mardi 20 février 2018

Père Onésime Lacouture - 2-35 - Le couronnement d'épines


TRENTE-QUATRIÈME INSTRUCTION
LE COURONNEMENT D’ÉPINES.
«Alors les soldats l’amenèrent dans la cour du prétoire et assemblèrent toute la cohorte; et l’ayant revêtu de pourpre, ils lui mirent une couronne d’épines entrelacées et commencèrent à le saluer: Salut, Roi des Juifs.  Ils lui frappaient la tête avec un roseau et crachaient sur lui et fléchissant le genou, ils l’adoraient.» Mt.  15-16
Plan Remarque.  Le couronnement d’épines.  L’Ecce Homo.  Outrages dans le prétoire.  Ils l’amenèrent au Calvaire.  Jésus parle aux filles de Jérusalem.
REMARQUE  C’est la même passion qui se continue à tout point de vue, mais pour notre esprit limité il est bon de la diviser en parties comme nous faisons ici.  Comme on nourrit l’estomac bouchée par bouchée ainsi l’âme a besoin de morceler les considérations pour en profiter spirituellement.  Comme la vingtième bouchée contient la même nourriture que la première et cependant on l’aime autant, ainsi attendons-nous à rencontrer les mêmes considérations de la passion pour nourrir l’âme.  Comme nous ne pouvons pas contempler sans notre esprit, il faut bien le prendre tel qu’il est.  Or de sa nature il cherche des idées; il faut donc lui en fournir quelques unes, mais simplement comme pour amorcer la volonté ou l’amour.  Dès qu’on peut émouvoir la volonté il faut aiguiller là le plus vite possible toute notre activité spirituelle.  L’amour ne s’exprime pas en beaucoup de paroles, mais il faut fixer son objet et trouver son contentement, là.  Ainsi pouvons-nous imaginer la Ste-Vierge suivant son Fils bien-aimé durant la passion pour être intéressée par de nouvelles considérations!  Pas du tout: Son coeur est submergé dans un océan de douleur et plein de compassion pour Jésus.  Toute son âme s’en va dans son Chéri qui souffre pour souffrir avec lui… et c’est tout!  On peut la suivre pour lui demander de faire comme elle.  Jésus pleure souvent et sa mère aussi, à moins que sa douleur soit trop profonde pour des larmes.

Prenons donc son attitude mentale pendant qu’elle accompagne Jésus dans ses différentes souffrances.  Compatissons avec lui dans le couronnement d’épines comme nous avons fait dans la flagellation et que toute notre âme s’en aille avec la sienne pour partager ses douleurs intérieures… et répétons; c’est pour moi!  C’est pour moi!  et c’est mon Dieu que j’ai offensé!  C’est mon Dieu que j’ai offensé!  Il me faudra souffrir comme lui d’une façon ou d’une autre pour aller au ciel.  Le seul moyen d’éviter les châtiments que je mérite, c’est l’amour!  Si je puis l’aimer assez pour que mon amour souffre un vrai martyre de l’avoir offensé, il me dira comme à Madeleine: Parce que tu as beaucoup aimé, beaucoup de péchés te sont remis!  Mais comment l’aimer si je ne l’aime pas quand il souffre?  Comment l’aimer si je ne souffre pas comme lui?  Si son amour se montre à moi quand il donne sa vie pour moi, est-ce que je ne lui montre pas mon amour quand je meurs à moi-même, par le renoncement et la mortification et par les épreuves de la vie?  St Paul embrasé d’amour pour Jésus disait qu’il ne connaissait pas autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.  C’est là que tous les saints s’abreuvent d’amour.  Si donc je veux aimer Jésus il faut que je l’aime dans ses souffrances.  Lui-même dit que pour le suivre il faut porter sa croix tous les jours.  C’est donc un amour concret qu’il veut de nous; il ne se contente pas de soupirs et de paroles, il veut des actes et des actes contre les deux amours naturels que nous avons tous et qui empêchent son amour d’entrer dans notre coeur.  Voilà ce qui doit dominer en nous pendant que nous contemplons ses mystères douloureux.
Le couronnement d’épines. 

