TRENTE ET UNIÈME INSTRUCTION JÉSUS CHEZ ANNE ET CAÏPHE.
«Or, Anne l’envoya lié, à Caïphe le grand prêtre.» Jo. 18-24
Plan
Remarque. Jésus est arrêté. Jésus chez Anne. (Calomnié.
(Jésus devant Anne et Caïphe.) Jésus chez Caïphe: (Affirme sa
divinité. (Outragé affreusement. (Ils voilèrent la face de Jésus.) Jeté dans
un cachot. Deuxième fois devant Caïphe.
REMARQUE C’est le coeur qui doit réfléchir ici et le
coeur n’est pas bavard. L’amour
contemple et va autant que possible dans l’intime de celui qui souffre pour
sympathiser avec lui et donc pour prendre ses sentiments pour le consoler, Lui,
et non pas pour jouir soi-même de ce que l’autre souffre. Or pour entrer dans les sentiments d’un autre
il faut du temps et de la réflexion, mais peu de paroles. Quand les amis de Job le virent dans une si
grande tristesse ils restèrent 7 jours et 7 nuits «sans qu’aucun d’eux lui dit
une parole, parce qu’ils voyaient combien sa douleur était excessive.» Voilà un
peu l’attitude qu’on doit prendre devant les souffrances de Jésus. Quand on assiste un mourant qu’on aime on
reste là silencieux, mais en suivant les manifestations de ses souffrances afin
de lui venir en aide si on le peut. On
est là à son service, pas au sien propre.
Rappelons-nous
aussi que Dieu n’a pas fait la passion pour Jésus seulement, mais pour nous
tous en proportion que nous devons jouir de lui au ciel. St-Paulin, épit. 27e écrit: «Depuis le commencement
des siècles Jésus souffre et triomphe dans ses amis: dans Abel il est tué par
son frère; dans Noé il est ridiculisé par son fils; dans Abraham il est exilé;
dans Isaac il est offert; dans Jacob il est fait serviteur; dans Joseph il est
vendu; dans Moïse il est exposé et fuit; dans les prophètes il est lapidé et
scié; dans les Apôtres il est exposé partout en mer et sur terre; dans les
martyrs il est tué autant de fois et en autant de manières.» Tout cela est donc
vrai aussi pour nous. Cette idée est de
nature à nous intéresser davantage aux souffrances de Jésus car nous aurons
notre part sûrement; essayons donc de les pénétrer tout de suite en Jésus.
Jésus est arrêté
Comme Jésus vient de le dire; voici l’heure des ténèbres
et de Satan. Les démons s’incarnent dans
les scribes et dans les pharisiens pour enfin massacrer Jésus qu’ils détestent
tant et les juifs vont accomplir les désirs de leur père le diable: faire
mourir Jésus! Ils le tiennent
enfin! Quelle rage contre lui! Le St-Esprit nous révèle les pensées intimes
de ses ennemis en la Sagesse, 2-12.
Qu’on les lise avec attention, car dès que nous vivrons la vie de Jésus
nous aurons des ennemis de ce genre poussés par les démons. «Traquons donc le juste puisqu’il nous
incommode, qu’il est contraire à notre manière d’agir, qu’il nous reproche de
violer la loi et nous accuse de démentir notre éducation. Il prétend posséder la connaissance de Dieu
et se nomme Fils du Seigneur. Il est
pour nous la condamnation de nos pensées, sa vue seule nous est insupportable,
car sa vie ne ressemble pas à celle des autres et ses voies sont étranges. Dans sa pensée nous sommes d’impurs scories,
il évite notre manière de vivre comme une souillure, il proclame heureux le
sort final des justes et se vante d’avoir Dieu pour Père. Soumettons-le aux outrages et aux tourments
afin de connaître sa résignation et de juger sa patience. Condamnons-le à une mort honteuse car selon
ce qu’il dit: «Dieu aura souci de lui…» Voilà ce que tous ceux qui suivent
Jésus de près doivent s’attendre de recevoir un jour!
Les gens envoyés par les juifs se saisirent de Jésus et
le lièrent pour l’entraîner chez Anne.
Cette fois le plan divin ne lui permet pas de s’échapper; il s’abandonne
complètement à ces démons enragés contre lui.
Enfin ils le tiennent pour tout de bon, depuis si longtemps qu’ils
cherchaient cette occasion de le prendre.
