TRENTE-QUATRIÈME INSTRUCTION
LE COURONNEMENT D’ÉPINES.
«Alors les soldats l’amenèrent dans la cour du prétoire
et assemblèrent toute la cohorte; et l’ayant revêtu de pourpre, ils lui mirent
une couronne d’épines entrelacées et commencèrent à le saluer: Salut, Roi des
Juifs. Ils lui frappaient la tête avec
un roseau et crachaient sur lui et fléchissant le genou, ils l’adoraient.» Mt. 15-16
Plan Remarque. Le couronnement d’épines. L’Ecce Homo.
Outrages dans le prétoire. Ils
l’amenèrent au Calvaire. Jésus parle aux
filles de Jérusalem.
REMARQUE C’est la
même passion qui se continue à tout point de vue, mais pour notre esprit limité
il est bon de la diviser en parties comme nous faisons ici. Comme on nourrit l’estomac bouchée par
bouchée ainsi l’âme a besoin de morceler les considérations pour en profiter
spirituellement. Comme la vingtième
bouchée contient la même nourriture que la première et cependant on l’aime
autant, ainsi attendons-nous à rencontrer les mêmes considérations de la
passion pour nourrir l’âme. Comme nous
ne pouvons pas contempler sans notre esprit, il faut bien le prendre tel qu’il
est. Or de sa nature il cherche des
idées; il faut donc lui en fournir quelques unes, mais simplement comme pour
amorcer la volonté ou l’amour. Dès qu’on
peut émouvoir la volonté il faut aiguiller là le plus vite possible toute notre
activité spirituelle. L’amour ne
s’exprime pas en beaucoup de paroles, mais il faut fixer son objet et trouver
son contentement, là. Ainsi pouvons-nous
imaginer la Ste-Vierge suivant son Fils bien-aimé durant la passion pour être
intéressée par de nouvelles considérations!
Pas du tout: Son coeur est submergé dans un océan de douleur et plein de
compassion pour Jésus. Toute son âme
s’en va dans son Chéri qui souffre pour souffrir avec lui… et c’est tout! On peut la suivre pour lui demander de faire
comme elle. Jésus pleure souvent et sa
mère aussi, à moins que sa douleur soit trop profonde pour des larmes.
Prenons
donc son attitude mentale pendant qu’elle accompagne Jésus dans ses différentes
souffrances. Compatissons avec lui dans
le couronnement d’épines comme nous avons fait dans la flagellation et que
toute notre âme s’en aille avec la sienne pour partager ses douleurs
intérieures… et répétons; c’est pour moi!
C’est pour moi! et c’est mon Dieu
que j’ai offensé! C’est mon Dieu que
j’ai offensé! Il me faudra souffrir
comme lui d’une façon ou d’une autre pour aller au ciel. Le seul moyen d’éviter les châtiments que je
mérite, c’est l’amour! Si je puis
l’aimer assez pour que mon amour souffre un vrai martyre de l’avoir offensé, il
me dira comme à Madeleine: Parce que tu as beaucoup aimé, beaucoup de péchés te
sont remis! Mais comment l’aimer si je
ne l’aime pas quand il souffre? Comment
l’aimer si je ne souffre pas comme lui?
Si son amour se montre à moi quand il donne sa vie pour moi, est-ce que
je ne lui montre pas mon amour quand je meurs à moi-même, par le renoncement et
la mortification et par les épreuves de la vie?
St Paul embrasé d’amour pour Jésus disait qu’il ne connaissait pas autre
chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié. C’est là que tous les saints s’abreuvent
d’amour. Si donc je veux aimer Jésus il faut
que je l’aime dans ses souffrances.
Lui-même dit que pour le suivre il faut porter sa croix tous les
jours. C’est donc un amour concret qu’il
veut de nous; il ne se contente pas de soupirs et de paroles, il veut des actes
et des actes contre les deux amours naturels que nous avons tous et qui
empêchent son amour d’entrer dans notre coeur.
