous partons du prétoire où Jésus fut flagellé et nous descendons du palais de Pilate et nous suivons les anciennes ruelles du temps de Jésus apparemment d’une dizaine de pieds de larges à peine et en différents paliers qui montent et qui descendent à travers les sales bazars ou magasinets le long des ruelles.  Une foule de curieux nous regardent passer sans doute comme ils l’ont fait au temps de Jésus.  Les uns ricanent, mais la plupart sont sérieux et respectent notre défilé.  C’est aux croisées de ces ruelles sans doute que Jésus rencontre sa sainte Mère, quoique l’Evangile n’en dise rien.  La tradition le rapporte et comme elle était sûrement au pied de la croix il n’y a pas de doute qu’elle suivait le cortège avec ses amies après s’être mise à quelque coin pour le voir passer.  C’est pendant ce trajet que Véronique vient lui essuyer la face, couverte de sueurs et de crachats.  Jésus la récompense en laissant sa figure imprimée sur son voile qui servit de modèle pour les saintes faces répandues dans le monde avant d’avoir le portrait du suaire de Turin.
Le Calvaire est une petite éminence de quinze à vingt pieds au plus, juste en dehors des anciens murs de la ville.  Il est d’après une tradition enfermé maintenant dans la basilique du Saint Sépulcre bâtie d’abord par Ste Hélène, puis restaurée plus tard.  Quand on dit la messe on a une idée des cris et des vociférations au temps de Jésus, à sa mort.  Il y a là plusieurs groupes qui se font une guerre véritable autour des différentes parties de la basilique que chacun a à son usage.  Pendant les offices de l’un les autres crient leurs chants aussi fort que possible afin d’enterrer les autres.  Ils beuglent littéralement et hurlent comme des fous pour ennuyer les catholiques, représentés par les Franciscains.  D’abord on est scandalisé puis ensuite on est ému en pensant que c’est une bonne reproduction de ce qui avait lieu au temps de Jésus quand on le conduisit au Calvaire.
Arrivé au Calvaire les Juifs le dépouillent de tous ses habits; il va mourir absolument nu comme il est né.  Les Pères sont unanimes à voir là la pratique du parfait renoncement et détachement que Jésus a prêchés.  Il est ignominieusement exposé devant cette foule et va subir le plus honteux châtiment du temps.  Comme il nous montre à nous débarrasser des deux amours naturels que nous avons tous.  Il n’en avait pas besoin pour lui-même, mais il veut nous instruire par son exemple.  Il nous montre qu’il en coûte pour tuer ces deux amours, pour les créatures et pour soi, mais qu’il faut s’en défaire à tout prix, quelque pénible que ce soit.  Si le détachement effectif n’est pas obligatoire, qu’on n’oublie pas que le détachement du coeur est absolument requis pour tout le monde sans aucune exception… et cela sous peine de damnation!  Trop de chrétiens regardent ce détachement comme du luxe en perfection et comme une question de conseil; c’est absolument faux!  C’est une obligation pour tous.  «Quiconque ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple.» Cela n’est pas dit pour des religieux mais pour tout le monde sans exception.