Quand il étend tous ces gens par terre, il est évident qu’il se laisse
lier parce qu’il le veut. C’est son
amour pour nous qui enchaîne sa toute puissance avec ces faibles liens des
Juifs! C’est pour nous délivrer de
l’esclavage de Satan qu’il consent à lui être soumis pour un temps. C’est parce qu’il s’abandonne à cette troupe
de scélérats que nous pourrons un jour nous asseoir près des anges au ciel dans
la vision béatifique. Sans lui ces
démons nous auraient fait encore pire dans l’enfer peut-être. Suivons notre Sauveur en silence comme lui et
sans nous occuper des démons autour de nous et autour de lui, essayons de
pénétrer dans l’intérieur de son Sacré-Coeur qui souffre tant pour l’amour de
nous. Il supplie son Père de nous
pardonner nos péchés et de nous donner sa grâce. Ce sont nos attaches qui le tiennent lié; ce
sont nos liens au péché qui le tiennent captif de ses ennemis. Demandons-lui la grâce de nous délivrer de
tous ces liens par les mérites de ses propres liens. C’est l’Agneau de Dieu que l’on mène à la
boucherie et qui n’ouvre plus la bouche Qu’il nous accorde la grâce de ne plus
nous plaindre dans les petites épreuves que son amour nous envoie. Sachons donc une bonne fois nous taire dans les
contrariétés; elles sont normales pour tout chrétien; elles sont envoyées par
Dieu pour nous faire expier nos péchés et nous mériter le bonheur céleste;
pourquoi nous plaindre? C’est pour notre
bien éternel Même si elles sont injustes et méchantes, elles ne peuvent pas
l’être plus que celles de Jésus et lui se tait!
A plus forte raison nous devrions nous taire. Au lieu de voir les méchants, voyons Dieu qui
nous présente notre petit calice rempli de la même amertume que celui de Jésus
quoique incomparablement plus petit.
Remercions-le de sa générosité pour nous. En l’accompagnant au supplice, disonslui que
nous apprécions ce qu’il fait pour nous, que nous regrettons sincèrement nos
péchés et que nous ne voulons plus jamais en commettre. Demandons-lui le don des larmes pour pleurer
le reste de notre vie nos offenses contre lui et qu’il nous donne l’esprit de
pénitence pour les expier en autant que nous pourrons le faire avec sa
grâce. Que d’amour il nous montre en
cette nuit terrible pour lui! Si jamais
nous avons des insomnies, endurons-les en union avec lui le soir de son
arrestation. Que chacun s’attende à être
conduit un jour où il ne voudrait pas aller parce qu’il sait qu’il va souffrir
quelque chose. Eh bien, il faut imiter
Jésus! Un prêtre, un religieux un laïque
sont envoyés en des endroits où ils prévoient des croix; qu’ils les acceptent
en esprit de pénitence et d’union avec la passion de Jésus! C’est notre passion qui commence là!… Dieu
dans sa providence a mis des liens pour conduire notre «païen» à la
boucherie! Ce sont les événements; la
pauvreté nous empêchera d’aller à toutes sortes d’amusements, la maladie nous
tiendra sur un lit de douleur; de même la volonté des supérieurs, les
règlements, les ordres et les lois sont autant de liens qui lient notre
liberté. Tout chrétien qui vit de foi
doit se soumettre et se laisser conduire à la mort de son «païen» ou de son
naturel afin de ressusciter dans le divin.
Jésus chez Anne
Anne s’était signalé par son zèle contre Jésus de sorte
que les soldats savaient qu’il serait content de voir Jésus et qu’il était le
beau-père de Caïphe. Anne l’interrogea sur sa doctrine et sur ses
disciples. Jésus lui répondit: «J’ai
toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple où tous les juifs
s’assemblent et je n’ai rien dit en secret; pourquoi m’interrogez-vous? Interrogez ceux qui m’ont entendu, ceux-là
savent ce que j’ai dit.» C’était lui dire clairement: vous auriez dû venir
m’entendre parler; j’ai assez fait de miracles pour être écouté! Votre ignorance est crasse, coupable; puisque
vous n’avez pas voulu vous déranger pour m’écouter, vous ne saurez rien de
moi. A quel titre allez-vous me
juger? Anne avait été grand prêtre
l’année précédente et il avait été choisi comme les juifs pour préparer le
monde à recevoir le Messie et voilà que pendant trois ans Jésus se dit le
Messie, le prouve par les prophéties et les miracles continuels, tout le peuple
court après lui… et ce grand prêtre ne connaît rien de Jésus! Quelle honte pour lui et ses pareils! Combien de prêtres et de religieux comme des
laïques ne lisent jamais la Bible tout en sachant que Dieu a fait écrire là
tout ce qu’il a fait pour nous et toute la doctrine qu’il veut que nous
pratiquions pour aller au ciel… et combien peu sont intéressés à la parole de
Dieu! Tous les chrétiens devraient être
des lecteurs assidus de la Bible et s’efforcer de la vivre parfaitement. Elle devrait être la nourriture ordinaire des
chrétiens comme la communion qui devrait être quotidienne en autant que possible. Mais comme nous avons eu nos jansénistes pour
effrayer les gens et les éloigner de la communion, on trouve une foule de
prêtres vrais jansénistes pour la lecture de la Bible. Comme ils exigent des conditions sévères pour
laisser lire la Bible! Comme ils
trouvent qu’on peut en abuser! Mais
c’est la même chose pour la communion.