Si par la flagellation Jésus voulait expier les péchés d’impureté, par le couronnement d’épines il veut expier nos péchés d’orgueil et en général de l’esprit.  Evidemment ce n’est pas tranché ainsi, mais pour nous cela peut nous aider à mieux considérer les effets et les leçons qu’il veut nous donner.  C’est l’enfer qui poursuit Jésus, le Christ-Roi, que ces démons n’ont pas voulu pour Maître et Seigneur dans leur épreuve et qu’ils continuent de haïr comme alors et même bien plus après leur malédiction.  Il n’y a que les démons pour inventer un pareil supplice pour Jésus.  L’idée de roi les enrage; alors ils vont se moquer de lui pour tout de bon.  Ils inspirent à leurs suppôts de tresser une couronne d’épines entrelacée, et de la lui mettre sur la tête avec un manteau d’écarlate sur les épaules après l’avoir dépouillé de ses vêtements.  Ils le font asseoir sur un tabouret quelconque et lui mettant un roseau à la main en guise de sceptre, ils fléchissent les genoux devant lui en le frappant sur la tête avec son roseau et disant: Salut, Roi des Juifs!  et ils lui crachent au visage et le frappent de toutes façons.  Heureux ceux qui peuvent contempler cette scène autant du coeur que de l’esprit, qui peuvent fixer les yeux de l’esprit longtemps sur leur Sauveur traité de la sorte pour l’amour d’eux!  Ce n’est pas perdre son temps que de pouvoir le fixer ainsi même sans rien dire ni même sans rien penser, pourvu que le coeur regarde aussi.  Si le coeur peut s’y mettre ce ne sera pas long que le St-Esprit donnera quelque rayon de foi pour mieux pénétrer dans ce foyer du plus pur et du plus ardent amour qu’il y ait jamais eu pour nous.  Jésus veut expier les péchés d’orgueil surtout.  Quand l’homme refuse d’obéir comme Adam a fait, il se fait le roi de sa propre existence et il ne reconnaît plus Dieu comme son Maître.  Il le rejette comme les Juifs rejettent Jésus.  Maintenant c’est ce que nous faisons tous par nos péchés personnels.  C’est nous qui le frappons avec le roseau pour lui enfoncer les épines dans la tête et le faire souffrir terriblement; c’est nous qui nous moquons de Lui et de sa Royauté quand nous ne suivons pas ses commandements, sa doctrine et sa vie.  Nous lui préférons les idées du monde, nos propres satisfactions, les créatures captivantes!  ce sont nos Barabbas!  Ce sont ces ingratitudes et ces mépris qui lui percent la tête et font répandre son sang.  Nos mauvaises pensées et nos mauvais désirs, nos consentements aux choses défendues et aux satisfactions de païens en dehors de l’amour de Dieu et tous nos projets pour contenter nos deux amours naturels; voilà ce qui le blesse sérieusement à la tête.  Eh bien, pour le dédommager un peu, acceptons à l’avenir tout ce qui nous fera souffrir de la part du prochain: ses mépris, ses moqueries, ses insultes et ses mauvais traitements de toutes sortes qui peuvent nous venir des autres, tout cela devrait être accepté en union avec les outrages que Jésus a reçus au couronnement d’épines.  ecce homo!

Après que la flagellation a déchiré tout le corps sacré de Jésus et qu’on l’a couronné d’épines, il est tellement défiguré et exténué que Pilate croit qu’il va apitoyer les Juifs.  Mais ces tigres, assoiffés de sang, ne vocifèrent que plus fort pour sa mort.  Tous crient: Crucifiez-le!  Crucifiez-le!  Là encore Pilate affirme qu’il ne le mérite pas, mais les Juifs hurlent plus fort et les clameurs augmentent tellement que Pilate a peur et finalement il leur livre Jésus pour être crucifié.  Peu importe ce que voulait Pilate directement ou immédiatement, Dieu aussi avait son idée en montrant Jésus ainsi aux prêtres et au peuple.  C’était aussi pour apitoyer non pas des assassins, mais tous les chrétiens sur ce qu’ils ont fait à leur Sauveur par leurs péchés et pour qu’ils apprennent à sympathiser avec Jésus si cruellement traité pour l’amour de nous tous.