Ses vêtements étaient collés à sa peau ensanglantée et on les lui arrache avec violence et sans pitié pour un condamné à mort.  C’est symbolique pour signifier que tout détachement réel coûte à la nature.  Ceux qui pensent que c’est facile n’ont pas commencé encore à le faire.  Combien rares sont ceux qui ont la force morale de le faire?  Même quand on en est convaincu, comme il en coûte!  La preuve est dans ce fait qu’un grand nombre de religieux qui ont fait voeu de se dépouiller et l’ont fait en acte sont très habiles pour se reprendre par toutes sortes de moyens.  Comme ils sont attachés à leurs aises et aux biens «communs» de la communauté qui peuvent captiver le coeur aussi bien que des biens privés si on ne fait pas attention.  Comme ils aiment les beaux habits, comme ils en ont beaucoup et souvent, comme ils les jettent à peine usés, comme ils sont particuliers à table, comme il leur faut de la première classe partout et comme ils critiquent dès qu’il leur manque la moindre chose!  Tout cela prouve que le vrai détachement du coeur est très difficile à cause de notre manque de foi.  Demandons donc à Jésus la grâce de pratiquer réellement le détachement des créatures au point de les mépriser souverainement et de les regarder toutes comme du fumier afin de donner tout notre coeur à Jésus.  Demandons aussi le renoncement à notre personnalité morale, à notre égoïsme et amour-propre.  C’est encore bien plus difficile que de se détacher des créatures extérieures.  Tout de même il le faut, avec la grâce de Dieu.  Supplions Dieu à deux genoux très souvent, avec toute l’ardeur dont nous sommes capables, de nous accorder le mépris souverain de nous-mêmes jusqu’à la mort dont parle saint Paul, la mort à soi-même, pour ne plus avoir aucun intérêt à défendre, mais que morts à nous-mêmes, nous ne vivions plus que pour les intérêts de Jésus.  Que toutes les humiliations, les mépris des autres, les insultes et les injures nous laissent pratiquement froids, puisque nous n’avons plus rien à défendre, que nous sommes tout à Jésus et lui seul vit en nous.  Quelle sublime grâce à demander tous les jours de notre vie!  Ce sont ces deux amours qui empêchent l’amour de Dieu de venir en nous.  Il n’y a plus de place dans notre hôtellerie pour Jésus en proportion que nous avons ces deux amours.  On voit pourquoi les démons poussent tous les prêtres à attaquer les péchés; tant qu’ils perdent leur éloquence là, ils ne pensent pas à attaquer nos deux amours naturels et permis «in se»!  Il n’y a pas de mal à cela!  disent nos philosophes… et l’amour de Dieu ne peut pas entrer avec ces deux amours dans le coeur.  Quel dommage que les prêtres ne sachent pas qu’il leur reste tout à faire après qu’ils ont tonné contre le péché!
JESUS EST CLOUÉ À LA CROIX
C’est tout ce que les évangélistes nous disent de ce terrible tourment, pas plus que le seul fait de la flagellation ou du couronnement d’épines.  C’est que Dieu veut laisser à l’amour de descendre dans les détails.  Lui seul est capable de le faire.  En proportion qu’on aime Jésus on verra facilement tous les détails de cet affreux supplice.  Ils le couchent sur la croix étendue par terre, puis les bourreaux lui prennent la main droite, la posent sur la poutre transversale et enfoncent un gros clou en haut de la paume d’après le suaire de Turin.  Ces clous avaient environ cinq pouces de long, carrés et très pointus avec une grosse tête ronde, d’après celui qui est encore gardé à l’église de Sainte-Croix, à Rome.
Voyons le corps frémir et se tordre de douleur et la figure se crisper d’angoisse; le sang coule abondamment et Jésus endure ce tourment pour expier nos péchés.  Puis ils attrapent le bras gauche et font de même.  Puis ils prennent le pied gauche qu’ils posent sur le pied droit avec un seul clou pour percer les deux et les fixer au bois.  Les tortures augmentent sensiblement.  Enfin ils prennent la croix, la soulèvent et la laissent tomber dans le trou du roc qui lui avait été préparé et Jésus commence son agonie de trois heures suspendu à la croix!  Le secret pour réussir dans ces contemplations est de prendre son temps dans les petits détails.  Par exemple, ici, voyons le bourreau qui lève son marteau et qui frappe le clou posé sur le poignet; il déchire les chairs et fait jaillir un courant de sang qui coule le long du bois et jusqu’à terre.  Tiens, pécheur, c’est pour toi, ce sang et ces douleurs!  C’est toi qui viens de frapper ce coup pour me clouer à la croix!  Tu as ta part dans mes souffrances.  Encore un coup!  et encore un coup de marteau!  Ce sont tes péchés répétés qui enfoncent ce clou!  Pour tes touchers sensuels la justice divine m’impose ces souffrances!  