Comme on peut en abuser et cependant il est bien certain que l’intention
de Jésus était que nous devrions communier tous les jours autant que
possible. Comme les démons sèment leur
ivraie parmi le clergé pour qu’ils éloignent les fidèles de ces deux sources
extraordinaires de vie divine! Revenons
au plus vite à la lecture quotidienne de la Bible et à la communion quotidienne
à l’Eucharistie. Combien sont
insouciants comme Anne pour les choses de la religion: ils ne font pas de
visites au S.S., ne lisent pas les Frères de l’Eglise, ni la vie des Saints, ni
les auteurs spirituels, ne visitent pas les malades ou les pauvres ou les
pécheurs, etc; tout ce qui a fait la vie de Jésus, des Saints, des Apôtres ne
les intéresse pas du tout. Comme les
prêtres juifs ils sont tout aux choses matérielles de ce monde, la bouche en
déborde donc le coeur en est plein! et
Dieu les a choisis pour faire connaître Jésus et les choses du ciel et rien de
cela ne les intéresse!… Quelle pitié… La réponse de Jésus ferme la bouche au
grand prêtre. Pour le venger de sa
déconfiture, un soldat frappe Jésus en pleine face en lui disant: «N’est-ce
ainsi que tu réponds au grand prêtre?» Jésus lui dit: «Si j’ai mal parlé rend
témoignage du mal; si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu?» Le fait qu’il
ne présente pas l’autre joue montre bien que c’est l’esprit qu’il faut prendre
quand ailleurs il dit de présenter l’autre joue à celui qui nous frappe. Ce coup de poing n’est qu’un prélude de ce
que Jésus va recevoir.
chez Caïphe
Il
devait être autour de minuit quand Jésus fut conduit chez Caïphe le grand
prêtre de cette année-là. Il prophétise
à son insu: c’était mieux qu’un seul meure que toute la race périsse. Il était le pire ennemi de Jésus et il
attendait son arrivée avec impatience.
Plusieurs princes des prêtres, des scribes et des pharisiens s’étaient
réunis là pour la circonstance, avec le but avéré de faire mourir Jésus.
Calomnié.
«Les
princes des prêtres et toute l’assemblée cherchaient un faux témoignage contre
Jésus pour le faire mourir, mais ils n’en trouvaient aucun, quoique plusieurs
faux témoins eussent déposé contre lui, mais leurs témoignages ne concordaient
pas.» Le Ps. 26, 12, avait prophétisé
ces accusations. «Ne me livre pas à la
fureur de mes adversaires, car contre moi s’élèvent des témoins de mensonge et
des gens qui ne respirent que violence.» Voilà le commencement de toute
persécution: la calomnie. Le démon qui
est père du mensonge, commence sa lutte contre Jésus et contre les amis de
Jésus toujours de la même façon, en répandant de faux bruits, de faux rapports
contre eux. Puis ces calomnies font le
tour d’une ville et de tout un pays et les gens finissent par dire: Si tout le
monde dit cela ce doit être vrai… et tout le monde le croit. Jésus se tait, parce que c’est parfaitement
inutile d’essayer de se justifier devant ses persécuteurs; ils deviennent plus
enragés et c’est tout. Quand on est sur
la table d’opération ce n’est pas le temps ni la place de faire des
observations au chirurgien; il n’écouterait pas. Eh bien, quand Dieu nous tient sur la table
de son opération, il ne tolère pas qu’on donne des conseils à son
chirurgien! Mieux vaut se laisser
endormir et ne rien dire ni faire en ce moment-là. Plus on se défend et plus les calomnies
augmentent. Nous n’avons qu’une chose à
faire: c’est d’accepter cette épreuve pour ressembler à Jésus et en remercier
de tout coeur sa grande bonté envers nous.