Voilà le tableau que Dieu veut que nous gardions tous dans notre mémoire et surtout dans notre coeur pour toute notre vie.  Comme St-Paul ne voulait pas garder autre chose dans son coeur que J.C.  crucifié, tous les chrétiens ne devraient pas garder autre chose dans leur esprit et dans leur coeur que Jésus outragé pour nos péchés.  Cet Ecce Homo devrait dominer toute notre vie subjective ou intérieure.  Comme Jésus n’a jamais perdu la vue de sa passion qui s’en venait ainsi nous devrions jamais perdre de vue le souvenir de ce Jésus flagellé et couronné d’épines pour nous.  Cela nous aiderait à pratiquer cette expiation qui doit faire la trame de toute vie chrétienne.  Dieu veut que nous gardions le souvenir vivace de la passion de Jésus comme il le montre en laissant le portrait de sa sainte face sur le voile de Véronique en route pour le Calvaire et sur son suaire que l’on conserve à Turin.  C’est évidemment pour les mêmes raisons que Dieu exhibe Jésus tout défiguré aux prêtres et au peuple.  Si les prêtres contemplaient plus souvent Jésus dans sa passion, ils seraient plus mortifiés, ils se renonceraient plus et ensuite ils prêcheraient la folie de la croix et le mépris du monde ce que très peu font dans le monde.  Tous les prédicateurs de la seule miséricorde sont des prêtres qui vivent en dehors de la passion de Jésus et pour eux-mêmes et pour les autres.  Ce Jésus massacré pour nos péchés ne les attire pas quoiqu’il ait dit qu’une fois élevé de terre il attirerait tout à lui, c’est-à-dire ceux qui n’y mettraient pas d’obstacles par les deux amours naturels.  Le genre philosophe dont la doctrine païenne conserve précieusement les deux amours naturels n’est pas intéressé à ce qui est la mort de ces deux amours: toute la passion de Jésus.  Ces philosophes aiment à prêcher tout ce que
Jésus a fait pour soulager la nature humaine, comme ses miracles pour guérir, ses exhortations de s’aimer les uns les autres dans le sens de se rendre la vie facile les uns les autres… comme les païens… que Jésus a passé en faisant le bien, etc.  Mais les parties de la vie et de la doctrine de Jésus qui condamnent les deux amours naturels, ils les évitent avec grand soin.  C’est à nous tous de revenir à cet Ecce Homo qui doit faire notre propre vie dans le concret autant que possible, qui doit faire le sujet ordinaire de nos contemplations, de nos prédications et de notre étude.  C’est ce Jésus qui contrarie nos deux amours, qui sauve le monde et lui seul.  C’est toute sa doctrine contre ces deux amours naturels que nous devons méditer et prêcher aux autres.
C’est le Père éternel qui nous montre son Fils comme pour nous dire: Voyez ce que vos péchés ont fait de lui!  Voyez ce que ma justice pense du péché et ce qu’elle fera un jour aux vrais coupables!  Isaïe, 53, l’a vu dans cet état: «Beaucoup ont été dans la stupeur, en le voyant, tant il était défiguré, son aspect n’était plus celui d’un homme, ni son visage celui des enfants des hommes… il n’avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter notre amour.  Il était méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et familier avec la souffrance, comme un objet devant lequel on se voile la face, en butte au mépris, nous n’en faisions aucun cas.  Vraiment c’était nos maladies qu’il portait et nos douleurs dont il s’était chargé et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié.  Mais lui, il a été transpercé à cause de nos iniquités; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris…»
Voilà des paroles que tout chrétien devrait connaître par coeur pour en faire le sujet ordinaire de ses réflexions.  Tout ce ch.  d’Isaïe devrait nous aider à mieux sympathiser avec Jésus et nous encourager à mieux souffrir avec lui.  Les membres de son corps mystique devront passer par quelque chose de semblable pour arriver au ciel.  Cette conviction ne viendra pas toute seule dans l’esprit.  Eh bien!  nous avons un fait historique d’une punition bien authentique du péché et cela dans celui que Dieu aime le plus au monde, son Fils unique et qui n’était pas le vrai coupable.  Alors qu’est-ce que la justice divine ne fera pas avec les vrais coupables?  Nous ne pensons pas assez à la justice divine.  En nous montrant son Fils dans cet état pitoyable Dieu veut que nous y pensions plus.