Voilà ce qui doit dominer en nous pendant que nous contemplons ses
mystères douloureux.
Le couronnement d’épines.
Si par la flagellation Jésus voulait expier les péchés
d’impureté, par le couronnement d’épines il veut expier nos péchés d’orgueil et
en général de l’esprit. Evidemment ce
n’est pas tranché ainsi, mais pour nous cela peut nous aider à mieux considérer
les effets et les leçons qu’il veut nous donner. C’est l’enfer qui poursuit Jésus, le
Christ-Roi, que ces démons n’ont pas voulu pour Maître et Seigneur dans leur
épreuve et qu’ils continuent de haïr comme alors et même bien plus après leur
malédiction. Il n’y a que les démons
pour inventer un pareil supplice pour Jésus.
L’idée de roi les enrage; alors ils vont se moquer de lui pour tout de
bon. Ils inspirent à leurs suppôts de
tresser une couronne d’épines entrelacée, et de la lui mettre sur la tête avec
un manteau d’écarlate sur les épaules après l’avoir dépouillé de ses
vêtements. Ils le font asseoir sur un
tabouret quelconque et lui mettant un roseau à la main en guise de sceptre, ils
fléchissent les genoux devant lui en le frappant sur la tête avec son roseau et
disant: Salut, Roi des Juifs! et ils lui
crachent au visage et le frappent de toutes façons. Heureux ceux qui peuvent contempler cette
scène autant du coeur que de l’esprit, qui peuvent fixer les yeux de l’esprit
longtemps sur leur Sauveur traité de la sorte pour l’amour d’eux! Ce n’est pas perdre son temps que de pouvoir
le fixer ainsi même sans rien dire ni même sans rien penser, pourvu que le
coeur regarde aussi. Si le coeur peut
s’y mettre ce ne sera pas long que le St-Esprit donnera quelque rayon de foi
pour mieux pénétrer dans ce foyer du plus pur et du plus ardent amour qu’il y
ait jamais eu pour nous. Jésus veut
expier les péchés d’orgueil surtout.
Quand l’homme refuse d’obéir comme Adam a fait, il se fait le roi de sa
propre existence et il ne reconnaît plus Dieu comme son Maître. Il le rejette comme les Juifs rejettent
Jésus. Maintenant c’est ce que nous
faisons tous par nos péchés personnels.
C’est nous qui le frappons avec le roseau pour lui enfoncer les épines
dans la tête et le faire souffrir terriblement; c’est nous qui nous moquons de
Lui et de sa Royauté quand nous ne suivons pas ses commandements, sa doctrine
et sa vie. Nous lui préférons les idées
du monde, nos propres satisfactions, les créatures captivantes! ce sont nos Barabbas! Ce sont ces ingratitudes et ces mépris qui
lui percent la tête et font répandre son sang.
Nos mauvaises pensées et nos mauvais désirs, nos consentements aux
choses défendues et aux satisfactions de païens en dehors de l’amour de Dieu et
tous nos projets pour contenter nos deux amours naturels; voilà ce qui le
blesse sérieusement à la tête. Eh bien,
pour le dédommager un peu, acceptons à l’avenir tout ce qui nous fera souffrir
de la part du prochain: ses mépris, ses moqueries, ses insultes et ses mauvais
traitements de toutes sortes qui peuvent nous venir des autres, tout cela
devrait être accepté en union avec les outrages que Jésus a reçus au
couronnement d’épines. ecce homo!
Après
que la flagellation a déchiré tout le corps sacré de Jésus et qu’on l’a
couronné d’épines, il est tellement défiguré et exténué que Pilate croit qu’il
va apitoyer les Juifs. Mais ces tigres,
assoiffés de sang, ne vocifèrent que plus fort pour sa mort. Tous crient: Crucifiez-le! Crucifiez-le!