Dieu les fera taire quand nous aurons acquis le degré de mérite qu’il
voulait nous donner par cette épreuve.
C’est
très dur car on n’est pas habitué à être traité de la sorte et surtout on est
toujours surpris de voir que nos meilleurs amis, nos supérieurs et ceux qu’on
estimait le plus finissent par les croire.
Comme c’est pénible pour ceux qui ne sont qu’au début de la vie
spirituelle et pas encore aguerris aux luttes de la vie spirituelle. S’il n’y avait que des méchants pour les
croire ce ne serait pas une épreuve pour nous, mais Dieu frappe au coeur pour
nous faire souffrir davantage en se servant de nos ennemis, de nos amis et des
démons cachés en arrière de ces gens.
Dieu disposera tout pour que ce soit impossible de se défendre: signe
qu’il veut l’épreuve pour tout de bon.
Le mieux est de nous abandonner à la divine providence qui fera taire
les calomniateurs quand elle le voudra.
On tient tant à sa réputation que c’est très pénible, mais il faut la
semer comme tout le reste pour en récolter une meilleure.
Jésus
chez Anne et Caïphe.
Plus
on fait de bien aux âmes plus on est exposé aux calomnies à cause de l’envie et
de la jalousie que ce bien suscite chez les autres. Comme les pharisiens étaient jaloux de voir
les foules courir après Jésus, ainsi, quand un prêtre prêchera et par l’exemple
et par la doctrine la vraie vie de Jésus, les foules ne se gêneront pas pour
dire à leurs prêtres que c’est la première fois qu’ils comprennent le vrai
christianisme!… qu’ils n’ont jamais entendu prêcher si bien! Alors ces prêtres sont froissés et jaloux et
ils vont faire une campagne contre ces prédicateurs que le peuple aime
tant. Ce n’est pas nécessaire qu’ils se
rendent compte de leur envie; elle est là quand même. Comme ces prêtres philosophes n’ont pas
conscience de leur ignorance de la théologie du coeur à laquelle ils n’ont pas
été formés, ils pensent que ces prédicateurs vantés par les bonnes gens sont
dans l’erreur et ils se sacrifient pour les empêcher de répandre ce qu’ils
croient des hérésies. Ils peuvent être
très bons et consciencieux; ces prêtres font les meilleurs scalpels du bon Dieu
pour opérer les amis de Jésus. Beaucoup
de pharisiens étaient consciencieux.
Quand Saül aidait les Juifs à lapider Saint Etienne, il le faisait pour
la gloire de Dieu en voulant sauver les traditions ancestrales de sa race élue
de Dieu. Les hommes, inférieurs ou
supérieurs, sont extrêmement crédules, ils sont portés à croire les calomnies
dès qu’elles se répètent tant soit peu.
Ils ne prendront pas la peine d’aller se renseigner auprès des victimes,
mais leur conviction est vite faite et les voilà prêts à faire une guerre à
mort à ceux qui sont calomniés. La
plupart des Saints y ont passé, quoique leurs auteurs d’ordinaire passent sous
silence ces persécutions injustes et cruelles dont ils ont été l’objet de la
part de leurs frères et de leurs supérieurs.
Pourtant ces persécutions sont bien plus sanctifiantes que des faits
extraordinaires. Ainsi, on dira, par
exemple, que St-Jean de la Croix a été sauvé par la Sainte Vierge quand il se
noyait tout jeune, mais on ne parlera pas de la pénible et longue persécution
des Carmes contre lui jusqu’à le jeter en prison neuf mois, etc. De même St.
Joseph Calazance et St-Alphonse de Liguori, qui après des années d’une persécution
cruelle et injuste, a été jeté hors de sa communauté par le Pape lui-même sur
les dénonciations répétées de ses Pères rédemptoristes qu’il venait de
fonder. Il est donc vrai se dire que les
amis de Jésus seront traités de nos jours par des pharisiens modernes comme lui
l’a été par les pharisiens de son temps et de son clergé. Pourquoi faut-il que tant de gens soient
scandalisés de ce qu’on dise que ce sont des prêtres qui persécuteront les amis
de Jésus. Eux seuls sont capables de
juger la doctrine. Comment un homme du
peuple pourrait-il attaquer un prédicateur?
Les prêtres seuls sont capables de le faire. Jésus lui-même dit qu’il reçoit son calice
des mains de son Père céleste et il n’a pas eu peur de faire perdre la
réputation de son Père. Pourquoi les
prêtres craindraient-ils pour leur réputation quand on dit qu’ils sont tous
désignés pour être les scalpels du bon Dieu.