Un bon moyen d’y penser, c’est d’accepter sans murmurer les contrariétés de la vie, toutes ces petites croix dans le train de vie journalier, qui nous viennent des choses et des personnes qui nous entourent.  C’est la justice divine qui se paye graduellement dans toutes ces épreuves qui nous arrivent si souvent.  Ce sont des échantillons de sa passion que Jésus nous envoie: si nous les acceptons en union avec ses souffrances, il nous épargnera dans la même proportion les châtiments que nous avons mérités pour nos péchés.  Où sont les chrétiens qui comparent leurs petits coups d’épingles aux tortures de Jésus?  Qui pensent même à expier leurs péchés?  Une des raisons est la prédication de nos philosophes sur le sacrement de pénitence.  Selon leur habitude ils en parlent «in se», ils parlent de sa vertu «en soi», de ce qu’il peut faire par la grâce de Dieu et évidemment il peut pardonner tous les péchés avec une seule absolution et en lever toute la peine temporelle due aux péchés.  Tout cela est vrai quant à la puissance de Dieu.  Mais ce n’est pas vrai ordinairement avec les dispositions subjectives des pécheurs de nos jours, qui ne sont pas suffisamment disposés pour recevoir ce que Dieu peut donner dans ce sacrement.  Il leur reste même souvent la coulpe de leurs péchés si peu regrettés; le sacrement est nul pour plusieurs il n’y a pas de doute.  Et pour la masse, à cause du peu de contrition, il reste une bonne partie de la peine temporelle à expier dans l’autre monde puisqu’ils ne le font pas en celui-ci.  Qu’est-ce que les philosophes gagnent à dire qu’il suffit de passer par la confession pour que tout soit oublié devant Dieu?  Dans les cas concrets qu’est-ce qu’ils en savent?  Voilà des abus lamentables des «in se».

Nos gens se confessent et continuent leur vie comme avant sans amélioration et même souvent deviennent pires.  En tout cas ils n’ont plus aucune inquiétude pour leurs péchés passés une fois qu’ils les ont confessés.  S’ils avaient reçu la vraie théologie du péché et de la pénitence ils pleureraient leurs péchés toute leur vie et en feraient pénitence toute leur vie même après les avoir confessés.
Tous ceux qui veulent suivre Jésus au ciel doivent le suivre dans sa passion; c’est la doctrine bien claire et souvent donnée par St-Paul dans ses épîtres.  Les prêtres ne les exploitent pas assez dans leur vie et dans leur prédication.  On pourrait dire que c’est l’idée dominante dans ses écrits.  Est-ce pour cela que si peu de prêtres et encore moins de fidèles les lisent?  Que tous ceux qui connaissent cette sagesse de St-Paul fassent donc tout en leur pouvoir pour répandre la lecture de StPaul parmi les prêtres et les fidèles.  «Je suis crucifié au monde et le monde l’est pour moi.»
2 Cor.  12-10: «C’est pourquoi je me complais dans mes faiblesses dans les outrages, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les angoisses que je souffre pour J.C.; car quand je suis faible, c’est alors que je suis fort.»
1 Cor.  4: «Nous sommes devenus un spectacle au monde, aux anges et aux hommes, nous sommes insensés, nous, à cause de J.C.; nous sommes faibles, nous sommes méprisés.  Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim, la nudité; nous sommes meurtris de soufflets, nous n’avons point de demeure stable; nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains; on nous maudit et nous bénissons; on nous persécute et nous le supportons; on nous accable d’injures et nous répondons par des prières; nous sommes devenus jusqu’à présent comme de l’ordure du monde et les balayures rejetées de tous…»
Voilà ce que Jésus avait prédit à ses Apôtres et cela leur est arrive.  Or il nous prédit les mêmes traitements à nous tous qui voulons le suivre au ciel.  Si cela ne s’accomplit pas pour nous c’est donc que nous avons abandonné de le suivre sur le chemin du ciel.  C’est donc que nous sommes devenus les amis du monde, que nous vivons une vie toute naturelle, puisque les démons ne nous attaquent pas.  Ils ne voient pas que nous nous unissons à la vie surnaturelle de Jésus qu’ils détestent tant.  Voilà pourquoi ils nous laissent tranquilles.  Mais que des fidèles comme des prêtres et des religieux se mettent sérieusement à la suite de Jésus pour reproduire dans leur vie d’une façon concrète la vraie vie divine de Jésus et tout de suite ils verront tout le monde et les démons leur faire la guerre à mort, comme à J.C.  et aux Apôtres.  Qu’un chrétien refuse de fumer, de jouer aux cartes, de s’intéresser aux sports, de ne pas boire, mais d’être tout aux choses de Dieu et il verra ce que le monde lui fera!  Qu’une fille méprise la mode, ne fasse pas usage de poudre ou de couleur, ne fume pas, n’aille pas aux vues ni aux danses, etc., comme une chrétienne devrait le faire et se donne tout aux choses de Dieu et les gens du monde vont lui faire une véritable persécution; se moquer d’elle, la disputer, la dénoncer comme une folle et lui faire la vie aussi amère qu’ils pourront.