Là encore Pilate affirme qu’il ne le mérite pas, mais les Juifs hurlent
plus fort et les clameurs augmentent tellement que Pilate a peur et finalement
il leur livre Jésus pour être crucifié.
Peu importe ce que voulait Pilate directement ou immédiatement, Dieu
aussi avait son idée en montrant Jésus ainsi aux prêtres et au peuple. C’était aussi pour apitoyer non pas des
assassins, mais tous les chrétiens sur ce qu’ils ont fait à leur Sauveur par leurs
péchés et pour qu’ils apprennent à sympathiser avec Jésus si cruellement traité
pour l’amour de nous tous.
Voilà le tableau que Dieu veut que nous gardions tous
dans notre mémoire et surtout dans notre coeur pour toute notre vie. Comme St-Paul ne voulait pas garder autre
chose dans son coeur que J.C. crucifié,
tous les chrétiens ne devraient pas garder autre chose dans leur esprit et dans
leur coeur que Jésus outragé pour nos péchés.
Cet Ecce Homo devrait dominer toute notre vie subjective ou
intérieure. Comme Jésus n’a jamais perdu
la vue de sa passion qui s’en venait ainsi nous devrions jamais perdre de vue
le souvenir de ce Jésus flagellé et couronné d’épines pour nous. Cela nous aiderait à pratiquer cette
expiation qui doit faire la trame de toute vie chrétienne. Dieu veut que nous gardions le souvenir
vivace de la passion de Jésus comme il le montre en laissant le portrait de sa
sainte face sur le voile de Véronique en route pour le Calvaire et sur son
suaire que l’on conserve à Turin. C’est évidemment
pour les mêmes raisons que Dieu exhibe Jésus tout défiguré aux prêtres et au
peuple. Si les prêtres contemplaient
plus souvent Jésus dans sa passion, ils seraient plus mortifiés, ils se
renonceraient plus et ensuite ils prêcheraient la folie de la croix et le
mépris du monde ce que très peu font dans le monde. Tous les prédicateurs de la seule miséricorde
sont des prêtres qui vivent en dehors de la passion de Jésus et pour eux-mêmes
et pour les autres. Ce Jésus massacré
pour nos péchés ne les attire pas quoiqu’il ait dit qu’une fois élevé de terre
il attirerait tout à lui, c’est-à-dire ceux qui n’y mettraient pas d’obstacles
par les deux amours naturels. Le genre
philosophe dont la doctrine païenne conserve précieusement les deux amours
naturels n’est pas intéressé à ce qui est la mort de ces deux amours: toute la
passion de Jésus. Ces philosophes aiment
à prêcher tout ce que
Jésus
a fait pour soulager la nature humaine, comme ses miracles pour guérir, ses
exhortations de s’aimer les uns les autres dans le sens de se rendre la vie facile
les uns les autres… comme les païens… que Jésus a passé en faisant le bien,
etc. Mais les parties de la vie et de la
doctrine de Jésus qui condamnent les deux amours naturels, ils les évitent avec
grand soin. C’est à nous tous de revenir
à cet Ecce Homo qui doit faire notre propre vie dans le concret autant que
possible, qui doit faire le sujet ordinaire de nos contemplations, de nos
prédications et de notre étude. C’est ce
Jésus qui contrarie nos deux amours, qui sauve le monde et lui seul. C’est toute sa doctrine contre ces deux
amours naturels que nous devons méditer et prêcher aux autres.