Considère-les bien; ce n’est rien en comparaison de ce que tu auras un jour si ta pénitence ne rachète pas tes péchés!  Approche ta main près de la mienne, touche à ce clou qui la retient au bois!  Trempe-la dans mon sang encore chaud, c’est un échantillon de mon amour pour toi!  Vas-tu recommencer ces touchers coupables?  Vas-tu commettre encore des péchés par ces membres qui m’ont cloué à la croix?  Fais pénitence!  Tu souffriras encore plus que moi si tu n’expies pas tes péchés!  Eh bien, répondons à Jésus par des actes de contrition aussi sincères que possible, par un ferme propos de ne plus jamais l’offenser et de faire pénitence pour nos péchés passés; voilà ce qui peut mieux le consoler et adoucir ses tourments de la crucifixion.  Mais il faut passer aux actes; ces bonnes paroles ne valent pas grand-chose si elles restent là.  Tout de suite il faut commencer à vider son coeur de l’amour des créatures.  Mettons de côté tout de suite une satisfaction qu’on a coutume de prendre, qu’on abandonne un plaisir habituel qu’on prenait sans scrupule.  Qu’on ajoute un acte de religion pour augmenter en amour divin; par exemple un chemin de croix au lieu d’une partie quelconque.  Une visite aux malades au lieu d’aller aux vues; aller chercher un pécheur au lieu d’aller faire une veillée de païen dans un grand salon, etc.  En un mot il faut crucifier nos deux amours naturels et faire plus pour l’amour de Dieu; se retirer des créatures et se rapprocher du Créateur; voilà la plus belle consolation que nous pouvons donner à Jésus saignant sur la croix pour l’amour de nous!  Après le dépouillement Jésus est cloué à la croix pour nous montrer qu’après s’être vidé des deux amours naturels il faut s’attacher à l’amour divin qui est Jésus sur la croix.  Il faut que le coeur soit cloué à Jésus crucifié comme il l’était aux créatures.  Il faut que Jésus crucifié soit notre vie et donc qu’il inspire tous nos actes, tous nos désirs et toutes nos pensées; qu’il soit le mobile de toute notre activité.  Il faut que le coeur colle à quelque chose!  Il faut qu’il s’attache à un objet; il est actuellement attaché aux créatures, qu’on fasse tout au monde pour le détacher de là et l’attacher à la croix de Jésus avec Jésus.  et s’il faut souffrir, eh bien, souffrons comme Jésus a souffert: étant attaché à la croix.
TRIOMPHE DE SES ENNEMIS.
Pour que l’humiliation de Jésus soit réelle et parfaite il faut que ses ennemis triomphent réellement sur lui.  Ce n’est pas seulement une question de mots, mais de faits.  Ils ont un succès parfait; ils voulaient le crucifier et ils l’ont fait crucifier!  Il va mourir et cesser de les contredire, de les supplanter auprès du peuple.  Sa vie et sa doctrine étaient un blâme pour leur vie et leur doctrine; ce censeur importun est enfin cloué à la croix et ils ne l’auront plus dans leur chemin.  Ses disciples ont fui et avec leur chef mort, c’en est fini d’eux aussi; ils ne peuvent plus rien faire.  Ils n’ont qu’à disparaître pour cacher leur honte.
En effet Jésus meurt et son oeuvre avec lui; c’est un fiasco absolu.  Pendant trois ans il a eu une immense vogue et il dominait les princes des prêtres et les pharisiens et tout le peuple.  Son règne promettait une grande gloire et voilà que tout est fini; il meurt comme un vulgaire homme, méprisé de tout le monde et ne laissant rien après lui.  Peut-on imaginer pareille destruction?  C’est que le grain de blé qui tombe en terre doit pourrir et mourir avant de renaître.  Les prêtres et les pharisiens ont donc raison de jubiler sur leur triomphe parfait sur Jésus.  Il ne peut plus leur échapper et il va mourir crucifié comme ils l’ont voulu.  Après avoir tiré sa robe au sort, les soldats s’assirent autour de la croix en s’amusant et en le ridiculisant.  A part un petit groupe d’amis, tout le monde est contre lui et l’insultent.  L’Evangéliste dit: «Et les passants le blasphémaient en branlant de la tête et en disant: Va, toi qui détruis le temple de Dieu et qui le rebâtis en trois jours, sauvetoi!  Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix et nous croirons en toi.  De même les princes des prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant: Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même!  S’il est le roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui.  Il se confie en Dieu, qu’il le délivre maintenant s’il le veut puisqu’il a dit: Je suis le Fils de Dieu.» Mt.  27.  Et dire que Jésus aurait pu les pulvériser et les anéantir en un instant!  Mais non, son amour pour nous est plus fort que la haine de ses ennemis; il va rester sur la croix et y mourir pour nous donner la vie divine et éternelle!  