Tous ont si peur de cela que c’est justement pour éviter cette persécution que tant de chrétiens suivent les maximes du monde et la vie du monde, au moins d’assez près pour ne pas encourir sa disgrâce et ses moqueries.  Ils veulent bien plaire à Jésus, mais ne pas déplaire au monde.  C’est une attitude de lâche et de païen qui ne peut pas plaire à Jésus.  Ces gens n’ont pas saisi les exigences de la foi ni de notre destinée surnaturelle.  Jésus dit clairement que celui qui n’est pas pour lui est contre lui.  Donc ces gens qui ont peur d’être tout à lui sont contre lui.  C’est pour cela que les démons ne les persécutent pas.  C’est justement cette peur d’être persécuté qui empêche un grand nombre de se donner tout à fait à Dieu et aux choses de Dieu.  outrages dans le prétoire.  Après l’Ecce Homo Pilate mena Jésus en dehors du prétoire en un lieu appelé Lithostrotos où il s’assied sur son tribunal vers la 6ième heure: il dit aux Juifs: «Voici votre roi!» Mais ceux-ci criaient: «Ôtez-le, ôtez-le du monde; crucifiez-le!» Pilate leur dit: «Crucifierai-je votre roi?» Les princes des prêtres répondirent: «Nous n’avons pas d’autre roi que César!» C’était dire que la prophétie qui annonçait la venue du Messie lorsque le sceptre serait sorti de Juda s’accomplissait.  Les Juifs auraient dû s’attendre au Messie puisqu’il n’y avait plus de roi en Juda.  Alors Pilate leur livre Jésus pour être crucifié.  La même scène horrible qui s’était produite après que Caïphe eût décidé sa mort, se répète; ils se jetèrent sur lui, le frappaient de coups, lui arrachaient la barbe, lui enfonçaient la couronne d’épines encore plus et se moquaient de lui comme roi des Juifs.  Ils le tenaient cette fois par la plus haute autorité du pays de sorte qu’il ne pouvait plus leur échapper.

Comme ils le ridiculisaient, l’insultaient et l’injuriaient!  La foule semblait oublier tout le bien qu’il lui avait fait.  Voyant les prêtres si contents de le tenir et de l’abîmer d’insultes et d’outrages, elle les suivit aveuglement et fit comme eux.  Voyons Jésus au milieu de cette foule enragée et complètement abandonné par ses amis: seul!… après avoir fait tant de bien, tant de miracles et se voir rejeté par tout le monde devenu ses ennemis juste au temps où il allait répandre son sang pour eux!  Peut-on imaginer pareil traitement?  Il est exténué par la flagellation et la tête toute endolorie par le couronnement d’épines.  L’abjection complète!  Et renié par son peuple qu’il vient sauver!
Faufilons-nous à travers cette foule et essayons d’approcher de Jésus le plus possible; nous n’avons pas à avoir peur de la foule… elle n’est pas là.  Après l’avoir contemplé quelques minutes, est-ce que nous ne pouvons pas trouver quelques bonnes paroles à lui dire?  Est-ce si difficile de lui exprimer notre profonde douleur de l’avoir offensé et de lui avoir attiré ces châtiments!  Disons-lui que nous sommes les vrais coupables et que nous ne voulons plus pécher jamais, que nous voulons faire pénitence le reste de notre vie pour le soulager d’autant en prenant sur nous-mêmes le châtiment de nos péchés.  Plus que cela, protestons sincèrement de vouloir compenser par notre amour concret, plein de sacrifices pour les péchés de notre vie.  Disons-lui que nous voulons devenir des saints pour l’amour de lui et que nous voulons glorifier sa miséricorde infinie par une vie toute divine avec l’aide de sa grâce.  Si nous aimons Jésus tant soit peu il nous faut expier par nous-mêmes le plus possible notre vie de péché par tous les moyens à notre disposition.  Ce sont nos péchés qui l’ont réduit dans ce pitoyable état.