Ils aiment à se dire les représentants de son autorité, de son
infaillibilité, de son honneur, etc. Eh
bien, pourquoi se plaindraient-ils quand on leur passe encore des prérogatives
de Dieu? Comme le Père éternel s’est
servi du clergé juif pour présenter le calice de la passion à Jésus, il se sert
du clergé pour présenter aux disciples de Jésus leurs calices respectifs. Ceux qui vivent de foi savent bien que les
prêtres sont les instruments aveugles dans les mains de Dieu; ils ne savent pas
ce qu’ils font. C’est pour cela qu’ils
n’ont pas conscience des souffrances qu’ils font aux victimes de la croix; il
suffit que les victimes le sachent!…
Jésus
affirme sa divinité. A cause de la
mentalité du clergé juif Jésus évitait de dire trop ouvertement qu’il était le
Fils de Dieu; il laissait à ses œuvres 1e soin de parler pour lui,
pour ainsi dire. Ainsi il faisait taire
les démons qui sortaient des personnes exorcisées en criant qu’il était le Fils
de Dieu. Car ils savaient bien que les
Juifs le mettraient à mort tout de suite et il voulait prêcher un certain temps
avant de mourir. Son heure était venue
de passer de ce monde à l’autre alors il ne craignit plus de se dire le Fils de
Dieu. Enfin deux témoins dirent qu’ils
l’avaient entendu dire qu’il détruirait le temple et en trois jours le
rebâtirait. Jésus avait dit cela de son
corps comme les disciples le comprirent, mais les Juifs pensaient qu’il avait
parlé du temple lui-même. En tout cas,
cela supposait une vertu divine et Caïphe vit sa chance d’avoir une réponse
claire de Jésus. Il lui dit: «Je
t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu.»
Devant une sommation au nom de Dieu et par le grand-prêtre, Jésus devait
répondre: «Tu l’as dit, je le suis! Un
jour, vous verrez le fils de l’homme assis à la droite du Dieu Tout-puissant et
venant sur les nuées du ciel.» Tous ces prêtres ont été choisis par Dieu pour
préparer le peuple à la réception du Messie et maintenant ils ne veulent pas en
entendre parler. Au lieu de voir si les
prétentions de Jésus cadraient avec les Ecritures et avec les oeuvres merveilleuses
qu’il opère, ils ferment les yeux sur toutes ces preuves si fortes et si
convaincantes. Comme ils ont dévié de
leur vocation. Comme leur formation est
faussée pour qu’ils deviennent les pires ennemis de Celui qu’ils devaient
reconnaître et faire accepter par le monde.
Voilà les ancêtres de nos philosophes de la théologie. Voilà le même esprit absolument contraire à
Jésus dans sa doctrine de l’amour ou de la théologie véritable qui considère la
religion dans le coeur et dans ses rapports avec le salut des âmes et pas dans
ces «in se» insipides et vides. Comme
les ancêtres, ils persécutent tous les prêtres qui donnent Jésus comme une vie
à vivre dans le concret; ils n’ont jamais rencontré cette vie dans leurs «in
se», diaboliques par leurs conséquences désastreuses pour la spiritualité.
Jésus
est outragé affreusement. En entendant
la réponse de Jésus le grand-prêtre déchire ses vêtements en s’écriant: «Il a
blasphémé! Qu’avons-nous encore besoin
de témoins? Vous venez d’entendre ce
blasphème? Que vous en semble?» Tous
s’écrièrent: «Il est digne de mort.» Alors une scène épouvantable éclata. Bondissant de leurs sièges, ses juges se
jettent sur lui et le ruent de coups.
Voyant qu’il était condamné et qu’il se laissait faire, ces scélérats ne
mirent pas de bornes à leur rage. L’évangéliste résume ces outrages en disant:
«Alors ils lui crachèrent au visage et ceux qui tenaient Jésus le frappaient en
le raillant. Ils lui voilèrent la face,
le souffletant et le meurtrissant avec le poing, en disant: Christ, prophétise
nous, qui t’a frappé? Et ils proféraient
contre lui beaucoup d’autres blasphèmes.