C’est
le Père éternel qui nous montre son Fils comme pour nous dire: Voyez ce que vos
péchés ont fait de lui! Voyez ce que ma
justice pense du péché et ce qu’elle fera un jour aux vrais coupables! Isaïe, 53, l’a vu dans cet état: «Beaucoup
ont été dans la stupeur, en le voyant, tant il était défiguré, son aspect
n’était plus celui d’un homme, ni son visage celui des enfants des hommes… il
n’avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter
notre amour. Il était méprisé et
abandonné des hommes, homme de douleur et familier avec la souffrance, comme un
objet devant lequel on se voile la face, en butte au mépris, nous n’en faisions
aucun cas. Vraiment c’était nos maladies
qu’il portait et nos douleurs dont il s’était chargé et nous, nous le
regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos
iniquités; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui et c’est par ses
meurtrissures que nous sommes guéris…»
Voilà
des paroles que tout chrétien devrait connaître par coeur pour en faire le
sujet ordinaire de ses réflexions. Tout
ce ch. d’Isaïe devrait nous aider à
mieux sympathiser avec Jésus et nous encourager à mieux souffrir avec lui. Les membres de son corps mystique devront
passer par quelque chose de semblable pour arriver au ciel. Cette conviction ne viendra pas toute seule
dans l’esprit. Eh bien! nous avons un fait historique d’une punition
bien authentique du péché et cela dans celui que Dieu aime le plus au monde,
son Fils unique et qui n’était pas le vrai coupable. Alors qu’est-ce que la justice divine ne fera
pas avec les vrais coupables? Nous ne
pensons pas assez à la justice divine.
En nous montrant son Fils dans cet état pitoyable Dieu veut que nous y
pensions plus.
Un bon moyen d’y penser, c’est d’accepter sans murmurer
les contrariétés de la vie, toutes ces petites croix dans le train de vie
journalier, qui nous viennent des choses et des personnes qui nous
entourent. C’est la justice divine qui
se paye graduellement dans toutes ces épreuves qui nous arrivent si
souvent. Ce sont des échantillons de sa
passion que Jésus nous envoie: si nous les acceptons en union avec ses
souffrances, il nous épargnera dans la même proportion les châtiments que nous
avons mérités pour nos péchés. Où sont
les chrétiens qui comparent leurs petits coups d’épingles aux tortures de
Jésus? Qui pensent même à expier leurs
péchés? Une des raisons est la
prédication de nos philosophes sur le sacrement de pénitence. Selon leur habitude ils en parlent «in se»,
ils parlent de sa vertu «en soi», de ce qu’il peut faire par la grâce de Dieu
et évidemment il peut pardonner tous les péchés avec une seule absolution et en
lever toute la peine temporelle due aux péchés.
Tout cela est vrai quant à la puissance de Dieu. Mais ce n’est pas vrai ordinairement avec les
dispositions subjectives des pécheurs de nos jours, qui ne sont pas
suffisamment disposés pour recevoir ce que Dieu peut donner dans ce
sacrement. Il leur reste même souvent la
coulpe de leurs péchés si peu regrettés; le sacrement est nul pour plusieurs il
n’y a pas de doute. Et pour la masse, à
cause du peu de contrition, il reste une bonne partie de la peine temporelle à
expier dans l’autre monde puisqu’ils ne le font pas en celui-ci. Qu’est-ce que les philosophes gagnent à dire
qu’il suffit de passer par la confession pour que tout soit oublié devant
Dieu? Dans les cas concrets qu’est-ce
qu’ils en savent? Voilà des abus
lamentables des «in se».
Nos
gens se confessent et continuent leur vie comme avant sans amélioration et même
souvent deviennent pires. En tout cas
ils n’ont plus aucune inquiétude pour leurs péchés passés une fois qu’ils les
ont confessés. S’ils avaient reçu la
vraie théologie du péché et de la pénitence ils pleureraient leurs péchés toute
leur vie et en feraient pénitence toute leur vie même après les avoir
confessés.
Tous
ceux qui veulent suivre Jésus au ciel doivent le suivre dans sa passion; c’est
la doctrine bien claire et souvent donnée par St-Paul dans ses épîtres. Les prêtres ne les exploitent pas assez dans
leur vie et dans leur prédication. On
pourrait dire que c’est l’idée dominante dans ses écrits. Est-ce pour cela que si peu de prêtres et
encore moins de fidèles les lisent? Que
tous ceux qui connaissent cette sagesse de St-Paul fassent donc tout en leur
pouvoir pour répandre la lecture de StPaul parmi les prêtres et les
fidèles. «Je suis crucifié au monde et
le monde l’est pour moi.»