Quand le temps sera venu pour nous d’être bafoués par les autres et persécutés, Dieu disposera toutes choses pour que nous ayons un échantillon de ce fiasco de Jésus et du triomphe de ses ennemis.  Il permettra que nous soyons si calomniés même par des prêtres qui croiront défendre les traditions de l’Eglise comme les pharisiens croyaient défendre les traditions de leur nation que les supérieurs nous condamneront à une espèce de mort en enlevant toute notre activité extérieure, nous bâillonnant complètement et les témoignages seront si concluants pour eux que nous ne pourrons rien faire pour nous disculper… et il faudra mourir au monde et à ses oeuvres!  Ceux qui sont responsables de notre mort «apparente» triompheront, se réjouiront enfin d’avoir débarrassé l’Eglise d’un hérétique ou d’un pauvre fou sincère mais ignorant sa théologie et victime de son zèle mal éclairé.  Nous savions qu’il finirait là!  Il l’a bien mérité!  Lui seul avait le St-Esprit!  L’imbécile se croyait une mission de réformer le clergé!  et le monde!  Il voit maintenant son erreur; qu’il étudie et prie pour son propre salut avant de vouloir travailler au salut des autres… et les mois passent… et les années s’en vont… et le pauvre illusionné finit par être oublié et son oeuvre aussi!  Il ne reste plus rien des deux et nous pouvons suivre nos traditions ancestrales, fumer nos bons cigares et suivre les sports comme du monde du 20ième siècle!… Ce traitement est si divin qu’il ne contient pas d’amertume ni d’ennui.  Quel bonheur de pouvoir dire à Jésus: je suis traité un tout petit peu comme vous pour les mêmes raisons et par les mêmes gens: les pharisiens modernes, nos philosophes de la théologie!  Tout disparaît dans ce point de ressemblance avec notre bon Maître!  Dire qu’il nous permet de surveiller le monde pendant notre «mort» et de voir que les idées qui nous sont chères font leur chemin quand même et même mieux que lorsque nous prêchions.  Quelle bonté de Dieu de nous donner du temps pour goûter la persécution pour son amour!  Que ces loisirs sont précieux!  On peut prier, méditer et contempler tant qu’on veut; approfondir davantage les Ecritures et écrire les idées que le StEsprit veut bien nous suggérer pour le salut du monde et pour la gloire de Dieu.  Quelle consolation que de mourir d’une certaine façon avant la mort réelle!  et cela pour avoir voulu faire mieux connaître Jésus-Christ!  Rien au monde ne vaut cette faveur!

SENTIMENTS DE JÉSUS
Les sentiments de Jésus au milieu de ses indicibles tourments devaient résumer tous les enseignements de sa vie et de sa doctrine.  Mais les évangélistes n’en mentionnent aucun.  Comme on l’a déjà dit il faut aller dans les prophètes et dans les psaumes pour les trouver.  Là le St-Esprit a inspiré les sentiments de l’humanité en général et donc de celle de Jésus en particulier.  Comme nous sommes une partie de cette humanité, c’est là que nous devrions prendre nos sentiments dans toutes nos épreuves: il y en a de toutes sortes.  Pour le mystère actuel du crucifiement, on trouve dans le psaume 21e justement ce qui se passait dans l’âme de Jésus en croix.  Il gémit et il se plaint, mais d’une façon amoureuse et abandonnée à Dieu son Père.  Il lui dit ce qu’il souffre et ce qu’il attend de lui.
Psaume 21:
«Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné?  Je gémis et le salut reste loin de moi!  Mon Dieu, je crie durant le jour et tu ne me réponds pas!  La nuit et je n’ai point de repos.  Pourtant tu es saint, Tu habites parmi les hommes d’Israël!
Quand nous souffrons il est donc bon de tout dire à Dieu; de lui énumérer nos misères et de lui dire nos sentiments, même si nous sommes découragés, abattus, qu’on le lui dise avec confiance en son extrême bonté.  Si on le trouve dur on le lui dit aussi, mais simplement pour qu’il ait pitié de nous, sans aigreur.  Puis il donne des arguments pour toucher le coeur de Dieu; il lui parle de ses miséricordes passées envers ses pères qui ont pourtant bien moins souffert que lui et que Dieu a exaucés.  Il se fait tendre et humble en parlant à son Père afin qu’il ait pitié de lui.  C’est un beau modèle de sentiments amoureux dans les épreuves:
Psaume 21:
«En toi se sont confiés nos pères, Ils se sont confiés et tu les a délivrés.  Ils ont crié vers toi et tu les as sauvés.  Ils se sont confiés en toi et ils n’ont pas été confondus Et moi je suis un ver et non un homme.  L’opprobre des hommes et le rebut du peuple.  Tous ceux qui me voient se moquent de moi; Ils ouvrent les lèvres, ils branlent la tête; Qu’il s’abandonne à Yahweh!  Qu’il le sauve!  Qu’il le délivre puisqu’il l’aime!»