Isaïe, 50-5, prédit ces outrages: «J’ai livré mon dos à ceux qui me
frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe; je n’ai pas dérobé
mon visage aux outrages et aux crachats… Le Seigneur Yahweh est venu à mon
aide; c’est pourquoi l’outrage ne m’a pas abattu; je suis resté en leur
présence immobile comme le rocher le plus dur, je sais que je ne périrai
point…» Comment pouvons-nous entrer dans le Coeur de Notre-Seigneur pour nous
faire une idée de ces sentiments intimes pendant qu’il est insulté, injurié et
maltraité de la sorte? C’est là que nous
devons nous apercevoir combien peu d’amour réel nous avons pour lui par notre
froideur devant ces outrages. Le
meilleur moyen est de prendre ces outrages un par un et de s’y arrêter assez
longtemps pour en réaliser toute l’injustice, toute la cruauté et toute
l’ignominie qu’il contient, quand on songe que c’est celui qui règne dans les
cieux, c’est Dieu lui-même que l’on traite de la sorte. Qu’on prenne son temps pour se convaincre que
c’est notre Sauveur qui endure cela pour nous avoir un jour dans son ciel afin
de nous communiquer son bonheur infini en proportion que nous l’aurons imité
dans sa vie et surtout dans sa passion.
«Ils lui crachèrent à la figure.» Quelle sale façon de montrer son
mépris! Ils ont cette mauvaise habitude
dans ce pays quand ils se chicanent entre eux.
Les crachats des hommes sur la figure de Celui qui ravit les anges par
sa beauté divine…!! et qu’il venait pour
racheter afin de les rendre heureux en contemplant sa sainte Face au ciel. Non seulement il fait le bonheur des anges,
mais de Dieu même. Le Père dit qu’il a
mis toutes ses complaisances en son Fils unique!… Jésus endure cet affront
malpropre pour expier nos indélicatesses envers lui, nos insultes et les mépris
que nous faisons de lui quand nous l’offensons.
Ces choses l’insultent plus encore que les crachats à la figure. Non seulement c’est malpropre, mais c’est
méchant. Ces crachats ne sont que des
figures des paroles injurieuses, des expressions de colère et des blasphèmes
qui sortent de leurs bouches. Ce qui
sort du coeur de l’homme est ce que Dieu considère surtout. Mais ces choses intérieures nous laissent
indifférents tandis que les crachats sont visibles et excitent notre
dégoût. Ce dégoût n’est qu’un
échantillon du dégoût que nos mauvaises paroles excitent en Jésus. Ici, demandons des larmes pour pleurer nos
outrages contre Dieu par tous nos péchés.
Nous avons tous notre part dans ces crachats à la face de Jésus, qui
savait déjà tous les péchés que nous lui préparerions pour l’expiation dans sa
passion. Ces idées qui nous passent par
la tête sont stériles si le coeur ne s’y ajoute pas pour lui parler de notre
amour… que nous voudrions pour lui.
Essayons de faire jouer la corde de l’amour. Essayons d’agir comme si nous l’avions;
demandons-lui pardon de tous nos péchés, promettons-lui de ne plus jamais l’offenser
et demandons-lui sa grâce pour cet effet.
Disons-lui que nous l’aimons avec tout le sérieux dont nous sommes
capables en ce moment. Humilions-nous de
l’aimer si peu après tout ce qu’il a fait pour nous en ce monde et pour
l’autre. C’est vraiment pitoyable de
voir comme nous apprécions peu les immenses bienfaits de toutes sortes qu’il
nous a octroyés. Enfin, il va payer nos
dettes par sa vie au milieu d’horribles tourments… et cela nous laisse encore
froids. Si nous ne pouvons pas pénétrer
dans son amour pour nous, au moins nous pouvons sonder l’abîme de notre
indifférence envers lui. Explorons les
profondeurs de notre coeur, trouverons-nous de l’amour pour lui? Lui dit qu’il nous prouve son amour en
mourant pour nous, est-ce que nous pouvons lui prouver notre amour par de réels
sacrifices faits uniquement pour lui et par amour pour lui? Pour faire cela, il faut connaître la sagesse
de Dieu dans la souffrance; or la preuve que nous ne la connaissons pas est
dans les nombreuses plaintes que nous faisons quand se présente un sacrifice à
faire. Si nous protestons habituellement,
comment pouvons-nous dire que c’est vraiment pour l’amour de lui que nous
acceptons de temps en temps? Tant que
nous regarderons comme un mal les sacrifices qui se présentent, comment en
endurer pour l’amour de lui? C’est parce
que nous ne pouvions pas faire autrement que nous en avons subi dans le passé…
voilà ce que les crachats sur la figure de Jésus peuvent enseigner. La constatation que nous n’avons pas d’amour
ou très peu pour Jésus est déjà un stimulant pour se mettre sérieusement à
l’acquérir par les moyens que nous connaissons déjà d’après la première série
d’instructions. Ils voilèrent la face de
Jésus qui l’offre à Dieu pour expier l’aveuglement des Juifs et de tous ceux
qui ne veulent pas voir le divin dans la révélation. Tous nous avons un voile plus ou moins épais
sur l’esprit et surtout sur le coeur: le voile de nos péchés, le voile de nos
attaches et le voile de nos motifs naturels qui jaillissent de nos affections
naturelles pour les créatures. Le divin
ne passe pas à travers ces voiles. Comme
les soldats frappaient Jésus voilé, ainsi les démons nous font toutes sortes de
blessures à cause de ces voiles qui nous couvrent le coeur. C’est au moyen de ces voiles qu’ils nous font
tomber dans les péchés de toutes sortes.