2
Cor. 12-10: «C’est pourquoi je me
complais dans mes faiblesses dans les outrages, dans les nécessités, dans les
persécutions, dans les angoisses que je souffre pour J.C.; car quand je suis
faible, c’est alors que je suis fort.»
1
Cor. 4: «Nous sommes devenus un
spectacle au monde, aux anges et aux hommes, nous sommes insensés, nous, à
cause de J.C.; nous sommes faibles, nous sommes méprisés. Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim,
la nudité; nous sommes meurtris de soufflets, nous n’avons point de demeure
stable; nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains; on nous maudit
et nous bénissons; on nous persécute et nous le supportons; on nous accable
d’injures et nous répondons par des prières; nous sommes devenus jusqu’à
présent comme de l’ordure du monde et les balayures rejetées de tous…»
Voilà
ce que Jésus avait prédit à ses Apôtres et cela leur est arrive. Or il nous prédit les mêmes traitements à
nous tous qui voulons le suivre au ciel.
Si cela ne s’accomplit pas pour nous c’est donc que nous avons abandonné
de le suivre sur le chemin du ciel.
C’est donc que nous sommes devenus les amis du monde, que nous vivons
une vie toute naturelle, puisque les démons ne nous attaquent pas. Ils ne voient pas que nous nous unissons à la
vie surnaturelle de Jésus qu’ils détestent tant. Voilà pourquoi ils nous laissent
tranquilles. Mais que des fidèles comme
des prêtres et des religieux se mettent sérieusement à la suite de Jésus pour
reproduire dans leur vie d’une façon concrète la vraie vie divine de Jésus et
tout de suite ils verront tout le monde et les démons leur faire la guerre à
mort, comme à J.C. et aux Apôtres. Qu’un chrétien refuse de fumer, de jouer aux
cartes, de s’intéresser aux sports, de ne pas boire, mais d’être tout aux
choses de Dieu et il verra ce que le monde lui fera! Qu’une fille méprise la mode, ne fasse pas
usage de poudre ou de couleur, ne fume pas, n’aille pas aux vues ni aux danses,
etc., comme une chrétienne devrait le faire et se donne tout aux choses de Dieu
et les gens du monde vont lui faire une véritable persécution; se moquer
d’elle, la disputer, la dénoncer comme une folle et lui faire la vie aussi
amère qu’ils pourront.
Tous ont si peur de cela que c’est justement pour éviter
cette persécution que tant de chrétiens suivent les maximes du monde et la vie
du monde, au moins d’assez près pour ne pas encourir sa disgrâce et ses
moqueries. Ils veulent bien plaire à
Jésus, mais ne pas déplaire au monde.
C’est une attitude de lâche et de païen qui ne peut pas plaire à
Jésus. Ces gens n’ont pas saisi les
exigences de la foi ni de notre destinée surnaturelle. Jésus dit clairement que celui qui n’est pas
pour lui est contre lui. Donc ces gens
qui ont peur d’être tout à lui sont contre lui.
C’est pour cela que les démons ne les persécutent pas. C’est justement cette peur d’être persécuté
qui empêche un grand nombre de se donner tout à fait à Dieu et aux choses de
Dieu. outrages dans le prétoire. Après l’Ecce Homo Pilate mena Jésus en dehors
du prétoire en un lieu appelé Lithostrotos où il s’assied sur son tribunal vers
la 6ième heure: il dit aux Juifs: «Voici votre roi!» Mais ceux-ci
criaient: «Ôtez-le, ôtez-le du monde; crucifiez-le!» Pilate leur dit:
«Crucifierai-je votre roi?» Les princes des prêtres répondirent: «Nous n’avons
pas d’autre roi que César!» C’était dire que la prophétie qui annonçait la
venue du Messie lorsque le sceptre serait sorti de Juda s’accomplissait. Les Juifs auraient dû s’attendre au Messie
puisqu’il n’y avait plus de roi en Juda.