Dieu sait tout cela mais Jésus veut nous apprendre comment traiter avec son Père.  Il est très utile de rappeler à Dieu le souvenir de ce qu’il a déjà fait pour nous; il se dit: En voilà un qui me donnera bien de la gloire si je fais quelque chose pour lui puisqu’il garde le souvenir de ce que j’ai fait pour d’autres.  N’ayons donc pas peur d’énumérer dans le détail nos peines et nos misères comme un enfant montre ses bobos à sa mère pour qu’elle les guérisse.
Psaume 21:
«Autour de moi sont de nombreux taureaux.  Les forts de Basan, les taureaux de Basan m’environnent Ils ouvrent contre moi leur gueule, Comme un lion qui déchire et rugit, Je suis comme l’eau qui s’écoule Et tous mes os se sont disjoints.  Mon coeur est comme de la cire, Il se fond dans mes entrailles.  Ma force s’est desséchée comme un tesson d’argile, Et ma langue s’attache à mon palais.  Tu me couches dans la poussière de la mort, Car des chiens m’environnent; Une troupe de scélérats rôdent autour de moi; Ils ont percé mes pieds et mes mains, Je pourrais compter tous mes os.  Eux, ils m’observent; ils me contemplent; Ils se partagent mes vêtements, Ils tirent au sort ma tunique.» Plus loin Jésus promet que si son Père l’exauce, il chantera sa gloire partout et toujours.  Il ne faut pas manquer cette idée!  La gloire de Dieu est ce qui le fait marcher pour nous!  Elle est capitale dans la vie d’un chrétien.
On ne peut pas assez insister sur cette manière d’énumérer ses souffrances à Dieu dans le détail; car le coeur humain est pris par ce détail et le nôtre est fait à l’image de N.S.; ce qui nous touche le touchera aussi.  C’est notre familiarité qui développe la confiance et l’amour.  On ne perd pas ses mérites non plus en gémissant sur notre triste sort et en pleurant pourvu que ça soit dans les bras de Dieu comme un enfant dans les bras de sa mère.  St.  Paul, aux Héb.  5-7: «Aussi durant les jours de sa chair, ayant offert à Celui qui pouvait le sauver de la mort ses prières et ses supplications, avec de grands cris et des larmes, il a été exaucé à cause de son humble respect.» Voilà donc un peu ce qui se passait dans l’esprit et le coeur de Jésus pendant qu’il pendait à la croix; il priait surtout et s’offrait pour le salut du monde.  Eh bien, offrons aussi nos souffrances et nos misères pour nos péchés et ceux des autres; cela console Jésus sur la croix et nous attire des grâces.
LES SEPT PAROLES DE JÉSUS…
On estime toujours beaucoup les dernières paroles d’un mourant, combien plus celle de notre Sauveur!  C’est le Saint Esprit qui les a fait écrire pour notre instruction sûrement.  Méditons-les donc avec amour et avec un grand désir d’en profiter.  «Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.» Sa première parole est pour ses ennemis pratiquant ainsi sa doctrine de l’amour des ennemis.  Plusieurs étaient coupables de péché sachant bien le mal qu’ils faisaient, mais même ceux-là ignoraient le résultat de leurs actes, par exemple, que Jésus rachetait le monde en étant leur victime.  On a montré ailleurs que toute personne peut-être un instrument aveugle entre les mains de Dieu comme un scalpel dans les mains d’un chirurgien.
Personne ne peut être plus innocent que Jésus et personne plus méchant que les princes des prêtres et pourtant Jésus demande leur pardon; combien plus devons-nous le faire pour nos ennemis!  Ne manquons pas de pratiquer ce que nous disons si souvent dans le notre Père: «Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés».  Celui qui condamne son frère se condamne donc lui-même.  «Je te le dis en vérité: aujourd’hui tu seras avec moi en Paradis.» Après ses bourreaux Jésus pense aux pécheurs.  Au larron contrit, il promet le ciel ce jour-là.  Ce pécheur montre un grand esprit de foi: dans un supplicié mourant, il voit bien l’auteur de la vie!  Dans un crucifié il voit le roi céleste: «Souvenez-vous de moi dans votre royaume.» dit-il à Jésus.