On
a déjà montré comment les démons secondent le clergé pour voiler le surnaturel
concret avec leur diabolique philosophie abstraite des «in se». Les hommes sont facilement leurs complices
parce que cette philosophie leur laisse intacts leurs deux amours naturels qu’ils
aiment tous et qui suffisent pour empêcher l’amour de Dieu d’entrer dans le
coeur des hommes. La preuve qu’elle fait
leur affaire est dans ce fait qu’ils ne persécutent jamais ces philosophes
prédicateurs ou professeurs. Jamais ils
ne sont molestés d’aucune façon; ils sont contents d’eux-mêmes, le monde est
content d’eux et les démons les favorisent de toutes les façons possibles. C’est la paix parfaite; comme le monde la
donne. Ce n’est pas la paix que Jésus
veut pour ses amis. A eux, il leur promet
des persécutions des hommes et des démons.
On jettera des voiles de calomnies sur la tête des prédicateurs de la
vraie doctrine intégrale de Jésus afin de les faire massacrer par les
supérieurs et les empêcher de donner Jésus concret. Car la vraie doctrine intégrale met Jésus
dans le coeur des fidèles et c’est ce que les démons ne veulent pas. Voilà pourquoi ils se jetteront avec la même
fureur contre ces prédicateurs que contre Jésus, se servant surtout des prêtres
pour faire ce travail inique. Si on veut
éviter la persécution on n’a qu’à se contenter de parler seulement de Jésus et
de sa doctrine sans avoir l’intention de la vivre ni de la faire vivre. Pas un démon en enfer va ruer contre cette
exposition du surnaturel. Supposons que
j’expose les inconvénients de recevoir un œil noir «in se» personne ne serait
froissé. Mais voici que je passe au
concret et je donne de fait un oeil noir à Baptiste! Comme il va être furieux contre moi! Eh bien, ce n’est pas la vie de Jésus
abstraite qui enrage les démons, mais c’est sa vie en nous de fait. Un autre fauxfuyant pour les prêtres c’est de
tonner contre les péchés. Là encore les
démons applaudissent des deux mains à ces sermons. Tant que les prêtres s’occupent de cette
pourriture, ils ne montrent pas aux fidèles comment vivre Jésus et c’est autant
de temps perdu pour les chrétiens. C’est
l’union du surnaturel avec l’homme qui fait enrager les démons. Mais comme cela n’entre pas dans la
prédication des philosophes, pas un démon ne proteste contre eux. Si ces prêtres après avoir attaqué le péché,
attaquaient les deux amours naturels qui causent les péchés afin de faire de la
place pour l’amour concret de Dieu dans le coeur des fidèles, oh alors, les
démons leur feraient une guerre acharnée.
Mais la plupart des prêtres ont usé leur éloquence contre les péchés et
comme ils ne vont pas plus loin les démons les laissent parfaitement
tranquilles. Qu’on n’aille pas conclure
que j’insinue que les prêtres sont fourbes ou méchants. La masse est sincère et zélée mais leur
formation à la pharisienne les rend opposés au Messie de la Nouvelle Loi qui
est la vraie doctrine intégrale de Jésus vécu dans les âmes. Leur coeur est bon, mais c’est leur tête qui
est croche non pas dans ce qu’ils savent, mais dans la théologie du coeur ou de
l’amour qu’ils ignorent parce que leurs professeurs ne leur ont jamais donné ce
qu’eux-mêmes ignoraient.
Jésus
jeté dans un cachot.