Par miséricorde pour nous il a pris sur lui sa justice, mais si nous ne l’imitons pas en prenant aussi sur nous la justice divine en faisant pénitence pour nos péchés, la miséricorde n’agira pas pour nous ou très peu.  Pour avoir le courage moral de se mortifier il faut le demander à Dieu avec ferveur exactement comme notre persévérance finale puisque les deux mènent au même but; car c’est notre pénitence qui nous obtiendra la persévérance finale.  Il est certain que nous ne prions pas assez et parce que nous ne voyons pas l’abîme épouvantable que nos péchés ont creusé entre nous et Jésus. 
Nous avons une idée de cet abîme dans les souffrances de Jésus.  Pouvons-nous en supporter de semblables?  Voilà le pont pour couvrir cet abîme: la passion de Jésus.  A nous de le prendre sérieusement!… ils l’amènent au calvaire.
Nous voici rendus au suprême sacrifice de notre divin Sauveur: la sentence est portée et elle va être exécutée avec la même cruauté que tout le reste de la passion.  N’essayons pas d’analyser les sentiments de Jésus, ce n’est pas un fleuve qui coule entre ses rives, c’est un océan de maux et de douleurs qui déborde de son âme humiliée jusqu’à la limite.  Ecoutons la prophétie de Jérémie dans ses lamentations, 1-12: «O vous tous qui passez par le chemin regardez et voyez s’il est une douleur semblable à la mienne, moi que Yahweh a frappé au jour de son ardente colère.  D’en haut il a lancé dans mes os un feu qui les dévore»… puis, 3-53: «Ils m’ont donné la chasse comme à un passereau ceux qui me haïssent sans cause.  Ils ont voulu anéantir ma vie dans la fosse et ils ont jeté une pierre sur moi.  Les eaux montaient au-dessus de ma tête, je disais: je suis perdu.»
Assistons à ce départ terrible pour Jésus.  Après lui avoir ôté le manteau d’écarlate, ils lui remettent ses vêtements, puis le chargent de sa croix selon la coutume des crucifiés, qui devaient porter leur croix.  De véritables enragés l’entourent de toutes parts, se moquant de lui et l’insultant de toutes façons.  Le tout petit groupe des amis composé de la Ste-Vierge, de quelques femmes et de St-Jean évidemment ne peuvent approcher de lui à cause des ennemis qui ne le permettent pas, mais ils le suivent comme ils peuvent.  Ils sont absolument impuissants à l’aider ou à le consoler.
Enfin le cortège se met en branle: le centurion marche en tête avec ses soldats et l’un porte le titre de sa condamnation:
Jésus de Nazareth roi des Juifs. 
Une foule de curieux venus en grand nombre à la fête de Pâque le suit sans aucune sympathie pour lui; ce sont des étrangers de fait ou qui agissent comme tels pour le moment.  Un bon nombre étaient de ceux qui complotaient sa mort et qui ont vociféré pour le faire crucifier: on comprend qu’ils soient contents de leur coup.  Voilà l’heure que Jésus a désiré ardemment comme il le disait la veille: il a hâte d’accomplir son sacrifice pour sauver ces tigres qui le dévorent vivant!  Il a hâte de donner son sang pour nous tous afin de nous avoir avec lui dans le ciel!  pour nous faire participer à la vie intime de la Trinité!  Comment comprendre cet amour divin?  Est-ce possible que sous les crachats qu’on lui lance à la face il médite de manifester sa gloire céleste et sa face adorable que les chrétiens contemplent avec un bonheur ineffable?