Alors Pilate leur livre Jésus pour être crucifié. La même scène horrible qui s’était produite
après que Caïphe eût décidé sa mort, se répète; ils se jetèrent sur lui, le
frappaient de coups, lui arrachaient la barbe, lui enfonçaient la couronne
d’épines encore plus et se moquaient de lui comme roi des Juifs. Ils le tenaient cette fois par la plus haute
autorité du pays de sorte qu’il ne pouvait plus leur échapper.
Comme
ils le ridiculisaient, l’insultaient et l’injuriaient! La foule semblait oublier tout le bien qu’il
lui avait fait. Voyant les prêtres si
contents de le tenir et de l’abîmer d’insultes et d’outrages, elle les suivit
aveuglement et fit comme eux. Voyons
Jésus au milieu de cette foule enragée et complètement abandonné par ses amis:
seul!… après avoir fait tant de bien, tant de miracles et se voir rejeté par
tout le monde devenu ses ennemis juste au temps où il allait répandre son sang
pour eux! Peut-on imaginer pareil
traitement? Il est exténué par la
flagellation et la tête toute endolorie par le couronnement d’épines. L’abjection complète! Et renié par son peuple qu’il vient sauver!
Faufilons-nous à
travers cette foule et essayons d’approcher de Jésus le plus possible; nous
n’avons pas à avoir peur de la foule… elle n’est pas là. Après l’avoir contemplé quelques minutes,
est-ce que nous ne pouvons pas trouver quelques bonnes paroles à lui dire? Est-ce si difficile de lui exprimer notre
profonde douleur de l’avoir offensé et de lui avoir attiré ces châtiments! Disons-lui que nous sommes les vrais
coupables et que nous ne voulons plus pécher jamais, que nous voulons faire
pénitence le reste de notre vie pour le soulager d’autant en prenant sur nous-mêmes
le châtiment de nos péchés. Plus que
cela, protestons sincèrement de vouloir compenser par notre amour concret,
plein de sacrifices pour les péchés de notre vie. Disons-lui que nous voulons devenir des
saints pour l’amour de lui et que nous voulons glorifier sa miséricorde infinie
par une vie toute divine avec l’aide de sa grâce. Si nous aimons Jésus tant soit peu il nous
faut expier par nous-mêmes le plus possible notre vie de péché par tous les
moyens à notre disposition. Ce sont nos
péchés qui l’ont réduit dans ce pitoyable état.
Par
miséricorde pour nous il a pris sur lui sa justice, mais si nous ne l’imitons
pas en prenant aussi sur nous la justice divine en faisant pénitence pour nos
péchés, la miséricorde n’agira pas pour nous ou très peu. Pour avoir le courage moral de se mortifier il
faut le demander à Dieu avec ferveur exactement comme notre persévérance finale
puisque les deux mènent au même but; car c’est notre pénitence qui nous
obtiendra la persévérance finale. Il est
certain que nous ne prions pas assez et parce que nous ne voyons pas l’abîme
épouvantable que nos péchés ont creusé entre nous et Jésus.
Nous
avons une idée de cet abîme dans les souffrances de Jésus. Pouvons-nous en supporter de semblables? Voilà le pont pour couvrir cet abîme: la
passion de Jésus. A nous de le prendre
sérieusement!… ils l’amènent au calvaire.