Ces
outrages cessèrent pendant quelques heures parce que les Juifs devaient
attendre le jugement de Pilate après le lever du jour. L’Evangéliste ne dit rien de ce qu’ils firent
avec Jésus. Mais comme il y a plusieurs
souterrains avec des cachots où l’on mettait les prisonniers et où on les
attachait pour les flageller, comme on peut encore voir par les anneaux fixés
dans les cadres des portes de ces cachots, on peut bien imaginer qu’ils
auraient mis Jésus dans un de ces souterrains.
Ils ont dû le mettre en lieu sûr pour ne pas se le faire enlever.
En
tout cas, descendons donc dans un de ces cachots quand bien même ce ne serait
que pour être seul avec lui et pour oublier un peu ces démons qui l’ont outragé
si horriblement. Restons là à le
contempler en silence en songeant qu’il est notre propre victime en bonne
partie! C’est notre oeuvre! C’est notre Sauveur qui expie pour nous
Rappelons le conseil qu’il donne aux filles de Jérusalem qui pleurent ses
souffrances: «Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous-mêmes!» Si les démons ont
traité Jésus qui n’a que l’apparence du péché de cette horrible façon, que ne
feront-ils pas aux pécheurs une fois dans l’enfer! Et sans Jésus nous allions là avec nos péchés
personnels si nombreux et si graves. Une
contrition profonde s’impose devant notre Dieu ainsi traité à cause de nos
péchés; demandons-lui pardon et avec toute la douleur possible pour nous et
promettons-lui de subir n’importe quel dommage ou inconvénient plutôt que de
jamais l’offenser encore. Supplions-le
de nous donner sa grâce pour cet effet.
Qu’on ait de la dévotion ou non, ces actes s’imposent durant cette
contemplation.
Deuxième
interrogatoire devant Caïphe.
Vers
six heures du matin ils conduisirent Jésus au lieu ou ils avaient coutume de
s’assembler pour les procès et là on lui fit un procès un peu plus régulier,
mais aussi injuste que le premier. Là
Caïphe demanda directement à Jésus: «Si tu es le Fils de Dieu, dis-nous le
clairement.» Jésus lui répondit: «Si je vous le dis, vous ne me croirez pas; si
je vous interroge, vous ne me répondrez pas et vous ne me relâcherez pas. A partir d’aujourd’hui le Fils de l’homme
sera assis à la droite de Dieu tout-puissant.» «Tu es donc le Fils de Dieu?»
«Vous le dites, je le suis.» «Qu’avons-nous besoin de témoins puisque nous
avons entendu nous-mêmes le blasphème sorti de sa bouche.» Ils n’avaient plus qu’à
faire sanctionner leur jugement par le gouverneur Ponce Pilate, parce qu’ils
n’avaient plus le droit de condamner à mort, mais seul le gouverneur le
pouvait. Ils garrottèrent Jésus et ils
sortirent du Sanhédrin pour aller trouver Pilate. Les Juifs ont fait leur part, ils ont
condamné à mort comme blasphémateur leur Messie qu’ils devaient faire connaître
au monde! Voilà ce que l’esprit païen a
fait pour le clergé juif. Voilà le
résultat de leur science de tête seulement, leur science de la «lettre qui
tue», leur formalisme pharisaïque avec leurs savantes discussions et savantes
distinctions toujours selon la lettre et à peu près rien selon l’esprit de la
lettre.
Voilà aussi où va notre clergé avec sa philosophie de la
théologie, avec ses savantes distinctions des «strictement parlant», des
«essentiellement parlant» et sa casuistique au lieu de la vraie morale
catholique du coeur encore plus que de la tête.
Que de bêtise pour tant de philosophes que de prendre leurs conclusions
abstraites pour les faire passer dans la vie!
C’est la mort de l’amour de Dieu!
Ils tuent Jésus aussi sûrement que les pharisiens l’ont tué en personne,
les nôtres le tuent dans sa doctrine mais aussi efficacement. Que les victimes des grands prêtres modernes
voient non pas les instruments aveugles dans les mains de Dieu, mais Dieu lui-même
qui dispose tout pour qu’elles aient une part à la passion de Jésus afin
d’avoir une part à son bonheur au ciel.
Il ne faut pas nous arrêter à tel ou tel prêtre ou à sa manière rude et
méchante d’agir; à quoi bon? C’est
parfaitement inutile d’essayer de les concilier, ni de les changer, ni de les
convaincre de leur erreur; Dieu veut pour ses victimes la croix et il faut la
porter sans en vouloir à ses bourreaux qui ignorent absolument leur rôle. Le mieux est de prier pour eux comme
Jésus
a fait pour les siens et de tout offrir pour la conversion du monde.
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