Isaïe, 53-12, avait prédit qu’il serait compté parmi les malfaiteurs.  Il semble que les deux blasphémaient au début de leur crucifiement, mais ensuite que le bon larron fut touché par la patience de Jésus et par la grâce.  Il fait un bel acte d’humilité en disant: «Nous souffrons justement, mais lui, quel mal a-t-il fait?» Les autres faveurs suivent cet acte d’humilité.
Ceux qui se servent de ce cas pour exalter la miséricorde divine ne devraient pas manquer de signaler l’impénitence de l’autre pour exalter la justice divine.
Personne n’a le droit de donner ce converti de la dernière minute comme un modèle de conversion tardive.  Ce n’est pas un retardataire, c’est la première fois qu’il voyait Jésus et il se convertit.  D’ailleurs si lui se convertit à la dernière minute, l’autre ne se convertit pas.  Ne parlons donc pas seulement du premier, mais aussi de l’autre qui meurt en blasphémant.
« Femme, voilà votre fil!  Voilà votre Mère!» S’il s’agissait simplement de trouver un gîte pour sa Mère, Jésus y aurait pourvu avant sa passion.  C’est donc d’un intérêt général qu’il s’agit.  Comme il nous a donné la doctrine du corps mystique qui nous fait tous frères, il veut nous donner aussi notre Mère.  Voilà pourquoi il emploie le nom générique de Femme.  La famille surnaturelle se trouve au complet: nous avons notre Père céleste et maintenant notre Mère selon la grâce avec notre Frère Jésus qui est divin.  C’est la reproduction de la Sainte Famille de Nazareth.  C’est dire à tout chrétien: considérez ma Mère comme je l’ai considérée moi-même.  Elle est aussi vraiment notre Mère comme Jésus est notre Frère et que Dieu est notre Père.  Ce dogme se tient dans l’ordre surnaturel.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné? » Après s’être occupé de ses bourreaux, des amis, de ses ennemis, enfin il s’occupe de lui-même.  Il se plaint de ce que la divinité semble avoir abandonné son humanité non pas physiquement mais moralement.  Jésus veut nous mériter la grâce de supporter cet abandon si pénible dans la vie spirituelle.  Après avoir goûté les douceurs de l’union avec Dieu combien de bonnes âmes sentent cet abandon comme si Dieu les quittait; elles attribuent cette épreuve à leurs péchés, ce qui est vrai, et pensent que Dieu les quitte pour tout de bon, ce qui n’est pas vrai.

Dieu se cache pour nous sevrer des consolations sensibles.  Combien prennent ces consolations pour Dieu même et la preuve est que lorsqu’elles perdent ces consolations elles pensent avoir perdu Dieu.  Si c’était Dieu seul qu’elles aimaient, elles ne se plaindraient pas de ne pas le goûter.  Or Dieu veut être aimé pour lui-même et non pas pour ses consolations.  «J’ai soif!» Il est certain qu’après avoir perdu tant de sang Jésus a vraiment soif d’eau.  Mais il n’y a pas de doute aussi qu’il a soif au point de vue surnaturel, comme on le voit dans les psaumes dont il a l’esprit rempli.
Ps.  41:
« Comme le cerf altéré soupire après les sources d’eau vive, Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu!  Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant: Quand irai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu? »
Tout ce psaume exprime les sentiments intérieurs de Jésus et surtout celui d’abandon qu’il vient d’exprimer.  Ps.  42:
« Rends-moi justice, ô Dieu, défends ma cause contre une nation infidèle; Délivre-moi de l’homme de fraude et d’iniquité.  Car tu es le Dieu de ma défense; pourquoi me repousses-tu?  Pourquoi me faut-il marcher dans la tristesse sous l’oppression de l’ennemi? »
Quand Jésus dit à la Samaritaine qu’il a soif, on sait qu’il aiguille cette soif sur la grâce: «Il te donnerait de cette eau qui jaillit jusque dans la vie éternelle!» Voilà la soif dont Jésus souffre.  «Tout est consommé»:
Dans le sens que tout ce que les prophètes ont dit de lui est accompli selon sa propre interprétation dans St.  Luc, 18-21: « Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir tout ce que les prophètes ont écrit du fils de l’homme.» La veille, il disait: «Je vous ai glorifié, j’ai accompli l’oeuvre que vous m’avez donnée de faire.» Combien pourront dire la même chose à l’heure de leur mort: J’ai fait tout ce que Dieu m’avait ordonné de faire!