Nous
voici rendus au suprême sacrifice de notre divin Sauveur: la sentence est
portée et elle va être exécutée avec la même cruauté que tout le reste de la
passion. N’essayons pas d’analyser les
sentiments de Jésus, ce n’est pas un fleuve qui coule entre ses rives, c’est un
océan de maux et de douleurs qui déborde de son âme humiliée jusqu’à la
limite. Ecoutons la prophétie de Jérémie
dans ses lamentations, 1-12: «O vous tous qui passez par le chemin regardez et
voyez s’il est une douleur semblable à la mienne, moi que Yahweh a frappé au
jour de son ardente colère. D’en haut il
a lancé dans mes os un feu qui les dévore»… puis, 3-53: «Ils m’ont donné la
chasse comme à un passereau ceux qui me haïssent sans cause. Ils ont voulu anéantir ma vie dans la fosse
et ils ont jeté une pierre sur moi. Les
eaux montaient au-dessus de ma tête, je disais: je suis perdu.»
Assistons
à ce départ terrible pour Jésus. Après
lui avoir ôté le manteau d’écarlate, ils lui remettent ses vêtements, puis le
chargent de sa croix selon la coutume des crucifiés, qui devaient porter leur
croix. De véritables enragés l’entourent
de toutes parts, se moquant de lui et l’insultant de toutes façons. Le tout petit groupe des amis composé de la
Ste-Vierge, de quelques femmes et de St-Jean évidemment ne peuvent approcher de
lui à cause des ennemis qui ne le permettent pas, mais ils le suivent comme ils
peuvent. Ils sont absolument impuissants
à l’aider ou à le consoler.
Enfin
le cortège se met en branle: le centurion marche en tête avec ses soldats et
l’un porte le titre de sa condamnation:
Jésus
de Nazareth roi des Juifs.
Une
foule de curieux venus en grand nombre à la fête de Pâque le suit sans aucune
sympathie pour lui; ce sont des étrangers de fait ou qui agissent comme tels
pour le moment. Un bon nombre étaient de
ceux qui complotaient sa mort et qui ont vociféré pour le faire crucifier: on
comprend qu’ils soient contents de leur coup.
Voilà l’heure que Jésus a désiré ardemment comme il le disait la veille:
il a hâte d’accomplir son sacrifice pour sauver ces tigres qui le dévorent
vivant! Il a hâte de donner son sang
pour nous tous afin de nous avoir avec lui dans le ciel! pour nous faire participer à la vie intime de
la Trinité! Comment comprendre cet amour
divin? Est-ce possible que sous les
crachats qu’on lui lance à la face il médite de manifester sa gloire céleste et
sa face adorable que les chrétiens contemplent avec un bonheur ineffable?
Il
veut inonder de délices ceux qui l’inondent d’injures et de moqueries! Il veut laver dans son sang nos souillures à
nous tous pour nous permettre de pénétrer les trésors infinis de sa sagesse
divine. Essayons de nous faire une idée
de son amour qu’il nous montre d’une façon si réelle en prenant sa croix pour
aller mourir crucifié. Entendons-le nous
dire: Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même tous les
jours, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive!» Ce n’est donc qu’en portant
notre croix que nous suivons Jésus; c’est une condition absolument nécessaire
donc pour arriver au ciel avec Jésus où il s’en va. Remarquons que Jésus ne parle jamais du
portement de croix «in se», mais en nous; qu’il porte sa croix; non pas qu’il
approuve le portement de la croix «en soi», mais en luimême. Jésus ne parle jamais dans l’abstrait, mais
toujours dans le concret et bien pratique.
Ce n’est pas lui qui s’arrêterait à la philosophie de la religion. Mais il prend toujours le point de vue
vraiment théologique, c’est-à-dire, dans le coeur ou en rapport avec notre
salut éternel en Dieu. Comme les
philosophes doivent être mal à l’aise devant Jésus portant réellement sa croix
et nous disant de faire comme lui! Ce
n’est pas sans intention que Dieu a placé les choses de manière que Simon de
Cyrène porte la croix de Jésus. Il n’y a
pas de doute que Jésus aurait pu la porter tout seul jusqu’au bout, mais il
voulait nous donner une leçon de chose.