Il veut inonder de délices ceux qui l’inondent d’injures et de moqueries!  Il veut laver dans son sang nos souillures à nous tous pour nous permettre de pénétrer les trésors infinis de sa sagesse divine.  Essayons de nous faire une idée de son amour qu’il nous montre d’une façon si réelle en prenant sa croix pour aller mourir crucifié.  Entendons-le nous dire: Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce lui-même tous les jours, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive!» Ce n’est donc qu’en portant notre croix que nous suivons Jésus; c’est une condition absolument nécessaire donc pour arriver au ciel avec Jésus où il s’en va.  Remarquons que Jésus ne parle jamais du portement de croix «in se», mais en nous; qu’il porte sa croix; non pas qu’il approuve le portement de la croix «en soi», mais en luimême.  Jésus ne parle jamais dans l’abstrait, mais toujours dans le concret et bien pratique.  Ce n’est pas lui qui s’arrêterait à la philosophie de la religion.  Mais il prend toujours le point de vue vraiment théologique, c’est-à-dire, dans le coeur ou en rapport avec notre salut éternel en Dieu.  Comme les philosophes doivent être mal à l’aise devant Jésus portant réellement sa croix et nous disant de faire comme lui!  Ce n’est pas sans intention que Dieu a placé les choses de manière que Simon de Cyrène porte la croix de Jésus.  Il n’y a pas de doute que Jésus aurait pu la porter tout seul jusqu’au bout, mais il voulait nous donner une leçon de chose.  Jésus veut nous faire comprendre justement ce que nous venons de dire: qu’il nous faut porter notre croix à sa suite.  Simon pratique l’idée que StPaul nous donne en disant qu’il accomplit ce qui manque à la passion de Jésus, dans ce sens que ses membres doivent partager sa passion dans la mesure où ils sont ses membres.  Qu’on ne prenne jamais le sens protestant de cette idée que les souffrances de Jésus nous dispensent de souffrir nous-mêmes.  Ce n’est pas vrai.  Mais ce que les souffrances de Jésus font c’est de rendre les nôtres acceptables à Dieu, car sans Jésus elles ne le seraient jamais.
Jésus parle aux filles de Jérusalem. 

Plusieurs femmes de Galilée et d’autres de Jérusalem et des environs suivaient en pleurant le cortège lugubre, quand Jésus se retourna et leur dit: «Ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et vos fils.  Car voici que des jours s’en viennent dans lesquels on dira: Heureuses les stériles et les entrailles qui n’ont point enfanté et les mamelles qui n’ont point allaité!  Alors on se mettra à dire aux montagnes: Tombez sur nous et aux collines: couvrez-nous; car si on traite ainsi le bois vert, que ne fera-t-on pas au bois sec?» Jésus veut donc que nous pensions plus à nos péchés pour les regretter en pleurant que de sympathiser avec lui dans ses souffrances qui sont causées par nos péchés.  Nos larmes de contrition passent donc avant nos larmes de compassion.  C’est important de savoir cela pour bien méditer et contempler la passion de Jésus.  N’oublions pas que c’est Dieu qui nous avertit que nous serons traités encore plus sévèrement que lui!  Quelle pensée terrible!  Nous ne voulons rien souffrir en ce monde; nous gardons tout pour l’autre monde.  Car le fait d’oublier nos péchés ou de ne pas les considérer comme sérieux ne change rien pour le jugement de Dieu; il sera terrible d’après ce qu’il a infligé à Jésus.  Cet avertissement de Jésus au moment de sa mort devrait produire des effets dans notre conduite.  Il faut à tout prix que nous expions nos péchés par la pénitence concrète.  Qu’on nous laisse la paix avec ces distinctions entre pénitence intérieure comme essentielle et pénitence extérieure.  Ce sont des philosophes qui distinguent de la sorte, ce n’est pas Jésus.  Quand même ces distinctions sont vraies, elles ne sont pas du tout pratiques.  Quand on a le coeur brisé de douleur d’avoir offensé Dieu, on se punit dans le concret et ces deux pénitences ne se distinguent plus.  L’une est la cause de l’autre, mais à quoi bon parler d’une cause séparée de son effet, ou de l’effet sans cause; cela n’existe pas dans la nature, mais seulement dans les esprits des philosophes.  Certains prêtres croient faire merveille en insistant sur la pénitence intérieure et d’autres sur la pénitence extérieure; ce sont des prêtres trompés par le diable tout simplement.  On ne sépare pas Jésus de la croix comme ont fait les protestants… et les philosophes qui les imitent, mais on laisse Jésus attaché à la croix.  L’Eglise catholique nous a transmis non pas la croix seule comme les Anglicans, mais J.C.  attaché au crucifix.  Eh bien, que tout chrétien fasse de la pénitence tout court sans distinction!  Qu’il jeûne pour souffrir un peu pour expier ses péchés.  Demandons à Dieu d’être concret et pratique dans ce portement de notre croix ou de nos croix à la suite de Jésus.  Intéressons notre bonne Mère pour nous obtenir cette grâce par toutes ses propres douleurs qui étaient bien concrètes et vécues, Que tous les martyrs intercèdent pour nous…

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