« Je remets, Père, mon âme entre vos mains! »
Il a donc gardé son âme uniquement pour Dieu de qui il l’avait reçue.  Il est sûr de son salut éternel!  C’est qu’il a vécu uniquement pour Dieu en tant qu’homme et la mort va éterniser sa vie temporelle toute pour Dieu et en Dieu.
Pendant trois heures les ténèbres couvrent la terre pour montrer que celui qui était venu pour éclairer le monde se meurt et que les Juifs ont refusé cette lumière.
Approchons-nous du petit groupe des amis de Jésus autour de sa Sainte Mère et regardons fixement notre divin Sauveur durant son agonie consciente et essayons de sonder ses douleurs immenses pour mieux comprendre son amour intense pour nous tous, selon sa parole que personne ne peut aimer plus qu’en donnant sa vie pour ses amis.  Disons-lui que nous allons l’aimer plus que jamais d’une façon concrète en nous débarrassant de nos deux amours naturels.
SA MORT.
Après qu’il eut goûté le vinaigre et dit: Tout est consommé, il inclina la tête et rendit l’esprit.  Au même moment le voile du temple se déchira de haut en bas, il y eut un tremblement de terre et des morts ressuscitèrent et furent vus en plusieurs endroits.  Les anciens sacrifices cessaient donc avec celui de Jésus.  La messe devait remplacer les sacrifices d’animaux.  Dieu voudrait bien déchirer le voile qui cache la foi aux Juifs, mais là intervient la liberté de l’homme que Dieu ne veut pas violenter.  Ce voile est l’attache à nos deux amours naturels.
Comme c’était la veille de la Pâque, on ne pouvait pas laisser les cadavres sur la croix, alors les Juifs demandèrent à Pilate de les achever pour les enterrer tout de suite.  On brisa les jambes des deux larrons pour les tuer, mais quand les soldats arrivèrent à Jésus ils le trouvèrent mort.  Alors un soldat perça le côté de Jésus de sa lance et ouvrit le coeur d’où il sortit de l’eau et du sang.
Ils accomplissaient ainsi deux prophéties de Zach.  12-19: «Ils tourneront les yeux vers moi qu’ils ont transpercé et ils feront le deuil sur lui comme sur un fils unique.» Et Exode 1246: «On ne mangera la pâque que dans la maison; vous n’emporterez point de chair hors de la maison et vous ne briserez aucun os. »
Jésus nous a tout donné: sa doctrine, sa tête couronnée d’épines, son corps flagellé et crucifié, son sang, sa vie, son honneur et sa gloire; pour montrer que tout cela avait été donné par amour pour nous il ouvre son coeur, symbole de l’amour, comme pour dire: Je vous ai aimés jusqu’à la limite du possible!  Et il nous ouvre un passage à son amour en nous invitant à y rentrer.  Même après sa mort, il nous donne encore de son sang: la dernière goutte!  Tous les saints ont vu dans cette ouverture du coeur la porte d’entrée à son amour divin.  Il se cache au fond d’une plaie pour signifier que c’est par la souffrance qu’on arrive à son amour.  Comme Eve était sortie du côté ouvert d’Adam, ainsi l’Eglise sort du côté ouvert du Nouvel Adam.  Les Pères ont vu dans l’eau et le sang un symbole des sacrements et de la messe.
L’ANGOISSE DES AMIS DE JÉSUS EST EXTRÊME.
N’allons pas l’amoindrir par la pensée de la résurrection.  Jésus a eu beau leur dire qu’il ressusciterait, cela n’entrait pas du tout dans leur coeur.  Jo.  20-8, dit positivement: «Alors cet autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre y entra et il vit et il crut, car ils ne savaient pas encore l’Ecriture, qu’il fallait qu’il ressuscitât des morts!» Donc mettons-nous à leur place.  Pour Jésus ils ont tout sacrifié et pendant trois ans ont vécu de sa vie, l’aimant beaucoup jusqu’à vouloir mourir pour lui et voilà que tout est fini, qu’il est mort comme n’importe quel mortel et donc que tout son travail est ruiné, et sans aucune espérance!  Ils sont obligés de retourner chez eux pour être la risée de tout le monde!  et leur propre vie gâchée!…
LE DEUIL DE MARIE EST IMMENSE.