Jésus veut nous faire comprendre justement ce que nous venons de dire:
qu’il nous faut porter notre croix à sa suite.
Simon pratique l’idée que StPaul nous donne en disant qu’il accomplit ce
qui manque à la passion de Jésus, dans ce sens que ses membres doivent partager
sa passion dans la mesure où ils sont ses membres. Qu’on ne prenne jamais le sens protestant de
cette idée que les souffrances de Jésus nous dispensent de souffrir
nous-mêmes. Ce n’est pas vrai. Mais ce que les souffrances de Jésus font
c’est de rendre les nôtres acceptables à Dieu, car sans Jésus elles ne le
seraient jamais.
Jésus
parle aux filles de Jérusalem.
Plusieurs
femmes de Galilée et d’autres de Jérusalem et des environs suivaient en
pleurant le cortège lugubre, quand Jésus se retourna et leur dit: «Ne pleurez
pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et vos fils. Car voici que des jours s’en viennent dans
lesquels on dira: Heureuses les stériles et les entrailles qui n’ont point
enfanté et les mamelles qui n’ont point allaité! Alors on se mettra à dire aux montagnes:
Tombez sur nous et aux collines: couvrez-nous; car si on traite ainsi le bois
vert, que ne fera-t-on pas au bois sec?» Jésus veut donc que nous pensions plus
à nos péchés pour les regretter en pleurant que de sympathiser avec lui dans
ses souffrances qui sont causées par nos péchés. Nos larmes de contrition passent donc avant
nos larmes de compassion. C’est
important de savoir cela pour bien méditer et contempler la passion de
Jésus. N’oublions pas que c’est Dieu qui
nous avertit que nous serons traités encore plus sévèrement que lui! Quelle pensée terrible! Nous ne voulons rien souffrir en ce monde;
nous gardons tout pour l’autre monde.
Car le fait d’oublier nos péchés ou de ne pas les considérer comme
sérieux ne change rien pour le jugement de Dieu; il sera terrible d’après ce
qu’il a infligé à Jésus. Cet
avertissement de Jésus au moment de sa mort devrait produire des effets dans
notre conduite. Il faut à tout prix que
nous expions nos péchés par la pénitence concrète. Qu’on nous laisse la paix avec ces
distinctions entre pénitence intérieure comme essentielle et pénitence
extérieure. Ce sont des philosophes qui
distinguent de la sorte, ce n’est pas Jésus.
Quand même ces distinctions sont vraies, elles ne sont pas du tout
pratiques. Quand on a le coeur brisé de
douleur d’avoir offensé Dieu, on se punit dans le concret et ces deux
pénitences ne se distinguent plus. L’une
est la cause de l’autre, mais à quoi bon parler d’une cause séparée de son
effet, ou de l’effet sans cause; cela n’existe pas dans la nature, mais
seulement dans les esprits des philosophes.
Certains prêtres croient faire merveille en insistant sur la pénitence
intérieure et d’autres sur la pénitence extérieure; ce sont des prêtres trompés
par le diable tout simplement. On ne
sépare pas Jésus de la croix comme ont fait les protestants… et les philosophes
qui les imitent, mais on laisse Jésus attaché à la croix. L’Eglise catholique nous a transmis non pas
la croix seule comme les Anglicans, mais J.C.
attaché au crucifix. Eh bien, que
tout chrétien fasse de la pénitence tout court sans distinction! Qu’il jeûne pour souffrir un peu pour expier
ses péchés. Demandons à Dieu d’être
concret et pratique dans ce portement de notre croix ou de nos croix à la suite
de Jésus. Intéressons notre bonne Mère
pour nous obtenir cette grâce par toutes ses propres douleurs qui étaient bien
concrètes et vécues, Que tous les martyrs intercèdent pour nous…
Aucun commentaire:
Publier un commentaire