Elle ne spécule pas sur les résultats possibles de cette mort; elle est toute à sa douleur, la plus grande qui ait jamais existé après celle de Jésus.  C’est là que s’accomplit la prophétie de Siméon: qu’un glaive de douleur transpercera son coeur comme celui de Jésus a été transpercé physiquement, le sien l’est moralement ou mystiquement.  Personne n’a sympathisé avec le S.C.  de Jésus comme ce coeur transpercé de douleur; demandons-lui de nous obtenir tout ce qu’il faut pour mériter d’entrer dans ces deux coeurs si pleins de divin pour nous tous.

CONCLUSION POUR NOUS:
MORT MYSTIQUE POUR TOUS.
Puisque nous devons faire une seule chose avec Jésus pour arriver au ciel, il nous faut donc l’imiter dans l’anéantissement de tout le naturel mental ou des deux affections naturelles et pour les créatures et pour soi.  Nous avons toute la vie pour mourir à ces deux amours, mais comme nous ne savons pas combien de temps nous est alloué par Dieu nous devons nous y mettre et tout de suite et efficacement.  Dieu ne veut pas seulement une science de tête par laquelle nous savons qu’il faut le faire, ni des paroles que nous allons le faire; mais il veut des faits.  Il faut donc attaquer sérieusement ces deux amours en retranchant ce qui les alimente.  Il faut à tout prix cesser d’affectionner les plaisirs de la terre et cesser de travailler pour ses propres intérêts ou pour alimenter son amour propre.  Il faut tailler là-dedans à coups de sacrifices de tout ce qu’on estime et qui sert à notre propre gloire et propre bonheur sur terre.
Ce que Jésus déroule devant nous dans sa vie et surtout dans sa passion doit nous servir de modèle pour notre vie de chaque jour.  Dieu nous laisse la vie uniquement pour que nous débarrassions notre coeur de ces deux amours en coupant les attaches qui nous les gardent dans le coeur.  Voilà ce que Saint Paul et les Saints après lui appellent une mort continuelle au monde et à soi-même.  Il nous faut être crucifié au monde et le monde crucifié pour nous: c’est donc une vie absolument contraire de celle que le monde mène et aime qu’un chrétien doit mener.
Les premiers chrétiens abjuraient les plaisirs même permis afin de mieux mourir à ces deux amours; ils n’allaient pas au cirque, ils ne fréquentaient pas les bains publics, ni les endroits d’amusement.  C’est pour cela que les païens en tuaient.  Voilà ce que nous devons faire aussi de nos jours; fuir le plus possible tout ce qui alimente la vie des sens et l’orgueil de la vie.  Il faut que nous puissions dire avec St.  Paul: «Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus qui vit en moi.» Ou encore: «Je suis crucifié au monde et le monde est crucifié pour moi.» Il faut donc que tous les chrétiens cultivent cet amour du sacrifice tous les jours.  «Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il se renonce lui-même tous les jours, qu’il porte sa croix et qu’il me suive.» La Croix doit être la vie de ceux qui espèrent aller avec Jésus au ciel; il n’y a pas d’autre chemin.  Les prêtres devraient bien cesser d’attaquer seulement le péché et se mettre à attaquer l’affection pour les choses créées, permises ou défendues, et l’affection pour soi-même.  Voilà les deux amours naturels bons en soi, mais que Dieu ne veut pas du tout en nous; il veut que nous les semions pour récolter son amour à lui.  Voilà ce que tous, les prêtres au monde devraient garder dans l’esprit et dans le coeur pour en vivre eux-mêmes puis ensuite le prêcher au monde le plus possible et de toutes les façons possibles. 
Prenons donc comme résolution; à la fin de cette série sur la vie de Jésus de mourir à nous-mêmes en détruisant le plus possible avec la grâce de Dieu nos deux amours naturels; en retranchant les choses qui les alimentent, les permises, comme les autres, et surtout lutter contre l’amour de soi et de ses intérêts personnels et temporels pour mettre ceux de Jésus à la place.  Que la SteVierge nous vienne en aide de sa puissante intercession et que le St-Esprit nous donne ses dons avec toutes les dispositions nécessaires pour les recevoir.  La vision béatifique est au bout de tout cela!

FIN


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